AUISAUNIS ECO ECO N°122N°123 - MARSJUIN 20012001 TRACES

Rédaction : Christophe Bertaud Photos : Claude Aubineau Etiquettes : Eric Delpierre La laiterie de Marans (1881 - 1988) : un siècle de fromages

Lorsqu’à la fin du XIXème siècle sévit la grande crise du phylloxéra, l’agriculture de la Charente-Maritime, jusqu’alors essentiellement tournée vers la viticulture, se trouve brutalement transformée. Une grande partie du vignoble charentais étant détruit, de nombreux exploitants choisissent de reconvertir leurs vignes en prairie pour l'élevage de vaches laitières en Aunis et en Haute-Saintonge. Avec cette nouvelle orientation, de nombreuses laiteries se développent sur tout le département afin de recueillir le lait et com- mercialiser les produits dérivés, beurre, fromage et caséine (1).

La première grande Vendée. A la fin des années 30, laiterie industrielle il existe plus d’une centaine du département voit de laiteries en Charente le jour à Marans en Inférieure, ce qui en fait un 1881. Elle est l’œuvre des plus importants départe- d’Evariste Baron ments producteurs de beurre (1830 – 1885) qui ins- de l’Hexagone. talle son établissement le long de la rive A l’origine, les laiteries pro- gauche de la Sèvre duisent essentiellement du Niortaise ( îlot d’habita- beurre. Le résidu de la pro- tions entre la rue duction, qu’on appelle petit Evariste Baron et le lait ou lait écrémé, sert Quai Maréchal Joffre). alors à alimenter les porcs L’emplacement est idéal. dans les porcheries qui Si la Sèvre permet l’ali- jouxtent souvent ces éta- mentation en eau indis- Arrivée des laitiers exploitants après le ramassage de lait en 1905 blissements ou alors il est restitué aux socié- pensable au fonctionne- taires. D’ailleurs dans le canton de Marans il ment d’une laiterie, elle constitue en outre emploie 50 ouvriers en 1905. Au début du ème existe une grande proportions de porcins : pour les différents exploitants un moyen XX , la laiterie reçoit du lait de plus de 600 on en dénombre 5 648 en 1923. Le petit lait pour livrer le lait. On estime alors qu’il faut fournisseurs. sera par la suite valorisé par l’industrie de la utiliser 10 litres d’eau pour 1 litre de lait caséine. transformé. Son fils, Henri Baron, lance le Parallèlement aux établissements privés se premier ramassage de lait par véhicule hip- développent les laiteries coopératives pomobile et par bateau. La famille Baron depuis qu’en 1888, un agriculteur de Chaillé Parallèlement à la fabrication du beurre qui contribue alors fortement à la prospérité de (près de Surgères), Eugène Biraud, crée la reste la principale activité des laiteries la région marandaise. En plus de la fabrica- première coopérative de la région. En 1922, coopératives, une soixantaine de laiteries tion du beurre, elle lance la fabrication du 350 sociétaires se regroupent, reprennent du département dispose d’une fromagerie premier fromage du département, un froma- l’ancienne laiterie Baron et créent la Laiterie fabriquant des produits du type camembert ge à croûtes rouges façon Hollande, l’édam. Coopérative de Marans afin d’obtenir de ou pâtes cuites comme l’édam ou le gouda. Ces fromages sont exportés dans des vessies meilleures garanties sur le prix du lait. Les En Aunis, on recense plusieurs laiteries - fro- de porcs (importées d’Hongrie) ou en cof- sociétaires sont installés dans un rayon de mageries. Celles de Cram-Chaban, Lafond frets métalliques vers l'Angleterre et les 10 km autour de Marans sur les communes (Laiterie Industrielle rue Marius Lacroix) et colonies françaises. L’usine est revendue en de Charron, Villedoux, Andilly, Saint-Jean de Vendôme- produisent du camembert, 1902 au vicomte Raymond de Bresson qui y Liversay, Ile d’Elle et Voullié les Marais en celles de et de Marans, l’édam sans Préparation des colis pour l’exportation en 1905 oublier la fromagerie de Grolleau (Salles-sur-Mer).

Après guerre, entre 1947 et 1951, sous la présidence de Camille Petit, la laite- rie-fromagerie de Marans est partielle- ment démolie et transformée. On la modernise en remplaçant la cuve à Hollande achetée en 1934 et on inves- tit dans un tank à lait en 1951 pour refroidir et conserver le lait plus long- Dans les années 20, le ramassage de lait s’est modernisé et s’effectue désormais en automobile temps. Si cette innovation est d’abord décriée par une partie des sociétaires, Laitière (USVAL) dont le siège se situe en Charente-Maritime avec la fermetu- elle se généralise dans toutes les en Vendée à Saint-Michel en L’Herm. re des fromageries de Tonnay- fermes quelques décennies plus tard. La trentaine de salariés produit des Boutonne et de dont la pro- fromages hollandais, le fromage au duction est transférée à Saint-Saviol En 1957, l’établissement de Marans lait cru local " La Pigouille " ainsi que (Deux-Sèvres). Malgré la chute du fait partie des sept plus grandes laite- différents fromages italiens : Sarde, nombre des exploitations laitières ries coopératives d'Aunis. Afin de ren- Toscanello, Canestrato, Crotton (au (13 700 en 1970 ; 1 150 en 1997) et des tabiliser au mieux la coopérative, la poivre). La laiterie traite alors quoti- effectifs (114 000 vaches laitières en production de beurre est stoppée en diennement 35 000 litres de lait pour 1970 pour 32 800 en 1997), la produc- 1962 pour se spécialiser uniquement une production de 4 tonnes de froma- tion laitière de la Charente-Maritime dans celle des fromages à pâte pressée ge et 3 000 unités de " La Pigouille " reste néanmoins reconnue et appré- (St Paulin, Edam et Gouda à partir par jour. 80 % est exporté vers ciée sur le plan national. Elle est asso- de 1963). Les fromages se vendent l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et la ciée au nom de Surgères. sous différentes marques, Mahita, Suisse. A partir des années 80, la laite- Champion (Edam) et Hetel (Gouda). rie coopérative de Marans est de (1) Caséine : substance protéinique qui moins en moins rentable. Elle ferme constitue la majeure partie des protides du lait. A la fin des années 60, l’heure est à définitivement le 25 avril 1988. l’union des coopératives qui se regrou- Savoir Plus pent et se spécialisent pour pouvoir En 1901, il y avait 46 laiteries coopéra- résister face au marché européen. La tives sur le département. Un siècle www.letyrosemiophile.com laiterie de Marans et ses 200 socié- plus tard, il n’en reste plus que quatre : Le tyrosémiophile est le collectionneur des étiquettes de fromage. Sur ce site, une importante collection est taires, sous l’impulsion de son prési- Chadenac, Surgères, Saint-Pierre de mise à votre disposition et notamment un dossier consacré aux différents fromages de la dent Raoul Renard, rejoint en 1972 l’Ile et Saint-Jean de Liversay. La fabri- Charente-Maritime. l’Usine Sud Vendéenne Agricole cation de fromage industriel a disparu