EDITORIAL

Le prix du succès

Editorial Par Daouda Emile Ouedraogo

La Belgique vient de vibrer au rythme de la ré- Le sport c’est la passion, le foot est une re- compense du meilleur joueur africain évoluant ligion, suivez le regard et faites un tour au dans ce pays. Le Soulier d’Ebène, depuis près Brésil. Au vu de cette donne, récompenser de vingt ans, récompense le meilleur joueur le meilleur joueur africain évoluant dans le africain. Cette année, l’événement revêtait une championnat belge, c’est susciter partout en connotation particulière au moment où se pays Europe, un exemple pour créer des champions vit l’une de ses crises politiques. Mais là n’est chaque année. C’est l’Afrique qui gagne. Car, ne pas l’objet du présent écrit. Le sport on le sait, dit pas que l’intelligence c’est la capacité pour déchaîne passion et engouement aux quatre une personne d’aller chercher chez l’autre ce coins de la planète. La coupe du monde est à qu’il ne connaît pas et de partager avec lui ce quelques pas et, prendre la décision de récom- qu’il sait? Les professionnels africains appren- penser le meilleur africain évoluant dans un nent des autres mais aussi, font apprendre les championnat belge, dont la notoriété n’est pas autres. On se rappelle les phases de dribles à comparer avec celle du Calcio, en Italie ou de hors du commun du Nigérien Jay-Jay Okocha la Bundesliga, en Allemagne ou encore de la qui a été une révolution dans le football afri- League One en Angleterre, peut s’avérer être un cain. coup d’épée dans l’eau. Ce sont ces merveilles que le Soulier d’Ebène Et, pourtant! Le Soulier d’Ebène, dans sa veut saluer en octroyant chaque année un conception et son action, vise à promouvoir une prix au meilleur joueur africain ou d’origine Afrique qui gagne à travers sa jeunesse. Une africaine évoluant dans le championnat bel- jeunesse dont l’imagination et le courage de ge. C’est une constance et un défi lancé aux triompher de l’adversité liée à toute sorte d’ac- joueurs africains de se donner les moyens de tion peut emmener le sport à être un facteur de remporter cette distinction. Car, c’est de là que paix et de développement en Afrique. A travers la jeunesse, restée en Afrique, se dira qu’elle a le continent, les footballeurs professionnels des exemples à suivre, des modèles à incarner. africains ont montré combien ils espèrent en la C’est le prix du succès. jeunesse africaine. Au Sénégal, ce sont des pro- fessionnels africains, aidés par leurs amis, foot- balleurs aussi, qui ont monté une école de foot- étude qui crée et façonne des champions (voir l’article sur Diambars à la page 32.). Au Burkina Faso, ce sont des jeunes joueurs professionnels burkinabé qui ont repris en main une école de formation de jeunes talents. C’est de cette éco- le que sont sorties les crèmes du football burki- nabé. En Côte d’Ivoire, au Togo, pour ne citer que ces pays, ce sont des professionnels africains évoluant partout dans le monde, qui stimulent et créent la passion de devenir meilleurs à leurs jeunes frères évoluant dans le domaine.

3 SOMMAIRE

FRIENDLY FOOT 6 Boussoufa Le premier triple Soulier d’Ebène Par Kenza Garba

ACTUALITE 12 Rapport du Crans Montana Forum L’Afrique après les G20 de Londres et Pittsburgh Propos recueillis par Kenza Garba

16 Le Soleil Levant Action anti-discrimination à Charleroi Par Persyde Doowo

ECONOMIE 17 Blanchiment d’argent La difficile lutte africaine Par Daouda Emile Ouedraogo

DIASPORA 18 ZAZ aide les enfants africains Par Kenza Garba

20 Moussem Club 2007 Les jeunes montrent l’art contemporain au Maroc Propos recueillis par Moussem et Kenza Garba

MAGHREB 22 Hamida Ouassini Un dépassement heureux Propos recueillis par Kenza Garba

Directeur de publication: Mensuel d’informations Cyrille Momote Kabange Un regard positif sur l’Afrique Rédacteur en chef: Daouda Emile Ouedraogo MISSION STATEMENT Editorialiste: La direction du magazine Le Nouvel Afrique porte l’Afrique dans son cœur et est Cyrille Momote Kabange désireuse de rassembler dans ce mensuel d’informations des nouvelles positives Comité rédactionnel: sur l’Afrique. Le Nouvel Afrique se veut une porte d’entrée vers l’Afrique en offrant Daouda Emile Ouédraogo, Kenza Garba, Persyde Doowo, Benjamin Tollet, une information responsable et objective sur ce continent. Les sujets (politiques, Alexandre Korbéogo, Jérôme Bigirimana, Youssef Maouchi sociaux, économiques, sportifs et culturels) abordent des thèmes sensibles, tout Photographie: en conservant néanmoins, une perspective positive. Le sous-titre du Nouvel Afri- Lola, Crans Montana Forum, Hamida Ouassini, Friendly Foot, Ronald et Maxime que est ‘Un regard positif sur l’Afrique’. Devaux (couverture et article Soulier d’Ebène), Leriette Desir Van Bergen, Jeff Attaway, Daouda Emile Ouédraogo, Diambars, Marc Hoogsteyns, Jean-Jacques Notre collaboration avec Monsieur Victor Olembo Lomami se termine à partir du 8 Mampaka, d_proffer, ADLP, Xavi Barcelona, Barbara Bervoets mai 2010 et la direction le remercie pour l’aide fournie au lancement du mensuel Photo couverture: Maxime Devaux ‘Le Nouvel Afrique’. Layout: [email protected]

4 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 SOCIETE 24 Ces inventeurs venus d’Afrique Par Youcef Maouchi /www.unmondelibre.org

OPINION 26 Dakar Sur les traces de la libération de l’Afrique Par Daouda Emile Ouedraogo

ENVIRONNEMENT 28 Burundi Transformer les déchets en charbon pour préserver les forêts Par Jérôme Bigirimana

SPORT 30 Coupe du monde 2010 Dans un mois, la fête commence Par Alexandre Korbéogo

32 Ecole de foot du Sénégal Un vivier de champions au cœur de l’Afrique Par Daouda Emile Ouédraogo

CULTURE 34 Terrakota les united colors de Lisbonne Par Benjamin Tollet 36 LIVRES / RD Congo 38 LIVRES / Voyage à travers le fin fond du Congo Par Kenza Garba

ADMINISTRATION & PUBLICITE Direction Générale: Le LNA est une publication de l’asbl Friendly Foot www.friendlyfoot.be Directeur adjoint: Christel Kompany Président: Augustin Izeidi Siège social: Direction Commercial: Avenue des Coquelicots 7 A.S.C. sprl 1420 Braine l’Alleud Belgique Communication, Publicité & Vente Directeur Commercial: E-mail: [email protected] Mahamat Haroun Site web: www.lenouvelafrique.net

5 [crédits Roland et Maxime Devaux] FRIENDLY FOOT

Boussoufa, triple Soulier d’ébène © Maxime Devaux

Boussoufa Le premier triple Soulier d’Ebène

Par Kenza Garba

Ce 3 mai dernier, le Marocain Mbark Boussoufa, déjà sacré en 2006 et 2009 lors du Soulier d’Ebène, est devenu le premier triple Soulier d’Ebène à l’issue du dix-neuvième référendum organisé par l’asbl African Culture Promotion (ACPRO), fondatrice des African Awards. Le trophée du Soulier d’Ebène était remis au vainqueur au cours d’une soirée gala dans l’hôtel bruxellois Conrad.

6 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 Le trophée ‘Le Soulier d’Ebène’ récompense le meilleur joueur africain (ou d’origine africaine) évoluant en Belgique, au sein des trois divisions nationales. Le jury qui attribue le Soulier d’Ebè- ne est composé du sélectionneur national, de l’ensemble des entraîneurs des trois divisions nationales, de membres des rédactions spor- tives du pays (écrites et audio-visuelles) et les membres d’un jury d’honneur présidé par Geor- ges Heylens.

Le premier triple

C’est la troisième fois en trois ans que le milieu offensif Mbark Boussoufa est désigné meilleur joueur de la saison en Jupiler Pro League. La star du jour a reçu le trophée des mains de Monsieur Léon Mukuna « Trouet », ancien footballeur congolais.

Le lauréat 2010 n’a pas caché sa satisfaction. «C’est un grand honneur. C’est vraiment une belle récompense. C’est toujours positif de sa- voir que son travail est reconnu. L’année passée j’avais déjà le sentiment d’avoir franchi un cap, mais gagner une troisième fois ne faisait pas partie de mes préoccupations. Si je suis nominé une quatrième fois l’année prochaine, ce sera plutôt pour me placer dans le jury du Soulier d’Ebène que pour être vainqueur à nouveau», dit-t-il en rigolant. Une nouvelles fois gagnant, il devance aussi la révélation de l’année Lukaku et le buteur brugeois Dorge Kouemaha. Ibrahi- Lukaku, la révélation de l’année ma Sidibé de Saint-Trond et Cheikhou Kouyaté © Ronald Devaux d’Anderlecht se retrouvaient à la quatrième et la cinquième place. Lukaku étonné pas nominés. Et n’oublions pas qu’il y a main- Le stratège marocain tenant dans tous les grands clubs des Ma- Lukaku, de sa part, n’y croyait pas dès le dé- rocains présents. Je vois que les joueurs du Le 19ème soulier d’Ebène revient donc au stra- part. «Si on m’avait dit en début de saison Maghreb ont évolué dans le football, même tège marocain d’Anderlecht, qui a devancé d’un que je figurerais parmi les cinq nominés du les tout petits joueurs. J’espère que cela va point seulement son coéquipier et révélation de Soulier d’Ebène 2010, je ne l’aurais jamais cru. continuer et j’aimerais croire que j’ai ouvert la l’année Romelu Lukaku (185 voix contre 184). Mbark est comme un grand frère pour moi, il porte pour eux.» Boussoufa est le 5ème anderlechtois à avoir l’a absolument mérité.» Mais son jeune âge, inscrit son nom au palmarès du soulier d’Ebène 17 ans le 13 mai, joue certes un rôle dans la Un vrai leader après Celestine Babayaro (1996), Aruna Dindane distribution des votes. Boussoufa, auteur (2003), Vincent Kompany (2004 et 2005) et enfin fier de 13 buts et de 20 assists cette saison Mahamat Haroun, co-organisateur du Sou- Mémé Tchité (2007). en championnat, trouvait que Romelu avait lier d’Ebène, a conclu la soirée en qualifiant pourtant livré une belle saison. «Lukaku a le lauréat anderlechtois «de vrai leader avec Ce fût quand même la surprise du petit chef été au-dessus du lot, c’est indiscutable», beaucoup de maturité». Nous avons observé d’orchestre anderlechtois, qui avait désigné son poursuit-il. «Mais je félicite de grand cœur des révélations autour de lui ce qui laisse bien coéquipier Romelu Lukaku comme favori, en tous les nominés. C’était une année avec un augurer pour les années à venir. Boussoufa pénétrant dans la grande salle des fêtes. «Les niveau très élevé et nous avons tous les cinq a réellement marqué l’histoire du Soulier cinq nominés ont tous livré une très belle sai- montré notre talent pendant la saison. Il faut d’Ebène avec son premier triple. C’est une son, mais Romelu a été au-dessus du lot selon aussi dire qu’il y a beaucoup de sportifs afri- première!» moi», a-t-il en effet déclaré à cette occasion. cains qui jouaient bien et qui ne sont même

7 Le Soulier d’Ebène 2010 Les 5 nominés

Depuis 2007, les asbl Friendly Foot et ACPRO (African Culture Promotion) se sont unies dans l’incontournable rendez-vous annuel de la diaspora africaine belge. La soirée de gala Le Soulier d’Ebène récompense depuis 1990 le plus méritant et talentueux joueur d’origine africaine du championnat belge de football. La soirée mondaine prend place annuellement dans un hôtel bruxellois.

La remise de l’award s’inscrit dans les African sera distingué par ses actions sociales et hu- a sacré Mbo Mpenza et Yves Vanderhaeghe, Awards, une initiative des associations ACPRO manitaires. qui tous les deux avaient répondu présents. et Friendly Foot. Les objectifs de ces dernières Pour leur remettre leur prix, nous avions choisi sont de promouvoir la culture africaine et ses aussi deux personnalités, et pas des moindres, talents sportifs, d’être une vitrine à la diaspora Une association des deux notamment Pierre Kompany, échevin à Gans- africaine, et, enfin, de faire écho aux valeurs associations horen, et Michel Verschueren, ex-manager du d’égalité, de tolérance et de partage. Bien de Sporting d’Anderlecht, qui eux aussi avaient grands noms de ce sport roi furent couronnés. C’est dans ce cadre que rentre l’asbl Friendly répondu par l’affirmative. Pour nous, c‘était Nous retrouvons des Ikpeba, Dagano, Din- Foot. L’association veut joindre l’utile à l’agréa- une réussite et une bouffée de motivation. dane, Kompany, Tchité, Fellaini, Boussoufa et ble car pour elle le social a toute son impor- Notre collaboration est née en 2008. Nous bien d’autres, qui nous ont fait vibrer tous les tance. «C’est même notre leitmotif», nous dit avons sacré Ahmed Hassan, dont le trophée week-ends dans les grands stades de football Mahamat Haroun, vice-président de Friendly fut remis par Robert Waseige. Suite à notre en Belgique et ailleurs. Foot. «Notre rencontre avec ACPRO fut enri- évolution, Moro Mukota, Président de l’ACPRO chissante pour les deux asbl, tant sur le plan nous invita à prendre part à l’élaboration et du travail, que du côté humain.» «Des liens au développement des African Awards, avec African Awards se sont formés et au fil des années nos deux l’accord de Carine Shiku, Vice-Présidente d’AC- associations grandissent ensemble dans une PRO», nous raconte Augustin Izeidi. Cette soirée de gala compte également même vision pour l’avenir», nous dit Augustin d’autres prix des African Awards. Parmi les Izeidi, Président de Friendly Foot. «L’association Friendly Foot et ACRPO fut trophées, nous trouvons les Dunia. Ceux-ci une réussite car le gala 2009 restera dans la mettent à l’honneur des personnalités qui, par mémoire de beaucoup de personnes, grâce leurs activités, véhiculent une image positive Historique au nombre de vedettes sur place, et pas des et dynamique de la communauté africaine. moindres, et de diverses disciplines: Kim Ge- Le prix du mérite à son tour récompense le «Notre premier pas dans cette collabora- vaert, Elodie Ouedraogo, Ruud Gullit, Paul Van joueur de football qui au cours de l’année se tion fut la remise du prix du mérite 2007, qui Himst, Vincent Kompany, Faris Haroun, Eric

