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Séquences La revue de cinéma

Household Saints Mario Cloutier

Number 169, February 1994

URI: https://id.erudit.org/iderudit/59484ac

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Publisher(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital)

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Cite this review Cloutier, M. (1994). Review of []. Séquences, (169), 43–44.

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Si Haislip, le message du cinéaste s'articule on avait pu croire que le réalisateur de JFK clairement: «Tu es née pour devenir une avait finalement appris une chose ou deux merveilleuse épouse et mère de famille, sur le cinéma, notamment sur l'art du pas pour combattre.» montage, avec son dernier réquisitoire Tout cela n'enlève rien au mérite de la politique, on s'aperçoit vite dans Heaven jeune Hiep Thi Le dans le rôle principal, and Earth que le Claude Lelouch des son premier et probablement dernier au Américains se porte toujours bien. À la fois cinéma puisqu'elle n'a, semble-t-il, pas réductrice et grandiloquente, la conclusion vraiment apprécié l'expérience. de sa trilogie vietnamienne rate complè­ Également, il faut saluer le travail de Joan gloire et qui sait où il s'arrêtera. S'il en Hiep Thi Le et Tommy Lee Jones tement la cible, tout en posant de sérieuses Chen, méconnaissable dans le rôle de sa revient un jour, peut-être aura-t-on enfin questions sur les véritables intentions de mère. Leurs performances ne réussissent droit à nouveau à des sujets plus son auteur. toutefois pas à faire passer l'émotion, pas personnels et moins prétentieux comme Après le point de vue du simple soldat plus que la narration en voix off. Tout cela Salvador et Platoon. dans Platoon et celui du vétéran est passé à la moulinette Stone qui Mario Cloutier désillusionné dans Born on the Fourth of privilégie le spectaculaire et l'action aux July, Oliver Stone raconte, dans Heaven dépens de l'intimité et de l'introspection. and Earth, l'histoire véridique d'une Le seul véritable moment touchant survient HEAVEN AND EARTH (Le Ciel et la Terre) - paysanne vietnamienne marquée par le lors du monologue de Tommy Lee Jones Réal.: Oliver Stone — Scén.: Oliver Stone d'après When Heaven and Earth Changed Place en soldat repenti, un personnage qui se destin. Le Ly Hayslip connaîtra la de Le Ly Haislip et Jay Wurts et Child of Warm, pauvreté, la prison et la torture lors de la rapproche plus de l'expérience du Woman of Peace de Le Ly Haislip et James guerre dans son pays, avant d'épouser un cinéaste. Haislip — Phot.: Richard Richardson — Mont.: Américain qui lui ouvrira les portes du Dans l'esprit réducteur d'Oliver Stone, David Brenner, Sally Menke — Mus.: Kitaro — Son: Bill Daly — Dec: Victor Kempster — heaven made in USA. Elle se heurtera au tout le monde a été plus ou moins victime Cost.: Ha Nguyen — Int.: Tommy Lee Jones racisme des uns et à la violence de son de cette guerre inutile. Comme le dira (Sgt. Steve Butler), Joan Chen (Mama), Haing S. mari, avant de devenir une femme l'héroïne: «couleurs de peau différentes, Ngor (Papa), Hiep Thi Le (Le Ly), Debbie d'affaires avertie et de retourner fouler le même souffrance.» À la différence, Reynolds (Eugenia), Dustin Nguyen (Sau), sol de ses ancêtres. qu'inconsciemment, le film rend compte Conchate Ferrell (Bernice), Vivian Wu (Madame Lien), Dale Dye (Larry) — Prod.: Oliver Stone, Dès les dix premières minutes de ce d'un fait irréfutable: plusieurs Américains Arnon Milchan, Robert Kline, A. Kitman Ho — film au propos simpliste, le spectateur sait sont allés et revenus du Viêt-nam comme États-Unis — 1993 — 136 minutes — Dist.: ce que lui réservent les deux autres heures certains font un voyage dans le sud. Un Warner Bros. de projection. Une petite musique périple avec le Club Aventure en quelque folklorique et un aperçu de la rustique vie sorte qui promet l'exotisme, des femmes à paysanne sont vite remplacés par des volonté et juste assez de risques pour Household Saints images somptueuses de la campagne rendre l'expérience inoubliable. De retour vietnamienne accompagnées par un thème aux États-Unis, le récit réussit par ailleurs à Mew York, 1949. Une vague de musical pompeux, composé par le très nous amuser quelque peu avec une satire chaleur intense submerge les habitants de limité Kitaro. Dès lors, Oliver Stone nous bien sentie sur la surabondance améri­ la Petite Italie. Ce qui ne saurait empêcher refait le coup de l'enfilade de coquilles caine, mais cela sombre très vite dans la les commères de jaser et les hommes de vides, supportées par un traitement grosse caricature d'obèses attardés. Plutôt boire en jouant aux cartes. À court de fric, superficiel et insensible. On reconnaît bien facile... Lino Falconetti mise et perd sa fille unique là l'auteur de l'affligeant The Doors, un On a souvent l'impression que la au boucher du quartier, le beau Joseph cinéaste dont le manichéisme et le principale ambition d'Oliver Stone est de Santangelo. Catherine et Joseph auront une symbolisme primaires prennent les raconter toute l'Amérique, de Wall Street fille, Teresa, qui, au grand dam de ses spectateurs pour de vulgaires nigauds. à la musique rock et aux années 60. Il parents, se jettera dans les bras de Jésus Dépourvu de toute sensibilité cherche à tout dire, à joindre le ciel et la comme nulle autre. Voilà le résumé du féminine, le réalisateur rate lamenta­ terre, l'esthétique et l'idéologique dans troisième film de la réalisatrice américaine, blement le rendez-vous avec son héroïne. l'épique et le mythique. Il aura beau Nancy Savoca, Household Saints. Une De viol en tentative d'avortement et de affirmer en entrevue qu'il déteste ceux qui oeuvre sensible et mûre qui saisit l'essence torture en prostitution, le film nous sert simplifient tout, lui-même, pour rendre de l'Amérique de l'après-guerre, la tout un amalgame de clichés sur la femme intelligible ses contenus pseudo­ moderne, celle qui idolâtre de faux dieux victime, faible, mais toujours attirante. La progressistes, coupe court à toute forme de et qui troque définitivement le spirituel femme sauvée in extremis avec ses enfants réflexion et ne sert que du tout cuit, des pour le matériel. par le futur mari qui vient du ciel en repas surgelés en somme. Or, le pauvre En artiste intelligente et lucide, Nancy hélicoptère. La femme-objet, maltraitée homme possède autant de sensibilité et de Savoca se garde toutefois de juger les uns par des méchants dans le récit, mais aussi subtilité qu'un gérant de restaurant rasf- ou les autres. Elle se contente d'observer exploitée par le cinéaste qui n'hésite pas à food. Il est malheureusement parti pour la un monde en bouleversement, une époque

