PHALSBOURG 1917 PAR PAUL KITTEL

La très belle et très dense exposition 1917 au Centre Pompidou à est à l’origine de cet article. Phalsbourg, ou plus exactement Pfalzburg est annexée au Reich allemand depuis la défaite de 1870 et le traité de Francfort de 1871. La ville fait partie de l’« Elsaß- Lothringen », Alsace-, qui regroupe les départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin et de la et dont la capitale est . Phalsbourg est épargnée par la grande guerre, cependant deux événements intéressants ont lieu en cette année 1917, événements dont la ville conserve la trace encore de nos jours. Il s’agit de la pose sur la façade de l’Hôtel de ville de trois médaillons à la mémoire, pour deux d’entre eux du fondateur de la ville, le comte palatin George Jean de Veldenz et de la princesse Henriette de Lorraine, sœur du duc Charles IV quant au troisième. Il y aussi la tentative heureusement avortée de récupération des cloches de l’église catholique au profit de l’armée allemande en manque de matières premières pour les besoins du conflit. Ces deux événements ainsi que leurs conséquences inattendues font l’objet de cet article.

I Un personnage remarquable Un rappel sur l’histoire est ici nécessaire pour bien comprendre ce qui s’est passé en 1917. Phalsbourg est érigé à partir de 1568, selon la volonté d’un comte palatin, George(1) Jean de Veldenz qui, en 1566, acquiert par héritage du prince électeur Otton-Henri (1502- 1559) le baillage d’Einhartshausen et le comté de La Petite-Pierre. Einhartshausen est un pauvre village sur la route de à Strasbourg, au débouché du col de , sur les marches de la Lorraine. C’est à côté de ce bourg que le comte édifie sa ville nouvelle. Grâce à un prospectus appelé « Aufruf von 1568 », L’Appel de 1568, d’une douzaine de pages expédié dans tout le Westrich, pays entre la Sarre et le Rhin, où il vante les avantages octroyés aux futurs habitants, les bourgeois affluent et voilà la ville peuplée de 1200 habitants vers 1582. C’est une réussite, couronnée par la visite en 1582 du roi de Suède Jean III Vasa, frère de la princesse Anna, épouse de George Jean et fille du roi Gustave Vasa Ier. Le comte se retrouve criblé de dettes et pour ne pas tomber en faillite, il est contraint d’engager sa ville au duc de Lorraine Charles III, moyennant la somme de 400.000 florins. Phalsbourg devient ville lorraine à partir de 1590. La ville est érigée en principauté avec sa voisine et donnée à Louis de Guise favori du duc de Lorraine Henri II. Henriette de Vaudémont Lorraine épouse Louis de Guise et devient ainsi princesse de Phalsbourg et Lixheim. La princesse s’oppose à Richelieu qui occupe la Lorraine et souhaite l’intégrer au royaume de . Henriette passe vingt ans de sa vie en exil à Bruxelles, participe aux tractations qui conduiront aux traités de Westphalie et de Munster et revient à Phalsbourg vers 1653, lorsque les relations s’apaisent avec le cardinal Mazarin. La princesse décède en 1660, et en février 1661, le cardinal Mazarin signe, au nom du roi Louis XIV, le traité de Vincennes qui voit Phalsbourg passer à la France car situé sur la voie royale qui relie Metz à Strasbourg.

(1) Le comte signe Georg Hanns lorsque la lettre est en allemand et George (sans « s ») Jehan lorsque la missive est en français. Pour ce qui concerne le fondateur de Phalsbourg, on se référera au livre George Jean (1543-1591), par la grâce de Dieu, comte palatin du Rhin, duc de Bavière, comte de Veldenz et de La Petite-Pierre, éditions du Musée de Phalsbourg, 2002, imprimerie Scheuer, Drulingen.

