Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le vendredi 19 décembre 2014

2014, n° 22 Sommaire RDC Le « nouveau » gouvernement… page 1 Gouvernement Matata II: tout sauf un gouvernement de cohésion nationale… page 2 Victoire à la Pyrrhus ?... page 5 Commentaires à bâtons rompus sur Matata II… page 11 Les rouspétances ne font que commencer… page 14 - Des étoiles sur les hôtels, mais pas sur l’arbre de Noël… page 16 Rwanda Plainte contre l’Etat pour avoir mis à l’écart le français… page 19 Embarras aux Nations unies après le départ du général Kazura… page 20

Le « nouveau » gouvernement.

Premier Ministre ,

Vice premiers ministres Intérieur et sécurité, Evariste Boshab PTNTIC, Thomas Luhaka Emploi, travail et Prévoyance sociale, Willy Makiashi Ministres d'état, Budget, Michel Bongongo Décentralisation et affaires coutumières, Salomon Banamuhere Ministres Affaires étrangères et coopération internationale, Raymond Tshibanda (maintenu) Défense nationale et anciens combattants, Emile Ngoy Mukena Justice, Garde des sceaux et droits humains, Alexis Thambwe Mwamba Portefeuille, Louise Munga (maintenue) Relations avec le parlement, Tryphon Kin Kiey Mulumba (permuté) Communication et medias, Lambert Mende (maintenu) EPSP, initiation à la nouvelle citoyenneté, Maker Mwangu Famba (maintenu) Plan et révolution de la modernité, Olivier Kamitatu Fonction publique, Jean-Claude Kibala (maintenu) ITPR, Fridolin Kasweshi (maintenu) Finances, Henri Yav Muland Économie nationale, Modeste Bahati Lukwebo (permuté) Environnement et développement durable, Bienvenu Liyota Ndjoli Commerce, Madame Gudianga Baayokisa Industrie, Germain Kambinga Agriculture, pêche et élevage, Kabwe Mwewu Affaires foncières, Bolengetenge Balela Mines, Martin Kabwelulu (maintenu) Hydrocarbures, Crispin Atama Tabe Énergie et ressources hydrauliques, Jeannot Matadi Nenga Culture et arts, Baudouin Banza Mukalayi (maintenu) Tourisme, Elvis Mutiri Wa Bashale Santé publique, Dr Felix Kabange Numbi (maintenu) Enseignement Supérieur et universitaire, Theophile Mbemba Fundu Enseignement technique et professionnel, Jean Nengbaga Tshimbanga Aménagement du territoire, urbanisme et habitat, Omer Egwake Transport et voies de communications, Justin Kalumba Mwana Ngongo (maintenu) Recherche scientifique et technologie Daniel Madimba Kalonji Genre, famille et enfant Bijou Kat PME et classes moyennes, Bohongo Nkoyi Développement rural, Eugene Serufuli Jeunesse, sports et loisirs, Sama Lukonde Kenge

Vice ministres Intérieur, Martine Bukasa Ntumba Défense nationale, René Sibu Justice et Droits humains, Mboso Nkodia Pwanga Budget, Ernestine Nyoka Coopération internationale et intégration régionale, Franck Mwendi Malila Congolais de l'étrangers, Antoine Boyamba Okombo Énergie, Maggy Rwakabuba (permutée) Finances, Albert Mpeti Biyombo Plan, Lisette Bisangana Ngalamulume Postes et télécommunications, Enoch Sebineza

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Kinshasa : la « Primature »

Gouvernement Matata II: tout sauf un gouvernement de cohésion nationale

Par Guy De Boeck

« réalise les promesses faites à la Nation lors des concertations nationales » a-t-on pu lire ici ou là dans la presse. Rien n’est plus faux. Il y a eu une promesse, il y a 14 mois, c’est exact. Mais elle concernait un gouvernement de cohésion nationale. Le sens précis de cette expression n’est défini nulle part, mais il était question d’une ouverture en direction de l’opposition et de la société civile. Formule qui est en elle-même paradoxale, puisque, par définition, l’Opposition ce sont les partis et les hommes politiques qui ne sont pas au gouvernement et qu’on ne saurait entrer dans l’un sans quitter l’autre 1. La société civile, quant à elle, s’intéresse à l’activité politique, elle l’observe, la critique et l’interpelle en ce qu’elle touche à des domaines comme les droits de l’homme, la citoyenneté ou le civisme, elle milite même à ce propos, mais elle ne prend pas part à la compétition électorale et, donc, ne participe pas non plus au gouvernement, sous peine de ne plus être la société civile. Bref, il y avait contradiction dans les termes.

Contradiction d’autant plus forte que parler de « gouvernement de cohésion nationale » revenait à avouer que ladite cohésion était loin d’être réalisée. Appeler à la cohésion, à l’unité, c’est reconnaître que l’on est divisés ! Et la cause de cette division était bien connue : la nullité des élections de 2011. Or c’était précisément sur les résultats de fantaisie de ces élections que reposaient la composition du gouvernement auquel on invitait à participer et la légitimité du Président qui y invitait. En fait, la perspective du gouvernement de cohésion nationale, donc de portefeuilles ministériels était un attrape-nigauds destiné à attirer plus de monde aux « Concertations nationales » qui, elles-mêmes, étaient organisées de telle sorte qu’y participer impliquait par le fait même une reconnaissance de résultats électoraux fantaisistes ou inexistants. Prendre part à de telles concertations n’aurait eu de sens que si tous les participants, « majorité » et « président » compris avaient au contraire admis que depuis ces élections,

1 La loi organique portant statut de l’opposition stipule, en son article 2, que qu’on entend par opposition « un parti ou regroupement politique qui ne participe pas à l’exécutif et/ou ne soutient pas son programme d’action au niveau national, provincial, urbain, municipal ou local. »

2 toute autorité prétendue ne relevait plus que de la force, de l’intimidation, d’un coup d’état de fait dont le principal ressort consistait à progresser, comme si de rien n’était, dans les tâches qui suivent normalement une élection et à mettre le pays et le monde devant le fait accompli, qu’il fallait tout remettre à plat, en reconnaissant que les élections de novembre-décembre 2011 avaient donné des résultats qu'une personne avisée, réfléchie, d’esprit libre et critique devait considérer comme nuls, donc sans gagnant 2. La suite aurait dû être l'annulation pure et simple, des enquêtes sérieuses pour déterminer les causes et origines des irrégularités, qu’on punisse les responsables, qu’on les écarte définitivement de toute responsabilité électorale et qu’on en tire les conséquences quant aux futures élections. Il aurait dû y avoir une protestation générale des démocrates de tous les partis, car un démocrate ne saurait accepter que son candidat gagne par la fraude, la corruption et le mensonge. Au lieu de quoi, la réaction de l’opposition a été insuffisante et incohérente et l’on n’a assisté qu’à des joutes entre des élucubrations pour défendre la victoire « officielle » de JKK, et d’autres élucubrations pour défendre celle, tout aussi hypothétique, de Tshisekedi. Puisque la situation de « division nationale » concernait les résultats électoraux de novembre-décembre 2011, une concertation ou toute autre démarche – y compris la formation d’un gouvernement, s’il y avait lieu - ayant pour but de retrouver la cohésion aurait dû, évidemment, impliquer que l’on accepte la remise en question de ces résultats.

Il n’est donc pas étonnant que Matata II ne soit pas un gouvernement de cohésion nationale. Un tel gouvernement serait pratiquement impossible à former, sauf dans les conditions décrites ci-dessus, évidemment inacceptables pour les bénéficiaires des fraudes de 2011. Cependant, une promesse avait été faite et il fallait,à défaut de la tenir, au moins en avoir l’air. On a donc recouru à la formule des aubergistes malhonnête « Chat, je te baptise ‘lapin’ !» et l’on a plaqué l’étiquette « gouvernement de cohésion nationale » sur tout autre chose. Après tout, une étiquette ne demande jamais qu’à coller.

