le magazine de l'actualité musicale en Fédération Wallonie-Bruxelles n° 7 - Mars / avril 2014

La Chiva Gantiva Longue vie à Vivo !

Suarez | Clare Louise | Michel De Bock | Chanson française, quand la musique est bonne | Jazz Station | Milky Chance concours musical — du F. dans le texte Une production du Conseil de la Musique finale 22 mars - 19:30 - Botanique

réservations : Botanique - rue royale 236 - 1210 Bruxelles - www.Botanique.Be - 02 218 37 32 - Prix : 6 / 9 / 12 € www.conseildelamusique.Be - inFos : 02 550 13 20 - [email protected] design : Stoëmp 3

Conseil de la Musique Quai au Bois de Construc- édito tion, 10 - 1000 Bruxelles www.conseildelamusique.be En ce début de printemps, Jacques Duvall, le Contact par mail : [email protected] plus célèbre parolier de notre plat pays, fait Contactez la rédaction : entre autres l’objet d’une biographie collective. première lettre du L’occasion de se demander comment se por- prénom.nom@conseil- delamusique.be tent les projets portés par les artistes ayant choisi de s’exprimer dans la langue de Molière. RéDACTION Jacques Brel, Adamo, Lio, Maurane, Pierre Rap- Directrice de la rédaction sat… tous ces artistes ont émergé à une époque Claire Monville où le développement de carrière était envisa- Comité de rédaction Nicolas Alsteen 35 10 geable. Implication des labels, des agences, de Benjamin Brooke la presse écrite et des radios. Époque bénie où François-Xavier Descamps Christophe Hars les artistes pouvaient prendre du temps pour Claire Monville 30 évoluer avant de devenir incontournables. Au- Coordinateur jourd’hui, au vu du contexte économique et de la de la rédaction François-Xavier Descamps façon dont le public lambda consomme la mu- Rédacteurs sique, quelle structure oserait encore prendre le Nicolas Alsteen risque de supporter un tel investissement ? Benjamin Brooke Pourtant, la relève existe mais elle ne parvient Collaborateurs Nicolas Capart pas à s’imposer au-delà de nos frontières. Des Mateusz Kukulka artistes tels Suarez ont choisi de s’exprimer Véronique Laurent Luc Lorfèvre en français et séduit un public plus large grâce Rafal Naczyk 26 à des chansons plus « populaires ». Il y en a Didier Stiers d’autres, tel Saule, qui n’ont pas opté pour ce Correcteurs Nicolas Lommers type de recettes. Ceux-là sont plutôt dans Christine Lafontaine 09 la recherche stylistique qui nécessite une Photographe Cover plus grande exigence en matière d’écriture. © Adrian Jursich Il y a encore de nombreux projets intéres- sants, comme ceux de Veence Hanao ou Ben- PROMOTION & DIFFUSION jamin Schoos, dont la majorité n’est pas en- François-Xavier Descamps core connue du grand public. Sans doute par manque de relais ou de soutiens médiatiques. ABONNEMENT Ces projets donnent l’espoir que la chanson fran- Vous pouvez vous abonner çaise aurait retrouvé un peu d’inspiration mais ils gratuitement à Larsen et le recevoir directement n’ont pas encore atteint le retentissement de la chez vous. génération précédente… à part Stromae. [email protected] Tél. : 02 550 13 20 Bonne lecture.

Conception Claire Monville graphique Directrice supersimple.be Impression Paperland ARTICLES Prochain numéro Sommaire Mai 2014 Aperçu Francodiffusion p.25 OUVERTURE Le.com Sponsors : pas si à crocs p.26 13 J’ai acheté des disques avec S. Ginsburgh p.4 Décryptage Décibels & réglementation p.28 En vrac p.5 In situ La Jazz Station p.30

RENCONTRES LES SORTIES 14 Rencontre Suarez p.8 En Fédération Wallonie-Bruxelles p.32 Rencontre Clare Louise p.9 Listing des sorties p.34 Entretien La Chiva Gantiva p.10 Rencontre À notre tour p.13 VUES D’AILLEURS Rencontre Collapse p.14 Échos d’Ailleurs p.34 Rencontre Les Menus-Plaisirs du Roy p.15 Vue d’Allemagne Milky Chance p.35 Trajectoire Michel De Bock p.16 Vue de Flandre KlaraFestival p.36

ZOOM BONUS Sacré Belges ! 10 ans après ? p.18 L’interview indiscrète Marc A. Huyghens p.38 Jacques Duvall / la chanson en FW-Bxl p.20 C’était le … p.39

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j'ai acheté des disques avec… J’ai acheté des disques avec… Stephane Ginsburgh

Plutôt que de jeter son dévolu Je suis très loin de n’écouter que de la musique classique. Comme j’ai très sur des opus classiques qui peu de temps, j’ai même plutôt tendance à écouter autre chose ! J’ai été très marqué par ce que mes parents écoutaient, du classique bien sûr, mais aussi manquaient à sa collection, le beaucoup de chanson française et la pop américaine du milieu des années 70 : Jefferson Airplane, , Donovan ou Crosby, Stills, Nash & Young. pianiste Stephane Ginsburgh a Ici, j’ai choisi Captain Beefheart et l’album Trout Mask Replica. Au-delà de décidé de se laisser surprendre son énorme liberté artistique, ce que j’adore chez lui c’est le côté absurde, fantaisiste, voire dérangeant. J’adore Frank Zappa pour les mêmes raisons, et de prendre le risque de la ils ont d’ailleurs beaucoup collaboré. J’aime que l’album soit pensé comme un découverte. Rendez-vous est Captain Beefheart opus avec des thématiques qui traversent tout l’album et des morceaux longs Trout Mask Replica non formatés. Ce n’est pas parce ce sont des farfelus que leur art musical est pris chez Arlequin, temple Straight Records pauvre. Au contraire, il est riche, varié et extrêmement inventif ! Finalement, des collectionneurs de vinyls ils se rapprochent assez fort d’une démarche de musique classique, de musique écrite. vintage pour nous livrer quelques coups de cœur, preuves d’une démarche artistique aussi Je connaissais assez mal le rock alternatif, toute cette vague qui commence à la fin des années 60 et qui n’a d’ailleurs pas duré très longtemps car beaucoup ouverte qu’exigeante. de ses représentants ont basculé du côté de la pop. C’est un intérêt qui m’est venu tardivement, notamment grâce à Jean-Luc Fafchamps. Genesis, c’était Benjamin Brooke pour moi ce que Phil Collins avait fait dans les années 80… Ce qui m’intéresse dans cet album, c’est ce rock progressif, complexe, très riche rythmiquement et harmoniquement même si plus difficiles en termes commerciaux. J’aime aussi Jethro Tull, King Crimson ou Pink Floyd. On trouve d’ailleurs dans cette musique pas mal de références à la musique classique. Tout un mouvement Genesis qui s’est vite essoufflé, à force de surenchères comme autant de tentatives A Trick of the Tail de résister au mouvement punk qui arrivait comme une déferlante. J’aime Charisma cette idée d’œuvre fleuve, surtout qu’ici elle est consubstantielle à l’œuvre elle- même, ce n’est pas juste un emballage destiné à vendre!

J’ai choisi ce disque parce qu’il fallait bien qu’il y ait un pianiste dans cette sélection! Avec Thelonious Monk, on est probablement face à ce qu’il y a de plus éloigné du travail de pianiste classique, de ce que j’ai appris à faire et Stephane Ginsburgh de ce que je cultive. Plus que musclé, je dirais qu’il a un jeu brutal. Richter Stephane Ginsburgh joue régulièrement en ré- ou Sokolov ont un jeu musclé mais Monk c’est encore autre chose ! C’est citals et en musique de chambre en Europe, au beaucoup plus violent. Que ce soit dans le son ou dans l’harmonie, et c’est Proche-Orient, en Russie et aux États-Unis. Il pour moi une immense source de réflexion et d’inspiration. Plus que le jazz interprète autant la musique contemporaine que lui-même, c’est sa démarche pianistique qui m’intéresse car en musique classique ou romantique, musiques qu’il allie sou- classique aussi, malgré le fait que les œuvres soient le fruit de construction vent dans ses programmes de concert. Il a co-fondé That’s the Way I Feel et d’architectures formelles complexes, on doit garder de l’espace pour en 1998 le Bureau des Arts devenu Sonar (en 2011), now l’improvisation. C’est ce que je recherche dans ma manière de jouer de la un espace d’expression pluridisciplinaire. Entre 2010 A Tribute to Thelonious musique écrite : me retrouver dans un état proche de l’improvisation. C’est Monk et 2013, il a été directeur artistique du Centre Henri une question de fluidité du discours musical, une manière de ne pas figer A&M Jazz Pousseur qui est dédié aux musiques électroniques ce que l’on joue. L’objectif atteint par les grands improvisateurs, c’est de et mixtes. Il sort prochainement l’Intégrale de la jouer comme on parle. Ces dernières années, j’ai appris à laisser une place à musique pour piano de Morton Feldman sous forme l’instinct et à l’inconscient. Cela implique d’apprendre à se faire confiance, d’un coffret chez Sub Rosa et l’Intégrale des sonates sans nécessairement toujours savoir ce qui va se produire. de Prokofiev chez Cypres.

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RacineStr omCarréeae ou plutôt Exposant 2

Meilleure vente de l'année 2013 en France, Ra- Aeroplane &The Ma- gician @ Coachella cine Carrée s'est vendu à 1,1 million d'exem- plaires et ce, en seulement quatre mois, The Magician, aujourd’hui puisque l'album est sorti fin août. L'industrie mondialement connu n'avait plus connu pareil niveau de vente de- pour son tube « remix » de I follow rivers (Lykke puis la bande-originale du film Les Choristes Li), et Aeroplane se pro- en 2004. Il double les ventes du Random Ac- duiront au grand barouf cess Memories de Daft Punk et du Sublimi- qu'est le Coachella Fes- nal de Maître Gims, deuxième et troisième tival, aux États-Unis. Si meilleures ventes de l'année (500 000 exem- vous passez en Californie plaires chacun). En Belgique, Stromae a été au mois d’avril… sacré sept fois disque de platine, pour ses 210 Une nouvelle tête 000 albums écoulés. Il reste le numéro 1 indé- à la direction trônable depuis la sortie de l'album fin août. de Musiq'3 Dans une volonté affichée Ne m'oubliez pas ! du Conseil d'administra- tion de la RTBF de mo- 20% des morceaux présents sur le site Spotify n'ont derniser la radio classique Octaves jamais été écoutés. Un constat que le Californien Lane Musiq'3, c'est Laetitia Jordan a décidé de contrer en créant Forgotify, une Huberti qui prend la tête de la interface qui permet de découvrir les trésors inexplo- de la radio. À 34 ans, elle rés de la galaxie musicale spotify : plus de 4 millions succède ainsi à Benoît 10M ansus !ique de titres à découvrir d'urgence ou pas. Le titre une fois Jacques de Dixmude qui écouté, il disparaît tout simplement du catalogue de assurait l'intérim depuis le Cette année, les Oc- Forgotify. Pour y accéder, il faut bien entendu avoir départ de Bernard Meillat un compte spotify et du temps à perdre ! Quoiqu’une parti en 2012. taves de la Musique bonne surprise puisse toujours arriver. prendront leurs quar- www.musiq3.be www.forgotify.com tiers dans la Salle Playright encore Philharmonique de et toujours + Liège, profitant par Scherzi la même occasion de Deezer / Spotify PlayRight est la société qui l'accompagnement c’est moi le plus fort ! s'occupe de la gestion col- lective des droits voisins de l'Orchestre Phil- DeM Klara’susic 2013ali Le streaming musical a augmenté de 170% des artistes-interprètes harmonique Royal. en Belgique en 2013. C’est ce qu’a annon- ou exécutants et de la L’album How pleasant ‘tis to Love ! (Purcell) Une rétrospective de perception, de la gestion cé la Belgian Entertainment Association des Scherzi Musicali, un ensemble baroque 10 années d'Octaves et de la répartition des (BEA) lors d’une conférence de presse sur les bien connu des lecteurs de Larsen, était no- de la Musique devrait rémunérations auxquelles chiffres de ventes des albums, des téléchar- miné aux Klara's 2013 dans la catégorie “CD venir égayer la soirée les artistes-interprètes gements et du streaming musical. Le CD res- ou exécutants ont légale- flamand de l'année”. Décerné par un jury de récompensant, rap- tant néanmoins le support le plus important ment droit (rémunération professionnels, le Prix a finalement été rem- pelons-le, les artistes (66% du marché) suivi par le téléchargement pour la copie privée, ré- porté par Bl!ndman et son 32 Foot. The Or- de la Fédération Wal- (18%). Quant aux champions, ce sont les pla- munération équitable et gan of Bach. Julien Libeer (interviewé dans le lonie-Bruxelles ayant rémunération pour le prêt teformes Deezer et Spotify qui enregistrent numéro 4 de Larsen) a quant à lui emporté le marqué l'année 2013. public). Playright+ est un une belle progression avec une croissance de Prix du Public pour lequel les Scherzi Musica- département de PR qui www.lesoctaves.be 170% pour l’année 2013 (12% du marché). En li concourraient également. a pour objectif de pro- 2012, le marché de la musique enregistrait mouvoir les intérêts des http://ec.europa.eu/culture/creative-europe nĭ hăo Mr. Jali une diminution de 8%, pour aujourd’hui une artistes interprètes et qui baisse uniquement de 1,9% (source BEA), entreprend des actions Jali sera en tournée en qui prévoit une augmentation en 2014 grâce diverses pour ce faire, en La Médiathèque continue sa mue Chine du 6 au 18 mars, au streaming. Une première en 13 ans ! Pour répondant notamment à l’occasion de la mani- à vos demandes de sou- La Médiathèque de Louvain-la-Neuve fait peau neuve et l’anecdote, le vinyle progresse quant à lui de se fait PointCulture depuis le mois de février. L'espace festation Mars en Folie. tien pour un projet, le a été rénové pour s'adapter à ses nouvelles missions, Son spectacle sera pré- de 70% en 2013 (par rapport à 2012), repré- fonctionnement de votre se faire relai de toutes les disciplines artistiques et ex- senté dans 7 villes diffé- sentant ainsi 2% du marché musical. organisation ou le décer- périmenter la relation avec l'art sur un mode ludique rentes. merci Wallonie- nement d'un prix. Rendez- et décalé. Expert incontesté en musique et en cinéma, Bruxelles Musiques ! vous sur le site de la so- PointCulture continuera à travailler en collaboration http://marsenfolie. ciété où vous pourrez vous avec les opérateurs et partenaires culturels afin de créer afchine.org enregistrer et renvoyer le des passerelles entre les arts et d'amplifier ses domaines formulaire ad hoc. d'expertise. Bonne route ! www.playright.be

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Un FadilaSuiv Laananant ! La rétrospective présente le nouveau séjour MozartBach ett Gergievrack. au comtop ! dans Guichet des arts À l'occasion de son 4e anniversaire, Bach- Début 2013, sous l’impul- track.com, un site web spécialisé dans l’an- pourle Varétudier ? sion de la CGSP-Culture, les différentes associa- nonce et la critique de concerts (en Europe bien sûr ! tions actives dans le sec- et en Amérique du Nord), s’est fendu d’une teur de la culture ont été rétrospective statistique de l’année 2013. L’Académie musicale réunies aux fins de créer le Qui sont les chefs d’orchestre les plus ac- de Villecroze (Pro- Guichet des arts, soit une tifs en 2013 ? Et les compositeurs les plus vence-Alpes-Côtes structure de conseil et de joués ? Grâce à 15 091 concerts, 4 510 opéras d'Azur) souhaite en- formation à l’attention et 2 596 ballets recensés pour la seule an- courager et déve- des artistes et des tech- née 2013, le site a pu fournir des éléments lopper le talent de niciens du spectacle. Le Guichet des arts a ainsi de réponse ou au moins des tendances, avec jeunes musiciens Boesmans pour vocation de pourvoir au sommet pour les compositeurs, Mozart, par la mise en place, à un accompagnement Beethoven et Bach, talonnés par Benjamin chaque année, d’une et Pommerat individuel et collectif des Britten dont on fêtait cette année le cente- douzaine de mas- artistes et des techniciens naire. À l'opéra, les anniversaires de Verdi et ter class, d’atelier de du spectacle sur toutes de Wagner ont propulsé les deux composi- créent composition et de les questions relatives à teurs en haut de l'affiche de nombreuses ins- musicologie. Sous la leur statut social et fiscal. Le Guichet des arts s'est titutions. L'opéra le plus joué en 2013 étant Au monde direction de profes- à la Monnaie donné quatre missions : La Traviata, suivi de Tosca et de La Flûte En- seurs renommés, de fournir une information chantée. Le chef d'orchestre le plus actif en Pour cette création mondiale, le compositeur jeunes musiciens de collective et individuelle 2013 aura été Valery Gergiev, chef principal belge Philippe Boesmans, très présent dans niveau professionnel sur toutes les questions de l’Orchestre Symphonique de Londres et l'histoire de l'art lyrique de ces trente der- se perfectionnent, relatives au statut so- directeur du Théâtre Marinsky. nières années avec Reigen, Wintermärchen, à travers un réper- cial et fiscal des artistes Julie et Yvonne, Princesse de Bourgogne, a toire allant du ba- et des techniciens du spectacle; présenter un roque au contempo- souhaité que ce soit le très talentueux au- programme de formation teur et metteur en scène Joël Pommerat qui rain, en privilégiant la permanente des individus adapte sa pièce Au monde, pour la transfor- musique de chambre. ou des groupes concernés mer en livret de nouvel opéra. Une collabo- L’Académie musicale par les activités du Gui- ration exceptionnelle entre deux créateurs offre ainsi aujourd'hui chet ; collecter toute in- contemporains parmi les plus importants de à une douzaine de formation utile et relative ces dernières années. jeunes auteurs-com- à l’activité des secteurs concernés, analyser cette positeurs interprètes www.lamonnaie.be information ; poursuivre une master class de une veille politique, juri- douze jours dirigée dique et économique sur par Bruno Fontaine et les questions relatives à Juliette, sur le thème l’exercice d’activités ar- Mons au rythme de l’écriture, dans le tistiques et/ou assimilées. pop, rock cadre idyllique de ce Le Guichet envisage d’ins- taller son siège et de tenir charmant village pro- ses permanences à la Be- Réouverture& élect der l'Alhambrao vençal. Candidatures lonne à Bruxelles. Des per- à envoyer avant le 28 manences décentralisées L’Alhambra, haut lieu de la vie nocturne à mai. sont prévues en Région Mons, a rouvert ses portes pour accueillir la Plus d'infos ? www.aca- Wallonne, notamment à scène musicale pop, rock & électro de Mons Liège et à Charleroi, en demie-villecroze.com et sa région. Située à deux pas de la Grand- Marc Zinga collaboration avec les Musique ou ciné mais toujours Points Culture. Place (rue du Miroir 4), cette salle, construite sous les projecteurs en 1920, a successivement été un cinéma, Le sax s’expose au mim une discothèque, un bowling, puis une disco- Le chanteur du Peas Project fait le grand Jusqu’au 11 janvier 2015 thèque à nouveau (Alhambra) pour devenir en 2010 une salle de concerts et spectacles, écart depuis quelques années entre musique 2014 marquera les 200 ans de la naissance du Belge et cinéma. Vous l'avez peut-être déjà aperçu Adolphe Sax. À l’occasion de cet anniversaire, le mim l'On Air Studio. Fermée courant 2012, l'Al- sur le petit (Engrenages) ou grand écran (Je sera le théâtre d’une expo consacrée à l’inventeur du hambra reçoit depuis peu la nouvelle scène suis supporter du Standard) et vous ne pour- saxophone. Le 4e étage du musée sera complètement dédiée aux musiques actuelles pop, rock, rez pas le rater aux côtés de Benoît Poel- vidé de son contenu actuel, les cordes et claviers laissant jazz et électroniques et élargit ainsi l'offre voorde dans Les Rayures du Zèbre de Benoît temporairement la place à du Sax, du Sax, et encore du culturelle musicale dans Mons et sa région. Sax mais aussi les autres inventions du dinantais : le sax- Habillée par Bonom, elle propose une capa- Mariage, où il interprète le rôle d'un footbal- horn, le saxotromba, … La collection de sax du mim est cité de près de 350 places. leur africain. Bientôt de retour derrière le mi- reconnue comme la plus développée au monde et elle cro, Marc ? sera proposée pratiquement dans son intégralité. www.alhambramons.com

