11

L'EVOLUTION DES FORMES D'OCCUPATION ET D'AMENAGEMENT DE L'ESPACE DANS LA PLAINE DELTAIQUE DE LA MEDJERDA

Ahrned KASSAB. UNIVERSITE de

Résumé : La plaine deltaïque de la Medjerda offre un bon exemple de morphogénèse en grande partie provoquée et entretenue par les hommes . Dès l' Antiquité, le fait est avéré et, si la recherche historique ne permet pas de préciser encore l'évolution au long des deux derniers millénaires, on sait la part des responsabilités coloniales dans la continuité de l'alluvionnement. Pourtant, des mesures furent prises dès la fin du XIX0 siècle pour tenter de maîtriser les divagations du fleuve et d'assurer une mise en valeur satisfaisante à cette plaine. Opérations qui se continuent encore aujourd'hui et entraînent des modifications sensibles du régime de la propriété et de l'exploitation des terres.

Abstract : The delta plain of the river Medjerda offers a good example of a man-made accumulation fan : the amount of sediments is largely a consequence of increasing erosion in the watershed, as the geological layers are generally soft. During the last century, a lot of works was made to improve lands and struggle against flooding. As a consequence, some modifications of the rural system are shown.

Mots-clés : Tunisie, Medjerda, Plaine deltaïque, Structures agraires, Gestion de l'eau.

Key-words : , Medjerda, Delta plain, Rural system, Water management.

La plaine deltaïque est la terminaison septentrionale de la Basse Vallée de la Medjerda qui s'étend depuis au Sud jusqu'à la lagune de Ghar el Melah (ex Porto-Farina) au Nord. C'est la partie de la basse vallée dont la formation est liée essentiellement aux accumulations alluviales et à l'avancée progressive du delta de la Medjerda dans la mer. C'est donc une zone de colmatage alluvial très récente caractérisée par une morphologie mouvante et des formations sédimentaires de texture généralement fine : argiles, limons, sables peu grossiers et quelques passées de graviers.

C'est un espace où l'eau sous la forme de cours d'eau, de marécages, de lagunes, de sebkas, etc ... est omniprésente. Dans un pays comme la Tunisie où l'eau est une ressource précieuse, voire rare, cette plaine apparaît comme un pays béni, un "paradis à travers lequel coule les rivières" (le Coran) ?

Mais cette eau a été, jusqu'à une époque récente, plutôt une malédiction, car l'oued Medjerda qui coule dans un lit surélevé dont la pente est très faible est sujet à de fréquents débordements souvent dévastateurs. Ces débordements sont à l'origine des marécages qui, non seulement stérilisaient des étendues considérables mais étaient des foyers de paludisme. L'homme a contribué par ses actions de défrichement et de destruction des sols dans le bassin versant de la Medjerda à accroître la charge des oueds, et de ce fait, a permis la spectaculaire extension du delta depuis l' Antiquité (le port d'Utique se trouvant aujourd'hui à une douzaine de kilomètres à l'intérieur des terres).

Cet espace où l'eau existe à profusion a été très mal maîtrisé par l'homme jusqu'à une époque récente ; dès lors la petite paysannerie y a été très souvent peu nombreuse et l'espace agricole a toujours été dominé par les grands, voire les très

Cahiers Nantais n° 44 12 grands propriétaires. Cette tendance a persisté à travers les siècles et elle est encore aujourd'hui le fait d'une partie importante de la plaine. Elle a cependant regressé depuis que de grands travaux d'aménagement furent réalisés après la deuxième guerre mondiale. Ces grands travaux ont permis une certaine maîtrise de l'eau utilisée aujourd'hui pour irriguer plusieurs milliers d'hectares.

Depuis donc des millénaires, l'homme a été un acteur essentiel aussi bien dans la génèse de la plaine deltaïque elle-même, que dans l'évolution des paysages naturels et des paysages agraires de cette plaine.

I - L'INTERVENTION DE L'HOMME DANS LA GENESE DE LA PLAINE DELTAIQUE.

1 - L'occupation romaine et l'extension de la plaine deltaïque.

La plaine deltaïque de la Medjerda au NE de la Tunisie, est la plus importante plaine du Tell inférieur tunisien, le plus grand des "bassins paraliques" de la région de Tunis. Elle s'étend d'ailleurs à proximité de la capitale au NO de celle-ci ; et les banlieues récentes se sont largement étendues sur son espace alluvial. Cette plaine résulte du comblement par les alluvions de l'oued d'une large baie dont le colmatage sur quelques cinq mille ans est encore imparfait comme en témoignent les nombreux marécages qui s'étendent encore dans la plaine. "Le terrain offre tous les traits de la morphologie deltaïque classique : chenal fluvial actuel sinueux, surelevé et gainé de levées alluviales, bras morts, méandres recoupés, cuvettes résiduelles marécageuses, lunettes ; sur la marge, cordons littoraux morts et fonctionnels, flèche à pointe libre , saillant convexe, lagunes communiquant ou non avec la mer, dunes" (1).

L'action de colmatage de l'oued a été favorisée sans doute par une phase de régression marine, mais surtout par l'abondance de la charge solide de la Medjerda et de ses affluents.

Cette charge s'est accrue considérablement à la faveur des défrichements opérés au dépens du couvert végétal du bassin-versant depuis l'époque phénicienne mais surtout à l' époque romaine.