L’on avait parlé d’une « ouverture » à la société civile et à l’Opposition. La société civile est carrément absente. Quant à l’Opposition… « L’ouverture » au MLC a tout d’un débauchage – ce que l’on appelle poétiquement, en RDC du « vagabondage politique » - qui n’ose pas dire son nom. Nous savons qu’une dispute est en cours dans le parti bembiste et que les noms d’oiseaux volent dans tous les sens dans ce parti où il y a pas mal de mystère et où il semble parfois que l’on a l’exclusion plutôt facile 3. Personnellement, jusqu’à preuve du contraire, il me semble plus logique de penser que

2 Les élections de 2011 avaient été organisées, tout comme celles de 2006, en faisant voter un « corps électoral inconnu », faute de recensement préalable de la population. Ce fait à lui seul suffirait à en « plomber » gravement la crédibilité. Malumalu, principal responsable de cette absurdité d’élections sans recensement préalable de la population, a été remis à la Présidence de la CENI, ce qui promet encore de beaux jours à l’avenir ! Elles ont, par-dessus le marché, été entachées de fraudes et de manipulations à un point tel qu’elles ont donné des résultats qui, en réalité, sont encore inconnus. Les fraudes les plus importantes ayant eu lieu au niveau des centres de compilation, on ne pourrait se rapprocher de la « vérité des urnes » qu’en se référant aux PV des bureaux de vote, dernière opération publique et vérifiée par des témoins. Les chiffres de la CENI ne s’accompagnaient pas de ces PV, les chiffres publiés par l’UDPS, non plus. L’Eglise n’a jamais publié les résultats partiels constatés par ses observateurs malgré cette déclaration du Cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa : « Les résultats publiés ne sont conformes ni à la justice ni à la vérité “. On n’a donc que des résultats dont la crédibilité est nulle. Les législatives ont été dignes de la présidentielle, sinon pires. Mais la CSJ a entériné les résultats de la présidentielle et des législatives. Le temps s’est écoulé, les résultats des élections demeureront à jamais inconnus. C’est d’autant plus certain que la CENI a fait incinérer tous les documents relatifs aux élections de 2006 et 2013 en octobre 2014, soit, en ce qui concerne les plus récents, après une délai de trois ans seulement, un délai anormalement court pour ce genre d’affaires. 3 François Muamba, Olivier Kamitatu, Alexis Thambwe Mwamba, José Endundo, Antoine Ghonda, Valentin Senga, Constant Ndom Nda Ombel et autres… Combien de cadres et des militants le MLC a-t-il perdus jusqu’à

3 Thomas Luhaka, Omer Egwake et Germain Kambinga ont fait un choix purement personnel. On ne peut en tous cas dire à l’heure actuelle avec certitude que le MLC, en tant que parti, soit au gouvernement. Quant à « l’opposition républicaine » de Kengo wa Dondo elle a toujours été « un pied dedans, un pied dehors » et se voit souvent traitée de « fausse opposition »4.

Aucune élection législative n’a précédé cette entrée au gouvernement, il n’y a eu ni démission, ni vote de défiance, pas davantage de présentation d’un nouveau programme, ni de vote d’investiture. La chose est traitée en simple remaniement, le nouveau gouvernement devant s’en remettre à un accord gouvernemental qui l’a précédé. Mais il n’en est rien. Lors de la réception organisée le 11 décembre en l’honneur des ministres de la plateforme nommés au gouvernement, monsieur Mokonda Bonza, ancien proche de Mobutu et modérateur de la plateforme « opposition républicaine », écrit L’Observateur , a levé le voile sur les raisons de son entrée au gouvernement. « Mieux vaut tard que jamais , s’est-il écrié, avant de « remercier le chef de l’Etat d’avoir fait siennes les 679 résolutions des Concertations nationales ». Les résolutions des Concertations nationales qui eurent lieu en octobre 2013 n’étaient pas un programme gouvernemental. Elles ne virent pas non plus les grands partis politiques de l’opposition (L’UDPS et l’UNC) y prendre part. Aussi, en adhérant au gouvernement de « cohésion nationale, » l’Opposition républicaine s’engage à appliquer le programme gouvernemental de ceux qui étaient sensés avoir gagné les législatives de novembre 2011. Il était évidemment nécessaire de battre la grosse caisse au sujet de la présence de ministres venus de l’Opposition parce qu’il fallait accréditer l’idée que l’on avait bien affaire au gouvernement de cohésion nationale, ce qui permettait de proclamer haut et fort que « le Raïs tient ses promesses ».

En dehors de ces préoccupations purement publicitaires (mais qui peuvent être essentielles), cette entrée de l’Opposition par une très petite porte n’est pas le trait le plus distinctif pour discerner la différence entre Matata I et Matata II.

Matata I était une équipe relativement resserrée, choisie essentiellement par Matata lui-même et se voulant technocratique et efficace : on parlait alors des « jeunes technocrates surdoués ». (Jeunesse relative, mais exacte du point de vue politique : pratiquement personne n’avait joué un rôle d’une certaine importance avant l’époque de la CNS). Cumulant Primature et Finances, Matata tenait à lui seul à la fois les rênes et les cordons de la bourse. Matata II est « gonflé » de plus de ministres, parfois en démembrant des ministères auparavant détenus par une seule personne. Il se trouve à présent entouré (surveillé ? cornaqué ?) par trois vice-premiers ministres et deux ministres d’état. L’un de ceux-ci est le N° 2 du PPRD, parti dont la présence se trouve d’ailleurs globalement renforcée. D’autre part, les trois ministères-clés en matière financière : Finances, Budget, Coopération, sont tous trois entre les mains de partisans de Kengo wa Dondo, qui fait un peu figure d’éminence grise.

ce jour ? C’est la grande question qu’il faut se poser. Car, chaque vague d’exclusion contribue à fragiliser le parti en précipitant sa descente aux enfers. Faut-il croire que cela découlerait d’une absence de débat interne digne de ce nom au point que seul le point de vue du " Chairman " compte ? Qu’est-ce qui avait donc milité en faveur de la participation du MLC aux Concertations nationales à l’époque pour qu’en fin de compte l’entrée au Gouvernement de cohésion nationale devienne un sujet tabou ? C’est à croire que tous les prétextes sont bons pour justifier autant de départs qui entretiennent finalement la descente aux enfers du parti. Et tant que Bemba sera en détention, il y a à craindre que le cycle ne continue. 4 Samy Badibanga, président du groupe parlementaire UDPS et Alliés, était attendue, même si elle n’était que formelle. Cité par La Prospérité, il a déclaré le 11 décembre dernier que « l’opposition républicaine ne fait plus partie de l’opposition. »

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Victoire à la Pyrrhus ?

Il y a quatorze mois, quand on a commencé à parler du « nouveau gouvernement », c’était avant tout Augustin Matata Ponyo qui faisait figure de gibier à l’ouverture de la chasse. En effet, bien des gens avaient tendance à penser que lorsqu’on parle de « nouveau gouvernement », cela voulait dire avant tout « nouveau Premier Ministre ». A la cérémonie de clôture des Concertations nationales, JKK avait cité le Gouvernement de large cohésion comme étant l’une des recommandations qui allaient être incessamment mises en œuvre. Depuis, les pronostics vont bon train sur la composition de la nouvelle équipe gouvernementale. On parle, on spécule, on écrit tout et son contraire mais, pendant 14 mois, rien ne se passe. Le canard est toujours vivant.

