GYÖRGY KURTÁG PALAIS GARNIER [ NOVEMBRE [YZY GYÖRGY KURTÁG parvient à trouver son propre style. Il même qu’il n’existe pas d’harmonie travaille alors la composition avec préétablie. Darius Milhaud et Olivier Messiaen, Les poètes, tout au long de sa trajec - et fait la rencontre décisive de la toire créatrice, ont été les alliés sub - psychologue Marianne Stein, qui l’ai - stantiels du compositeur : ses cycles dera à se trouver lui-même. De retour vocaux forment une continuité cen - à Budapest, il publie un premier qua - trale à l’intérieur de son œuvre. À la tuor à cordes, son opus 1 (il a trente langue hongroise de Bornemisza, pré - deux ans). Il exerce alors comme répé - dicateur du XVI e siècle, Gulyás, Bálint, titeur au Philharmonique national Pilinszki (qui fut un ami), Tandori et de Budapest et devient professeur Attila József, qui marquent une pre - de et de musique de chambre mière période, s’ajouteront les poèmes à l’Académie Franz Liszt, où il for - en langue russe de Rimma Dalos et mera de nombreux interprètes de haut Akhmatova surtout, mais aussi de Ler - vol, tel Zoltán Kocsis par exemple. Loin montov, Blok, Essénine, Mandelstam, des centres musicaux de l’ouest euro - Tsvétaïeva, puis ceux en langue alle - péen, il élabore en solitaire une œuvre mande de Kafka, Hölderlin et Lichten - originale, à l’écart des critères de la berg, enfin, la confrontation avec les musique nouvelle. L’exécution de son textes de Beckett (en plusieurs langues). György et Márta Kurtág au piano. cycle vocal Bornemisza Peter mondá - Cet élargissement linguistique et géo - Saint-André-de-Cubzac, avril 2010. Photo : © Benjamin Chelly sai (Les Dits de Peter Bornemisza , 1963- graphique, qui n’est pas ici exhaustif, 1968) à Darmstadt n’attire guère accompagne le rayonnement tardif Né en 1926 dans la ville roumaine l’attention sur lui, la combinaison voix d’une œuvre qui dut attendre les de Lugoj, György Kurtág a étudié le et piano paraissant sans doute trop années soixante-dix pour être vérita - piano auprès de Magda Kardos et la traditionnaliste. De fait, la musique blement reconnue sur le plan interna - composition avec Max Eisikovits dès de Kurtág vise moins l’innovation en tional. C’est avec les Messages de feu 1940 à Timisoara. Il part ensuite pour soi qu’une forme d’expressivité pro - demoiselle R.V. Troussova (1976-80), Budapest où, à l’Académie Franz Liszt, venant de son monde intérieur, où se commandés par l’Ensemble intercon - il étudie la composition avec Sándor condensent tous les aspects de son temporain, que Kurtág se révéla au Veress et Ferenc Farkas, le piano avec propre vécu et un imaginaire traversé monde musical occidental. On décou - Pál Kadosa, la musique de chambre par des affects contradictoires. C’est vrit au même moment ses cahiers péda - avec Leó Weiner. Il y fait la connais - ainsi que les œuvres prennent la forme gogiques pour le piano, Játékok (Jeux ), sance de György Ligeti, avec lequel il de messages ou d’hommages (ce sont commencés en 1973, lesquels renou - développera une amitié profonde dont aussi des « exercices d’admiration »), vellent l’apprentissage de l’instrument. témoignent les deux textes qu’il lui a mettant en résonance tout un cercle À partir des années quatre-vingts, ses consacrés, et rencontre sa future d’amitiés et de relations privilégiées. pièces sont le plus souvent créées en épouse, Márta, qui sera, pour les La recherche de la note juste ne s’ap - Allemagne, et le compositeur s’installe soixante-quatre ans à venir, la com - puie pas sur des schémas ou des sys - pour des résidences à Berlin (de 1993 plice fidèle, l’interlocutrice privilégiée tèmes, mais sur la vérité de ce qui a à 1995), aux Pays-Bas (de 1996 à 1999), (toutes ses œuvres seront discutées été ressenti, fût-ce confusément : puis à Paris, avant de s’installer – à avec elle). elle donne lieu à un véritable corps- l’écart, significativement – près de Les premières compositions de Kurtág à-corps, dont l’intensité de la musique Bordeaux. Les commandes et les prix sont encore marquées par le modèle témoigne. Des sonorités acides, vio - internationaux témoignent de cette bartokien, bien qu’elles adoptent aussi lentes, déchirantes, et même triviales reconnaissance tardive. un ton personnel, comme on peut le cohabitent avec d’autres d’une Mais celle-ci ne modifiera en rien sa constater à l’écoute du Concerto pour extrême douceur, rêveuses, mélan - démarche. Les formes miniatures sont alto de 1953-54. Toutefois, ce n’est que coliques, exaltées. Mais entre ces ainsi poussées jusqu’à l’extrême dans lors d’un séjour à Paris en 1957-58 qu’il extrêmes, il n’y a pas de transition, de des cycles vocaux apparentés mais