8 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 Matoukou, Mbark Boussoufa, Habib Habibou Madame Marie-Louise Ya Mutwale Mitonga, et Didier Drogba. Cette année-là, nous avons Défilé inspiré de Julie Stal originaire de RD Congo. Dunia est un mot passé en direct sur RTBF en soirée au ‘studio © Ronald Devaux d’origine arabe et swahili qui signifie ‘terre’. Il 1’. Un tel gala demande beaucoup d’énergie récompense les membres de la communauté mais heureusement, les asbl ont des per- africaine s’étant distingués dans leur domaine sonnes de bonne volonté et d’efficacité pour d’activité. Marie-Louise est licenciée en Droit assumer les nombreuses tâches», poursuit et Magistrate au Conseil du Contentieux des Mahamat Haroun. Etrangers en Belgique. Ceci est une juridic- tion administrative, seule compétente pour connaître des recours introduits à l’encontre La dix-neuvième édition de décisions individuelles prises en application des lois sur l’accès au territoire, le séjour, l’éta- Pour la dix-neuvième édition, ACPRO et Frien- blissement et l’éloignement des étrangers. dly Foot ont invité e.a. Monsieur Bonga Bonga Madame Ya Mutwale a également reçu le tro- et Monsieur Mayanga, anciennes gloires du phée de ACCt, remis par Monsieur Benoit Ce- football. Il faut bien dire qu’à l’heure actuelle, rexhe, Ministre du Gouvernement de la Région peu de gens connaissent les anciennes gloires de Bruxelles-Capitale. ACCt est une société du football. Une belle occasion pour les inviter active dans la comptabilité et la fiscalité. Elle à nouveau sur le podium. Etant donné que La a reçu ces trophées de la Réussite au Féminin Coupe du Monde se joue cette année en Afri- Défilé inspiré pour ses mérites sur le terrain du droit au ni- que du Sud, l’occasion ne pouvait être ratée. veau national. La soirée s’est déroulée dans une ambiance A 20h, la cérémonie a débuté par un défilé de chaude. Carine Shiku, en tant qu’excellente or- mode de Julie Stal, présenté par des très jolis ganisatrice, avec le concours d’une dizaine de modèles. Styliste-modéliste de formation, Julie jeunes hôtesses, et le Président Moro Mukato se dit artiste avant tout. Son stylisme touche ont fait preuve d’un excellent travail. très fort à l’Afrique. Elle a grandi au Sénégal, et comme tout être qui est «tombé dedans quand il était petit», on est autrement ouvert Cocktail pour les invités et inspiré et on ne peut plus s’en défaire. On retrouve dans beaucoup de ses créations, une L’événement a commencé à 19h30 par un admiration sans bornes pour les parures tri- cocktail gracieusement offert par l’organisa- bales, qui sont d’ailleurs sa plus grande source tion dans le Conrad hôtel à Bruxelles. Cet hôtel d’inspiration et qui la passionnent depuis tou- possède une des plus grandes salles sans co- jours. Ceci expliquant cela, on comprend mieux lonnes de notre capitale. Il y avait place pour pourquoi elle a collaboré au projet de défilé 350 personnes, participant au banquet, avec avec un tel enthousiasme. les nominés du Soulier d’Ebène et des célébri- tés belges et internationales. Parmi les invités Les bijoux de Tatiana Raway, portés par les l’on notait e.a. Madame Fadila Laanan, Minis- gazelles du cakewalk, symbolisent selon la tre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé créatrice nos rêves, nos désirs, la concrétisa- Madame Ya Mutwale Mitonga et de l’Egalité des Chances, le Sénateur Franco tion de nos amours, de nos passions. Tatiana et Bertin Mampaka Seminara, Monsieur Emir Kir, Secrétaire d’Etat crée ce qui vit en elle. L’Afrique. Le ‘Zaïre’ de sa © Ronald Devaux en charge de l’Urbanisme et de la Propreté naissance, le Rwanda de sa mère surnommé publique pour la Région de Bruxelles-Capi- le «pays des milles collines», qui contraste tale, Monsieur Bertin Mampaka, Député au étonnamment avec «le plat pays» de son Soigner les Africains Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, père, la Belgique. Ses bijoux sont autant d’invi- l’échevin Pierre Kompany et les footballeurs tations au voyage, à l’évasion. Le deuxième trophée Dunia, remis par Ma- Habib Habibou et Eric Matoukou. dame Fadila Laanan, Ministre de la Culture, est allé au Docteur Bertin Foading, originaire Les hôtesses La réussite au féminin du Cameroun. Dr Foading est responsable © Maxime Devaux de l’unité coronaire ainsi que de la prise en Toute suite après, des jeunes footballeurs ont charge des urgences cardiologiques, telles que montré leur expertise avec le ballon pendant le syndrome coronaire aigu, décompensation que Moro Mukato se préparait pour la remise cardiaque. Son Cabinet Médical Cardice, spé- d’une trophée Dunia par Bertin Mampaka à cialisé en cardiologie, est situé en plein coeur

9 de Bruxelles. Cette institution sanitaire privée des racines ancestrales sur les rythmes zou- espoirs. «Réginald, d’origine haïtienne a été a ouvert ses portes au grand public il y a peu. lous, pigmentés de zouk et reggae, pour se ter- adopté par des parents belges. Il est arrivé en La structure dispose d’un matériel à la pointe miner enfin par le soukous. Belgique dès son jeune âge. Aujourd’hui, il fait de la technologie. Un matériel qui permet d’as- partie du noyau professionnel du Standard surer des interventions dans des conditions La voix africaine de Waku de Liège. Touché par la détresse des Haïtiens optimales. «En Afrique sub-saharienne», dit- suite au récent tremblement de terre, Réginald t-il «les accidents vasculaires cérébraux (AVC) Alexia Waku, d’origine Congolaise, est une Goreux a décidé de venir en aide aux sinistrés, et l’infarctus du myocarde sont principalement chanteuse de soul, jazz, variété, world music et en créant une association qui devrait permet- la conséquence de l’hypertension artérielle’». gospel. Elle est coach vocal et consultante mu- tre de créer une école. Il a vendu des bracelets Conscient de tous ces dangers, Docteur Bertin sicale. Waku était déjà choriste pour Michael bleus au profit de cette association. Je suis Foading offre désormais l’occasion de prévenir Buble, Mylène Farmer, Maurane et Adamo. Elle très content qu’il soit récompensé ce soir», a et de soigner ces maux notamment aux per- a séduit l’audience par sa voix africaine avec déclaré Jean-François de Sart. sonnes d’origine africaine. des chansons de variété, connues partout dans le monde. Monter des paliers Des racines ancestrales Le Prix du Mérite Si en 2010 les organisateurs du Soulier d’Ebène L’ambiance musicale de la soirée était assu- ont franchi un palier, le rendez-vous de 2011 rée par Zico Man et Alexia Waku. Zico Man est Le Prix du Mérite, offert par l’asbl Friendly est pour eux incontournable car il marquera la considéré comme le Dalaï-lama de la musique Foot, a finalement été remis par Benoit Ce- 20ème édition. De plus en 2011 Friendly Foot congolaise moderne. Zico Man, originaire de rexhe, Ministre du Gouvernement de la Ré- célèbrera ses cinq années d’existence. Dès RD Congo, s’est installé en Belgique en 1987. Il gion de Bruxelles-Capitale, à Reginald Goreux. lors, tous les ingrédients sont réunis pour une a travaillé avec de nombreuses stars de la mu- Réginald, footballeur du Standard de Liège, soirée inoubliable, à ne pas manquer. Rendez- sique congolaise, dont Papa Wemba et a déjà n’était pas présent mais le trophée a été re- vous en 2011 pour la 20ème édition! cinq albums à son actif. Zico Man a débuté son mis à Jean-François de Sart, ancien footballeur spectacle par des chants a capella, rappelant belge et entraîneur de l’équipe nationale belge

Quelques citations des invités de la soirée de gala du Soulier d’Ebène dans l’hôtel Conrad à Bruxelles le 3 mai 2010

Marleen Boonen, Abdellatif Khale Jean-François de Sart Shlomo Ovadia la maman de François Sterchele «Le Soulier d’Ebène est un très ancien footballeur belge et CEO de Next Travel «Comme l’année dernière, j’étais bon événement multiculturel. La entraîneur de l’équipe nationale «Je crois que c’est assez sympa. impatiente de venir, tellement Soirée rassemble des belges de belge espoirs Le fait de se réunir, c’est déjà une cela me réjouit d’être parmi vous. tous les horizons et j’espère que «C’est très important que je sois fête en soi, mais une fraternité L’année passée j’étais aussi nous passerons une soirée chau- là aujourd’hui pour rendre hom- entre les peuples africains et bel- présente et j’en ai gardé une bonne de comme cela se passe en Afri- mage aux joueurs d’origine afri- ges, est très importante autant impression. J’apprécie beaucoup que, en dépit du temps toujours caine de plus en plus nombreux que le besoin de soutien en Afri- l’objet du Soulier d’Ebène: les mauvais (clin d’œil).» dans notre équipe nationale. que.» sportifs africains qui prennent de C’est une culture qui fait partie plus en plus d’ampleur, méritent intégrante de notre football et autant que les autres, d’être mis donc il est tout à fait logique de à l’avant-plan. Ce fut une soirée s’y intéresser et d’y apporter son très conviviale et sympathique, soutien. » à laquelle je me réjouis déjà de participer l’an prochain.»

10 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 Informations de l’Ambassade de Tchad

Le nouvel Ambassadeur de la République du Tchad auprès du Royaume de Belgique, Représentant Perma- nent auprès de l’UE et du Groupe des Etats ACP, Son Excellence Monsieur Ahmat Awad Sakine, est arrivé à Bruxelles le mercredi 21 avril 2010 où il succède à Son Excellence Monsieur Maitine Djoumbe, rappelé défini- tivement au pays.

Monsieur Ahmat Awad Sakine, né le 28 juin 1966 à Ara- da, Tchad, est marié et père de huit enfants. Il a occupé plusieurs d’autres fonctions notamment: Conseiller à la Cour Suprême, Ministre de l’Economie et des Finances, puis Directeur Général du Trésor, et Administrateur du Tchad auprès du Conseil d’Administration de la BEAC. Ahmat Awad Sakine a fait ses études primaires et uni- versitaires au Tchad avant de rejoindre l’Ecole natio- nale des Régies financières ENAREF à Ouagadougou au Burkina Faso. ACTUALITE Plusieurs Premières Dames étaient conviées à participer à une séance spéciale consacrée à la Dignité de la Femme © Crans Montana Forum

Rapport du Crans Montana Forum L’Afrique après les G20 de Londres et Pittsburgh

Propos recueillis par Kenza Garba

Le Forum de Crans Montana sur l’Afrique a réuni les dirigeants les plus influents de l’industrie, des gouvernements et de la société civile leur permettant de contribuer à faire de l’Afrique un endroit meilleur pour les investissements étrangers et les entreprises, et également de modeler une Afrique plus humaine. Ce forum était principalement consacré à l’avenir de la coopération Nord-Sud alors que la coopération Sud-Sud est désormais un objectif principal pour l’Afrique.

Le Crans Montana Forum 2010 sur l’Afrique a Ce forum est aujourd’hui un événement mon- Un must eu lieu du 7 au 10 Avril 2010 à Bruxelles. Cette dial reconnu et incontournable qui figure sur année, Patricia Faraut, Présidente de Africa l’agenda de tout décideur soucieux de ses res- Le forum est un Forum mondial, politique et Femmes Performantes, Inc. a participé au fo- ponsabilités et des opportunités exceptionnel- économique, consacré à la situation de l’Afrique, rum. les qu’il y trouve. Chaque Forum représente une face à la crise mondiale et ses conséquences occasion unique pour les dirigeants d’entrepri- discutées lors du G20 de Londres, aux nouvelles Le Forum de Crans Montana ses et les officiels de haut niveau de mettre en relations de l’Afrique avec la nouvelle Commis- œuvre leurs stratégies, consolider leurs rela- sion européenne et le nouveau Parlement euro- Le Forum de Crans Montana est une organi- tions avec leurs partenaires et développer de péen et à l’avenir de la coopération Sud-Sud. En sation internationale établie depuis 1986, dont nouvelles opportunités de coopération. fait, cette réunion des plus stratégiques est un l’importance et le prestige sont établis. Elle est must pour les décideurs des secteurs publics et reconnue par toutes les grandes Organisations M. Jerry Rawlings, ancien Président de la Répu- privés africains. Internationales. Son but est de contribuer à la blique du Ghana, a co-présidé les travaux avec construction d’un monde plus humain: Monsieur Jean-Paul Carteron, fondateur du Plusieurs Premières Dames étaient conviées «Committed to a more humane World». Le forum. Plus de 450 délégués représentant les à participer à une session spéciale consacrée Forum de Crans Montana travaille à encourager Etats de l’Afrique ont participé à cette rencon- à la promotion de la Dignité de la Femme. la coopération internationale et la croissance tre avec les délégations d’Amérique du sud, du Cette session était présidée par Madame Irina globale tout en maintenant un haut niveau de Moyen-Orient et de l’Asie. Bokova, Directrice Générale de l’UNESCO. On stabilité, d’équité, et de sécurité. Il s’agit égale- pouvait noter la présence de la Première Dame ment de favoriser les meilleures pratiques et du Ghana, Ernestina Naadu Mills, la Première d’assurer un dialogue global. Dame d’Albanie Teuta Topi, Chantal Compaoré

12 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 La Première Dame du Mozambique, Maria da Luz Dai Guebuza © Crans Montana Forum

du Burkina Faso, la Première Dame du Mozam- chemin qui l’emmène dans la prospérité. Nous également cette intelligence pour appliquer les bique Maria da Luz Dai Guebuza, la Première sommes 1 milliard d’hommes et de femmes. nouvelles technologies qui sont une des voies Dame du Nigéria Madame Patience Goodluck L’Afrique doit être un pôle de croissance et non de salut pour l’Afrique. Jonathan, Fouzia Raza Gilani du Pakistan et son une destination d’aide. Pendant la crise, le G20 altesse Royale la Princesse Loulwa Al Faisal, nous a demandé de redéployer nos ressources. M. Youssouf Ouedraogo, Conseiller Spécial du d’Arabie saoudite. Président de la Banque Africaine de Dévelop- M. Terence Brown, Directeur Général de la Ban- pement. Après avoir fait un état des lieux des Les conclusions du Forum que Européenne d’Investissement: Nous som- modèles de développement qui ne marchent mes dans une nouvelle ère pour la coopération pas en Afrique: pourquoi l’Afrique n’a pu ob- Ambassadeur Jean-Paul Carteron, fondateur entre l’Afrique et l’Europe; partenaires égaux, tenir que 2% sur le marché mondial? Pourquoi du Forum: Le but de cette réunion était de met- nous devons redéfinir ce qui nous rassemble, avec des systèmes comme l’Agoa, les accords tre en place des mécanismes qui permettront à les femmes doivent être intégrées dans les de Cotonou, les accords de Lomé, rien ne mar- l’Afrique de devenir une puissance mondiale. systèmes économiques de nos pays. Il doit y che? Est-ce que l’ordre du jour est bien posé en avoir plus de transparence dans les rapports et Afrique? Si l’ordre du jour n’est pas bien posé, Honorable Dr. Hage. Geingob, Ministre du Com- plus de cohérence, en faisant preuve de ratio- on ne peut apporter la bonne réponse. Il y a un merce et de l’Industrie, République de Namibie: nalisation des institutions européennes pour certain nombre de pré requis qu’on doit respec- Le futur de l’Afrique repose sur une coopération travailler main dans la main, en impliquant le ter: dettes, défis de crise. Pourquoi ne pas poser Sud/Sud, il a insisté sur le problème sérieux de secteur privé. le problème autrement pour trouver l’équité? la redistribution que connaît l’Afrique et fait Le commerce est une bonne chose, mais on ne remarquer qu’on ne peut pas permettre que Madame Diarra Mariam Flantié Diallo, Ministre peut pas vendre si on n’a pas les produits. Com- l’Afrique soit riche avec une population pauvre. de la Communication et des Nouvelles Techno- ment peut-on produire des matières premières logies au Mali, a pour sa part souligné que les et racheter très cher les produits finis de l’ex- M. Donald Kaberuka, Président de la Banque nouvelles technologies deviennent incontour- térieur? Pourquoi ne sommes-nous pas capa- Africaine de Développement: La question de nables pour l’Afrique, elle a rappelé les recom- bles d’impulser notre propre développement? changement de paradigme en Afrique est es- mandations d’octobre 2007 de Kigali qui étaient L’Afrique doit se prendre en main et poser ses sentielle, il est important de parler de la manière de connecter les pays africains avec leurs fron- propres problèmes. La Banque Africaine de Dé- dont on peut refaçonner l’Afrique, le respect ne tières et d’ici 2015, connecter les villes d’Afri- veloppement a décidé de se concentrer sur des peut apparaitre que s’il repose sur l’autonomie que. L’intelligence et le cerveau humain sont les programmes régionaux d’intégration pour avoir des Etats. Chaque pays doit pouvoir redéfinir le choses les plus partagées; et l’Africain détient les économies d’échelle: infrastructure, barrages

