PARCOURS Saint-Aignan la cité historique

PAYS DE LA VALLÉE DU CHER ET DU ROMORANTINAIS SAINT-AIGNAN LA CITÉ HISTORIQUE

Le Pays de la vallée du Cher et du Romorantinais est riche de villes à taille humaine qui forment un maillage dense sur son territoire. Leurs origines remontent au début du Moyen Âge et elles ont prospéré au fil des siècles. Elles présentent aujourd’hui un condensé de l’architecture des siècles passés alliés aux réalisations contemporaines. La ville de Saint-Aignan est née au bord du Cher, au Xe siècle. Fondée par les comtes de Blois, elle était un poste frontière. Sa forteresse représentait un verrou symbolique aux prétentions du comte d’Anjou, le bouillant Foulques Nerra, sur la et le Blésois. Témoin des luttes médiévales, ville-centre d’un comté puis d’un duché, cité industrielle, elle est l’un des grands témoins de l’histoire de la vallée du Cher. Il était donc normal que le Pays de la vallée du Cher et du Romorantinais consacre une publication à son histoire et à son riche patrimoine via son label «Pays d’art et d’histoire». Je vous souhaite une excellente lecture.

Claude Chanal Président du Syndicat Mixte du Pays de la vallée du Cher et du Romorantinais.

C'est avec grand plaisir que nous vous proposons avec le Pays de la vallée du Cher et du Romorantinais cette publication présentant la cité historique de Saint-Aignan, classée "Site Patrimonial Remarquable" par le ministère de la Culture. La volonté de la municipalité est la mise en valeur du patrimoine : sensibiliser les habi- tants, les inciter à se l'approprier et à en devenir acteurs, éveiller et développer la curiosité du jeune public pour l'architecture, le patrimoine et l'urbanisme. Ces initiatives contribuent au développement touristique de notre territoire en y inté- grant à part entière les acteurs locaux. Les résultats d'ores et déjà sont là : les touristes apprécient les hébergements au sein de la cité médiévale, des investisseurs acquièrent des biens et les rénovent en respectant leurs caractères originels, de nouveaux commerces prennent place. Il fait bon vivre à Saint-Aignan !

Éric Carnat Maire de Saint-Aignan Couverture : Peinture murale romane dans la crypte de la collégiale. «Cycle de saint Gilles». La ville de Saint-Aignan vue du Cher Photos : Pays de la vallée du Cher et du Romorantinais (sauf mentions contraires) Maquette et texte : Valérie Chapeau, d’après DES SIGNES 2 (Studio Muchir Desclouds 2015) Sommaire

4 UNE CITÉ MILLÉNAIRE 1. Au bord du Cher 2. Un éperon barré 3. Le développement de la ville du Moyen Âge au début du XXe siècle 4. Plans d’évolution

8 LA COLLÉGIALE 1. Des origines mal connues 2. La crypte du XIe siècle et ses peintures murales 3. L’église haute

12 LE CHÂTEAU DES DUCS DE SAINT-AIGNAN 1. Aux origines : l’implantation d’une tour 2. Les transformations de la Renaissance 3. Les restaurations du XIXe siècle

14 AU FIL DES RUES 1. La rue Constant-Ragot, cœur historique et économique de la ville 2. La maison Carmen 3. La Poste : un bâtiment Art Déco 4. La Villa Rose : sgraffitos et Art Nouveau 5. La Prévôté, tribunal et prison 6. La place de la Paix

18 L’HÔTEL-DIEU : L’ANCIEN HÔPITAL DE SAINT-AIGNAN 1. Une création médiévale 2. Un nouvel Hôtel-Dieu 3. Une architecture remarquable

20 AU BORD DE LA RIVIÈRE : INDUSTRIE ET NAVIGATION 1. Les anciennes activités industrielles 2. Le quai 3. Pont et moulins 4. Le Cher canalisé

22 BIBLIOGRAPHIE

23 PLAN

3 UNE CITé millénaire

FONDÉE À LA FIN DU Xe SIÈCLE PAR LE COMTE EUDES Ier DE BLOIS, LA VILLE DE SAINT- AIGNAN PUISE SES ORIGINES DANS LA NAISSANCE DE LA FÉODALITÉ ET DES CONFLITS TERRITORIAUX ENTRE LA TOURAINE ET L’ANJOU. ELLE PROSPÈRE ET SE DÉVELOPPE TOUT AU LONG DU MOYEN ÂGE ET DE L’ÉPOQUE MODERNE, CE QUI LUI PERMET D’OFFRIR AUJOURD’HUI UNE PALETTE ARCHITECTURALE VARIÉE MAIS UNIE DANS LA BLANCHEUR DE LA PIERRE DE TUFFEAU.

AU BORD DU CHER LE DÉVELOPPEMENT DE LA VILLE, DU La ville de Saint-Aignan a été fondée à MOYEN ÂGE AU DÉBUT DU XXIe SIÈCLE proximité immédiate de la rivière du Deux édifices toujours visibles Cher. La rivière a creusé sa vallée aujourd’hui sont à l’origine de la ville durant les premières années de de Saint-Aignan : la collégiale et le l’époque Quaternaire, dans des sols château. Ils ont formé le premier noyau formés durant les ères Secondaire et de peuplement. La première enceinte Tertiaire. Elle vient butter au sud englobait la motte féodale et ses contre le coteau où se dresse la ville, dépendances, qui correspondent tandis qu’une plaine alluviale au nord aujourd'hui à l'espace du château, lui permet de s’étendre en cas de crue. ainsi que la collégiale et l'enclos des Cette zone, peu urbanisée en raison du chanoines. D'autres constructions, risque d’inondations, offre un abri dont l'hôtel de la Prévôté, ont été exceptionnel pour la biodiversité des édifiées en dehors de cette première milieux humides. enceinte entre le XIe et le XIIIe siècle.

