entre seine et plateau deux villes se profilent patrimoine des petites communes amfreville-la-mivoie et belbeuf 7 Orianne Boizard

Entre Seine et plateau, deux villes se profilent Amfreville-la-Mivoie et Belbeuf

Orianne Boizard

La CREA 3

Chère Madame, Cher Monsieur,

Poursuivant la découverte du patrimoine historique et culturel de notre agglomération, nous vous emmenons maintenant à l’orée de , dans les communes périurbaines et rurales d’Amfreville-la-Mivoie et de Belbeuf. Enserrées entre la Seine et le plateau, ces deux villes attirent dans la vallée toujours plus d’entreprises et d’habitants, qui viennent profiter d’un environnement particulièrement agréable. Ce livret, nous l’espérons, vous permettra de mieux connaître des sites originaux aux histoires remarquables et de nombreuses personnalités, aujourd’hui parfois oubliées.

Chaleureusement à vous,

Laurent Fabius Christophe Bouillon Nelly Tocqueville Président de la Vice-Président chargé de Vice-Présidente chargée CREA l’Action Culturelle des communes de moins de 4500 habitants 5

Chers habitants de nos communes,

Longeant le bord de Seine pour s’enfoncer dans la vallée, Amfreville-la-Mivoie et Belbeuf jouissent d’un environnement naturel exceptionnel et souvent protégé.

Le développement de nos communes est inséparable de l’histoire de l’agglomération : transformation des activités rurales et fluviales, aménagement des axes de communication, essor de l’industrie... Nos territoires ont su s’adapter à ces mutations et offrent un cadre de vie agréable à celles et ceux qui ont désiré s’y installer.

Au fil de ces pages, nous souhaitons vous faire redécouvrir les sites et édifices singuliers, caractéristiques de la richesse patrimoniale de nos communes.

Luc Von Lennep Jean-Guy Lecouteux

Maire de Amfreville-la-Mivoie Maire de Belbeuf

7 Introduction

À dix minutes de la grande ville, logées qu’on leur attribue. Dès 1450, « La Mivoie » entre la Seine et le vert plateau seinomarin, a été ajoutée à Amfreville pour rappeler que s’élèvent les villes d’Amfreville-la-Mivoie ce village, à mi-parcours de Port-Saint-Ouen et de Belbeuf. Souvent méconnues, ces et de Rouen, permettait de relayer les che- communes disposent pourtant d’un riche vaux hâlant les barges chargées des pierres patrimoine culturel et naturel. Habitées dès de Vernon nécessaires à la construction de l’époque gallo-romaine, elles doivent leurs l’abbaye Saint-Ouen (XIVe-XVe siècles). appellations aux Vikings venus progressi- Chaque bâtiment, chaque paysage, jusqu’à vement s’installer dans la région (VIIIe-XIe la Seine elle-même, porte de cette manière siècles). « Bellebueth », le beau domaine, la marque de ces multiples transformations. aurait ainsi donné le nom de Belbeuf. Am- Nous vous invitons à entreprendre avec freville, la « maison d’Ansfred », provien- nous ce fascinant voyage au cœur de leur drait d’« ASFRIDH », terme scandinave histoire, à retracer le visage de ces anciens latinisé en « ANSFREDI » (nom d’un chef bourgs jusqu’à celui que vous pouvez obser- nordique ?) et de « VILLAE », domaine ru- ver aujourd’hui, à comprendre leurs racines, ral ou maison de campagne. Anciennes, elles leur environnement et l’avenir que ces com- 8 ne cessent d’évoluer en fonction des usages munes construisent. Saint Adrien 9 Aux portes de Rouen Deux communes mi-urbaines, mi-rurales

Situées sur le plateau Est de l’agglomé- Sur le plateau, composé des hameaux de ration rouennaise, les communes d’Am- Normare et du centre bourg belbeuvien, freville-la-Mivoie et de Belbeuf disposent se localise la tête administrative et éco- d’une physionomie pittoresque. La pre- nomique de la commune et le long des mière, constituée en plus des hameaux de coteaux, les villages de Saint-Adrien, de Lescure1 et de la Mivoie2, a longtemps été La Poterie et des Gravettes vivent eux au marquée par son principal axe de commu- rythme de l’eau. nication : la route de Paris. Se développant linéairement le long de cette voie, Amfre- Territoire de 389 ha, Amfreville est une ville s’étend par la suite dans le vallon commune à dominante industrielle : zone environnant (quartier des Mallefranches, industrielle du Jonquay sur la rive gauche ; ZAC du Haut Vallon). Belbeuf, en forme ancienne zone industrielle comprise entre d’éperon, représente une entité binaire. le pont d’Eauplet et la salle de sport Robert

1 À la suite d’une pétition des habitants en 1820, le hameau de Lescure fut détaché de la commune du Mesnil-Esnard pour être rattaché à Amfreville par ordonnance royale. 10 2 Jusqu’à la Révolution, l’abbaye royale de St Ouen de Rouen et les seigneurs de Belbeuf étaient les seigneurs de la Mivoie par moitié. rue François Mitterrand au cœur d’Amfreville 11 Talbot au nord, usine Prysmian au sud. Le disposant d’une ou deux hautes lucarnes, bâti immobilier de son centre historique, rappelle qu’Amfreville constituait un re- datant pour l’ensemble des XIXe et XXe lais intéressant sur la route de Paris. Par siècles, rappelle certaines cités indus- exemple, la forme du logis du n°66 de la trielles. Ainsi en est-il des groupes de mai- rue François Mitterrand (un carré princi- sons mitoyennes, généralement basses (un pal dont l’entrée s’ouvre sur une cour inté- étage) et restaurées depuis peu. Ces mai- rieure) ou celle du n°98 (hautes lucarnes et sons, alignées sur la rue, en peigne ou en porte cochère) témoignent d’un probable retrait par le biais d’un jardin, représentent mouvement de circulation de charrettes et un ensemble assez homogène. La plupart de la capacité de ces résidences à stocker dispose d’une façade principale en brique, des marchandises. pierre ou moellon enduit, qui se conjugue à des façades secondaires plus anciennes, en Les 656 ha de Belbeuf représentent pour pans de bois. Au sein de cet ensemble sub- leur part un paysage à tradition rurale (bois, sistent pourtant quelques résidences sin- falaise, Seine, surfaces agricoles), dont seu- gulières : logements collectifs, demeures lement 100 ha sont urbanisés. Homogène, bourgeoises et habitats préindustriels re- l’ensemble du bâti se concentre sur le pla- modelés. Ce dernier type d’habitation, teau belbeuvien et regroupe des maisons 12 maisons mitoyennes à Amfreville 13 14 corps de ferme à Belbeuf d’habitation. Parmi ces maisons, se dis- plupart de ces habitations datent du XIXe tinguent à la fois, des habitations agricoles siècle, la grande majorité des logements et des maisons de notables. Les premières belbeuviens sont apparus avec le dévelop- constituent en général des longères (corps pement du centre bourg au XXe. Belbeuf, de bâtiment rectangulaire, composé d’un qui comptait moins de 800 habitants à la fin ou deux étages, en brique, torchis et pans de du XIXe siècle, a en effet vu sa population bois), anciennement habitées par des petits plus que doubler en 150 ans, et n’a donc exploitants ou journaliers. Cette présence aménagé son centre que récemment (déve- de l’activité agricole se retrouve également loppement de l’habitat et des équipements dans une charreterie du XVIII-XIXe siècle. communaux). L’essor de lotissements tels Cet édifice, composé d’un rez-de-chaussée que le « Closet » ou « le Domaine des beaux ouvert et d’un premier étage fermé, per- champs » mais aussi le réaménagement de mettait d’abriter des charrettes en bas et des la mairie, la création de la salle Jacques- herbages en haut. Anquetil (1996), la réhabilitation du foyer Le second type de maisons reproduit rural (1997), et des travaux plus récents des résidences bourgeoises de deux ou trois sur le restaurant scolaire (2001), la maison étages, souvent en brique, cernées de murs des associations (2003) et la bibliothèque en pierre et d’un portail en fer forgé. Si la (2007), témoignent de son attractivité. 15 Les domaines seigneuriaux