La céréaliculture, activité tournée essentiellement vers la satisfaction des besoins de la métropole (Rome) s'est étendue, non seulement dans les plaines, mais aussi sur les versants qui bordent celle-ci , de sorte qu'au fur et à mesure que les besoins en blé de Rome s'accroissaient, les défrichements remontaient en altitude, vers les parties supérieures des versants. Les restes des innombrables fermes édifiées par les céréaliculteurs, dans des sites très accidentés du Tell, témoignent de cette frénésie de défrichements et de mise en culture de terres qui, pour la plupart , n'avaient pas de véritable vocation céréalière.

Or, toutes les études géomorphologiques(2) qui ont analysé la génèse et l'évolution du delta de la Medjerda ont souligné l'accélération considérable des processus de colmatage depuis l'époque romaine "Fondée au xe siècle av. J.C., peut­ être même avant, la ville d'Utique fut un port actif pendant toute l' Antiquité et il cessa de l'être à partir du ive siècle après J.C. Ses vestiges se trouvent aujourd'hui à 12 kilomètres à vol d'oiseau de la mer par suite de l'avancée du delta"(3).

A la faveur des défrichements, l'érosion s'est déchaînée, favorisée d'une part par les conditions du climat (pluies orageuses à forte et même très forte intensité), et d'autre part par le matériel rocheux disponible . Les couches qui affleurent dans le bassin­ versant sont en majorité des couches meubles (marnes et argiles du Crétacé, de l'Eocène, du Miocène et du Pliocène) ; les "romains" ont donc fait le "lit" de l'alluvionnement et du colmatage qui se sont poursuivis à un rythme variable pendant

Cahiers Nantais n° 44 13 la période arabe et turque, périodes qui ont vu une certaine reprise du couvert végétal, comme en témoignent les rapports des Officiers des Affaires lndigènes(4) établis dans les premières années de la pénétration française en Tunisie.

2 - L'accélération des processus d'érosion et de colmatage par la colonisation française.

Avec l'implantation de la colonisation, les défrichements des versants reprennent à un rythme effréné. Ils sont le fait des colons qui s'installent sur les terres cultivables des collines et des jebels du Tell et aussi des paysans autochtones refoulés sur les versants par la colonisation qui préféra s'installer dans les plaines. L'alluvionnement atteint alors des proportions inouïes : il se fait essentiellement au détriment des affleurements rocheux et des sols du bassin-versant.

L'oued Medjerda ne cesse alors d'exhausser son lit. Les berges de l'oued sont partout plus hautes de 2 à 3 mètres que les plaines avoisinantes. Un seul petit affluent, l'oued Gheffrou, a pu se déverser dans la Medjerda ; partout ailleurs, les eaux du bassin-versant de la plaine deltaïque ne peuvent atteindre la Medjerda. Celle-ci encombrée par son énorme charge (d'où la couleur ocre de ses eaux) décrit de nombreuses et amples sinuosités. De à la mer, la Medjerda parcourt à vol d'oiseau 50 kilomètres, mais ses méandres et ses détours sont si nombreux que les eaux doivent couler sur 80 km de longueur. Cette charge pesante est d'autant plus difficile à transporter que la pente de la plaine est faible : à l'entrée dans le delta, la cote de l'étiage du cours d'eau est à 23 mètres seulement au-dessus du niveau de la mer.

Dès lors, les débordements du cours d'eau sont fréquents ; ils sont liés le plus souvent aux crues, elles aussi, très fréquentes. On estime que tous les trois ou quatre ans le débit de la Medjerda atteint à Tebourba 800 m 3 /s (module moyen: 30 m 3/s) à partir duquel se produisent les inondations. L'oued sort de son lit mineur d'abord sur la rive gauche à 2 kilomètres en aval de Tebourba. Pour des débits plus forts ( 1000 à 12000 m3) les débordements se généralisent sur les deux rives.

Les inondations qui affectaient toute la plaine avant l'exécution des grands travaux sur le cours d'eau sont liées étroitement aux actions de défrichements évoqués ci-dessus. Le couvert végétal qui jouait le rôle de frein par rapport à l'intense ruissellement consécutif aux violents orages ne joue plus ce rôle depuis sa disparition. Il en est de même des sols qui épongaient, absorbaient une partie des énormes abats d'eau des pluies orageuses, et qui ne jouent plus ce rôle avec la disparition du couvert végétal.

Les techniques agricoles ont contribué, elles aussi, à fournir aux ruisseaux et aux rivières une quantité impressionnante de matériel rocheux ayant servi au colmatage irrégulier de la plaine. Sur les versants où subsistait encore une mince pellicule de sols grâce à l'affleurement de roches meubles (argiles, marnes, sables) la technique "traditionnelle" de labour à l'araire, à la charrue en fer ou plus récemment au tracteur, dans le sens de la pente, soit perpendiculairement aux courbes de niveau a permis de fournir aux écoulements de toutes sortes une masse énorme de débris qui sont entraînés vers la plaine. Cette "technique" perverse de labour, hersage, défonçage, etc ... orthogonalement aux isohypses a eu des effets peut-être aussi destructeurs, sur les sols et les terres agricoles, que le défrichement et a contribué à fournir à la plaine deltaïque d'énormes quantités de matériaux de colmatage. Cette technique continue d'ailleurs a être pratiquée, car elle représente une solution de facilité aussi bien pour les petits agriculteurs pourvus de charrue à traction animale que pour ceux qui peuvent se procurer soit par achat, soit par location le matériel agricole moderne. Ce matériel agricole a une action puissante d'ameublissement du sol grâce aux charrues polydisques ou polysocs qui retournent le sol à une profondeur de plus de 50 centimètres et surtout grâce aux herses traînées par les tracteurs à chenilles qui peuvent se mouvoir même sur des versants à pente forte et sur les terres les plus lourdes. Ces engins introduits dès la fin de la première guerre mondiale par les colons furent utilisés sur une grande échelle

Cahiers Nantais n° 44 14 d'abord par les céréaliculteurs européens, puis progresssivement par les agriculteurs tunisiens.