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En 1679, Louvois, accompagné de Vauban, commissaire des fortifications, passe à Phalsbourg pour mettre en place un système de fortifications destiné à protéger la partie orientale du royaume de France. Sans hésiter Louis XIV, sur proposition de Vauban, inclut Phalsbourg dans le système de défense. Et voilà que Phalsbourg, ruinée par les malheurs de la Guerre de Trente Ans, renaît comme forteresse Vauban de 1680 à 1688. Le XVIIIe siècle se passe au son du tambour et au cliquetis des armes des troupes qui stationnent dans la forteresse. Ce siècle s’achève par la Révolution. Phalsbourg fournit nombre de soldats à cette Révolution et à l’Empire, au point que Napoléon Ier parle de « la pépinière des Braves » ! La fin de l’Empire est douloureuse pour Phalsbourg qui est par deux fois assiégée par les Alliés en route pour Paris en 1814 et 1815. Le siège de 1814 est narré par Erckmann-Chatrian dans le Blocus. Et l’on arrive ainsi à 1870, année de la guerre entre la France et la Prusse. Phalsbourg est assiégée le 9 août 1870, bombardée à quatre reprises, détruite aux deux-tiers et obligée de se rendre avec les honneurs le 12 décembre 1870. Le traité de Francfort cède l’Alsace-Moselle au Reich allemand jusqu’en 1918. Les remparts de Vauban sont démantelés pour servir de matériaux aux forts en construction autour de Strasbourg. La forteresse de Phalsbourg n’existe plus, la ville n’ayant plus aucun intérêt stratégique dans le Reich allemand. Il s’agit alors de magnifier les origines germaniques de la ville afin de mieux l’ancrer au Reich.

II L’hommage à George Jean de Veldenz(2) Le major von Loeper, commandant du 1er bataillon du 99e régiment d’infanterie stationné à Phalsbourg pense évidemment au fondateur de la ville et propose à la municipalité d’offrir à la ville deux médaillons sculptés dans le grès à mettre en place sur la façade de l’hôtel de ville représentant le revers et l’avers d’un thaler de 1583 créé dans l’atelier monétaire du comte palatin à Phalsbourg et en possession du cabinet numismatique de Munich. Le docteur Wolfram, directeur de la bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, est associé à cette opération, lui qui vient de publier dans le « Jahrbuch der Gesellschaft für lothringische Geschichte und Altertumskunde », Annuaire de la Société d’Histoire et d’Archéologie lorraine quelques articles remarquables consacrés à George Jean. L’offre est acceptée, l’entrepreneur Wolff de Saverne donne les pierres de grès, le « musketier » Bohle de Kassel reproduit fidèlement le thaler et le sculpteur Georg Helmstetter de réalise les médaillons. Un troisième médaillon, plus petit, aux armes de la princesse Henriette, armes de la Lorraine, et de son troisième mari, François de Grimaldi, est également réalisé. Le 21 août 1917, les médaillons sont en place et la nouvelle façade est solennellement inaugurée. Le discours du « Oberleutnant » Muller est tout à la gloire du fondateur, mais cite Erckmann-Chatrian et ménage habilement les susceptibilités des nostalgiques de l’époque française. On trouvera le texte original conservé aux archives du musée de Phalsbourg et sa traduction sur le site de la ville (http://www.phalsbourg.fr). Il faut dire que la plupart des « intellectuels » de Phalsbourg, docteurs, avocats, professeurs, pharmaciens, officiers, etc. ont opté pour la France et sont partis pour beaucoup à Paris où a été fondé le cercle des « Phalsbourgeois de Paris » qui attend l’heure de la « revanche » laquelle sonne le 11 novembre 1918… Certaines personnes, parmi le club des Phalsbourgeois de Paris, contestent cette

(2) Les informations contenues dans ce paragraphes résultent de documents originaux retrouvés dans les archives du musée de Phalsbourg et transcrits en allemand moderne par Monsieur Albert Kocher, professeur d’allemand retraité à Phalsbourg. Qu’il soit ici remercié. Ces documents sont inédits.