2 Programme pourtant très différenciés: dans les de l’ensemble (toute une vie y est sym - Extraits des Játékok (Jeux ) Kafka-Fragmente pour soprano et bolisée) ; c’est encore plus vrai dans et Transcriptions violon (1985-87), l’organisation frag - la Colind a˘ Balad a˘, qui prend sa source Márta Kurtág et György Kurtág , mentaire atteint paradoxalement les dans les contes populaires, le récit, par piano droit avec super-sourdine dimensions de la grande forme ; dans le chœur, s’appuyant sur une écri - et sonorisation les Hölderlin-Gesänge , puis dans ... pas ture harmonique qui confère à l’œuvre entracte à pas – nulle part... sur des textes de une unité de ton rare dans la musique Beckett, et dans les aphorismes de de Kurtág. Colin d˘a-Bala d˘a Lichtenberg, trois œuvres modulables, pour chœur mixte, ténor solo et la voix se présente quasi seule, dans Philippe Albèra ensemble instrumental, opus 46 * sa fragilité même, la forme d’ensemble étant subsumée par l’intensité de Quatre Poèmes d’Anna Akhmatova chaque moment, au point que certains pour soprano et ensemble, opus 41 ** chants ne sont même plus destinés au Editio Musica Budapest publie (* et ** : créations en France) concert. Il en va de même avec les les œuvres de György Kurtág www.emb.hu pièces de piano regroupées dans les Natalia Zagorinskaia , soprano derniers volumes de Játékok (à partir Ovidiu Daniel , ténor du cinquième) et, dans une certaine Chœur de la Philharmonie de Cluj mesure, de la série des quatuors à Ensemble Musikfabrik cordes jusqu’aux Six Moments musi - Cornel Groza *, direction caux composés entre 1999 et 2005 : ils Olivier Cuendet **, direction forment une constellation de mes - sages personnels et dessinent le pay - sage mental du compositeur, un Réalisation sonore pour Extraits des labyrinthe dont les parois sont recou - Játékok (Jeux ) : György Kurtág Junior, vertes de signes étranges et de visages Miklós Lengyelfi aimés. Face à de tels recueils, dont les Messages pour chœur et orchestre, Coproduction Opéra national de composés dans les années quatre- Paris ; Festival d’Automne à Paris vingt dix, sont le moment le plus para - doxal – un point de rencontre entre Durée : 70’ plus entracte la miniature et la grande forme –, Kurtág explore parallèlement une autre voie. Dans les œuvres chorales, comme dans certaines œuvres instru - mentales ( Double concerto, Stèle , Avec le concours de la Sacem ... concertante... , Hipartita ), la musique En octobre 2009, les Éditions Contre - apparaît dans une ampleur toute autre. champs ont publié Entretiens, textes, Avec le soutien de Mécénat Musical Société Générale Des développements à plus ou moins dessins de György Kurtág. Ce volume grande échelle instaurent une certaine rassemble les trois entretiens menés Avec le soutien de Guy de Wouters continuité et une plus grande homo - par Balint Andras Varga, 1982–1985, En association avec le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie généité. La dimension narrative qui, 1996, 2007–2008, les deux hommages dans bien des œuvres, était conden - – laudatio – à György Ligeti, 1993 et sée à l’extrême, se déploie désormais 2007, divers textes ( Játékok ), fac-similé dans un temps plus ample, comme de partitions et dessins ainsi qu’une France Musique enregistre ce concert c’est le cas dans les Poèmes d’Akhma - bibliographie et le catalogue des Diffusion le 6 décembre 2010, 20h tova , à l’intérieur de chaque morceau œuvres du compositeur. comme dans la disposition formelle www.contrechamps.ch Photo couverture : Benjamin Chelly