UN ÉPERON BARRÉ Au XIVe siècle, la construction d’une La ville de Saint-Aignan s’est construite deuxième enceinte atteste de sur un «éperon barré», ou plateau l’expansion du premier bourg castral et s’élevant en pente douce brutalement celui d’un accroissement démogra- interrompue par un coteau ou une phique. Les axes principaux de la ville falaise. Ce type de situation était relient les portes au cœur économique recherché au Moyen Âge pour implan- de la cité. Six portes, aujourd’hui ter des châteaux car ces sites offrent détruites, donnaient accès à la ville ; une vue dégagée et bénéficient de la la Porte Novilliers (au bas de la ville) ; protection naturelle du coteau. En la Porte Saint-François ; la Porte du revanche, sur les côtés où la pente est Marché ; la Porte du Réau, la Porte plus faible, des murailles étaient Dorée et la Porte Notre-Dame (sur le souvent construites. pont).

4 Vue panoramique de la cité historique de Saint-Aignan.

La rue principale de la cité médiévale transforme en partie la ville. existe toujours : elle s’appelait autre- Les travaux d’alignement modifient le fois Grande-Rue et se nomme parcellaire. Les rues du Pont, la aujourd'hui rues Paul-Boncour et Grande-Rue, les rues Rouget-de-l'Isle, Constant-Ragot. La collégiale et le de la Raquette, et Championnerie sont château restent isolés de la ville et ne alignées et élargies pour faciliter la sont pas soumis à la densification du circulation des véhicules. Presque parcellaire. toutes les façades sont modifiées. Les faubourgs se densifient ; les murailles Au XVIIe siècle, la ville se dote de disparaissent ; les fossés qui les entou- couvents et d’un Hôtel-Dieu hors les raient sont progressivement comblés murs, tandis que les premiers puis lotis ; les quais sont aménagés ; de faubourgs se développent notamment nombreux équipements publics sont autour du nouveau Champ de foire. construits (écoles, poste, etc.). La superposition du cadastre de 1833 Le XVIIIe siècle place Saint-Aignan le avec le cadastre actuel montre que la long des routes royales. Ces routes voirie est restée à peu près identique, sont décidées par le gouvernement à l'exception de la création de la place afin d'améliorer la circulation de la Paix. routière dans le royaume de . Elles doivent relier la capitale aux La période de 1934 au début du principales villes du royaume. À Saint- XXIe siècle marque un ralentissement Aignan, l'aménagement de la route des transformations du centre-ville. royale à la périphérie de la cité histo- De nombreuses démolitions diminuent rique, juste aux pieds de ses remparts, au contraire la surface bâtie. Celles-ci conditionne le développement des s’accompagnent de remembrements, faubourgs autour du nouveau Champ la construction de quelques immeu- de Foire (actuelle place Wilson), du bles collectifs et la mise en place d’une côté des Portes du Marché et du Réau couronne de stationnement automo- et de l’autre côté du Cher. Le XIXe siècle bile.

5 PLANS D’ÉVOLUTION

La ville au XIIIe siècle. La collégiale et l’ensemble castral sont englobés dans une première enceinte aux pieds de laquelle la ville commence à se développer. Les premiers quartiers sont rassemblés autour de la Grande-Rue (actuelles rues Joseph Paul-Boncour et Constant-Ragot), déjà en place. L’hôtel de la Prévôté est construit ainsi qu’un Hôtel- Dieu dont on ignore toutefois l’emplace- ment exact.

La ville au XVe siècle. La ville se développe. De nouveaux quartiers apparaissent, ceinturés par un second rempart percé de six portes. Un donjon a été construit à la pointe sud- ouest de l’éperon rocheux du château. Un four, une halle et un pressoir sont venus compléter les équipements publics. Ils témoignent du dynamisme écono- mique de la ville.

La ville au XVIIe siècle. L’ensemble castral s’est profondément remodelé, avec la construction du nouveau logis au XVIe siècle. De nouvelles rues apparaissent (en rouge). La ville sort de ses remparts . Des couvents de femmes (Bernardines) et d’hommes (Capucins), s’installent en dehors de la ville historique, sur de larges parcelles. L’actuelle place Wilson est alors un cimetière.

6 La ville au XVIIIe siècle. Le XVIIIe siècle est surtout marqué par les débuts de la destruction des remparts de la ville. Les constructions sont relative- ment peu nombreuses et la voirie reste identique. La place Wilson a perdu sa fonction funéraire. Elle est à présent le nouveau Champ de Foire.

La ville de 1800 à 1934. L’urbanisation connaît un nouvel essor. Les rues du centre historique sont frappées d’alignement. La place de la Paix est aménagée et un bureau de Poste est bâti en 1934. Le château connaît quelques rénovations. Les fossés qui entouraient les remparts sont comblés et lotis. L’Hôtel-Dieu, devenu hôpital, est agrandi. De nouveaux moulins sont construits sur le Cher, qui est lui-même aménagé pour faciliter la navigation. Cet aménagement est complété par un quai construit aux pieds des anciens remparts.

La ville de 1934 à 2015. La seconde moitié du XXe siècle et le début du XXIe siècle sont surtout marqués par une phase de destruction d’immeu- bles. Ils sont remplacés par de nouveaux logements tandis que des espaces de stationnement se mettent en place en accord avec l’essor de la voiture.

Source : Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur, Rapport de Présentation provi- soire, cabinet Bailly-Leblanc, mars 2016. 7 La collégiale 1

CONSTRUITE ENTRE LE XIe ET L’ORÉE DU XIIIe SIÈCLE, LA COLLÉGIALE EST L’UN DES DEUX ÉDIFICES À L’ORIGINE DE LA VILLE DE SAINT-AIGNAN. SON ARCHITECTURE, ENTRE ROMAN ET GOTHIQUE, ET LES PEINTURES MURALES QUI ORNENT SA CRYPTE FONT PARTIE DES FLEURONS DE LA VALLÉE DU CHER EN MATIÈRE DE BÂTI RELIGIEUX.