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initiative. Ainsi le 31 juillet 1926, le colonel Brissé écrit(3) : « Ainsi que nous venons de le voir... la ville de Phalsbourg actuelle est celle qui a été tracée par Vauban. Le comte palatin Georges-Jean de Veldenz, est l’auteur du nom de la ville, Phalsbourg. Il semble donc, qu’il y a lieu d’enlever de l’Hôtel de ville, les deux médaillons représentant d’un côté le comte palatin, de l’autre ses armes, qui y ont été placées sur l’initiative d’un officier allemand de la garnison et de les remplacer par deux autres médaillons, d’un côté Vauban, de l’autre les armes de Phalsbourg, avec la croix de la Légion d’honneur. Les deux médaillons retirés pourraient être conservés dans la salle d’honneur, en hommage au créateur de la première ville. C’est là, le vœu des vieux Phalsbourgeois de Paris. » Gustave Henri Schwartz, maire francophile de Phalsbourg au moment où, en 1919, le président Raymond Poincaré décerne la Légion d’honneur à la ville de Phalsbourg, fait au colonel Brissé la réponse suivante, modèle d’intelligence et de pertinence(4) : « ...il faut incontestablement concéder à Vauban le mérite d’avoir fait revivre Phalsbourg en la transformant en citadelle et toute proposition qui viserait à faire ériger un buste en son honneur serait à saluer. Cependant, l’initiative qui viserait à remplacer les médaillons de George Jean, scellés sur la façade de l’Hôtel de ville, par des médaillons similaires de Vauban, comme certains l’ont suggéré, serait un manquement au plus élémentaire devoir de reconnaissance de la ville envers son fondateur... Il serait, par ailleurs, tout à fait incompréhensible de davantage honorer Vauban, le bâtisseur de la citadelle, symbole du passé de Phalsbourg, que George Jean, le fondateur de la ville marchande et commerciale à qui ce dernier a laissé son nom, symbole du Phalsbourg à venir. » Hommage vibrant auquel on peut associer celui d’Arthur Benoît (1828-1898), remarquable historien qui a su reconnaître avant bien d’autres les mérites de George Jean de Veldenz(5) : « Ne serait-il pas juste que sa statue ou son buste décorât une des places de Phalsbourg, ville qu’il a fondée et dont il ne voulait que le bonheur et la prospérité ? La coutume de La Petite-Pierre qu’il publia et qui eut force de loi jusqu’au milieu de ce siècle (XIXe siècle) est un modèle de jurisprudence qu’on ne peut qu’admirer et qui, seule, mériterait de tirer de l’oubli le nom du prince qui a tant de motifs glorieux pour passer à la postérité. » Il n’y a pas (encore ?) de statue du fondateur, mais les médaillons sont toujours en place et renvoient au fondateur de la ville.

III Une autre initiative en faveur du fondateur Le major von Loeper, dans son enthousiasme envers le prince fondateur, propose une autre initiative à la municipalité : à savoir de changer le nom de la rue la plus commerçante de Phalsbourg, donc la rue des Marchands qui débouche sur la place d’Armes (« Paradeplatz ») à droite de l’église, en rue portant le nom du fondateur, soit « Hans Georg Straße ». Cette proposition est acceptée le 7 novembre 1916. Le décret du maire Violland certifiant le changement de nom date du 5 mars 1917 et quatre panneaux portant l’appellation « Hans Georg Straße » sont mis en place en novembre 1917. Un grain de sable est apporté par

(3) Colonel Brissé in Origines de Phalsbourg et du collège devenu École primaire supérieure Erckmann-Chatrian, bulletin 1925-26 de l’Association Amicale des Élèves et anciens Élèves de l’École primaire supérieure Erckmann-Chatrian, de l’ancienne École moyenne et de l’ancien Collège de Phalsbourg, 1926.

(4) G. H. Schwartz, Aus der Vergangenheit von Pfalzburg, Du passé de Phalsbourg, 1930, p 65.

(5) Arthur Benoît, Quelques lettres de George Jean, annuaire de la société d’Histoire et d’Archéologie lorraine, 1891, p. 31.

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« Oberlehrer » Puls, professeur et historien au « Lehrer Seminar », école normale, de Phalsbourg. Sa lettre n’est pas sans humour, en voici un extrait : « La personne nommée Hans Georg est une personne historiquement inconnue comme le serait Pierre Simon ou Adolf Gustav, etc. J’ai donc demandé au ministère impérial à Strasbourg de ne pas tolérer cette appellation et de la rectifier dans les meilleurs délais en « Georg Hans Straße ». Les dénominations actuelles sont une falsification officielle de l’histoire et un « Blamage » pour Phalsbourg. L’historien digne de ce nom contemple navré ces écriteaux en secouant tristement la tête… » L’avis correctif du ministère est donné le 13 février 1918 et la décision rectificative du conseil municipal est anticipée le 11 janvier 1918. En fait les choses en restent ainsi jusqu’à l’armistice où cette question n’est plus d’actualité. La rue des Marchands porte désormais le nom de « rue du maréchal Foch ». Pour achever cette (petite) histoire, la rue change de nom sous la période nazie de 1940 à 1944 et devient la « Hermann Goering Straße ». Curieusement, la rue de France est appelée « Hans Georg Straße », même erreur qu’en 1917 ! L’histoire se répète…