3 Extraits des Játékok (Jeux) Colin d˘a-Bala d˘a, opus 46 et Transcriptions pour chœur mixte, ténor solo et ensemble instrumental, opus 46 pour piano droit avec super-sourdine et sonorisation

Béla Bartók : Canon à la quinte Composition : 2006 – 2008 inférieure (Mikrokosmos, Effectif : ténor solo, 2 chœurs mixtes et ensemble premier volume) * (alto, violoncelle, clarinette en si b, clarinette basse, cor en fa , Johann-Sebastian Bach : Das alte trompette en do , et percussion) Jahr vergangen ist, BWV 614 * Création : Chœur de la Philharmonie de Cluj, direction Cornel Groza, le 29 mars 2009 à Cluj. Consolation sereine Dédiée à Félicien Brïnzeu Versetto Nœuds Antienne en fa dièse Hymne apocryphe (à la manière d’Alfred Schnittke) In Memoriam Andras Mihaly Johann-Sebastian Bach : Gott, durch Deine Güte, BWV 600 * Lamentation * Chanson (1947) Pensées futiles sur la basse Alberti Hommage à M. K. Merran’s Dream – Caliban detec - ting – rebuilding Mirranda’s Dream Esquisse pour “Hölderlin” de Janos Pilinszky * Johann-Sebastian Bach : Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit, Sonatina de la Cantate n°106, Actus tragicus * )

* à quatre mains g á t r u K

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4 Texte de la « colinda » (chant de Noël) recueillie par Béla Bartók le 26 décembre 1913, dans le village de P˘aucinesti (Hunedoara), d’après le récit de Petr u¸t D ˘abucean.