Les colons possédaient un grand nombre de fermes sur les versants des collines qui bordent au nord, à l'ouest et au sud, la plaine deltaïque, et depuis les années 20 de ce siècle, ils se mirent à utiliser systématiquement les engins agricoles de labour et de hersage .

La moyenne et la grande exploitation tunisienne s'est équipée, elle aussi, de tracteurs et d'outils puissants d'ameublissement des sols. Elles occupent des étendues considérables sur la bordure de la plaine. Elles ont contribué autant que les colons à aggraver le processus de décapage et d'accroissement de la charge des eaux courantes sur les bordures et dans la plaine.

Un autre effet pervers de l'utilisation massive des engins mécaniques modernes, c'est la suralimentation des nappes par l'ameublissement excessif du sol, technique du dry-farming, couramment appliquée entre les deux guerres dans les régions céréalières du Telles).

Certains secteurs de la plaine, inondés en permanence ou périodiquement, ne sont pas le fait de l'oued lui-même, mais plutôt de l'action humaine. "On a en effet constaté en Tunisie, depuis une trentaine d'années un grand nombre de nouvelles émergences. Avant 1885, le niveau de l'eau était extrêmement bas. Les puits romains que l'on avait déblayés étaient tous à sec, les nappes ne donnaient pas naissance aux sources. En 1885, les colons s'installent, commencent à défricher la région couverte de . broussailles. Le défrichement de la vallée se poursuit jusqu'en 1906. Au fur et à mesure le plan d'eau des puits monte. A partir de 1906, on commence à défricher les hauts de la vallée jusqu'en 1933 où il ne reste que quelques îlots de broussailles confinés aux rochers. Dès avant 1914 apparaissent des mouillères. A partir de 1918 le puits romain commence à avoir de l'eau. Après 1920, on emploie de nouvelles méthodes de cultures. Autrefois, aux récoltes de blé de juin, succèdait un repos complet de la terre pendant l'été, l'automne et l'hiver et on laissait croître l'herbe qui servait de pâture ou que l'on enfouissait dans le sol aux labours de printemps. Après 1920, certes, comme avant, l'on applique l'assolement biennal. Mais après la récolte de Juin-Juillet, on procède à de gros labours profonds. Au printemps, on croise et recroise. Puis par des façons légères, on empêche l'herbe de repousser. C'est depuis cette époque qu'apparaissent et s'étendent les mouillères en véritable fléau. Ainsi les défrichements, puis surtout l'application du dry-farming ont fait remonter le niveau des nappes ... En effet, il n'y a aucune corrélation avec la pluviométrie qui est restée la même" (6).

Comme on le verra, malgré les très importants travaux de correction des eaux dans la plaine deltaïque de la Medjerda, des remontées d'eau sont toujours possibles et l'apparition de nouvelles merjas est souvent constatée. Ce phénomène est lié, sans doute en partie, à l'inadaptation des techniques agricoles au milieu naturel de la plaine et de ses bordures en particulier. Ainsi la plaine deltaïque de la Medjerda est-elle, certes, le résultat normal de l'action de colmatage et d'alluvionnement de l'oued dans une plaine de niveau de base. Mais l'homme a contribué grandement d'une part à accroître la charge des eaux courantes et en particulier celle de Medjerda qui s'est avancée avec une rapidité spectaculaire, depuis l'époque romaine, dans la mer, et d'autre part à étendre les zones inondées périodiquement ou en permanence, dans la plaine.

Cahiers Nantais n° 44 15

II - LA PERSISTANCE DU LATIFUNDIUM A TRAVERS TOUTES LES PERIODES HISTORIQUES.

