Le village du Verdier ()

Le village est établi sur une hauteur, à la confluence des ruisseaux du Vervère et d’Escourou qui se jettent tous deux un peu plus au sud dans la rivière de la Vère. La petite agglomération domine par conséquent la rive droite de la Vère, à 168 m d’altitude. Le site d’éperon retenu est défendu sur trois côtés par le dénivelé naturel recreusé et se raccroche au plateau au nord.

Fig. 1. Le village vu depuis le sud-est.

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 1 Fig. 2. Vue aérienne du village, © Google Earth, 2009.

Un château à l’origine du village Le site d’un premier château à l’origine du développement du village peut être identifié dans la partie sud du village. À l’est, à l’ouest et au sud, la déclivité naturelle du terrain a été recreusée de main d’homme et, au nord, un fossé artificiel a été établi pour barrer le site en direction du plateau. Actuellement on repère essentiellement les larges fossés qui ceinturaient le site à l’ouest. L’emplacement même du bâtiment seigneurial médiéval semble très difficile à préciser tant ce secteur a connu de transformations.

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 2 Fig. 3. Le site du premier château du Verdier, essai de reconstitution.

La tradition orale rapporte qu’une ancienne tour aux murs épais été située au nord de la mairie actuelle (parcelle 176 du cadastre de 1812), dont un bâtiment reconstruit dans les dernières décennies du XXe siècle aurait repris l’emprise. Dans l’historique qu’il dresse du Verdier, Élie Rossignol indique que les textes anciens parlent effectivement d’une tour seigneuriale qui était la possession des seigneurs de Cahuzac1. Il précise qu’en 1441, les

1 Rossignol, 1865, p. 343.

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 3 consuls sont en conflit avec le seigneur qui aménage le haut de sa tour en pigeonnier. Hors, les consuls disent être en droit « d’aller faire le guet, badam facere, au haut de la tour du milieu du village qui appartenait à Pierre de Cahuzac ». Ce dernier est donc contraint de rétablir la tour afin que les consuls retrouvent leur droit. Peu de certitude existe sur le premier château. Seule la vaste plate-forme qui marquait son emprise peut être reconnue.

Fig. 4. Repérage du logis seigneurial et de la parcelle 176 sur le plan cadastral de 1812 où la tradition orale rapporte qu’une tour ancienne était située.

Le logis seigneurial Le corps de logis qui s’étendait au sud-est du site du premier château a été largement démantelé à la suite de sa vente en quatre lots après la Révolution comme bien national2. Bien que largement transformé par la suite, il constitue pour l’essentiel une construction du XVIIIe siècle. Une partie de l’élévation ouest construite à l’aide d’un moyen appareil régulier atteste d’une construction antérieure, sans qu’il soit possible d’en préciser d’avantage la datation (fig. 5). Ainsi, l’établissement d’un bâtiment seigneurial à cet emplacement pourrait-il être antérieur au XVIIIe siècle.

2 Voir la notice du château, IA81010981.

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 4 Fig. 5. Ancien château, élévation ouest.

Fig. 6. Élévation est, état actuel.

L’aménagement d’un quartier neuf, le barri nau

Au nord, au-delà de l’ancien fossé, se repère un quartier cohérent et bien distinct du noyau originel. Ce quartier est appelé barri nau dans le compoix de 14753, c'est-à-dire le faubourg neuf. L’ensemble de maisons est établi le long de deux axes orientés nord sud où la régularité du parcellaire est encore perceptible ; les largeurs de façades sont comprises entre 6 et 8 m. Sur le côté ouest de la rue, une série de trois maisons séparées entre elles par des andrones4 et ayant leur façade sur pignon traduit encore ce qu’était le parcellaire de ce quartier à l’origine (fig. 7). L’observation de chacune des habitations du barri nau révèle la présence d’andrones à d’autres endroits (voir plan fig. 10). Les îlots montrent un parcellaire totalement bâti ne laissant pas de place aux jardins. Le barri nau s’étendait jusqu’à la place de la Grèze5, vaste espace situé au nord du village.

3 Selon le témoignage de M. Alain Maignial, habitant du Verdier qui possède le compoix. 4 Une androne est un espace ménagé entre deux maisons ayant pour fonction de recevoir les eaux pluviales et usées. 5 Selon Daniel Loddo, la gresa désigne une terre graveleuse de nature calcaire, (LODDO, 1997, p. 29).

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 5 Fig. 7. Les trois maisons à l’ouest de l’axe principal ont leur pignon en façade et sont encore séparées par des andrones.

Fig. 9. Une des andrones encore visible le long de l’axe principal.8 Fig. 9. L’appareillage des murs gouttereaux.