Plecat-o, plecat(u). Ca s ă-m ĭ fi mireas ă. Le puissant soleil Puternicu soare, Ana Sânziana Scruta ses pensées. Io ĭ Domnulu ĭ Doamne ! Ĭè din gra ĭ gr ăĭ è: L’échelle se fit Că el să să ’nsoare. - Puternicu soare Le soleil grimpa Şi el cât umblare Şĭ-al m ĭeŭ fr ăţioare, Atteignant le ciel V’ optsprezece anĭ Atunc ĭţĭ-o ĭ fi ţie Jusqu’à père Adam Pĕ’-optsprezece caĭ, Eŭ ţie soţie Jusqu’à mère Ève. Noŭă caĭ murĭè Pân ă la vecie, Mon cher père Adam, Noŭă s’ obosè, Când tu mi î ĭ face Je viens jusqu’à vous Soaţă nu- şĭ găsè Tot on pod dĕ-argint Poser une question : Pân’ pă soră sa, Tot p ăst ăpământ, Serait-ce bien ainsi, Ana Sânziana Şi ’n cap ăt de pod o Dans le monde d’ici, Sora soareluĭ. Nalt ămănăstire Qu’une sœur épouse son frère, Puternicu soare Şĭ-on pop ă de c ĭar ă Qu’un frère épouse sa sœur El din graĭ grăĭè: Cum nu e pe lumea: D’amour, dans ce monde ? - Ţese, Ano, ţese Ala ne cunune. Alors père Adam Fir şi ibri şin, Puternicu soare Avec mère Ève Haĭne de mătasă, Cu gându-mi gândè, Attachèrent le soleil Ca s ă-m ĭ fi mireas ă. Podu s ăfăcè. Le jetèrent en enfer. Iè din graĭ grăĭè: L’enfer s’éclaircit, - Puternicu soare, De mân ă lua Le monde s’obscurcit. Şĭ-al mĭe ŭ frăţioare, Tot pe sor ă-sa, Alors père Adam Atunci ţi-oĭ fi ţie Pă pod îm ĭ pleca. Avec mère Ève, Eŭ ţie soţie Soarele-m ĭ pripè, Quelles pensées leur vinrent ? Pân ă la vecie, Popa s ă topè. Ils prirent le soleil Când tu mi î ĭ face Et le libérèrent. O scar ă de f ĭer Dumnezeul mi-l lŭa, Le soleil retourna Din fundul de m ărĭ Pă cer mi-l punè, Auprès de sa sœur : Pân’ la naltul cer ĭ, Când luna r ăsere, Tisse, Ana, tisse Pân’ la mo ş Adam Soarele apune. Pour moi une chemise, Şi la moa şa Eva, Fil à coudre, fil à broder, Şi mi- ĭ întreba: Des habits de soie Fi-o bin’ a şa, Il s’en est allé Pour toi, ma promise. Pă lume s ăĭè Le puissant soleil Ana Sânziana O sor ă cŭ-on frate, Refrain : Ô, Seigneur, mon Dieu ! Parla et lui dit : Şĭ-on frate cŭ-o sor ă, Pour se marier. Puissant soleil, Pă lume de dor? Mon p’tit frère aimé, Puternicu soare Pendant qu’il errait, Je serai ton épouse Cu gând îm ĭ gândè. Quelque dix-huit ans Pour l’éternité Scara s ăfăcè Sur dix-huit chevaux, Quand tu me feras Şi mi s ă su ĭè Neuf chevaux moururent Tout un pont d’argent Pân’ la naltul cer ĭ Neuf s’épuisèrent, Autour de la terre, Pân’ la mo ş Adam Point trouva d’épouse Et au bout du pont Şi la moa şa Eva. Si ce n’est sa sœur, Un haut monastère – Drag ă mo ş Adame, Ana Sânziana Puis un pope en cire Vin la întrebare Sœur du soleil. Comme nul n’en a vu Tot pe Dumneatale: Le puissant soleil Que ce soit lui qui nous marie ! Fi-o bin’ a şa Ainsi parla et lui dit : Le puissant soleil Pă lume s ăĭè Tisse, Ana, tisse Scruta ses pensées O sor ă cŭ-on frate Fil à coudre, fil à broder, Et le pont se fit. Şĭ-on frate cu-o sor ă Des habits de soie Pă lume de dor? Pour être ma promise. Le soleil prit Iar ă mo ş Adam Elle parla et lui dit : Sa sœur par la main Şi cu moa şa Eva Puissant soleil, Et le pont franchit. Pă soare-I lega Mon p’tit frère aimé, Le soleil brilla, Şi’n ĭad mi-l b ăga. Je serai ton épouse Le pope fondit. Iadul lumina, Pour l’éternité Lumea ’ntuneca. Quand tu me feras Dieu le père le prit Ĭar ă mo ş Adam Une échelle en fer Dans le ciel le mit. Şi cu moa şa Eva Qui du fond des mers Depuis lors c’est ainsi Ce s ă ma ĭ gândè? Atteindra le ciel, Que la lune s’éveille Pă soare-l scotè, Jusqu’à père Adam, Quand s’endort le soleil. Ĭar mi-l slobozè. Jusqu’à mère Ève, Şi el s ă ducè Et tu leur demanderas : Serait-ce Pân’ la sor ă-sa: bien ainsi, – Ţese Ano, ţese Dans le monde d’ici, Ca s ă-m ĭ facĭ c ămĭeşe Qu’une sœur épouse son frère, Fir şi ibri şin, Qu’un frère épouse sa sœur Ha ĭne de m ătas ă, D’amour, dans ce monde ? Traduction du roumain, Corina Ciocârlie 5 Quatre Poèmes d’Anna Akhmatova pour soprano et ensemble, opus 41