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er ToujoursRadio les mêmes Fran rengainesce ? 1 Mithra L'air est bien connu : les radios ne favorise- 24Jae Festivalzz F Internationalestival du raient pas la diversité musicale. Dans un ré- Gladys ? cent rapport intitulé L'exposition des musiques Jazz à Liège C'est Marie Delsaux, aka actuelles par les radios privées, le Conseil Su- Gladys, qui est élue Ré- Paolo Conte et Thomas Dutronc seront les périeur de l'Audiovisuel français pointait cet vélation NRJ 2014 grâce à état de fait et dénonçait l'absence de diversi- têtes d’affiche du prochain Festival Interna- son single Stupid Guy. La tional du Jazz à Liège devenu Mithra Jazz à chanteuse gagne ainsi le té des playlists. L'ADAMI, le SNEP et la SACEM e ont applaudi le rapport mais ont dénoncé en l'occasion de sa 24 édition (du 8 au 10 mai concours organisé dans Un roman très rock le cadre de la Positive NRJ revanche l'absence de pistes qui pourraient 2014). L’événement prend ainsi le nom de en deux tomes et à son nouveau sponsor principal, la société en se distinguant des 4 endiguer ce qu'ils considèrent comme l’un des deux mains pharmaceutique liégeoise Mithra. autres projets sélection- grands maux de la musique francophone. Les nés préalablement par un Leur passion commune www.jazzaliege.be jury. Ce sont toutefois les réseaux jeunes concentrent les deux tiers de pour le rock fait naître une auditeurs de NRJ qui ont leur diffusion de nouveautés sur 10 titres et amitié entre deux jeunes voté et désigné la jeune une radio musicale peut aujourd'hui réaliser un femmes marquées par Gladys. Son single est tiers de ses obligations de quotas de chanson des enfances difficiles. d'ores et déjà diffusé sur Douées pour la musique, française avec la diffusion de 3 titres seule- les ondes de NRJ et elle elles vont unir leurs forces ment, indique un communiqué signé des trois Danel & Ysaÿe emporte également l'op- sur le chemin de la gloire. Vie et mort d’un quatuor associations, qui invitent à obliger les radios portunité de se présenter Des petits clubs minables Le vendredi 24 janvier, le Quatuor Ysaÿe a en live à l'occasion d'un à changer de disque en souhaitant l'établis- jusqu'aux stades, leur événement organisé par sement d'un plafonnement de diffusion des parcours est parsemé de rendu son dernier souffle au terme d'un ul- la radio. titres. Les auditeurs pourraient ainsi décou- rencontres savoureuses time concert lors de la 6e Biennale de qua- vrir la diversité de la production francophone ou tragiques, de peines et tuors à cordes de la Cité de la musique (Pa- www.facebook.com/ qui demeure, contrairement aux idées reçues, de joies, de gags et de tra- ris) et ce, après 30 années de carrière. Le gladysofficial riche, diversifiée et très largement majoritaire vail. Dans leurs bagages : violoncelliste Yoan Markovitch intègre quant au sein de la production française. Et en Bel- soixante années de rock à lui le Quatuor Danel, en remplacement de and roll. Dans leurs cœurs : Guy Danel. Yovan Markovitch était membre gique, on en dit quoi ? l'ambition de se donner à (Prog-) fond. Sans limites. du Quatuor Ysaÿe depuis 2005 et aupara- vant il était membre du Quatuor Castagneri. Résiste ! Piero Kenroll est un pion- Madonna vs. nier du journalisme rock Montre en Belgique et critique que tu Acquaviva musical. Il a notamment KO pour le belge été récompensé d’un prix existes ! en 2005 pour son premier La centrale Le magazine La cour d’appel de Mons a statué dans le livre, Cœur de Rock, le belge du rock dossier opposant Salvatore Acquaviva et prix Crossroads récom- des arts Madonna, donnant raison à cette dernière : pensant le meilleur ou- progressif vrage en relation avec la aucun plagiat n'a été commis. Pour rappel, Prog-résiste est une le compositeur belge avait eu une première musique. Pierre Guyaut Unur nouvelba espaceins dédié aux a quant à lui passé 40 asbl ayant pour ob- fois gain de cause en 2005. On pourra donc à années à la RTBF (princi- arts urbains à Liège jet la promotion du nouveau vendre et écouter Frozen sur notre palement Classic 21) et il rock progressif en La centrale des arts urbains est un projet de territoire. On s'en réjouit, on n'avait que trop se consacre aujourd’hui Belgique et dans le à l’écriture. Il a déjà à son l’asbl Spray Can Arts, une plateforme artis- entendu Ma vie fout l’camp. monde. L'association actif dix romans, trois tique reconnue par la Fédération Wallonie- édite un magazine pièces de théâtre et la Bruxelles pour les arts de la scène et les arts trimestriel de pas co-écriture de one man plastiques. L’association a récemment ac- shows pour Richard Ru- moins de 132 pages quis un bâtiment de plus de 1000m2 (rue en ben. incluant critiques Bois 6) qui rassemblera en son sein un espace Pas de Power d'albums, articles, in- Rock and Roll Duo, de polyvalent d’exposition, plusieurs ateliers Piero Kenroll & Pierre terviews, news, etc. pour artistes, des locaux pour des stages, un Rock en 2014… Guyaut, préface de Tout sur l'actu du rock …but will be back in 2015 studio d'enregistrement et des locaux de ré- Jean-Luc Fonck, Ed. prog. Chaque mercre- pétition. L'idée est mettre en place une pla- Vu l’engouement pour la manifestation, les Lamiroy, 2 tomes di, vous pouvez dé- teforme de promotion et de diffusion d'ar- organisateurs, l’asbl CenteRock, n'ont pas couvrir également tistes issus des stages, d'artistes régionaux voulu prendre le risque d'organiser le festival, leur émission sur ra- et nationaux tout en proposant au public comme à son habitude, dans le centre de La dio Quartz (aussi en une programmation éclectique mettant en Louvière. Victime de son succès, le site ne ré- streaming) à 21h, le lumière les diverses activités artistiques dé- pond plus aux exigences de sécurité néces- labyrinthe du prog. veloppées : graff, écriture, DJ, hip hop, break saires. Mais que tout le monde se rassure, Tout un programme ! il reviendra fêter ses 10 ans en 2015, le lieu dance, etc. www.progresiste.com idéal une fois trouvé. www.spraycanartsasbl.be

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Rencontre

rencontre pop Suarez En quête d’équilibre Entre pop française, refrains varié(té)s et rythmes insulaires malgaches, Suarez cultive sa différence. Sereine, assagie et gonflée à bloc par une vraie reconnaissance populaire acquise avec L’indécideur, la formation montoise redéfinit les valeurs de la relation amoureuse avec En équilibre, troisième album au charme fédérateur. Explications avec Marc Pinilla, son leader en chef.

Luc Lorfèvre uarez S ©

ourriez-vous citer 3 moments- souhaitais apporter plus de profondeur et Le communiqué de presse accompagnant clés vécus par Suarez entre la d’exigence. Le processus créatif d’En équi- En équilibre utilise le terme « assagi ». sortie de L’indécideur en 2010 libre a été particulièrement difficile. Non C’est vous qui l’avez soufflé ? et celle d’En équilibre ? seulement parce que nous avons tout réa- Oui, je regrette l’attitude que j’adoptais Marc Pinilla: Il y a eu la remise lisé nous-mêmes, mais aussi parce qu’on à l’époque des deux premiers albums de de notre premier disque d’or voulait ne regretter aucune chanson. En Suarez. J’avais la rage, l’envie de tout pé- (pour 10.000 exemplaires vendus, Ndlr) équilibre en compte onze alors qu’il y en ter. Il y avait beaucoup de maladresse de avec L’indécideur. Au-delà d’un chiffre de avait une quarantaine d’écrites… ma part parce que j’étais sur la défensive Pvente, ça nous a fait prendre conscience et que je sentais toujours le besoin de me que nous devenions importants en Fé- Toutes les chansons tournent autour de la justifier. Aujourd’hui, je suis heureux, dération Wallonie-Bruxelles. Non seu- relation amoureuse. Pourquoi ? content d’être là et beaucoup plus serein. lement, nos concerts attiraient un large Ce disque est la suite logique de L’indéci- La dynamique a complètement changé. public, mais celui-ci était à ce point in- deur où tous les protagonistes étaient en téressé qu’il achetait aussi notre disque. recherche d’équilibre. Ici, c’est bien d’équi- La deuxième étape importante fut notre libre dans la vie amoureuse dont il s’agit. www.suarezlegroupe.be aventure en France qui s’est soldée par J’en ai personnellement besoin dans ma un cruel échec. Nos chansons sont pas- propre existence. Les chansons ont été sées sur les radios françaises, on a fait écrites spontanément, mais elles évoquent deux fois Taratata mais on n’a rien ven- effectivement quasi toutes une étape sen- du. Cette désillusion nous a permis de re- timentale : la rencontre, les querelles, les lativiser, d’entendre un autre discours pauses, l’usure du temps. que celui toujours positif qu’on nous te- nait en Belgique et, finalement, de se dire Suarez est-il un groupe en équilibre ? Ou, que nous n’étions encore nulle part. En- au contraire, doit-on considérer que son fin, la rencontre avec le parolier français instabilité lui permet d’exister ? Ben Mazué a été déterminante. Il a beau- Avec un Belge et quatre Malgaches, il y a en coup apporté à En équilibre. permanence deux regards, deux cultures, deux approches différentes. C’est ce qui fait la richesse du groupe. Suarez occupe aussi une Suarez compte officiellement un cinquième Suarez membre, David Donnat. Il y a aussi plus de place très particulière dans le paysage musi- En équilibre paroliers crédités sur En équilibre : Ben Ma- cal. On est signé sur un label spécialisé dans 30 Février/PiaS zué, mais aussi votre épouse Aline Renard, le rock indie alors qu’on touche un public qui Antoine Hénaut et Jacques Duvall. Pour- écoute de la variété. Comme un couple, nous quoi cette volonté d’agrandir le cercle ? sommes peut-être en quête d’équilibre tout en David était déjà notre percussionniste sur sachant que c’est sans doute utopique. Donc, scène. Fort logiquement, nous l’avons im- d’une certaine façon, c’est bien notre instabili- pliqué dans l’album. Pour les textes, je té qui nous fait avancer.

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Rencontre

rencontre folk Clare Louise Ballons d'oxygène Mis en pièce par un échec amoureux, le cœur de Clare Louise a boxé ses désillusions et sanglé ses ressentiments sur la cordelette d’étranges ballonnets : de petites baudruches colorées abandonnées à l’aube, sous un ciel dégagé. Inspiré par quelques blessures post-rupture, Balloons est un disque de transition où l’on entend la Bruxelloise d’adoption bousculer les traditions folkloriques de ses débuts. Infusé de particules électroniques, mieux produit, cet album essire

L laisse ses charmes agir. De quoi (re)tomber amoureux. Caroline

Nicolas Alsteen ©

alloons est le nom d’une des Entre l’album Castles in The Air et ce nou- Cette fonction d'accompagnateur artis- nouvelles chansons. Elle donne veau disque, on trouve le E.P. Bare Tales, tique est en train de se cristalliser dans par ailleurs son titre à l'album. sorti en 2012. Sur cet enregistrement, tous votre production discographique. C'est Est-ce le morceau le plus les morceaux reposaient sur votre seule une donnée inaltérable ? emblématique du disque ? guitare acoustique. À quoi correspondait Quand je travaille sur un disque, j'ai la tête Clare Louise: Ce morceau cet interlude ? dans le guidon. Dans l'instant, je n'ai pas le marque d’abord un tournant esthétique. L’aspect solitaire reste une des facettes de recul nécessaire pour trancher et prendre Entre le premier et le deuxième album, mon projet. C'est une constante : j'arrive les bonnes décisions. Collaborer avec une Bmon processus créatif a sensiblement évo- toujours avec une matière première qui se personne extérieure, ça correspond à l'en- lué. Avec Balloons, c'est la première fois suffit à elle-même. Pour ça, la structure de vie de s'en remettre à un jugement impar- que j'écris une chanson au clavier, par mes chansons est assez immuable : elle re- tial. C'est aussi faire confiance à une es- exemple. Ensuite, ce titre résume bien la pose sur la combinaison de ma voix et d'un thétique et une autre approche artistique. thématique du disque. Si le sujet central instrument. Le E.P., c'était d'abord l'envie Mon souhait, c'est de confronter les idées. reste la séparation, les ballons symboli- de mettre ça en avant. Aujourd’hui, je me Pas de modeler le projet selon des goûts sent une forme de légèreté : l’envie d’aller vois davantage comme le capitaine d'une d'un producteur. de l’avant, d’accepter le changement, de re- petite équipe parce que le nouvel album ré- garder les souvenirs s'envoler et, au final, sulte d'un véritable travail de groupe. Par le passé, vos chansons se partageaient trouver ça joli. entre références traditionnelles et mu- Marc A. Huyghens (Joy, ex-Venus) avait sique folk. Cette fois, on part vers des mé- Tout l’album tourne autour d’une rupture pris en charge la direction artistique de lodies plus pop, surlignées de quelques or- amoureuse. Peut-on voir Balloons comme l'album précédent. Cette fois, c'est Bo- nements électroniques. Cette évolution une catharsis ? ris Gronemberger (V.O., Castus, Girls In était-elle consciente ? J’utilise souvent l'écriture comme une Hawaii) qui a pris le relais. Pourquoi avoir Je ne voulais pas que cette dimension forme d'exutoire. Pour moi, la catharsis changé d'homme de confiance ? prenne toute la place, mais je souhai- est une des fonctions d'un disque. Ça doit Je voulais essayer autre chose, trouver un tais qu'elle soit présente. J'aime jouer sur être quelque chose de libérateur. Pour le nouveau son, une nouvelle direction. Sans le côté délicat des nappes synthétiques. coup, j'évacue un moment-clé de mon his- désavouer le travail accompli en compa- J'avais commencé avec la chanson Sweet toire. Enregistrer un album, c’est une thé- gnie de Marc A. Huyghens, ça faisait un Blue en chipotant sur une petite boîte-à- rapie. Ça permet aux émotions de se mé- moment que je souhaitais travailler avec rythmes. Et puis, j'ai eu envie de retrouver tamorphoser. À partir du moment où on Boris. J'adore les arrangements des chan- quelque chose de cet ordre-là sur les autres les abandonne dans une chanson, elles se sons chez V.O. C'est éthéré, sophistiqué et morceaux. transforment au contact des gens. hyper aérien. J'avais envie que Boris dé- barque avec ce bagage-là. De son côté, il www.clairelouise.be était intéressé à l'idée de prendre part à un projet sans sa casquette de musicien. Il a Clare Louise insufflé une autre dynamique à mes mor- Balloons ceaux. Il a sublimé les chansons. Caramel Beurre Salé/Pias

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entretien drian Jursich A ©

world

La Chiva Gantiva Longue vie à Vivo ! Le plus colombien des collectifs bruxellois publie une nouvelle barre énergétique. Baptisée Vivo, la seconde plaque de La Chiva Gantiva enferme les secrets d’une vie rêvée : chansons ensoleillées, tournée américaine, rythmes frénétiques, escales australiennes, haltes en Nouvelle-Zélande, petite bavette avec Norah Jones et grande répète avec l’Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou. Animée de son sens du partage, de la fête et du voyage, la troupe débarque dans l’arène avec une musique totalement à son image. Excitante et indomptable.

Nicolas Alsteen

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entretien

connexions sociales entre les habitants d’une même région. Cette idée de voyage, « Avec La Chiva, on veut de rencontre entre des gens venus d’ho- rizons différents, nous parlait beaucoup. contourner les clichés et les Gantiva, ça signifie « Gardien de la mon- formules éculées. On ne se limitera tagne » dans un vieux dialecte colombien. Mais il s’agit d’abord du nom de famille de jamais à une seule culture. » Natalia, notre percussionniste. (Sourire) La Chiva Gantiva Vivo Le premier album de La Chiva Gantiva est Crammed Discs sorti chez Crammed Discs. Le nouvel al- bum est également signé sur la structure bruxelloise. Comment vous êtes-vous rap- prochés de ce label ? omme dans une belle his- des drapeaux belge et colombien, cette mu- En 2009, on a pris conscience du poten- toire, les aventures de La sique-là vient du cœur. tiel de La Chiva Gantiva. Jean-Yves Laf- Chiva Gantiva commencent fineur, le directeur du festival Esperan- par un baiser à l’universi- La Chiva Gantiva peut faire valoir un solide zah! avait entendu parler de nous via des té. Deux étudiants colom- ancrage colombien. Pourtant, l’histoire du amis. Il souhaitait entendre une démo biens s’embrassent dans les groupe est indissociable de Bruxelles, la avec de nouveaux morceaux pour, éven- rues de Louvain-la-Neuve. Quelques mois ville où vous vivez et où tout a commen- tuellement, nous programmer à l’affiche plus tard, les amoureux se retrouvent à Ot- cé. Pourquoi la Belgique est-elle le point de de son événement. Cet intérêt a vraiment Ctignies pour célébrer un heureux événe- départ de votre projet ? attisé notre motivation. À partir de là, on ment : l’arrivée d’un petit garçon. Depuis, Pour nous, tout commence à l’avenue a multiplié les dates. On a commencé à leur bébé a grandi et beaucoup voyagé. De Ducpétiaux, à Saint-Gilles. On louait jouer dans des cafés, des petits clubs, des Santiago de Cali à Bogota, de Montpellier une énorme maison avec la percussion- festivals. À force de jouer, on a trouvé nos à Bruxelles, la vie de Rafael Espinel s’écrit niste Natalia Gantiva et le guitariste Fe- marques. On est alors passé à l’action en sur la carte d’un itinéraire atypique. Vingt lipe Deckers. On organisait régulièrement enregistrant un album. Dans la foulée, on ans après ses parents, le jeune homme des soirées. À chaque fois qu’on faisait a eu l’occasion de présenter les nouveaux pose ses valises en Belgique. À un jet du une fête, on jouait de la musique. Par la morceaux sur la scène du VK*. Après le Manneken Pis, il fait la rencontre de deux force des choses, les gens qui passaient concert, le programmateur de la salle est expatriés colombiens. Ensemble, ils vont pour s’amuser et boire des coups sont de- venu nous trouver pour nous demander si refaire le monde aux côtés d’autres mu- venus notre premier public. De fil en ai- on avait un label. Comme on n’avait tou- siciens : un Français, un Vietnamien et guille, un bouche-à-oreille s’est dévelop- jours aucun deal, il a décidé d’envoyer un deux Belges. La Chiva Gantiva a patiem- pé et, courant 2005, plusieurs personnes e-mail chez Crammed Discs en expliquant ment forgé son style en jouant dans les nous ont invités à venir faire des concerts pourquoi La Chiva serait sans doute une clubs locaux. Piochant ses premières idées à domicile. À l’époque, notre répertoire bonne signature pour le label. Le lende- dans les musiques afro-colombiennes, la s’appuyait surtout sur des standards de la main du concert, j’ai reçu un coup de fil de formation bruxelloise revisite les grands cumbia, mais aussi sur des classiques de la maison de disques. Depuis, tout roule. standards de la cumbia sous la drache na- la musique traditionnelle. On a commen- tionale. Et quand la pluie belge accoste le cé à s’organiser. J’ai invité un pote, Florian Tellement bien que votre musique s’ex- soleil d’Amérique latine, c’est le funk, l’afro- Doucet, à venir jouer de la clarinette. Dans porte bien au-delà de nos frontières. Dé- beat et le rock qui se mettent à chanter. le même temps, Felipe proposait à un ami sormais, on parle même de vous en Co- Cette formule inédite va rapidement trou- bassiste (Seppe Van Hulle, Ndlr) de nous re- lombie. Briller là-bas en bossant depuis la ver refuge sous le toit de Crammed Discs, joindre. Le groupe s’est constitué progres- Belgique, c’est un peu le monde à l’envers, maison de disques connue pour ses hors- sivement. Et puis, un jour, on nous a pro- non ? pistes esthétiques et sa volonté de mettre posé un concert un peu plus officiel. On a En 2012, on a organisé une tournée dans à mal les clichés associés aux musiques as- été obligé de se trouver un nom de scène. la foulée de notre participation au festival soiffées d’ailleurs. Fin 2011, le groupe pu- On a opté pour La Chiva Gantiva. américain South by Southwest (SXSW). blie ainsi l’album Pelao, carte de visite ex- On a joué nos premières dates colom- plosive et excitante. Condensé de pulsions La Chiva Gantiva, ça signifie quoi, au biennes à Cartegena où se tenait une sorte traditionnelles et d’instincts défricheurs, juste ? de congrès : une vitrine internationale ce disque propulse La Chiva Gantiva sur La chiva est un minibus colombien, un de la musique, un truc énorme avec des les scènes européennes et américaines. moyen de transport typique du coin. On showcases organisés à l’attention des pro- Énergique et athlétique, la troupe se fend croise souvent cet engin super coloré en fessionnels. Quand on s’est pointé là-bas, même d’une apparition estivale sur la piste milieu rural. Là-dedans, on transporte tout on était un peu flippé. Comme nos chan- des jeux olympiques londoniens. De retour à l’arrache : des voyageurs, des animaux vi- sons opèrent une sorte de relecture des sans médaille mais avec un plan génial, vants, des bagages ou des denrées alimen- musiques traditionnelles, on ne savait pas La Chiva Gantiva imagine son avenir en taires. La plupart des chivas ont même une trop comment les gens allaient nous ac- toute indépendance. Fruit de deux années échelle incorporée pour avoir accès au toit cueillir. Au final, c’était mieux que dans de composition, l’album Vivo laisse éclater du véhicule. Ça permet de mettre encore un rêve. Le public était chaud comme la ses couleurs au grand jour : une pochette plus de personnes ou de bagages. Le bus va braise et complètement intrigué par la for- noire, jaune, rouge et bleue. Au croisement de village en village et crée de véritables mule proposée. Maintenant, on reçoit ré-

