Ancien Couueul de TV isbecq

A l'moi ries du Prince d'Oll6l1ies de Grimbergl:» ((llflfû'e du Couuent)

1-il' nv cloitre d'entree Dr L. MAHY

LE COUVENT DE WISBECQ

en .

BRUXELLES

Georges VAN CAMPENHOUT

ÉDITEUR-LIBRAIRE 28, rue des Paroissiens

1919

Le Couvent de Wisbecq, en Brugelette.

AVANT-PROPOS

Merveilleuses et providentielles tout à la fois, furent la destinée et l'histoire de cette antique demeure dont l'origine se perd dans la nuit du XIIe siècle. Apparaissant et connue à son début pour réaliser une œuvre de miséricorde corporelle et spirituelle, elle passa à travers des vicissitudes multiples, étranges et pleines de périls. A u lieu de décroître ou disparaître dans la tour- mente des cataclysmes sociaux, elle y trouva un regain de jeunesse et de puissance qui lui permirent d'atteindre un développement et une importance inattendus, Sous les formes variées et les destinations en apparence différentes auxquelles l'adaptèrent les circonstances, elle réalisa constamment et jusqu'à nos jours cette primitive destination. Loin du bruit et des villes, isolée, pour ainsi dire perdue en un lieu presque désert aux temps anciens, pauvre et d'appa- rence modeste à sa naissance, la cc bonne maison» de Wisbecq, vit passer au cours des âges et abrita par milliers dans ses murs, les personnalités les Plus variées et les Plus disparates de la Société : depuis .{'humble enfant abandonné, le pauvre passant mourant de faim et de misère, la mendiante exténuée et succombant sous le faix de sa maternité, Jusqu'aux repré- sentants de la Plus haute société; la main dans la main, l'hum- ble fille des champs et la grande dame, fille des preux croisés, vinrent y revêtir la bure franciscaine; grands seigneurs, ducs, et princes, hauts dignitaires de l'armée et du clergé, princes de l'église, illustrations marquantes et variées de la science, des -arts, des lettres, de la chaire, religieux, missionnaires, martyrs enfin, tous signèrent leur séjour ou leur passage au livre d'or de Wisbecq. Put-on jamais rêver défilé Plus prestigieux, Plus étonnant en un lieu si humble, si modeste? Et qui pourrait nier qu'une prédestination supërieure fut assignée au vieil asile de Wisbecq, dont nous allons essayer de retracer les annales, et analyser le passé? Au hameau de Wisbecq, écrivait le P. V'anderspeeten (1), à dix minutes environ de l'église de Brugelette, sourit à la verdure des champs, un antique monastère, qui donne asile aujourd'hui (en I884) à près de quatre cents orphelines, Placées sous l'habile et maternelle direction des Sœurs de l'En- fant-Jésus. A vant elles les Pères Jésuites expulsés de France en I834, eurent là un brillant collège, dont le souvenir est loin d'être perdu. Et le narrateur émettait le projet d'écrire une courte notice historique sur cette ancienne maison, fondée au XVe siècle par une noble demoiselle, et léguée par elle à des Sœurs du Tiers-ordre de Si-François, chargées, sous le nom de Sœurs grises, de donner leurs soins aux malades et un abri aux voya- geurs. Nous ne sachions pas que l'érudit Jésuite ait eu le temps de réaliser son idée, et nos démarches auprès de son héritier litté- raire, nous autorisent à croire qu'il mourut sans avoir pu y donner une suite quelconque. Quoi qu'il en soit, pour des raisons sans intérêt pour-le lecteur, nous avons assumé d'entreprendre une étude dont le préambule ci-dessus constitue un canevas succinct mais complet. A vec en moins la compétence et le talent de la personnalité ci-dessus évoquée, nous nous appliquerons de notre mieux li développer son projet.

(1) Cf. Messager des Sciences historiques, année 1884, +"lOD. CHAPITRE 1

Le hameau de Wisbecq et l'ancienne famille de ce nom.