1. Pouchkine 2. A Alexander Blok 3. Dirge 4. Voroneje

Composition : 1997–2008 Effectif : soprano solo et ensemble (flûte, hautbois, 2 clarinettes en si b, 2 cors, 2 trompettes, 2 , cymbalum, harpe, célesta, piano droit, violon, contrebasse, percussions) Texte : Anna Akhmatova (russe) Création : 31 janvier 2009, New-York (Carnegie Hall) Natalia Zagorinskaia, soprano et UMZE Ensemble. Peter Eötvös, direction L’opus 41 est dédié

à Natalia Zagorinskaia ) g á t Chaque Poème porte une dédicace r u K

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particulière : g r ö 1. À Natalia Melnikova y G

n o 2. À Zina i t c e l 3. À Papp Márta l o C (

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4. À Rimma Dalos l â B

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n o i t a d n o F

Anna Akhmatova

. Née en 1889 à la Grande-Fontaine, ans et entraîne de régulières arresta - R

. D sur les bords de la Mer noire, Anna Akh - tions et réclusions de son fils entre © matova passe sa jeunesse à Tsarskoïe 1935 et 1956, Akhmatova vit à Lénin - Selo, résidence d’été des souverains grad, Moscou et surtout Tachkent, lors russes, près de la Baltique. Avec la Pre - de la Seconde Guerre mondiale, décri - mière Guerre mondiale, « en une heu - vant la détresse du peuple russe et re de temps, nous avons vieilli de cent sa résistance aux nazis. Mais en 1946, ans », écrit-elle le 1 er août 1914. Ses vers Akhmatova est exclue, avec blâme, de tendres, lyriques et mystérieux cèdent l’Union des écrivains soviétiques. Pro - bientôt la place à une « conscience ter - gressivement réhabilitée, elle est nom - rible » et à un destin marqué par les mée Présidente de l’Union de écrivains persécutions ou le suicide de nombre à 75 ans. Elle meurt en 1966 à Domo - de ses proches. Divorcée de Nicolas dedova, près de Moscou. Goumilev, dont l’exécution en 1921 la contraint au silence près de vingt

6 Quatre Poèmes d’Anna Akhmatova Анна Ахматова - Четыре стихотворения

1. ПУШКИН C. POUCHKINE – 7 mars 1943, Tachkent Кто знает, что такое слава! Qui sait ce qu’est la gloire ! Какой ценой купил он право, Le prix qu’il paya pour le droit, Возможность или благодать La chance ou bien le don Над всем так мудро и лукаво De s’amuser de tout, si malicieux Шутитъ, таинственно молчать Et sage, ou de se taire, secret, И ногу ножкой называть?… Et d’appeler un pied charmant, peton ?…

2. Александру Блоку D. À Alexandre Blok – Janvier 1914 Я пришла к поету в гости. Je suis allée voir le poète. Ровно полдень. Воскресенье. À midi pile. Dimanche. Тихо в комнате простороной, Pas de bruit dans la vaste chambre, А за окнами мороз Aux fenêtres, le gel.

И малиновое солнце Un soleil cramoisi se dégage Над лохматым сизым дымом... Des floches de fumée bleue. Как хозяин молчаливый Sur moi, mon hôte taciturne Ясно смотрит на меня! Pose un regard si clair !

У него глаза такие, Des yeux pareils, pour sûr, se gravent Что запомнить каждый должен; Dans toutes les mémoires ; Мне же лучше , осторожной, Pour moi, prudente, je préfère В них и вовсе не глядеть. N’y pas plonger les miens.

Но запомнится беседа, Je me rappelle nos paroles, Дымный полдень, воскресенье Midi, la brume, ce dimanche, В доме сером и высоком Dans la haute maison grise У морских ворот Невы. À l’embouchure de la Néva.

3. Плач Причитание (Похороны Александра Блока) E. Plainte (les funérailles d’Alexandre Blok) – Août 1921 А Смоленская нынче именинница, C’est la fête aujourd’hui de Notre Dame de Smolensk, Синий ладан над травою стелется, L’encens bleu flotte au-dessus de l’herbe И струится пенье панихидное, Et le cantique funèbre ruisselle, Не печальное нынче, а светлое. Sans tristesse à présent, radieux. И приводят румяные вдовушки Et les petites veuves aux joues roses На кладбище мальчиков и девочек Mènent au cimetière garçons et filles Поглядеть на могилы отцовские. Sur les tombes de leurs pères. А кладбище – роща соловьиная, Le cimetière, buisson de rossignols, От сиянья солнечного замерло. S’est figé dans le soleil. Принесли мы Смоленской заступнице, Nous remettons à Notre Dame de Smolensk, Принесли Пресвятой богородице Nous remettons à la Très Sainte Mère На руках во гробе серебряном Dans un cercueil d’argent Наше солнце, в муке погасшее,- Notre soleil qui s’est éteint dans la douleur – Александра, лебедя чистого. Alexandre, cygne pur.