13 ACTUALITE

hydrauliques, agriculture. Nous devons trouver Les Premières Dames d’Afrique et du monde Conclusions d’Africa Femmes des combinaisons et ouvrir notre monde à un ont participé à une session spéciale consa- Performantes monde de coopération et de respect mutuel. crée à la promotion de la Dignité de la Femme. Cette session était présidée par Madame Irina Patricia Faraut, Présidente de ‘Africa Fem- M. Turki Faisman, al Al Rasheed, Chairman Gol- Bokova, Directrice Générale de l’UNESCO, le 10 mes Performantes’: L’Afrique est désor- den Grass, Arabie saoudite: Avril 2010. mais au centre de nouveaux grands enjeux La nourriture et l’agriculture sont importantes, mondiaux. Bref, elle était «mal partie»; la dans ce secteur, on ne peut se permettre d’être Première Dame du Nigéria, Madame Patience voilà de «retour» à grande vitesse. Pas- en crise, le rôle de l’agriculture est là pour as- Goodluck Jonathan: Les conférences et les dis- sons aux actes, les actes parlent plus que surer la sécurité alimentaire, le phénomène de cours ne suffisent pas, nous devons passer à les mots. A Africa Femmes Performantes, mal nutrition a touché un milliard de person- l’action et s’assurer que les droits à l’éducation nous pensons que la création d’un institut nes cette année. La croissance économique des petites filles sont effectifs. Les femmes de formation pour la dignité des femmes ne ne peut aller à l’encontre du secteur agricole. doivent s’unir, se tenir les coudes pour assu- peut pas apporter des changements signi- Un des principaux acteurs de croissance est de rer un impact sur l’éducation de la société. Les ficatifs; nous croyons qu’il est plus urgent reconstruire des petites infrastructures rurales. femmes sont les blocs de construction de la so- d’augmenter la participation des femmes L’agriculture permet d’améliorer le niveau de vie ciété, former les femmes, c’est former l’ensem- dans les instances de prises de décision, des populations. Le blé est la nouvelle arme du ble d’une nation. dans les organes législatifs (municipalité, monde. députation, sénat). Son Altesse Royale Princesse Loulwa al Faisal, Rendez-vous au 4eme Congrès Internatio- Madame Flavia Palanza, Directrice associée à la Arabie saoudite: Il faut dégager les opportunités nal de la Femme Noire, en Zambie, Novem- Banque Européenne d’Investissement, Luxem- pour permettre de passer de la charité à la mise bre 2010, sous le Haut Patronage de la Pre- bourg: Nous disposons de 5 milliards d’euros en œuvre des programmes d’éducation. Il y a mière Dame, Madame Thandiwe Banda. pour les investissements de 2007 à 2013. 400 une urgence des mesures proactives en Afri- millions pour les subventions et les bourses, que en tenant compte des traditions. Il existe http://www.femmesperformantes.com pour un accès au trust fund pour les infras- de nombreuses manières pour faire avancer tructures entre l’Union Européenne et l’Afrique. la dignité des femmes. La bureaucratie est un L’objectif de la Banque Européenne d’investis- obstacle. sement est de nouer des partenariats entre le secteur public et prive; car s’il n’y a pas d’infras- Première Dame du Mozambique, Madame Ma- tructures, il n’y a pas d’industrie ni d’intégration ria da Luz Dai Guebuza: Les femmes peuvent économique. Les secteurs qui sont financés influencer dans tous les domaines, à condition sont les secteurs générateurs de revenus, tels qu’elles soient formées. De nombreuses fem- que les autoroutes à péage. Les projets doivent mes adultes sont analphabètes. Sans forma- être sains car c’est aussi une banque de déve- tions, la femme ne peut apporter sa contribu- loppement qui respecte les règles de l’environ- tion pour l’avancement de la société. Ce sont les nement. 150 millions d’euros sont disponibles femmes qui travaillent dans l’agriculture, dans pour les infrastructures en Afrique, l’intégration le commerce, il est essentiel de créer un institut régionale est prioritaire. Il y a des subventions de form ation pour la dignité de la femme pour pour financer les études de faisabilité des pro- quitter ce statut. jets liés à la construction. Première Dame du Burkina Faso, Chantal Com- M. Sergey V. Kurilin, CEO, Afrique Alliance, Rus- paore: Avec 83% des femmes non alphabétisées sie: Les buts essentiels de cette organisation au Burkina Faso en 2007, la problématique de la russe est de relancer ses rapports de partena- généralisation des apprentissages utilitaires se riat avec l’Afrique, de favoriser l’extension et le pose davantage avec acuité, car il est impossible développement de la coopération internationa- d’envisager le développement durable sans des le multilatérale entre la Russie et les pays afri- actions multiformes d’éducation des femmes cains afin de consolider les relations d’affaires qui représentent environ 52% de la population. et de production, ainsi que les liens culturels et économiques.

14 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 La Première Dame de Ghana, Ernestina Naadu Mills © Crans Montana Forum

15 ACTUALITE

Flash mob avec Aurore et Jonass de Hoza Dance School © Lola

Le Soleil Levant Action anti-discrimination à Charleroi

Par Persyde Doowo

Caleb Djamany, jeune de Charleroi et Président de l’asbl ‘Soleil Levant’ a voulu emboîter le pas à la campagne ‘La discrimination s’arrête ici’, initiée par Mme Eliane Tillieux, Ministre de la Santé, de l’Action sociale et de l’Égalité des Chances au Gouvernement wallon par une action dans le cadre de la Journée internationale contre le racisme, la discrimination et la xénophobie.

Caleb Djamany a voulu rassembler les Caro- quoique de nombreux d’étrangers en terre Un tableau contre le racisme los le 21 mars dernier à Charleroi lors de la belge subissent encore et tous les jours des Journée internationale contre le racisme, la actes de racisme et toutes autres sortes de Les jeunes carolos ont ainsi réalisé un tableau discrimination et la xénophobie. L’asbl ‘Soleil discrimination. contre le racisme, remis à Bernard Dallons, éche- Levant’ a pris date avec ce rendez-vous et a vin de la Santé, de l’Action sociale, de l’Intégration mobilisé, quelques jours avant, la jeunesse de et de l’Egalité. Ce dernier leur a promis d’exposer Charleroi pour dénoncer la persistance de ce La musique comme stratégie l’œuvre dans les couloirs du Centre public d’ac- phénomène. L’événement s’est déroulé sur la tion sociale (CPAS) de Charleroi. M Dallons a pour rue de la Montagne. Le but de l’association est Au cours de cette rencontre, deux chansons sa part soutenu et encouragé le travail de cette d’étendre ses actions dans d’autres villes du symboliques ont été sélectionnées. ‘Black association sans but lucratif qui a pour mission royaume et au-delà de nos frontières. or White’ de Michael Jackson, qui traite de la de favoriser l’interculturel et intergénérationnel. différence de races et ‘Right now’ d’Akon, ara- Il a également rappelé qu’il comptait sur ce genre bisée par un musicien marocain. Selon Caleb d’initiatives pour interpeller la population sur les Flash mob Djamany, le choix de ces titres a été straté- méfaits de la discrimination. gique. Il a fallu marquer les mémoires par un Pour être plus efficace, l’organisation avait événement comme le flash mob, qui ne s’est choisi le flash mob comme mode de com- pas encore produit à Charleroi. Les prestations De l’aide venue de partout munication. Venu des Etats-Unis, ce concept des danseurs ont été préparées par Aurore, Jo- consiste à rassembler des personnes qui ne se nas et Sarah Versieux, respectivement direc- L’association ‘La Main dans la Main’, le Centre connaissent pas forcément pour faire passer teurs de Hoza Dance School, et de Saly Dance. pour l’Egalité des Chances, l’UNESCO, le Patro un message. Les jeunes du Patro de Courcel- Les participants ont été recrutés via Facebook de Courcelles et le restaurant ‘Quick’ de Char- les sont venus aider pour distribuer des flyers et l’Ecole communale du Boubier de Châtelet leroi avaient mis la main à la pâte pour réussir au public. Selon l’organisateur, la vulgarisation qui, via les enseignants, avait mis à contribu- la journée. Le ‘Soleil Levant’, qui salue le geste de cette problématique ne s’est forte médiati- tion les élèves. de ses partenaires, compte étendre ses actions sée que le 21 mars. Les actions menées après dans d’autres villes du Royaume et au-delà de cette journée restent souvent inaperçues, nos frontières.

16 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 ECONOMIE

Blanchiment d’argent La difficile lutte africaine

Par Daouda Emile Ouedraogo

Le phénomène du blanchiment d’argent semble être peu ou prou une gangrène dans nos sociétés. Inconsciemment ou sciemment, les médias n’en font pas beaucoup de cas. Et, pourtant, le phénomène est réel et l’Afrique s’en va en guerre contre ce mal aussi pernicieux qu’un serpent de mer.

Apparu aux environs des années 1990 en Afrique, considéré comme des fonds ayant une origine le continent, c’est le Groupe intergouvernemental le blanchiment d’argent gangrène les économies propre. Le blanchisseur se met en confiance dans d’action contre le blanchiment d’argent et le finan- des pays. Phénomène difficile à maîtriser tant ses l’utilisation de ces fonds, car l’origine illicite étant loin, cement du terrorisme en Afrique de l’Ouest (GIABA) contours sont complexes, le blanchiment d’argent il peut injecter l’argent dans une entreprise, une ac- qui essaie tant bien que mal de barrer la route aux tue à petit feu les économies des Etats fragiles. Mais tivité pour récupérer derrière, de l’argent qui sort de blanchisseurs. Le GIABA est une institution spécia- en fait, qu’est-ce que le blanchiment d’argent? Les cette entreprise. lisée de la Communauté économique des Etats de spécialistes de la lutte le définissent comme la dissi- l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a été créée par la mulation de l’origine criminelle de l’argent provenant volonté des chefs d’Etat de ladite communauté en d’une infraction à la loi pénale. L’argent provenant Des conséquences fâcheuses décembre 1999 à Lomé, au Togo. Ses statuts ont été d’un crime ou d’un délit. C’est-à-dire le fait de cacher adoptés en 2000 par la conférence des chefs d’Etat l’origine de l’argent ‘sale’ que l’on a, constitue le blan- Le blanchiment d’argent a des conséquences fâ- au Mali (Bamako) et ses statuts ont été récemment chiment d’argent. cheuses sur les économies des pays. Et, le problème révisés à Niamey (Niger). A titre illustratif, le trafic de drogue est interdit. Or, le majeur dans la lutte contre ce fléau est que les blan- Ayant pris conscience du danger que représente le trafiquant de drogue fait son affaire et gagne de l’ar- chisseurs sont difficilement identifiables malgré les blanchiment d’argent sur les efforts du développe- gent. Lorsqu’il le réinvestit dans un autre domaine multiples actions de lutte et la pléiade de textes qui ment, les hautes autorités de la CEDEAO ont décidé licite, il fait du blanchiment d’argent. Puisqu’il est existent en la matière. De facto, l’impact du blanchi- la création du GIABA pour combattre vigoureuse- en train de cacher l’origine frauduleuse (délictuelle ment d’argent est semblable à un cancer. D’abord, ment l’utilisation de ce système financier à des fins ou criminelle) de l’argent qu’il a eu à travers le trafic. au plan moral, il y a l’influence des organisations de blanchiment. En termes d’actions sur le terrain, Différents procédés sont utilisés par les incondition- criminelles sur le tissu social qu’il affaiblit. Il mine les les textes prennent le pas sur les actions. Les ins- nels de cette pratique en Afrique mais, on en distin- valeurs individuelles et collectives. truments juridiques existent. Ces instruments sont gue trois grandes opérations. D’abord, le placement Ensuite, au plan politique, les détenteurs de capitaux de trois ordres à savoir, les instruments juridiques qui est l’étape au cours de laquelle les fonds illicites d’origine illicite sont capables d’infiltrer le système nationaux, ceux régionaux et les textes internatio- (l’argent) issus de l’opération de drogue par exemple, démocratique par le biais de la corruption. Ils obtien- naux. Au compte de la dernière catégorie, existent sont éloignés de leurs sources illégales. nent en ce moment une progression de leur activité les conventions, les déclarations et surtout les qua- Eloigner, c’est-à-dire que le blanchisseur peut dépo- délictueuse. Ils constituent de ce fait une menace rante recommandations du GAFI (Groupe d’action ser l’argent liquide dans une banque, une institution pour l’ordre public et les valeurs républicaines. Sur financière) sur les capitaux et les neuf recommanda- financière, tout comme il peut également se procu- le plan économique, les importantes ressources tions spéciales du GAFI sur le financement du terro- rer des produits de luxe… Bref, il introduit la somme financières dont disposent les blanchisseurs d’ar- risme. Il y a également la convention internationale quelque part. On l’éloigne donc de son origine frau- gent peuvent conduire à un déséquilibre du marché pour la répression du financement du terrorisme duleuse, délictuelle. Ensuite, la deuxième phase c’est financier parce que cela crée une concurrence dé- de 1999. Malgré tous ces instruments, les capitaux l’empilement. Une fois les fonds illicites injectés loyale. Sur le plan financier, l’utilisation des établis- sont blanchis au quotidien et l’Afrique semble être dans le système financier, leur blanchiment requiert sements financiers pour des fins de blanchissement impuissante face au phénomène. des grandes actions pour les éloigner davantage de peut entamer la réputation et la crédibilité de ceux-ci Mais, l’espoir est permis dans la mesure où le plus leur source illégale. Cette étape se fait par exemple et provoquer, par voie de conséquence, leur déstabi- long chemin à parcourir commence par le premier par l’achat ou la vente de valeurs mobilières. Ou lisation et partant également des crises. pas. L’Afrique a fait le premier pas, reste à la mayon- encore expédier ces fonds dans n’importe quel coin naise de prendre. Et, cette mayonnaise ne peut du monde par le biais de divers comptes habituel- prendre que lorsque les banques et les institutions lement détenus par des sociétés fictives. Tout cela La difficile lutte africaine financières ne dénonceront pas les clients ayant des pour brouiller les pistes des sources frauduleuses revenus colossaux ou des revenus à provenance des fonds. La lutte africaine contre le blanchiment d’argent douteuse. La dernière phase est celle qu’on appelle l’intégra- fait son bonhomme de chemin. Cependant, il faut tion. L’argent du blanchisseur est en ce moment le reconnaître, elle semble avoir l’aile plombée. Sur

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Nadjim Haroun, organisateur du tournoi, et Abdel Borak de la société ZAZ

ZAZ aide les enfants africains

Par Kenza Garba

ZAZ, une société active dans la vente de chaussures et accessoires pour femmes, s’est dirigée cette année vers de nouveaux horizons: le sport et les enfants africains. Le ZAZ Charity tournament était leur premier tournoi de football en salle annuel. Les bénéfices de cet événement sportif sont offerts à des enfants défavorisés en Afrique.