• Le château des Godart de Belbeuf

L’histoire de Belbeuf, jusqu’à une pé- la volonté de J.-P. Proper Godart (1725- riode récente, est inséparable de l’histoire 1811) à transcrire son haut rang nobiliaire de son château. Le centre bourg s’organise et certains traits de sa personnalité. Der- essentiellement en forme de « peigne » à nier procureur général du Parlement de partir de cette châtellenie. Les Godart de Normandie et dernier « Grand Panetier de Belbeuf, ont non seulement donné d’impor- Normandie », J.-P. Proper Godart était un tants magistrats au Parlement de Normandie homme fortement impliqué dans les affai- mais aussi amplement participé aux affai- res de son temps, pieux et œuvrant pour res communales. Cette ancienne famille de le bien de sa famille. Le château, construit robe, connue dès le milieu du XIVe siècle, pendant une vingtaine d’années (1764- était d’ailleurs tellement influente qu’elle 1780) s’aligne à la fois sur les croix et clo- acquit le titre de « Marquis » en 1719. chers des communes environnantes mais Établi sur l’emplacement de l’ancien s’insère également dans un admirable manoir familial, le château de Belbeuf est panorama : vallée de la Seine à l’ouest ; 16 vue latérale du château de Belbeuf 17 prairies, forêts, châteaux, et ville d’ un bel ensemble pensé par Legris, élève de à l’Est ; cathédrale de Rouen à la pointe Le Nôtre (parc du château de Versailles). sud ; collines de Celloville et clocher de Le château, qui eut ses heures de gloire Saint-Aubin-la-Campagne à la pointe du vivant de J.-P. Proper Godart, connut nord. Le plan architectural, réalisé sur les également diverses mésaventures. Du- conseils de Soufflot (architecte du Pan- rant les évènements révolutionnaires, théon), reprend le modèle du Petit Trianon la demeure servit de refuge à l’Evêque à Versailles. Les matériaux de construc- d’Avranches, frère dudit Godart de Bel- tion mélangent la pierre de Caumont, les beuf. L’Évêque, fuyant les persécutions briques de belle qualité, les ardoises et les religieuses de son diocèse, dut se déguiser tuiles plates. Le décor intérieur, composé en femme et se cacher dans la cheminée par Boullenois, alors très à la mode dans du château, pendant que les Gardes Natio- le monde des châtelains normands, intègre naux se restauraient dans la salle. Jacques des agréables « salons de compagnie ». Les Godart, dernier Marquis de Belbeuf, vé- jardins, qui conservent des hêtres ances- cut un malheureux mariage (1881-1903) traux plantés dès 1646, représentent aussi avec Mathilde, fille du Duc de Morny.

18 Mathilde, mieux connue sous le nom de Missy, défraya la chroni- que de l’époque en s’habillant en homme, fumant le cigare et s’af- fichant aux bras de Colette. La bourgeoisie de la Belle Époque condamna ces attitudes et déplo- ra le discrédit apporté au nom de la famille de Belbeuf. Sans héri- tier, le domaine est alors légué au Marquis de Mathan, puis à un avocat parisien. Détérioré par l’occupation allemande de 1939- 45, puis par l’installation de fa- milles sinistrées en 1950, le mo- bilier du château est vendu et les arbres du parc peu à peu décimés.

Le colombier du Château de Belbeuf 19 Seule la rampe d’escalier a pu être sauvée du Luxembourg) et par les Rouennais par Robert Flavigny, alors conservateur du François, Herr et Salomon, les diffé- Musée des Antiquités. En 1956, l’écroule- rents salons permettent d’organiser des ment de la charpente entraîne un avis de grandes soirées de réception. Le parc, démolition mais le Groupe Ancienne Mu- reboisé, est repensé de manière à incor- tuelle, en s’implantant à Belbeuf, décida porer un vaste terrain de sport. Le co- de racheter le domaine et de le restaurer. lombier, seul vestige de l’ancien manoir, Le château est alors réaménagé de fa- situé à l’entrée du domaine, est réparé. çon à offrir un cadre de travail agréable, Construction de la fin du XVIe siècle, ce non seulement aux instances dirigeantes colombier s’élève à partir d’un plan oc- du groupe (salle du Conseil d’Adminis- togonal et se compose de pierres, tuiles tration, pièces de réunions) mais aussi anciennes et briques, dont les plus som- à son personnel (salons de lecture et bres soulignent des losanges. Surmonté salles de jeux). Reconstitués par Didier d’un petit lanternon, il s’assimile à celui Aaron (ensemblier de la princesse Paola du château d’ ou de l’ancien châ- de Belgique et de la Grande Duchesse teau du Héron à Darnétal.