Tout le monde à la soupe ! Le gouvernement Matata I a surtout été la principale victime de la gangrène qui envahit la RDC du fait que rien ne compte plus, sinon de continuer à dissimuler la nullité des élections de 2011 et de préparer un nouveau coup d’Etat pour 2016. L’affaire du « gouvernement de cohésion nationale » en fait partie. La promesse d’un « gouvernement de consensus », faite lors des Concertations nationales servait avant tout à éviter qu’y soient évoquées les élections nulles de 2011. Un gouvernement fut donc installé sous l’étiquette neutre de « technicien » pendant que l’on se livrait à la grande opération de débauchage des consciences baptisée « concertations nationales ». Le principal appât que l’on agita sous le nez d’une classe politique très vénale et habituée au « recyclage politique » fut la distribution des « bonnes places » dans un gouvernement fourre-tout baptisé « de consensus », appelé à succéder à celui de Matata Ponyo. Le but essentiel de cette mesure était d’attirer aux concertations le plus de monde possible. Pari réussi : au bout du compte, seuls l’UDPS et l’UNC ont refusé de participer. Il a suffi de crier « à table ! » pour faire accourir les convives et nous avons vu plus haut que les appétits aiguisés et les dents longues ne manquaient pas dans le paysage politique congolais. On s’est donc bousculé au portillon, avec d’autant plus d’espoir que les prévisions publiées au Congo (et même, horresco referens , au Rwanda !) allaient dans le sens d’un « gros » gouvernement, de 30 ministres ou plus. Bien entendu, celui qui est applaudi lorsqu’il sonne la cloche du déjeuner se fait évidemment siffler lorsqu’il revient pour annoncer « Il n’y en aura pas pour tout le monde ! ». Il ne faut pas oublier que le but de l’opération n’est pas de modifier un gouvernement (d’autant que Matata ne se tire pas mal d’affaires) mais bien de prolonger, après la clôture des Concertations nationales, la complicité de tous les participants dans le silence à propos de la fraude électorale de 2011 et de l’illégitimité du pouvoir qui en résulte. Tout qui caresse

5 l’espoir « d’en être », soit personnellement soit par amis ou parti interposés, ne peut que persister dans la complicité et dans le silence. Mais il est certain que le « nouveau gouvernement » décevra bien des appétits, d’autant plus que la classe politique est morcelée, inconsistante et polymorphe. Dés la publication du nouveau gouvernement, les protestations jailliront de toutes parts, d’autant plus fort que l’on cherchera à faire oublier son silence et sa complicité des mois précédents! Les causes réelles - qui, bien sûr, ne sont jamais citées – sont pourtant bien connues. Le processus de paix et les élections de 2006 ont créé le cadre de la Troisième République, mais ils n’ont pas permis à l'État congolais de renaître de ses cendres. Non seulement, l’État est resté faible, mais il a gardé sa nature fondamentalement prédatrice. Aujourd’hui encore, la fragilité structurelle de l’État congolais reste la première cause d’instabilité. L’État continue à être géré selon un mode de gouvernance clientéliste, patrimonial et prédateur : « Il s’agit d’une gouvernance qui cannibalise littéralement les fonds publics, en grande partie détournés pour alimenter les différentes clientèles des hommes au pouvoir. Il vide les institutions de leur substance en favorisant l’établissement d’un gouvernement de l’ombre, quasi privatisé, où les décisions ne se prennent pas dans les cabinets des ministres compétents mais plus souvent dans les coulisses, entre les tenants « réels » du pouvoir et les membres influents de leur clientèle respective »5. « Chaque personnalité qui occupe une place quelconque au sein du pouvoir en RDC a sa propre clientèle à satisfaire s’il veut se maintenir. Il y a une compétition dure et constante entre les différents acteurs du pouvoir. Le résultat est un pouvoir opaque (il est difficile de savoir qui prend les décisions), fragmenté, conflictuel et en constante négociation »6.

Frustrations et candidatures Tout cela donne peut-être l’impression qu’un « beau désordre est un effet de l’art », mais il y a néanmoins des règles, tout comme la pègre avait son « code d’honneur ». Les places au gouvernement se méritent… même si c’est de manière inattendue. La première pourrait s’appeler la récompense du colleur d’affiches . Ceux qui ont rapporté beaucoup de voix à la Majorité, et singulièrement beaucoup de votes à Joseph Kabila lors de la présidentielle, s’attendent à être récompensés par un portefeuille ministériel. C’est le secret de polichinelle qu’Aubin Minaku, chef de la campagne électorale du PPRD en 2011, espérait la Primature. Il a dû se contenter de présider l’Assemblée nationale. Son attitude,soit dit en passant,est d’une étrange naïveté. Pourquoi récompenserait-on des propagandistes pour une victoire électorale obtenue par la fraude ? La principale activité politique congolaise, la seule qui compte vraiment, c’est la campagne électorale permanente . C’est particulièrement vrai actuellement avec 2016 où se posera la question d’un éventuel 3° mandat de Kabila. Certains, non sans arrière-pensées, émettront des craintes au sujet des capacités de Matata-le-Technocrate à prendre la tête d’une campagne sans doute dure et mouvementée. Son adhésion au PPRD serait trop récente et on ne le trouverait « pas assez politique ». On se garde bien d’oublier que la composition de n’importe quel collectif, donc aussi d’un gouvernement, devra tenir compte de certains équilibres ethniques et régionaux . Et chacun, bien sûr, de mettre en avant la grande influence qu’il a sur son ethnie ou dans sa province… D’autre part, surtout pour des ministères impliquant de fréquents contacts avec l’extérieur, tels que la Primature, les Affaires étrangères, la Coopération ou le Commerce, le

5 Alex Bouvy, dans un rapport d’ International Alert en 2012 6 Kris BERWOUTS Bateau sans boussole. Le régime Kabila en perte de cohésion OGLA,note n° 6 Novembre 2014, page 3

6 Congo pratique le culte du carnet d’adresse . Etre sur la liste des Congolais que l’on sait – ou que l’on suppose – « appréciés par les Occidentaux », est toujours un plus. Kengo wa Dondo, entre autres, joue en virtuose de cet argument. Peser tout cela sur des balances d’apothicaire, en plus des critères habituels (expérience, études, diplômes, compétences, etc…) représente certes un gros travail et les présidents de la Chambre et du Sénat, par ailleurs aussi Coordinateurs des Concertations nationales, Kengo et Minaku, ont passé des semaines à étudier les innombrables CV des candidats qui se pressaient à leurs portes.

Matata « prend racine » Mais tout cela dura longtemps, 14 mois en tout, et Matata eut le loisir de s’enraciner dans ses fonctions. Ce qui, il faut le dire, n’a pas été simple ! Quand il est arrivé à la primature, il y a pourtant trouvé une belle pagaille : ses rendez- vous étaient monnayés par le service du protocole ; des ministres empêchaient, en arrivant en retard au Conseil, tout vrai travail gouvernemental... Menacé de mort, il a néanmoins persévéré dans la rigueur, refusant notamment le doublement de la rémunération des députés. La remise à plat du budget de l'État a permis de réduire des dépenses calamiteuses et de récupérer quelque 450 millions de dollars, désormais affectés à des investissements publics dans l'éducation, les routes et les hôpitaux. On eut bientôt le loisir de s’apercevoir que le gouvernement des « technocrates surdoués » travaillait efficacement et engrangeait des succès dans le domaine la stabilité macroéconomique et de la lutte contre la corruption qui sont ses points forts tandis que les répercussions sur la vie quotidienne restent peu visibles,ce qui est le point faible. Encore faudrait-il savoir pourquoi ! Vers la fin de 2013, déjà, plusieurs éléments indiquent que quelque chose est en train de changer en RDC. La rébellion du Mouvement du 23-Mars (M23) semble vaincue dans l'Est. La capitale, Kinshasa, est plus propre. La plupart des fonctionnaires touchent désormais la totalité de leur solde, qui leur est versée, sans retard, sur un compte bancaire. Selon les estimations, le taux d'inflation était inférieur à 1 % à la fin de 2013. Le taux de change du franc congolais par rapport au dollar est stable. L'Afrique du Sud et les bailleurs de fonds internationaux sont en passe de signer un accord pour la relance du mégaprojet hydroélectrique Inga III. Enfin, la croissance s'accélère ! Augustin Matata Ponyo Mapon, le Premier ministre, n'est pas étranger à ces améliorations. Ce qui compte, finalement, c'est qu'Augustin Matata a donné une impulsion dans la bonne direction, que tous les observateurs étrangers applaudissent. Il a agi efficacement contre les détournements en les contournant par la bancarisation. Il n’a pas agi judiciairement en réprimant ceux qui détournaient, il a simplement fait en sorte que l’argent ne passe plus entre leurs mains. Dans le domaine des télécoms, Kin Key Mulumba a fait de gros efforts pour obtenir une mise en œuvre convenable de la fibre optique mais il se heurtait aux privilèges concédés aux compagnes par des contrats conclus sous des administrations antérieures et à la mauvaise volonté des tribunaux, qui lui ont dénié le droit d’imposer des tarifs à ne pas dépasser. Dans le domaine de la consommation – car le « social des Congolais » a d’abord le visage d’une assiette de mpiodi et de manioc – Matata s’est heurté au fait que même s’il enjoint à la BCC de prêter à 2% pour que le crédit relance la consommation, les banques commerciales, elles, ne font crédit qu’à 20% et empochent les 18% de bénéfice. Et, bien sûr, encore une fois, les contraindre serait illégal. Ces limitations sont toujours dues au fait que le gouvernement n’est pas sûr d’être suivi par les autres pouvoirs. Ce qui donne à penser que ces autres pouvoirs comptent sur la bénédiction ou la protection de quelqu’un qui se trouve au-dessus du Premier Ministre. Ne cherchez pas, il n’y en a qu’un !