DES ORIGINES MAL CONNUES petites ouvertures appelées fenestel- Lorsque le comte Eudes Ier de Blois lae, dans un premier temps, avant que (976-996) fonde un château, au les fidèles puissent y descendre au Xe siècle, les chroniques de l’époque moyen d’escaliers, aujourd’hui détruits. indiquent que le territoire correspon- dant à la future ville de Saint-Aignan LA CRYPTE DU XIe SIÈCLE ET SES était alors vierge de toute construction, PEINTURES MURALES hormis une petite chapelle, dépen- La crypte se compose, au centre, d'une dante d’un ermitage. Eudes Ier aurait travée droite, fermée à l'est par une fait une donation de terres aux moines abside voûtée en cul-de-four. Elle est de Saint-Martin de . En retour, les flanquée de bas-côtés et d'un déambu- moines auraient construit une latoire desservant trois chapelles nouvelle chapelle, peut-être à la place rayonnantes. de l'ancien ermitage. La crypte est célèbre pour ses Une église dédiée à saint Jean, dite des peintures murales, datées des XIIe et Cros, était située, d’après la tradition, XIIIe siècles, ainsi que du XVe siècle. au nord de la collégiale. En 1019, le Les peintures les plus anciennes se comte Eudes II de Blois fonde une trouvent dans les chapelles du église qu'il dédie à saint Aignan. déambulatoire. La chapelle axiale Il est actuellement impossible de possède au moins deux programmes déterminer si l’un des trois édifices iconographiques différents. Le premier évoqués est à l’origine de la collégiale. programme se situe sur les murs de la Une étude architecturale récente a chapelle et s’élève jusqu’à la baie démontré que sa construction aurait axiale ainsi que sur une partie de la débuté à la fin du XIe siècle. La crypte voûte. Les sujets sont presque aurait fait partie du même programme totalement effacés mais on peut distin- architectural que le chœur et le tran- guer, sur la partie nord du mur, le sept de l’église haute. Elle aurait visage d’un personnage avec un nimbe communiqué avec l’église haute par de crucifère et deux personnages face à

8 Vue en coupe du côté sud de la collégiale. Jean-Marie Berland, Val de Loire Roman (p. 267), collection «La Nuit des Temps», ed. du Zodiaque, abbaye de La Pierre-qui-Vire, 1991 (réed). face sur la partie sud. On distingue d’une mandorle. La position de ses encore sur la voûte l’Agneau Mystique, mains permet de l’identifier dans une au centre, et un aigle, symbole de position d’enseignement. Par l’ensei- l’évangéliste Jean, confirmé par l’ins- gnement des Évangiles, il donne le cription latine Johannes. Une peinture pouvoir à saint Jacques le Mineur, à sa plus tardive représentant La Résurrec- gauche, de guérir un homme paralysé. tion de Lazare est venue recouvrir en Saint Pierre, à sa droite, bénit un partie cette peinture. paralytique qui lui donne une obole La chapelle sud possède également tandis qu’un homme amputé des deux deux programmes iconographiques jambes attend sa guérison. répartis de la même façon que ceux de Ces peintures romanes pourraient la chapelle axiale. Sur les murs, et en avoir des parentés stylistiques avec partie effacés, se trouvaient, d’est en celles de la Chartreuse du Liget ouest, un personnage, un décor (Chemillé-sur-Indrois), ainsi que celles végétal dont on distingue encore un de Saint-Savin-sur-Gartempe. arbre et deux personnages dont l’un, Au XVe siècle, la crypte est devenue une aux paumes levées et écartées, fait le chapelle funéraire destinée à la famille geste de prière des premiers de Châlon, qui possédait alors la chrétiens. Un cycle de saint Gilles a été seigneurie de Saint-Aignan. La partie peint sur la voûte, autour de l’agneau ouest de la crypte a été bouchée par un mystique. On voit le saint guérir un mur afin d’accueillir un ossuaire. malade en lui donnant un de ses vête- Hugues de Châlon s’est fait représenter ments. Il guérit un autre homme sur la voûte du chœur, dans deux mordu par un serpent et apaise une scènes entourant la peinture du Christ. tempête dans laquelle un bateau Protégé par saint Jean-Baptiste, chargé de voyageurs est en fâcheuse entouré de sa mère, Marie de Parthe- posture. Le centre de la voûte du nay, et sans doute de Jeanne de Perel- chœur est occupé par une représenta- los, sa seconde femme, il contemple, tion du Christ en majesté entouré sur la scène du mur nord, une conver-