20 • Le manoir de Lescure

À Amfreville, le hameau de Lescure terdisait ainsi aux Ligueurs catholiques toute représentait également le coeur d’un an- sortie de Rouen par les bords de Seine. Il cien fief seigneurial. Aujourd’hui disparu, aurait également conservé dans ses combles le château en forme de parallélogramme des armures moyenâgeuses : piques, haches, que ce hameau abritait était bâti en pierres, arquebuses, petites couleuvrines3 ou pier- en briques, et en ardoises pour la toiture. riers4. Construction Renaissance du XVe siècle, En 1701, la famille de Saint Quentin, no- modifiée fin XVIIIe, il se composait d’un blesse de Basse Normandie, dont plusieurs corps de logis principal à un étage, flan- membres ont siégé au Parlement de Rouen, qué de deux tourelles. Ancienne demeure devient la nouvelle propriétaire du domaine. d’une famille chevaleresque (la famille de Devenu « bien national » à la Révolution, Lescure), ce manoir est reconnu pour avoir le manoir est alors vendu à M. de Fontenay, accueilli, de novembre 1591 à avril 1592, industriel rouennais qui l’aménage en blan- une troupe d’Henri IV. Lors du siège de la chisserie. Le célèbre chimiste dieppois, M. ville de Rouen et du fort de Sainte-Catherine Descroizilles, mettra au point dans ces lieux durant les guerres de religion, le manoir in- un procédé de blanchiment des toiles par le

3 Couleuvrine : petite pièce d’artillerie à canon long tirant des boulets de pierre ou de métal. 4 Pierrier : petit canon dont on se servait principalement sur les bateaux pour tirer à l’abordage, et qu’on chargeait avec des 21 cartouches remplies de pierres, de cailloux, de ferrailles, etc. chlore de Berthollet qui perfectionnera défi- Mivoie. Bel édifice de 35 m sur 15, composé nitivement ce savoir-faire. L’usine, endom- de deux étages, ce château aurait été édifié au magée par un incendie en 1820, est par la cours des dernières années du XVIIIe siècle et suite rachetée par MM. Martin père et fils agrandi à la fin du XIXe. Situé aux portes de qui continuent à exploiter la blanchisserie. Rouen, ce dernier constituait pour l’époque En décembre 1834, les locaux deviennent une « maison de campagne » idéale. Ainsi que la propriété de F.-F. Keittinger5 qui choisit l’indique un enfant du pays, A. Durand : « les cet emplacement pour y fonder une perfor- creux de Lescure peuvent rappeler à l’artiste mante indiennerie6. En 1839, il reçoit même et à l’amateur de paysages, par leur originalité la médaille d’or aux « Expositions des pro- fantastique, certaines parties sauvages et pit- duits de l’industrie française ». L’usine Keit- toresques des contrées si vantées qui ont sou- tinger connaîtra une intense activité jusqu’en vent inspiré Salvador Rosa, Claude Lorrain et 1929, date à laquelle le site est racheté par Nicolas Poussin ». Demeure bourgoise à ses l’établissement Gillet Thaon qui fermera ses origines, le château se transforme en salon portes en 1963. littéraire sous l’impulsion du poète Ulric Gut- Au sud d’Amfreville, un autre manoir re- tinguer, devenu propriétaire du domaine de marquable existait également : le château de la 1811 à 1850. Il y invite à plusieurs reprises les

5 F.-F. Keittinger est connu dans la région pour avoir proposé un système d’organisation du travail, une politique salariale et la mise en place d’un système de secours (ancienne sécurité sociale ?) pour les classes ouvrières. 22 6 Indiennerie : usine qui fabrique des indiennes (étoffe de coton peinte ou imprimée, qui se faisait à l’origine en Inde). Château de la Mi-Voie 23 poètes V. Hugo ou A. de Musset, qui refusent (école de musique, de danse, de photogra- chaque fois la proposition, et Sainte Beuve phie, etc.). Ce bâtiment fait aussi office de qui, lui, y effectue deux séjours en 1830. La salle des fêtes. demeure est ensuite vendue à E. Rondeaux, Enfin, le chalet du Val de Lescure, impro- grand père maternel d’A. Gide. Gide, même prement appelé château par les Amfrevillais, s’il ne fit que de rares séjours au château, se remonte à la fin du XVIIIe siècle. Ce n’était souviendra toujours de ce domaine comme à cette époque qu’une simple maison en tor- étant le symbole de son enfance. Progressi- chis. En 1860, Félix Depeaux, riche industriel vement détérioré et abandonné, le château rouennais, importateur de charbon et anthra- est démoli en décembre 1976, laissant alors cite, propriétaire d’une importante flotte de place à l’actuel centre d’activités culturelles. bateaux fluviaux, acheta la maison et le ter- Conçu par M. Fontès de Aguyar et inauguré rain attenant. La maison, agrandie, devint ce en 1988, ce centre abrite de multiples activi- chalet. Le vaste terrain fut par la suite amé- tés au sein d’un bâtiment à l’architecture très nagé en parc et planté d’essences originales. contemporaine. C’est en ce lieu qu’évoluent Vers 1910, un distillateur de Rouen, M. La- les multiples associations sociales (club des coste racheta le chalet et le parc qui portent anciens, section des jeunes) et culturelles toujours son nom. 24 Les institutions religieuses

Lieu de culte et espace de sociabilité, aussi. Certains édifices religieux d’Am- l’église représente un référent important freville et de Belbeuf ont ainsi changé de de la vie villageoise. Elle institue les com- forme tandis que d’autres ont été détruits, portements moraux que les fidèles doivent comme l’église de Saint Crespin du Bec- respecter et encourage l’instruction des en- quet (certifiée en 1284), démolie en 1827, fants. Lorsque le village change, et avec lui suite au rattachement du hameau du même ses paroissiens, l’église se transforme elle nom à Belbeuf.

• L’église paroissiale Notre-Dame de la Nativité

Dépendance du château des Godart de prendre sa forme actuelle à partir de cette Belbeuf, l’église Notre-Dame de la Nati- date. Dédiée à la Nativité de Notre-Dame, vité lui a pourtant préexisté, ainsi que le l’église est érigée à l’initiative du premier témoignent ses fonts baptismaux du XIIIe seigneur de Belbeuf. L’écusson de la mai- siècle. Édifiée au XVIe, sur les fondations son Poissy est ainsi sculpté au milieu d’une de l’église primitive, elle commence à solive transversale de la nef. Reprenant un 25 plan usuel en croix latine, elle se compose maçonnerie et de charpente, la reconstruc- de matériaux de construction communs tion du clocher, la restauration et la déco- à la Normandie : calcaire, brique, silex, ration du chœur et des chapelles, la refonte pierre de taille. de deux des trois cloches, le remplacement Lieu de culte d’une grande paroisse, des verrières de la nef et le réaménage- Notre-Dame de la Nativité a connu une ment de la nef gothique. histoire mouvementée. Une partie de ses Une partie de son mobilier est par richesses (argenterie, cuivre) a été dis- ailleurs le résultat d’acquisitions pro- persée durant la période révolutionnaire venant d’églises ou de couvents suppri- et l’état de son édifice négligé. Il faut at- més à la Révolution. Ainsi, en est-il du tendre le Concordat de 1801 et la reprise retable (XIIe siècle), de l’autel (XVIIIe du culte religieux pour pouvoir mener des siècle) ou des tableaux (XVIIe-XVIIIe opérations de restauration. Ces opérations, siècles). Ces derniers, restaurés de- généralement réalisées entre 1850 et 1860, puis peu, retracent notamment des évè- grâce à la collaboration de la commune, nements bibliques importants : « Les du Conseil de Fabrique7 et du Marquis de Saintes Femmes au tombeau du Christ », Belbeuf, comprenaient : des travaux de « Moïse sauvé des eaux », « La descente