1 - Dans l' Antiquité. La plaine deltaïque proprement dite sous la menace permanente des inondations et recouverte de nombreux marécages qui étaient autant de foyers de malaria n'a guère joué le rôle de pôle d'attraction pour les communautés rurales. A l'époque romaine, c'étaient les bordures de la plaine, les collines (celle qui a fixé le village actuel de Galaet el Andalous par exemple, celle du Jebel Amar ou de Jebel Aïn El Krima) qui ont été le site privilégié des habitations et des cultures comme l'attestent les nombreux vestiges préhistoriques et antiques. Les piémonts fixaient aussi les bourgs et les fermes isolées. Mais dès cette époque les structures agraires, dans les secteurs colmatés d'amont échappant à l'inondation permanente, sont caractérisées par la juxtaposition de la petite propriété et la petite exploitation instailées sur les piémonts et pratiquant une polyculture vivière essentiellement et la grande propriété appartenant soit au souverain, soit à l'aristocratie, soit à la bourgeoisie des villes (Utique,étant à l'époque romaine la cité la plus importante) ; ces propriétaires faisaient exploiter leurs terres, de véritables latifundia, par des métayers et produisaient essentiellement des céréales dont la plus grande partie était destinée à l'Italie et plus particulièrement à Rome. "Nous sommes suffisamment renseignés sur ce système grâce à quatre grandes inscriptions qui nous ont permis de connaître l'organisation des saltus impériaux de la vallée de la Medjerda au Ile et Ille siècle : l'empereur affermait chaque année à des concessionnaires (conductores) isolés ou groupés en compagnies, qui en exploitaient directement une partie et concédaient l'autre à des métayers (Coloni) dont le statut était défini par une loi la "lex Manciana" . A ces coloni, occupants héréditaires du sol, était garanti l'usage de leur parcelle moyennant la remise du tiers de leur récolte et la prestation d'un nombre fixé de jours de corvée, ce droit d'usage était transmissible par vente et par héritage, à condition cependant que le nouveau bénéficiaire n'interrompe pas la culture pendant deux années consécutives ..."(7). Nous avons vu que l'extension démesurée de la céréaliculture sur les versants et les piémonts et les défrichements qui en sont la conséquence ont été un facteur essentiel dans la désorganisation du drainage dans les piémonts et dans la plaine deltaïque et que cette désorganisation s'est poursuivie après la chute de l'empire romain et l'occupation du pays par les arabes d'où la grande extension des marécages et l'insalubrité permanente de la plaine qui en est résulté.

2 - Latifundium généralisé aux époques moderne et contemporaine.

Nous ne disposons malheureusement pas d'informations prec1ses sur l'occupation et la mise en valeur de la plaine deltaïque pendant l'époque arabe durant laquelle on est tenté de penser que la plaine a été livrée aux éleveurs sédentaires et nomades.

L'arrivée des familles andalouses pendant le 15e et le 16e siècle et surtout au début du 17e siècle témoigne du rôle de zone refuge qu'a joué cette plaine. Les agriculteurs andalous qui avaient fui l'inquisition espagnole et se sont installés dans le Nord du pays, exclusivement, au climat humide et relativement frais ont toujours été attirés par les sites de collines ou de côtes littorales éloignés des inondations et par la proximité de l'eau des cours d'eau et des sources et celle des nappes souterraines qu'ils peuvent exploiter au moyen de puits.

Ces ressources en eau leur ont permis d'irriguer les cultures qu'ils ont contribué à développer et étendre dans toutes les régions où ils se sont installés : cultures arbustives (abricotiers , grenadiers, mûriers, figuiers, pommiers, pruniers, etc ... ) et maraichères. Ils ont fondé des villages comme Aoujda et surtout Galaet El Andalous,

Cahiers Nantais n° 44 16 construit sur une croupe entourée de tous les côtés par la plaine en grande partie amphibie.

Si l'on remonte au 18e siècle, on constate que la majeure partie des terres était aux mains "des princes de la famille beylicale ou de ceux qui vivent dans l'entourage du palais comme les hauts dignitaires de l'armée, par exemple" (8)

Il apparaît, lorsqu'on examine l'évolution historique de cette plaine deltaïque de la Medjerda, que les terres de colmatage, que celle-ci a créées, étaient à l'exclusion des deux ou trois terroirs villageois le domaine de la propriété latifundiaire appartenant aux citadins. "Nous savons par ailleurs, observe M. El Aouani(9) que les Ben Ayed étaient les propriétaires éminents de l'actuel domaine d'Utique qui n'est séparé du henchir que par le cours de la Medjerda, et d'un autre domaine, le domaine de l'oued Erramel formé, nous dit-on, de la réunion de sept henchirs et dont la superficie était évaluée à 1600-1800 méchias, soit 16 à 18000 hectares ..."

"Si nous projetons sur une carte les propriétés de type seigneurial comprises dans les limites du cheikhat actuel, nous apercevrons que celles-ci s'étendaient sur la quasi totalité des terres, et l'on comprend aisément pourquoi, en 1884, le rapport des Officiers des Affaires Indigènes notait que la plupart des habitants du village ne possèdaient rien et qu'ils étaient presque tous "khammès" de quelques riches propriétaires de Tunis. "En effet, ils occupaient et cultivaient ces domaines seigneuriaux, depuis des générations ... ". Ces vastes domaines "étaient soit laissés aux paysans qui les cultivaient et y faisaient paître leur troupeau, moyennant versement d'une redevance, soit mis en culture par l'intermédiaire de gérants (Ouagafa) employant des ouvriers". Les propriétaires éminents de ces "fiefs" n'en connaissaient même pas les limites, ni la superficie. C'étaient leurs gérants qui les représentaient sur les lieux. Le plus souvent, la totalité ou une partie plus ou moins importante du henchir était affermée à un "lezzem" pour une période de trois ans en général et celui-ci à son tour, sous-louait à des familles de fellahs les superficies qu'il détenait.