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sation entre la Vierge allaitant Jésus et trois temps, avec sans doute des rema- une autre femme, sans doute sainte niements. Les travaux sont allés de Anne. Sur la scène du mur sud, les trois l'est vers l'ouest. La première travée, à personnages contemplent, sous la l'ouest, a été achevée vers la fin du protection d’un ange, une Vierge de XIIe siècle. Les bas-côtés sont couverts Pitié entourée de saint Jean et sainte de voûtes d'arêtes pour le bas-côté Marie-Madeleine. sud, dont la construction semble avoir La voûte d'arêtes qui précède précédé les autres parties de la nef. Le l'abside du chœur a été couverte d'une vaisseau central est couvert de voûtes Résurrection des Morts tandis que les d'ogives quadripartites. La nef a été anges portent les instruments de la complétée à la fin du XIVe siècle par une Passion aux côtés du Christ montrant chapelle, au sud, dédiée à la Vierge et ses plaies. Le mur ouest est couvert par appelée Notre-Dame des Miracles. Elle un Calvaire. a été surmontée, un siècle plus tard, d'une chapelle dite des mariniers. Ces L’ÉGLISE HAUTE deux chapelles comportent aussi des L'église supérieure se compose d'un peintures murales. chœur entouré d'un déambulatoire Le clocher-porche termine l’édifice, à ouvrant sur trois chapelles. Un l’ouest. On le surnomme «Tour des gros transept non saillant lui fait suite, saints ». Le rez-de-chaussée et le surmonté d'une coupole et d'un premier étage de cette tour, ainsi que clocher central. Le transept ouvre sur la tour d'escalier qui lui est accolée au une nef de quatre travées avec des bas- sud, datent du Moyen Âge. Le porche, côtés. Un clocher porche ouvrant sur la voûté d'ogives, s'ouvre sur la ville par nef achève l'édifice. Des sacristies et trois côtés et sur la nef par un portail. des chapelles sont venues s'ajouter Le premier étage contient une plus tard. Par rapport à l'ensemble chapelle, fermée au public, qui ouvre crypte-chœur-transept, la nef est plus sur la nef par une grande arcade. Elle récente. Elle aurait été construite en est couverte d'une voûte d'ogives

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bombée retombant sur des statues. chapiteaux romans de l'abbaye de Celles-ci représentent, entre autres, Saint-Benoît-sur-Loire. La « Tour des saint Pierre et Marie-Madeleine. gros saints » reçoit aussi un étage La collégiale, desservie par des supplémentaire, pour accueillir les chanoines à partir du XIIe siècle, a été cloches auparavant installées dans le pillée en 1562, lors des Guerres de clocher roman. Fragilisé par leur poids Religion, puis transformée en Temple et les vibrations émises lors de leurs de la Raison, en 1793, sous la Révolu- sonneries, celui-ci ne pouvait plus les tion. Plusieurs chapiteaux de la nef et abriter. Le nouveau beffroi est inau- du chœur ont été détruits, afin d’effa- guré en 1888. cer les emblèmes du christianisme et Cependant, les restaurations jugées les armes des familles nobles bienfai- abusives provoquent son déclasse- trices de l’église. Pour élever un autel à ment en 1873. Elle est reclassée en la déesse Raison, on a démoli celui 1886, sur l'insistance de la ville et du construit en 1747, dédié à saint Jean, Prince de Chalais, alors propriétaire du patron de la paroisse. Le jubé, élevé en château. 1366, a été détruit. Le 4 mai 1795, la collégiale, désertée, est vendue aux enchères comme Bien National avec la crypte et l’ancien cimetière attenant pour 950 livres. Elle est transformée en écurie et en étable. En 1795, la collégiale est toutefois restituée à la ville, puis rendue au culte en 1800. En 1845, l'église est classée au titre des Monuments Historiques puis elle est restaurée entre 1852 et 1866. Les 1. Peintures murales romanes dans la crypte. chapiteaux détruits sont restaurés, en 2. Ex-voto de la famille de Châlon (XVe siècle). prenant notamment pour modèle des 3. Le vaisseau central de la nef de la collégiale. 4. Quelques chapiteaux originels de la collégiale. 11 Le château des ducs de saint-aignan 2

FONDÉ AU Xe SIÈCLE PAR LE COMTE EUDES Ier DE BLOIS, L’ARCHITECTURE ET LES BÂTIMENTS DU CHÂTEAU ONT ÉVOLUÉ AU FIL DES SIÈCLES. À CÔTÉ DES PARTIES MÉDIÉVALES, UN TRÈS BEAU LOGIS A ÉTÉ ÉDIFIÉ AU XVIe SIÈCLE. AVEC LES CHÂTEAUX DE ROMORANTIN, DE SELLES-SUR-CHER ET DE CHENONCEAU, IL EST L’UN DES TÉMOINS DE L’ARCHITECTURE DE LA RENAISSANCE AU BORD DE LA RIVIÈRE DU CHER.

AUX ORIGINES : empoisonnement. Au XIIe siècle, un L’IMPLANTATION D’UNE TOUR donjon est bâti à l'extrémité sud- Un premier château a été fondé par le ouest de l'éperon rocheux. Un mur comte de Blois Eudes Ier, mort en 995. d'enceinte le relie à la tour Hagard. La tour Hagard serait le vestige de ce Après la mort d'Hervé IV de Donzy, le premier édifice. Cette fondation est à château et la ville passent en ligne remettre dans un contexte de conflit indirecte à la famille de Châlon puis territorial entre les comte de Blois et aux Husson. Foulques IV «Nerra», comte d’Anjou. Le château de Saint-Aignan aurait été LES TRANSFORMATIONS DE un poste frontière délimitant le terri- LA RENAISSANCE toire dominé par les comtes de Blois. En 1520, Claude de Husson construit Vers 1016, Eudes II de Blois inféode le un logis dans le style de la Renais- château à son vassal Geoffroy de sance à quelques mètres du donjon Donzy, comte de Nevers. Celui-ci s'y médiéval. Il se compose de deux ailes installe. En 1037, Foulques Nerra en équerre desservies par un escalier assiège Saint-Aignan. Il fait prisonnier hors-œuvre (qui n'est pas l'escalier Geffroy de Donzy. Conduit à la actuel). Les frontons des lucarnes citadelle de , il est enfermé prennent pour modèle celles de dans un des cachots où il meurt étran- l'aile François Ier dans le château glé, sans avoir livré la ville. Foulques d'Amboise. En 1537, le château et la Nerra accepte de rendre son corps qui ville passent à la famille de Beauvil- aurait été enterré à proximité de la liers. Claude Ier de Beauvilliers reprend collégiale, dans l’église Saint-Jean- les travaux et construit l'aile nord du des-Cros. château (façade sur le Cher). Claude II La famille de Donzy conserve le de Beauvilliers construit un pavillon château et la ville jusqu'en 1223, date à l’ouest du château à la fin du XVIe de la mort du dernier héritier, Hervé IV siècle. Cet élément a été détruit au de Donzy, qui succombe à un XVIIIe siècle. La famille de Beauvilliers