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entretien

gulièrement des propositions pour aller Sur la pochette de Vivo, on trouve une lait nous loger, nous nourrir, nous payer et jouer en Colombie. Là, on revient de Bo- poule au look extravagant. Que vient faire nous trouver des visas pour bosser là-bas. gota où on a rempli une salle de 400 per- ce poulet sur votre nouvel album ? En plus ça, il connaissait bien les musi- sonnes. Rien que d’y penser, ça me semble Dans mon esprit, le poulet représente un ciens de l’Orchestre Poly-Rythmo de Co- invraisemblable. Après, je suis convaincu bien de consommation ordinaire. Les gens tonou, mais aussi Lionel Loueke, le guita- que si le groupe n’était pas né en Belgique, en mangent tout le temps et en parlent riste d’Herbie Hancock. C’est un concours il n’aurait jamais évolué de la même façon. tous les jours : poulet bio, poulet-frites-sa- de circonstances qui nous a amenés là-bas. Bruxelles se situe au cœur de l’Europe. Et, lade, poulet au curry, poulet-ceci-poulet- On reste donc quelques semaines au Bé- d’une manière ou d’une autre, on a dû mé- cela. Je trouvais ça amusant d’utiliser cet nin et puis, on décolle pour la Nouvelle- langer nos références traditionnelles avec animal pour évoquer notre quotidien dans Zélande, Singapour et l’Australie. une certaine conception du folklore euro- ce qu’il a de plus simple, mais aussi de plus péen. Cette sorte de musique « punk-klo- complexe. Et puis, ce dessin est aussi une Qu’est-ce que vous partez faire là-bas ? rique-colombienne » n’existe pas en Amé- façon décalée d’aborder La Chiva Gantiva. Notre booker anglais nous a trouvé une rique du Sud. C’est sans doute pour cette Certains détails se référent directement à date dans le cadre du festival WOMAD, raison que ça touche les gens là-bas. l’histoire du groupe : des fusées pour les un événement mis sur pied voici quelques voyages et cette envie d’explorer de nou- années par Peter Gabriel. Aujourd’hui, le Qu’est-ce qui a changé pour vous entre le veaux territoires, des intestins pour ce WOMAD est devenu une manifestation iti- premier et le nouvel album ? soucis permanent de se vider les tripes sur nérante. On le retrouve aussi bien en Nou- On est plus confiant, plus conscient aus- scène… En cherchant bien, on peut trouver velle-Zélande qu’en Russie ou en Australie. si. À l’époque du premier album, on a bos- de nombreuses significations. Bref, on a joué en Angleterre, à Charlton sé avec Richard Blair, producteur anglais Park. Ce jour-là, dans le public, il y avait connu pour son travail aux côtés d’artistes Dans votre bio, vous vous excusez presque le programmateur de la version russe du comme Peter Gabriel ou Amadou & Ma- d’utiliser des rythmes ancrées dans la mu- WOMAD. Il nous a demandé de partici- riam. Assez paradoxalement, il nous di- sique traditionnelle. Pourquoi désavouez- per à son édition. On s’est donc retrouvé à sait souvent que, pour évoluer, il fallait de- vous cette composante folklorique ? Piatigorsk, aux portes du Caucase. Après le venir son propre producteur... Sa réflexion Dès le départ, on s’est détaché du folklore concert en Russie, les programmateurs des nous a beaucoup aidés. Aujourd’hui, tous colombien. Le fait de vivre à Bruxelles, déjà, WOMAD australien et néo-zélandais sont ces experts des studios d’enregistrement ça change la donne. Parce qu’en vivant ici, venus nous proposer une place à l’affiche sont surtout là pour offrir du bon temps on adopte forcément un autre point de vue de leurs festivals. En voyant notre nom à aux musiciens. Car, dans les faits, chaque sur la musique. Quand tu habites au car- l’affiche de la manifestation, un agent aus- artiste est désormais en mesure de s’ini- refour des cultures européennes, tu côtoies tralien – également actif à Singapour et en tier aux plaisirs de la production. L’expé- nécessairement d’autres façons de voir le Thaïlande – nous a proposé ses services. rience avec Richard a tout changé. Après monde. Cette position nous convient plutôt Grâce à ça, on part à l’autre bout du monde avoir bossé avec lui, j’ai réalisé qu’on de- bien : avec La Chiva, on veut contourner pour une quinzaine de dates. vait être autonome, maître de notre des- les clichés et les formules éculées. On ne tin. Le monde a changé. De nos jours, l’in- se limitera jamais à une seule culture. Là, Est-ce qu’il vous arrive de fréquenter dustrie musicale répond à de nouvelles par exemple, on part au Bénin pour enre- d’autres musiciens en tournée ? réalités. Il faut s’y adapter. Quand on s’est gistrer quelques trucs avec l’Orchestre Po- Tout le temps. Je suis de nature sociable penché sur la mise en œuvre du nouvel al- ly-Rythmo de Cotonou et des musiciens et curieuse. J’adore parler avec les gens. bum, deux possibilités s’offraient à nous : d’Herbie Hancock… Quand je joue dans un festival, je n’hésite soit investir tout notre argent dans la lo- jamais à pousser la porte des loges pour cation d’un studio d’enregistrement et tra- Gros projet en perspective. Comment ce aller causer avec d’autres artistes. Ça per- vailler avec un producteur extérieur, soit périple s’est-il mis en place ? met de faire connaissance et de s’enrichir aménager un petit local du centre-ville La première fois que j’ai vu l’Orchestre Po- d’autres expériences. J’ai déjà tapé la dis- bruxellois et acheter notre propre maté- ly-Rythmo de Cotonou, c’était au festival cussion avec Damian Marley, mais aussi riel. On a opté pour cette seconde solution. d’été de Québec. On jouait sur scène juste avec Norah Jones. Elle est assez cool. Pour l’essentiel, on a donc produit l’album avant leur concert. Quand on les a vus, on nous-mêmes. Maintenant, on peut se dé- était scotchés. C’était puissant et authen- En juillet 2012, vous étiez à Trafalgar brouiller seuls. On a juste confié les der- tique, vraiment magique. On a discuté Square pour animer la cérémonie d’ouver- nières touches techniques à Joel Hamil- avec eux et puis, on a repris nos chemins ture des Jeux Olympiques de Londres... ton (Mike Patton, Dub Trio, Tom Waits, respectifs. Les choses auraient sans doute On avait eu l’occasion de rencontrer Da- Blackroc, Sparklehorse, Ndlr). Il avait as- du en rester là mais, finalement, le destin vid Jones, le promoteur anglais en charge sisté à notre premier showcase en Colom- nous a conduits vers le Bénin... En juin de du festival d’ouverture des J.O. Pour l’occa- bie. Après le concert, on a discuté et il a l’année dernière, on a joué dans le Parc du sion, la ville de Londres avait installé cinq laissé sous-entendre une éventuelle col- Cinquantenaire à l’occasion de la Fête de la podiums sensés représenter les cinq conti- laboration. Sa carte de visite est impres- Musique. Quelques jours après ce concert, nents. On nous a invités pour représenter sionnante. D’ailleurs, si on s’arrête sim- on a reçu un coup de téléphone d’un expa- la Belgique. Quel honneur ! plement à son CV, on peut difficilement trié belge qui tenait un club au Bénin. Il imaginer qu’un groupe comme La Chiva était revenu quelques jours à Bruxelles et En concert : Le 27 mars, Botanique, Bruxelles Gantiva puisse l’approcher. Mais à partir avait eu l’occasion d’assister à notre presta- Le 29 mars, Ancienne Belgique, Bruxelles du moment où tu es convaincu par ce que tion au Cinquantenaire. En une fois, il était tu fais, je pense que tu peux tout te per- devenu notre plus grand fan. Il s’était mis mettre. en tête de nous faire jouer au Bénin. Il vou- www.lachivagantiva.com

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Rencontre

rencontre musiques urbaines À Notre Tour Prix de groupe La formule pouvait être casse- gueule, mais en juillet 2013, aux Ardentes, elle a définitivement basculé dans la catégorie gagnante. Ce collectif pas comme les autres sera l’un des bons plans de l’année rap.

Didier Stiers livier Donnet O ©

résence scénique dynamique, mun. Et qu’il s’agit donc de défendre. gord. Il y avait une piscine de dingue, mais entrées, sorties et enchaîne- Entre autres : le show mis sur pied dure il faisait trop froid, personne n’a été dedans. ments fluides, ni blabla inutile deux heures, les garçons puisent dans le La maison est donc devenue un endroit où ni dédicaces à la pelle : À Notre répertoire des uns et des autres pour éla- le son ne s’arrêtait jamais. Et on dira en- Tour tient la route ! Pas de raison borer une setlist, complétée par un « an- core que les rappeurs sont des feignants ! donc de ne pas la reprendre cette them » écrit spécialement. En près de six Cette mise au vert a accouché de 17 mor- année. Sauf que cette fois, ce sera avec un mois, une dizaine de dates s’enchaînent. ceaux… Nous avons essayé de tout mélanger, album sous le bras. Pardon : « les » bras. Celle des Ardentes boucle une première de ne garder aucune structure des groupes, P « saison » riche d’enseignements. nous avons rebossé sur place des idées d’ins- À Notre Tour associe les Bruxellois (au trumentaux… Le disque est prêt, il doit juste sens large) de La Smala, J.C.R., Caballe- Dynamisme, fluidité et naturel, donc. encore être mixé. ro et Ysha, les Carolos Exodarap et le Pa- Il faut dire qu’un coach de choix y a mis risien Lomepal. Rien à voir avec un boys son grain de sel. Pitcho, à l’initiative de Le- Idéalement, cet album sortirait en octobre. band, il est le fruit de (bonnes) connexions zarts Urbains, a effectué un gros travail dans D’ici là, les uns et les autres y auront été préexistantes. À la longue, il y avait toujours l’ombre. Nous voulions proposer un show de de leur(s) projet(s) en solo, avant de remon- deux ou trois des groupes à l’affiche des mêmes qualité dans des salles de qualité. On sait bien ter sur scène avec À Notre Tour. La preuve scènes. Et quand certains membres des autres que quand il y a du monde sur scène, qu’on qu’on peut encore lancer des concepts un entités venaient, ils étaient invités à freesty- fait des freestyles, ça part dans tous les sens, peu élaborés de ce côté-ci du rap game. ler. Tout le monde a fini par se retrouver sou- que personne ne sait quand il faut démar- Mais entre les sons plus jazzy d’Exoda- vent ensemble. Et quand Back In The Dayz a rer … D’où la volonté de tout huiler au maxi- rap et le ressenti « street » de La Smala, dégainé l’idée d’un plateau commun, ça nous mum au préalable, de réfléchir aux meilleures ces jeunes gens ne seraient-ils pas aussi a semblé naturel de recréer une entité plus transitions possibles, de trouver un fil conduc- un peu des exceptions ? Il faut se donner large. L’asbl carolo, qui assure la promo teur dans ces sons faits à l’arrache à gauche et les moyens et un minimum d‘organisation. d’initiatives culturelles liées au hip hop, à droite. Pitcho a fait en sorte qu’au final, per- D’investissement, pas spécialement finan- propose là quelque chose d’inédit pour la sonne ne soit lassé. C’est lui aussi qui a cana- cier mais en temps. Au final, c’est aussi beau- Belgique ; aux États-Unis, on se souvien- lisé notre énergie. Si ça n’avait pas fonctionné, coup de galères, mais là, ça motive de se dire dra du Up In Smoke Tour réunissant no- il aurait pu se sentir mal parce qu’il arrivait qu’à chaque fois, des centaines de gens écou- tamment Dr. Dre, Snoop Dogg, Ice Cube et dans une grande famille. Mais lui aussi était tent nos textes. Eminem. Nos rappeurs se marrent : L’idée, chill de ouf (ndlr : sic). Les étoiles étaient avec c’était ça aussi : remplir des stades ! nous ! www.backinthedayz.be www.facebook.com/anotretourmusique Trêve de plaisanteries : quand À Notre Le futur album semble lui aussi être né Tour se met en route, Caballero et Lome- sous des astres favorables. Nous avons été pal viennent de sortir un album en com- nous enfermer une semaine dans le Péri-

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Rencontre

rencontre jazz Collapse Esthétique partagée Exploitant toutes les libertés qu’un quartet sans instrument harmonique peut offrir, Alain Deval, Yannick Peeters, Jean-Paul Estiévenart et Steven Dellanoye développent au sein de Collapse un univers musical plein d’originalité. Le quartet revient avec Bal Folk, un nouvel album dans lequel les influences klezmer cèdent le pas à un jazz contemporain aux confins du free et d’un post bop décomplexé. essire L Benjamin Brooke Caroline

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rois ans après la sortie d’un nique comme Jaga Jazzist, ALOG, Pho- lui d’aujourd’hui, cela a beaucoup chan- premier album et pas mal de nophani et les productions du label Rune gé. Je dirais qu’il y a plus d’influences changements, Collapse revient Grammofon. Je crois qu’inconsciemment différentes, notamment rock. J’aime par en force avec un nouvel album. cela se retrouve dans mes compos. exemple la musique de Ches Smith, qui Que s’est-il passé pendant ces fait un mélange de thèmes simples et cat- dernières années ? Comment composez-vous ? chy avec un vrai côté rock dans l’énergie Alain Deval : Cédric Favresse, avec lequel Je compose au piano, ce sont des idées free et une touche d’électronique, un mé- j’avais lancé le projet en 2006, était de mélodiques qui me viennent. Je passe lange qui me parle… Tmoins en moins disponible. Il n’avait plus ensuite par l’ordinateur pour faire tour- assez de temps pour s’investir à fond dans ner la mélodie et faire des arrangements. Quel est votre rapport à l’improvisation ? le projet et nous nous avions envie de pas- Ma musique n’est d’ailleurs pas extrême- Dans la peinture, j’ai développé mon travail ser à la vitesse supérieure. Il a donc déci- ment complexe rythmiquement. Moi ce autour de la texture, du grain, de la compo- dé de quitter le projet. Steven Dellanoye, que j’aime, c’est amener une idée et un sition abstraite autour de la rouille et des il avait déjà joué avec nous en tant que arrangement et laisser le groupe s’en em- matières métalliques et géométriques. Je guest. Assez bizarrement, je l’ai croisé au parer pour partir dans de nouvelles di- pense être resté fort imprégné de cette dé- Sounds, le soir même où Cédric m’a an- rections. J’aime laisser cette ouverture marche dans la musique. J’ai une repré- noncé qu’il quittait le groupe. En discutant et je peux me le permettre avec des musi- sentation assez graphique du son, de la de musique avec lui, nous avons réalisé que ciens de cette qualité. composition et des arrangements. Je m’in- nous avions plein d’influences communes. téresse beaucoup à l’équilibre entre écri- C’est ce qui fait qu’en répet’, sans avoir trop Le fait de jouer sans instrument harmo- ture et improvisation. Notamment au sein besoin de parler, il comprend tout de suite nique, c’était une volonté dès le départ ? de l’Œil kollectif, un collectif liégeois de dans quels sens je veux aller. Non, c’est le fruit du hasard mais au- musiciens avec lequel nous organisons pas jourd’hui ça me plait beaucoup. À jouer, mal d’événements autour de la musique Quelles sont ces influences communes ? cela peut être plus difficile car il y a moins improvisée. J’ai aussi participé récem- Ce qui est commun à tous dans le groupe, de repères. Contrairement à certaines ment à un workshop avec le saxophoniste c’est cet intérêt pour la scène new-yor- idées reçues, la liberté, ce n’est pas forcé- Mats Gustafsson sur la musique improvi- kaise actuelle qui gravite autour de Broo- ment la facilité. Quand c’est moins cadré, sée. C’est une musique à part entière qui a klyn avec des figures comme Tony Mala- il faut assurer derrière ! Mais le fait qu’il ses codes et ses références. Quand on im- by, Mary Halvorson ou Kris Davis. Ajoutez n’y ait pas d’instruments harmoniques provise ici, on tombe parfois dans certains à cela des influences du Nord comme le amène des choses intéressantes. Yan- clichés. La composition instantanée, c’est groupe Atomic, et pour moi en particu- nick, par exemple, à la basse amène des encore autre chose et voir ça en live, c’est lier le batteur Paal Nilssen-Love. Nous es- couleurs aux morceaux en apportant sa très impressionnant ! sayons de faire un mix de tout ça, tout en propre touche harmonique. Mais entre le développant notre propre son. J’écoute free jazz d’Ornette Coleman dans les an- aussi beaucoup de musique électro- nées 60, que j’ai beaucoup écouté, et ce- www.collapsemusic.net

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Rencontre

rencontre classique Les Menus- Plaisirs du Roy L’art de la parodie Fondés par Jean-Luc Impe et Catherine Daron, les Menus-Plaisirs du Roy sont nés de l’envie de redonner vie aux spectacles de marionnettes du début du 18e siècle. Pionnière dans le domaine, la compagnie s’intéresse aujourd’hui aux spectacles musicaux spécifiquement dévolus oy R aux lanternes magiques, un répertoire oublié, toujours à la frontière du savant et du populaire. enus-Plaisirs du M Benjamin Brooke es L ©

ela fait 25 ans que vous contestation va naître l’Opéra Comique Athanase Kircher qui a beaucoup travaillé travaillez sur l’opéra comique en 1715, le genre le plus important en sur l’optique. En réalité, c’est au hollandais e de la première moitié du Siècle France au 18 , et qui va essaimer à tra- Constantin Huygens que l’on doit l’inven- des Lumières. Comment cette vers toute l’Europe. tion de la première lanterne magique. C’est aventure a-t-elle commencé ? une sorte d’ancêtre du projecteur de diapo- Jean-Luc Impe : Lors d’une S’agissant de pièces très peu jouées, il y sitives avec une boîte à double optique qui e visite du Musée du 18 siècle à Venise, nous a un important travail musicologique qui permet de mettre des plaques peintes à la avons découvert un petit théâtre de ma- précède chacune de vos productions. main qui sont ensuite projetées sur une Crionnettes. Je me suis alors demandé s’il Oui, si on retrouve assez facilement les toile de lin et commentées. Très vite, la lan- existait encore du répertoire pour marion- textes en faisant des recherches dans les terne magique va être popularisée par les nettes et musique et j’ai découvert qu’il archives des grandes bibliothèques pari- colporteurs qui l’utilisaient comme outil de existait près d'une centaine d’opéras co- siennes, pour les musiques c’est plus com- propagande pour aller prêcher la bonne pa- miques dédiés aux comédiens de bois. Ce pliqué. On ne dispose que d’indications du role sur l’ensemble du territoire. sont principalement des parodies d’opéras style « se joue sur l’air de… ». Or il y a près de Lully, de Campra, de Destouches ou de de 4000 airs qu’on retrouve dans ces opé- Ces dernières années vous avez collaboré Rameau. ras. Je me suis donc attelé à les rassem- avec de grands chefs tels qu’Hervé Niquet, bler dans une base de données. Un travail William Christie, Jean-Claude Malgoire… Quelles sont les particularités de ce réper- de 20 ans ! Les airs sont encodés musicale- Oui, à l’appel de grandes institutions toire ? ment, ce qui permet de faire des recherches comme l’Opéra Comique ou Versailles, Au départ, nous nous sommes surtout in- même à partir de fragments. On a donc une nous avons monté en parallèle des produc- téressés aux spectacles de marionnettes sorte de cartographie des airs qui permet de tions d’opéras classiques et leurs parodies. des foires Saint-Germain et Saint-Lau- voir leur cheminement entre musique po- Nous aimons agir comme une sorte de pa- rent, les deux grandes foires commer- pulaire et musique savante. On peut ainsi rasite musical. Mais tout cela prend beau- ciales parisiennes dans lesquelles on se rendre compte que Lully lui-même met- coup de temps car il faut se rendre compte trouvait des enclos forains où se don- tait dans ses prologues des références à ces que par rapport à la musique stricto sen- naient des spectacles. Il faut savoir qu’à airs populaires pour populariser ces tragé- su, le théâtre demande un temps de travail cette époque, seules la Comédie Fran- dies lyriques auprès du public français qui beaucoup plus long ! Aujourd’hui, notre çaise et l’Académie Royale de Musique découvrait l’opéra sous son impulsion. souhait est de toucher un public plus large, avaient le droit de monter des pièces en et de proposer, à côté de ces grandes pro- français pour plus de six musiciens et Vous travaillez actuellement sur le ré- ductions, des spectacles plus « légers » qui deux chanteurs. C’est la raison pour la- pertoire des lanternes magiques. De quoi puissent tourner un peu partout. Et bien quelle les forains n’ont eu de cesse d’in- s’agit-il exactement ? sûr toujours sans concessions historique, venter de nouvelles techniques théâ- La lanterne magique est née de travaux de musicologique ou théâtrale ! trales pour contrecarrer les objections physiciens et de chercheurs au 17e siècle. émanant de ces institutions. De cette De manière erronée, on l’attribue souvent à www.menusplaisirsduroy.com

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trajectoire ichel De Bock M ©

Michel De Bock Vingt ans d’expérience en musiques africaines pour Contre-Jour Ce qui commença comme une tentative d’aider un ami musicien est devenu une carrière dans les coulisses de la musique. Avec Contre-Jour, Michel De Bock a écrit une partie importante de l’histoire de la musique africaine en Belgique et au-delà. Son label/ bureau de management fête ses vingt ans avec deux doubles concerts au Centre Culturel d’Auderghem et trois sorties de CD.