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Le gouvernement Matata a donc été durant 14 mois « en sursis », bien que ce gouvernement n’ait pas démissionné, ni été destitué par JKK, ni désavoué par les Chambres. Matata jouit d’un certain soutien dans l’opinion populaire car on le perçoit comme un adversaire du gaspillage et de la corruption. Par contre, en haut de l’échelle, on le verrait volontiers aller planter ses choux ailleurs, d’une part parce que l’on n’apprécie pas son hostilité aux « petites affaires entre copains », d’autre part parce que sa place serait bonne à prendre. C. Braeckman, constatait, dans un article du 19/11/2013, que Matata est « un Premier Ministre plébiscité par le bas, contesté par le haut… » Ceux que l’écrivain Yoka appelle les « en bas d’en bas » sont unanimes : « laissez encore un peu de temps au Premier Ministre Matata Mponyo pour qu’il continue à travailler…Voyez, en quelques mois, tout ce qu’il a réalisé… ». Mais «ceux d’en haut » comptent les jours, attendent avec impatience que Kabila sorte de son mutisme et annonce, enfin, la composition du « gouvernement de cohésion nationale », un vaste paquebot sur lequel tous, membres de la majorité présidentielle, opposants ralliés à la bonne cause, quelques membres de la société civile, et bien d’autres encore, espèrent trouver enfin une place au soleil. « Soleil », ici, se lit bien entendu « Entrecôte ».

Plusieurs tentatives ont été faites pour ébranler la position de Matata. Et chacun y alla de sa méthode. Puisque ses « bons résultats économiques » étaient son point fort, Kengo wa Dondo profita de son discours d’ouverture du Sénat pour les attaquer, soulignant surtout le retard du « social ». Avec des arguments curieusement semblables, Albert Yuma, de la FEC (photo) alla jusqu’à parler de « bluff ». Minaku, quant à lui, joua les écoliers rapporteurs et alla dénoncer à JKK le jeu « trop personnel » de Matata. Il fallut une réunion à Kingakati pour établir que le PM n’avait pas manqué, en parlant de ses réalisations, de passer labrose à reluire sur « l’inspiration du Chef de l’Etat », la « vision de Kabila » et la « Révolution de la Modernité » et ne faisait donc pas « sa » pub, mais celle du « Raïs ».. J’en passe, et des meilleures !

Tout cela était du pain béni pour la presse, qui ne redoutait plus les jours « creux » où les nouvelles intéressantes se font rares. Sur le « nouveau gouvernement », il y avait sans cesse à raconter une confidence, une rumeur, une « fuite », une indiscrétion, un canular… Quant à ces gens qui s’appellent « source généralement bien informé », « un proche de la Présidence tenu à la discrétion » ou « un diplomate ayant requis l’anonymat »… il faut croire qu’ils campaient littéralement dans les rédactions. Le défilé des « primaturables » et des « ministrables » était permanent. A part Matata lui-même, on cita Minaku, Mukoko Samba, Kengo wa Dondo… Peu à peu, se dégagea l’impression que ce serait Matata ou Kengo… Même si l’on peut être sceptique quant à la crédibilité des sondages d’opinion réalisés en RDC, les résultats qui ont constamment crédité Matata de plus de 50% d’avis favorables, alors qu’aucun des autres « primaturables » (Kengo, Minaku, etc…) n’atteint les 10%, reflète une certaine réalité. Comment, dès lors, se débarrasser de Matata Ponyo ?

Qui a perdu ? Qui a gagné ? Dans les dernières semaines de ces quatorze mois de suspense, une chose était devenue claire : la compétition opposait, apryès élimination des autres concurrents, Matata Ponyo et Kengo wa Dondo.

8 L’Autorité morale de l’Opposition Républicaine était notoirement le plus sérieux « challenger » de Matata. Et comme celui-ci n’a pas cédé sa place, Kengo serait donc, sur ce point, battu. Comment, dès lors, a-t-il réussi à placer un fidèle au Budget, un lieutenant aux Finances et un gendre à la Coopération internationale, de sorte que son emprise sur la politique économique sera si forte qu’il « ligotera » pratiquement Matata. Et, subsidiairement, quel sens cela a-t-il de garder Augustin à cause de ses bons résultats économiques, si c’est pour l’empêcher de faire son métier ? Kengo serait-il gâté pour avoir collaboré à la convocation et la réussite des Concertations nationales? La MP a-t-elle mal négocié les équilibres au sein du gouvernement de cohésion nationale ou a-t-elle simplement choisi de faire la part belle au leader de l’OR pour la faire passer de l’Opposition à la Majorité?

En tous cas, Léon Kengo wa Dondo tient un gros morceau. Outre la nomination des 4 éléments issus de son propre camp, il se donne la possibilité de contrôler le circuit financier du pays. Kengo a désormais la main mise sur les finances du pays. Ça lui donne son plus grand motif de joie. Soit dit en passant, parmi les nombreuses hypothèses que la presse, en 14 mois, a eu largement l’occasion d’émettre au sujet du nouveau gouvernement, avait figuré celle de Kengo à la Primature avec Matata aux finances. C’était un peu le « couplé » dans le désordre et Kengo se faisant remplacer par ses camarades de parti. Cela ressemble à la formule actuelle du gouvernement belge,avec Charles Michel pour plastronner en public et Bart De Wever tirant les ficelles en coulisses. L’Autorité morale de l’Opposition Républicaine n’a pas pu placer un de ses disciples parmi les trois vice- premiers ministres, issus du PPRD, du MLC et du PALU. Mais il passe pour l’homme le mieux servi avec quatre maroquins dont un ministère d’Etat. Bien plus, Kengo s’en tire avec trois portefeuilles clés dans le secteur des finances. Le ministre d’Etat Michel Bongongo, un de ses fidèles, prend les commandes du Budget, après sept ans de règne du PALU. Albert Mpeti, l’autre lieutenant, s’empare du vice-ministère des Finances souvent réservé au PPRD ou à l’un de ses alliés. Franc Apenela Muedi Malila, le gendre, est catapulté vice-ministre de la Coopération, en remplacement du PPRD Célestin Tunda va Kasende. Ça y est! Toutes les conditions sont réunies pour que Kabila, aussi bien que Matata, perdent la main dans le domaine financier. Si ce n’est pas une revanche de Kengo, contraint de payer USD 1 million pour rentrer au pays après la chute du Régime Mobutu, ces trois promotions en ont l’air. Il est assuré de tenir le circuit financier. Le Budget, c’est là où se fait la liquidation. Y avoir un collaborateur est une aubaine. Comme placer un proche aux Finances, là où on ordonne le paiement, et où le titulaire, le ministre, sera toujours contraint aux missions a l’étranger ou à l’intérieur du pays, entre deux avions. Le vice-ministre des Finances est donc un homme clé dans le dispositif financier. Cerise sur le gâteau, le vice- ministère de la Coopération, par où passent également des millions, ceux des partenaires et d’autres bailleurs, est également dans l’escarcelle du speaker du Sénat. Puisqu’il ne faut pas écarter l’hypothèse d’un probable nouveau dialogue, ces maroquins seraient considérés comme des avantages acquis en cas d’ éventuelles renégociations des postes.