7 Le Conseil de Fabrique représente une association composée de plusieurs paroissiens qui administrent les fonds de la 26 paroisse dont ils sont membres. de croix », etc. L’église contient les statues de Saint Antoine et de la Vierge à l’Enfant (XVIe siècle) ou celle de Saint Sébastien (XVIIe) et les reliques de Saint Clément et Saint Vincent. Ces deux saints, respectivement patron des mariniers et des vignerons, rappellent deux principales occupations exercées à Belbeuf : la vigne et la batellerie. Devant l’entrée de l’église repose la pierre tombale de Jean Godart de Bel- beuf, plus loin dans un enclos celles de sa famille, et au-delà se trouve le cime- tière communal. Abrité par des arbres et par un lourd portail de bois, ce cimetière est d’un côté cerné par le presbytère, ha- bitation normande de 1839.

le clocher de L’église paroissiale notre-dame de la nativité 27 • La chapelle Saint-Adrien

Au hameau de Saint-Adrien, on décou- étaient particulièrement invoqués pour se vre un autre édifice religieux fort populaire. prémunir ou guérir de la peste. Devenue « C’est là, au sein même de ces falaises, un ermitage au XIIIe siècle, la chapelle est enfantées par je ne sais quel caprice de la alors mieux connue sous le nom d’« antre nature, que la chapelle, creusée en grande le Roy » à cause, semble-t-il, de quelques partie à l’aide du ciseau dans les plus durs seigneurs qui contournaient l’obligation de rochers, attachée comme un nid d’aigle aux payer des taxes royales sur leurs produits parois de l’un d’eux, vient élever au-des- de pêche. Thomas de Poissy, seigneur de sus d’un simple toit de chaume son élégant Belbeuf, transforme en 1557 cet ermitage campanile. » (Marquis de Belbeuf, 1861). en un prieuré, édifice plus noble. Ce prieuré Ancien culte païen8, la chapelle Saint- acquiert vite le nom de Saint-Adrien, non Adrien a sans cesse été remodelée avant seulement en référence au saint patron des d’acquérir son statut actuel. Elle est tout mariniers mais aussi aux bateliers de la d’abord un lieu de pèlerinage fort fré- Seine. Ces bateliers, en passant près du ha- quenté au Moyen Âge, les populations y meau de Saint-Adrien, avaient pris l’habi- venant prier Saint Roch – patron de la cha- tude de recevoir la bénédiction du prieur en pelle – et Saint Sébastien. Ces deux saints échange de quelques vivres. Transformée 28 8 Une pierre druidique a été retrouvée près de la rivière du Becquet. La chapelle Saint Adrien en 1900 29 en magasin – entrepôt de vins – à la Révolution, la chapelle est ensuite abandonnée. Reconstruite début XVIIIe, elle redevient un lieu de culte sous l’Empire et fait de nos jours l’objet régulier de restaurations. À cet égard, l’association organise une exposition an- nuelle de peintures et de sculptures, l’argent récolté servant à embellir la chapelle Saint-Adrien. C’est l’exemple des colombages restaurés en 1990 ou des quatre vitraux, eux aussi acquis dans les années 90. Outre son histoire, la composition de la chapelle se révèle elle aussi singulière. Sa structure, grossiè- rement rectangulaire et d’ascendance progressive, se modèle à partir des configurations du terrain sur lequel elle est bâtie. L’édifice mélange aussi la roche calcaire naturelle et le silex ; l’ardoise et le chaume pour sa toiture et les tuiles de bois pour son clocher. À l’intérieur, les armoiries des Godart de Belbeuf ont

30 La chapelle Saint Adrien de nos jours été peintes sur la paroi nord ouest. De nom- de spasmes. Parmi les légendes, on re- breuses niches ont également été aména- trouve celle du maître-autel qui secrèterait gées pour abriter des statues de nombreux un curieux liquide, similaire au goudron saints. Ainsi sont présentes les statues de ou cette croyance qui matérialise le bras Saint-Roch, Saint-Sébastien, Saint-Adrien de Saint-Adrien dans une pierre rocheuse mais aussi du populaire Saint-Gilles, pa- oblongue. Enfin, il est dit que les jeunes tron des infirmes, des mendiants et des filles qui souhaiteraient se marier dans forgerons ; de Saint-Clément, autre patron l’année, n’auraient qu’à piquer le pied de des mariniers, ou encore de certains per- la statue de Saint-Bonaventure. Les ermites sonnages bibliques (la Vierge Marie, Saint- Onumphe et Pancrace, plantant une épingle Luc, Saint-Jean, etc.). dans leur chair tout en invoquant ce saint, La chapelle est renommée à la fois pour auraient par ce moyen aidé une jeune fille l’un de ses célèbres prieurs, l’abbé Gil- à trouver un fiancé. Saint-Adrien était tel- bert Soury, mais aussi pour ses nombreu- lement populaire qu’en 1822, se créa une ses légendes populaires. La « Jouvence de des toutes premières sociétés de secours l’Abbé Soury » est connue pour soulager mutuels, baptisée « Société de bienfaisance les problèmes d’insuffisance veineuse et de Saint-Adrien ». 31 • L’église paroissiale Saint-Rémi