Benjamin Tollet

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trajectoire

ichel De Bock a commen- cé sa carrière comme concepteur lumière (d’où « L’Afrique a modifié le nom Contre-Jour) pour entre autres Maurane, Zap ma vision des choses. » Mama, Philippe Lafon- taine et Adamo, ainsi que pour quelques festivals dont les premières éditions de MCouleur Café aux Halles de Schaerbeek. Il a découvert l’Afrique en tant que forma- Africains en Afrique Aujourd’hui il y a une telle offre que je refuse teur des régisseurs lumière pour le MASA Cette volonté de travailler exclusivement plusieurs fois par mois des propositions. Par- (Marché des Arts et du Spectacle Africain) avec des Africains résidant en Afrique est fois des artistes qui me touchent vraiment, en 1992, puis en faisant la régie lumière issue des longues conversations entre De c’est donc un vrai dilemme. Comme le Haïtien pour le MASA à Abidjan en 1993 et 1995. Bock et Souleymane Koly. Il me disait tou- Jean Jean Roosevelt que j’ai connu en temps C’est pendant ce voyage en Côte d’Ivoire jours : Le plus petit batteur qui quitte son que membre du jury des Jeux de la Franco- qu’il a rencontré Souleymane Koly, le di- village en Afrique, envoie un message im- phonie, ou le Burkinabé Alif Naaba que j’ai recteur de l’Ensemble Koteba d’Abidjan, portant à tous les gens du quartier, c’est-à- rencontré à Abidjan. Ils me plaisent beau- une troupe artistique qui propose des spec- dire : la seule manière de s’en sortir est de coup, mais je n’ai ni le temps ni les moyens..., tacles mêlant danse, théâtre et musique. fuir l’Afrique et d’aller en Europe. Mon défi se lamente De Bock. Notre structure Contre- était justement de montrer qu’ils pouvaient Jour est petite et je ne voudrais pas porter pré- J’ai réalisé plusieurs créations lumière vivre de leur art tout en restant en Afrique judice aux artistes avec qui on travaille déjà pour l’Ensemble Koteba et c’est en 1994 à et d’envoyer un message fort. Ça a bien fonc- en acceptant de nouveaux artistes. l’Institut Français d’Abidjan que j’ai décou- tionné avec Habib Koité, qui est encore au- vert Habib Koité, raconte Michel De Bock. jourd’hui basé à Bamako et dont le discours à Nouvelle vision Il faisait la première partie, j’étais impres- ce sujet n’a jamais faibli. Michel De Bock a du mal à dire quel était sionné par sa présence et par la qualité du son plus beau souvenir pendant ces vingt groupe. Leur spectacle était tout à fait à La chanteuse, danseuse et percussion- ans de Contre-Jour. Il y en a eu beaucoup ! point car ça faisait dix ans qu’ils jouaient niste Dobet Gnahoré est l’exception qui Des scènes prestigieuses, des petits moments dans les makis, les clubs de Bamako. Je lui ai confirme la règle : Je ne pouvais pas passer d’émotion... En tournée avec Zap Mama (du proposé d’essayer de l’aider. La même an- à coté d’un artiste tellement forte sur scène et temps où De Bock était tour manager du née, Koité s’est présenté en France grâce avec un tel talent, même si à l’époque elle vi- groupe, ndlr), Bobby McFerrin s’est retrouvé à une bourse de RFI et De Bock a su ajou- vait déjà en France, raconte De Bock. Son à la porte de la loge pour chanter pour les filles. ter des dates au Cactus festival à Bruges désir le plus cher est d’ailleurs de rentrer au Avec Habib Koité, on était en Afrique du Sud et aux Francofolies de Spa. L’aventure est pays, mais aujourd’hui, je suis moins catégo- en compagnie de Thabo Mbeki et le prési- partie ainsi et cela continue après vingt rique car la donne a changé. Les difficultés (vi- dent du Mali. Gangbé Brass Band au Carne- ans de collaboration. sas, coûts des voyages) sont des obstacles pour gie Hall à New York... Je suis très chanceux que les artistes africains puissent tourner en d’avoir pu vivre tout ça ! Par la force des choses Europe, tout en restant vivre chez eux. Cela Quand Habib Koité voulait sortir son est très dommage, car certains artistes ont be- Ces vingt ans ont fondamentalement chan- premier album international en 1995, soin de leurs racines pour créer. gé ma vision des choses. Je suis issu d’un mi- De Bock a consulté Crammed Discs à lieu modeste, cette aventure est une grande dé- Bruxelles et World Circuit, le label de Nick En vingt ans, le paysage a fort changé, la place couverte, pleine de rencontres enrichissantes. Gold à Londres. Personne n’en voulait, je me de l’Afrique dans les musiques du monde s’est Tous ces voyages, découvrir que notre ma- suis donc vu obligé de le sortir moi-même, ra- réduite, car d’autres continents ont émergé et nière de fonctionner n’est pas forcément la conte De Bock. Je n’avais pas du tout l’am- ont fait connaître leur musique. Et puis les meilleure... C’était enrichissant spirituelle- bition de devenir un label ou une agence de diasporas sont venues s’installer à Paris et ment et humainement ! management, c’est la force des choses qui m’a dans d’autres villes européennes, créant plein poussé à le faire. de projets, certains de grande qualité. Fatale- Pour fêter les vingts ans de Contre-Jour ment ils concurrencent économiquement les ainsi que ses 31 productions discogra- Deux groupes ont assuré la reconnais- projets venant de loin, donc plus onéreux. phiques, il y a deux doubles concerts au sance de Contre-Jour : Habib Koité et Les Centre Culturel d’Auderghem. Le 15 fé- Tambours de Brazza. Brazza est arrivé très Tous sur la route vrier, le Marocain Driss El Maloumi a pré- haut, le groupe commençait à flirter avec les De plus en plus de groupes veulent se pro- senté son nouvel album Makan (sorti en festival de 100.000 personnes aux Pays-Bas, duire en Europe et il y a beaucoup de ta- septembre 2013), suivi par l’Ivoirienne Do- en Allemagne, même Werchter était inté- lents, pas facile de choisir. Tous les artistes bet Gnahoré qui a présenté à l’occasion ressé. C’était un très beau spectacle, avec les avec qui nous travaillons sont avant tout des son nouvel album Na Drê. Le mercredi 12 tambours très présents bien sûr, mais aussi rencontres. Ce sont des personnes très fortes mars, au tour de deux autres artistes du la- grâce à deux jeunes rappeurs, Fredy Mas- sur scène et riches humainement. Je ne suis bel qui présenteront chacun leur nouvel al- samba et Scotty. Le spectacle plaisait beau- pas capable d’écouter un album et d’en conclure bum : la Camerounaise Kareyce Fotso avec coup aux jeunes, mais malheureusement, le si je vais travailler avec un artiste ou non. Mokte et le Malien Habib Koité présentera groupe s’étant disséminé dans toute l’Europe, Je dois rencontrer la personne et la voir sur son septième opus Soô. j’ai dû arrêter la collaboration, cela devenait scène. Pour survivre comme artiste, il faut une difficile à gérer. grande force scénique, explique De Bock. www.contrejour.com

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Sacrészoo Belges !m Coup de rétroprojecteur Initiative lancée simultanément par quatre labels indépendants, l’épopée Sacrés Belges! a offert une nouvelle impulsion au rock wallon et bruxellois. De Showstar à Hank Harry, de Mud Flow à Jéronimo, des Girls in Hawaii à Zop Hopop, le Royaume s’est trouvé une flopée de nouveaux porte-drapeaux. En février 2004, après deux compilations et une approbation quasi générale, Sharko, Ghinzu et Girls In Hawaii s’affichaient côte à côte pour remplir la salle principale de l’Ancienne Belgique. Ce soir-là, l’étiquette S acrés Belges! s’est décollée pour laisser place à d’autres réalités. Dix ans après les derniers soubresauts du mouvement, que reste-t-il de cette déferlante noire-jaune-rouge ?

Nicolas Alsteen

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in du siècle dernier. Plusieurs labels se démènent dans Gros poissons le paysage musical de ce qui deviendra la Fédération Dix ans après l’extinction de la seconde compilation, les instiga- Wallonie-Bruxelles. Viva Disc, Bang!, Distrisound et teurs de la campagne Sacrés Belges! tentent d’évaluer la distance Anorak Supersport, notamment, s’affairent à l’ombre parcourue. Déjà, je pense que les médias ont percuté et bien pigé tout des projecteurs. Chacun travaillait de son côté, se sou- l'intérêt que pouvait représenter le succès de ces artistes... Presse, ra- vient Christophe Waeytens, ancien franc-tireur chez dios et télévisions se sont penchés un peu plus sérieusement sur les Bang! On essayait de défendre les intérêts des artistes belges mais productions locales. Notre envie initiale n'était pas de conquérir le on rencontrait tous les mêmes obstacles. À l'époque, passer en ra- monde, mais bien de promouvoir quelques disques sur notre terri- Fdio, c'était presque mission impossible, par exemple. Partant d’une toire. De ce point de vue, les choses ont bien évolué, souligne Damien vieille rengaine nationale, les quatre maisons de disques unissent Waselle. Sans le faire exprès, on a sans doute créé un réseau de salles. leurs forces le temps d’une opération séduction. C'était très em- Au début des années 2000, les centres culturels ont commencé à pro- pirique, note l’ex-collègue Damien Waselle, aujourd’hui directeur grammer des groupes Sacrés Belges! plutôt que du Julos Beaucarne. général de PiaS Belgique. On a créé une bannière Sacrés Belges! et Avant, quand tu voulais faire tourner des artistes en Wallonie, c'était on a rassemblé tout le monde. L'idée, c'était de mutualiser les forces compliqué. Moi, je suis originaire de Charleroi. Et bien, il y a 15 ans, en présence. On n'a pas réellement donné naissance à une scène. Les si tu n'étais pas dans un groupe de blues, tu ne pouvais pas jouer à groupes étaient déjà là... En réalité, on a élaboré un outil marketing, l'Eden. Heureusement, avec le temps, les mentalités ont changé. une nouvelle façon de mettre les artistes belges en lumière. On avait sélectionné dix albums sur lesquels on a collé un petit sticker Sacrés Pour sa part, Pierre Van Braekel insiste sur la dimension expéri- Belges! Visuellement, ça permettait aux gens de reconnaître l'action. mentale du projet. On avançait pas à pas et ça nous a donné l’occa- Parallèlement, on avait édité une compilation reprenant dix extraits sion d’apprendre sur le tas. À partir du moment où on a rassem- issus des albums sélectionnés. Dès que quelqu’un achetait un disque blé quatre labels indépendants au cœur d’un même projet, on a estampillé Sacrés Belges!, il recevait gratuitement cette compilation. créé une histoire. Sans le savoir, on faisait du « story telling ». On Le public a tout de suite accroché et les magasins trouvaient ça très créait de l’événement. Du coup, dans la presse, plutôt que d’obte- bien : ils installaient des meubles dédiés à l'opération au milieu de nir deux petites chroniques sur un disque, on décrochait deux ou leurs rayons. trois pages dédiées à Sacrés Belges! Cette étape a certainement intensifié notre créativité. En Belgique, le marché est trop petit S'il y avait un truc qui nous réunissait, c'était un besoin de faire des pour faire du marketing direct. Prendre une pub dans un maga- choses et de créer en toute autonomie, poursuit Damien Waselle. J'ai zine, ce sera toujours trop cher pour un petit label. Mais racon- toujours apprécié la composante artisanale de ce projet. Quand on s'est ter une histoire que les médias peuvent utiliser, ça, tout le monde lancé, on avait énormément d'admiration pour un gars comme Alain peut le faire... Au-delà de ces côtés pratiques, l’expérience « Sa- Bolle. À l'époque, il était en charge des collections « rock » au siège de crés Belges! » a imprimé une véritable dynamique. Dans la fou- la Médiathèque. À ses heures perdues, il organisait des concerts pour lée, de nombreux artistes francophones ont commencé à se pro- The Ex, Caspar Brötzmann, Dominique A ou Philippe Katerine. Il fessionnaliser, à prendre confiance. Ils se sont rendu compte faisait ça tout seul, à l'arrache. Sans bagnole. Il se déplaçait unique- qu’il était possible de développer une carrière au départ de la Bel- ment en transports en commun. Un soir, il montait un show au 4AD gique. Christophe Waeytens prolonge ce raisonnement : On a ou- à Diksmuide. Le lendemain, il était à Liège pour gérer un concert à vert une porte et d'autres sont entrés. D'un succès à l'autre, notre scène La Zone. Quel mec ! Avec Bang! et les autres labels, on a marché sur à trouvé du crédit dans les médias et auprès du public. Se rassembler ses traces. On a commencé à organiser des concerts labélisés Sacrés sous l'étiquette Sacrés Belges!, c'était juste une bonne idée. En mu- Belges! et les gens ont suivi. Séparément tous nos groupes vivotaient. sique comme dans d'autres secteurs, il y a toujours un gros poisson Ensemble, ils ont créé l'événement. De fil en aiguille, les médias se sont pour tirer les petits vers le haut. À l'époque, on a vu ça avec Ghinzu intéressés au projet et, en 2003, on a même eu les honneurs d'une soirée ou Girls in Hawaii. Aujourd'hui, ce sont Stromae et Puggy qui sont complète au Cirque Royal dans le cadre des Nuits Botanique. en train de tout exploser. Je pense que ce projet a laissé des traces. Il a au moins apporté deux choses : une émulation positive et une La théorie du complot plus grande ouverture d’esprit. La réussite de l’expédition Sacrés Belges! ne laisse personne in- différent. Sous les applaudissements nourris d’un public de plus en plus nombreux, des voix commencent à s’élever pour fustiger l’initiative. Quoi que tu fasses, tu rencontreras toujours des gens à qui ça ne plaît pas, concède Pierre Van Braekel, autre cheville ou- vrière du projet. C’était assez marrant. On nous a notamment accu- sés d'un grand complot : on était en collusion avec la RTBF, on prenait toute la place. Certains allaient jusqu'à soutenir qu'il n'y avait pas de black métal en radio à cause de Sacrés Belges! D’autres rumeurs in- vraisemblables se sont répandues. Parfois, on recevait des lettres d'in- sultes dans lesquelles on nous reprochait d'aller chercher des subsides supplémentaires Alors qu'en réalité, nous étions quatre sociétés pri- vées qui bénéficiaient - ou pas - d'aides à la création sur la base de dos- siers dûment complétés. Tout le monde pouvait obtenir ce soutien fi- nancier. Il suffisait de le demander et de croiser les doigts… On nous a aussi reproché de mettre exclusivement en avant la musique pop. Mais c'est exactement ce qu'on voulait faire. À un moment donné, on avait l’impression de devoir se justifier de tout. Alors qu’on était tout sauf des entreprises d’État ou des ASBL subventionnées. Compilation - Sacrés Belges! Vol. 2, 2003

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zoom Chanson française Quand la musique est bonne... De Jacques Brel à Stromae en passant par Adamo ou Maurane, les exemples d’artistes francophones qui ont réussi à s’exporter ne manquent pas et se caractérisent par une valeur ajoutée de haut niveau. À l’étroit dans un marché économique peu favorable et une Fédération Wallonie-Bruxelles dont ils ont vite fait le tour, la relève est pourtant là. Talentueuse, sans complexes et désormais mieux encadrée professionnellement. Fière de son passé et toujours active au présent, la chanson française made in Belgium a aussi un avenir. C’est une bonne nouvelle.

Luc Lorfèvre & Nicolas Alsteen

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a scène se déroule à l’Estadio Nacional Santiago, le stade Dominique, ballade champêtre interprétée par Sœur Sourire, re- de la capitale du Chili. Elle date de 2004. Une foule hys- baptisée outre-Atlantique The Singing Nun. La chanson se main- térique, toutes générations confondues, danse, tape dans tiendra au sommet du Billboard pendant dix semaines avant les mains et reprend en chœur les paroles de l’artiste d’être détrônée par les Beatles. Le célèbre présentateur télé amé- qui se produit sur scène. Il y a des hommes torse nu, des ricain Ed Sullivan fera même le déplacement avec son équipe vieilles femmes qui pleurent, des jeunes filles qui font pour interviewer la star voilée dans le parloir du couvent de Fi- tourner leur robe. Non, ce ne sont pas les Rolling Stones ou AC/ chermont. DC qui se produisent, mais bien notre Salvatore Adamo national. L J’aime la vie S’il fallait encore une preuve de la portée internationale de la Par contre, et contrairement à une légende bien entretenue, Ça scène francophone, elle se trouve dans ces images émouvantes plane pour moi, autre tube francophone improbable n’a pas été nu- immortalisées sur DVD. Avec Jacques Brel, Adamo reste l’artiste méro un au pays des cow-boys. Mais il fait partie du patrimoine belge qui s’exporte le mieux. Son compteur a dépassé depuis long- noir-jaune-rouge au même titre que J’aime la vie, seul tube inter- temps les cent millions d’exemplaires d’albums écoulés dans le national de Sandra Kim, voire même seul tube tout court. Mais monde. Adamo est comme chez lui à l’Olympia, se produit dans si nos artistes s’exprimant dans la langue de Tintin brillent fré- des festivals rock, joue à guichets fermés à Moscou et touche des quemment dans les pays francophones, on ne voit pourtant guère droits d’auteurs plantureux au Japon où sa chanson Tombe la que le formidable Stromae à pouvoir revendiquer le statut d’icône neige a été enregistrée dans pas moins de cinq cents (!) versions internationale. Pour les autres, et ils sont nombreux, la France différentes. Pourtant, l’histoire retient aussi qu’il a dû faire face reste fort logiquement le marché prioritaire. Et là encore, tous les à des critiques incendiaires lorsqu’il a tenté pour la première fois commentaires sont dithyrambiques pour exprimer la diversité de sa chance en France au début des années soixante. Trop jeune nos talents. De la french pop de Lio à la variété – vraiment po- pour toucher un public mûr, trop propre sur lui pour séduire les pulaire – de Frédéric François, du hip hop version Top 50 aux jeunes yéyés. Il a tout entendu. Mais à septante ans, il est toujours loufoqueries de Sttellla en passant par les stars établies (Mau- là. Un vrai chanteur populaire au sens noble du terme. Quand on rane, Axelle Red, Arno) ou encore la trépidante nouvelle scène évoque avec lui ces souvenirs, Salvatore, comme à son habitude, qui étale sa classe sans complexe (Saule, Suarez, Été 67, Jali, préfère rester modeste et se la jouer humble. Encore une attitude Veence Hanao ou Antoine Hénaut), la Belgique est effectivement typiquement belge. Je suis très satisfait de mon sort, nous confiait- un grand stoemp. il récemment. J’ai eu bien sûr des périodes d’incompréhension avec les médias étrangers, mais le public, lui, m’a toujours été fidèle. Après Vivant dans un petit territoire où la moitié de la population parle m’avoir longtemps ignoré, le journal Le Monde m’a même consacré un le néerlandais et ou l’autre moitié reste toujours très influencée très bel article voici quatre ou cinq ans qui se terminait par la phrase : par tout ce qui vient de France, les vaillants artistes de la Fédé- Finalement, Adamo n’est pas l’imbécile heureux que l’on croit. ration Wallonie-Bruxelles n’ont pas choisi la facilité. Certains comme Pierre Rapsat, n’ont jamais réussi à passer les frontières. Un sacré stoemp D’autres en sont revenus dépités. Un artiste francophone qui fait du Vu de l’étranger, c’est vrai, les Belges n’ont pas toujours une image rock en anglais est jugé sur la qualité de sa musique. Un artiste fran- très claire. Et finalement, c’est peut-être ce côté décalé qui fait cophone qui chante en français est jugé à la fois pour sa musique et ses tout notre charme. Prenez Jacques Brel. Repris par Frank Sina- textes. Il ne peut pas se cacher derrière ses lunettes noires. Il doit assu- tra, David Bowie ou Nina Simone, le grand Jacques est considéré mer, rappelle fort justement Pierre Van Braekel, cheville ouvrière comme un songwriter culte dans les pays anglo-saxons au même du label 30 Février (Saule, Saint André, Suarez, Antoine Hé- titre que Serge Gainsbourg. En France, c’est son côté « poète sur- naut). Sans parler de crise de la chanson française en Belgique, réaliste du plat pays » qui est souvent mis en avant. Grand admi- Pierre Van Braekel évoque pourtant «un vide» qu’il a fallu com- rateur de Jacques Brel, qu’il considère comme « le premier rocker bler. Si nous avons décidé de fonder le label 30 Février en 2005, c’est belge », Arno reste toujours étonné de la perception des artistes parce que nous recevions des tas de maquettes d’artistes s’exprimant en belges à l’étranger. En France, chaque fois que je fais de la promo, j’ai français qui ne parvenaient pas à se faire connaître. Les grosses mai- droit au même couplet. Ils pensent que nous, les Belges, faisons de la sons de disques en Belgique sont dirigées par des flamands. C’est donc chanson surréaliste. C’est faux. Les Belges font de la chanson réaliste, logique qu’ils soient moins attentifs à ce qui se fait en Fédération Wal- mais nous n’avons sans doute pas la même réalité que nos voisins fran- lonie-Bruxelles. Par contre, ces mêmes majors ont signé des artistes çais, nous avouait-il à la sortie de son album Brussld. Et d’ajouter flamands qui ont choisi de s’exprimer en français, comme Arno ou tout aussi sérieusement : Notre force, c’est que nous sommes un pe- Axelle Red. Aujourd’hui, les mentalités ont évolué mais on sait d’expé- tit pays qui vit au centre de l’Europe. On absorbe toutes les influences. rience que sortir un album de pop-rock en français demande une ap- Pour moi, la chanson belge, c’est du stoemp. Il y a du rock, du tango, de proche soutenue et particulière. Pour promouvoir nos artistes franco- l’accordéon, de la poésie, des guitares arabes, du jazz manouche. Un sa- phones en France, ça demande beaucoup d’efforts. Tout y est plus cher cré bazar, hein... et ça prend plus de temps.