Il faut cependant tenir compte encore d’un autre acteur, qui n’est autre que Joseph Kabila lui-même. Ce cabinet, jusque-là plutôt technocratique, redevient très politique avec l'arrivée de plusieurs chefs des principales mouvances de la Majorité présidentielle. Évariste Boshab, secrétaire général du PPRD et ancien président de l'Assemblée nationale, fait ainsi son entrée au cabinet comme numéro deux du gouvernement, à l'Intérieur. Matata se voit par ailleurs retirer la haute main sur les cordons de la bourse avec la réapparition d'un ministère des Finances dévolu à l'un des directeurs de cabinets adjoints de JKK. Les autres portefeuilles les plus importants (Affaires étrangères, Défense nationale, Justice, Communication, Mines,

9 Hydrocarbures) restent confiés à des personnes connues pour leur loyauté à M. Kabila. Le Premier Ministre Matata Ponyo représente une passerelle vers la communauté internationale et il garde la confiance du chef de l’Etat car il poursuit la modernisation du pays et laisse sans murmurer JKK s’en attribuer tout le mérite. "Il y a un renforcement très clair de l'emprise de la présidence et on limite très largement la marge de manœuvre de Matata ", note un diplomate, pour qui le gouvernement est en ordre de bataille pour préparer les prochaines échéances politiques. De ce point de vue, il y a du pain sur la planche.

Puisque l’enjeu de la lutte était la primature, et que Matata la garde, il est donc vainqueur. Reste à savoir si ce n’est pas une de ces victoires qui se payent d’un prix trop lourd et que l’on appelle « victoires à la Pyrrhus ». Matata perd beaucoup de son autonomie que ce soit par rapport à Kengo ou à « la présidence », ce qui désigne à la fois Joseph Kabila, mais aussi le PPRD, son entourage, ses conseillers… Il est probable qu’avec ces multiples verrous, il ne pourra plus vraiment faire « sa » politique. A quoi bon avoir le titre de PM si l’on en a pas les pouvoirs ? Il risque de regretter le temps où il était vraiment le maître de son gouvernement.

Une petite indication, tout de même, nous vient des médias congolais. Les ministres, à peine installés, ont fêté leur accession ou leur maintien à cette fonction par un gueuleton monstre et bien arrosé avec toute leur parentèle ; Tous, sauf un ! Augustin Matata Ponyo Mapon.

Il n’est pas rare que la victoire ait un arrière-goût amer.

RDC : En gare de Luambo

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Au bord du Tanganyika

Commentaires à bâtons rompus sur Matata II

Par rapport à Matata I, Matata II a nettement « grossi » et cette obésité semble attiser la verve des humoristes. Epinglons au passage « Gouvernement container » ou même « Gouvernement ya Beach Ngombile où il y a du monde! »

A part l’arrivée du MLC, il ne se passe rien de transcendant, pas de véritables surprises… Les fidèles des fidèles restent en place plus quelques "retours" promus … "La montagne accouche d'une souris". Un premier ministre entouré de chefs de partis, c’est là, essentiellement, le visage de Matata II. Le nouveau gouvernement voit un premier ministre secondé par presque tous les chefs des partis de la majorité. - Comme vice premier ministres, le PPRD Evariste Boshab et le PALU, Willy Makiashi. - Comme ministres, outre Modeste Bahati, Lambert Mende, Raymond Tshibanda, Tryphon Kin Kiey, il voit arriver Olivier Kamitatu et, comme gros calibres de la MP, le nouveau ministre d'état Salomon Banamuhere, Emile Ngoy Mukena, Alexis Thambwe Mwamba, Henri Yav Muland et Theophile Mbemba. Comme nous l’avions pressenti depuis un moment déjà, JKK s’en tire par un « service minimum » et une pirouette en annonçant comme « nouveau » un gouvernement simplement remanié. La nouveauté du gouvernement Matata, au nom de la cohésion nationale, est l'arrivée de membres de l'opposition qui avaient participé aux concertations nationales. Par contre, l’intention maintes fois proclamée de « s’ouvrir à la société civile » n’a pas reçu de concrétisation.

L'UFC de Leon Kengo Wa Dondo y envoie comme ministre d'état, son secrétaire exécutif, Michel Bongongo et, la surprise qui n'en est pas vraiment une, est l'entrée comme vice premier ministre du secrétaire général du MLC, Thomas Luhaka, Le porte-parole du parti de Jean-Pierre Bemba, qui déclarait récemment que lui et son parti ne participeraient pas à ce gouvernement, est le nouveau ministre de l'industrie Germain Kambinga. Pour la petite histoire, on notera le retour dans le gouvernement d'un vice ministre des congolais de l'étranger, Antoine Boyamba, un ancien de France, qu'un autre ancien de Belgique, le député honoraire Albert Mpeti, proche de Leon Kengo, devient vice ministre des finances et que c'est le beau-fils de Leon Kengo Wa Dondo, Franck Mwendi Malila, qui est le nouveau vice ministre de la coopération internationale et intégration régionale.

A l'annonce de ce gouvernement, le directeur de la presse présidentielle annonçait une "profonde restructuration de l'équipe ", on relèvera donc, qu'outre le premier ministre, y sont maintenus à leurs fonctions,

11 - Raymond Tshibanda - Louise Munga - Lambert Mende Omalanga - Maker Mwangu Famba - Jean-Claude Kibala - Fridolin Kasweshi - Martin Kabwelulu - Felix Kabange Numbi, Et Justin Kalumba Mwana Ngongo Restent au gouvernement mais sont permutés, - Tryphon Kin Kiey Mulumba - Banza Mukalayi Sungu - Modeste Bahati Lukwebo

Au niveau de l’organigramme , on remarque que cette fois il y a deux sortes de « super- ministres » : les vice-premiers et les Ministres d’état.

La multiplication des portefeuilles s’effectue essentiellement par le « dégraissage » des compétences de ministres qui, dans Matata I, cumulaient de multiples compétences. Ainsi, Lambert Mende ne garde que ses compétence de « grand communicateur » au lieu de son interminable « carte de visite » de « Ministre des Médias, chargé des Relations avec le Parlement et de l’Initiation à la Nouvelle Citoyenneté, Porte-parole du Gouvernement » (ouf !). Matata lui-même ne cumulera plus la « Primature » avec les Finances.

Daniel Mukoko Samba est le grand absent du gouvernement, " il s'en va mais n'a pas démérité, c'est le meilleur qui s'en va ", a dit à Top Congo , un membre de l'opposition qui aurait voulu le voir maintenu dans ses fonctions. Il paye certainement, non un « démérite » dans ses fonctions, mais ce que le PM a considéré, à tort ou à raison, comme ses intrigues « carriéristes ». Tryphon Kin Kiey paye des performances assez médiocres, voire parfois ridicules, dans le domaine des NTIC et de la téléphonie (circonstances atténuantes : il avait affaire à très forte partie : les multinationales des télécommunications et de l’électronique, c’est du lourd !) mais évite le licenciement « sec » en se voyant refiler les rapports avec le Parlement. Il n’est pas interdit de penser que ce maintien récompense sa campagne « Kabila Désir ». Ailleurs, sur « l’Internet Congolais » et sous le titre " Kabila désir a accouché d'une souris ", on brocarde Tryphon Kin-Kiey Mulumba qui voit son importance sévèrement diminuée. « Pauvre Tryphon ! Vous aviez voulu péter plus haut que Josué, voilà le résultat. Des PTTNTIC, vous voilà dans un ministère "virtuel". Mende doit être en train de rire sous cape. Que direz-vous aux gens de Masimbanimba ? Bon, après tout vous êtes conscient que vous avez plus profiter de la république qu'elle n'a gagné de vous. Continuez la danse du ventre, ça finira par payer ».