Comparée aux deux précédents édi- d’une croix grecque de 23 m de largeur fices, Saint-Rémi est une toute jeune sur 23 m de profondeur – et ses matériaux église. Présente dès le XIe siècle, elle de construction : béton armé d’une part, est remaniée à différentes époques avant pierre et brique d’autre part. L’édifice d’être déplacée et reconstruite au début se démarque enfin des multiples églises du XXe. Saint-Rémi est d’abord origi- moyenâgeuses pour ses coupoles ovoïdes nale par les circonstances de sa création. qui évoquent la très moderne basilique de Deux années après la promulgation de la Paris. Certains se plaisent même à appe- loi introduisant la Séparation de l’Église ler ce lieu de culte, le « Montmartre en et de l’État, en 1908, l’église Saint-Rémi miniature ». Élaborée à partir des plans est inaugurée. La construction de cet édi- de l’architecte Lassire, cette église a été fice n’a pourtant été possible que grâce construite en un temps record (moins à l’action conjointe des autorités ecclé- d’un an). siastiques et de la commune, tous deux À l’intérieur, siègent les vitraux dé- financeurs du projet. Mais Saint-Rémi diés à Notre Dame des mariniers, à Notre est également originale par son architec- Dame de Lourdes ou au sacré cœur. ture – style byzantin avec reproduction D’autres vitraux sont venus compléter cet 32 portrait de l’église Saint-Rémi 33 ensemble en 1946. Ces derniers illustrent notamment l’histoire du patronat de l’église et honorent trois principaux personnages ayant contribué à catholiciser le royaume franc (Saint-Rémi, Clovis et Sainte-Clotilde). Une statue en bois de Saint-Antoine commémore l’une des anciennes activités économiques de la commune. Ermite retiré dans la montagne, Saint-Antoine travaillait de ses mains pour éviter l’oisiveté et redistribuait ce qu’il gagnait aux pauvres. Patron de la confrérie des vanniers d’Amfreville, il représente bien ces tra- vailleurs solidaires qui confectionnaient corbeilles, paniers, cageots, etc. jadis indispensables au transport des denrées quotidiennes. Sur le Mont-Saint-Remi, près du cimetière communal, qui entourait l’ancienne église d’Amfreville, édifiée au XIVe siècle et démolie en 1924, existait également un imposant if funéraire. Son tronc, mesu- rant plus de quatre mètres et demi de circonférence, lui conférait un prestige inégalé dans la contrée. Aujourd’hui disparu, cet if de cinq à six fois séculaires abritait notamment les habitants de la commune les dimanches et jours de fêtes. 34 l’église paroissiale Saint-Rémi 35 Les édifices républicains

Les bouleversements engen- çaise à se doter d’une école drés par la Révolution et l’avè- pour garçons ; école qui sera nement de la République Fran- souvent intégrée au bâtiment çaise ont fait émerger un nouvel accueillant ladite mairie. L’ins- édifice monumental singulier : la tituteur, grâce à ses savoirs, mairie. Siège de l’autorité ad- ses capacités d’interprétation ministrative, la mairie concur- juridique et ses qualités rédac- rence puis remplace à la fois le tionnelles, est souvent requis pouvoir seigneurial et le pou- pour remplir les fonctions de voir religieux. S’occupant des maître et de secrétaire de mai- affaires de police, de commer- rie. La loi municipale de 1884, ce, d’équipements collectifs et qui consacre l’autonomie du d’éducation, elle est amenée à pouvoir municipal, consolide mieux encadrer la vie de ses ce type de bâtiment et entraîne citoyens. La loi Guizot (1833) les petites communes à se doter oblige chaque commune fran- d’une véritable mairie-école. 36 • Une mairie-école solennelle à Amfreville

La commune d’Am- freville-la-Mivoie éla- bore dès 1880 les plans de sa nouvelle mairie- école, en remplacement de l’ancienne école de garçons, ouverte en 1835. Mais il faudra attendre 1883 – les dif- ficultés techniques re- tardant sa construction – pour que cette mairie soit réellement aména- gée. Ensemble architec- tural classique, l’édifice élaboré se distingue par 37 ses matériaux de construction : briques mécanique et la date de construction de grésées cuites au bois et moellon pour le l’édifice (1884). pavement extérieur ; sable de mer ou de La mairie, fidèle à son usage, a pour- carrière de grain moyen, sans mélange de tant été agrandie et mieux aménagée au terre ou autres corps étrangers, pour les cours du temps. L’ancienne école des joints ; charpente en bois de chêne et de garçons, désaffectée en 1995, est devenue sapin ; couverture en ardoises d’Angers. aujourd’hui le musée du Patrimoine des Un corps principal sur deux niveaux Écoles. Ce musée représente la mémoire (ancienne demeure du directeur d’école) vivante de l’histoire scolaire d’Amfre- et deux corps latéraux composent cette ville, grâce aux personnes qui l’animent mairie communale. Alors que la partie et à ses collections : affiches et disques gauche est réservée aux locaux de la éducatifs, livres, spécimens floraux et mairie, la partie droite abrite deux salles faunistiques recueillis lors d’excursions, de classe de garçons. Au centre, un fron- tables et bancs en bois d’époque, en- ton triangulaire enserre une horloge criers, cloches des écoles, etc.

38 • Une mairie-école composite à Belbeuf

L’école des garçons de Belbeuf est ins- ardoises ; simple mention du nom (Mairie- tallée en 1835 dans « Le Pavillon », au ha- Ecole des garçons) et de la date de l’édifice meau de la Poterie. Elle est ensuite transfé- (1888). Réaménagée en 1991 par le cabi- rée sur le plateau, dans une maison mise à la net d’architectes Plessy, ce dernier réussit disposition de la commune par le Marquis harmonieusement à allier les éléments an- de Belbeuf. Cette école, insuffisante et dé- ciens et modernes du bâtiment. Agrandie labrée – la classe mesurait moins de 29 m2 grâce à la réhabilitation de l’ancienne salle pour 45 élèves – fait l’objet, pendant près de classe et à l’abaissement du plafond, la de trente ans, de nombreuses demandes de mairie s’est dotée d’une salle de lecture reconstruction avant de voir ses plans ap- à l’étage. Sobre dans son ensemble, elle prouvés en 1887. Du même style architec- s’aligne sur une gamme de couleurs pastel tural que la mairie-école d’Amfreville, la douces (rose, beige, gris, mauve) et opte mairie de Belbeuf dispose également d’un pour une bibliothèque de style scandinave corps principal et de deux corps latéraux. en rayonnages et boiseries laquées en trois Elaborée à partir des plans de M. Gosselin, tons de blanc. Déménagée depuis 2007, elle elle représente un édifice d’une symbolique offre maintenant un futur espace d’agran- républicaine atténuée : briques rouges et dissement aux bureaux administratifs. 39 40 la mairie de Belbeuf • Les écoles pour filles