"Il apparaît clairement que le droit de propriété de ces "seigneurs fonciers" résidait surtout, en fait, dans le droit de collecter les redevances, redevances payées par des populations de paysans occupant et cultivant le sol ancestralement. On imagine facilement que dans ce régime de propriété, la terre pouvait changer de propriétaire éminent sans que cela entraîna des changements dans la situation et la vie des paysans exploitants" (10). D'immenses étendues étaient, par ailleurs, biens de main-morte, habous privés (appartenant à des familles) ou publics : terres dévolues aux mosquées, aux zaouias, aux fondations pieuses. "Le régime des habous a permis de maintenir ces domaines, pendant des siècles dans la mouvance de certaines familles"(ll) ; en particulier des familles de l'aristocratie et de la bourgeoisie de Tunis. Les techniques utilisées par les métayers qui cultivaient les terres arables de la plaine étaient jusqu'au début du 20è siècle, évidemment archaïques : labours à l'araire, moissons à la faucille, et dans les terroirs villageois, irrigation à partir de puits équipés de delous traînés par des camelidés, des bovidés, des ânes ou des mulets. L'élevage sur les immenses parcours, jouait par ailleurs, un rôle essentiel.

Les marécages, dans le secteur dit de la Mabtouha en particulier, occupaient des étenduys considérables. La malaria était à l'état endémique. La mortalité humaine était de ce fait très élevée, de sorte qu'à la veille de l'établissement du Protectorat français en Tunisie, les propriétaires citadins qui possèdaient la plus grande partie de la plaine trouvaient difficilement des khammés pour mettre en valeur leurs terres(I2).

La plaine donnait aux premiers Français qui l'abordèrent l'impression d'un grand vide.

Cahiers Nantais n° 44 17 3 - L'évolution des structures agraires pendant la période coloniale.

Le destin de cette plaine est d'être constamment sous l'emprise des grands propriétaires absentéistes, rentiers du sol plus qu' exploitants directs. Dès la fin du 19e siècle, la paupérisation des grandes familles aristocratiques de Tunis provoqua le passage de pans entiers de la plaine aux mains des usuriers israélites (13) : "De 1889 à 1911 les deux henchirs Zriba et El Atfa ... passent aux mains de banquiers israélites ... auprès desquels les hauts dignitaires de la cour ci-devant propriétaires s'étaient endettés ...La moitié du henchir El Galaa qui revenait à Mustapha Agha est vendue à un négociant israélite de Tunis ... (14).

Il n'y a guère de changement dans la nature du système d'exploitation des terres passées aux mains des usuriers israélites : c'est toujours le système de la location, tandis que les terres qui ne sont pas données en location, sont cultivées par l'intermédiaire de gérants. Une partie de ces "henchirs" acquis par les usuriers seront revendus au prix fort à des paysans villageois en parcelles de 10 à 20 hectares. A la même époque, c'est-à-dire à la fin du 19e et au début du 20e siècle, des capitalistes de nationalité française vont faire l'acquisition d'immenses étendues dans la plaine deltaïque : la Société Marseillaise de Crédit acquit 5000 hectares à , le Comte Chabanne La Palisse acheta le domaine d'Utique (2000 hectares) qui appartenait à un favori du Bey de Tunis, Ben Ayed, et qui fut mis sous séquestre par la Banque d'Algérie.

La Société Franco-africaine acquit 4000 hectares situés sur les bords de la Medjerda. Certes, une partie de ces immenses "domaines" fut, à la faveur d'une phase de spéculation effrenée -1890-1910- revendue en parcelles plus ou moins étendues. Mais la grande propriété céréalière ou d'élevage resta prédominante pendant toute la période coloniale et même après, puisque la Tunisie indépendante érigea la plus grande partie de ces propriétés coloniales (nationalisées en mai 1964) en Unités coopératives de Production ou en Agro-Combinats dont la superficie moyenne pour chacun d'eux était supérieure à 500 hectares.

Cependant, avec la main-mise de la colonisation sur une grande partie de la plaine deltaïque, les techniques de mise en valeur des terres agricoles (de vastes espaces étaient cependant encore marécageux et incultes et servaient le plus souvent comme parcours) étaient totalement nouvelles.

III - LES ACTIONS DE BONIFICATION DE LA PLAINE DELTAIQUE PENDANT LA PERIODE COLONIALE.

Dès les premières années de l'établissement du Protectorat français, de grands travaux furent entrepris par les Ingénieurs de la Direction des Travaux Publics afin d'aménager la plaine avec des techniques et des moyens de mise en valeur modernes.

1 - Les actions d'assainissement.

Une série d'actions furent décidées afin d'éliminer les inondations et protéger les terres alluviales du delta depuis l'amont, c'est-à-dire depuis la ville de Tebourbajusqu'à la mer.

Cahiers Nantais n° 44 18

AMENAGEMENTSHYDRAULIQUES DANS LA PLAINEDELTAIOUE DE LA MEDJERDA

__.___ _ 0__ 4Km

j I Digues

j- - 1 Nouveaulit ~ Débordement

~ Zonesinondables l .Carto. F.S . H. S .Tunis.

Cahiers Nantais N° 44 19 Les travaux les plus importants consistèrent en :

- l'aménagement en 1902, d'un canal de 2400 mètres de long, 4 mètres de large et 3 mètres de profondeur qui devait couper les deux méandres de l'oued Ech-Cherchara au Sud d'Utique .

- en 1903, à l'initiative de la famille du Comte Chabanne La Palisse, fut creusé un canal de 15 kilomètres pour relier la Garaat El Mabtouha sur laquelle s'étend une bonne partie du domaine d'Utique à la lagune de Ghar El Melh (Porto-Farina) afin de limiter les conséquences des grosses crues.