Le hameau de Wisbecq où s'éleva la primitive « Mai- son-Dieu» de ce nom, est aussi ancien sinon davantage, que la commune de Brugelette dont il dépend. L'ori- gine étymologique romane de son nom, suffit elle- même à lui justifier une antiquité respectable. Un ruisseau dénommé de nos jours le Rieu de Brune anciennement le Wysbecq, le traverse en entier pour se jeter dans la Dendre à proximité de la très vieille ferme de Brade (r), entre Brugelette et Mévergnies. Ce hameau est limité au Nord par un chemin aussi ancien que la commune et connu dès les temps les plus lointains sous le nom de « Vieux chemin d' à ». Cette voie de communication antérieure à la grande chaussée voisine et parallèle, allant de Mons à Tour- nai et construite seulement sous la domination autri- chienne (2), assurait à elle seule le trajet entre les villes

(r] L'ancien fief de Brade (en roman: Brakel), est antérieur à l'an r070. (2) La grande chaussée d'Ath à Mons fut exécutée, en I726, sous Charles VI, empereur d'Autriche et souverain des Pays-Bas. Dès I704, le conseil de ville d'Ath en avait pris l'initiative, et des lettres patentes de Philippe V, roi d'Espagne, autorisèrent le magistrat d'Ath à lever la somme nécessaire pour la dite construction. Ce ne fut qu'en 1725 qu'elle fut commencèe. Un Athois Simon de Bauffe, ingénieur, et pour lors colonel et lieutenant gouverneur de la forteresse de -6- précitées aux temps jadis. Passant à front de la maison qui fait l'objet de cette étude, le vieux chemin d'Ath à Mons contribua à déterminer son emplacement, sinon à motiver indirectement son existence. Au temps médie- val en effet, la vogue aux pèlerinages était intense (1); on se rendait, dit Bertrand, aux tombeaux des Saints Thaumaturges par dévotion, pour expiation d'un crime avoué ou secret. Le manteau du pèlerin couvrit aussi le commerçant. On voyageait seul ou en troupe à la garde de Dieu, le pauvre comptant sur la charité chré- tienne pour le gîte et le vivre. Ces mœurs firent éclore à coté d'asiles ouverts aux indigents du lieu, des hôpi- taux ou plutôt des hôtelleries pour les pauvres voya- geurs étrangers (2). Telle fut en effet dès les temps les plus anciens de son existence, même à son début, la triple destination ou raison d'être de la maison hos- pitalière de Wisbecq. Wisbecq constituait dès la fin du XIIe siècle une sei- gneurie, que possédait une famille de ce nom. Les noms de quelques uns de ses chefs sont arrivés jusqu'à nous. Outre Théobald de Wisebeke, dit Lorel, le plus ancien

Lierre fut chargé d'en dresser les plans. La ville avait avancé 10.000 flo- rins, productifs de 4 010 et garantis par le droit de barrière imposé à tout véhicule, aux fins de hâter l'entreprise. L'an 1727 vit l'achèvement de cette chaussée. Large et pavée, abrégeant les distances par la ligne droite, atté- nuant les rampes par des tranchées et des remblais munis d'accotements pour les piétons et leurs bordures d'arbres répandant une ombre rafraîchis- sante pendant les chaleurs de l'été, cette chaussée fut une merveille pour l'époque, et est encore admirée de nos jours. (Cf. BERTRAND, Histoire d'Ath). (1) Celui de N. D. de Tongre avait dès le Xl" siècle, conquis une vogue et une importance considérables. (2) Cf. BERTRAND, Zoe.cil. -7 connu, et cité en 1242 dans le cartulaire de Cambron, nous avons rencontré : {( W ilheame de W isebech » « Moïse de W isebech » tous deux en août 1279.