«Un tournoi en salle est amusant et le jeu a accueilli huit équipes de 8 ans et douze de seuls face à leur destin», dit Augustin Izeidi, technique est mis en valeur. Si nous pouvons 11 ans. La présence d’équipes telle Germinal le président de l’asbl. «Friendly Foot est ac- de cette façon aider également des jeunes Beerschot, RSC Anderlecht, FC Brussels, White tuellement déjà opérationnel en Belgique, enfants défavorisés, ce serait merveilleux», a Star et autres, ont fait de ce tournoi un tournoi au Tchad et en République Démocratique du pensé Abdel Borak, le fondateur de ZAZ, en vi- important. Promouvoir la technique chez les Congo. L’asbl apporte son soutien à des jeunes sant le projet ZAZ Charity à Bruxelles. Il a fait jeunes joueurs est une chose importante pour défavorisés via un lien tout particulier, qui est appel à Nadjim Haroun, qui a, dans le cadre de leur formation. La venue de joueurs de football celui du sport et principalement du football. son stage scolaire, organisé l’événement spor- professionnel comme Faris Haroun, Mouhssi- De nombreux joueurs professionnels actifs en tif. «Dans l’avenir nous voulons organiser de ne Iajour, Jerôme Vanderzijl, Nadjim Haroun et Belgique donnent déjà gracieusement de leur grands tournois nationaux en salle», dit le fon- Abdellatif Fellaini, père de Marouane, a motivé temps pour animer par leur présence les sta- dateur de ZAZ. «L’objectif est de réunir le futsal, les jeunes joueurs. ges que nous organisons. L’image positive que le football et toutes personnes aimant le foot- donnent ces joueurs vedettes est porteuse de ball en salle. Les joueurs peuvent s’inscrire par l’esprit de solidarité qui anime notre équipe. le nom d’un joueur connu ou un joueur pro peut Le sport pour l’action sociale Nous sommes bien sûr très heureux que ZAZ inscrire sa propre équipe. Nous visons un public veuille nous supporter sur le terrain. J’espère entre 16 et 22 ans. L’équipe gagnante recevra Le tournoi était une action ‘Sport-for-life’. Les pouvoir montrer prochainement les résultats une coupe et une médaille, et bien d’autres prix bénéfices du tournoi on été reversés à l’asbl de ce don.» intéressants. Le but est de combiner l’action Friendly Foot, qui est une association de bien- sociale et le sport. Ainsi, nous pouvons récolter faisance. Friendly Foot a été constituée pour des fonds pour aider des associations comme venir en aide aux enfants défavorisés dans le Friendly Foot.» monde entier en leur donnant les moyens d’ap- prendre, parfois en construisant l’école, mais plus souvent en leur fournissant du matériel Le ZAZ Charity tournament scolaire. L’association essaie d’être concrète sur le terrain. «Nous voulons apprendre aux Le ZAZ Charity tournament a été remporté par enfants que la solidarité dans le sport, comme le FC Brussels et Dieleghem Jette. L’événement dans la société, existe et qu’ils ne sont plus

18 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 Germinal Beerschot, finaliste

FC Brussels, équipe gagnante en U11

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Moussem Club 2007 Les jeunes montrent l’art contemporain au Maroc

Propos recueillis par Moussem et Kenza Garba

L’exposition RENCONTRE présente une sélection d’œuvres d’art de la prestigieuse collection du M HKA, le Musée d’Art contemporain de Anvers. La sélection des œuvres a été réalisée par un groupe de jeunes bénévoles du Moussem, qui a réfléchi pendant un an à ce que l’art contemporain représentait pour eux.

Le projet s’inscrivait dans le cadre du festival racontent leur expérience et leurs choix, sont volonté d’échange des différents partenaires SANS TITRE du Moussem, au printemps 2007, projetés dans les différents espaces d’exposi- de ce projet. Cette belle histoire a aujourd’hui mis en oeuvre en collaboration par le M HKA tion. pris une envergure internationale dont la por- et Moussem Centre Nomade des Arts. Ce fut tée est essentielle pour la diffusion de l’art un projet éclectique (expositions, projections, Leur exposition au Maroc contemporain, elle permet en outre aux jeunes concerts) qui donna lieu à deux mois de ma- bénévoles de Moussem, qui ont toujours voulu nifestations. L’idée de délocaliser cette exposition au Ma- montrer cette exposition au Maroc, de vivre la roc est née de différentes rencontres avec La concrétisation de leur rêve. La parole aux jeunes Source du Lion. Depuis quelques années, La Source du Lion avait tissé des liens d’échanges Par ailleurs, cette exposition est la plus impor- Pendant la durée du Moussem festival 2007, avec le M HKA et le Moussem. Le projet mené tante exposition internationale d’art contem- le Moussem et le M HKA ont aussi voulu don- par La Source du Lion autour du parc de l’Her- porain que le Maroc ait jamais présentée. C’est ner la parole au public. D’où l’idée de créer un mitage à Casablanca avait été présenté au M grâce à cette enrichissante collaboration in- Moussem club constitué de jeunes bénévoles HKA en 2007, lors du Festival Moussem prin- ternationale et à la mise à l’honneur des arts issus d’une deuxième génération de l’immi- temps 2007. Ainsi, depuis trois années, le pro- plastiques contemporains que les artistes et gration, en majorité marocains, et mission- jet de déplacer cette sélection d’œuvre était en le public ont aujourd’hui cette opportunité nés pour concevoir leur propre présentation gestation, restait à trouver le contexte oppor- inédite de se rencontrer et d’apprendre à se de la collection du musée afin de la montrer tun. L’ouverture du Festival Mawazine sur les connaître. pendant le festival. Pendant une année, ces arts plastiques contemporains en constituait jeunes, encadrés par des collaborateurs du M la plate-forme idéale. HKA, s’engagèrent à réfléchir sur la manière dont ils voulaient constituer ‘leur’ collection et Une belle histoire sur ce que cela représentait pour eux. Le résul- tat peut être admiré, dans une version adaptée Présenter l’exposition durant le Festival aux deux sites d’exposition à Rabat. Une série Mawazine à Rabat, permet de donner une www.moussem.be de petits films, dans lesquels les bénévoles forme concrète à l’engagement culturel et à la www.muhka.be

20 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 Moussem club © Leriette Desir van Bergen

L’exposition se termine le 22 juin 2010 à artistes des cinq continents et plus de cinquante laire ou lyrique feront de cette 9ème édition une Rabat, Maroc. pays envahiront la ville de leurs couleurs et tem- fête dont la mélodie résonnera à travers tout le pos pour célébrer la diversité des rythmes et des royaume et au-delà de ses frontières. Abdelhadi Galerie Bab Rouah cultures, notion fondatrice du festival. La scène Belkhayat, Tahour, Aïcha Tachinwit ou Mazagan 1, Avenue de la Victoire internationale sera cette année encore très bien feront le bonheur du large public de Mawazine. 10000 Rabat représentée, puisque le festival accueillera d’im- Sans oublier Jil Jilala, Bachir Abdou, Fatima-Za- menses stars. Pour la première fois se produi- hra Lahlou, Mohamed El Ghaoui, Hamid El Kasri, Galerie Bab El Kebir ront Elton John, B.B. King, Julio Iglesias, mais Nouri, Saïd Mouskir et Abderrahim Souiri qui se Les Oudayas aussi Carlos Santana, Mika et Sting, qui donnera produiront entre le 21 et le 29 mai sur les scè- 10000 Rabat le concert de clôture très attendu. La scène orien- nes du festival. Le festival Mawazine - Rythmes tale enchantera les amateurs avertis de la mu- du Monde favorise également l’expression des sique arabe grâce aux sonorités du Liban avec musiques urbaines qui seront très bien repré- Festival Mawazine Majda Roumy, Elissa, Rami Ayach, Myriam Faris, sentées à travers la participation de Don Bigg, Rythmes du Monde 2010, une édition haute en Wael Jasser, de l’Irak avec Majid Al Mohandiss Oum, Nabyla Maan, Dirty Faces, Chemical Bliss couleurs et de l’Égypte avec Amal Maher et Tamer Hosni. et Setta Fusion. D’autres artistes connus et re- D’autres formes de l’expression artistique ne se- connus seront également de la partie, tels que Cette année encore, le Festival Mawazine réunira ront pas en reste. Les épices des accords latins Harry Connick Junior, Maghreb United, Faudel les cultures du monde au coeur d’une même fête. du Portugal (Deolinda) côtoieront ceux de la Géor- ou Maurane. Leur participation restera sans nul Rabat, fière d’accueillir cet événement, vivra aux gie, de la Grèce, du Bangladesh ou de la Mongolie. doute dans les annales du festival. Ces stars qui rythmes du monde du 21 au 29 mai 2010, tout au Les percussions de l’Afrique retentiront tout au chantent le partage, la paix et la tolérance, valeurs long d’une programmation réunissant des artis- long du festival en companie des artistes am- prônées par Mawazine, illumineront les soirées tes exceptionnels. La musique couvrira toute la bassadeurs des pays tels que: l’Éthiopie, le Mali, le de cet événement devenu incontournable pour ville grâce aux huit scènes et aux rues qui seront Bénin, le Sénégal et d’autres. C’est ainsi que Alpha les mélomanes. en fête: concerts, spectacles, fanfares, danses, Blondy, Ismaël Lô et Angélique Kidjo feront vibrer Bons spectacles à tous! processions et exposition. Toute la capitale sera Mawazine de leurs rythmes endiablés. Les ar- envoûtée par les vibrations de Mawazine. Les tistes marocains de la chanson nationale popu- www.festivalmawazine.ma

21 MAGHREB

Hamida Ouassini Un dépassement heureux

Propos recueillis par Kenza Garba

Écartelée entre deux passions d’intensité égale,la photographie et la peinture, Hamida Ouassini entreprend l’association des deux modes d’expression, que rien, à priori, ne prédisposait à s’assembler, au lieu d’avoir à choisir entre eux.

Hamida Ouassini a fait ses études supérieures Transcender le monde visible LNA: Supportez-vous bien les critiques? en graphisme, publicité, photographie et séri- graphie à l’Académie Royale des Beaux-arts de «Si la photographie est une représentation du réel, HO: Si elles sont fondées, oui. Et surtout si elles Bruxelles. En 1991, elle a passé son baccalau- alors que la peinture est plutôt une interprétation ouvrent d’autres portes. réat en Arts Plastiques, Math et Technique’ au de celle-ci, l’union des deux dépasse d’emblée leurs Maroc. Actuellement, elle est graphiste et Res- modes d’expressions respectives, jusqu’au point où LNA: Que pensez-vous des artistes marocains? ponsable de projets à la Commune de Saint- la distinction n’est plus nécessaire, et l’appellation Gilles. Mais Hamida n’a pas de temps à perdre. n’a plus beaucoup d’importance», nous explique HO: J’en connais très peu. Il faut dire que le piè- Cette année, elle est déjà à sa deuxième exposi- Hamida. «Tant que mon travail arrive à transcen- ge du folklore nous guette tous. C’est difficile tion. Du 7 au 23 mai elle expose au Lounge Bar der le monde visible pour créer un univers person- d’échapper aux caractéristiques qui rattachent de l’espace ‘Les Salons’ à Saint-Gilles lors du nel, où le sublime côtoie souvent le commun, car nos œuvres à notre culture spécifique: scènes de Parcours d’Artistes 2010. c’est sur la ruine d’un monde qui s’en va trop vite, rues, clichés historiques ou traditions picturales. que je me propose d’édifier une nouvelle beauté Kacimi, par exemple, était un peintre qui a réussi inquiète et anxieuse, se penchant au-dessus du à échapper à cette contrainte. Certains de ses Un dépassement heureux de son passage inexorable du temps.» tableaux sont fascinants car ils offrent plusieurs dilemme initial niveaux de lectures. Nous avons rencontré Hamida Ouassini et posé Les poils de la brosse taillent dans le vif de la quelques questions sur la nature de ses ambitions LNA: Arrivez-vous à concilier vie privée et travail photo, accentuant les angles, brouillant les et de ses projets. artistique? contours trop définitifs pour laisser surgir l’il- lusion d’un inachèvement flou qui donne plus LNA: Où vous situez-vous par rapport à l’art HO: Je ne peux sacrifier ni l’un ni l’autre, je fais en d’espace à la liberté du regard. Sa peinture contemporain? sorte de trouver le juste milieu. C’est uniquement semble par moments se coaguler en un mag- en travaillant à mi-temps que je peux me consa- ma qui jaillit au cœur de l’image transformée; le Hamida Ouassini: C’est difficile de se situer par crer à ma passion qui exige beaucoup de temps procédé du collage est aussi mis à contribution rapport à tout un éventail d’œuvres disparates. et d’implication. et achève la mue. Ces compositions ont donné Mes goûts sont très variés. Ce dont je suis certaine, naissance à une zone médiane, où figuratif et c’est que je travaille à l’instinct. La théorie occupe LNA: Avez-vous l’impression d’un cheminement, abstrait se conjuguent dans un maelström une toute petite partie dans mon travail. J’aime d’une évolution dans votre travail artistique? d’images saisissantes, réalisant un dépasse- m’acharner sur un tableau, c’est mon côté viscéral ment heureux de son dilemme initial. qui demande à s’exprimer. HO: Je suis à un stade de réconciliation. Après de