Cette préoccupation pour l’instruction 1902, en application de la loi Ferry. En des enfants a été plus tardive pour les filles 1912, elle accueille la classe enfantine que pour les garçons. L’instruction des filles d’abord ouverte dans l’ancien presby- a d’ailleurs longtemps été la prérogative de tère puis en 1927 auprès de la Poste ac- l’enseignement privé et se déroulait dans tuelle. À partir de 1970, les classes des des locaux différents de ceux des garçons. deux écoles de garçons et de fillles sont Six ans avant la promulgation de la progressivement regroupés au sein du loi Falloux (1850), une première classe nouveau groupe scolaire Gérard Philipe. de filles est créée à Amfreville. Cette À Belbeuf, l’école des filles était diri- classe se détériora tellement qu’un gée par une religieuse congrégationiste. mécène privé (la famille d’industriels Tombée malade et la salle de classe étant Maze) proposa d’en construire une nou- devenue insalubre, l’enseignement ne velle en 1869. Érigée route de Paris, côté peut plus avoir lieu. En décembre 1898, colline, cette école se composait d’une la commune de Belbeuf est alors sommée salle de classe divisée en deux parties, par le Préfet de construire une nouvelle d’un préau, d’un logement et jardin école, en respect de la loi du 30 octobre pour l’institutrice. Elle devient laïque en 18869. Il faut pourtant attendre 1901 pour 9 Loi du 30 octobre 1886 : toute commune doit être au moins pourvue d’une école primaire publique et si elle compte 500 habitants ou plus, elle doit avoir au moins une école spéciale pour les filles. 41 que le Conseil Municipal se décide enfin trice, d’un préau et d’une salle de classe. à construire cette nouvelle école. Erigée Le nouveau groupe scolaire « Maurice Ge- sur un terrain acquis par le Marquis de nevoix » étant créé en 1980, toutes les an- Belbeuf, rue du Pont de l’Arche, celle-ci ciennes écoles de Belbeuf ont fermé leurs se composait d’une maison pour l’institu- portes.

• Les monuments aux morts

Si les écoles communales fleurissent de rappeler aux générations futures leur sous la Troisième République, les monu- sacrifice. Ces derniers se battaient en ef- ments aux morts prennent le relais au début fet dans l’idée qu’il n’y aurait pas d’autre du XXe siècle. La loi du 25 octobre 1919 guerre (la « Der des ders »). Hommages engage chaque maire à ériger une stèle à publics, ces édifices représentent égale- la mémoire des soldats de la commune, ment des symboles de paix. morts sur les champs de bataille pendant la L’édification du monument aux morts « Grande Guerre ». Ces monuments sont d’Amfreville, dans le cimetière communal, surtout l’initiative des « Poilus », soucieux est décidée en 1872. Il est probable que ce 42 le monument aux morts d’Amfreville 43 44 le monument aux morts de Belbeuf fut le premier monument commémoratif de ensuite été transféré vers l’ancienne « Mare la guerre de 1870-1871 construit dans la aux Chevaux », l’actuelle place des Alliés, région rouennaise. L’oeuvre représente un en 1991. Conçu par le statuaire L. Leyritz, obélisque, forme privilégiée en . Sur ce monument met en scène une œuvre celui-ci, sont gravés les noms des soldats sculpturale principale en marbre blanc : une morts en 1914-18 (faces latérales), ceux femme ailée enlaçant dans ses bras un sol- morts en 1870-1871, en Cochinchine et au dat, allégorie d’une France victorieuse qui Maroc (face postérieure). Sur le devant, au rend hommage à ses morts. Cette sculpture pied du monument, une palme en bronze est par ailleurs encadrée de cinq stèles com- puis une croix de guerre, symboles funé- mémoratives, sur lesquelles sont gravés les raires et décoration militaire de la grande noms des soldats morts pendant la guerre guerre, ont été réalisés. de 1914-18 à gauche, et ceux de 1939-45 La commune de Belbeuf a pour sa part à droite et au centre. Une feuille de laurier, approuvé le projet d’érection du monument symbole d’immortalité et de paix, ainsi aux morts dès le 29 décembre 1919. D’abord qu’une cocarde républicaine complètent situé au carrefour de la RD7, l’ouvrage a l’ornementation de ces stèles.

45 Autres composantes de l’identité communale La verdure…

La richesse patrimoniale d’une commu- d’un certain nombre de mesures protectri- ne ne se limite pas seulement à son bâti, ces. Ainsi, Amfreville et Belbeuf offrent elle se compose également de la qualité de un espace naturel foisonnant, protégé son environnement. Ce dernier, qui a tou- par des directives publiques nationales et jours évolué sous la pression croissante de européennes, et des panoramas agréables l’activité humaine, fait dorénavant l’objet sur la vallée de la Seine.

• Les sites naturels protégés…

Amfreville met en valeur ses parcs com- Liban, cèdres de l’Himalaya ou érables sy- munaux, comme le parc Lacoste, constitué comores, entre autres. Mais c’est surtout la d’arbres aux essences variées : cèdres du détermination de plusieurs ZNIEFF10 et sites

10 Une ZNIEFF : Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique est un secteur du territoire national 46 particulièrement intéressant sur la plan écologique. le parc Lacoste d’amfreville 47 Natura 200011, partagés avec la commune de éboulis calcaires, forêt de ravin… Des Belbeuf, qui témoignent de la richesse flo- milieux aquatiques et vasières, des grou- rale et faunistique de son environnement. pements de hautes herbes du bord des Ainsi, diverses espèces végétales eaux et des forêts alluviales complètent coexistent sur ces territoires : orchi- cet ensemble. dées (épipactis atrorubens, ophrys fre- La commune d’Amfreville recouvre ainsi lon, ophrys araignée), hélianthème des la ZNIEFF « côte d’Amfreville-la-Mivoie » chiens, alisier à larges feuilles... De et le site Natura 2000 « boucles de la Seine multiples espèces animales y évoluent amont, côteaux de Saint Adrien », avec également : plusieurs lépidoptères, la entre autres les communes de Belbeuf et mante religieuse (assez rare dans la de Franqueville-Saint-Pierre. La com- région) ou encore des oiseaux remar- mune de Belbeuf dispose par ailleurs de quables comme la bondrée apivore ou la trois autres ZNIEFF : « côteau de Saint- fauvette babillarde. Ces sites intègrent Adrien », « fond de Brunval » et « îles enfin différents habitats originaux : pe- Merdray et bras Fallay » et d’un deuxième louses calcicoles à orchidées, pelouses site Natura 2000 les « îles et berges de la karstiques, formations à genévriers, Seine en Seine-Maritime ».