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reste propriétaire du château et de la est aussi transformé en parc à ville jusqu'à la Révolution. Le territoire l'anglaise. En 1946, le parc et les qu'elle domine devient comté puis vestiges de la forteresse médiévale duché. sont inscrit au titre des Monuments Historiques. En 1994, c'est au tour du LES RESTAURATIONS DU XIXe SIÈCLE château. Le 29 avril 1794, Marie Paul Victoire de Le château appartient aujourd’hui à la Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, est famille de la Roche-Aymond. La cour et arrêté avec son épouse. Ils sont emme- la terrasse donnant sur le Cher sont en nés à Paris. Le duc est décapité le 25 libre-accès. Les intérieurs du château juillet. Sa veuve, enceinte, obtient un sont privés et ne se visitent pas. sursis. En 1830, Élodie de Beauvilliers petit-fille de Marie Paul Victoire, et son époux, le prince de Chalais, viennent s'installer au château. Ils font construire une tour octogonale néo-gothique à l'extrémité des écuries. Une voie d'accès aux écuries est également aménagée dans la motte castrale. La chapelle du château est restaurée. Entre 1856 et 1900 plusieurs campagnes de restauration sont menées pour moderniser le château et l'adapter aux besoins d'une vie 1. Tour néo-gothique construite mondaine. L'escalier hors-œuvre du au XIXe siècle. XVIe siècle est remplacé par la tour polygonale à lanternon qui rappelle la 2. Le logis du XVIe siècle, un er exemple de château Renais- grande vis de l'aile François I ,au sance en vallée du Cher. château de Blois. Le parc à la française

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LE CHÂTEAU, LA COLLÉGIALE, LA PRÉVÔTÉ, L’HÔTEL-DIEU, LES MAISONS À PAN DE BOIS, ETC. SAINT-AIGNAN EST LA VILLE DU LOIR-ET-CHER COMPTANT LE PLUS GRAND NOMBRE D’ÉDIFICES PROTÉGÉS AU TITRE DES MONUMENTS HISTORIQUES APRÈS BLOIS ET VENDÔME. PROMENONS-NOUS DANS LES RUES À LA DÉCOUVERTE DE CE RICHE PATRIMOINE !

4 LA RUE CONSTANT-RAGOT, CŒUR HISTO- LA «MAISON CARMEN» RIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA VILLE 3 Cette maison a été construite au La rue Constant-Ragot est l'artère début du XVIe siècle, selon le principale du centre ancien depuis principe dit du pan de bois. L'ossa- l'origine. Avec la rue Paul-Boncour, elle ture de la maison est constituée de permet de relier le haut de la ville avec poutres de bois horizontales et le Cher. Elle s'appelait à l'origine Grande verticales. On commence par planter Rue. Elle offre aussi un condensé des sur le terrain les poteaux de bois différentes architectures que l'on peut verticaux qui forment les angles. On trouver à Saint-Aignan, du Moyen Âge positionne ensuite les pièces horizon- au début du XXe siècle. Les maisons tales et on termine par des pièces jouxtant la rue ont été frappées d'ali- intermédiaires, placées entre les gnement au XIXe siècle, afin de faire précédents poteaux pour former les observer à la voirie un tracé plus recti- murs. Les espaces entre les poutres ligne pour faciliter la circulation. Elles sont bouchés par un ensemble ont connu alors un traitement esthé- composé d'argile et de paille que l'on tique et organisationnel. Les façades appelle hourdis. Souvent, les hourdis sur rue ont été reconstruites selon le sont enduits pour les préserver de style néo-classique. Un ou deux loge- l'humidité. Ici, le hourdis a été ments ont été aménagés dans les remplacé par de la brique. L'avantage étages tandis que le rez-de-chaussée de ces maisons est leur relative rapidité accueille une activité commerciale. de construction et la possibilité de les Parfois les façades d'origine étaient des démonter et de les remonter. Ces murs pignons. Elles ont été transfor- caractéristiques avaient fait l'admira- mées en murs gouttereaux. Les toi- tion de Léonard de Vinci lorsqu'il avait tures, triangulaires à l’origine, sont vu les maisons solognotes. Leur devenues à quatre pans pour rattraper inconvénient est leur vulnérabilité au l'organisation intérieure de la maison feu. Souvent, dans un quartier consti- qui reste identique. tué de maisons à pan de bois, on peut

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voir des murs en pierre entre celles-ci. ce style adoptent un ornement fait de Il s'agit de murs pare-feu pour limiter courbes qui imitent les végétaux la propagation des incendies. (branches souples des arbres, tiges des Le réseau en filet des poutrelles est un fleurs). L'ornementation architecturale élément caractéristique des maisons à et intérieure s'inspire aussi beaucoup pan de bois de la vallée du Cher des fleurs. (Montrichard), de la Sologne L'Art Déco au contraire, est un retour à (Romorantin) et du Berry (Bourges). l'architecture classique mais beaucoup Ce type de bâti ancien est relativement plus géométrisée et stylisée, c'est-à- rare à Saint-Aignan, comparé à dire sans ornements et réduite à d'autres villes où il peut former un l'essentiel. L'une des caractéristiques quartier à part entière (Tours, Orléans, de cette architecture est son aspect etc). Toutefois, les remaniements massif. Ici, la Poste occupe l'angle de la ultérieurs dans l’urbanisme de la ville rue Constant-Ragot et de la rue de la ont contribué à masquer les façades de Raquette. L'entrée principale se situe bois sous de la pierre. Saint-Aignan dans la partie à section coupée. La compte peut-être plus de maisons à porte d'entrée est décorée de rosaces pan de bois que ce qui est actuelle- en fer forgé. Un balcon en saillie se ment visible. trouve au-dessus de la porte. Sa balus- trade est ornée de colonnettes sans LA POSTE, UN BÂTIMENT ART DÉCO 5 ornements. Au-dessus de la fenêtre du La poste a été construite en 1934 dans balcon on peut voir écrit le nom de le style Art Déco. L'Art Déco est né dans Saint-Aignan dans une écriture égale- les années 20, à Paris, en réaction à ment très géométrique et stylisée car l'art de la fin du XIXe siècle et du début l'Art Déco s'est étendu à l'architecture, du XXe siècle appelé Art Nouveau. L'Art au mobilier et aux objets de décoration Nouveau cherchait à s'affranchir des ainsi qu'à l'écriture. références architecturales des siècles passés. Les bâtiments construits dans