Arno oublie de parler de gospel à la belge. Oui, de gospel à la belge. Apprendre dans l’échec Si Adamo et Brel sont les références belges les plus connues à Le temps, les artistes francophones n’en ont pas toujours suf- l’étranger, on oublie que c’est une religieuse bruxelloise qui nous fisamment pour faire leurs preuves. Saule en a subi les consé- a permis de décrocher pour la première fois un numéro 1 au Bill- quences avec son deuxième album Western sorti en France chez board, le prestigieux hit-parade américain. C’était il y a tout juste Polydor/Universal. Polydor a mis le paquet les premières semaines cinquante ans. Contraints de ne diffuser que des chansons calmes qui ont suivi la commercialisation de Western. Il y a avait de la pub pendant la période de deuil qui a suivi l’assassinat du président dans les médias, j’ai fait le tour des radios et des dates en première par- John Fitzgerald Kennedy, le 22 novembre 1963, les programma- tie de Bénabar. Mais après trois mois, comme mon disque ne décollait teurs des grands networks américains tombent sous le charme de pas, Polydor a travaillé sur d’autres artistes et je suis resté sur la touche.

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Même avec l’excellent Géant, les résultats sont mitigés à l’expor- Douce Flandre, cher pays de mon enfance tation pour Saule. Si Dusty Men, en duo avec Charlie Winston, a Quand la Belgique chante en français, elle fracasse les cadenas linguistiques et fait un carton en France, son album ne s’est pas écoulé à plus de neutralise les clichés. En Flandre, DAAN, Arno ou Axelle Red se sont déjà illustrés 4.000 exemplaires outre-Quiévrain. Même constat pour Suarez tout en haut de l’affiche. Aujourd’hui, à Gand, Frank De Vos prépare activement qui ne sort pas pour autant aigri de cet échec. Nos deux premiers la sortie de Salmigondis, premier album de Mon Réal. Loin du Québec et des albums n’ont pas fonctionné en France, rappelle Marc Pinilla, lea- feuilles d’érable, le garçon raconte ses chansons dans la langue de Salvatore der en chef de la formation montoise. Ça remet les choses à leur Adamo. En Flandre, la culture anglo-saxonne est fort implantée. Les principales stations de radio diffusent des tubes anglais ou américains, constate-t-il. Moi, place. Nous n’étions peut-être pas assez préparés. Un exemple? On a dès mon plus jeune âge, je me suis passionné pour les chansons de Jacques été invité à deux reprises sur le plateau de Taratata et je me suis ren- Brel, Serge Gainsbourg ou Georges Brassens. Par la suite, j'ai découvert des du compte que j’étais complètement nul. J’ai toujours dit que si j’avais artistes comme Étienne Daho ou Matthieu Chedid. Tout ça m'a donné envie accepté d’être coach pour The Voice, c’est parce que j’étais curieux et de chanter en français. C'est une langue exotique. Elle me permet de distiller que j’y voyais une opportunité d’apprendre à être à l’aise devant les ca- des ambiances intimistes et des émotions plus personnelles. Ça me fait rêver. méras. Avec notre album En équilibre, nous ne renonçons pas à la Inspirés par les films de et les ritournelles de Françoise Hardy, les France mais on ne veut pas y aller non plus pour rien ou en étant obli- morceaux de ce premier album caressent des envies d’ailleurs à travers des récits gorgés d’humour et d’une pointe de nostalgie. Pour un Flamand, il y aura gé de se battre. Les choses doivent se faire naturellement. toujours une mystique franco-française associée à la culture. Que ce soit dans le cinéma, la littérature ou la musique. Comme tout cet univers me fascinait, j'ai appris le français. D'abord à l'école, puis dans les livres et à la radio. Je me souviens des longues heures passées à écouter France Inter... Mais le véritable Gilbert Lederman déclencheur, c'est l'arrivée d'une Parisienne dans la maison familiale! J'avais Un travail d’équipe quinze ans quand on a accueilli une fille au pair. Sa présence m'a vraiment motivé à apprendre sa langue. Accompagné du multi-instrumentiste Roeland Gilbert Lederman est directeur du département francophone d’Universal Music Vandemoortele, Frank dépose ses textes doux-amers sur des mélodies fragiles Belgique, la maison de disques dont dépendent Stromae, Salvatore Adamo, et légères : des chansons qui, parfois, évoquent l’univers mélancolique d’un Albin Maurane, Le Grand Jojo ou encore Jali. Avant d’entrer chez Universal, il a De La Simone. J'apprécie beaucoup sa musique. Je suis également très admira- travaillé pendant quatorze ans chez EMI où il s’est notamment occupé du déve- tif pour le parcours de Benjamin Biolay et je suis attristé par la disparition de loppement des artistes francophones et internationaux. Daniel Darc. En Belgique, je me retrouve assez bien dans le répertoire de Vincent Liben (ex-Mud Flow, Ndlr). Je trouve qu'il a vraiment réussi sa reconversion Est-il possible d’identifier un ADN commun à tous les artistes belges d’expres- en français. Son dernier album est sublime. Malheureusement, il n'a pas reçu sion francophone ? toute l'attention qu'il méritait. Les radios ne lui ont pas donné suffisamment Gilbert Lederman : Notre scène francophone se distingue par sa diversité, mais d'importance, je trouve. Francophile connaisseur et mélomane, Frank De Vos ne il y a peut-être de manière consciente ou non un fil conducteur. Brel, Stromae, s’embarrasse pas du qu’en-dira-t-on. En Flandre, les gens s'interrogent parfois Adamo, Maurane ou Jali ont une histoire forte à raconter. Cette histoire, on sur les raisons de ma démarche. Mais j'explique simplement qu'il existe d'autres peut la retrouver en filigrane de leur répertoire. Il y a au fond d’eux une fêlure, un moyens d'expressions en marge de la pop anglo-saxonne et de la chanson néer- vide ou une blessure que leur talent a permis d’exprimer en chansons. landophone. Le message passe toujours très bien. Lors des concerts, les gens Est-ce plus difficile pour un artiste belge francophone de percer aujourd’hui sont enthousiastes des deux côtés de la frontière linguistique. qu’il y a dix ou vingt ans ? Non, mais la situation évolue sans cesse. Pour moi le grand changement, c’est que les Belges sont enfin fiers de leurs artistes. Cela n’a pas toujours été le cas Le plein de tremplins dans le passé. Aujourd’hui, des artistes belges peuvent remplir des salles chez nous, passer à la radio et vendre des disques sans encore avoir le moindre succès Chaque année, de nombreux artistes émergents tentent de faire entendre leurs en France. Regardez ce qui s’est passé avec Suarez, Saule, Ghinzu ou Puggy. voix au rayon chanson. Pour percer, ils peuvent notamment s'appuyer sur une Quand des Jacques Brel, Salvatore Adamo ou Annie Cordy ont fait leurs débuts, série de concours imaginés et pensés pour promouvoir les talents cachés de la le premier objectif était de «monter» à Paris. L’autre évolution positive se situe Fédération Wallonie-Bruxelles. Active depuis 1994, La Biennale de la chanson en périphérie de l’artiste. Leur entourage s’est professionnalisé, plus rien n’est française pousse activement la « chanson d'expression » et révèle annuellement laissé au hasard. Derrière le succès de Stromae ou la renaissance du Grand Jojo, les beaux mots susurrés par quelques voix atypiques (Stéphanie Blanchoud, Mary il y a toute une équipe. M, Daphné D, Karim Gharbi, Mochélan). Du côté de Spa, le Franc’Off cherche lui aussi de nouvelles ressources locales à l'aune d'un tremplin organisé en marge Est-ce que le succès phénoménal de Stromae peut ouvrir des portes à une de la programmation officielle des Francofolies. C'est ici, par exemple, qu'on a nouvelle génération d’artistes francophones ? entendu le nom d'Été 67 pour la première fois. À Bruxelles, Du F. dans le Texte La réussite de Stromae ne peut qu’avoir un effet stimulant. Il montre aux autres (anciennement Musique à la française) sollicite les talents des artistes dont que tout est possible, qu’il faut bosser, n’avoir peur de rien, y aller sans com- la musique se chante dans la langue de Gainsbourg. Veence Hanao, Carl et les plexe. Mais avant tout, il faut de bonnes chansons. hommes boîtes, Scylla, Jali ou Le Colisée comptent notamment parmi les lau- réats du concours. Chacune de ces manifestations met des outils professionnels La chanson française a-t-elle encore un avenir en Belgique ? et de nombreux prix au service de projets musicaux en gestation. Bien sûr. La Belgique regorge de talents et possède une grande force en raison de l’étroitesse du marché. Pour survivre, un chanteur francophone belge est obligé de bosser d’arrache-pied et de trouver de bonnes idées pour se distinguer. Et puis, comme disait Nietzsche, la vie sans musique est une erreur.

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zoom Jacques Duvall Les Mots Jacques Duvall

© et le Reste

omment se fait-il que vos sies». Dans le lot, il devait y avoir du Dylan Dandy longiligne et effilé, Jacques premiers textes soient tombés – qu’Hugues Aufray avait fait découvrir en Duvall est un monument de la dans la bouche de Marie- France –, mais aussi des tas d’autres, tout ce qui me passait sous la main. chanson française. Un pilier. Un France, égérie underground du Paris seventies ? monstre sacré. Faussement grivois, Jacques Duvall : Ma- Aviez-vous des modèles quand vous avez vraiment géniaux, ses mots ont rie-France a fasciné des gens aussi di- commencé à écrire? Et quels sont pour vers que Gainsbourg, Marguerite Du- squatté les radios, habillé les tubes vous les plus grands auteur(e)s de textes Cras, Jean-Jacques Schuhl, Pierre et Gilles de chansons ? de divas aux voix charnelles et ou Mirwais. Pour moi, c’était le début de Au début, je n’avais pas de maîtres. Je autres chanteurs forts et beaux. l’aventure. La bonne rencontre au bon mo- crois qu’on ne peut pas se lancer sans ment, je suppose. un brin d’inconscience et un soupçon de Jane Birkin, Alain Chamfort, Elsa, prétention. Et puis, au fur et à mesure, je Étienne Daho, Dani ou Lio ont, Avez-vous l’impression d’avoir été (ou m’en suis découvert toute une collection. notamment, tâté la plume du d’être) un punk ? Irving Berlin. Lorenz Hart. Albert Wille- Au départ, « punk » est un mot d’argot qui metz. Andy Razaf. Willie Dixon. Jerry grand Jacques. Souvent comparé veut dire « petit enfoiré ». Alors dans ce Leiber. Georges Brassens. Willie Nel- à Serge Gainsbourg, le parolier sens-là, oui, j’en ai été un. son. Lee Hazlewood. Chip Taylor. Jean- Claude Vannier. Loudon Wainwright. bruxellois a survécu à l’usure du À vos débuts, votre nom était souvent as- Ron Mael. Je vous fais déjà chier avec ma temps pour écrire sa propre histoire socié à ceux de Daho et autres Elli et Jac- liste, hein ? Dommage, elle est loin d’être (belge). Au chapitre surréaliste, on no. Avez-vous l’impression d’avoir don- complète. notera qu’il a tenté d’inculquer le né la réplique belge aux Jeunes Gens Mödernes en France ? Vous souvenez-vous du jour où vous avez français à Michael Jackson. Que Contrairement à punk, « Möderne » n’était écrit les paroles de Banana Split ? Joan Jett l’a suivi avant de tomber pas une injure. Du coup je me suis senti Je ne me souviens pas du jour exact, moins concerné. non. Et, bien entendu, je n’ai pas réalisé amoureuse du rock’n’roll et qu’Enzo que cette chanson-là changerait ma vie. Scifo a déserté les stades de foot Un temps, vous avez bossé à la Média- le temps d’une chanson façonnée thèque, spécialiste du département Comment avez-vous réagi suite au succès « chanson française ». Cette expérience de ce morceau ? pour la victoire. Du grand art. professionnelle est-elle à l’origine de votre Face au succès, l’émerveillement est de courte durée. Très vite, tu te dis un peu Nicolas Alsteen carrière artistique ? Non, pas du tout. Ça m’a surtout donné naïvement qu’au fond, tout ça est normal. l’occasion de rencontrer des gens intéres- sants. Et puis, ça m’a permis d’écouter en- Au fil du temps, vous êtes passé maître core plus de musique. Mais j’écrivais déjà dans l’art de camoufler la perversion sous avant de travailler là-bas. une collection de mots légers. Le double sens (sexuel, notamment), c’est quelque Il paraît que vous avez commencé à écrire chose que vous recherchez dans l’écriture ? des chansons en français en écoutant des J’aime quand une chanson a plusieurs ni- morceaux de Bob Dylan. Quel est, selon veaux de lecture. La tristesse et la gaieté vous, le lien entre ces deux univers ? peuvent se répondre par exemple. L’amo- J’ai commencé quand j’étais gamin à réé- ralité et une certaine éthique aussi. crire les paroles des chansons que j’écou- tais. C’était juste pour l’exercice. Coller à En 1983, vous avez sorti l’album Comme la la musique. Je n’ai jamais écrit de «poé- Romaine. Comment vous êtes-vous déci-

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dé à chanter et passer à l’acte, d’une cer- vies d’écrire pour d’autres, c’est vrai. Ce Jacques Duvall taine façon ? seront en général des femmes très belles C’est Marc Moulin et Dan Lacksman (Te- et couvertes de succès. Ou bien Salvatore Contrebande et biographie collective lex, Ndlr) qui m’ont poussé de manière Adamo, par exemple. Mais comme je ne Le plus célèbre parolier du Royaume a écrit de bienveillante. Je ne suis pas un vrai chan- suis pas doué pour me vendre, j’attends nombreux succès pour les autres. Mais il s’est aussi teur. Malgré tout, j’aime jouer ce rôle. Si toujours un coup de téléphone. gardé quelques chansons pour lui. Ce printemps, aucun autre interprète ne veut d’une de on redécouvre sa discographie remasterisée. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, les réédi- mes chansons, il faut bien que quelqu’un Vous êtes un grand supporter du Sporting se dévoue, non ? tions s’accompagnent d’une biographie collective d’Anderlecht. Vous n’avez jamais pensé intitulée Jacques Duvall, le contrebandier de la écrire une chanson pour votre club préféré ? chanson. Tout un programme. Les médias vous ont souvent présenté Les bonnes chansons de foot sont écrites

comme le pendant belge de Serge Gains- spontanément par les supporters et, le plus souvent, de manière anonyme. Le kop du L’info ressemble à un poisson d’avril, mais c’est bourg. Avec le recul, cette comparaison, officiel : le premier avril, la discographie de Jacques c’était une chance ? Un cadeau empoison- R.S.C.A. chantait Wasyl sur l’air de Brazil, Duvall est officiellement rééditée par les militants né ? Un véritable boulet ? c’est drôle. C’est émouvant – ça fait pleu- indépendantistes du label Freaksville. Pour nous, La comparaison, c’est un passage obli- rer un dur de dur Polonais tatoué. Bref, c’est une influence majeure, souligne Benjamin gé quand tu débarques de nulle part. Ça c’est brillant. Personne n’a déposé ça à la Schoos, cheville ouvrière de la maison de disques lié- te rappelle juste que tu n’as rien inven- SABAM à ma connaissance. Par contre, geoise. On a toujours admiré son travail. Que ce soit té. Les folkeux savent ça dès le départ. Ils généralement, les hymnes officiels sont aux côté de Marie-France, Lio ou Alain Chamfort. Et s’inscrivent dans une tradition. Le rock au consternants. puis, surtout, Jacques Duvall, on l'aimait beaucoup en tant que chanteur. C'est quelqu'un qui a fait bou- contraire magnifie l’individu. Mais bon, si ger la musique en Belgique. Pour nous, c'est vraiment tu n’es pas trop con, tu te doutes bien que Un de vos albums s’intitule Expert en un modèle. Vu l'historique de nos relations amicale personne n’est un génie. (Sourire) désespoir. Vous voyez-vous réellement et professionnelle, ça nous semblait logique de réé- comme tel ? diter ses albums. Ce printemps, on redécouvre ainsi l’autre personnalité du parolier : l’enchanteur. Cette Quel serait le secret d’un bon tube chanté Pas plus qu’un autre être humain, à dire vrai. C’est mon côté usurpateur. (Sourire) vague de rééditions s’accompagne de la publication en français ? d’une biographie collective, mise en page avec soin Le secret, c’est qu’il n’y en a pas. S’il y en et passion par les Éditions du Caïd. Baptisé Jacques avait un, je répéterais la recette à chaque Un jour, vous avez déclaré : Benjamin Duvall, le contrebandier de la chanson, l’ouvrage fois, servilement. Schoos m'a sorti du tombeau. Vous souve- est cosigné par des plumes aussi affûtées que nez-vous du jour de votre rencontre ? variées. Celles du regretté Gilles Verlant, de Jean- Pour qui avez-vous déjà refusé d’écrire ? Je pourrissais six pieds sous terre. Je le re- Éric Perrin ou de Pierre Mikailoff contribuent, entre autres, à l’effort. Le livre enferme une collection de Des regrets ? vois très bien avec sa pelle de fossoyeur. Je suis parfois un peu « prouteux ». J’ai re- Dieu le bénisse. photos inédites, révèle Pascal Schyns, responsable des Éditions du Caïd. On trouve notamment des fusé d’écrire pour certains interprètes. Mais clichés des sessions d'enregistrement de Comme je ne suis pas une balance. Pas de noms. Vous projetez de sortir un nouvel album fin la romaine, son premier album solo. Et puis, il y a 2014. Où en êtes-vous pour l’instant ? des dessins dont un, très drôle, griffonné par Daniel Avez-vous déjà laissé des artistes retou- Benjamin Schoos, Pascal Scalp, Geoffroy Darc. En dessous, il a inscrit : Cet enculé de Duvall cher vos propres textes ? Degand, Jampur Fraize, Philippe Laurent est le seul à écrire aussi bien que moi. Merde! Le C’est interdit sous peine de mort. Chacun et Philippe Corthouts sont venus poser les bouquin est bourré d'anecdotes comme celles-là. Ce son taf. bases du disque. J’ai la crème de la crème sont des moments de vie arrachés en cours de route. On tombe ainsi sur des souvenirs curieux. Comme autour de moi. cette photo complètement floue de Lio en train de Il paraît que vous avez failli écrire pour Mi- gerber à côté de Duvall, quelque part, dans une rue. chael Jackson à l’époque où il imaginait Y a-t-il une chanson en particulier dont On croise aussi des souvenirs de camaraderie avec chanter en français. Pourquoi ce plan a-t- vous tirez une fierté personnelle ? Miossec. C'est une sorte de journal intime, un carnet il capoté ? Pour ça, j’agis comme ma maman : je ne de bord. Parfois, c'est de l'ordre du privé. Ce sont des Michael avait un accent épouvantable. Quin- fais aucune distinction entre mes enfants. instants capturés à l'arrache. Il ne s'agit en aucun cy Jones avait une petite amie francophone cas de photos de presse. Ce sont les traces d'une vie. Mythique. qui a tout essayé pour lui inculquer la diction Dans l’ouvrage autobiographique qui vous impeccable de Fabrice Luchini. Rien à faire, est consacré, on trouve une compilation www.jacquesduvall.net m’a-t-on dit. Je garde le secret espoir qu’il de vos morceaux préférés. C’était un choix existe des enregistrements cachés quelque évident ? part. Et que Sony les ressortira au plus fort Plutôt un choix déchirant. J’aurais voulu de la crise, me tirant ainsi du besoin. les mettre toutes.

Vous avez écrit des chansons pour de nom- Cette compilation commence par le mor- breux interprètes, des personnes célèbres ceau Histoire Belge. C’est votre façon ou qui le sont devenues grâce à vos chan- d’annoncer la couleur ? sons. Dans vos rêves les plus insensés, pour J’essaie de me glisser entre Vince the quel(le) artiste auriez-vous vraiment aimé Prince (Vincent Kompany, Ndlr) et Stro- écrire ? mae. Pas évident, on peut le dire. Je pars Les artistes avec qui j’ai travaillé sont ceux de loin, comme Anthony Vanden Borre. avec qui j’ai le plus d’affinités. Il m’arrive Anthony est un vrai héros moderne. Les de temps en temps d’avoir de vagues en- plus belles victoires, c’est contre soi-même.

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aperçu aperçu Francodiff.org La plateforme musicale francophone pour les médias dans le monde Si les réseaux sociaux sont de plus en plus présentés comme un eldorado pour les acteurs du monde musical, il est assez présomptueux d’enterrer les autres médias et autres outils de promotion. S’ils sont rares ceux qui ont déjà fait complètement le deuil de ce qu’ils appellent “les outils du passé”, leurs voix se font d’ailleurs de plus en plus entendre. Les radios, la télévision… et bien d’autres encore, restent des réels précurseurs en matière musicale, et artistique en général. C’est là que des acteurs comme Francophonie Diffusion gardent toute leur importance. Attardons-nous quelque peu sur cette association créée en février 1993. Sa mission de diffusion et d’aide à la commercialisation des musiques se poursuit depuis maintenant plus de 20 ans.