4. ВОРОНЕЖ (О. М. (Осип Мандельштам) F. VORONÈJE (À Ossip Mandelstam) – 4 mars 1936 И город весь стоит оледенелый. Toute la ville est de glace. Как под стеклом деревья, стены, снег. Murs, arbres et neige ont l’air d’être sous verre. По хрусталям я прохожу несмело. Je passe craintive entre tous ces cristaux. Узорных санок так неверен бег. La course des traîneaux chamarrés semble si incertaine. А над Петром воронежским — вороны, Mais au-dessus de Pierre de Voronèje : corbeaux Да тополя, и свод светло-зеленый, Et peupliers, et la voûte vert clair, Размытый, мутный, в солнечной пыли, Effrangée et ternie, empoussiérée de soleil, И Куликовской битвой веют склоны Et les coteaux de cette terre puissante, victorieuse, Могучей, победительной земли. Exhalent la bataille de Koulikovo. И тополя, как сдвинутые чаши, Les peupliers, comme des coupes dressées, Над нами сразу зазвенят сильней, Tintent soudain plus fort au-dessus de nos têtes, Как будто пьют за ликованье наше Comme si, au banquet de nos noces, mille invités trinquaient На брачном пире тысячи гостей. À notre allégresse.

А в комнате опального поэта Mais dans la chambre du poète proscrit Дежурят страх и Муза в свой черёд. Veillent la Muse et la peur tour à tour. И ночь идёт, Et la nuit vient Которая не ведает рассвета. Qui n’aura pas d’aurore.

Traduits du russe par Marion Graf (Programme Contrechamps 2009)