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LA VILLA ROSE : SGRAFFITO ET ART de couleur contrastée ou d'une même NOUVEAU 6 couleur, dans un ton plus ou moins Cette villa a été construite en 1922 par soutenu, est placée. Cette deuxième l’architecte Duchereau, qui en était couche doit prendre avant l’applica- aussi le propriétaire. Composée d’un tion du poncif. La couche supérieure rez-de-chaussée et d’un étage, elle est ensuite évidée avec un couteau, possède une architecture inspirée de selon le dessin. Les détails peuvent l’Art Nouveau. Celle-ci se remarque être repeints avec du lait de chaux dans les fenêtres du premier étage aux pour les souligner et donner plus de extrémités arrondies, à son bow- constraste à la composition. windows en saillie sur la façade et sa Le Sgraffito permet de donner des balustrade faite d’arcades aux arcs très reliefs lisibles à grande distance en aplatis. La fresque qui orne le premier extérieur comme en intérieur. étage de la villa est une particularité ; elle ne s’inspire pas des thèmes chers LA PRÉVÔTÉ : TRIBUNAL ET PRISON 7 à l’Art Nouveau mais rend hommage à L’édifice a été construit au XIIIe siècle la Renaissance. Elle représente en effet pour être le tribunal et prison de la des puttis et des naïades dans un décor ville. Il conserve encore des cellules en végétal composé de vignes. sous-sol. Le bâtiment a été agrandi de Ces fresques ont été faites selon la deux ailes latérales au XVIe siècle. méthode du Sgraffito. Cet enduit gravé La porte du bâtiment originel, ainsi en creux dans le mortier frais a été très que les baies géminées du premier utilisé depuis l'époque Baroque et étage s'achèvent par un arc brisé. Les surtout à l'époque Art Déco, à Nancy arcs des fenêtres, finement moulurés, ou à Nice. Cette technique est assez sont portés par des colonnettes enga- délicate à réaliser. Une première gées portant des chapiteaux ornés de couche d'enduit est appliquée. Elle feuillages. Cette partie comporte à doit prendre mais pas sécher. Par l’intérieur une voûte sur croisées dessus, une seconde couche d'enduit d’ogives dont les arcs retombent sur

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un pilier central. Une bande de pierre Constant-Ragot. moulurée en façade permet de ratta- cher visuellement la partie originelle à ses extensions. L'aile la plus proche de la rue Constant-Ragot se termine par une tourelle d'angle placée en saillie sur la rue. Ici les ouvertures ne sont plus arrondies mais rectangulaires et les encadrements sont moulurés. Cela se remarque surtout sur l'aile sud du bâtiment. La fenêtre du deuxième étage est encadrée par des pilastres portant des chapiteaux corinthiens. La Prévôté est aujourd’hui un espace d’exposition consacré aux Beaux-Arts.

LA PLACE DE LA PAIX 8 La place de la Paix est issue d'un regroupement de deux places au cours 1. La «Maison Carmen» est, avec la «Maison Patin», l’une des rares maisons à pan de bois visibles à Saint-Aignan. du XIXe siècle à la suite de la suppres- sion d'un îlot. Les façades des 2. La Poste de Saint-Aignan a été construite en 1934 dans bâtiments qui l’entourent semblent le style Art Déco. avoir été refaites lors de l'aménage- 3. L’architecture de la Villa Rose, construite en 1922, s’ins- ment de la place. Elles auraient pire de l’Art Nouveau. remplacé des maisons plus anciennes, 4. La Prévôté. Le bâtiment du XIIIe siècle se situe au centre dans un tissu parcellaire médiéval de la façade. assez dense. Les façades ont été construites dans le même style néo- 5. La place de la Paix est une création urbaine du XIXe siècle. classique que les maisons de la rue

17 L’hôtel-dieu : l’ancien hôpital de saint-aignan 9

SITUÉ EN PÉRIPHÉRIE DE LA VILLE HISTORIQUE DE SAINT-AIGNAN, L’ANCIEN HÔPITAL EST UNE CRÉATION MÉDIÉVALE. SON BÂTIMENT ACTUEL DATE DE L’ÉPOQUE MODERNE ET FIGURE PARMI LES PLUS BELLES RÉALISATIONS ARCHITECTURALES DE LA CITÉ.