- l' opération la plus importante fut entreprise entre 1935 et 1939 et consista en l'aménagement d'un émissaire qui a coupé le tombolo, reliant le bourrelet éolien à la croupe de Galaet El Andleus et qui permit de diriger près de la moitié du débit de la Medjerda vers la mer - en traversant la garaat Ben Ammar - par un exutoire situé à plus de dix kilomètres au sud de l'ancienne embouchure. Cette intervention eut comme conséquence positive, en plus de la diminution des débordements, le colmatage par la méthode des "casiers" (petits bassins limités par des digues) de plusieurs centaines d'hectares qui devenaient, de ce fait, productifs.

Après la deuxième guerre mondiale, des travaux encore plus importants furent entrepris par un organisme public : l'Office de Mise en Valeur de la Vallée de la Medjerda (OMVVM) créé en 1952. Un programme d'actions globales et intégrées fut établi, comportant essentiellement des actions d'assainissement et de drainage dont l'objet principal fut l'évacuation des eaux de ruissellement qui ne trouvaient pas de débouché naturel vers la Medjerda. L'évacuation des eaux de débordement et le draînage des terres cultivables fut facilité par le creusement de canaux de différents calibres. L'assainissement fut complété par la lutte contre les inondations et contre l'érosion sur les collines, ce qui permit de réduire les apports du ruissellement, la limitation des débordements fut réalisée grâce à la coupure des méandres de Protville et de Menzel Rached. Ces travaux de rectification du lit mineur ont pu porter le débit critique de débordement de la Medjerda de 800 m3/sec à 1200 m3/sec. et réduire la fréquence des inondations dans la proportion de 10 à 1 environ.

2 - La construction des barrages à l'amont de la plaine.

L'édification des barrages avait une double finalité : régulariser le cours de la Medjerda et son affluent le plus fougueux, l'oued Mellègue ; introduire sur une grande échelle l'irrigation dans la Basse V allée. En 1954 fut inauguré le barrage du Méllègue, affluent de rive droite de la Medjerda et dont l'apport à celle-ci est de l'ordre de 150 millions de mètres cubes, soit 20% du débit total de l'oued principal. Un barrage de prise, le barrage d'El Arroussia, à 10 kilomètres en amont de Tébourba, fut en même temps construit à l'entrée de la Basse Vallée. En remontant d'une dizaine de mètres le niveau des eaux, il devait fournir un total de 15 m3/sec. dont 1 m 3 est maintenu dans le lit de la Medjerda en aval de barrage pour l'irrigation des cultures déjà existantes aux abords immédiats du fleuve et les 14 m3 restant pour l'irrigation des terres situées dans l'espace irrigable (une trentaine de milliers d'hectares) en voie d'aménagement. Un grand canal partant de la retenue d'El Arroussia achemine les eaux destinées à l'irrigation de la Basse Vallée.

3 - Les travaux de lutte contre l'érosion.

Les actions de bonification de la plaine deltaïque comprirent aussi un programme de lutte contre l'érosion (travaux de défense et de restauration des sols) qui fut entrepris dès l'achèvement des barrages (Mellègue et El Aroussia). Ce programme qui englobait toute la Basse Vallée devait concerner près de 120 000 hectares, classés en zones de première et de seconde urgence.

Cahiers Nantais n° 44 20 4 - L'introduction de l'irrigation sur une grande échelle.

Jusqu'à la seconde guerre mondiale, le but principal des Autorités du Protectorat était de maîtriser les eaux d'un oued fugace de type méditerranéen qui empêchait les gros colons européens (français essentiellement) d'exploiter régulièrement les milliers d'hectares en leur possession. Puis, après la seconde guerre mondiale, la finalité des actions de bonification était non seulement de mettre à l'abri des inondations les vastes étendues de terre vouées essentiellement à la céréaliculture et à l'élevage extensif, mais d'introduire dans la plaine des systèmes de production agricole plus intensifs grâce au développement de l'irrigation. Cette intensification devenait d'autant plus nécessaire et inéluctable que le marché de consommation du lait et des produits laitiers, des fruits et des légumes de la ville de Tunis, se développait à un rythme effréné. Dès le début des années 50, on procéda à la mise en place d'un périmètre irrigable de quelques trente mille hectares qui devait s'étendre du sud au nord de la Basse Vallée de la Medjerda, depuis Borj Ettoum jusqu'au delta.

IV - L'AMENAGEMENT ACTUEL DE LA PLAINE DELTAIQUE. La réalisation des programmes d'aménagement de la basse vallée de la Medjerda, établis par les Autorités du Protectorat, fut poursuivie par les nouvelles structures administratives de la Tunisie indépendante (mars 1957). Un Office, l'Office de la Mise en Valeur de la Vallée de la Medjerda : OMVVM, dont l'action s'étend à toute la Basse Vallée, fut créé en 1958 à cet effet.

1- Une meilleure régularisation du régime de la Medjerda.