22 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 Hamida Ouassini

Etudes et autres

1997 - 1998 1998 - Participation au Parcours d’Artistes à - Recherches en photo - Séjour de 1 an à Saint-Gilles, Bruxelles longues années de déchirement entre la photo et Paris à la Cité internationale des Arts sous le Thème: «Challa» la peinture, qui a débouché sur une impasse, j’ai parrainage de la Fondation Hassan II, Paris, finalement trouvé un moyen qui me permet de France 1998 - Participation au Contact 98 au Pyra- m’exprimer. mide de Rogier, Bruxelles 1992 - 1995 LNA: Estimez-vous qu’il y a des sujets tabous - Académie Royale des Beaux-arts. Etudes 1997 - Exposition - Théâtre Varia qu’on ne peut pas peindre? supérieures en Publicité, Graphisme/Publicité, Thème: «Corps» Photographie et Sérigraphie, Bruxelles HO: l’Art ne doit pas être limité par des règles 1996 - Exposition de photographies - Cité créées par l’homme, car il interroge ces mêmes 1989 - 1991 Internationale des Arts, Paris règles. - Baccalauréat Arts Plastiques, Math et Tech- Thème: «Paris Ville en mouvements» nique, Maroc http://web.me.com/ouassini1/Site_2/Hamida_Ouas- Expériences sini.html Expositions www.lessalons.be 2001 - 2009 2010 - Exposition à l’Hémisphère - Bruxelles - Graphiste & Responsable de Projets à la 2010 - Exposition à l’Agence de Développe- Commune de Saint-Gilles, Bruxelles Vous êtes conviés lors du Parcours d’Artistes ment belge, Bruxelles 2010 à découvrir aux ‘Les Salons’ les œuvres de 2000 - 2001 Hamida Ouassini. Le vernissage prend place au 1999 - Exposition de photographies - Welk- - Scénographe de spectacle et personne Lounge Bar des ‘Les Salons’ le 7 mai 2010, chaus- enraedt de référence pour complexe touristique en sée de Charleroi 89, 1060 Saint-Gilles. L’exposi- Thème: «Cité Fatma» Sardaigne, Italie tion sera ouverte de 14h à 19h le 8,9 - le 15,16 et le 22,23 mai 2010. 1998 - Exposition de photographies - Magie 1998 - 1999 ‘Les Salons’ sont ouverts du mardi au vendredi du Maroc, Namur Graphiste à BRIO productions, Bruxelles, à partir de 11h30 et le samedi à partir de 19h. Thème: «Cité Fatma» Belgique Venez danser dans le Bar et la grande salle des ‘Salons’ les vendredis et samedis à partir 1998 - Exposition de photographies - Encuen- 1996 - 1997 de 22h. tros III, Bruxelles - Concepteur infographiste - Quadrichromie, Thème: «Le Toit» Rabat, Maroc

23 SOCIETE Ces inventeurs venus d’Afrique

Par Youcef Maouchi /www.unmondelibre.org

Quel est le point commun entre la lampe électrique, la capsule pour bouteilles et bocaux, l’ascenseur, la machine à dactylographier, le stylo à encre, le batteur à œufs, la tondeuse à gazon et l’appareil de respiration? Que ces inventions, qui aujourd’hui font partie de notre quotidien et qui l’ont révolutionné, ont toutes été inventées ou co- inventées par des noirs aux Etats-Unis.

L’un des arguments qui tend à revenir dans les Le terreau institutionnel Promouvoir l’initiative personnelle débats autour du sous-développement de l’Afri- que est celui qui réduit le sous-développement Pour mieux comprendre ce phénomène, avant Certes, tout le monde n’a pas l’esprit d’initiative, à un phénomène culturel, voire génétique. L’Afri- de chercher dans les variables culturelles ou n’est pas inventeur dans l’âme. Ceci est une réa- que serait ainsi vouée à rester sous-développée génétiques, nous devons nous tourner vers le lité, même dans les pays dits ‘développés’. Mais et dépendre des pays développés. Selon cet ar- terreau institutionnel qui est à la base du déve- dans ces derniers règne un environnement gument, si les Africains n’arrivent pas à se déve- loppement d’une société. Des hommes et des institutionnel favorable à l’épanouissement de lopper, c’est qu’ils n’ont ni la culture, ni le gène de femmes seront d’autant plus incités à expri- l’esprit d’entreprise, à la concrétisation des op- l’esprit d’entreprise, de l’initiative ou de la créati- mer leurs talents et donner vie à leur créativité portunités entrepreneuriales. Ceux qui ont l’es- vité. Cette dévalorisation est même parfois ra- s’ils évoluent dans une société libre, et non pas prit d’initiative plus que les autres ‘tirent’ leurs bâchée dans des cercles universitaires africains, dans une société opprimée. Loin de n’être que concitoyens moins entreprenants vers le haut. justifiant nombre de politiques paternalistes. culturels ou génétiques, les comportements des Voilà donc un environnement qui place l’initiative individus sont très largement dépendants des et l’épanouissement de l’individu et de sa com- institutions formelles. C’est-à-dire les règles munauté au centre de la dynamique du progrès. La vérité semble ailleurs économiques et juridiques claires, en vigueur Pour que l’Afrique aspire à un développement dans un pays, qui posent le cadre des incita- pérenne au service des hommes et des femmes Pourtant la vérité semble, heureusement, ailleurs. tions à la production, à l’échange, au partage. du continent, et d’ailleurs, il est urgent de libérer Il y a déjà plus d’un siècle, entre 1890 et 1900, ont On a beau avoir l’esprit d’entreprise ou un sens l’initiative individuelle, de promouvoir, en accord été aussi brevetés par des noirs américains, en- de l’inventivité, si l’environnement institutionnel avec les traditions locales, des règles juridiques tre autres, le commutateur pour voie ferrée, le dans lequel on évolue n’est pas favorable. Notre et économiques claires en faveur de l’initiative moteur rotatif, la table à vapeur, le taille-crayon, projet, notre intuition, ne verra jamais le jour. Les personnelle. l’attelage de voitures, le piano mécanique, le tam- inventions citées plus haut n’auraient peut-être pon à main, le bain d’impression photographique, jamais vu le jour, si leurs auteurs étaient restés le moule à glace, les feux de signalisation, la table en Afrique. On comprend vite que des environ- La paix à repasser, l’arrosoir de pelouse, la moissonneu- nements institutionnels différents produiront se et le dirigeable. Là encore ces inventeurs ont des résultats différents. Le développement vient d’en bas et non d’en changé la vie de millions de gens depuis plus d’un haut. Mais pour que le ‘bas’, la société civile, siècle. Les noirs n’ont pas l’esprit créatif? Ils ne puisse être actif et générer des richesses, il faut peuvent pas faire preuve d’initiative? Certes, ces «Quand vous êtes prêt à qu’il puisse compter sur des institutions qui le hommes et ces femmes à la source des inven- protègent, qui protègent sa propriété et qui le tions précédentes étaient Américains, mais avec partir pour le travail, sachez stimulent. C’est là que le rôle du ‘haut’ (états, du sang africain dans les veines. Il devient alors gouvernements) devient important. Il doit ga- difficile de croire que les noirs n’ont, presque ‘par que la moitié de toutes rantir un état de droit, protéger la propriété des définition’, pas l’esprit d’initiative. C’est d’ailleurs individus, offrir sécurité et stabilité aux citoyens tout le contraire qui se dégage de cette liste. Le les choses et de tous les qu’il représente. président de la première puissance du monde a La créativité humaine est universelle et est sour- lui aussi du sang africain dans les veines. appareils dont vous vous ce de progrès. Mais pour s’exprimer et se diffu- ser, elle requiert les conditions de liberté, c’est-à- êtes servis avant de quitter dire le respect des droits individuels, de la liberté économique et de la paix. votre domicile a été inventé

par des noirs.» Pour vous informer sur les inventions, consultez: http://www.kamaniok.fr/memoire/inventions.htm Martin Luther King Jr

24 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010

OPINION

Monument de la renaissance africaine, Dakar © Jeff Attaway

Dakar Sur les traces de la libération de l’Afrique

Par Daouda Emile Ouédraogo

Plus haut que la statue de la liberté à New York, le monument de la renaissance africaine avec ses 52m de hauteur surplombe la ville de Dakar avec cette inspiration qui allie le charme à la méditation; l’espoir en un lendemain meilleur après «la traversée du désert» par les Africains; entendez par là, la lutte pour l’émancipation de l’Afrique. L’Afrique doit renaître.

26 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 Sur les marches, des drapeaux africains flottent au vent © Daouda Emile Ouédraogo

Le monument de la renaissance est construit que, sur le fait que maintenant, l’Afrique doit Forger la mentalité des peuples sur la côte la plus élevée de l’Afrique de l’ouest enclencher une autre bataille: celle de l’espé- au bord de l’océan Atlantique. Avec ses 52m rance en une Afrique meilleure qu’aujourd’hui. Lorsque le premier président de la république de hauteur, ses 15 étages ‘intérieurs’ et sa de Côte d’Ivoire, feu Félix Houphouët-Boigny vingtaine de chambres internes, le monument a voulu construire la basilique de Yamous- de la renaissance africaine est constitué d’un S’appuyer sur le passé soukro, des tollés se sont levés contre ce pro- homme avec sur son bras gauche un enfant, jet. Aujourd’hui, les Ivoiriens se retrouvent au indiquant l’horizon et ayant cerné une femme Au pied du monument de la renaissance afri- pied de la basilique pour chercher et prier pour à sa taille. L’enfant, tout haut perché indique caine, le Président sénégalais, Me Abdoulaye la paix en Eburnie. En Afrique, comme partout l’Afrique symbolisée par sa carte posée à un jet Wade, appelle par un écriteau la jeunesse ailleurs, il est clair que lorsqu’on forge la men- de pierre du monument. Tout autour des mar- africaine à ne pas oublier tous les sacrifices talité des peuples, on forge leur destin. Il n’y ches menant au monument, soufflent au vent consentis par nos ancêtres pour lutter contre a pas meilleure manière de forger des men- plus d’une dizaine de drapeaux de pays afri- l’ignorance et l’obscurantisme. Au-delà de tout talités que d’instruire sur l’histoire, d’instruire cains. C’est la marque que tous les pays afri- subjectivisme, cet appel à méditer sur le passé les peuples sur leur responsabilité quant au cains ont un même et unique combat à mener: de l’Afrique appelle aussi à se projeter dans le devenir du continent. C’est la plus grande des lutter contre l’ignorance et l’obscurantisme en futur du continent. C’est au prix du sang et de richesses, l’une des valeurs que tend à sauve- cherchant à tendre vers l’horizon. Cet horizon la sueur que l’Afrique a arraché sa liberté. C’est garder le monument de la renaissance afri- fait de paix, d’amour et de développement. aussi au prix du sang et de la sueur que l’Afri- caine. On le sait, celui qui renaît entame une que arrachera ses enfants de l’obscurantisme nouvelle vie. et de l’ignorance. Il n’est pas permis de quitter La conscience de chaque africain cette œuvre de reconstruction et de renais- sance. Léopold Sédar Senghor En voyant de près cette masse de bronze et de cuivre, malgré les critiques acerbes for- Tous les monuments au monde ont été l’objet Cette vie n’est pas antinomique à celle qu’il a mulées contre ses géniteurs, on reconnaît de vives critiques au moment de leurs réalisa- déjà vécue. Elle est une continuité mais enta- la grandeur et la noblesse de l’idée qui sous tions. Mais, aujourd’hui, ils sont la fierté des mée sur de nouvelles bases avec des visions entend l’érection de ce monument. D’un coût pays dans lesquels ils se trouvent. Ils sont la nouvelles. Il n’y a pas de peuple qui ne veuille de plus de quatorze milliards de francs CFA fierté des messages qu’ils véhiculent. Un jour écrire son histoire que comme il le souhaite et (environs vingt-deux millions d’euros), financé ou l’autre, le monument de la renaissance afri- le veut. C’est à cela qu’appelle le monument par un homme d’affaire sénégalais qui, en re- caine en sera ainsi pour l’Afrique en général et, de la renaissance africaine bâti sur la tombe tour, a acquis des terrains à l’Etat sénégalais, pour le Sénégal. Et, cela a déjà commencé avec de Léopold Sédar Senghor, le premier africain le monument de la renaissance africaine est le flux de touristes qui font le déplacement à siéger à l’Académie française. Il écrit ceci un phare qui éclaire les générations présentes pour voir et méditer sur le message de la re- dans ‘Noirs dans les camps nazis’, parlant des et futures sur le passé, le présent pour tendre naissance africaine. D’aucuns diront qu’il n’est Africains tombés sur les champs de bataille: vers le futur de l’Afrique. Le langage véhiculé pas possible de construire un tel monument «Vous n’êtes pas morts gratuits, vous êtes par ce monument interpelle la conscience de dans un pays pauvre (sic). les témoins de l’Afrique immortelle, vous êtes chaque africain, pris individuellement, sur le les témoins du monde nouveau qui sera de- sens de la lutte pour l’émancipation de l’Afri- main.»

27 ENVIRONNEMENT

Paysage du Burundi © d_proffer

Burundi Transformer les déchets en charbon pour préserver les forêts

Par Jérôme Bigirimana

Certains ménages et camps militaires de Bujumbura, Burundi, utilisent depuis 2006 pour leur cuisine du charbon fabriqué à partir de déchets ménagers. C’est grâce à une nouvelle technique apportée par une jeune association, dénommée Association pour le développement et la lutte contre la pauvreté (ADLP).