UNE CRÉATION MÉDIÉVALE 25 avril 1706. Cet acte atteste de l’acqui- L’existence de l’Hôtel-Dieu en tant sition d’un terrain pour bâtir une autre qu’institution est très ancienne «Maison-Dieu».L'établissement puisqu’il est mentionné pour la précédent tombait en effet en ruine. première fois dans un acte notarié daté L’entretien de l’établissement coûte plus de 1207. Il aurait été fondé par la de 60 000 livres au duc et à la duchesse. famille de Donzy. Un acte de 1428 La nouvelle « Maison-Dieu » doit accueillir donne une vague indication sur son 20 lits environ, répartis en deux salles, emplacement ; entre le Cher et le séparées par une chapelle. ruisseau du Traîne-Feuille. Il recevait Outre les deux salles et la chapelle, la les pauvres de la commune de Saint- maison comportait « une salle pour les Aignan, les enfants abandonnés et les administrateurs, « l’apothicairerie » passants malades. [pharmacie], une chambre et un cabinet pour le chapelain, deux pièces pour UN NOUVEL HÔTEL-DIEU l’école, une cuisine, un garde-manger, un En 1695, Louis XIV a signé des lettres réfectoire, un parloir et des chambres patentes ordonnant la réunion de la pour les gouvernantes, une infirmerie, « maladrerie » et de l'aumônerie de une espèce de chœur, une grande pièce Noyers à l’hôpital de Saint-Aignan. à deux cheminées sans destination, des En 1700, le duc et la duchesse de caves, greniers, cours et basses cours, une Beauvilliers, installent à leurs frais dans buanderie, un ensevelissoir, un fournil, le la « Maison-Dieu » six sœurs de la jardin avec un cimetière, un lavoir et Charité pour soigner les pauvres, les « autres commoditez convenables à un personnes âgées, les malades et hôtel-Dieu », et enfin un appartement infirmes, mais aussi pour faire l'école réservé pour la dame duchesse consis- aux filles pauvres de Saint-Aignan. tant en antichambre, chambre, cabinet et D’après un article de Philippe garde-robe dans le pavillon « qui est à Pimbert, le duc et la duchesse auraient droite en entrant dans l’hôtel-Dieu ». réalisé une nouvelle fondation, le

18 1 2

UNE ARCHITECTURE REMARQUABLE bâtiment a accueilli les malades et le Comme le couvent des Bernardines, personnel soignant jusqu’au début des l’Hôtel-Dieu a été construit hors les années 2000. L’hôpital ayant démé- murs, sur une vaste parcelle descen- nagé sur les hauteurs de Saint-Aignan, dant en pente douce vers le Cher. Son les locaux ont été vendus et sont bâtiment est un quadrilatère formé de aujourd’hui un hôtel. deux ailes en équerre se rejoignant par une travée à pan coupé coiffée d'un lanternon. Il est fermé par des murs, et un portail monumental, sur le troisième et le quatrième côté. Son élévation se compose d'un sous-sol semi enterré, qui rattrape la pente du terrain, d'un rez-de-chaussée large- ment éclairé par de hautes ouvertures et d'un étage de combles brisés, dit à la Mansart, éclairés par des lucarnes. Les façades extérieures du bâtiment possèdent aussi des pavillons sur leurs côtés placés en légère saillie par rapport au reste de la façade. Les 1. Façade principale de l’Hôtel-Dieu. pierres formant les angles du bâtiment 2. Proposition de plan pour l’Hôtel-Dieu ressortent nettement par rapport à (Plan reproduit par Philippe Pimbert, L’Hôtel-Dieu du duc de Beauvilliers, reflet de l'appareillage du reste de la façade, la médecine en Val de Cher sous l’Ancien pour cette raison on appelle ce type de Régime, Bulletin n°27 des Amis du musée mise en œuvre chaînes d'angles à et du Site de Tasciaca, 2011. Source originale : René Guyonnet, Saint- bossages. Aignan, l’hôtel-Dieu et le couvent des L’Hôtel-Dieu a conservé sa fonction Bernardines). médicale après la Révolution. Le

19 au bord de la rivière : industrie et navigation

BÂTIE AU BORD DU CHER, SAINT-AIGNAN A SU TIRER PROFIT DE LA RIVIÈRE POUR Y INSTALLER DES TANNERIES ET DES MOULINS. ELLE L’A AMÉNAGÉE AU FIL DES SIÈCLES POUR FACILITER LA NAVIGATION. MAIS LE CHER EST AUSSI UN SYMBOLE TRÈS FORT DANS L’HISTOIRE DU XXe SIÈCLE.

LES ANCIENNES ACTIVITÉS au XIXe siècle. Ils ont été complétés par INDUSTRIELLES l'aménagement d'une promenade Saint-Aignan a été une ville de ombragée par des tilleuls. Au XXe siècle, pouvoir et de commerce, mais elle a les quais deviennent un axe routier aussi un passé industriel. Elle a eu important pour contourner le centre notamment une activité textile répu- urbain. tée, à la fois dans le tissage de la laine et dans le travail des peaux. Elle a su PONT ET MOULINS 11 aussi tirer profit de la présence du Cher Le pont actuel, situé entre le restaurant pour y implanter des activités. de l’Île et la place Novilliers, date du L’ancien quartier des tanneurs se XVIIIe siècle. Il marque le principal trouvait en périphérie du centre point d'entrée de Saint-Aignan et il est ancien, en raison des nuisances par conséquent un axe routier très olfactives. Il couvrait autrefois un important. Il présente aussi des quali- secteur comprenant les rues des tés paysagères, comme la vue dégagée Tanneurs, de la Fraternité, de la Pêche- sur le Cher en amont et en aval, la rie, Parmentier, Étienne-Dolet et les perspective sur Saint-Aignan et parkings des Tanneurs et Parmentier. Il notamment la vue panoramique sur la est en relation avec le centre-ville grâce collégiale et le château. Le pont a aussi à la rue Rouget-de-l'Isle. Ce quartier une importance historique puisqu'il ancien se caractérise par une typologie était l’un des points de passage de la de bâtis et des ruelles qui lui sont ligne de démarcation durant la propres. Seconde Guerre mondiale. Le pont de Saint-Aignan a accueilli, à partir de LE QUAI 10 1663, les « Grands Moulins Banaux ». Pendant plusieurs siècles, les remparts Ceux-ci étaient bâtis sur trois de ses de la ville avançaient presque jusqu'au arches. Ces moulins appartenaient aux Cher. Puis, après la disparition des seigneurs de Saint-Aignan. Les habi- remparts, des quais ont été aménagés tants de la ville et du comté, puis duché