7 Dessin : © György Kurtág

8 Biographies Natalia Zagorinskaia Cornel Groza La soprano Natalia Zagorinskaia est Né en 1950, Cornel Groza étudie l’alto Cordoba, Assisi, Amsterdam, Tel Aviv, née à Moscou. À l’âge de sept ans, elle à l’Université de musique de Cluj puis Haifa, Genève, Athènes... Il travaille à commence l’étude du piano à l’École la pédagogie à l’Académie de musique. plusieurs reprises avec l’Orchestre Phil - Centrale de Musique, rattachée au En 1970, il devient membre du Chœur harmonique d’Israel pour La Damna - Conservatoire de Moscou. En 1984, elle de chambre « Cappella Transylvanica », tion de Faust de Berlioz en 1996, Nor - entre au Conservatoire Tchaïkovsky qui, sous la direction du Professor ma de Bellini et la Messe en sol de de Moscou, où elle étudie le chant avec Dorin Pop, constitue l’une des princi - Schubert en 1997. En 2000, il est invité Vera Kudriavtseva. En 1991, Natalia pales écoles de chant choral de Cluj. par le Festival Liturgica de Jérusalem. Zagorinskaia entre à l’Opéra Helikon Cette expérience est déterminante. En Il participe en outre à des productions de Moscou. Depuis, elle participe à la 1972, il est l’un des membres fonda - d’opéras aux festivals italiens de plupart des créations de cette insti - teurs du Chœur de la Philharmonie Martina Franca et Pesaro. tution. En 2001, elle chante Alice ( Fal - de Cluj-Napoca. Il enseigne la direc - Ses récents projets mènent le Chœur staff ) dans la nouvelle production de tion de chœur à l’Académie de musique de la Philharmonie de Cluj-Napoca au l’Opéra, puis en tournée en Angleter - de Cluj depuis 1978 et est nommé chef Festival Caesarea en Israël pour Turan - re, Allemagne, France et au Liban. Elle permanent du Chœur de la Philhar - dot de Puccini, en collaboration avec donne de nombreux récitals (Los An - monie de Cluj-Napoca en 1986. le Tel Aviv New Israeli Opera (2000), et geles, Radio France), et chante avec www.filacluj.ro à Ehrenbreitstein en Allemagne pour l’Orchestre de Düsseldorf. Natalia Za - Nabucco et Aida de Verdi, en collabo - gorinskaia chante la Messe en si de Olivier Cuendet ration avec le Théâtre de Coblence (2000 Bach à Helsinki lors des Fêtes de Noël. Après des études d’orgue et de direc - et 2002). Le Chœur développe aussi un En 1997, elle interprète des œuvres de tion en Suisse, Olivier Cuendet se per - répertoire a capella qui contribue à la Luigi Nono avec le BBC Scottish Sym - fectionne en Italie et aux États-Unis reconnaissance de la musique chora - phony Orchestra. Natalia Zagorinskaia avec des maîtres tels qu’Igor Marke - le roumaine à l’étranger. Son inter - chante de nombreuses fois à Genève : vitch, Franco Ferrara, Seiji Ozawa, Ra - prétation des œuvres de Brahms avec Les Noces de Stravinsky, Terzina de fael Kubelik et Leonard Bernstein. Il la Philharmonie de Bucarest, sous la Castiglioni, Les Pleurs de Denisov, Tre débute sa carrière à l’opéra en 1980 au direction de Cristian Mandeal, fait l’ob - Poemi et Commiato de Dallapiccola, Teatro La Fenice de Venise, où il diri - jet d’une publication chez Arte Nova. Messages de feu Demoiselle R. V. Trous - ge une production de Giselle avec www.filacluj.ro sova de Kurtág et Chant après chant Rudolf Nureyev. Il réalise de nombreux de Jean Barraqué. En 1998, elle inter - ballets et opéras, de Monteverdi à la Ensemble Musikfabrik prète, avec le Nieuw Ensemble à Am - période contemporaine. Basé à , en Rhénanie-du-Nord- sterdam, Improvisations sur Mallarmé Son répertoire de concert s’étend de Westphalie, depuis 2003, l’Ensemble I et II, de Pierre Boulez, et, avec l’Or - la musique baroque à la musique d’au - Muskifabrik est constitué de solistes chestre Gulbenkian à Lisbonne, Lulu jourd’hui. Il dirige de nombreuses créa - spécialistes de l’interprétation du ré - Suite d’Alban Berg. Elle a créé les Quatre tions mondiales de compositeurs tels pertoire contemporain. Fondé en 1990, Poèmes d’Anna Akhmatova de György que György Kurtág, Franco Donatoni, l’ensemble a pour vocation de créer des Kurtág en janvier 2009 à New York. Olga Neuwirth, Pascal Dusapin ou œuvres d’aujourd’hui et de suivre une www.contrechamps.ch Heinz Holliger. éthique d’interprétation rigoureuse. www.cuendet.info L’Ensemble Musikfabrik travaille aux Ovidiu Daniel côtés de compositeurs, artistes et chefs Le ténor Ovidiu Daniel est né en Rou - Chœur de la Philharmonie de Cluj d’orchestre réputés et donne une cen - manie en 1985. Il étudie la musique et Le Chœur de la Philharmonie de Cluj- taine de concerts par an, dont une le chant auprès de Marius Vlad Budoiu Napoca a été fondé en 1972 par Sigis - partie dans la série qu’il produit à l’Académie de musique Gheorghe mund Todu ¸t˘a, qui confie la formation Musikfabrik in WDR à la Radio de Dima de Cluj-Napoca. Il est lauréat de au Professeur Dorin Pop. En 1976, Flo - Cologne. Outre les engagements à la plusieurs concours de chant en Rou - rentin Mihaescu prend la direction du Philharmonie et à la WDR de Cologne, manie. Depuis 2007, il chante les rôles chœur et élargit son répertoire. La re - Musikfabrik est invité par Musikfest du répertoire lyrique (Haendel, Doni - nommée du Chœur grandit sous la di - Berlin, Wien Modern, Donaueschinger zetti, Mozart, Stravinsky. Il tient la par - rection de Cornel Groza à partir Musiktage, Biennale di Venezia et de tie de ténor de la Colind a˘-Balad a˘ de de 1986. Il participe à des concerts à nombreux festivals. L’ensemble pro - György Kurtág au Festival de Szomba - Berlin, Jérusalem, Lucerne, Ravello, duit sa collection d’enregistrements thely en juillet 2010. Pesaro, Macerate, Naples, Luxembourg, et s’est spécialisé dans les projets