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 6 Fig. 10. Le barri nau établi au nord du château, essai de reconstitution.

Un appareillage caractéristique des XIIIe et XIVe siècles L’appareillage des murs gouttereaux donnant sur les andrones se caractérise par des moellons équarris de calcaire régulièrement assisés mais non réglés, un traitement de la surface simplement dégrossi, et des chaînes d’angle en pierre de taille. Les maçonneries semblent ne pas avoir été recouvertes d’enduit. Ce type d’appareillage semble caractériser la construction des XIIIe et XIVe siècles pour le secteur géographique plus large de coteaux calcaires dans lequel s’inscrit et que l’on peut définir comme le Quercy élargi. Le village voisin de Puycelci (Tarn), à une quinzaine de kilomètres à l’ouest du Verdier, révèle un mode de construction similaire pour des maisons datées de la même période6. Par ailleurs, ce type de maçonnerie a aussi été identifié dans des maisons contemporaines de Caylus et Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et- Garonne)7 situés respectivement à 27 et 35 km du Verdier. Il est intéressant de noter qu’à Caylus, alors que la pierre de taille est employée pour les façades, le moellon équarri a été utilisé pour les murs gouttereaux.

6 CHALLIOU, 2001. 7 BONGIU et alii, 1993.

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 7 Une création volontaire planifiée La régularité du parcellaire du faubourg évoque l’aménagement d’un quartier mené de façon délibérée et révélant une volonté de lotir rapidement. Le parcellaire du barri nau relève d’une organisation générale décrite par Gilles Séraphin comme un modèle appartenant à une période située entre le milieu du XIIe siècle et le milieu du XIVe siècle et caractérisant les régions situées au nord de la Garonne et en Aquitaine « où les constructeurs ont opté pour une organisation en séries disjointes, dans laquelle les maisons séparées par des venelles présentaient sur la rue principale des façades à pignons8 ». Il ajoute que ces maisons « occupent la totalité de l’espace urbanisé, excluant les jardins ». D’autre part, et toute proportion gardée, le développement du Verdier rappelle celui des bourgs castraux de la seconde génération décrits par Maurice Berthe9, c'est-à-dire ceux qui apparaissent dans le second tiers du XIIe siècle et qui se multiplient au XIIIe siècle, notamment dans l’Albigeois ceux de Cordes, Castelnau-de-Montmiral, Castelnau-de-Lévis où Saint-Sulpice-Lapointe « et qui sont pratiquement tous des créations volontaires planifiées ». Ces chefs-lieux de châtellenie se « distinguent (…) par la régularité de leur plan et la présence d’une place de marché ». Le parcellaire régulier, la présence d’andrones entre les maisons et l’établissement de murs pignons en façade sont autant de critères qui permettent d’inscrire le faubourg neuf du Verdier dans la tradition urbaine des XIIIe et XIVe siècles de l’Albigeois.

Au XVIe siècle, la construction de l’église et le développement du barri bas

Initialement construite à 1,5 km environ à l’ouest du village, au lieu-dit Saint-Paul10, l’église paroissiale est reconstruite à neuf au XVIe siècle, au sud-ouest du château, dans l’emprise de l’ancien fossé. De construction homogène, l’église présente des caractéristiques architecturales du XVIe siècle. La travée centrale porte la date de 1591 inscrite sur la clef de voûte qui pourrait être celle de la consécration du bâtiment religieux.

8 SÉRAPHIN, 2006, p. 37-38. 9 BERTHE, 2006, p. 221. 10 Sur cette question voir le dossier de présentation de la commune.

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 8 Fig. 11. L’église est construite sur un terrain en forte pente.

L’église est à l’origine du développement d’un autre quartier qui s’est développé au sud du village, également sur l’emprise de l’ancien fossé. Ce barri bas s’est organisé le long d’une rue en forte pente reliant l’église au chemin passant au sud du village et reliant Puycelci à Cahuzac.

Fig. 12. Le développement du barri bas et le développement de l’habitat sur le site du château médiéval, essai de reconstitution.

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 9 Il subsiste encore une petite maison qui témoigne de l’habitat qui s’est développé à cette époque. Pour le reste, les quelques maisons anciennes du quartier ne semblent pas remonter au-delà du XIXe siècle.

Fig. 13. La petite maison au sud de l’église, témoigne du développement du barri bas.

Fig. 14. Dessin des années 1830 réalisé par Sylvain Maignial montrant le quartier qui s’est développé au sud de l’église, sur la pente (Collection particulière).