IV Un initiative malheureuse du major von Loeper Les documents retrouvés récemment aux archives du musée et concernant médaillons et appellation de rue éclairent d’un jour nouveau une circonstance relative au château de Phalsbourg. Ce château, ou ce qu’il en reste, servait de résidence au comte George Jean qui l’a transformé en demeure Renaissance avec une tour caractéristique qui permettait l’accès aux différents étages. Cette tour possédait un escalier en colimaçon en bois et la salle qui donne accès à la tour était pourvu d’une très belle clé de voûte aux armes du comte palatin. Escalier et clé de voûte ont été démontés par le major von Loeper pour être transportés dans sa demeure sur les bords de la mer baltique où ils ont sans doute été détruits lors de la dernière guerre. La tradition orale à Phalsbourg voulait que ces objets avaient été pris pour servir à la restauration du Haut-Koenigsbourg, ce qui s’est avérée une fable dont Madame Fuchs, alors conservatrice du Haut-Koenigsbourg, s’est bien gaussée. Le départ de la clé de voûte a tellement ému les Phalsbourgeois qu’ils ont exigé son remplacement par une copie fidèle, toujours en place aujourd’hui.

V Les Kaiserglocken(6), les cloches de l’Empereur. Lors de la guerre franco-prussienne de 1870, Phalsbourg subit un siège qui débute le 9 août 1870. Dès le 10 août, un premier bombardement n’atteint que légèrement l’église. Le 14 août, à la veille de la fête patronale, l’église est en effet dédiée à l’assomption de la très Sainte Vierge Marie, Émile Erckmann assiste au second bombardement dont il relate le déroulement dans L’Histoire du plébiscite : « … le bombardement commença vers sept heures d'une façon épouvantable : soixante pièces de canon sur la côte de Wéchem (Vécheim, faubourg au nord- ouest de Phalsbourg, ndlr) tiraient à la fois ! La ville répondit aussitôt, mais à sept heures et demie, une noire colonne de fumée s'élevait déjà sur Phalsbourg. Les gros canons de la place n'en répondaient qu'avec plus de rage ; les obus sifflaient, les bombes éclataient sur la côte, et les coups de tonnerre du bastion de Wilschberg (, village faubourg an nord de Phalsbourg, ndlr) roulaient dans nos échos jusqu'au fond de l'Alsace. (…)

(6) Les informations de ce qui suit proviennent de deux sources : d’une part l’article Essai sur l’histoire de la communauté catholique d’Einhartshausen-Phalsbourg de A. Schrub in Phalsbourg 1570-1970 cahier 70-71 du Pays d’Alsace, revue de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Saverne et Environs, 1970. Et d’autre part : Études campanaires mosellanes de R. S. Bour, Alsatia, Colmar, 1947.

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À dix heures je sortis, la colonne de fumée était devenue plus large, elle s'étendait vers l'hôpital et l'église ; on aurait dit un grand drapeau noir, qui se courbe de temps en temps, et puis qui se relève jusqu'au ciel. (…) Les obus des soixante pièces continuaient de monter dans les airs et de retomber dans la fumée ; les bombes et les obus de la ville roulaient derrière les batteries des Prussiens ; elles éclataient dans les champs. (…) À quatre heures et demie, la moitié de la ville était en feu ; à cinq heures, l'incendie paraissait s'étendre encore, et la tour de l'église, toute en pierres, restait debout, mais vide comme une cage : les cloches étaient fondues, les poutres et le toit brûlés ; on voyait à travers, de six kilomètres. Vers six heures, les gens du village, devant leurs maisons, les mains jointes, virent tout à coup la flamme monter jusqu'au haut de cette fumée, dans le ciel. Le canon ne tonnait plus. Un parlementaire venait de partir, pour sommer encore la place ; (…) Le parlementaire revint à la nuit, et nous apprîmes qu'on ne se rendait pas. » Strasbourg subira le même sort : la cathédrale est atteinte, l’église des Dominicains dont le chœur abritait la bibliothèque, l’Aubette où venait d’être installé le musée de peinture sont détruit par les flammes. Ces bombardements barbares étaient censés abattre le moral de la population et la réduire en état d’exiger la reddition des autorités militaires. Le calcul était faux et les populations gardèrent ces atrocités à l’esprit ; Strasbourg et Phalsbourg furent annexées au Reich, mais restèrent françaises de cœur. Après la signature de la paix et l’abandon par la République de l’Alsace-Moselle au Reich allemand, la paroisse fut rattachée au diocèse de Metz. Il fallut s’occuper de la construction d’une nouvelle église. Les troupes de l’empereur Guillaume Ier avaient détruit l’église catholique. Cette action peu glorieuse devait être réparée au mieux : les travaux commencèrent le 13 octobre 1873, la pose de la première pierre eut lieu le 1er mars 1874 et le 21 mai 1876, les offices purent recommencer dans la nouvelle église. Guillaume Ier offre 1500 kg sur les 2200 kg nécessaires pour la fonte des trois nouvelles cloches qui sortent des ateliers Hamm de Kaiserslautern. Elles sont bénites le 7 juin 1876. De ce jour, les trois cloches deviennent les « Kaiserglocken », les cloches de l’Empereur. Début du XXe siècle, Guillaume II passe plusieurs fois à Phalsbourg, et « avait été frappé par la beauté et l’harmonie de la sonnerie de l’église catholique ; il allait, disait-il en commander une semblable pour l’église protestante de Donaueschingen (Bade), résidence de son ami, le prince de Fürstenberg. » On lui attribue aussi l’exclamation que les plus belles cloches qu’il a jamais entendues sont celles de Phalsbourg ! Arrive la première guerre mondiale…

