« dame » et se promåne en calåche dans LA FORTUNE DES FRANQAIS les rues de . C'est ainsi qu'ellå remarque Rene Mondiet, jeune mådecin fralChernent dåbarquå å Labrit, un village voisin, fils sans terres d'un inspecteur d'aca- Le dernier roi dernie, pauvre — ii lui fallut emprunter un chapeau pour l'enterrement de l'un de ses patients — mais ambitieux. Dudon påre est ennuye mais grand-påre Dupin se laisse des convaincre. Renå Mondiet epouse la demoiselle Dudon, puis dålaisse un peu la medecine au profit des affaires, oCi Quatriåme photographie de la : seul, excelle. face aux grands trusts, un personnage haut en couleur, II a sa technique, nöflechie, durable, qui se råvåle payante å long terme : d'une Renå Mondiet, exploite et vend son bois part, ii exploite son bois, qu'il coupe; trans- comme ii l'entend. Mais tiendra-t-il encore longtemps ? forme et traite dans son usine. II est le principal fournisseur de traverses de l'Etat. Sa foröt n'y suffisant plus, il achåte sur • Dans le cimetiåre de Labouheyre est pied te bois des petits exploitants fores- enterråe Jeanne Moreau (1889-1970). Sur tiers. D'autre part, iJ investit, toujours dans sa modeste tombe, unå devise gravee : le bois. Mais il ne commet pas l'erreur « Aimer. Servir. Souffrir. Mourir. » d'acheter des foröts. La terre nue ne vaut La vie de Jeanne Moreau n'a pas åtå fres rien. II l'achåte, iI plante, l'exploite. Trans- tendre. 15esogneuse, certainement, dans ces forme son bois. Le vend aux åtablissements Landes 'dont le revenu par töte d'habitant Renå Mondiet et, pour l'exportation, å la est' l'un des plus bas de France, comme Compagnie des Landes dont il 'est direc- Celle des Labrousse, des Tisserang, des teur. II possåde, rien qu'å Canenx, trente UlYsse, des Le Gruå (metayers ? employås ? fermes avec des måtayers-råsiniers. II est marins ? råsiniers ? Les tombes ne sont trås populaire. guåre prolixes) enterrås å cötå d'elle, en On dit : « Quand on entre chez Mondiet, rangåes sages et ågales, fleuries d'artifi- on y reste jusqu'å la retraite.» On dit cielles immortelles. Dans le fond, contre le aussi : « Chez Mondiet, a jamais de rnur, quatre caveaux aux bouquets tristes crise » et « Mondiet ne veut rien devoir å se tiennent å l'ecart du petit peuple des personne », ni aux banques ni å l'Etat. II morts. Ce sont les « familles » de Labou- s'est formå son propre systårne, qui fonc- heyre : les familles D,upin, Bacon, Arnau- tionne sans heurts, en parfaite autarcie. din (« conseiller å la Cour - 1808-1885») et II paie ses ouvriers toujours un peu plus Servon Taris. que le S.M.I.C.» et il appliqUe les lois å la La petite histoire des grandes familles lettre. Chez Mondiet, it n'y a jamais eu de landaises commence exacterrient le 19 juin gråve. II n'y a pas de syndicat. Pour quoi 1857. Les Landes sortent d'un engourdis- faire ? sement feodal pour entrer dans la course Pierre Mondiet possåde actuellement prås industrielle, par la gråce d'un Nap. olåon III Acheter, planter, exploiter... de 15 000 hectares dispersås de domaines soudainement inspirå. Le 19 jUin 1857 est et de foröts. Des pröprietås å Broca, å promulguåe une loi obligeant, dans un Mont-de-Marsan, des domaines en Gironde, de douze ans, toutes .les corrimunes des C'est å la Compagnie des Landes que les petits exploitants sylvicoles vendent leur en Lot-et-Garonne, 654 hectares, des actions Landes å enråsiner leurs 291 hectares . de dans une usine de traverses en Charente- vacants » (1). Tout se passe alors trås Valmy-Dupin, dåjå associå, pour l'achat Maritimå et ailleurs, quarante-neuf båti- vite. La majoritå des communes, dominåes du bois, avec les propriötaires des Forges Ments, dont son usine å Labouheyre, per les notables, se dåbarrassent en toute de Labouheyre, devient actionnaire de Compagnie å un moment oi celle-ci a des råside, dana une grande maison sans charme håte de leUrs terres inculteS, sans valeur, face