Mateusz Kukulka

omme on peut le lire sur le Le principe est somme toute assez simple : jours, on propose de nouveaux morceaux sur site de l’association, « la pla- les différents partenaires (français, qué- la plateforme que ce soit du Veence Ha- teforme francodiff.org s’ap- becquois et belges) mettent des morceaux nao, Benjamin Schoos, le Choeur de Chambre puie sur un réseau de plus de en ligne. Les affiliés peuvent les pré-écou- de Namur, Stellla ou encore le jazzy Slang. 1.000 media partenaires (ra- ter, puis les télécharger et enfin on leur de- dios et media en ligne), festi- mande de donner un commentaire. Il y donc un triple intérêt pour les produc- vals et de professionnels de la synchroni- teurs belges de musique de se trouver sur sation sur les 5 continents. Elle offre une Depuis 5 ans, à cela s’est adjointe une plate- la plateforme FrancoDiff.org : tout d’abord Cvisibilité exceptionnelle au travail des ar- forme de synchronisation, poursuit le porte- pour se développer à l’étranger. Ensuite, tistes et des producteurs de l’Espace Fran- parole belge de FrancoDiff.org. À destina- pour toucher des droits d’auteurs. Tous les cophone, dans 100 pays, provinces ou tion d’un nouveau public, plus B2B, celui des médias partenaires doivent être affiliés à une territoires ». Une belle vitrine donc. On re- publicitaires et du cinéma. Une belle vitrine association du type Sabam ou Sacem, nous trouve des productions francophones en pour la musique francophone. Une précision explique encore Patrick Printz. Ce qui Chine, au Pérou, en Pologne, aux USA... quand même : il faut faire attention car par d’ailleurs, permet de confirmer le développe- Pas toujours dans les plus grandes radios “francophone”, on signifie produite en fran- ment à l’étranger car parfois de l’argent arrive mais quand même partout dans le monde ! cophonie et donc pas obligatoirement en fran- de pays inattendus. Et enfin cela ouvre de çais. Daft Punk, par exemple est considéré belles portes sur la publicité et le monde Oui mais pas que… explique Patrick Printz, comme une production francophone. Comme du cinéma. Directeur de Wallonie-Bruxelles Mu- c’est le lieu de production qui compte, pour siques (WBM). La plateforme permet aussi ne citer que lui, Stromae est classé côté Il reste bien évidemment la question du fi- des échanges d’informations dans un cadre français. nancement. Si les différents acteurs sont invi- où tout le monde est actif. Nous actuellement, tés à participer financièrement, la plateforme WBM, sommes partenaires de FrancoDiff S’il avoue sans aucun problème que ce sont est principalement financée par des sociétés depuis une dizaine d’années. Au début, on en- la musique pop- rock et la chanson fran- civiles et des pouvoirs publics français aux- voyait, par l’entremise de RFI (Radio France çaise qui sont les plus téléchargées - Stro- quels, les Québecquois et, nous, Belges franco- Internationale, ndlr), des disques physiques mae caracole bien évidemment en tête phones sommes venus nous greffer, conclut le à 300 radios dans le monde. Maintenant, des téléchargements depuis un moment -, directeur de Wallonie Bruxelles Musiques. grâce à une plateforme web, on touche plus de WBM ajoute des nouveautés venues de 1.000 médias… tous les horizons musicaux. Tous les 15 www.francodiff.org

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Le . com Bernard Babette

© Sponsors : pas si à crocs

Amours, désamours... Entre le monde culturel et les sponsors, on joue au chat et à la souris. Jugées élitistes et peu rentables, les muses se font éconduire au profit des projets sociaux, les initiatives sportives ou l’éducation. Et si, pour combler le manque, la musique se passait de subventions publiques et de partenaires commerciaux ?

Rafal Naczyk

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Le . com

n plein mois d’août 2013, le No Logo Festival, organi- bramont. BNP Paribas Fortis a également déserté les rangs. Inter- sé à Fraisans, dans le Jura, avait créé l’événement en rogé par l’Écho, Peter de Caluwe, le Directeur général de la Mon- attirant 18 000 spectateurs en trois jours autour d’une naie évoque quant à lui la perte, en 2011, des 200 000 euros annuels programmation essentiellement reggae. Particulari- de Belgacom, partenaire depuis 20 ans. té de l’événement : le refus par les organisateurs d’ac- cepter des subventions publiques ou des sponsorings Aujourd’hui, faire coïncider l’offre des institutions culturelles et les at- privés tout en vendant l’entrée à 15 € pour toute la journée. Les tentes des entreprises donatrices ne va plus de soi. Les sponsors sont de- mauvaises langues l’avaient qualifié de festival low-cost. Et pour- venus plus exigeants en termes d’impact et de retour sur investissement, Etant, l’intrigant No Logo a réussi à programmer une vingtaine de observe Benoît De Burge, fondateur et CEO de I Love My Sponsors, concerts. Avec, à l’affiche, de grands noms du reggae, comme Al- l’une des rares sociétés belges à se spécialiser dans le marché du pha Blondy, le groupe Israel Vibration, Max Romeo, Capleton ou sponsoring, du partenariat et du subside. Pour lui, le monde cultu- encore Julian Marley, le quatrième fils de Bob Marley. Pour finan- rel manque parfois de souplesse, contrairement au secteur sportif, cer l’aventure, l’organisation a apporté environ 180 000 € de fonds associatif et social. Mais le marché du sponsoring n’est pas en baisse, propres amortis par les entrées, les locations de stands, … Les ar- poursuit Benoît De Burge. Parce que la volonté des marques est tou- tistes, quant à eux, ont consenti des cachets revus à la baisse. Fait jours de toucher de manière intensive un public cible. Et de préférence, rare : les 40 personnes qui ont fait tourner le festival ont été em- en véhiculant un message positif. Selon le directeur de cette agence, bauchées « en CDD », et non en tant que bénévoles comme c’est le dont les services sont commissionnés sur contrats de 10 à 15 % vers le cas dans la plupart des festivals français. haut, les meilleurs investisseurs culturels restent les banques et as- Pourquoi cette nouvelle éthique ? La crise impose de repenser la lo- surances, les marques de voitures et de boissons alcoolisées. Ainsi gique des festivals, explique Michel Jovanovic, Directeur de Media- que les firmes qui souffrent d’un déficit d’image et qui cherchent à acti- com Tour (organisateur du festival et aussi agence de booking et ver un produit ou à acquérir une certaine notoriété, indique Alexandre label spécialisés dans le reggae). Les collectivités donnent de moins Velleuer, directeur chez V.O. Event. Mais tout dépend du message en moins d’argent, les sponsors sont plus exigeants. Pour préserver notre que vous souhaitez faire passer. Plus on est une marque de niche, plus on indépendance, on a décidé de se libérer de tout cela. Ainsi, Kronen- peut se permettre de s’associer à des sujets pointus. bourg ou Heineken, qui avaient sollicité de figurer dans les stands, ont été gentiment éconduits au profit de petits brasseurs locaux. Privilégier le volet social Et ça marche ? Oui, à condition de toucher le plus grand nombre de De fait : les études commanditées à Ipsos par Prométhéa, en 2009 personnes, insiste Michel Jovanovic. Bilan de l’aventure : un plébis- et 2011, ne laissent pas transparaître de régression structurelle du cite du public, un seuil de rentabilité atteint, et, cerise sur le gâteau, mécénat et du sponsoring en Belgique. Au contraire. Sur 558 en- l’Award français du meilleur premier festival. De quoi donner l’en- treprises interrogées, 74% affirmaient les avoir pratiqués en 2011, vie aux organisateurs de lancer une deuxième édition les 13, 14 et soit une hausse de 30% par rapport à 2009, pour un montant to- 15 août prochain. D’étendre le concept en France. Et... de lorgner tal évalué à 378 millions d’euros. Mais, il est vrai, affectés d’abord déjà l’Allemagne et la Belgique. à des projets sociaux ou humanitaires, initiatives sportives ou à Mais ce concept est-il vraiment transposable chez nous ? « FAIR’sti- l’éducation. La culture n’arrive qu’en 4e position des intentions de val » à la fibre militante proche du No Logo, le festival enghiennois dons et n’est pas perçue comme un facteur d’attractivité pour 58% La Semo est séduit par le principe. Mais s’impose plus de nuances des entreprises interrogées. dans les faits. Nous avons plusieurs catégories de sponsors, essentielle- La raison de ce désamour ? Une certaine inadéquation entre l’offre ment basés sur des échanges de visibilité. Pour les partenariats commer- des institutions culturelles et les attentes des entreprises. La culture ciaux, notre ligne est simple : nous veillons à privilégier des entreprises garde un côté trop élitiste. C’est par facilité que l’entreprise se dirige vers porteuses de sens, et des projets locaux, confie Samuel Chappel, Direc- des aspects plus sociaux et humanitaires, analyse Katia Moreau, res- teur du festival La Semo. Chaque année, il nous arrive de refuser des ponsable Entreprises et Pouvoirs Publics au sein de Prométhéa. Au- sommes importantes, si nous jugeons qu’un sponsor pourrait porter dis- jourd’hui, les mécènes se soucient davantage de l’accès des publics fragi- crédit à nos valeurs. Mais pour l’organisateur, faire l’impasse sur ces lisés à l’éducation, au logement ou à l’emploi. C’est plus porteur question financements se résume à se tirer une balle dans le pied. Les sub- image. L’évolution de la gouvernance, le souci de transparence, sur- sides représentent 30 % de nos recettes : 10 % émanent de sponsors privés, tout dans les grosses boîtes, a amené les entreprises à mettre sur pied 20 % de subsides publics. Si on devait se passer de ces apports extérieurs, des services dédiés aux initiatives qu’elles soutiennent, directement tout serait automatiquement impacté sur les festivaliers. Pour Samuel en interne ou via une fondation. Contrairement au sponsoring qui a Chappel, le nerf de la guerre reste les aides publiques : elles sont in- un but commercial immédiat avoué, le mécénat vise plutôt à valoriser dispensables, notamment à cause des systèmes d’enchères sur les têtes l’image de l’entreprise dans sa communauté, analyse Katia Moreau. Les d’affiches. Seulement, l’accès à ces subventions est de plus en plus diffi- entreprises ont changé de mentalité : elles sont conscientes qu’à travers les cile. À notre niveau, elles ont été divisées par trois. Résultat : les orga- réseaux sociaux, se créent de nouvelles solidarités. Du coup, la recherche nisateurs ont dû revoir leur fonctionnement interne, déménager le de sens et de valeurs deviennent des enjeux plus stratégiques. C’est pour- festival et baisser leurs frais logistiques de 30 %. quoi elles préfèrent se rendre visibles plus « utilement », et à moindre coût, en se repositionnant par exemple sur le mécénat de compétences. Le prin- Un « matching » complexe cipe qui prévaut est simple : plutôt que de faire des dons financiers, Atteint de plein fouet, le monde culturel tousse. Les communes l’entreprise préfère « offrir » le temps de travail et les compétences de et les régions sont les premières à serrer la vis des subventions, quelques salariés, portés volontaires. mais les entreprises aussi préfèrent gérer leurs fonds en interne. L’originalité d’un festival ou de l’affiche ne suffit donc plus pour- dé Le sponsoring culturel serait-il touché ? Presque tous les mana- crocher la timbale. S’ils veulent attirer les entreprises, les acteurs cultu- gers culturels interrogés soulignent un déplacement des subsides rels ont tout intérêt à faire ressortir les dimensions sociales de leurs projets, de la culture vers le mécénat dit « social ». Symbole de ce repli : de- conclut Katia Moreau. Seuls les dossiers bien charpentés, capables puis 2013, Spadel ne sponsorise plus les Francofolies de Spa, mais de montrer que la culture est utile à la société, ont donc désormais continue d’investir dans les 20 km de Bruxelles et la Foire de Li- une chance de sortir du lot…

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décryptage

Les groupes qui jouent chez nous sont tenus de respecter strictement des normes en matière de bruit, reprend Dirk De Clippeleir. Tous « On ne vous sont informés et l’acceptent. Jusque-là, aucun n’avait jamais rien trouvé à y redire. My Bloo- dy Valentine s’y était comme les autres enga- gé par écrit. Dommage donc que le groupe ait entend pas ! » réagi ainsi à l’entame du concert. La Semaine du Son s’est achevée il y a quelques jours. Comme chaque année, elle a aussi été Benoîtement, on pourrait avoir l’impres- sion que ce débat sur le volume ne date en l’occasion d’évoquer toute la problématique Belgique, à tout casser, que d’une dizaine des « nuisances sonores ». Faut-il jouer fort d’années. Qu’il est né avec la multiplica- en concert ? Le débat n’est pas clos… tion des festivals et des concerts. Et que si on en a beaucoup parlé ces derniers temps, Didier Stiers c’est la faute à Joke Schauvliege, ministre flamande de la Culture dont les premières propositions de réglementation dans ce do- maine avaient fait… grand bruit. En 2011, les Belges de Channel Zero revenaient du diable vauvert avec Feed ’em with a brick, un nouvel album qui allait les ramener au devant de la scène. La conversation que nous avions eue à l’époque avec Franky De Smet Van Damme avait longuement por- té là-dessus. Le chanteur avait plus que son mot à dire, pour avoir travaillé dans les systèmes de sonorisation et connaître lui-même quelques soucis auditifs, mais il ne prêchait pas que pour sa chapelle mé- tal. Faut-il jouer fort, avec pour résultat de « tuer » les oreilles des gens ? Non, bien sûr, concédait-il. Avant de soulever quelques arguments d’ordre économique : Certains artistes pourraient très bien décider de ne plus s’arrêter en Belgique parce qu’ils savent que le public n’est pas content de ne plus rien pouvoir « ressentir ». Et puis, s’équiper conve- nablement n’est pas donné pour tout le monde. Qu’en sera-t-il des maisons de jeunes, par ardi 3 septembre 2013, An- L’AB se trouvant à Bruxelles, les normes exemple ? Des questions qui méritent d’être cienne Belgique, Bruxelles. légales imposées en Région flamande - posées, dans un métier où c’est le live qui Le concert de My Bloody et auxquelles My Bloody Valentine faisait fait vivre l’artiste… Valentine est sur le point de manifestement allusion - n’y sont pas ap- débuter. Dans la salle, on plicables. N’empêche, l’incident a fait réa- Sujet encore tabou pour certains, la problé- connaît la philosophie du gir. Cela fait des années que nous pensons à matique du son ne l’est plus du tout pour groupe irlandais en matière de volume so- nos visiteurs, assure Dirk De Clippeleir, di- d’autres. Comme Daniel Léon, concep- nore, ce qui n’empêche pas un fan de déjà recteur général de cette vénérable institu- teur sonore, spécialiste en sonorisation et Mréclamer : Louder ! On rit, et puis on rit tion, et que nous prenons de notre propre ini- enseignant à l’INSAS, qui ne manque ja- juste un peu moins, sur l’écran de projec- tiative des mesures pour prévenir autant que mais de rappeler que cette croissance du tion apparaissent ces mots : Les promoteurs possible les dommages auditifs. Exemple : volume sonore a démarré dans les an- ont respecté la loi belge parce qu’ils ont peur quiconque a pris soin d’aller faire un tour nées 70. Comme il le précise au Soir : De- des autorités belges. MBV voudrait vous dire sur le site web de l’Ancienne Belgique est puis Woodstock, le son a augmenté de 40 déci- que c’est le tout premier pays où est appliquée prévenu que les 96dB(A) peuvent être dé- bels en moyenne. Soit une multiplication par une loi aussi bête. Quelques huées de conni- passés, mais que des bouchons sont mis à 10.000 du niveau ! Ce à quoi il faut encore vence montent du public, forcément… disposition. ajouter la prolifération des baladeurs ! Il

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décryptage

n’y a pas que son intérêt pour le son… Da- Pour ne pas tout mélanger… Que dit la loi ? niel Léon en fait lui aussi une question de santé publique : Au-delà de 85 décibels, Acoustique : Partie de la physique qui étudie les sons En Flandre, les activités « à caractère musical » l’oreille est menacée. Un concert ne devrait / Qualité d’un lieu du point de vue de la propagation sont réglementées depuis le 1er janvier 2013. Les jamais les dépasser ! La mise à disposition des sons (Larousse). dispositions (détaillées dans une brochure téléchar- de bouchons ne suffit-elle pas ? C’est un geable sur ebl.vlaanderen.be/publications) visent Son : Sensation auditive engendrée par une onde essentiellement le niveau sonore dans les concerts cercle vicieux, avance-t-il. Quand ils sont acoustique (Larousse). En clair, il s’agit d’un phéno- et les festivals, mais aussi dans n’importe quel lieu disponibles, ils ne sont utilisés que par 10 % mène physique, et plus particulièrement, mécanique. public où l’on passe de la musique. Divers cas de des spectateurs et constituent parfois un alibi Il consiste en une variation de pression (très faible), figure sont envisagés, selon que l’activité visée est pour que les musiciens augmentent encore le de vitesse vibratoire ou de densité du fluide, qui se organisée occasionnellement ou (très) régulière- propage en modifiant progressivement l’état de volume ! ment. Si le niveau sonore dépasse les 95dB(A), la chaque élément du milieu considéré, donnant ainsi commune accorde (ou non) une autorisation après naissance à une onde acoustique (www.futura- Quelles autres pistes suivre, alors ? La ré- enquête. Le niveau maximal est fixé à 100dB(A). sciences.com). C’est donc une vibration, transmise L’organisateur est tenu de respecter certaines glementation et la prévention, bien sûr, plai- par les molécules du milieu considéré. Cette onde règles : mesurer ce niveau pendant le concert à dent de nombreux spécialistes. À cela, cer- crée une sensation, traduite par le cerveau où elle l’aide d’un appareil certifié conforme, enregistrer tains ajoutent une collaboration plus étroite est parvenue via l’oreille. L’oreille est sensible à la les données recueillies, … Des contrôles peuvent avec les ingénieurs du son. Depuis 2011, fréquence, au timbre et au niveau sonore. être effectués par du personnel de l’administration, Daniel Léon travaille par exemple avec le Fréquence : Nombre d’oscillations d’un phénomène qu’il y ait plainte ou non. Quant aux sanctions, elles Gaume Jazz Festival. Nous lui avons confié périodique par unité de temps (www.futura- vont du simple avertissement à la condamnation en le contrôle de tous les aspects de diffusion, ex- sciences.com). Unité de mesure : le Hertz. L’oreille correctionnelle. Et peut être tenu pour responsable aussi bien le propriétaire des lieux que l’organisa- pliquent les organisateurs. Avec le soin de humaine ne perçoit pas toutes les fréquences. On parle alors d’infrasons (moins de 20Hz) et d’ultra- teur, le dj ou l’ingé-son ! maintenir les niveaux de diffusion en deçà des sons (plus de 20kHz). risques. Une mesure parfois coûteuse et dont De l’autre côté de la frontière linguistique, on le public n’est pas toujours conscient. Timbre : la qualité d’un son, « spécifique à l’instru- informe (théoriquement, le volume sonore émis ment ou à la voix qui l’émet » (Larousse). dans les salles de concerts et les discothèques ne doit pas dépasser les 90dB en niveau moyen), Niveau sonore : qu’on appelle aussi le « niveau de mais on semble aussi vouloir emboîter le pas de la pression acoustique ». C’est le rapport de deux Flandre. Fin décembre 2013, la Région de Bruxelles- pressions acoustiques : celle de la source et celle Capitale a publié un avant-projet d’arrêté fixant du plus petit son audible. L’oreille est particulière- les conditions de diffusion de la musique amplifiée ment sensible au niveau sonore : le rapport entre le électroniquement dans les lieux d’intérêt public premier son perceptible, audible, et le premier son (salles, événements en plein air, cinémas, maisons douloureux est de 1 million. Il s’exprime en décibels. de jeunes, centres culturels, …). Il y est notamment question des niveaux sonores, des appareils de me- Décibel : unité servant à définir une échelle de sure, des agents de surveillance et de l’information sensibilité, d’intensité sonore (Larousse). L’échelle du public. À suivre. des décibels étant une échelle logarithmique, cela entraîne quelques considérations subtiles. Le dB n’est pas réellement une unité en soi, au contraire du centimètre ou du litre, par exemple. Additionner des décibels n’a donc pas de sens. Diviser par deux la puissance d’une source revient à diminuer son niveau sonore de… 3dB(A). Autre subtilité : l’oreille étant moins sensible aux fréquences basses et éle- vées, on pondère le niveau sonore par un coefficient en rapport avec la fréquence du son émis. C’est là qu’on parle de dB(A). udition A ssociation Journée nationale de l' A ©

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in situ…

In LaS iJazztu Station… Super jazzistique club

L’ancienne gare de Saint-Josse-ten-Noode devait devenir un musée du jazz. L’acoustique du lieu s’est un peu par hasard révélée parfaite pour des concerts. Retour sur les voies de la gare qui swingue.