L'active politique hydraulique menée dès les premières années de l'indépendance permit de mieux régulariser le cours de la Medjerda dans sa partie aval, grâce à la construction de plusieurs barrages sur les affluents de rive gauche (Kasseb, Bou Heurtma) et de rive droite () et surtout l'édification sur l'oued Medjerda lui-même du barrage de Sidi Salem (en amont de l'agglomération de Testeur à 79 kms de Tunis) d'une capacité de retenue de 550 millions de mètres-cubes. Les risques d'inondation de la plaine deltaïque elle-même en furent considérablement diminués, ainsi que le volume de la charge de la Medjerda qui transite par la plaine. L'avancée de la plaine deltaïque dans la mer en fut nettement ralentie (R. Paskoff 1985) : "Tels sont les avatars récents du delta de la Medjerda dont l'évolution subit de plus en plus les contrecoups des travaux d'aménagement, aux conséquences parfois inattendues, comme le montre la spectaculaire défluviation intervenue en 1973"(15).

2 - Une tendance à la réduction de la latifundium.

Depuis l'indépendance, les structures foncières ont nettement évolué vers un accroissement sensible du nombre des moyens et des petits propriétaires. Ainsi, dans le finage de la petite ville de Galaat El Andaleus, la superficie appropriée par les familles habitant l'agglomération est passée de 6915 hectares en 1962 à une dizaine de milliers d'hectares aujourd'hui ; en outre, l'effectif total des propriétaires a plus que doublé au cours de la même période. Ce n'est pas que la grande propriété et la grande exploitation aient disparu, loin de là. Les terres des grands propriétaires européens ou israëlites revendus avant la deuxième guerre ou après avec des bénéfices énormes furent en grande partie rachetées par des Tunisiens disposant de capitaux provenant de professions non agricoles, et souvent habitant la Capitale. Il en a été ainsi dans le secteur d'Utique ou de Cebalat Ben Ammar. Il y eut aussi de nombreux achats de terres par des villageois, dans leur finage ou aussi à l'extérieur, comme à Galaat El Andaleuss ou .

Cahiers Nantais n° 44 21 LESPERIMETRES IRRIGUABLES DANS LA PLAINEDELTAIOUE DELA MEDJERDA

- Coursd 'eau - - - Anciencours - Routeimportante • Agglomérations ~ Périmètresirriguables par les ~ eauxde la Medjerda ~ Périmètresirriguables par les ___._ _, 0 2__ 4Krn ~ eauxusées __ Mnihl1

l.Carto. F.S.H.S.Tunis.

Cahiers Nantais N° 44 22 Au lendemain de l'indépendance, la dissolution des Habous (1956-57) contribua à accroître sensiblement l'espace occupé par la petite propriété, puisque le décret du 7 juillet 1957 donnait aux familles paysannes qui occupaient depuis des décennies les terres habous le droit d'en devenir propriétaires, de sorte que le nombre des propriétaires étrangers à la région a diminué relativement, surtout dans les secteurs proches des agglomérations comme Galaat El Andaleuss et El Alia. A Galaat El Andaleuss, par exemple, sur les 7000 hectares du terroir de cette agglomération, 6500 hectares sont la propriété des familles y résidant. Mais, répétons-le, la concentration de la propriété reste tout de même relativement très poussée.

A Galaat El Andaleuss, les petits propriétaires (moins de 5 hectares) qui représentent près des trois-quarts de l'effectif total ne possèdent que 8% des terres, tandis que les gros propriétaires (plus de 20 hectares) qui forment 5% de l'effectif total, détiennent près de la moitié des terres agricoles. Trois propriétaires possédant chacun plus de 500 hectares ont, à eux seuls 27% des terres appropriées par les familles de Galaat El Andaleuss. L'inégalité observée au niveau de la répartition de la propriété se retrouve naturellement au niveau de l'exploitation.(16). Mais contrairement à ce qui prévalait dans le passé, le faire-valoir direct est devenu prédominant chez toutes les catégories d'exploitants. Cependant, comme dans toutes les régions du Tell, les gros exploitants pourvus d'un nombre important d'engins agricoles prennent en fermage de vastes étendues de terres ; mais la plupart d'entre eux donnent en métayage une partie de leurs terres irrigables à des familles de paysans qui pratiquent le maraîchage d'été (melons, pastèques, tomates, piments, etc ...)

3 - Une tendance encore timide vers l'intensification des systèmes de cultures.

L'évolution des structures agraires vers un accroissement du nombre des petits propriétaires et des petits exploitants n'a guère empêché le maintien, voire la prédominance très nette de la grande propriété et surtout de la grande exploitation, aspects tenaces des structures agraires du passé ; le phénomène est comparable à l'évolution des systèmes de production agricole.

L'Etat a déployé des efforts considérables pour mettre en place des infrastructures (continuation des actions plus ou moins bien réussies de drainage et d'assainissement, création de nouveaux périmètres irrigables comme celui de la Nouvelle-Utique, du Henchir Tobias, de Cebalat Ben Ammar, etc ...) et des organismes (Services de l'Office de la Mise en Valeur de la Vallée de la Medjerda) qui fournissent techniciens d'encadrement et de vulgarisation, accordent des prêts en nature sous forme de matériel agricole, de produits phytosanitaires, de semences, etc ... facilitent aux agriculteurs l'obtention de crédits bancaires, etc ... ) qui stimulent l'intensification des systèmes de production agricole.

Mais les "grandes"(17) cultures, céréales, fourrages, légumineuses, en sec, cultures traditionnelles de toutes les régions telliennes, occupent encore la majeure partie des terres agricoles. Les superficies irrigables qui ont connu, ces dernières années, une nette extension avec la mise en exécution du Programme d'aménagement des Eaux du Nord, couvrent à peine 5% des terres cultivables (une dizaine de milliers d'hectares).