VI La grande ordonnance du 1er mars 1917 Le besoin de matériaux à usage militaire pousse l’autorité militaire allemande à des mesures très impopulaires en Alsace et peut être encore plus en Lorraine. Il s’agit, après la saisie des tuyaux d’orgues en étain, de confisquer les cloches dans tout l’empire. L’ordonnance citée en titre précise les modalités de cette réquisition. Sont concernées les cloches dont le poids est au-dessus de 20 kg, sont exclues les cloches qui servent dans les transports et celles qui ont une valeur spéciale d’un point de vue scientifique, historique ou artistique. On classe ainsi en catégorie A, les cloches à saisir immédiatement, opération qui devra être terminée le 30 juin 1917. En catégorie B, on classe les cloches considérées comme indispensable au culte, en général, la plus petite cloche de l’église, enfin en catégorie C, on groupe les cloches reconnues d’intérêt historique ou artistique par des experts nommés par les autorités ; en cas de contestation, l’affaire serait tranchée à Berlin, sans recours possible.

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On se mobilise donc à Phalsbourg pour sauver les Kaiserglocken. L’archiprêtre Amatus Zwickel, sur les conseil de R. S. Bour, directeur du grand séminaire de Metz, l’archiprêtre Zwickel donc proteste énergiquement et demande une nouvelle expertise des cloches. Un décret 1er juillet 1917 classe les cloches en catégorie C. Il était temps car le calendrier d’enlèvement des cloches établi par la sous-préfecture de Sarrebourg prévoyait le démontage et le transport des Kaiserglocken de Phalsbourg à la gare pour le 10 septembre 1917, l’opération devant être achevée au plus tard le 21 du même mois ! La guerre s’éternisant, le besoin de métal se fait pressant. Un avertissement du Kriegsamt de Metz en date du 28 août 1918 fait part à l’archiprêtre du reclassement des cloches en catégorie A. Le maire de Phalsbourg Violland et l’archiprêtre adressent un télégramme au quartier général de l’empereur. Le 19 septembre, un télégramme de Berlin annonce l’ouverture d’une enquête sur la valeur artistique des cloches et une lettre du 11 octobre 1918 confirme la création d’une commission d’enquête. Et voilà le 11 novembre et l’Armistice : les Kaiserglocken sont sauvées ! Ce ne fut, hélas, pas le cas pour nombre de leurs sœurs en terres lorraine et alsacienne. De passage à Phalsbourg, ne manquez pas l’appel des Kaiserglocken et faites un petit arrêt dans l’église néogothique ; elle mérite le détour…

1917 fut donc à Phalsbourg une année ni bonne, ni mauvaise, simplement une année de guerre. Les habitants qui n’avaient pas opté pour la France, portèrent l’uniforme des soldats du Reich et combattirent, pour la plupart, sur le front oriental où il ne risquaient pas de tirer sur des compatriotes ayant fait le choix de la France…

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