No 169 —Février 1994 43 qu'elle connaît bien, elle qui est née d'une que tu crois, qu'on est au cinéma?» Croire s'imagine l'avoir de son côté et, pouf!, le union argentino-sicilienne, un mélange c'est voir, au cinéma comme dans la foi vent tourne et le résultat peut mener loin. plus que catholique. Cela donne un film catholique. Dans une scène savoureuse et Les deux héros de The Music of Chance des plus personnels, plongeant tête touchante, Teresa converse avec Jésus qui l'apprendront à leurs dépens. première vers un sujet pas très à la mode, lui est apparu pendant qu'elle repasse les Au volant de sa voiture, Jim Nashe la sainteté. Il y a pourtant un martyr qui chemises de son petit ami. Et ce Jésus, croise sur une route déserte un homme qui sommeille en chacun de nous, nous dit manière années 60 et comédie musicale titube, l'air plutôt mal en point. Son visage Nancy Savoca. Nous aspirons tous à la Hair, de procéder à la multiplication des et ses vêtements sont ensanglantés. Nashe sainteté comme la petite Thérèse de chemises pour cette charmante croyante. le prend à son bord et, au fil de la En ce sens, le film de Nancy Savoca conversation, il apprend que son passager, rejoint le Mac de John Turturro, en Jack Pozzi, est un joueur de cartes apportant un nouvel éclairage sur la vie au professionnel à qui on vient de dilapider sein de la communauté italo-américaine. les gains de toute une nuit de jeu. Or, il Un regard empreint de tendresse qui destinait cet argent à une importante partie s'éloigne du cinéma des prédécesseurs et de cartes avec ce qui lui paraît être deux modèles, Scorcese et Coppola, pour mieux naïfs, plumés par lui peu de temps cerner la réalité des petites gens. A mille auparavant, qui lui ont proposé une lieux des clichés sur la mafia et des autres revanche chez eux. Somme minimale stéréotypes hollywoodiens, Nancy Savoca pour cette partie: dix mille dollars que, ne tente pas tant de dénigrer la religion bien entendu, Pozzi ne possède plus. catholique, que de la comprendre, en s'en Mais il semble tellement sûr de pouvoir Lily Taylor et Lisieux ou son admiratrice dans le film, saisissant comme on revient tôt ou tard à gagner haut la main que Nashe propose de Teresa, qui dira: «Je n'ai pas été criblée de un passé demeuré incompris. La cinéaste lui avancer, contre la moitié de ses gains, flèches, mais je peux faire ceci, je peux pose avec assurance sa pierre à elle dans cette somme, dernier reste d'un héritage frotter, je peux laver. Je peux, moi aussi, l'érection d'une nouvelle mosaïque italo- sur lequel il a vécu depuis un an en devenir une sainte. C'est possible.» américaine, plus humaine, personnelle, sillonnant les routes au gré de sa fantaisie. La sainteté dans la simplicité. Simple sympathique et émouvante. En un mot, Marché conclu, mais le résultat s'avère comme cette manière que possède la vraie! être très loin de leurs attentes. cinéaste d'imposer un style tout en Au générique, on remarquera le nom The Music of Chance a été adapté du nuances. Un style où tous les détails ont de comme producteur livre du même titre du romancier leur importance, du gros plan d'un cornet exécutif. C'est bien là le réalisateur du américain, Paul Auster, qui se spécialise de crème glacée fondante jusqu'à celui de Silence des agneaux, mais aussi celui de dans le non réalisme. Cette histoire nous la préparation de la saucisse traditionnelle Cousin Bobby, un documentaire sur un entraîne dans une logique narrative très italienne, en passant par les récurrentes prêtre qui travaille à Harlem, une sorte de cohérente mais tout à fait inattendue. On plongées aériennes sur les humains, d'un saint moderne. Demme avait produit le ne sait plus si on est plongé dans point de vue, pourrait-on dire, céleste. premier film de Nancy Savoca, True Love, l'onirisme, frôlant souvent le cauchemar, Cela n'empêche en rien le film et a fait des pieds et des mains pour ou dans l'absurde total. Cette incertitude d'utiliser un humour fin qui sympathise trouver le financement pour celui-ci. Fort et l'originalité de cette aventure aiguisent avec d'attachants personnages, surtout les louable initiative. Un saint homme quoi! en fait la curiosité et rivent le spectateur à féminins, interprétés par un trio hors pair Mario Cloutier son siège, car bien malin celui qui en composé de Judith Malina en grand-mère devinera la fin. Il ne s'agit pas d'un film sévère et dévote, dans le d'action mais bien d'un suspense où rôle de la mère réaliste et l'admirable Lili HOUSEHOLD SAINTS - Réal.: Nancy Savoca régnent le non-dit et le sous-entendu: un Taylor dans celui de sa fille qui veut aussi — Scén.: Nancy Savoca et Richard Guay cas patent de causes à effets. d'après le roman de Francine Prose — Phot.: donner sa vie à Dieu. La mère aura eu Bobby Bukowski — Mus.: Stephen Endelman — On a beau se laisser prendre, le plaisir beau se débarrasser de tout un attirail Mont.: Beth Kling — Dec: Karen Wiesel — à suivre cette histoire serait augmenté si les décoratif religieux à la mort de la grand- Cost.: Eugenie Bafaloukos — Son: William scénaristes Paul et Belinda Haas en avaient mère, cela n'empêchera pas sa fille de se Sarokin — Int.: Tracey Ullman (Catherine mieux développé certains éléments. Le Falconetti), Vincent d'Onofrio (Joseph les réapproprier par pur atavisme. passé de Nashe se révèle par bribes, mais Santangelo), (Teresa), Judith Malina L'humour de Household Saints repose (Carmela Santangelo), Michael Rispoli (Nicky jamais assez pour qu'on comprenne notamment sur quelques envolées Falconetti), Michael Imperioli (Leonard vraiment son personnage, alors que tout fantastiques ou auto-référentielles à la Villanova), Rachel Bella (Teresa, jeune) — pivote autour de lui. Cela n'est Prod.: Richard Guay et Peter Newman — États- Fellini. La nuit de noces des parents de certainement pas dû au jeu de Mandy Unis — 1992 — 124 minutes — Dist.: Teresa provoque l'hilarité en mêlant AllianceA'ivafilm. Patinkin qui en fait un homme posé, septième ciel orgastique avec ascension sensible, intègre et surtout crédible. En céleste. Impossible également d'ignorer la outre, beaucoup d'importance est donnée présence dans le récit de la cinéaste un à une maquette géante d'une ville, peu plus loin avec cette réplique de la The Music of Chance reflétant les événements marquants dans la grand-mère au père désireux d'assister à N'existe-t-il rien de plus aléatoire vie de Willie Stone, son constructeur, et de l'accouchement de sa femme: «Qu'est-ce que la chance? Surtout au jeu. On son partenaire Bill Flower, les hôtes de la

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