Véronique Laurent tation S © Jazz

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in situ… tation S . Balasse Jazz G © ©

ongtemps Saint-Josse a eu un bourgmestre jazzophile, salle de la gare de jazz, le plafond ondulé rend paradoxalement Jean Demannez. C’est lui qui a donné sa couleur jazz à la un son très sec et très peu ou pas amplifié, permettant de capter commune, avec le festival Saint-Jazz-ten-Noode lancé en précisément chaque nuance des différents instruments. Assis au- 1985, et voulut un équivalent bruxellois de la Maison du tour de petites tables, les gens viennent ici pour écouter, passer Jazz de Liège. Avec des aides de la Région et de la Com- un moment paisible de musique exclusivement ; le verre est ac- munauté Européenne, de grands travaux ont été entre- cessoire. Sur la scène à peine surélevée, les musiciens apprécient pris pour rénover le bâtiment de l’ancienne gare de la Chaussée la proximité et l’interaction avec le public. La Jazz Station draine de Louvain, construite par-dessus le tronçon de voies reliant la une audience régulière et s’est constituée au fil des années un pu- Lgare de Bruxelles-Nord à celle du Bruxelles-Luxembourg ; squat- blic d’habitués. Un concert, ce sont 40 à 50 personnes. On se fait tée depuis un moment par les pigeons, il n‘en restait plus grand- plaisir pour la programmation en sélectionnant des groupes actuels. chose sinon des murs extérieurs classés aux Monuments et Sites. Et si des gens plus connus se produisent, comme récemment Bruno Et c’est à un autre amateur de jazz, l’architecte Paul Delaby qu’est Castellucci, qui ne joue plus très souvent sur Bruxelles, le public est revenue la tâche, suite à un appel à projets, de réhabiliter la ruine plus important. en Centre Culturel du Jazz, la dénomination initiale de l’endroit. Deux ans de travaux ont été nécessaires à une renaissance inté- Les lundis, les mercredis, les autres jours rieure contemporaine. L’architecte a travaillé le côté visuel, dé- Le club donne son concert-apéritif chaque samedi, mais accueille coupé l’espace en différents lieux et pensé une circulation fluide depuis ses débuts les activités d’autres associations dynamiques, entre ces différents espaces : café, salle d’écoute, salles de projec- dont celles des Lundis d’Hortense, chargée de la diffusion du jazz tion et d’exposition. Ces séquences spatiales correspondant à la et des musiciens de jazz belges. Les Lundis occupe la gare tous syncope typique du genre musical. Une fois les travaux finis, on les mercredis dans le cadre de Gare au Jazz. De 15 en 15 jours, avait le bâtiment, et pas le matériel... Il s’acquiert petit à petit et l’ob- les mardis sont consacrés à l’histoire du jazz à travers un cours jectif premier est toujours là, raconte l’actuelle directrice, Béren- sur les interprétations des Standards, passionnément donné par gère Cornez. Mais les fonds ont manqué pour constituer une collec- Jean-Pol Schroeder, celui-là même qui fut chargé de la création tion intéressante. Et il y avait une demande d’un lieu pour jouer de la de la Maison du Jazz à Liège. Aucun pré-requis nécessaire, et sou- part des musiciens de jazz, nombreux en Belgique ; quelques semaines vent les gens accrochent, ajoute encore Bérengère, et ils reviennent. avant l’inauguration, le 30 septembre 2005, il a été décidé qu’il y au- Expos temporaires, conférences, l’endroit vit. La Commission rait de temps en temps un concert. Concert devenu hebdomadaire. Une des Monuments et Sites a eu la bonne idée de faire rénover tout scène a été rajoutée en dernière minute ; elle est toujours là. Un côté le parvis, les escaliers, les rambardes et balustrades menant aux improvisé qui colle presque trop parfaitement à un lieu consacré quais situés à l’arrière du bâtiment et c’est visuellement très joli, au jazz... même si inaccessible. Une véranda vitrée, meublée de quelques tables, propose un lieu de détente idéal à partir de 11h du matin, Le jazz n’est pas une musique de fond pour profiter de la vue ou écouter des groupes en répétition. Le Quand on entre dans la salle de concert, le bar tire un trait en lieu dégage de la magie mais pour atteindre la Chaussée de Lou- ligne de fond. Sous un plafond en lattes de bois aux ondulations vain, les voitures ont aujourd’hui remplacé les trains. Sur l’artère rythmiques, le noir et le blanc dominent. Couleurs associées au routière, la gare reste cet endroit de passage, de jazz, bien sûr, jazz dans l’imaginaire collectif, elles font ici référence de diverses mais il faut penser à y faire un arrêt. manières aux ambiances de caves très sombres et enfumées des débuts du mouvement. Si aujourd’hui le côté révolution et dissi- dence du jazz a disparu comme la fumée finit par se dissoudre dans l’air, il garde une place particulière de musique de niche. La Jazz Station Chaussée de Louvain, 193A - 1210 Bruxelles Une musique qui ne se mélange pas (pas encore ?) aux autres mu- Ouverte du mercredi au samedi de 11h à 19h siques dans les festivals, par exemple. Initiée très jeune, l’oreille se T : +32(0)2.733.13.78 fait à la déconstruction musicale, qui restera insupportable à d’autres. Le jazz est surtout l’une des musiques qui se vit le plus en live. Dans la www.jazz-station.be

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naissance d’Aldophe disque part d'une observation : j'ai perdu plu- Sax, Ricercar rend sieurs membres de ma famille sans avoir eu fwb hommage à l’inven- teur du saxophone. Ce le temps de les connaître. Je n'ai jamais en- coffret commenté et tendu leur voix. Par réaction, j'ai enregistré illustré retrace l’histoire la mienne. C'est peut-être une façon de lais- de l’instrument qui ser une trace sur la planète. Mais, dans mon connaîtra deux parcours esprit, c’est surtout une manière de retourner contrastés. D’une part à eux, de les faire vivre à travers mes chan- le répertoire classique sons. Fragiles, aériennes, celles-ci répon- qui fleurit à Paris à la fin du 19e siècle avec des dent aux logiques de la météo : elles se dé- La Oreja de Zurbarán pièces romantiques de placent comme des nuages. On sait dans livier Donnet

Huelgas ensemble, Paul Jean Baptiste Singelée O quel sens le vent les pousse, mais impos- © Van Nevel et de Jules Demersse- sible d’anticiper leur forme à venir. En réa- Cypres man, que l’on découvre Le Colisée lité, quand j'écris un morceau, je ne pige pas ici interprétées par Ressusciter la musique directement ce que je fais. Ma musique se dé- Christian Debecq et Vie Éternelle que le peintre espagnol finit toujours a posteriori. Pour l’essentiel, The Sax Players sur des Zurbarán aurait pu en- Autoproduction instruments originaux. Le Colisée chante ici en français. Mais tendre tout au long de Et d’autre part, celui qui Longtemps, les chansons de David Nzeyi- rien ne l’empêche de s’évader en anglais sa vie, c’est l’ambition finira par lui donner ses mana se sont épanouies entre la couette (Twerkin Girls). Au final, la langue utilisée de ce disque sorti à lettres de noblesse, le l’occasion de l’ouverture et l’oreiller. Imaginé dans une chambre importe peu. Car la voix empruntée s’ex- jazz, avec une sélection de la grande exposition d’ado, Le Colisée s’érige officiellement en pose toujours à distance. Légère, flottante, de standards tout qui lui est consacrée à 2012 et se matérialise sous la forme d’une c’est un spectre vocal féérique et fantasma- naturellement confiés à Bozar. Contemporain de unité élémentaire. Aujourd’hui, l’artiste gorique : un gazouillis exotique, un chant Steve Houben. B.B. Velázquez et de Murillo, sort sa première carte de visite : six bal- venu d’ailleurs. Vie Éternelle esquisse les Francisco de Zurbarán lades paradisiaques emballées sous la vi- contours d’un monde extraordinaire. À naît en 1598 et fait tout trine pop-rêveuse de Vie Eternelle. Ce explorer dans un futur proche. son apprentissage à N.A. Séville, véritable carre- four des cultures, avant américaine. Enregistrés de rejoindre Madrid où sur bandes analogiques il meurt en 1664. C’est et captés dans l’urgence cette période troublée de l’instant, tous ces de l’histoire de l’Église morceaux brillent d’une catholique d’Espagne saine vivacité. Chaque marquée par la Contre- chanson de la compi- GanSan featuring Réforme que fait revivre Foulane Bouhssine lation se détache ainsi Paul Van Nevel et le comme un hommage Live at Gaume Jazz Lift Huelgas Ensemble dans Festival 1st Floor I Can’t Get You Out vibrant et singulier à Xavier Dubois ce disque qui mêle Home Records of My Mind l’âge d’or de la pop Sunset Gluts musique sacrée, avec A tribute to Leiber (1950-1960). À côtés des Humpty Dumpty Records des œuvres d’Andrés Animé par l’exploration 1st Floor est le premier & Stoller Canadiens de Young 62TV Records Guitariste du groupe Bara, de Juan García de nouveaux horizons, opus de Lift, jeune Rival et des Espagnols Ultraphallus et du duo de Salazar ou de Diego GanSan est né de la quintet de jazz franco- de Mujeres, on retrouve Compilation caritative Y.E.R.M.O., Xavier Du- de Pontac, et musique rencontre du saxopho- belge né de la rencontre The Experimental mise en œuvre par les bois s’échappe en solo le profane avec Manuel niste Ludovic Jeanmart d’Emily Allison et Tropic Blues Band, The têtes chercheuses du temps de Sunset Gluts, Machado et Mateo et de Foulane Bouhs- de Thomas Mayade. Tellers, Konoba ou Dez label bruxellois 62TV, disque instrumental Romero ! B.B. sine, joueur de ribab, Lauréats du Concours Mona. Dans cet élan de I Can’t Get You Out entièrement consacré l’instrument embléma- XL du Jazz Marathon charité, on tombe tota- of My Mind rassemble aux bienfaits de la six tique de la culture ber- en 2011, ils proposent lement sous le charme des figures locales et cordes. Partagé entre bère du Sud du Maroc. un répertoire personnel des reprises signées par internationales autour mélodies intimistes et Sur scène comme sur aux influences multiples Françoiz Breut (I (Who d’un idéal : garantir la goût du risque, cet al- le disque, le groupe (Kenny Wheeler, Maria Have Nothing)), Malibu pérennité et le déve- bum se poste à l’avant- revisite la tradition du Schneider, Norma Stacy (There Goes My loppement de Waama, garde d’une musique chaâbi avec une couleur Winstone) dans lequel Baby) et Bed Rugs (Down petit hameau planté folk cueillie du bout des jazz. En guise de mise la voix et le bugle, deux In Mexico). Emballé sous au cœur de la Tanzanie. doigts, en mode finger- en bouche à leur nou- instruments au timbre la pochette d’un superbe Perdu dans la brousse, picking. Sans chichis ni veau projet prévu pour proche, conversent et vinyle – accompagné oublié du monde, le vil- effets, Xavier Dubois l’automne, le groupe s’amusent à inver- de son pendant CD –, lage manque de tout. Ou cultive les parcelles mu- sort un enregistrement ser les rôles. Pour ce l’objet est vendu au prix presque. Réunis autour sicales de John Fahey, live au Gaume Jazz Fes- premier album, ils de 15 euros. Tous les des pépites harmo- Mark Fosson et autres tival. La preuve, s’il en s’offrent des invités de bénéfices dégagés se- niques inventées par les John Zorn. Enregistré fallait encore une, que choix : le saxophoniste ront reversés à Waama A Tribute to Sax auteurs-compositeurs à Bruxelles par Gabriel leur musique se déploie Christophe Panzani, pour l’achat de matériel The Sax Players Jerry Lieber et Mike Séverin dans l’antre du pleinement en live. B.B. la pianiste Sandrine médical et scolaire. Ou Christian Debecq Stoller, seize groupes et Laboratoire Central, Steve Houben Marchetti et David Linx, pour la remise à neuf des artistes offrent une re- Sunset Gluts s’élance à Ricercar le professeur d’Emily au sanitaires. Une superbe lecture de tubes dérobés la lampe de poche dans Conservatoire dont on dans la vitrine du Brill action humanitaire. N.A. En cette année du les cavités inexplorées retrouve ici la patte ! Building, temple sacré bicentenaire de la de la musique improvi- B.B. de l’histoire de la pop

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sée. Guitare et ukulélé baryton dansent ici sur des rythmes alambiqués et esquissent des lignes harmoniques fracturées ou complètement désar- ticulées : une arabesque à la beauté sauvage. N.A. Cheeky Jack Black Sheep Coffee Or Not Autoproduction ‘SoRe’ Purple K Records En mouvement entre Bruxelles, Louvain-la- Pour son troisième al- Neuve et La Louvière, les

bum, Coffee Or Not s’en iturello six musiciens de Cheeky S tient à ses fondamen- Kate

Jack flirtent avec les taux. ‘SoRe’ cristallise ondes radiophoniques © parfaitement l’identité en toute indépendance. sical. Un vrai cadeau ! s’enthousiasme le artistique du duo bruxel- Enregistrés entre les WRaP! guitariste. Depuis, la voix souple et cris- lois. Soho Grant (So) et murs d’une vieille talline de Barbara, les lignes aériennes Renaud Versteegen (Re) bâtisse tournaisienne, Endless des guitares à 6 et 12 cordes d’Alain et le se partagent toujours les cinq morceaux du Igloo jeu généreux de la contrebasse de Jean- voix et instruments mais E.P. Black Sheep marque WRaP!, c’est l’acronyme plutôt décalé Louis ont trouvé un terrain d’entente pri- éteignent cette fois la lu- une nouvelle étape dans mière pour se concentrer, l’ascension du groupe. de Wiernik, Rassinfosse et Pierre. Mais vilégié. Nous avons en commun, le souci de la dans l’intimité, sur des Au croisement de la soul, c’est surtout l’histoire d’une rencontre. polyphonie et des mélodies que chaque instru- chansons sensiblement du funk et d’un rock Cela fait déjà quelques années que le gui- ment peut construire. Dans Endless, le trio plus sombres qu’autre- gonflé à bloc, ce disque tariste Alain Pierre et la chanteuse Bar- propose un univers mélodique raffiné fait fois. Ici, l’ambiance est de pop synthétique bara Wiernik nous offrent sur scène, que de compositions originales et de reprises orageuse. Il y a de l’élec- laisse exploser ses tubes se soit en quintet ou avec leur duo Diffe- (Nougaro, Abbey Lincoln, Norma Wins- tricité dans l’air. ‘SoRe’ à propulsion quelque , navigue à bonne distance part entre les hymnes rent Lines une collaboration toujours plus tone) spécialement réarrangées pour l’oc- des ballades acoustiques de Puggy et les mélodies fructueuse et intime. Barbara a une grande casion. Nous avons beaucoup écouté des ar- et des atmosphères des Arctic Monkeys. souplesse vocale, explique Alain Pierre, ce tistes du label ECM, comme Eberhard Weber bucoliques des débuts. Truffé de refrains accro- qui lui permet de voyager dans l'harmonie pour Jean-Louis, Ralph Towner pour moi ou Guitare et nappes élec- cheurs (Lilith Is On Fire) avec une grande aisance. Et puis, elle connaît Norma Winstone avec qui Barbara a eu l'oc- troniques surlignent dix et de hits façonnés sur très bien ma musique ! Du coup, les mots vien- casion de travailler. Mais s'il faillait n'en re- compositions gorgées de les touches d’un clavier nent assez naturellement... C’est lors d’un tenir qu'un, que l'on a tous écouté, qui plus que mélancolie et d’un amour (Paper Chase), ce nouvel infini pour les mélodies E.P. a le groove ficelé au voyage en Tunisie en 2009, que leur route tous a ce sens de la mélodie et avec qui Jean- douces-amères. Un bel corps. Et tout l’avenir croise celle de Jean-Louis Rassinfosse qui Louis a eu la chance de travailler pendant 10 ouvrage. N.A. devant lui. N.A. marque son intérêt pour leur univers mu- ans, c'est évidemment Chet Baker ! B.B.

un grand écart permanent sur la ligne du Moaning Cities temps : une jambe sur les amplis de The Black Angels, l’autre posée sur l’héritage Pathways Through légué par Jim Morrison. Trouver son iden- The Sail tité, c'est une longue gestation. Ça demande Mottow Soundz de digérer des influences et de trouver un équilibre entre les différentes personnalités En vadrouille sur les terres du rock psy- qui composent le groupe. Là, nous sommes chédélique, Moaning Cities enfonce le sur le bon chemin. Cet itinéraire, d’abord pied sur la pédale d’effets depuis 2011. tracé par The Velvet Underground, a vu Après un E.P. éponyme distribué sous le passer de nombreuses guitares. Celles du manteau et aujourd’hui introuvable – donc Black Rebel Motorcycle Club ou de Dead culte –, le groupe bruxellois s’échappe au Meadow, notamment, ont déjà craché de long cours sur Pathways Through The Sail, l’électricité par ici. Notre musique s'enracine premier album au titre librement inspiré dans les fantasmes du rock sixties et seven- d’un poème de Dylan Thomas. Ce texte fait ties. Mais nos morceaux s'inspirent aussi de écho aux paroles de nos morceaux, explique références contemporaines, essentiellement Valérian Meunier, guitariste et voix prin- nord-africaines et indiennes. L'utilisation cipale du projet. L'idée, c'est de réagir aux du sitar, par exemple, ce n'est pas de la pose. frustrations quotidiennes en cherchant une On aime vraiment ce genre de son. Autopro- forme de paix intérieure. Le concept est as- duit et finalisé par Chris Keffer, ingénieur sez introspectif mais il reste chevillé au cœur de la distorsion déjà aperçu aux côtés des de nos chansons. À la fois souple et puis- Black Diamond Heavis et The Black Keys, oaning Cities M sante, la musique de Moaning Cities tente ce premier album frappe juste. Et fort. N.A. ©

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Various Le Colisée André Ceccarelli, Vie Eternelle E.P. David Linx, Diego Mélanie De Biasio I Can’t Get You LISTE Autoproduction Imbert, Pierre-Alain Un set intimiste, épuré et intense Out of My Mind Goualch A tribute to Leiber Guillaume Ledent àNOUsGARO, inédits et Accompagnée sur scène d’un pianiste, d’un batteur et DES & Stoller & Guillemot incontournables d’un claviériste, Mélanie de Biasio et ses musiciens ont ins- 62TV Records Histoires d’écailles Just Looking Productions SORTIES et de plumes tallé une ambiance intimiste, épurée et intense, samedi, Dashbox Ploum! Records à la Rockhal. Régulièrement, elle intégrait à cette osmose Envoyez-nous la EP Classique sonore une flûte envoutante. La voix pure et profonde de date de sortie de Autoproduction Suarez la Belge, qui se faufilait entre faisceaux lumineux, capti- En équilibre La Oreja de Zurbarán vait d’emblée, aux notes du morceau I Feel You. Mélanie vi- vos productions. 30 Février Huelgas Ensemble, Nous relaierons dans ces colonnes : vait intensément sa musique, et chaque variation pouvait Metal Paul Van Nevel [email protected] se lire sur son visage. Elle semblait même presque comme Cypres Augures possédée sur A Stomach Is Burning. Dans la confession de Pop-rock Hip-hop Inauguration Reinhard Keiser la douleur, il y avait parfois un peu de Billie Holiday dans Black Basset Records Aral & Sauze Babils Brockes-Passion cette voix, et de Beth Gibbons pour la sensibilité. Wah! Connection Vox Luminis Autoproduction Les Muffatti, Peter Van Camera Obscura Records World – Trad Lu sur www.lessentiel.lu, posté par Cédric Botzung Heygen le 2 février 2014 Billions of Comrades Crapulax Karim Baggili Le Bourgmestre Ramée Brain Kali City Autoproduction Johann Sebastian Black Basset Records Home Records Bach Dope ADN Broadcast Island Ich elender Mensch Le Clip de la semaine ! GanSan featuring 4/4 Broadcast Island E.P. Leipzig Cantatas Foulane Bouhssine Autoproduction Il marche, puis il court en ruminant ses pensées jusqu’à Autoproduction Live at Gaume Jazz Collegium Vocale Gent, la folie. En chemin, il croise des vieux errants, un pigeon Festival Philippe Herreweghe Castles Fakir mort et des canards obsessionnels. Tirée de la Paroi Home Records Les Moyens du Bordel Phi Fiction or Thruth ? de ton ventre, le premier album du Belge Carl Roosens Autoproduction Black Basset Records Habib Koité Alexande Tansman (en réalité le second, ndlr), alias Carl et les hommes- Soô Old Jazzy Beat Piano Music boîtes, cette chanson a été illustrée par la dessinatrice Clare Louise Eliane Reyes Balloons Contre-jour Mastazz Noémie Marsily lors d’une résidence début 2013. Robben Island Naxos Caramel Beurre Salé La Chiva Gantiva Alpha Music Lu sur next.liberation.fr, posté par Sophian Fanen Vivo Vieni, Amor Mio! Cheeky Jack Romanze italiane le 23 janvier 2014 Black Sheep E.P. Crammed Discs Vollenbak So Paradise E.P. Lisa Houben, Daniel Autoproduction Nisia Autoproduction Blumenthal Eredità Coffee Or Not Pavane Records Lionel Beuvens, Trinité ‘SoRe’ Home Records Jazz A Tribute to Sax 3 étoiles dans Jazzwise Purple K Records Sébastien Semal The Sax Players & Why not samba? Kvartett Xavier Dubois Christian Debecq This is a toughtful, well-executed session on nine ori- Ondulations Vekk Sunset Gluts Steve Houben ginals written by Beuvens that include the moody Jes- AZ Productions Autoproduction Ricercar Humpty Dumpty Records sica, the exuberant Seven and the carefully calibrated Daniel Willem Gipsy Hown Town So True.(…) Beuvens and Soniano keep everything in Flying Komodo André-Modeste Jazz Band Autoproduction position to ensure a rounded group sound in what is Devil Women Grétry Sinto Swing Guillaume Tell another good album from the Belgian scene. Autoproduction Home Records Michel Mainil Quar- Marc Laho, Anne-Ca- tet featuring Benoît Lizen therine Gillet, Lionel Stuart Nicholson, Jazzwise (décembre 2013) Aluka Glaïn Lisa Rosillo Lhote, Liesbeth Devos, Electro Spanish Jazz Project Honest House Records Natacha Kowalski Travers Emotion Bad Dancer Orchestre et Choeurs Mambo de l’Opéra royal de Calme E.P. WRaP! The Experimental Tropic Blues Bertier Wallonie, Claudio Police Records Endless Honest House Records Scimone Band dans Tracks sur Arte Igloo Records Musique en Wallonie Le concert de la semaine ! Moaning Cities Miss Tetanos und Sri.Fa Pathways Through The André-Modeste Boogie Snake, Dirty Coq et Devil d’Inferno se nomment Miss Tetanos Und Sri.Fa Sail Grétry en réalité Jean-Jacques, Jeremy et David. Originaires Rockerill Records/Going Up Mottow Soundz Portrait musical de Soumagne, dans la banlieue de Liège, ils font leur Musique en Wallonie Mountain Bike Mokele début par hasard lors d’une fête de fin d’année au ly- Mountain Bike Enschede cée avant de se lancer pour de vrai dans la musique en Best Of Records Humpty Dumpty Records 99. Depuis, le trio enchaîne les tournées en Europe et aux États-Unis et a même partagé la scène avec les My TV is Dead Monsieur Magnetik Cramps. En novembre dernier, les rockeurs wallons de Gravity Forme Nore Pt.2 échos d'ailleurs GND Records The Experimental Tropic Blues Band ont enflammé Depot 214 Records la scène de la Maroquinerie à Paris. Retrouvez le psy- One Horse Land chovinyle de The Experimental Tropic blues Band dans Chanson Bored With The Music Camille Thomas, nommée Tracks. COD&S Besac Arthur aux Victoires de la Musique Lu sur www.arte.tv – à revoir sur Arte+7, émission Vegas Peu Importe Où classique du 8 février Everything you know is Mistin’ Music wrong La violoncelliste franco-belge Camille Thomas était nom- Olivier Juprelle mée dans la catégorie « Révélation Soliste instrumental » Moonzoo Music Le bruit et et la fureur des 21e Victoires de la Musique Classique qui ont eu lieu le [PIAS] Vismets 3 février 2014 à Aix-en-Provence. C’est finalement l’altiste Abracadabra Adrien La Marca qui a emporté cette Victoire. [PIAS]