Face à l’incapacité technique et financière des Grâce à une technique dénommée ‘valorisa- se nationale, grand coupeur d’arbres pour ses Services techniques municipaux (SETEMU) et tion’, les déchets ménagers sont transformés besoins énormes de chauffage dans les caser- à une insalubrité grandissante dans la ville de en charbon. Ils sont d’abord collectés, essen- nes», estime Benjamin Bikorimana, président Bujumbura, la capitale burundaise, les pouvoirs tiellement les épluchures et les plastiques, en- de l’ADLP. Selon des expériences réalisées par publics ont décidé d’ouvrir le secteur de la col- suite étalés pour le séchage, et enfin, passés l’ADLP, un ménage de trente-deux personnes, lecte et de la gestion des ordures ménagères dans un moulin pour sortir sous forme de bri- qui dépensait quatre dollars par jour en char- aux structures privées qui veulent s’y investir. quettes, compactées de couleur grise. bon de bois, ne dépensera désormais que deux C’est ainsi que l’ADLP est devenue la première dollars s’il adoptait le nouveau charbon. Bien organisation privée à s’impliquer dans la ges- Les premiers morceaux de charbon ont été entendu, cette production est encore dérisoire tion des déchets urbains. produits en août 2006. Aussi, les femmes qui pour suppléer à la consommation en bois du ont essayé le nouveau charbon témoignent de pays, selon Pierre Barampanze, directeur de sa qualité. Josée Ndayisenga, une ménagère l’Energie au Ministère burundais de l’Energie La technique ‘valorisation’ de Bujumbura, assure que le nouveau char- et des Mines. Barampanze révèle que pour bon est «facile à allumer et ne s’éteint pas en avoir un seul petit kilogramme de charbon, il «La question des déchets nous préoccupe, cours de cuisson. C’est un charbon à recom- faudra brûler environ 10 kilogrammes de bois surtout à Bujumbura. Nous avons estimé que mander aux pauvres car il n’est pas cher», parce que les techniques de carbonisation les SETEMU seuls ne sont plus à la hauteur assure-t-elle. sont encore peu perfectionnées. de cette action. C’est pourquoi nous encoura- geons toute initiative privée,» nous a confié Bernadette Hakizimana, l’ancienne directrice Economique et bon marché Sauver les fôrets de l’Environnement au ministère de l’Aména- gement du territoire, du Tourisme et de l’En- «Très économique et bon marché par rapport Astère Bararwandika, Directeur des Forêts, vironnement. au charbon de bois, le charbon issu des déchets révèle que 2 160 hectares de forêts sont dé- ménagers a déjà attiré le Ministère de la Défen- truits chaque année à la recherche du charbon

28 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 La technique ‘valorisation’ © ADLP

de bois. C’est dire que si le projet de l’ADLP commune de Nyakabiga, au centre de Bujum- les mettons de côté. Tous les déchets seront arrive à produire suffisamment de charbon bura, estime que «la salubrité s’est nettement transformés. C’est une question de moyens, pour couvrir les besoins de tous les citoyens améliorée depuis que l’organisation s’occupe sinon la technique, nous la maîtrisons.» du Burundi, c’est au moins 2 160 hectares de des déchets» dans leur commune. forêts qui seront sauvés chaque année de la destruction. Selon Richard Nimubona, Administrateur de Un gain énorme la commune de Nyakabiga, où l’ADLP s’est le Si l’action de l’ADLP est soutenue et devient plus implantée, «l’ADLP est venue au moment Qu’ils la maîtrisent vraiment, cette technique, pérenne, nul doute que la pression exercée où les SETEMU connaissaient d’énormes pro- c’est certain, puisqu’ils sont parvenus à se fa- aujourd’hui sur les forêts burundaises à la re- blèmes d’intervention. Aujourd’hui, nous colla- briquer eux-mêmes deux nouvelles machines cherche du charbon de bois diminuera, estime borons étroitement avec cette association et leur permettant ainsi de produire encore plus Onésime Niyungeko, journaliste environne- tout va bien sauf qu’ils ont encore besoin d’es- de briquettes. Ce qui les rend capable de sa- mentaliste à Radio Burundi. «Et ce serait vrai- pace suffisant pour dégager les déchets non tisfaire une commande de 80 tonnes de bri- ment salutaire dans ce pays qui connaît des encore traités». quettes par mois au compte du Ministère de problèmes de sécheresse due en partie à une la Défense nationale et des anciens combat- déforestation à grande échelle», termine-t-il. tants. Trois camps militaires (Ngagara, Mu- Scepticisme zinda, Marines) et l’Hôpital militaire sont ainsi approvisionnés en charbon pour la cuisson par La santé des hommes Les SETEMU paraissent les plus sceptiques ADLP. Ce qui constitue un gain énorme sur les par rapport à l’initiative de l’ADLP. Célestin forêts et les boisements du Burundi. L’initiative de l’ADLP a évidemment un impact Musavyi, l’ancien Directeur technique des SE- positif sur la santé des hommes, l’environ- TEMU estime que les éloges faits à l’endroit de Il est certain aussi que l’ADLP éprouve encore nement et la protection des arbres. Dans le l’ADLP doivent être mesurés. Selon lui, «l’ADLP des difficultés d’espace pour le triage et le sé- même temps, elle génère des emplois pour les n’a fait que déplacer le problème puisqu’elle chage des ordures, qu’elle manque de maté- plus démunis de la communauté comme les collecte tous les déchets mais ne les traite pas riels roulants et de machines adéquates, mais veuves, les anciens combattants et les jeunes. tous. Alors, où va le reste? Cela va constituer elle reçoit un soutien effectif, de l’administra- Environ quatre-vingts personnes gagnent dé- de nouvelles décharges non contrôlées». tion au plus haut niveau. Et les SETEMU ont sormais leur vie à Bujumbura grâce à la col- récemment reconnu leur incapacité à résoudre lecte, au transport et à la transformation des Mais le président de l’ADLP, Bikorimana, a la le problème de collecte et de traitement des déchets. réplique adéquate. «Des machines qui vont déchets ménagers, et ont orienté ses clients nous permettre de transformer le reste des vers des associations comme ADLP. Sur le terrain, l’initiative de l’ADLP ne laisse pas déchets en fumure organique vont bientôt indifférent. Alidi Hakizimana, un habitant de la nous arriver. En attendant, nous les trions et

29 SPORT

Coupe du monde 2010 Dans un mois, la fête commence

Par Alexandre Korbéogo

Dans un mois, exactement le 10 juin, débute en Afrique du Sud, la plus prestigieuse des compétitions de football, la première qui se tient en Afrique. «Il était temps», comme l’a dit Nelson Mandela, le jour du lancement du tirage au sort des trente-deux équipes en lice. Découvrons les six équipes africaines en lice.

La coupe du monde, au bas mot, fait trente- Mission difficile Batailler dur deux équipes, reparties en huit poules de qua- tre équipes. Pour la première édition du sport A scruter de près la composition des poules Pour ce qui est des poules, les équipes africai- roi qui se tient en Afrique, le continent aura six des équipes africaines, la mission semble diffi- nes doivent batailler dur pour se frayer un che- représentants. Cinq ont passé les éliminatoi- cile. Il faut tout de suite insister sur le fait que min vers la demi-finale. C’est l’objectif premier res avec brio et l’Afrique du Sud, pays organi- les favoris parmi les pays africains, pour parler pour un continent qui accueille pour la premiè- sateur, est qualifié d’office selon le règlement en interne, ont donné des résultats mitigés re fois cette compétition. Ce ne sera pas une de la Fédération Internationale de Football As- lors de la dernière CAN. Que ce soit la Côte mince affaire. L’Afrique du Sud, pays organisa- sociation (la FIFA). Les six mousquetaires afri- d’Ivoire, le Cameroun ou le Nigéria, tous ont teur, est logé dans la poule A, en compagnie cains sont donc la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le été éliminés de la compétition avant la finale. du Mexique, de l’Uruguay et de la France. C’est Ghana, le Nigéria, l’Algérie et l’Afrique du Sud. Si La surprise est venue du Ghana et de l’Algérie. un casse-tête chinois pour le pays organisa- tous les pays qualifiés ont pu montrer ce dont Le premier s’est retrouvé en finale, malgré une teur de se défaire de ses acabits du football ils sont capables lors de la Coupe d’Afrique des équipe rajeunie à 100%. Le deuxième, malgré mondial. Mais l’espoir est permis. Le Nigéria nations (CAN) 2010, jouée en Angola, ce ne fût sa qualification pour le Mondial 2010, arrachée se retrouve en poule B avec l’Argentine, la Ré- pas le cas pour le pays de Nelson Mandela. de haute lutte face à l’Egypte, championne publique de Corée et la Grèce. Avec un sursaut Cette équipe n’a pas pu se qualifier pour cette d’Afrique 2010, l’Algérie n’a pu se retrouver d’orgueil et pas de faux pas, les huitièmes de CAN. Cette défaite a suscité de vives réactions en finale, car barrée sur la route par la même finales sont assurés pour les ‘Super Eagles’ (le de la part de ceux qui ne voulaient pas que ce équipe de l’Egypte qu’elle a éliminé de la cour- nom de l’équipe nigérienne). L’Algérie, l’un des pays accueille une aussi prestigieuse compéti- se au mondial. derniers qualifiés pour la compétition, doit en tion qu’est la Coupe du Monde. découdre avec les Etats-Unis d’Amérique, l’An- gleterre et la Slovénie. Avec un peu de chance, les fennecs peuvent faire quelque chose.

30 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 Mission pas impossible

La mission semble difficile mais pas im- possible. Le Ghana, finaliste malheureux de la dernière CAN plante le décor à la poule D avec l’Espagne, la Serbie et l’Australie. La vivacité des jeunes ghanéens doit faire la différence, même s’il ne faut pas sousesti- mer un adversaire. Les lions indomptables tenteront de dompter leurs adversaires du groupe E à savoir le Japon, les Pays-bas et le Danemark. C’est du pain sur la planche. Les Ivoiriens ne sont pas aussi à l’abri des foudres du Brésil, du Portugal et de la Ré- publique Démocratique et Populaire de Co- rée dans la poule G. Si les éléphants retrou- vent la totalité de leurs joueurs au top de leur forme, Didier Drogba et ses coéquipiers peuvent faire mal. Mais au delà des réalités des pronostics, seuls les résultats acquis sur le tapis vert peuvent faire force de loi.

Car, en football, un match n’est jamais ga- gné d’avance. Ce qui est sûr et certain, c’est que l’Afrique compte sur ses représentants pour ne «pas verser notre figure par terre» comme cela se dit ici en Afrique. Et, cela est possible car «il est temps», comme le dit Mandela, que l’Afrique aille loin dans cette compétition qu’elle organise pour la pre- mière fois sur son sol.

31 SPORT

L’équipe professionnelle de Diambars © Diambars Ecole de foot du Sénégal Un vivier de champions au cœur de l’Afrique

Par Daouda Emile Ouédraogo

A soixante-dix kilomètres de Dakar, dans les encablures de M’Bour, à un jet de pierre de la commune de Sally, existe une école de football-étude. Avec un budget de 4 milliards de F CFA, Diambars a bâti une source de talents, un vivier de professionnels africains. Les auteurs de ce centre de formation qui allie le foot à l’étude, veulent former des hommes complets pour le sport et la vie.

A Diambars, le foot étude est une réalité. Si- est la résultante d’une étude pour l’obtention Comment y entre-t-on? tuée à Sally, l’école de Diambars accueille une d’un diplôme. Seck, l’un des quatre pionniers centaine de pensionnaires. Là, le foot côtoie (avec Bernard Lama, Patrick Vieira et Jimmy La formation à Diambars est «purement gratuite», l’éducation; le sport, la connaissance. Sous une Adjovi-Boco; tous des sportifs professionnels), selon le directeur des études. Cependant, n’y rentre température clémente (25° selon la météo), a réalisé ses travaux de recherche sur l’accou- pas qui veut, mais qui peut. Les gestionnaires ont l’espace de Diambars offre une vue agréable. plement du football et des études. Et, c’est la mis en place un système décentralisé de recrute- Bâti sur une superficie de 15 hectares, Diam- mise en oeuvre de cette étude qui a donné vie ment: du petit hameau jusqu’au niveau national. bars veut «faire du foot passion un moteur à Diambars, grâce aux soutiens des sportifs D’abord, Diambars dispose de recruteurs dans cha- de développement». C’est une passion qui précités», a expliqué Amadou. Les premières que préfecture. Ensuite, dans chaque département anime les neuf encadreurs (éducateurs) des pierres ont été posée en 2001, c’est en 2003 et enfin, dans chaque région. Chacun, à son niveau, enfants, sans compter les professeurs et les que les premiers pensionnaires posent leurs déniche les perles rares à travers une compétition médecins. Diambars est en tri dimension dans baluchons dans ce centre. En huit ans d’exis- locale. Ces ‘crèmes’ du football au niveau local par- sa structure: le sport, les études, l’adminis- tence, le centre a réalisé des progrès signifi- ticipent à la sélection spéciale ‘Diambars’ au niveau tration. Lorsque Amadou Tambérou, le préfet catifs dans la formation et le placement des national. Les meilleurs sont choisis pour avoir ‘voix des études, explique les contours du centre, joueurs dans des clubs internationaux. Mais le au chapitre’ de prendre part à la formation au sein il parle avec engagement et fierté de diriger processus de recrutement obéit à une straté- du centre. Ils sont ‘les best of the best’ et doivent un centre à l’allure mondiale. Chemise blan- gie particulière. avoir treize ans pour accéder au centre. Par promo- che, élancé, avec une taille de 1m85, il vit en tion, une vingtaine a le droit de prendre part «à la Diambars et Diambars vit en lui. «Diambars table du Seigneur» pour suivre la formation.

32 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 Patrick Viera parle aux jeunes © Diambars

Le cursus Comment en sort-t-on?

La sélection se déroule d’avril à octobre. Le De deux manières. Soit le pensionnaire décro- Aujourd’hui, Diambars est en train d’étendre cursus scolaire se déroule du primaire au se- che un contrat professionnel, soit il entre dans son réseau de centre de formation à travers condaire avec une ouverture sur la formation la vie active professionnelle après sa forma- le monde, où il existe déjà en Afrique du Sud professionnelle. Au primaire, le pensionnaire, tion. «Tous les contrats signés avec les clubs et en Angleterre, pour ne citer que ces pays. A du fait de son âge, fait deux classes en une. européens obéissent aux règles de la FIFA travers ce centre où l’on façonne des hommes Le Cours élémentaire (CP) 1 et 2 la première (Fédération Internationale de Football Asso- et des talents de demain, ils ont fait de cette année, le Cours élémentaire (CE) 1 et 2, la ciation). Diambars gère le contrat du joueur citation d’Emmanuel Kant(1), leur credo: «La deuxième année, et le Cours moyen (CM) 1 et durant cinq ans. Passé ce délai, il est libre de discipline que l’homme s’impose à lui-même 2, la troisième année. Durant ce cursus, il pra- choisir le manager qu’il veut pour gérer sa car- ne doit pas être subie comme une corvée mais tique l’apprentissage du football. En plus de rière», a précisé le préfet des études, Monsieur s’accompagner de vaillance et de joie». Les cela, trois langues (le français, l’espagnol et Tambérou. A défaut de réussir sur le plan du entraîneurs de Diambars le savent, eux pour l’anglais) sont enseignées à tous les élèves de football, le pensionnaire, après sa formation, qui, John Kessel(2) a dit vrai lorsqu’il affirme: Diambars. Selon le jeune Ndiaye, en classe de peut être employé dans un domaine qui lui «L’entraîneur médiocre parle, le bon explique, 1ère, le programme leur permet d’étudier et de convient. Autre aspect de Diambars: la disci- le super démontre, et le meilleur inspire.» pratiquer le sport de façon rationnelle. La ma- pline. Comme toute organisation humaine dis- www.diambars.org tinée est réservée aux études et l’après-midi ciplinée, Diambars a ses règles. «Nous devons au sport. Pour permettre à ceux qui n’ont pas imposer aux enfants une certaine discipline (1) Emmanuel Kant : philosophe allemand, son nom en alle- la chance de réussir dans les études, Diambars afin de leur donner une formation humaine mand est Immanuel Kant a créé une section formation professionnelle. complète qui leur soit profitable dans l’avenir. (2) John Kessel : auteur américain de fantaisie Des pensionnaires se forment au maniement Nous avons pour cela un régime plus ou moins des outils multimédias avec un formateur pro- militaire», a précisé le Directeur technique, fessionnel. Ceux-ci, après trois années de for- Cheikh Moussa Camara. Il est le responsable Que signifie Diambars? mation, vont en Europe pour y passer un bac- des entraineurs et est lui-même un entraî- calauréat en multimédia. Si l’on peut rentrer neur. Selon lui, la stratégie de formation au à Diambars avec des conditions précises, l’on football est répartie en deux phases. Durant Selon le préfet des études, Amadou peut aussi en sortir. Mais, différemment. la première phase qui est la préformation, le Tambérou: «Diambars signifie la force, le pensionnaire doit jouer tous les postes lors courage et la sagesse. La force n’est pas des entrainements ou des matchs. Et c’est du- synonyme de brutalité, mais de finesse et rant la deuxième phase qu’il se spécialise à un d’intelligence». C’est peut-être la raison poste ou on lui attribue un poste dans lequel il pour laquelle Diambars a une équipe qui évolue bien, selon le Directeur technique. joue en deuxième division sénégalaise, après seulement huit ans d’existence.