« Hennons de Wisebieke, en avril I28I )J, tous trois cités comme échevins et notables de Brugelette, et scellant des chartes au profit du prieuré d'Oignies (I). Gilles de Wisebeke, figure dans le cartulaire de Cam- bron en 132I. à titre de bienfaiteur de l'abbaye « Gilles de Wiesbeke » (2). Un document conservé aux archives de l'Etat à Mons, mentionne en I343, « la demoiselle de Wizebieke » (3). Nous rencontrons enfin comme dernier titulaire de ce nom de famille, en 1433, « Michault de Wisebiecque » lequel apparait en qualité de témoin, à Mons, dans un acte public (4). Quant au nom de Wisbecq, les opinions varient sur son étymologie; on a comparé Wisbecq et Gibecq loca- lité voisine, et on a prétendu que ces mots signifient : le « ruisseau di Gui» du roman Wis, Wion, Wido (5). - On a dit également, Wisbecq ou Viesbeek, c'est Westbeek, en langue romane « ruisseau de l'ouest» ou Wyse-Beeck, « ruisseau de joncs» (6). Pour concilier ces opinions di-

(I) Cf. Annales de la Société archéologique de Namur, t. XXXI, :ae livraison pp. 220 et 227. (2) Annales du Cercle archéologique de Mons, t. XVII, p. 385. (3) On y lit : « la Rokette à M'" de Wizebieke », (4) Cf. Cartulaire des Comtes du Hainaut, DEVILLERS, t. VI, p. 614. (5) Cf. G. DESCAMPS, Particularités onomastiques. (6) On remarque enfin que Wis préfixe de ce nom de lieu signifie aussi Ghys, Wis, Ghis, Ghy, nom d'homme très commun sous la période franque -8- vergentes, que nous ne tenterons pas de mettre d'ac- cord, on rencontre comme formes anciennes du nom : Wisebeke en 1243, Wisbecca 1278, Wizebiecque 1318, Wisebiecque 1433, Wizebecq 1353, Wissebiecq et Wisbecq. - Wisembeque 1483, Wisebecque 1502, Wisbeqhe 1638, Wisbecqhe 1640. Enfin Wysbecq et Wisbecq. Le hameau lui-même de ce nom eût dès les temps anciens une certaine importance; des pièces reposant aux archives de l'État à Mons mentionnent déjà en 1373 et en 1401, « la carrière de Wisebecq », « les chau- fours à Wisebecq » « le four banal de Wizebiecque » (1367) ((le vivier de Wizebiecke» (1343) « le moulin et pont à Wizebecq » (1353). (( La Cense de Wisebecq », qui fut toujours, et de nos jours encore, la propriété des Seigneurs de Brugelette, occupait déjà dès r575, 63 bonniers. Un document daté de 1362, parle de deux ( mala- dries» établissements spécialement destinés à abriter et à isoler les lépreux; cette affection était fort répandue dans nos contrées dans le moyen-âge; l'hygiène mo- derne l'a réduite à l'état de souvenir historique. - L'une était située à Brugelette même, l'autre à « Wisebeck », Nous ignorons tout, concernant cette dernière (1). et pendant le haut moyen-âge. Et alors Wisbecq s'assimile à Gibecq, localité voisine, dont le nom se rencontre en II79 et en 1227 sous la forme de Gisbeke. Des documents anciens signalent également « le vivier de W isbecq» disparu de nos jours. Cf. A. G. CHOTIN, Etudes étymologiques et G. DEscAMPs, loc. cü. (1) Cf. G. DESCAMPs, Particularités onomastiques. -9-

CHAPITRE II

§ I. - La maison hospitalière ou « l'hôpital » de Wisbecq.

Si loin que nos recherches nous aient permis de remonter, il appert qu'au début de son histoire, cette antique maison dût son origine à l'établissement d'un hôpital « domus hospitalis » dont l'existence est constatée d'une façon authentique dès l'an 1242, et rien n'em- pêche de lui assigner une existence beaucoup plus an- cienne encore. Il est vraisemblable de penser que cette maison fut fondée et établie sur le patrimoine et les terres des possesseurs de l'ancien fief de Wisbecq, dans le but de réaliser et pratiquer une œuvre de miséricorde corpo- relle et spirituelle évangélique. Un acte du 26 janvier r aaô établit qu'une rente de II sous l'an était assise sur cet établissement au profit de Théobald de Wisbecq, dit Lorel de Chièvres, lequel par le dit acte, transmettait cette rente au portier de l'abbaye de Cambron et à l'église ou confrérie de St-Nicolas de Hérimez, établie à Bruge- lette (1). Il en était toujours de même quand un autre hôpital lui fut annexé ou substitué sans y changer grand'chose (2). Il s'agissait de l'hôpital dit « des étran- gers » qu'un homme riche et éminemment charitable, Jean le Jeune ou « li J ovéne» dont le souvenir est par- venu jusqu'à nous à raison d'autres fondations religieuses