L'ouverture politique n'est que de façade : les quelques opposants débauchés par le pouvoir collaborent dans les faits depuis un certain temps déjà avec la majorité, ou ont déjà été exclus de leur parti. Les trois nouveaux ministres issus du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) en ont été chassés par son bureau politique dans l'après-midi. Faisant front commun, les groupes parlementaires UDPS, MLC et UNC ont signé lundi une déclaration déplorant " l'absence manifeste de volonté politique d'aller aux élections " que traduisent selon eux, entre autres, le " blocage des ressources budgétaires prévues [...] pour les élections ".

12 Les autres « opposants » sont des partisans de Kengo wa Dondo, qui a toujours eu une position « un pied dans l’Opposition, l’autre dans la Majorité ». On l’a longtemps perçu comme « challenger » de Matata pour la Primature et ses critiques contre les résultats économiques de Matata présentaient une curieuse ressemblance avec celles d’Albert Yuma, de la FEC. Pour les milieux d'affaires, la longue période d'incertitude ayant précédé l'annonce du nouveau cabinet a cruellement entravé l'action gouvernementale. Selon un consultant international, "les gros investisseurs étrangers" mais aussi "l'ensemble du secteur privé" dans le pays sont désormais "dans l'attente d'une réelle amélioration de l'environnement des affaires". De même source, on note que le secteur minier en particulier, moteur de la croissance, "attend des réponses claires et des décisions concrètes permettant un meilleur approvisionnement en énergie au Katanga" afin de pallier le déficit d'électricité qui entrave son activité.

Honneur aux Dames Le gouvernement dit de cohésion nationale, publié dimanche 7 décembre, comprend 47 membres dont 7 femmes, soit environ 15% de sa composition. Parmi ces femmes, on compte trois ministres et quatre vice-ministres. On ne peut vraiment pas dire que la problématique du genre fasse une percée importante ! Parmi les sept femmes, deux étaient déjà membres du précédent gouvernement : Louise Munga et Maguy Rwakabuba.

1. A 66 ans, Louise Munga a été reconduite au ministère du portefeuille. Avant de rejoindre le gouvernement Matata I en 2007, elle a été tour à tour conseillère principale du président Kabila et ministre des Postes et télécommunications. Native de Fizi, dans la province du sud Kivu, Louise Munga est membre du PPRD. 2. Maguy Rwakabuba était vice-ministre à l’enseignement primaire, secondaire et professionnelle (EPSP) sous Matata I. Elle est actuellement vice-ministre de l’Energie. Membre du parti UDCN, Maguy Rwakabuba est originaire du Nord-Kivu. 3. Parmi les nouvelles venues, il y a notamment Mme Gudianga Bayokisa. Juriste de formation, elle est nommée à la tête du ministère du Commerce. Elle est avocate au barreau de Matadi, dans le Bas Congo. 4. Une autre femme est portée à la tête du ministère du Genre, Famille et enfant : Bijou Kat. Elle est originaire du territoire de Sakanya, dans la province du Katanga. Elle est membre de l’Unafec.

Les trois autres femmes du gouvernement sont vice-ministres :

1. Martine Bukasa, originaire du Kasai-Oriental, est vice-ministre de l’Intérieur. Elle a rallié l’ADR quand l’UNC, son parti, l’a désavouée il y a environ une année pour participation aux concertations nationales sans autorisation ;

2. Lisette Bisangana, vice-ministre du Plan ;

3. Ernestine Nyoka, nouvelle vice-ministre du Budget. Juriste originaire de Kazumba, au Kasaï-Occidental, elle est membre du PPRD et avocate au barreau de Kinshasa Gombe.

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Les rouspétances ne font que commencer.

Un certain nombre de « dosages », où se manifeste à l’ordinaire la finesse complexe d’équilibres subtils, semblent avoir été traités passablement « par-dessous la jambe ». C’était bien la peine de prendre 14 mois pour aboutir à un travail bâclé ! Je l’ai déjà dit : en ce qui concerne la parité des genres, on est encore loin du compte. Toutefois, il s’agit-là d’une « injustice ordinaire » qui se manifeste si régulièrement qu’on ne la remarque presque plus.

Mais il en va de même, et c’est plus étonnant, entre les partis de la MP et, chose bien plus dangereuse, sur le terrain délicat de l’ethnico-régional. Or,celui-ci est d’autant plus sensible ces temps-ci que l’on va mettre prochainement en vigueur au moins en partie, la décentralisation vers de nouvelles provinces plus petites. On n’a pas fini d’entendre rouspéter !

En voici quelques exemples. Les articles de journaux sont tous tirés de la presse parue entre le 8 et le 13 décembre.

AfricaNews annonce « Las d’avoir reçu une maigre portion : Bahati en rébellion contre Kabila ». Pour lui, le patron de l’Afdc, Modeste Bahati, crie à l’injustice et à l’humiliation, insinuant que les postes ministériels qui devaient revenir à son parti ont été attribués à d’autres personnes. Par ailleurs, Bahati ne se contente pas du ministère de l’Economie nationale dépouillé du secteur Commerce.

Le Potentiel titre « Cohésion nationale : les partis et provinces qui comptent . D’après ce journal, en lieu et place de la cohésion nationale tant attendue, le gouvernement Matata II a jeté le doute sur l’objectif que s’étaient fixés en 2013 les délégués aux concertations nationales. Dans le fond, s’explique-t-il, ce gouvernement a créé plus de frustrations qu’il en a résolues. Des partis et des provinces se retrouvent totalement marginalisés. Un recadrage s’impose pour dissiper tout malentendu sur une certaine notion

14 qui se développe autour des provinces et partis politiques qui compteraient plus que les autres. Du point de vue géopolitique, le gouvernement Matata II est donné pour avoir privilégié quatre provinces : le Katanga, le Bandundu, l’Equateur et la Province Orientale. Le Maniema, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et les deux Kasaï se contentent des portions congrues, ajoute ce journal. « A voir de plus près, le gouvernement Matata II est en déphasage avec la recherche de la cohésion nationale », confie au quotidien un acteur politique. Le Potentiel note que les critiques à l’égard de cette nouvelle équipe portent également sur la répartition des postes. Pour certains critiques, mentionne le quotidien, le gouvernement de cohésion nationale est resté celui de la Majorité présidentielle, laquelle aligne le plus de représentants, au grand dam de l’opposition.

Dans deux articles du Phare ,on assiste à la poursuite des doléances régionales exprimant les frustrations subies devant la composition du gouvernement Matata II. Le premier est « UDA pour la reforme de la gouvernance en RDC » Cet article dit : « Créée en 1962 par André Guillaume Lubaya, L’Union Démocratique Africaine originelle (UDA) vient de relancer ses activités. Au cours de son séminaire idéologique organisé à l’intention de ses militants le samedi 13 décembre 2014 à l’hôtel Oasis, dans la commune de Kinshasa, son président a prôné une réforme de la gouvernance, qui place l’homme au centre de l’action politique et qui s’inscrit dans une vision dynamique. Le professeur Bijimine a dénoncé la détérioration de la situation sociale de la population congolaise aggravée par l’insécurité dans différentes provinces du pays, plus particulièrement à l’Est et au Sud-Est, avec son lot des violations des droits de l’homme, des pillages des ressources naturelles. Sur le plan économique, le président de l’UDA a fait le triste constat que la RDC ne bénéficie d’aucun projet viable pouvant le propulser sur la voie du progrès, causant ainsi l’inexistence d’investissements pouvant engendre des emplois pour les jeunes. La faillite ou le disfonctionnement des entreprises du portefeuille, la corruption qui gangrène l’appareil de l’Etat, les détournements des deniers publics, la violation à répétition de la Constitution et des lois de la République, sont selon le précité des indices révélateurs de la précarité de la vie que connaît le peuple congolais. Le professeur Bijimine a déploré le fait que dans toutes les provinces de la RDC, la situation est toujours préoccupante, caractérisée par la misère du peuple congolais, la fuite de cerveaux et l’exil des nombreux compatriotes à la recherche du mieux-être au prix des humiliations sans nombre comme les dernières expulsions de Brazzaville. Pour l’UDA originelle, cet état des choses est le produit de la mauvaise gouvernance, fruit de la médiocrité de la classe congolaise qui est corrompue, divisée constamment et au service des intérêts égoïstes. près avoir dressé ce tableau sombre, le président de l’UDA a fait remarquer que les partis politiques censés jouer le rôle de locomotive et de l’éveil des consciences de la population actuelle ont failli à leur mission. Face à la situation politique actuelle, marquée principalement par des tentatives de révision des articles verrouillés de la Constitution, les héritiers d’André Guillaume Lubaya sont convaincus que seul l’engagement politique des citoyens et l’attachement aux valeurs démocratiques pourraient sauver la République ».