33 CULTURE / MUSIQUE

© Xavi Barcelona

Terrakota les united colors de Lisbonne

Par Benjamin Tollet

Portrait de Terrakota, la musique métissée de Lisbonne. Portrait également de Romi Anauel qui en est la chanteuse. Elle est arrivée quand elle avait trois ans en tant que réfugiée de guerre au Portugal, à Lisbonne.

Romi a grandi au Portugal et par la musique de son groupe Terrakota, elle a senti la nécessité de rechercher ses racines angolaises. «Aujourd’hui je comprends que nos racines ne viennent pas seulement d’où on vient, mais aussi de la rencontre avec notre intérieur. Je suis citoyenne du monde et non pas d’un pays déterminé.»

Si l’on dit Lisbonne, on pense au fado. Pour- tique que l’on veut absolument garder comme LNA: On peut considérer Terrakota comme tant, la capitale portugaise est bien plus que tradition. Mais cette tradition néglige le mé- ambassadeur de cette multiculturalité ça, et Terrakota est là pour le prouver. Le tissage qui caractérise la ville de nos jours. Le portugaise? groupe mélange sonorités africaines avec du Portugal d’aujourd’hui est le résultat de son reggae, un zeste de salsa et de soukouss, des passé: c’est un mélange de personnes et de RA: Oui, quand on a commencé, il n’y avait pas rhytmes afro-cubains, une pointe de hiphop et peuples», raconte Romi Anauel, la ravissante de groupes qui faisaient notre style de musique. de musique indienne pour créer une musique chanteuse et danseuse de Terrakota, elle-mê- Les groupes portugais étaient plus ‘mainstream’ métissée particulièrement réussie. À l’instar me d’origine angolaise. et recherchaient toujours une connexion avec de la ville métisse que Lisbonne est devenue. la culture américaine ou européenne, surtout le LNA: Cela se reflète dans la musique? rock et la pop. « Même si elle ne le parait pas, Lisbonne est une ville cosmopolite. Il y a une grande pré- Romi Anauel: Oui, surtout dans la musique des LNA: Quelles sont vos influences musicales? sence de gens des anciennes colonies, Angola, jeunes, qui ont des idées plus contemporaines. Cap Vert, Mozambique, Guinée-Bissau et Bré- Quand nous avons commencé le groupe il y a dix RA: Terrakota s’inspire surtout de l’Afrique de sil. Mais pas seulement des colonies, il y a des ans, on était pionniers dans le genre de musi- l’ouest (Sénégal, Mali, Burkina Faso) et aussi communautés de presque toute l’Afrique ainsi que métissée qui incorpore plusieurs styles des l’Afrique du Nord (Maroc, gnawa). Et après ça, le que pas mal d’Indiens. C’est dans cette grande communautés immigrées. Depuis lors, plusieurs parcours de Terrakota est aussi le parcours que diversité que nous puisons notre musique. groupes ont suivi notre exemple. l’Afrique elle-même a fait, c’est-à-dire le chemin Lisbonne n’est pas que le fado. Cette image de des esclaves vers le Nouveau Monde. Le Cuba par ville du fado et de musique portugaise triste exemple, avec sa musique afro-religieuse et la est une chose du passé. C’est une image an- salsa, ainsi que la musique afro-brésilienne et un

34 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 peu de samba. Et puis il y a d’autres ingrédients, LNA: Ce qui frappe pendant vos concerts, c’est le Terrakota a joué à travers l’Europe: Couleur comme les racines musicales d’Inde et la mu- positive feeling. Les gens restent bouche bée de Café (Belgique), Festes de la Mercè/BAM sique orientale. Notre objectif est de mélanger l’énergie positive que vous véhiculez. (Espagne), Amsterdam Roots (Pays-Bas), Et- tout ça avec nos personnalités, avec les influen- nosur (Espagne), Sfinks (Belgique), Rototom ces que les sept membres du groupe portent en RA: C’est quelque chose que je recherche Sunsplash (Italie), Festival Sudoeste (Por- eux. Mais ce n’est pas n’importe quel mélange, on consciemment. Je veux donner aux gens et rece- tugal), Weltnacht (Allemagne), Exit festival cherche un sens dans le métissage musical que voir des gens. Nous voulons que les gens sortent (Servie), Mercat da Vic (Espagne), Esperanzah l’on fait. Ce n’est pas facile de faire une bonne du concert en ayant une espérance de change- (Belgique et Espagne), Polé Polé (Belgique). fusion. Il faut avoir une certaine connaissance et ment. Tout le monde sait ou ressent que notre En août 2009, Terrakota était invité en Inde sentir la culture d’où ces musiques viennent. On histoire humaine va mal. Nous parlons de cela. au Ladakh Confluence à Leh en plein cœur s’est plongé dans ces cultures et traditions pen- On parle de notre énorme pouvoir en temps de l’Himalaya. C’était un concert inoubliable à dant d’innombrables voyages. qu’être humain de guider nos propres vies et de 3500 mètres d’altitude. conduire notre énergie en direction de l’amour, de LNA: Vous ne faites pas de musique angolaise? la paix et de l’union. Le résultat, c’est que les gens Terrakota a également joué en France: Ba- sortent de nos concerts avec une espérance et ils bel Med (Marseille), Rencontres et Racines RA: Terrakota n’a pas tellement d’influences an- sont inspirés. La positivité est centrale dans nos (Audincourt), Porto Latino (Corse), Nuits Mé- golaises, sauf évidemment le fait que je suis an- spectacles. On travaille avec la lumière, cela se tisses (Vénissieux), Fiest’a Sète (Sète), Mu- golaise, mes racines se trouvent là-bas. On est note dans le regard du public et dans l’état de paix siques d’ici et d’ailleurs (Chalons en Cham- en train de rechercher dans la musique tradition- dans lequel ils se retrouvent. Les gens ne sont pagne), Les Nuits Blanches du Vieux (Le nelle d’Angola. Mais pas de kuduro (1) car on re- pas fatigués après nos concerts, au contraire, ils Cannet), Festival Convivencia (Toulouse). cherche vraiment les racines de la musique alors en veulent plus. C’est quelque chose que je re- que le kuduro est contemporain. Ce qui ne veut cherche consciemment car dans les expériences 2010 sera une année spéciale pour Terrako- pas dire que le kuduro ne soit pas intéressant, que j’ai eues dans le passé, j’ai appris que nous ta: le groupe fêtera ses 10 ans et sortira son c’est une musique qui vient des quartiers sociaux, pouvons conduire l’énergie de forme positive et quatrième album sur lequel le groupe affirme comme le hiphop. Les danseurs et chanteurs ex- négative. Je veux la conduire de manière positive. ses racines africaines et jamaïcaines tout en priment ce qu’ils vivent à travers le kuduro. Sur- continuant à s’ouvrir vers de nouveaux hori- tout la danse est spectaculaire, il y a une créati- LNA: Vous êtes angolaise, comment êtes-vous zons. Le nouveau album de Terrakota s’ap- vité brutale. Nous, on recherche plutôt dans les arrivée au Portugal? pelle ‘World Massala’ (sous label Galileo MC). musiques de racine angolaise comme le semba et le merengue. Il y aura deux morceaux avec le RA: Je suis arrivée quand j’avais trois ans comme grand auteur-compositeur angolais Paulo Flores réfugiée de guerre. Mes parents et beaucoup Discographie sur notre nouvel album qui sort ce mois-ci. d’autres personnes ont dû laisser leur vie derrière eux pour construire une nouvelle vie au Portugal. World Massala (2010) LNA: Contrairement à la musique portugaise, L’Angola était un pays bien, grâce à ses riches- Oba Train (2007) votre musique est loin d’être de la musique ses ce pays pourrait être un des pays les plus Humus Sapiens (2004) triste. prospères du monde. Mais toutes ces années de Terrakota (2002) guerre ont ruiné le pays. Aujourd’hui, la guerre est RA: Notre musique est en effet joyeuse, mais finie et le taux de croissance économique y est c’est une musique avec une certaine conscience le plus élevé du monde. Du coup, le Portugal est Concerts de notre société en général et de notre planète. de nouveau intéressé par son ancienne colonie, Notre musique est un reflet de notre temps mais mais c’est surtout la Chine qui développe les liens 03/07 MeYouZik festival (LUX) aussi une révolte ironiquement transformée en économiques avec Angola. 24/07 Polé Polé festival, Gent fête. On ne part pas en guerre mais on va faire la 31/07 Sfinks festival, Anvers fête pour essayer de changer ce monde. Pour se J’ai grandi au Portugal et j’ai senti la nécessité 06/08 Dranouter festival, Dranouter battre contre les injustices que l’on aperçoit dans de rechercher mes racines. Maintenant je suis 07/08 Polé Polé Beach festival, Zeebrugge l’histoire de l’humanité. Il y a beaucoup d’injusti- plus calme parce que je les ai rencontrées et je 08/08 Festival du Bout du Monde, Crozon (FR) ces mais la plupart des gens paraissent endormis, comprends que nos racines ne viennent pas seu- ils ne voient même pas ces injustices. Certains lement d’où on vient, mais aussi de la rencontre veulent aborder ce thème via l’art d’une manière avec notre intérieur. Pour cela, je dis que je suis subtile, nous non, tous nos thèmes sont des ré- citoyenne du monde et pas d’un pays déterminé. voltes. Pacifiques bien entendu, nous ne voulons pas de guerre. Ce n’est pas via la guerre que l’on www.myspace.com/terrakota fait la révolution, mais c’est une révolution spiri- vidéo concert Inde: www.youtube.com/user/aleczi tuelle au niveau énergétique. On veut semer une semence consciente de la situation dans laquelle (1) kuduro: un style d’afro-techno venu des ghettos de Luanda, notre planète et notre société se trouvent. Angola

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RDC A travers une culture riche et magnifique

Voici quelques-unes des contributions intéressantes au monde du livre. Profitons-en pour explorer ces œuvres parlant des richesses humaines, culturelles et naturelles et montrant des photos magnifiques du RDC.

Huart, Alain et Tombu, Chantal Chibalabala, Mutshipayi Congo, pays magnifique Les romanciers congolais et la 216p, 2009, cartonnée avec jaquette, illustré, satire Weyrich Edition, 35 € 279p, 2009, relié, Editions L’Harmattan, 26 €

Ce livre dresse le portrait d’un pays éton- Le projet majeur de ce livre est de montrer nant et d’une nation face à d’immenses que les oeuvres littéraires de contestation défis. Ses richesses, humaines et natu- et de critique sociale contre les régimes relles, sont aussi vastes que l’étendue postcoloniaux ont besoin de structures de son territoire. Ce pays, à la taille d’un politiques souples, qui permettent leur sous-continent, est l’objet de toutes les expression, en vue d’aider les gouvernants convoitises. Son patrimoine exception- à faire une autocritique permanente. Les nel aiguise les intérêts croissants. Pou- écrivains de la RDC peu connus des congo- mon d’une planète menacée par l’évolu- lais ou en dehors du pays, sensibilisent à tion de son climat, le Congo possède des cette prise de conscience. ressources multiples dont les potentiels sont énormes. L’agriculture, moteur de Nimy Nzonga, François la relance économique, est au centre de Dictionnaire des immortels de la la vie des Congolais. Rempart contre la musique congolaise moderne pauvreté, elle est aussi le meilleur moyen 443p, 2007, relié, photos noirs et blancs, Acade- de se libérer de sa dépendance alimen- mia Bruylant, 49 € taire extérieure. Pourvoyeuse d’emplois, l’activité agricole permet d’être créatrice Cet ouvrage représente un travail de syn- de valeur ajouté, ce dont les Congolais thèse considérable. La base de données ont le plus besoin. En quelque deux réalisée par l’auteur est alimentée par son cents pages, les auteurs sont parvenus expérience directe du milieu et par un tra- à présenter un pays plein d’espoir, doté vail de documentation rigoureux. Ce dic- d’un potentiel extraordinaire et de res- tionnaire présente un intérêt historique, sources abondantes. Richement illustré, sociologique et pédagogique important, cet ouvrage révèle un Congo comme on d’autant plus qu’il explique l’immense en- ne l’a jamais vu. gouement que connaît la musique congo- laise, principalement en Afrique noire, Zebila, Lucky en Europe, aux Caraïbes et au Japon. Cet Le soleil et la pluie/Moyi M’bula ouvrage de référence fourmille de rensei- 16p, 1998, Quadrichromie, Editions L’Harmat- gnements utiles et détaillés. Ecrit dans un tan, 7,50 € style imagé qui en rend la lecture agréable, il brosse le portrait de ces hommes et de Un jour, dans un petit village où les habi- ces femmes, fleuron de la musique congo- tants vivaient de la pêche et de la récol- laise moderne. te, il n’y avait pas de fleuve, seulement des petits ruisseaux. Il pleuvait souvent et les ruisseaux gonflaient, remplis de poissons. La terre était fertile et la vé- gétation luxuriante. Malgré cela, les ha- bitants du petit village se plaignaient du temps humide et des pluies fréquentes.

36 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 www.blacklabel.be est une librairie par correspondance et la maison de culture du livre africain. Chez Blacklabel, vous trouverez des livres en néerlandais, en français et en anglais à propos de l’Afrique. Vous pourrez même en commander certains en langue africaine. La plupart des livres que nous offrons sur ce site est difficile à trouver en librairie. www.blacklabel.be offre 10% de réduction aux lecteurs de Le Nouvel Afrique (adresse postale en Belgique). Contactez [email protected] pour toute information.

Manfroy Boale, Stéphanie Georges, Emile-Alexandre Le testament d’une mère Les Lega et leur art. Sur les traces 120p, 2008, roman, livre de poche, Edition Le d’un rêveur égaré au Congoland Phare Quotidian, 10 € 317p, 2005, cartes, photos n/b et couleurs, Mu- sée Royal de l’Afrique Centrale, 47,70 € Ce roman raconte la vie d’une dame dénommée Belina et de son fils Loïc. Durant son séjour chez les Lega de la Rongée par un cancer et se trouvant sur région de Shabunda, de 1955 à 1958, ce le point de rendre l’âme, Belina remet à territorial noircit un monceau de pages, une de ses amies une enveloppe pour témoignages de ses expériences et de son fils. L’enveloppe contenait l’expres- ses vues ‘inhabituelles’ sur l’univers qu’il sion de ses dernières volontés, un tes- découvre. Sa rencontre avec ces hommes tament pour un fils avec qui elle s’est de la forêt, leur vision du monde qui les brouillée depuis quelques années car entoure, son admission au sein du Bwa- l’enfant fréquentait une bande de jeunes mè, l’institution centrale des Lega, sont délinquants opérant dans la rue. L’inté- autant de moments qu’il vivra intensé- rêt de ce roman est dans l’accueil que va ment. Le Bwamè n’avait-il pas été mis réserver le fils au testament de sa mère, hors la loi par le pouvoir colonial? N’était- qui, de son vivant, pour l’éducation de il pas lui-même le représentant de ce son fils, avait jeté l’éponge. On peut le pouvoir? Dès l’an 2000, il se met à ras- constater dans cet extrait de ce roman: sembler ses lettres, ses photos, ses films, «Belina reste immobile, le regard figé ses notes et les objets que les Lega lui vers la porte par laquelle Loïc a disparu! ont offerts, dont il est devenu en quelque Elle jette l’éponge. Elle n’a plus la force sorte le dépositaire. Il rédige alors ce livre de lutter pour remettre son fils sur le où il mêle histoire, anecdotes et autres droit chemin. Elle a perdu le combat. Et récits tantôt didactiques, tantôt sarcasti- c’est triste pour une mère d’accepter la ques, parfois tout à fait désopilants. Bref, défaite». Ecrit dans un style aéré avec le film d’un rêveur égaré durant trois an- des mots de tous les jours, «Le testa- nées au Congoland, qui surprend par sa ment d’une mère» traite plusieurs thè- vision particulière de l’univers artistique mes tels ceux de l’amour maternel, de africain. l’éducation d’un enfant, de l’hospitalité africaine et de la capacité à s’adapter aux circonstances de la vie. C’est un ro- man qu’il faut absolument lire, surtout pour les cœurs sensibles.