20 Cette vue panoramique sur le Cher permet de voir, à gauche, le quai, construit au XIXe siècle, ainsi que le pont. de Saint-Aignan devaient venir y faire de l’écluse de Saint-Aignan est complé- moudre leurs grains en s'acquittant tée par un barrage à aiguille. L'écluse d'une redevance. En 1837, les Grands facilitait la navigation ; le barrage Moulins ont été reconstruits à l'initia- permettait de réguler le cours d'eau, de tive du prince de Chalais. Ils ont été façon à allonger la période de naviga- incendiés en 1944 et sont finalement tion sur la rivière. détruits 30 ans plus tard, en 1974. Le procédé du barrage à aiguille a été mis au point par l'ingénieur Poirée en LE CHER CANALISÉ 12 1834. Le système consiste en un réseau Depuis l'Antiquité, le Cher a été de madriers placés verticalement côte emprunté comme voie navigable. à côte et perpendiculairement à la Jusqu'au XIXe siècle, les mariniers rivière. Ces madriers, ou aiguilles, suivaient le cours saisonnier et capri- viennent s'appuyer contre le butoir (ou cieux de la rivière. Ils ne pouvaient heurtoir) du radier, en fond de rivière, naviguer qu'en période de hautes eaux et sur une passerelle métallique à la mais étaient en chômage lors des surface. La passerelle s'appuie sur des crues, des étiages ou des glaces. La fermettes fixées à un pivot placé dans canalisation du Cher, réalisée entre le fond du lit de la rivière. Elles peuvent 1836 et 1841 a été faite dans la conti- ainsi pivoter et s'abaisser dans le fond, nuité de l'aménagement du canal de pour laisser le passage à l'eau lors de Berry. Elle participe au même projet crues. La passerelle qu'elles maintien- visant à améliorer et accélérer le nent est une passerelle de manœuvre, transport fluvial. Le canal de Berry permettant au barragiste de pouvoir s'achève à Noyers-sur-Cher par un enlever les aiguilles une à une avant bassin. Il est ensuite raccordé au Cher. les périodes de haute eaux. L'extrémité L'écluse de Saint-Aignan est la des aiguilles est d'ailleurs taillée selon première des 15 aménagées sur la une forme ovoïde, qui permet une sai- rivière, dont 8 se trouvent dans le Loir- sie aisée. Néanmoins, ce travail est et-Cher. L’écluse de Bray, située en aval fastidieux, long et dangereux. L'époque

21 culminante de la navigation commer- BIBLIOGRAPHIE ciale sur le Cher se situe entre 1845 et 1920 : charbon, pierre, acier, huile, 1. Plan de Sauvegarde et de Mise en bois, sucre et vins sont les principales Valeur, Rapport de Présentation marchandises transportées. Les provisoire, cabinet Bailly-Leblanc, mars chalands sont hâlés par des chevaux, 2016. des mules et quelques fois des hommes. Les maisons éclusières, 2. René Guyonnet, Saint-Aignan, Mille construites à côté de chaque écluse, ans d’histoire, Blois, 1979. comportent deux logements : un pour la famille du barragiste et un autre 3. Jean-Marie Berland, Val de Loire pour celle de l'éclusier. Roman, collection «La Nuit des La concurrence du rail et de la route Temps», ed. du Zodiaque, abbaye de ainsi que la crise mondiale des La Pierre-qui-Vire, 1991 (réed). années 1930 finissent par faire disparaître l'activité. En 1926, le Cher 4. Philippe Pimbert, L’Hôtel-Dieu du duc est rayé de la nomenclature des voies de Beauvilliers, reflet de la médecine en navigables. En 1955, l’État concède Val de Cher sous l’Ancien Régime, Les pour 50 ans la gestion du Cher et des Amis du Musée et du Site de Tasciaca, Bulletin n°27 des Amis du musée et du ouvrages à deux syndicats : un pour Site de Tasciaca, 2011. l'Indre-et-Loire, l'autre pour le Loir-et- Cher.

22 PLAN

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11

10 2

1 3 6 5 4 7 8

9

LÉGENDE 1 Collégiale

2 Château

3 Rue Constant Ragot 4 «Maison Carmen»

5 Bureau de Poste

6 Villa Rose

7 Prévôté

8 Place de la Paix

9 Hôtel-Dieu

10 Quai

11 Pont

12 Écluse

23 «Savoir écouter, c'est posséder, outre le sien, le cerveau des autres.»

Léonard de Vinci (15 avril 1452 - 2 mai 1519).

Le label "Ville ou Pays d'art Renseignements et d'histoire" est attribué par Pays d’art et d’histoire de la le ministre de la Culture après vallée du Cher et du Romo- avis du Conseil national des rantinais Villes et Pays d'art et d'his- 1 quai Soubeyran toire. 41130 Selles-sur-Cher Le service animation de l’ar- Tél : 02 54 97 78 60 chitecture et du patrimoine, E-mail: [email protected] piloté par l’animateur de l’ar- www.valdecherromorantinais.fr chitecture et du patrimoine, organise de nombreuses ac- À proximité tions pour permettre la décou- Blois, Bourges, , Loches, verte des richesses Orléans, Tours, Vendôme ont le architecturales et patrimo- label Ville d’art et d’histoire. niales de la Ville/du Pays par Le Pays Loire Touraine et le ses habitants, jeunes et Pays Loire Val d’Aubois ont le adultes, et par ses label Pays d’art et d’histoire. visiteurs avec le concours de guides-conférenciers profes- sionnels.