Sur les terres irriguées par les eaux de la Medjerda ou par les eaux usées, l'intensification porte d'abord sur le développement de l'élevage laitier (pies-noires) dont l'essor est inéluctablement déterminé par la proximité du marché de Tunis. La région est d'ailleurs traditionnellement douée pour l'élevage bovin, et ovin naturellement. Les agriculteurs ont de tout temps cultivé en sec des fourrages et des légumineuses en association avec les céréales (blé, orge) pour éponger une partie de l'eau qui imbibe les sols de cette région aux fréquentes inondations ; l'élevage valorisait

Cahiers Nantais n° 44 23 aussi les vastes parcours périodiquement ou épisodiquement marécageux qui s'étendent par exemple, dans la plaine de la Mabtouha (18) ou la Hmadha de Galaat El Andaleuss. On continue encore aujourd'hui à cultiver beaucoup de fourrage, pour la vente surtout, et pour l'alimentation du bétail. Selon les années (plus ou moins pluvieuses) les cultures fourragères occupent 50 à 30-35% des superficies consacrées aux "grandes" cultures. Dans les nouveaux périmètres, les assolement impliquent nécessairement la présence des cultures fourragères d'hiver (vesce-avoine, bersim, etc ... ) et d'été (luzerne, sorgho, maïs) pour l'élevage bovin laitier et aussi le fumier organique indispensable sur les lotissements à vocation maraîchère.

Conclusion .

La plaine deltaïque de la Medjerda reflète parfaitement à travers ses caractères morphologiques, topographiques, hydrologiques, à travers aussi ses paysages, ses structures agraires, ses systèmes de production agricole, l'intime relation existant entre elle et l'homme depuis les temps les plus reculés de l'Histoire jusqu'à nos jours. Elle a évolué sous les contraintes qui lui ont été imposées à travers les siècles par des générations d'agriculteurs et d'éleveurs, de villageois et de citadins.

Leurs actions déprédatrices ont eu pour conséquence d'étendre aux dépens de la mer l'espace alluvial, de désorganiser le drainage, d'accroître la fréquence et l'ampleur des inondations catastrophiques ; aujourd'hui les actions réparatrices de défense et de restauration des sols, de reboisements, de travaux agricoles selon les courbes de niveau ; les grands travaux d'assainissement, de régularisation du lit mineur, de lutte contre les inondations par l'édification de barrages, tendent à arrêter la rapide avancée de la Medjerda dans la mer, à utiliser la majeure partie de l'espace alluvial pour l'agriculture et à intensifier les systèmes de production agricole par la mobilisation des ressources en eau.

Aujourd'hui il y a moins de latifundia génératrices de vide humain, et le nombre des paysans propriétaires a augmenté. Mais les traces des structures agraires du passé sont encore visibles dans le paysage et le tissu social, tandis que l'intensification des systèmes de production agricole, quoique lente, ne peut que se développer sous l'influence multiple des marchés de consommation des villes du Nord et du Nord-Est du pays, et en particulier de celui, énorme, de la ville de Tunis, toute proche.

Bibliographie.

1 - PASKOFF R. Les littoraux. Impact des aménagements sur leur évolution . Paris, Masson, 1985 p. 161.

2 - PASKOFF R. Evolution de l'embouchure de la Medjerda (Tunis) Photo-interprétation . - JAUZEIN A. Le delta de la Medjerda. In : Les agents de la morphogénèse. Travaux du Laboratoire Géologie E.N.S. Paris : 128-151. ... PIMIENTA J.. Le cycle Pliocène-Actuel dans les bassins paralique s de Tunis. Mem. Soc. Geol. France, 1959, 170 p.

3 - PASKOFF R .. Les littoraux. Impact des aménagements sur leur évolution . Paris, Masson, 1985: p 160.

4 - Archives militaires de Vincennes. Paris.

Cahiers Nantais n° 44 24 S - KASSAB A. L'évolution de la vie rurale dans les régions de la Moyenne Medjerda et de Beja-. Tunis, Publication de l'Université de Tunis, 1979, 671 p

6 - SCHOELLER H. Les eaux souterraines. Paris, Masson, 1962: 497-498 .

7 - Histoire de la Tunisie. L' Antiquité . Ouvrage collectif. Tunis. Société Tunisienne de Diffusion, 1968 : p 160.

8 - EL AOUANI M. Structure agraire dans un village côtier du NE de la Tunisie : Galaat El Andaleus . Rev. Tun. Sciences Sociales n° 3, Juin 1965.

9 - EL AOUANI M. ibid

10 - EL AOUANI M. ibid

11 - EL AOUANI M. ibid

12 - KASSAB A. op. cité.

13 - GANIAGE J. - Les origines du Protectorat Français en Tunisie.(1861-1881) . P.U.F Paris - 1959.

14 - EL AOUANI M . op. cité.

15 - PASKOFF R. op. cité p. 164.

16 - BEL HADJ M . Evolution de l'agriculture dans la région de Galaat El Andaleuss . Mémoire de Certificat d' Aptitude à la Recherche . Fac. des Sc. Hum. et Soc. 1985, ronéo

17 - BEL HADJ.- op. cité.

18 - KASSAB A. -L'agriculture tunisienne . Revue Tunisienne de Géographie n° 11-12. 1983.

Cahiers Nantais n° 44