La colonisation du site de l’ancien château À la même période, l’habitat a largement envahi le site de l’ancien château. Deux maisons conservent des silos probablement médiévaux creusés dans la roche (la mairie actuelle et la ferme située à l’ouest de celui-ci). Plusieurs maisons en pan-de-bois réparties sur tout le site et

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 10 qui peuvent être datées des XVe et XVIe siècles témoignent aussi de la colonisation du site du château médiéval par l’habitat à une période assez ancienne.

Fig. 15. Repérage de la construction en pan-de-bois sur le site de l’ancien château.

Fig. 16. et 17. Maisons en pan de bois dans de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle situées dans le noyau originel du village (à gauche, actuelle mairie).

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 11 Fig. 18. Maison située à l’ouest de la mairie, seule la partie supérieure du silo est conservée.

Les évolutions des XVIIIe et XIXe siècles

Le comblement du fossé nord Malgré le développement du barri nau au Moyen Âge, ce n’est qu’au début du XIXe siècle que le fossé nord qui entourait le site du château est comblé. L’absence de construction sur le cadastre de 1812 montre que l’espace n’est toujours pas colonisé à ce moment. C’est donc seulement au cours du XIXe siècle que sont construites les fermes qui s’implantent sur son emprise. Actuellement, à l’est du carrefour de la rue de la Mairie, un dénivelé est encore visible qui témoigne de la présence de l’ancien fossé.

La transformation de l’habitat À partir du XVIIIe siècle s’amorce une transformation significative de l’habitat. Des fermes se développent sur le pourtour du village et des maisons sont progressivement réaménagées dans le village même, à partir du parcellaire existant. Cette tendance semble se confirmer surtout pour la période comprise entre les années 1880 et le début du XXe siècle où une dizaine de fermes sont construites en limite de village. Dans les années 1870, la demeure des Maignial établie au sud-est du village connaît un développement autour de l’activité vigneronne qui relève du même phénomène. Le propriétaire Hippolyte Maignial souhaite développer une vaste exploitation et restructure pour ce faire une partie de la demeure et aménage de nouveaux bâtiments agricoles dans la cour11.

11 Voir la notice de la demeure Maignial.

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 12 Fig. 19. Repérage des fermes aménagées dans le village aux XVIIIe et XIXe siècles.

D’autre part, à partir de la fin du XIXe siècle et surtout dans les premières décennies du XXe siècle, les maisons établies sur le parcellaire médiéval subissent des changements importants probablement en raison de leur superficie jugée trop exiguë. Certaines parcelles sont réunies afin de constituer des habitations nouvelles plus importantes. D’autres maisons sont conservées en l’état mais connaissent un certain déclassement par leur réutilisation en cave ou autres bâtiments agricoles. Des repercements ont été effectués pour les besoins des activités agricoles ; on les identifie le plus souvent par des encadrements de brique ou de bois. Ces ouvertures interviennent le plus souvent en rupture totale avec le bâti préexistant. Ces caves constituent des dépendances de maisons voisines du village.

Fig. 20. Une maison reconstruite au cours du XIXe siècle en Fig. 21. Petite maison du XVIe siècle transformée en cave au début réunissant deux parcelles. du XXe siècle.

Mission d’inventaire du patrimoine – CAUE du Tarn 13 Sonia Servant Chargée de l’inventaire du patrimoine, CAUE du Tarn Mai 2010 (c) Conseil général du Tarn ; (c) Inventaire général Région Midi-Pyrénées

BIBLIOGRAPHIE

BERTHE (Maurice), « Les élites des bourgs castraux dans le Midi Toulousain aux XIIIe et XIVe siècles », dans La maison au Moyen Âge dans le Midi de la , 2006, p. 205-222.

BONGIU (Aurel), ÉLACHE (Michèle), LONCAN (Bernard), NOÉ-DUFOUR (Annie), SCELLÈS (Maurice), UFFLER (Anne-Marie), Caylus et Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et- Garonne), le patrimoine de deux cantons aux confins du Quercy et du Rouergue, Cahiers du Patrimoine n° 29, Paris, Imprimerie nationale, 1993.

CHAILLOU (Mélanie), Les maisons médiévales de (XIIIe, XIVe et XVe siècles), mémoire de maîtrise, sous la direction de Henri Pradalier, Toulouse-Le Mirail, 2001.

ROSSIGNOL (Elie-A.), Monographies communales ou études statistiques, historique et monumentales du département du Tarn, Première partie arrondissement de , vol. III, canton de Castelnau-de-Montmiral, Le Verdier, p. 337-346, Toulouse, Paris, , 1865.

SÉRAPHIN (Gilles), « Un modèle de parcellaire médiéval : le parcellaire binaire », dans La maison au Moyen Âge dans le Midi de la France, 2006, p. 37-51.

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