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vues d'ailleurs

Vue d'Allemagne Milky Chance Summertime Sadness Devenus musiciens professionnels par la bénédiction de YouTube, Philipp Dausch et Clemens Rehbein forment Milky Chance : une machine à tubes qui profite de l’hiver pour débiter les hits mélancoliques de notre été. Avec l’album Sadnecessary, le duo s’expose dangereusement au succès. Sur ce disque, chaque chanson est un single potentiel, un air pop moderne à siffler dans les oreilles des fans d’Alt-J, Balthazar et autres Asaf Avidan. Le buzz de l’année est ici. Et nulle part ailleurs. ilky Chance M Nicolas Alsteen ©

ilky Chance prend la ment avec tes amis et, toutes les deux mi- samples. On souhaite construire notre forme d’un duo. Vous avez nutes, quelqu’un vient taper sur ton épaule musique autrement et la faire vivre avec toujours bossé à deux ? pour te tirer le portrait. C’est un peu le re- de véritables instruments. Philipp Dausch : On s’est vers de la médaille. rencontré à Kassel dans Pourquoi chantez-vous en anglais ? une école de musique. Comment expliquez-vous l’ascension ful- C.R. : Parce que je ne supporte pas la tona- Après les cours, on repassait chez moi. On gurante de Milky Chance ? lité germanique dans une chanson. C’est mangeait un bout puis, on jouait de la mu- Clemens Rehbein : Les réseaux sociaux comme si la langue allemande était in- Msique ensemble. On s’est très vite impli- ont véritablement mis le feu aux poudres. compatible avec la musique pop. Honnê- qués dans un quintet plutôt orienté soul, YouTube, en particulier, a largement pro- tement, ça me paraît impossible de faire jazz. Je jouais de la guitare et Clemens pagé le « virus » Milky Chance. Au début, sonner correctement un morceau dans ma tenait la basse. À la fin de nos études, le on voyait ça comme un moyen de parta- langue maternelle. Et puis, au-delà de ça, groupe s’est séparé. Certains musiciens ger notre musique. Mais ça nous a dépas- il y a aussi une portée lexicale. Le vocabu- sont partis à l’étranger, d’autres sont ren- sés et, finalement, beaucoup aidés. Les gens laire allemand est bien trop méthodique et trés chez eux, ailleurs en Allemagne. C’est se sont appropriés notre vidéo et, du jour rationnel. Il ne laisse quasiment aucune à ce moment-là que Clemens m’a fait écou- au lendemain, on ne maîtrisait plus rien. place aux métaphores et autres expres- ter ses compos. On les a mis en musique et YouTube a complètement modifié les habi- sions de la pensée. Milky Chance a commencé sans but pré- tudes de consommation musicale de la pla- cis. Pour nous, c’était surtout l’occasion de nète. Où que tu sois dans le monde, tu peux Pouvez-vous nous éclairer sur la significa- tuer le temps. On n’imaginait pas publier désormais écouter la chanson de ton choix. tion de Sadnecessary, le titre de l’album ? un album, par exemple. Qu’elle vienne d’Allemagne, du Paraguay C.R. : Au départ, on est parti du mot ou du Canada. Le plus dingue avec cet outil, « sadness » pour essayer de mettre en lu- Finalement, vous sortez Sadnecessary. c’est que les « vues » entraînent les « vues ». mière d’autres émotions attachées à la tris- Dans le disque, on trouve un morceau in- YouTube a un effet démultiplicateur. Une tesse. Toutes les chansons du disque traî- titulé Fairy Tale. Le conte de fée, c’est un chose est certaine : si YouTube n’existait nent ainsi une certaine noirceur, même peu votre histoire, non ? pas, Milky Chance ne serait pas là. quand l’humeur semble joyeuse. Nous P.D. : C’est sûr qu’on vit un rêve. Para- sommes des garçons de nature mélanco- doxalement, ce succès comporte aussi Vous avez écrit, composé et produit toutes lique. Maintenant, ça ne veut pas dire que des contraintes. Désormais, on nous ba- les chansons par vous-mêmes. Pourquoi ? nous étions en train de pleurer toutes les lance des centaines d’informations quoti- C.R. : On aime ça. À l’origine, on se desti- larmes de notre corps pendant l’enregis- diennes : contrats, propositions, concerts, nait à l’écriture et à la production musi- trement du disque. (Sourire) Mais, en règle passages en radio, interviews… Ce n’est pas cale. À partir du moment où on a compo- générale, je préfère les chansons tristes toujours facile à gérer. Et puis, en public, sé nos propres morceaux, il nous semblait aux refrains joyeux. on ne maîtrise pas encore notre popularité. logique de les peaufiner nous-mêmes. La En Allemagne, les gens nous arrêtent sou- mise en œuvre du prochain album ne de- www.milkychanceofficial.com vent dans la rue pour se prendre en photo vrait pas changer la donne : on veut rester à nos côtés. La plupart du temps, c’est amu- indépendants, libres de nos mouvements. Milky Chance sant. Mais en soirée, par exemple, ça peut Le seul changement à venir, ce sera pro- Sadnecessary vite devenir usant. Tu passes un bon mo- bablement la disparition progressive des Lichtdicht Records/Pias

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vues d'ailleurs

uel a été le contexte de la création du KlaraFestival en 2004 ? Hendrik Storme : Il faut rap- peler que le festival est l’an- tenne bruxelloise du Festi- val de Flandre. À l’époque, notre président Jan Briers, avait compris que, le contexte 15 - 29 march 2014 Qayant changé, il fallait remettre les fonda- mentaux du festival en question. Dans le Thday passé, le Festival de Flandre était le seul or- The bir ganisateur de concerts qui pouvait se per- ediTion mettre d’accueillir les grands orchestres internationaux. Aujourd’hui, Bozar fait ça très bien avec des moyens beaucoup plus importants que les nôtres. Parallèlement à cela, le festival connaissait une baisse de fréquentation. Il a donc eu la bonne idée d’aller chercher un nouveau partenariat média avec la VRT, et la chaîne Klara en particulier, un peu sur le modèle des BBC Proms. Aujourd’hui, on fête les dix ans du festival avec de belles surprises et quelques grands changements.

Vous parlez de changements, celui qui saute aux yeux est celui de date, le festi- val se tiendra désormais en mars. Pour- quoi ce choix ? Principalement pour des raisons de fré- quentations. Au départ, notre idée était d’ouvrir la saison musicale bruxelloise. Mais il était de plus en plus difficile de russels faire venir le public à la fin des vacances d’été, notamment la dernière semaine

ue Zinnerstraat 1 - 1000 b d’août. Et après dix ans, il était temps de

etremmerie - r donner une ambition nouvelle au festival ! klarafestival.be

endrik Storme - Sophie d Autre particularité de cette édition anni-

V.U. h V.U. 070 210 217 versaire, c’est l’absence de thématique. C’est vrai que ces dernières années, nous

Official main artistic partners main partners avons toujours proposé une programma- Vue de Flandre festival car tion autour d’une thématique extra-musi- cale. Pour cette édition anniversaire, c’est le festival en lui même qui sert de fil rouge. La programmation retrace en quelques sortes l’histoire de notre famille artistique. KlaraFestival Chaque jour du festival, nous avons choi- si de présenter un artiste belge dans un projet international. On retrouvera des ar- Retour vers le futur tistes avec lesquels nous travaillons depuis longtemps et avec lesquels nous avons en- vie de continuer à travailler dans le futur, Depuis dix ans, le KlaraFestival s’attèle à renouveler notre regard sur la comme René Jacobs, Vladimir Jurowski, musique classique en proposant une programmation riche et résolument Bernard Foccroulle, ... contemporaine. Cette année, il change de date pour se tenir non plus en septembre mais au printemps. De quoi marquer le coup et faire de 2014 Depuis votre arrivée à la tête du festival il y a cinq ans, vous avez choisi de mettre une édition anniversaire axée sur les artistes belges qui ont fait les beaux en avant de nombreux projets pluridisci- jours du festival. Rencontre avec son directeur artistique Hendrik Storme. plinaires… C’est vrai ! J’ai choisi de les mettre au cœur Benjamin Brooke du Festival car c’est pour moi essentiel de nos jours de tisser des liens entre la mu-

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vue de flandre

sique classique et les autres arts. La mu- Habitué du festival, Bernard Foc- Denis Menier. Il interprétera cinq pièces sique classique ne doit pas se trouver sur croulle présentera en création mondiale de jeunes compositeurs sélectionnés une île. C’est une des solutions pour la sor- Darkness et Light, un récital d’orgue un dans le cadre du projet européen Mus- tir de la crise dans laquelle elle se trouve, peu particulier… MA qui réunit huit festivals internatio- car il y a un vrai problème de perception Oui. Pour ce récital, il a choisi des œuvres naux. Chaque festival a la responsabili- de la musique classique. Alors en tant qui illustrent l’opposition, si typique du té de commander une composition à un qu’organisateur de concerts, je prends mes baroque, entre vie et mort, jour et nuit, jeune compositeur. Chacun s’engage en- responsabilités. C’est à nous de proposer ombre et lumière. Mais la singularité suite à programmer cinq des huit com- des alternatives et de convaincre les ar- de ce récital réside surtout dans sa ren- positions. C’est une belle opportunité tistes d’ouvrir leur esprit et d’oser prendre contre avec la vidéaste australienne Ly- pour ces compositeurs, dont les œuvres des risques pour proposer de nouvelles nette Wallworth dont on découvrira le ne sont trop souvent plus jouées après la choses, tout en respectant le public tradi- langage visuel extrêmement fort dans création. tionnel des grandes salles qui a aussi des le cadre exceptionnel de la Cathédrale attentes. Saint-Michel. En termes de diffusion, vous pouvez comp- ter sur une participation active de la Au fond, ce n’est pas tant la musique clas- On retrouve aussi la soprano Sophie Kar- chaîne de radio Klara… sique qui effraie mais plutôt le cadre ? thäuser à la tête du festival. Qu’est-ce que Oui, tout d’abord ils retransmettent la to- Oui, c’est ce formalisme qui entoure le cela signifie exactement ? talité des concerts mais ils créent aus- concert classique. On pense à tort qu’on Elle proposera pas moins de trois pro- si tout un contenu autour. Ils créent leur en a fini avec les codes car aujourd’hui on grammes très différents, une occasion propre festival radio, parallèlement au peut aller à Bozar avec des baskets, mais de montrer toute sa palette esthétique : nôtre. Cette année, nous proposons aussi ce n’est pas vrai, en tout cas pas d’un Les Nuits d'été de Berlioz avec l’Orchestre un nouveau rendez-vous, Club Midi. Les point de vue artistique. En termes de National de Belgique, la symphonie n°4 concerts de midi ont toujours été difficiles programme par exemple, c’est toujours de Malher avec le Mahler Chamber Or- à remplir pour nous, alors nous avons déci- la même chose, on commence un concert chestra sous la direction de Vladimir Ju- dé de changer de formule. On a donc opté par une ouverture, suit un concerto et, rowski, et on la retrouvera enfin pour le pour une sorte de lecture-concert : small après la pause, une symphonie. Ce sont concert de clôture dans la Résurrection de talk, great music ! Des concerts courts ces automatismes-là que l’on cherche à Haendel, avec son fidèle partenaire René agrémentés de petites interviews faites bousculer. Jacobs. par des musiciens eux-mêmes et enregis- trés live au Muntpunt. Il y a notamment Arthur, un spectacle mê- Tradition oblige, il y a des artistes en ré- lant musique et théâtre basé sur King Ar- sidence. Le festival est soutenu à 50% par des thur d’Henry Purcell… Le pianiste et compositeur Kris De- sponsors privés. Comment arrivez-vous à Dans le cadre de la commémoration du foort sera à l’honneur cette année lors un tel résultat dans un contexte que l’on centenaire de la Première Guerre mon- de trois concerts exceptionnels, notam- sait difficile ? diale, j’ai demandé à l’auteur belge Peter ment lors de l’ouverture du festival où sa C’est un immense travail. Nous recevons Verhelst d’écrire un nouveau livret qui pièce Human Voices Only sera créée par des subventions de la Communauté fla- donnera un nouvel écho à cette légende le Royal Concertgebouw Orchestra Ams- mande, de la Région Bruxelles-Capitale, guerrière. Avec l’ensemble B’Rock, terdam. C’est une formidable opportuni- de la Ville et de la VGC. Mais nous avons Cappella Amsterdam et Muziekthea- té pour un compositeur belge ! Une autre besoin de beaucoup de sponsors car on ne ter Transparant, le metteur en scène résidence sera offerte à Ivor Bolton et au peut se baser que sur les subventions. Il Paul Koek proposera une mise en es- Deutsche Kammerphilharmonie Bre- faut savoir que ces dernières années, les pace spécialement conçue pour les salles men, qui seront sur scène les 26, 27 et 28 cachets ont fortement augmenté, de nou- de concerts. C’est assez nouveau et cela mars avec trois programmes dans trois veaux frais sont venus s’ajouter et qu’en me paraît important que les salles de villes différentes avec l'intégrale des sym- même temps, nous avons le souci de di- concerts puissent proposer ce genre de phonies de Mendelssohn associée aux minuer le prix de certaines catégories de concerts. concertos pour violon et piano interprétés places. Il y a donc beaucoup de tensions par Lorenzo Gatto et Nelson Goerner. entre tous ces paramètres et le politique C’est aussi le cas du Wintereise, le grand devrait se poser des questions. Il faut se cycle de lieder de Schubert qui est ici Le premier dimanche du festival vous pro- rendre compte que le monde de la mu- quelque peu revisité. posez un événement tout public, le Super sique classique est fragile et que, sans Oui, le chef d’œuvre de Schubert sera ma- Sunday. Quel est le concept ? un soutien adéquat, c’est tout un pan gnifiquement interprété par le baryton C’est une sorte de mini-festival avec pas de notre patrimoine artistique que l’on Georg Nidl accompagné au pianoforte moins de six concerts mettant à l’hon- risque de voir disparaître. par Andreas Staier. Il sera ici enrichi par neur de jeunes talents de chez nous. On le décor créé par le peintre belge Michaël commencera avec Shanti!Shanti!, notre Borremans et par la mise en scène de Jo- chœur d’enfants issus de différents mi- han Simons. Et le compositeur français lieux socio-culturels, un projet qui nous Mark André proposera pour l’occasion tient particulièrement à cœur et qui per- quelques intermèdes musicaux, comme met au festival d’être acteur dans la so- une sorte d’écho musical de l’œuvre, qui ciété. On pourra ensuite entendre Pro seront joués par l’Ensemble intercontem- Arte Nova, le tout nouveau chœur initié porain. par le Festival de Wallonie et dirigé par Programme complet sur www.klarafestival.be

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l'interview indiscrète

En tournée sur les routes du pays, on s’est arrêté quelques minutes L’interview chez Marc A. Huyghens, leader du groupe Joy et ancien maître à indiscrète penser des musiques de la planète Venus. De passage dans son bel appartement, on en a profité pour Chez farfouiller en toute indiscrétion. L’intéressé nous éclaire sur Marc A. nos plus belles trouvailles. an den Branden V Nicolas Alsteen

Huyghens © Patrick

Une reproduction de l’Atomium L’album To Bring You My Love Un livret signé Stig Dagerman de PJ Harvey Je suis né à Anderlecht. Et j’aime vrai- Stig Dagerman est un écrivain suédois qui ment Bruxelles. C’est ma ville. Par le pas- Tous les mélomanes et collectionneurs de s’est brillamment distingué dans les années sé, j’ai souvent dit que Bruxelles n’était ja- disques rencontrent, un jour ou l’autre, des 1940 avant de sombrer dans une terrible dé- mais aussi belle que quand on y revenait. albums qui changent leur vie. To Bring You pression. Dans ses livres, il sonde la doulou- Je le pense toujours. Quand je pars en My Love reste, à ce jour, mon plus gros choc reuse réalité de l’existence et dissèque des voyage, je suis toujours heureux de reve- musical. Il est sorti en 1995. Avant ça, elle émotions telles que la peur, la culpabilité ou nir ici. C’est un endroit qui compte beau- avait publié deux autres disques qui répon- la solitude. Ce petit livret intitulé Notre be- coup pour moi. La musique, les avancées daient à des formats plus classiques, genre soin de consolation est impossible à rassasier sociales, l’architecture, la culture, le mode guitare-basse-batterie. Ensuite, son label est un essai qui tend à démontrer l’absurdi- de vie… tout me convient. L’Atomium, c’est lui a donné les moyens d’enregistrer un té de la vie sur Terre. Quelques mois après un édifice fantastique. L’idée de base du album mieux produit. Le rendu reste très avoir écrit cet ouvrage, l’auteur s’est don- projet, déjà, est typiquement bruxelloise : brut et minimal mais, sur les plans esthé- né la mort. Pour résumer l’histoire, il suf- reproduire une maille de cristal de fer tique et technique, je pense qu’on touche fit de se rapporter au titre de l’essai. C’est as- dans un agrandissement équivalent à 165 ici à la perfection. C’est bien simple, j’aime sez sombre. La première fois que j’ai lu ce milliards de fois sa taille originelle... C’est ce disque dans ses moindres détails. Des bouquin, il y a dix ans, j’étais totalement complètement fou. D’une certaine façon, chansons aux arrangements, tout résonne en phase avec les idées défendues dans ses c’est un grand condensé de l’ensemble de parfaitement en moi. Et puis, certains al- pages. Aujourd’hui, je ne suis absolument l’architecture bruxelloise dans ses bons et bums adorés à un moment précis ne résis- plus d’accord avec cette conception pessi- mauvais côtés. Le design de l’édifice se ré- tent pas à l’usure du temps. Mais avec ce miste des choses. Je préfère prendre le pro- vèle tout à la fois avant-gardiste, « kitschis- disque-là, c’est tout le contraire : il a par- blème dans le sens inverse. Pour s’épanouir sime » et surréaliste. Il représente bien la faitement vieilli. Dans ma vie de musicien, dans la vie, il faut accepter l’absurdité du ville. On peut y voir son sens de l’innova- c’est une œuvre essentielle. Pour enregis- quotidien et y faire entrer de la lumière : de tion ou, au choix, y déceler des traces de la trer le nouvel album de Joy, on s’est tour- l’amour, de la musique, de l’amitié... Savoir fameuse « bruxellisation ». né vers John Parish, proche de PJ Harvey, contempler la beauté des choses simples, producteur de To Bring You My Love et de c’est offert à tout le monde. Mais ce n’est pas bien d’autres disques. Ça me relie peut- facile de le faire. Aujourd’hui, ce livret est à être indirectement à mon album préféré. la fois mon meilleur ami et mon meilleur ennemi. Il me permet de faire la part des choses. Désormais, je me sens capable de prendre le contre-pied du raisonnement dé- fendu par Stig Dagerman. Certains textes du nouvel album tourneront indirectement autour de cette thématique. Dans la vie, il faut pouvoir lâcher prise. Sinon, on se radi- calise et on devient une sorte de kamikaze.

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C'était le… C'était le … le 30 octobre 1969

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