11 Le réseau Natura 2000 a pour objectif de contribuer à préserver la diversité biologique sur le territoire de l’Union 48 Européenne. et la Seine

Outre ces ressources écologiques, les une partie des réseaux de communication communes d’Amfreville et de Belbeuf sont de la vallée, inspiré de nombreux artistes en relation directe avec la Seine, fleuve qui peintres et conditionné certaines activités a modelé les paysages alentours, agencé économiques.

les berges de la Seine 49 • Un fleuve progressivement endigué

Jusqu’à son récent aménagement, la Seine La plupart des îles qui composaient le se présentait comme un fleuve difficilement territoire communal d’Amfreville-la-Mi- navigable : ses fonds étaient constamment voie ou de Belbeuf ont ainsi disparu. En modifiés par les courants, souvent obs- novembre 1958, l’île Bas-de-la-Pierre a été trués par des épaves, du bois flottant... Les arasée. Mieux connue sous le nom d’« île conditions climatiques de la région n’ar- des Amoureux », elle constituait un lieu rangeaient en rien les choses : la brume, de rendez-vous renommé pour les jeunes les crues, les basses eaux ou les glaces couples qui venaient, à la belle saison, y augmentaient les risques d’échouage. passer du temps ensemble. L’île du Jon- De 1846 à 1961, l’estuaire de la Seine quay (autrefois appelée l’île aux cerises), va alors subir de nombreuses opérations celles de Gad et Longboel, attribuées par d’endiguement et de dragages, qui vont décret royal de 1832 à la commune d’Am- non seulement rendre la navigation plus freville, ont quant à elles été rattachées à la accessible mais développer aussi l’éle- berge de Sotteville en 1966 pour être trans- vage ou l’industrie, grâce aux hectares formées en zone industrielle. Seules les gagnés sur l’eau. îles Merdrais et Bas Fallais, aujourd’hui 50 protégées, ont perduré. Terres agricoles d’oseraies – les îles Merdrais et Bas Fal- autrefois – avec la présence de vaches et lais sont aujourd’hui couvertes de hautes d’arbres fruitiers (pommiers, pruniers) et orties et quasiment impraticables.

vue sur les îles Merdrais et Bas Fallais 51 • D’une rive à l’autre, ces passages qui nous transportent

La Seine était rythmée par ses nom- comme les crues ou les brouillards, à breux passages, disposés le long de son l’ébriété possible des employés des pas- cours. Les passages représentaient un sages qui s’attardaient, entre deux traver- mode de transport mais aussi une manière sées, dans un café sur la rive), les passages de vivre singulière : plaisir anticipé de ce officiels s’amenuisèrent au fur et à mesure que l’on allait faire sur l’autre rive (décou- du développement des transports en com- vrir les îles ou aller au marché), mouve- mun et de l’automobile jusqu’à la ferme- ment de flux en accord avec les horaires ture complète de certains. de travail à l’usine, ouverture d’un café Propriétés du Département, les passages traditionnellement dit du bac ou du pas- d’Amfreville et de Saint-Adrien étaient as- sage. S’ils ne correspondent pas toujours surés pour une période déterminée par un au moyen le plus commode pour traver- fermier recommandé par les maires. Com- ser le fleuve, ils ont souvent été préférés à posés de deux ou trois batelets, motorisés un détour par voie de terre. Plus coûteux, dans les années 30, ils fonctionnaient seu- plus longs aussi (surtout en cas d’attente lement entre le lever et le coucher du so- de l’embarcation située sur l’autre rive) et leil (sauf exception). Ils étaient essentielle- parfois dangereux (risques liés à la Seine ment utilisés par les ouvriers habitant une 52 rive (Amfreville, Belbeuf, Saint-Aubin- Rouvray). Délaissés et dispendieux, les Celloville, Gouy) et travaillant sur l’autre passages d’Amfreville et de Saint-Adrien (Sotteville-lès-Rouen, Saint-Étienne-du- ont été supprimés dans les années 1990.

le passage de Saint Adrien 53 • Les berges de la Seine : lieux de vie et de loisirs

La Seine est ainsi un espace que l’on gardons ou même des brochets, d’autres vit au quotidien, non seulement pour se encore, il y a quelques années, venaient déplacer mais aussi pour se faire plaisir. profiter de la plage avec pédalos ou se Presque tous les habitants du hameau de distraire dans les guinguettes et restau- Saint-Adrien possèdent une embarca- rants installés au village. Chaque week- tion : « c’est en barque que l’on se rend end, on pouvait ainsi entendre « on va chez le voisin, pour discuter et prendre danser à St A », dans des lieux aussi l’apéro ; canoter sur le bras de Seine, célèbres que le Moulin Rose (crée en avec pour compagnons des cygnes, des 1927). Le Moulin Rose, qui accueillit hérons cendrés ou des cormorans et al- Louis Armstrong ou Benny Bennet ler caresser les berges des îles Merdrais dans le temps, reste encore aujourd’hui et Bas Fallais » (S. Ortolé, Paris Nor- un lieu d’amusement. Sans oublier ceux mandie, 2000). Certains riverains prati- qui souhaitent profiter des romantiques quent le ski nautique, l’aviron ou le ca- paysages offerts par la vallée et qui sont noë-kayak, à la base nautique moderne venus s’installer dans ce cadre de vie de Belbeuf, d’autres jettent la ligne pour bucolique. Il en est ainsi des manoirs pêcher des anguilles, des carpes, des ou des belles demeures, édifiés pour la 54 les villégiatures de Saint Adrien 55 plupart à la fin du XIXe siècle. Ces bâtisses rappellent les villégiatu- res balnéaires normandes tout en célébrant les décors gothiques, re- naissants ou classiques. Les paysages de la vallée de la Seine ont constitué le sujet principal de récits divertissants, à l’image de « la chaise de Gar- gantua », ou de nombreuses œu- vres picturales et littéraires. La plupart reproduisent une image romantique ou positive de la Sei- ne : champêtre, joyeuse, ludique, bohême, avant de traiter, plus en profondeur, le quotidien de ses laborieux habitants.

56 entrée du Moulin Rose Des industries aux activités tertiaires Une vie villageoise en constante mutation

Les Amfrevillais et Belbeuviens ne fai- concierges, chauffeurs) ou des ouvriers saient pas qu’habiter leur ville, ils y tra- (cantonniers, employés des chemins de fer, vaillaient également – ou étaient employés etc.). Sans oublier ces quelques bateliers, dans une commune voisine. Si quelques caravaniers de la Seine, qui transportaient habitants étaient des mariniers (navigants et sur leur péniche diverses marchandises. passeurs), des tenants de commerce (bou- Nombreuse du temps où les fleuves consti- chers, boulangers, cafetiers, cabaretiers), tuaient le principal axe de transport inté- des cultivateurs, des artisans (vanniers, rieur, la batellerie artisanale est aujourd’hui potiers12, couturières, chaussonniers, me- un savoir-faire et une manière de vivre qui nuisiers, plâtriers, charretiers), la plupart disparaît pour laisser la place à la batellerie était surtout des employés (domestiques, industrielle, plus moderne et performante.