D’autre part une « Déclaration de la Communauté Iturienne de Kinshasa (C.I.K) après la publication du Gouvernement Matata II », celle-ci déclare qu’après avoir analysé la composition de cette équipe gouvernementale, la C.I.K, plateforme regroupant l’ensemble des associations culturelles de l’Ituri installées à Kinshasa, constate, avec amertume, la marginalisation de l’Ituri dans ce gouvernement présenté pourtant comme celui de cohésion

15 nationale. Aucun ressortissant de l’Ituri ne figure dans cette équipe gouvernementale dont l’effectif a pourtant augmenté, passant de 36 à 47 membres. Il en est de même du Portefeuille, où l’Ituri n’aligne aucun mandataire public sur plus d’une cinquantaine d’entreprises publiques et de la diplomatie où aucun ressortissant de notre district n’exerce comme ambassadeur. Pourtant, des cadres compétents et de grande valeur existent, et en nombre suffisant, dans notre entité. La CIK rappelle, à ce sujet, que pour la présente législature, l’Ituri a envoyé 26 députés, l’un des plus gros contingent de la République par district, dont 24 sont étiquetés de la Majorité présidentielle. C’est le double de l’effectif de la province du Maniema (13 sièges) grassement servie dans ce gouvernement avec 4 ministères, en plus de la Primature. Elle déplore aussi le manque d’équité dans la composition de ce nouveau gouvernement. L’analyse montre, en effet, que trois provinces sur onze (le Katanga : 9, le Bandundu : 8 et le Maniema : 5) se sont taillées non seulement la part du lion (46% des postes ministériels) mais aussi contrôlent l’essentiel des postes juteux et stratégiques du gouvernement. La CIK estime que ce gouvernement, déséquilibré et non équitable, n’a pas tenu compte des dispositions de l’article 90, alinéa 3 de la Constitution qui stipule que « la composition du gouvernement tient compte de la représentation nationale ». Nos populations, qui ne se reconnaissent nullement en ce gouvernement, en appellent donc à la sagesse du Président de la République, garant de la nation, pour corriger cette injustice mal ressentie par l’Ituri. S’agissant de la question du découpage territorial en cours d’examen au Parlement, la C.I.K se réjouit que ce dossier, une des principales revendications de l’Ituri depuis la 2ème République, à la Conférence nationale souveraine et au Dialogue inter congolais de Sun City va, enfin, connaitre son dénouement avec la création prochaine de la province de l’Ituri. Réunissant toutes les conditions de viabilité exigées par la loi, l’Ituri est prête à être érigée en province. La C.I.K exhorte le Parlement à se conformer à la constitution et à accélérer le vote des lois relatives au découpage territorial.

Le cas du Bas-Congo, qui est sous représenté avec deux vice-ministres, illustres inconnus chez les Ne Kongo, a été épinglé comparativement aux autres provinces qui ont au minimum deux ministres titulaires et 1 vice-ministre. Le deuxième élément avancé est » l’absence curieuse de la société civile dans ce gouvernement pendant que l’engagement a été pris d’y incorporer les forces vives .

Kinshasa - Des étoiles sur les hôtels, mais pas sur l’arbre de Noël

GHK - La façade de verre et d'acier, côté rue, redessinée par Axcess-Congo. © DR

Avec ses 190 chambres, dont 24 suites, et sa table gastronomique, le Grand Hôtel, mythique établissement kinois, retrouve son lustre d'antan... Design et high-tech en plus.

16 Une légende de grand luxe C'est un établissement de légende qui va rouvrir officiellement ses portes, le 15 janvier, à La Gombe. Rénové de fond en comble, le Grand Hôtel de Kinshasa sera rebaptisé pour l'occasion Pullman Kinshasa Grand Hôtel - ou Pullman Grand Hôtel Kinshasa, le choix n'est pas encore fait -, du nom de l'enseigne haut de gamme du groupe Accor. Objectif : rendre à l'établissement cinq étoiles son luxe d'antan, le design et le high-tech en plus. Inauguré en 1971, le premier palace du pays a connu son heure de gloire sous les couleurs de l'InterContinental, avant d'être défraîchi par les ans. En 2011, il a été repris par la Société des grands hôtels du Congo, détenue à parts égales par l'État congolais et le holding luxembourgeois African Hospitality (filiale d'African Equities, propriété de Philippe de Moerloose, le patron du consortium belge SDA-SDAI, spécialisé dans la distribution de véhicules et d'équipements sur le continent). Les deux partenaires ont investi 28 millions de dollars (environ 22,5 millions d'euros) dans les travaux de rénovation, qui ont débuté à la mi-2012. La gestion de l'établissement a été confiée au groupe français Accor, qui conforte ainsi sa présence sur le créneau haut de gamme en Afrique centrale et en Afrique de l'Est - ces derniers mois, il a signé deux autres contrats de gestion d'hôtels sous l'enseigne Pullman, à Nairobi et à Addis-Abeba.

Bar lounge Pour le moment, seule la rénovation de l'aile principale du bâtiment, inaugurée début octobre, est entièrement achevée. Sous la houlette du cabinet d'architecture kinois Axcess- Congo (AXS-CD, filiale de Pygma Group), les 190 chambres, dont 24 suites, ont été remises au goût du jour, avec toutes les prestations et le confort qu'exige aujourd'hui la clientèle d'affaires internationale, "coeur de cible" des promoteurs du projet. L'établissement dispose désormais d'une cuisine ultramoderne, d'une capacité de 2 000 couverts par jour, qui alimente un restaurant gastronomique, une brasserie et un bar lounge surplombant la ville depuis le neuvième étage. La livraison des nouvelles salles de conférences est annoncée pour le courant de 2015. African Hospitality est également propriétaire, avec le groupe britannique Lonrho, d'une autre adresse légendaire de l'hôtellerie congolaise : le Grand Karavia de Lubumbashi. La gestion de cet établissement cinq étoiles de quelque 200 chambres, entièrement rénové en 2010, pourrait également être confiée au groupe Accor.

A une semaine de la Noël, Kinshasa toujours dans le noir Il suffit de circuler dans la ville de Kinshasa, la nuit, pour constater que la Société nationale d’électricité (Snel) a un sérieux problème de desserte de son produit à ses abonnés de la capitale de la République démocratique du Congo. Toutes les communes, sauf celle de la Gombe et une partie de Ngaliema, sont soumises au régime de délestage, sans oublier des coupures intempestives et autres pannes dues au manque d’entretien des cabines. Les mieux servies ont quatre jours d’électricité par semaine, tandis que d’autres n’en bénéficient que pendant trois ou deux jours sur sept. Au même moment, il existe plusieurs quartiers plongés dans le noir depuis des mois, voire des années. Certains Kinois affirment n’avoir jamais vu, à la télévision, le chef de l’Etat Joseph Kabila depuis sa réélection en 2011. Cela veut dire qu’en 2015, ils totaliseront quatre ans d’obscurité.

Et là, on est bien en pleine capitale de la République démocratique du Congo où le chantier » Eau et Electricité » était retenu dans le programme de Kabila pour son mandat de 2006 à 2011.