å l'åglise, parmi des bustes de Napo- dont le prix est fixå par des « experts », difficultös. leon ; 2 024 hectares å Canenx dont il pos- devenus depuis les principaux acquereurs La Fonderie landaise periolite : Valmy- såde 80% des terres. Les 800 hectares (2). L'achat, pour Dupin rachåte les Forges. Aprås la guerre du domaine communal » restants sont divisås entre trente propriåtås, ceux qui ont flaire l'aubaine, est d'autant de 1914, des subventions sont accordöes pour transformer les haUts fourneaux des dont une de 100 hectares et deux de 70 plus intåressant que c'est l'Etat qui . prend Landes en usines å bois. Valrny-Dupin å 90 hectares. Des trente måtayers, de son en charge la construction de « routes agri- påre, il ne lui en reste plus que douze, coles », dont l'absence avait åtå le princi- monte une usine de råsineux, un chantier de cråosotage (3) de traverses,, pavås et dont onze sont å la retraite et le dernier, pal obstacle å l'exploitation du bois. depuis la Libåration, est le maire, commu- A cette åpoque, un boulanger nommå poteaux de mines. Comme exploitant, profite de la hausse spectaculaire du cours niste, de Canenx. Mondiet a volontaire- Valmy-Dupin vend des fouasses le diman- ment laisse döpörir ses måtairies, qu'il a che matin å la sortie de l'eglise de Tren- du bois et de la resine entre 1905 et 1910 et en 1926, comme industriel, II n'en souffre replantees en pins, plus rentables que les sacq. II fait ågalement commerce de bois cultures. et s'associe avec un nommå Ducournot pour pas puisque les domaines Valmy-Oupin sönt les principaux fournisseurs des Etablisse- Et pourtant, des fissures apparaissent. exploiter les premiåres coupes de poteaux ments Valmy-Dupin. La sociåte Pechiney-Saint-Gobain-Pont-å- de mines. C'est le dåbut de sa fortune,, la Moussod possåde la totalite (sauf une) des grande åpoque du progrås, du chernin de En möme temps, l'ancien boulanger gri- papeteries des Landes et 20 000 hectares de fer et des routes. II entre ainsi en åtroite gnote la majoritå des actions de la Compa- foröt. C'est elle qui gåre Line grosse partie relation avec la Compagnie des Landes, gnie des Landes. 11 en devient te pråsident. des exploitations forestiåres delaissees par societå par actions qui groupe plusieurs II est desdrmais lou moussu (le monsieur). des proprietaires absenteistes. Mondiet gros propriötaires, dont le territoire est Chapeau bas. On « l'empereur des essaie d'echapper å la loi des truats en encore aujourcl'hui immense (la Compagnie Landes » et on murmure dans les metairies axant sa production sur le bois d'ceuvre, les des Landes possåde plus de 10 000 hec- que « Moussu Dupin et Moussu Bacon que parquets, les panneaux de particules, mais tares ; å _Ponteux, 4 000 hectares d'un seul mudeou les born galop de chibau » (4). il est bien obligå de vendre le produit de tenant). C'est la Compagnie des Landes qui, Sa filteåpouse M. Dudon, mådecin, fils d'un ses åclaircissages atj prix fixå par Ies pape- debut du siåcle, a le monopole du mar- marchand d'Armagnac, lui-mme propriåtaire teries. Bientöt, iJ lui faudra cåder. La pro- chå de traverses de chernin de fer et de de plusieurs centaines d'heCtares de foräts priåtå familiale est devenue anachronique. poteaux de mines en route vers la France du cötå de Commensac. Que se passera-t-il aprås la mort du der- du Nord, l'Angleterre, l'Espagne. Mlle Dudon regoit une education de nier roi des Landes ? Dejå, les pins ont åtå (1) Anciennes terres seigneuriales, indivises (3) Proc6d6 d'injection du bois å partir d'un cOmptes, la Succession se pröpare. II y a et collectives. dåriv6 de la r6sine pour le rendre imputrescible. quatre heritiers. En residence surveillåe. (2) «Ilistoire du boisement des Landes de (4) « M. Duinn et M. Bacon [autre propriå- Gascogne », Sargos, 1947. taire] ddplacent les bornes d galop de cheval.» MARIE MULLER

72 Lundi 25 octobre 1976