Une page de notre histoire…

L’Horlogerie sur le Plateau de Maîche et Le Russey

Le Plateau de Maîche et Le Russey, bordé d’une part par le Dessoubre et d’autre part par le , frontière franco-suisse fut l’un des berceaux du monde horloger.

Depuis le XVIIIè siècle cette région de la Franche Montagne s’affirme avec l’élevage de la Montbéliarde et du Cheval Comtois. Les paysans vivent donc des produits fromagers, des bêtes d’élevage et du bois. Ils vivent beaucoup en autarcie, produisent encore leurs céréales pour leur propre consommation, travaillent le fer (fabrication de leurs outils) et le bois y compris en artisanat (boissellerie, saboterie, pipes…) Mais les hivers sont longs et les paysans ont du mal à s’occuper pendant parfois 6 longs mois de froid et de neige.

A la révolution, le découpage administratif de la donne dans ce secteur à peu de chose près, les cantons actuels du Russey et de Maîche. Autour de ces deux pôles s’étendent quelques villages et de nombreuses fermes.

Au XIXè, l’évolution démographique assez conséquente dans ce secteur voit l’activité économique se développer : scieries, fabriques d’outils, verreries, tuileries se multiplient. Tout ceci entraîne également une amélioration du réseau routier.

Ce n’est que vers les années 1830-1840 que l’on voit apparaître de façon très régulière, l’activité horlogère dans le Haut Doubs. A cette époque, les habitants de nos deux cantons terminaient des pièces pour les usiniers suisses. Par exemple sur le secteur de , en 1840, on comptabilise 300 personnes qui travaillent à domicile pour la fabrique des Bois et de La Chaux de Fonds en Suisse.

Ainsi, durant ces longs mois d’hiver, nos paysans et leurs familles travaillent « sur la fenêtre ». En effet, leurs établis sont installés au plus près des fenêtres (peu nombreuses dans les fermes comtoises) seule véritable source de lumière. A partir de cette époque les nouvelles fermes construites comportent plus de fenêtres en façade, parfois très proches les unes des autres pour permettre le travail de précision des pièces horlogères.

Les patrons suisses sont heureux de trouver une main d’œuvre disponible, habile et peu coûteuse de l’autre côté de la frontière. Mais il existe également des maîtres horloger côté français dès le XVIIIè siècle. On en rencontre au Russey dès 1725 et à Bonnétage dès 1770.

La particularité de l’Horlogerie, réside dans le fait que les ouvriers ne sont pas groupés dans une manufacture pour donner naissance à leur produit. Une montre peut être le fruit du travail de 30 personnes isolées, toutes indépendantes les unes des autres et sans lien apparent.

Mais peu à peu dès le milieu du XIXè, on commence à réunir les ouvriers mi-paysans, mi-ouvriers en ateliers artisanaux afin qu’ils soient plus productifs et qu’ils se consacrent de façon plus régulière à l’horlogerie. Le travail à domicile continue malgré tout mais la « fabrique rurale collective » est chargée de grouper la clientèle, d’approvisionner « les ateliers domestiques » en matière première ; les ouvriers doivent livrer le produit de leur travail en temps voulu à la fabrique.

Peu à peu, une spécialisation selon les étapes de fabrication se met en place dans les fabriques. Dans le Jura Suisse, l’artisanat horloger est déjà plus concentré. Les premiers ateliers équipés de machines sont créés et les ouvriers gagnent le double de ce que gagnent le paysan horloger dans la première partie du XIXè.

L’apprentissage se développe également ; il se faisait essentiellement au foyer, puis peu à peu des écoles d’horlogerie font leur apparition ; à , elle ouvre en 1836.

La fin du XIXè est également marquée en horlogerie par l’arrivée de l’électricité qui remplace la force hydraulique et motrice dans les ateliers. En 1855, l’atelier Bourgeois de reçoit le premier l’électricité, puis cette électrification se poursuit jusqu’en 1870 date à laquelle Bonnétage est également relié au réseau électrique.

Ainsi les petites fabriques se regroupent dans les bourgs desservis en électricité ; mais le travail à domicile persiste encore. C’est une période de mutation décisive pour l’horlogerie, et à ceci s’ajoute l’arrivée du « Tacot », petit Chemin de Fer souvent contesté qui accélère l’évolution de l’économie horlogère en facilitant le transport des pièces de Morteau à Trévillers.

Le tacot à Bonnétage, vers l’atelier de Gaston Cuenin (Rue d’Helvétie). Fabricant d’assortiments à cylindre à Bonnétage, il est installé dans la ferme atelier (à droite) jusqu’en 1926, puis il fait construire une vaste maison atelier (à gauche) ; elle abrite le travail d’une trentaine d’ouvriers ; le tacot de la ligne Morteau-Trévillers passait entre les deux ateliers.

Cette période marque la fin d’une horlogerie dispersée, en petits ateliers familiaux . Le travail à domicile « sur la fenêtre » s’éteint peu à peu ; les ateliers de taille moyenne s’affirment, s’agrandissent et se concentrent. Certaines usines emploient jusqu’à 200 ouvriers et construisent des logements locatifs. Les ouvriers de leur côté se syndicalisent et revendiquent leurs droits. C’est un peu l’âge d’or de l’horlogerie avant la grande crise des années 1970-80 qui remettra tout ce bel équilibre en cause…

Bibliographie : L’échappement à cylindre (1720-1950) . Le Haut Doubs, centre mondial au XIXè siècle par Henry L.BELMONT . Ce livre a été gracieusement offert à la commune par Mme Yvonne Cuenin.