17 Appareils électroménagers sans importance

Dans pareils quartiers, les appareils électroménagers n’ont aucune importance. Mêmes des réchauds moisissent et finissent dans des poubelles, si pas vendus aux mitrailles à vil prix. C’est dans ce genre d’environnement que les bandits opèrent en toute quiétude, créant ainsi l’insécurité chez les paisibles citoyens. Viols, vols, extorsions, braquages, assassinats… sont régulièrement signalés dans ces coins de la capitale. Curieusement, la Snel envoie, ces derniers temps, des messages à ses abonnés par voie téléphonique, leur demandant d’utiliser l’énergie électrique de manière responsable pour éviter des consommations inutiles. Pourtant, cette énergie n’est jamais au rendez-vous. Ces textos sont en effet considérés comme de la provocation purement et simplement, et d’aucuns s’en moquent.

A Yolo-Sud et une partie de Yolo-Nord, comme dans d’autres quartiers de Kinshasa, c’est de minuit à six heures que les maisons sont éclairées. Les plus courageux se lèvent à ces heures tardives, sacrifiant leurs sommeils, pour profiter de repasser leurs habits, suivre les dernières informations télévisées et chauffer la nourriture. Le même constat est fait à Ngiri-Ngiri, Lemba, Ngaba, Kasa-Vubu, Limete, Matete, Bumbu, Selembao. A Kingasani, Masina, Kimbanseke, la situation est pire. On comprend dès lors pourquoi l’insécurité est grandissante dans cette partie de la ville.

A Kauka, un de nombreux quartiers de la commune de Kalamu, comme dans quelques coins de Barumbu et Kinshasa, les habitants de ces contrées connaissent plus de dix coupures d’électricité par jour, sans compter les jours officiellement retenus par la Snel pour le délestage et autres coupures imprévues. De passage à la place Victoire, les étrangers sont impressionnés par des vrombissements de groupes électrogènes qui alimentent des magasins et autres bureautiques. Les oreilles des passants bouchées, l’environnement devient bruyant. En plus, il y a de cela un mois, un haut cadre de cette société d’électricité est passé sur la télévision nationale pour dire aux Kinois qu’ils observeront quelques désagréments dus aux travaux, de manière à les permettre de mieux fêter la nativité et la nouvelle année. L’opinion se demande si les concernés ont suivi ce message, car ils manquent déjà du courant électrique depuis des jours, des mois, voire des années. Mais en tout état de cause, malgré cette belle promesse, elle ne sera pas tenue comme d’habitude. Un abonné a d’ailleurs mis sa main à couper, si la Snel respectait sa parole.

Des Kinois désinformés Une de plus grandes conséquences de ce désagrément est que les Kinois, dans leur majorité, ne sont pas informés. C’est dans la rue qu’ils apprennent l’évolution de la situation socio-politico-économique de la République démocratique du Congo. Ils sont prêts à gober les rumeurs les plus ridicules qui circulent dans la ville, et celles bombardées dans les réseaux sociaux. Imaginez que plusieurs d’entre eux n’ont pas pu suivre l’adresse du chef de l’Etat du 15 décembre dernier sur l’état de la nation. Tenez ! Pour d’aucuns, Moïse Katumbi est déjà décédé, Jean-Pierre Bemba a quitté la Cour Pénale Internationale, la Constitution est déjà révisée, Matata I poursuit toujours son bonhomme de chemin, Thomas Luhaka porte toujours sa casquette de SG du Mouvement de Libération du Congo, Koyagialo est encore en Afrique du Sud pour des soins.

18 Rwanda

Plainte contre l’Etat pour avoir mis à l’écart le français

Vue générale de Kigali, la capitale du Rwanda, en septembre 2013. FP PHOTO/Tony KARUMBA

Le Parti démocratique vert rwandais, un parti d’opposition, a intenté une action contre l’Etat auprès de la Cour suprême pour non respect de la Constitution, et notamment de l’article 5 concernant les langues officielles du pays. Pour la formation politique, une mise de côté du français au profit de l’anglais pénaliserait une partie de la population.

Nouveaux billets de banque exclusivement en kinyarwanda et en anglais, documents administratifs non traduits en français. Selon Frank Habineza, le président du Parti démocratique vert rwandais, la langue de Molière tend à disparaître du quotidien des Rwandais, et est de moins en moins utilisée par les institutions étatiques, qui lui préfèrent souvent l’anglais. Pour lui, cela est inconstitutionnel : « La Constitution dit que le Rwanda a trois langues officielles : le kinyarwanda, le français et l’anglais. Mais actuellement, la langue française est mise de côté. Nous avons beaucoup de gens au Rwanda qui ont eu une éducation en français, et donc ils ne peuvent pas jouir des mêmes droits que les autres citoyens. Donc, nous avons déposé un dossier à la Cour suprême pour qu’elle demande aux institutions de l’Etat de respecter la Constitution. » Plus globalement, Frank Habineza estime que de nombreux Rwandais sont exclus du marché du travail à cause de leur mauvaise maîtrise de l’anglais. Et pour lui, ce problème linguistique a un impact sur le processus de réconciliation : « Lorsque les gens se plaignent et ne peuvent pas avoir du travail, ils se sentent comme des citoyens de seconde zone. Et donc, on ne peut pas se réconcilier correctement. Une fois que ce problème sera résolu, nous pourrons vraiment achever notre processus de réconciliation. » Il revient maintenant à la Cour suprême de juger de la recevabilité de ce recours.

19 Embarras aux Nations unies après le départ du général Kazura

Général Jean-Bosco Kazura. Il commande les Casques bleus présents au Mali, interviewé par RFI, le mercredi 3 septembre 2014.David Baché / RFI Le contrat du général rwandais, Jean Bosco Kazura, qui a dirigé les troupes de la Minusma, au Mali, pendant un an et demi, n’a pas été renouvelé. Son travail avait pourtant encore été salué, cette semaine sur RFI, par Hervé Ladsous, le patron des opérations de maintien de la paix. En décembre 2013, la journaliste canadienne, Judi Rever, l’avait accusé de crimes de guerre au Rwanda, en 1994, alors qu’il était officier supérieur de l’Armée patriotique rwandaise (APR) du président Paul Kagame. Jusqu’à présent, les Nations unies avaient gardé le silence sur ces allégations mais depuis le départ du général Kazura, les langues se délient. Le département des opérations de maintien de la paix déclare avoir multiplié les échanges sur le sujet. « Le départ du général Kazura n’a rien à voir avec les allégations de la journaliste canadienne », assure le département des opérations de maintien de la paix. Le contrat du force commander de la Minusma n’a simplement pas été renouvelé. Cependant, pour vérifier les accusations contenues dans l’article de Judi Rever, New York dit officiellement, aujourd’hui, avoir consulté - entre autres - le Haut commissariat aux droits de l’homme et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Aucune de ces deux organisations ne se serait formellement opposée à la nomination ou au maintien du général Kazura à la tête de troupes onusiennes.

Ce n’est pas pourtant pas ce que dit le Haut commissariat aux droits de l’homme. Ce dernier affirme avoir fait part de ses inquiétudes, à deux reprises, en 2013, avant même la nomination du général Kazura. Ces réticences étaient liées à des allégations d’exploitation illégale des ressources naturelles au Congo et à des violations des droits de l’homme qui y sont associées. Sans plus de précisions. Le département des opérations de maintien de la paix aurait donc passé outre. En revanche, le Haut commissariat explique qu’il n’a pas été en mesure - sur la base de ses archives propres - de confirmer les accusations de la journaliste canadienne. A noter que ni Judi Rever, ni aucun de ses témoins n’ont jamais été contactés par l’ONU.

20 Le Haut commissariat aux droits de l’homme a été créé en 1993 et n’était qu’une toute jeune organisation en 1994. La journaliste canadienne avait donc recommandé au département des opérations de maintien de la paix de consulter le TPIR. Ce tribunal onusien avait pour mandat de juger les crimes de génocide mais aussi les crimes de guerre, commis en 1994, et notamment ceux dont était soupçonné l’APR du président rwandais, Paul Kagame. Le TPIR ferme ses portes cette année sans jamais avoir respecté la seconde partie de son mandat.

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