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Voyage à travers le fin fond du Congo

Par Kenza Garba

La zone de la rivière Lukenie, le Kasaï Oriental, du Bandundu et la province équatoriale du Congo demeure l’une des régions les moins développées de la République Démocratique du Congo. Jean-Jacques Mampaka, de nationalité congolaise, journaliste-chasseur d’images, et Marc Hoogsteyns, reporter photographe belge, ont entrepris la traversée du fleuve à bord d’un kayak. Marc Hoogsteyns parle avec enthousiasme de son voyage à travers le fin fond du Congo, de la population, de leurs espoirs et de leur existence.

«Jean-Jacques et moi avons travaillé pendant Kasaï Oriental, du Bandundu et la province équa- Le blog pour informer le monde entier des années dans la région des Grands Lacs afri- toriale du Congo demeure l’une des régions les cains, couvrant les nouvelles et les événements moins développées de la République Démocra- Marc et Jean-Jacques ont rédigé pendant leur en cours», dit Marc Hoogsteyns. «Nous avons tique du Congo. «Depuis plusieurs années déjà, voyage un blog, nommé ‘bobongo’. Un ‘bobongo’ été témoins du génocide rwandais, plus de 30 la vie publique et économique est à l’arrêt dans est une danse de la mythique tribu congolaise ans de régime de Mobutu au Congo, les guerres cette partie du pays qui a été complètement ‘Ekonda’, une tribu vivant dans les forêts Congo- de l’AFDL et la guerre actuelle dans l’est du pays. coupée du reste du pays à cause du mauvais laises ‘cœur des ténèbres’. Une partie de la tribu Mais cette partie de l’Afrique, la zone de la rivière état des infrastructures routières et des rivières. ‘Ekonda’ est constituée de pygmées Batwa et Lukenie, le Kasaï Oriental, du Bandundu et la pro- Leurs seuls moyens de communication encore l’autre partie de Bantous. Ces gens ont été ca- vince équatoriale, demeure encore un point noir existants ne sont plus dragués depuis plusieurs pables de survivre aux pires parmi les pires dans pour la plupart des médias internationaux et les années», poursuit Marc Hoogsteyns. le passé par eux-mêmes en se concentrant sur organismes d’aide internationaux. Ces dernières le milieu dans lequel ils vivent: la forêt tropicale. ont tendance à concentrer l’attention sur l’est du En utilisant un kayak comme outil de transport, «Au cours de la danse ‘bobongo’ des Ekonda, Congo et les problèmes politiques à Kinshasa. Marc et Jean-Jacques étaient prêts à passer ces derniers appellent les esprits des ancêtres Cela laisse le reste de la région, où la plupart des plusieurs mois avec la population de la région pour demander conseils sur la façon d’affronter Congolais vivent, à découvert.» concernée. Ils ont enregistré tout ce qu’ils ont l’avenir et de faire face aux problèmes. Ce rituel vu et ont publié leurs conclusions pendant leur peut être facilement utilisé comme symbole Donner de l’attention voyage, par moyen d’un blog sur internet. «Les pour la quête à la survie des Congolais face aux personnes dans cette partie du Congo ont besoin difficultés et au maintien de la joie de vivre. C’est Marc et son collègue Jean-Jacques trouvaient de notre aide et nos résultats peuvent contribuer pour cela que nous n’avons pas hésité à appe- que les personnes vivant dans ces zones incon- à une meilleure compréhension de leurs problè- ler notre carnet de jour ‘bobongo’. Jour par jour nues avaient également besoin d’attention ou mes», estime Marc. nous avons noté nos observations en anglais, d’aide. Parce que la zone de la rivière Lukenie, français et néerlandais sur ordinateur ou sur pa-

38 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 Femme Ekonda © Marc Hoogsteyns

pier. Quand les conditions le permettaient, nous Ils se sont donc embarqués au départ de Lodja, à l’appellation ‘bifure’ dans notre texte. Cela avons envoyé les récits par téléphone satellite à dans le Sankuru, à bord d’un kayak rouge, par- signifie simplement virage ou courbe. Après notre webmaster en Belgique. Nous avons tra- courant 1800 km sur la rivière Lukenie, à travers quatre bifures, nous croisons les premiers ar- vaillé dans des circonstances très primitive et le parc de la Salonga, qui s’étend sur 36.000 km2 bres qui tombent dans la rivière. Nous échap- souvent sans électricité. Il n’y avait pas de rou- de forêt tropicale. C’est là que le World Wildlife pons à ce premier obstacle. Comme la rivière tes dans la région et pas non plus de moyens de Fund (WWF) s’attache à recenser les animaux (91 est encore étroite par endroit, le courant est transport, de liaisons téléphoniques, de l’eau po- poissons appartenant à 21 espèces différentes, assez fort et il faut de la maîtrise et du courage table et d’électricité. C’est ce qui a rendu le projet une population de 5 à 7000 Bonobos, ces singes pour affronter ce dernier. Maîtrise et courage très coûteux aussi. Heureusement nous avons que l’on ne retrouve qu’au Congo), à former les sont les vertus qu’il faut pour naviguer sur la eu un soutien financier de certains partenaires, gardiens du parc, à rendre les populations loca- Lukenie, quand on est novice et pour un habi- comme Air Kasaï et le groupe presse ‘Le Poten- les plus sensibles à la nécessité de protéger l’une tué, le courage suffit. » tiel’.» des dernières forêts vierges du monde. «Lodja. C’est une ville, disons bourgade, tra- Un peuple extrêmement hospitalier et ouvert Lisez avec nous dans leur versée par la route nationale numéro 3 dans Quand Marc et Jean-Jacques arrivaient dans carnet de jour. un piteux état. Le fait de diviser la bourgade un village, après avoir pagayé en kayak toute la en deux parties a donné naissance à deux journée, ils rencontraient des gens extrêmement «Comme prévu, nous nous embarquons au quartiers: le quartier catholique et le quartier hospitaliers. Marc raconte qu’il a pagayé 1800 ki- port de la cotonnière, à Lodja. Ayant plus de protestant. Appelé à devenir probablement lomètres, 50 à 60 kilomètres par jour, c’est-à-di- poids que moi, Marc embarque le premier dans la capitale du Sankuru, Lodja n’est désservi re 8 à 10 heures par jour. «J’essayais de trouver le kayak et plus léger, je prends place le der- qu’une seule fois par semaine, le vendredi, par ou bien un bivouac de pêcheurs où l’on pouvait nier. Plus expérimenté, Marc prend les com- deux vols. Un cargo et un passager. Ce qui ex- dormir, ou bien d’accoster dans un petit village. mandes de l’embarcation, c’est à dire pagayer plique l’ambiance folle que nous avons vécue Les gens étaient très hospitaliers et très ouverts. et pédaler en même temps pour donner une lors de notre arrivée. Bourgade complètement J’étais surpris de leur gentillesse, pourtant ils ne bonne direction à l’embarcation. Selon les car- enclavée.» me connaissaient pas. Ils étaient bien sûr très tes hydrographiques, la sinuosité de la rivière surpris de me voir arriver parce que, dans ces n’est pas très expliquée. Il faut évidement na- «Après la pluie à Lodja, vaut mieux rester chez villages-là, ils n’ont plus vu de Blancs depuis 20 viguer pour s’en rendre compte.» soi que tenter de sortir. L’artère principale de- ou 30 ans. Cela m’est arrivé que tout le village a vient une rivière et pour circuler mieux vaut fui parce qu’ils étaient tellement surpris de voir «Les premiers moments sont bons. C’est avoir des palmes aux pieds ou alors devenir un Blanc.» notre première navigation sur cette rivière et grenouille.» nous pagayons sans guide. Il faudra s’habituer

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«Heureusement, certains cherchent à tra- «Me voilà seul au village. «Maintenant nous savons que la rivière aussi vers des micros projets à sortir le Sankuru, calme et sans problème d’apparence, n’est en général, et Lodja, en particulier, des orniè- C’est à cet instant je vais vivre pas facile. Nous pagayons pendant 45 minu- res. Nous pouvons parler de ce citoyen Belge tes lorsqu’apparaît un premier port, ce qui est d’origine congolaise et fils du terroir, qui se l’hospitalité tant vantée du considéré comme tel par les riverains. Nous bat pour la réhabilitation de la concession de sommes à Dibongo Okelenge. Un village qui la cotonnière, afin d’y installer des structures congolais. Que dis-je? Hospi- n’est pas loin de la rivière, situé à au moins pouvant amener la population à se remettre 15 km de la bourgade de Lodja. Selon les ha- au travail de la terre, à la scolarisation des talité dans le Congo profond bitants du coin, pour atteindre la cité, enten- enfants des anciens travailleurs qui s’étaient dons Lodja, ils marchent pendant 2 heures. détournés du droit chemin et de s’occuper et oublié. Non contents de Marc vivra le calvaire avant d’atteindre la cité des filles et femmes victimes de viol lors de (Lodja). Un village qui a une population esti- la rébellion. Le pont sur la rivière Lukenie, sur nous offrir leur toit, voilà que mée à 600 âmes. Il a une école primaire qui la nationale numero 3, doit sa remise à neuf est fréquentée par 170 élèves mais située au grâce au courage de Pierre Albert, originaire du ces femmes et hommes de village Bohema à 2 km de marche. Une forte coin. Un autre qui tient à sauver l’image de Lo- affluence dans la classe de première (63 élè- dja, c’est l’honorable Adolphe Onosumba avec Okelenge vont se plier en ves) et faible en classe de sixième (13 élèves). son ONG dénomée Etoile du Sankuru. Cette Une fois l’école primaire terminée, il faut aller année sa rizière a produit 1 500 kilos de riz. A quatre pour me demander s’inscrire à la cité. Ce qui pousse certains pa- son actif il faut ajouter une palmeraie et des rents à demander à des membres de famille surfaces servant à la production de semences qu’est-ce-que je dois manger. qui habitent la cité, d’héberger les leurs. Un améliorées pour les agriculteurs locaux. La village à vocation agricole, qui s’est tourné vers vie s’arrête à Lodja avec la tombée de la nuit. Ne pouvant abuser de leur la pêche à cause des difficultés d’écoulement Plus d’activité après 19 heures. C’est comme si des produits agricoles. Le moyen de transport Lodja diurne est différente de Lodja nocture. bonté, aucune demande spé- est la marche à pied. Les vélos et motos ont Et pourtant nous sommes dans ce qui fut na- difficile d’atteindre le village à cause du man- guère le coeur de l’économie du Sankuru et par ciale, tout est bon puisqu’eux- que d’une voie tracée et de petit pont pouvant extension le centre de la RDC.» joindre les villages. Le centre de santé est à 1 mêmes mangent ce qu’ils ont km du village. » à portée de main.»

40 lenouvelAfrique [n°20] 05 / 2010 Jean-Jacques dans une pirogue © Marc Hoogsteyns

«Les autochtones, qui sont des Ekolo, appel- Jean-Jacques Mampaka: journaliste congolais, et de reportages télévisés sur la déforestation lent leur port Dibongo Ndjonga. Le chef du vil- reporter d’images. Il a travaillé dans plusieurs du bassin du fleuve Congo. lage quant à lui s’appelle Todi Aseke François. pays tels que le Tchad, le Congo-Brazzaville www.bobongo.be Quand nous avons accosté, nous avons suivi et la République centrafricaine, couvrant les un sentier, ancienne route à l’époque coloniale, différents récits. En tant que indépendant, il AFDL: L’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Bora et moi, question de demander assistance a travaillé pour plusieurs médias congolais et Congo au village. Marc ne pouvait que rester à côté du internationaux, tels que RFO, ITN, plusieurs kayak parce qu’il faisait fuir toute personne qui stations de télévision japonaises et congo- voyait pour la toute première fois cette piro- laises et des journaux tels que ‘Le Potentiel’. Heart of Darkness Revisited, gue rouge avec à son bord un gros blanc et un Jean-Jacques est aussi un expert de football Marc Hoogsteyns, maigre noir. A l’entrée du village, le ciel gron- et il sait comment utiliser une caméra vidéo. Il 2010, p 208, Editions Lannoo, dait déjà, trois jeunes hommes. L’un se faisait travaille actuellement comme journaliste pour ISBN: 9789020987393, 19,95 € coiffer les cheveux et le troisième, assistait les le groupe de presse ‘Le Potentiel’ au Congo. deux premiers. Bora demande s’ils peuvent Aujourd’hui, Jean-Jacques, réalise des repor- nous amener ou du moins nous indiquer où tages portant principalement sur les thèmes trouver le chef. Gentillement ils nous deman- environnementaux du groupe de presse ‘Le dent d’aller vers la grande paillote cinq cases Potentiel’. plus loin. Tous les trois étaient derrière nous. Une fois à la paillote, nous demandons à ren- Marc Hoogsteyns: ce journaliste belge a cou- contrer le chef et celui qui se faisait coiffer les vert la plupart des récents conflits en cours cheveux nous dit que c’est lui le chef que nous dans la région des Grands Lacs au Congo. Il a cherchons. Nous étions étonnés. Vu son âge été témoin du génocide rwandais et il a tourné et sa prestance, on ne saurait le placer dans ce plusieurs ‘exclusivités’ pour les grandes agen- décor. Et pourtant il s’y trouve et très fier d’y ces, telles que Reuters et WTN, pendant les être. Il s’appelle Todi Aseke François comme guerres au Congo. Son documentaire ‘Kongo- son père, qui est parti rendre visite aux frères mani’ a été montré sur les écrans de télévi- habitant dans d’autres contrées. Ici l’école est sion du monde entier. En tant que journaliste, située sur l’autre rive, la gauche de la rivière. Marc a travaillé dans le monde entier, mais Pour y aller, l’on se sert d’une corde en liane après le génocide rwandais, il a surtout porté pour traverser.» son attention sur l’Afrique des Grands Lacs. Aujourd’hui, il travaille sur une série d’articles

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