9 interdisciplinaires, développant une Helen Bledsoe, flûte politique d’expérimentation et de pro - Peter Veale, hautbois jets alternatifs, conviant le public à , John Corbett, clarinette Nándor Götz, clarinette et clarinette basse des rencontres et débats. L’Ensemble Christine Chapman, Gesa Johanns, cor Muskifabrik est subventionné par le Markus Schwind, Ales Klancar, trompette Land de Rhénanie du Nord-Westpha - Bruce Collings, Chris Houlding, trombone Directeur : Nicolas Joel lie. La Fondation pour les arts NRW ap - Ernestine Stoop, harpe 120, rue de Lyon 75012 Paris porte son soutien à la série de concerts Luigi Gaggero, cymbalum Ulrich Löffler, celesta www.operadeparis.fr à la Radio de Cologne. Benjamin Kobler, piano Dans le cadre de la MusikTriennale Dirk Rothbrust, Rie Watanabe, Thomas 2010 de Cologne, l’Ensemble Musikfa - Meixner, Norbert Krämer, percussion brik a donné en compagnie de nom - Hannah Weirich, violon breux artistes invités la version inté - Axel Porath, alto Dirk Wietheger, violoncelle grale de (les vingt-quatre heures Michael Tiepold, contrebasse du jour) de , pendant un week-end (8 et 9 mai, entre Président : Pierre Richard Directrices générales : midi et minuit), dans neuf lieux du Marie Collin centre de Cologne. et Joséphine Markovits www.musikfabrik.eu www.festival-automne.com

FESTIVAL D’AUTOMNE À PARIS 9 septembre – 31 décembre 2010 d a a R

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l Pierluigi Billone György Kurtág e u s

i Opéra national de Paris / Opéra national de Paris / Garnier V Bastille – Amphithéâtre Johannes-Maria Staud / Baithak, un salon pour la musique Jens Joneleit / Bruno Mantovani / classique de l’Inde, douze concerts Arnold Schoenberg Maison de l’architecture Salle Pleyel Frederic Rzewski / Anton Bruckner Opéra national de Paris / Salle Pleyel Bastille – Amphithéâtre Heinz Holliger / Misato Mochizuki / Brice Pauset / Luigi Dallapiccola / Luigi Nono / Ludwig van Beethoven / Alban Berg Pierluigi Billone Salle Pleyel Opéra national de Paris / Bastille – Amphithéâtre Misato Mochizuki Théâtre des Bouffes du Nord Frédéric Pattar / Pierluigi Billone / Helmut Lachenmann Nikolaï Obouhov / Boris Filanovsky / Théâtre des Bouffes du Nord Valery Voronov / Galina Ustvolskaya Opéra national de Paris / Bastille – Amphithéâtre

ARTS PLASTIQUES THÉÂTRE DANSE MUSIQUE CINÉMA Abonnement et réservation www.festival-automne.com | 01 53 45 17 17

10 Le Land de Rhénanie du Nord-We sphalie entretient depuis de très nombreuses années une relation privilégiée avec la France. La présence renouvelée de l’Ensemble musikFabrik au Fe st ival d’Automne à Paris témoigne de l’amicale continuité de cet engagement.

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Les musiciens de l’Ensemble musikFabrik de Cologne Depuis 1987, Mécénat Musical Société Générale développe une politique de soutien, en constante évolution, qui répond aux besoins actuels des acteurs de la musique classique et qui s’organise selon quatre domaines d’intervention : ■ Jeunes ■ Musique de chambre ■ Création, musique du XXe siècle et d’aujourd’hui ■ Promotion et diffusion. www.societegenerale.com/mecenat-musical