12 La poterie était une activité assez développée en Normandie et quelques centres potiers ont été recensés dans les com- munes environnant Belbeuf (Saint-Aubin-Celloville, Quévreville-la-Poterie et Gouy). On y produisait notamment des réci- pients et accessoires d’usage quotidien, utilisés pour la cuisine, la table ou la conservation des aliments. 57 • Du textile à l’usine Prysmian…

L’industrialisation de ces communes À Lescure, les habitants d’Amfreville sont a encouragé l’essor de fabriques textiles très occupés par l’indiennerie de François- (ouvriers toiliers, tisserands, manœuvres Florimond Keittinger. Considérée comme d’indiennerie) et fabriques de produits l’une des plus grandes usines d’impres- chimiques, représentatives de l’histoire sion sur étoffes de la région, l’entreprise industrielle de notre région. Cette indus- maintient son activité jusqu’en 1929. À trie se développe au XVIIIe siècle, dans les contrario, la majorité des ouvriers belbeu- vallées qui bénéficient à la fois de la force viens était employée dans les fabriques de hydraulique, des facilités d’importation du textile des communes riveraines comme coton anglais et des capacités d’écoule- celles de Bonsecours (deux fabriques de ment de la marchandise (marchés rouen- près de 233 personnes), du Mesnil-Esnard nais ou parisien). La révolution indus- (197 personnes travaillant le chanvre et le trielle du XIXe siècle encourage également lin), de Boos ou de Saint-Étienne-du-Rou- l’essor d’industries métallurgiques et mé- vray (coton). caniques, dont le principal débouché est Mais l’importation d’énergies nouvelles d’abord le textile (fabrication des métiers, (houille anglaise) et la croissance d’une so- des chaudières et des machines à vapeur). ciété de consommation diversifient, voire 58 l’usine Prysmian 59 condamnent, cette production industrielle a par exemple remplacé une ancienne traditionnelle. L’indiennerie de François- usine fabriquant des produits chimiques Florimond Keittinger, reprise en 1929 et continue d’exister aujourd’hui. Établie par la Société Anonyme Gillet Thaon, par la société Debauge et Cie, elle a plu- a été épisodiquement exploitée (opéra- sieurs fois changé de patronyme : Électro- tions de blanchiment, de teinture et d’ap- Câble (1913), Tréfimétaux (1962), Câbles prêt) jusqu’à son actuelle désaffection. Pirelli (1980), Prysmian aujourd’hui. Mais D’autres entreprises encore ont connu la elle est toujours restée spécialisée dans la même histoire et représentent aujourd’hui fabrication de câbles électriques. Située ces friches industrielles en recomposition en bordure de Seine, sur un terrain de (transformation de ces friches en habita- 100 000 m2, elle comprend une dizaine tions ou activités commerciales). de bâtiments. Vastes halls, ces ateliers, Certaines entreprises ont pourtant réus- entrepôts, bureaux sont pour certains si leur reconversion, se consacrant à une construits en brique et en structures activité plus en accord avec le monde du métalliques surmontés d’un toit en tôle XXIe siècle. L’usine de construction élec- ondulée et d’autres, en brique et struc- trique d’Amfreville (début XXe siècle) ture béton couverts d’un toit en sheds13.

60 13 Shed : toiture en dents de scie avec un versant vitré sur sa longueur couvrant en général un atelier industriel. En 1948, l’usine employait près de 1000 portés en matière de sécurité du travail. personnes. Dans les années 1970, elle a Elle n’emploie plus aujourd’hui qu’une été citée en exemple pour ses efforts ap- centaine de personnes.

• Au groupe d’assurances Axa

Le site de Belbeuf, faiblement indus- prises et 150-200 travailleurs quotidiens, trialisé, a lui su profiter des évolutions l’inauguration de ce nouveau siège social du monde économique moderne, grâce devait coïncider avec le 150e anniversaire à l’implantation du groupe d’assurances de la fondation (1967). Élaboré à partir Axa (ou « Ancienne mutuelle ») en 1963. des plans de M. Roux-Spitz, la forme de Ce groupe, très actif et internationalisé, a l’édifice n’est pas sans rappeler celle de célébré le transfert de son ancien siège so- l’ancienne préfecture : un bâtiment prin- cial dans un bâtiment très novateur pour cipal incurvé, composé de sept niveaux l’époque. Construit en un temps record et relevé d’une tour de onze étages. Cet (21 mois de travail effectif) par 28 entre- ensemble est constitué d’une aile nord 61 sensiblement plus longue que l’autre. Il accueille trois niveaux en sous-sol (chaufferie, pièces réservées aux archives et ser- vices de mécanographie), un rez- de-chaussée abritant une salle à manger pour 400 personnes à droite et une grande salle de conférence à gauche, ainsi que trois niveaux de bureaux au-des- sus. La tour, pour sa part, loge principalement les bureaux de la direction et certains services à faibles effectifs. Disposant d’un vaste parking, le siège est par ailleurs relié au château par une magnifique allée de 400 mètres. 62 la tour et l’aile nord du siège d’axa 63 64 Maison de maitre à belbeuf Les communes d’Amfreville-la-Mivoie et de Belbeuf ont su tenir compte de l’hé- ritage que l’Histoire leur a laissé. Communes rurales, artisanales, résidentielles, industrielles, créatives, Amfreville et Belbeuf offrent de multiples visages à ceux qui s’arrêtent pour les regarder. Si certains éléments patrimoniaux ont perdu de leur signification, de nombreuses initiatives privées se sont mises en place pour conserver, restaurer et réaménager ces lieux porteurs de mémoire. Le développement des considérations urbanistiques, environnementales et pa- trimoniales amènent les responsables locaux et les habitants à s’interroger sur la manière de mettre en valeur ce passé qui sommeille au cœur de leur com- mune et à mieux combiner les vestiges de l’histoire avec les réalités du monde contemporain.

Ce livret a été tiré à 4 000 exemplaires sur les presses de l’imprimerie E.T.C. à (76) Dépôt légal : février 2010. N°ISBN 2 - 913914-93-4 Orianne Boizard N°ISSN 1774-3346 © La CREA 65 Conception, réalisation et suivi : Remerciements : Direction Culture de la CREA Bibliothèque Villon, Serge Martin-Desgranges Service Départemental des Archives, Jacques Pot Études et documentation : Direction régionale des affaires culturelles de Photos : Haute-Normandie © Orianne Boizard, Nicolas Carbonnier et Service régional de l’Inventaire HEKA Jérôme Decoux Contacts : Aide à la coordination : Direction de la Culture CREA 14 bis, avenue Pasteur - BP 589 Direction des Petites Communes 76006 Rouen Cedex 1 de la CREA Tél : 02 32 76 44 95 / Fax : 02 32 08 48 65 Paule Gatinet e-mail : [email protected]

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66 Les textes sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs.

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Prix : 2 Euros N°ISBN 2 - 913914-93-4 et N°ISSN 1774-3346