(1) Acte scellé par N. doyen de Chièvres le 2I-I-I242, constituant le tes- tament du dit T. de Wisbecq et stipulant que cette rente devra être payée à la Nativité. (2) Cet hôpital fut « instauré» avant I43I (Archives de l'état, à Mons). 10 - existant encore dans la paroisse de Brugelette, avait fondé dans cette commune (I). Sur son patrimoine, en un lieu appelé Montbliart, que nous situons au lieu dit « les Montils» en sa partie spécialement dénommée le « Bas des Fosses» occupé actuellement par une maison de rentier avec jardin enmuraillé tenant à une cha- pelle dédiée à la Vierge immaculée et à St-François de Paule, avaient été installées quelques filles dévotes, affectées à donner leurs soins aux malades et aux pau- vres étrangers échoués dans la commune. Nous ignorons pour quelles raisons eût lieu ce transfert. Quoiqu'il en soit ces filles, sorte de béguines, vivant en communauté sans être asservies à aucun ordre religieux, sans être liées par aucun vœu solennel, continuèrent à desservir l'hôpital de Wisbecq, comme elles l'avaient fait précé- demment à Montbliart, jusque vers l'année I389.

§ II. - Premières Religieuses de Wisbecq, En cette année I389, arrivèrent de St-Omer, des reli- gieuses appelées en ce temps les « filles-Dieu» qui se substituèrent à Wisbecq aux filles venues de Mont- bliart (2). Il Y a lieu de croire que les sires de Jauche Mastaing, seigneurs du lieu, contribuèrent également, sinon à la construction de cette maison, comme certains le prétendent et nous n'en sommes pas, du moins à son agrandissement et à sa prospérité matérielle. Ce fut croyons-nous à leur appel que les religieuses de St-Omer vinrent se fixer à Wisbecq.

(1) Jean le Jeune, ou Jehans li Jovène de Baulignies, homme de fief de Gérard de Rassenghien, sire de Lens: vivait en 1325, (Cf. ST-GENOIS,M onu- ments.) Il avait fondé en l'église de Brugelette un caniuaire, pour décharger des messes à 30 sous, chantées, et autant qu'on en pouvait, 60 à 70 environ l'an en 1844. (2) Cf. Archives de la cure. - Note rédigée en 1739. - II-

CHAPITRE III

Les Sœurs grises.

§ 1. - Le Tiers-Ordre de St-François d'Assise avait été institué par ce saint en 122I. Des laïques dévots, hommes et femmes, tout en conservant leur situation mondaine en composèrent primitivement l'en- semble; ils s'obligeaient à des pratiques pieuses, mais n'étaient liés par aucun vœu. Après la mort de leur fondateur, quelques-uns d'entre eux se groupèrent en communauté sous les ordres d'un supérieur. Les papes approuvèrent cette congrégation qui bientôt forma plusieurs branches distinctes. De cet ordre, certaines religieuses s'astreignirent au triple vœu solennel, de chasteté, pauvreté et obéissance; d'autres ne se lièrent que par des vœux simples. La couleur de leurs vêtements donna leur nom aux Sœurs grises, qui se dévouèrent au soin des malades, à leurs domiciles, ou dans les hôpitaux et à l'éducation des jeunes filles, de préférence celles de la classe pauvre. Une règle plus austère aggra- vée par la clôture fut adoptée par un grand nombre de ces associations (1). La réforme dite de Limbourg, or- ganisée par Jeanne de Neerinck de Gand, et fondatrice des Pénitentës-recollectines au monastère de Lim- bourg, plus connue sous le nom de Mère Jeanne de

(1) Cf. Collationes ecclesiasticae, t. IV, 1866-8. - 12

Jésus, fut adoptée dès son ongme en 1626 par les Sœurs de Wisbec (1). Un bref du pape Urbain VIII, en date du 15 juillet 1634, confirmait les constitutions nouvelles de cette ré- forme qui se trouvaient de ce chef notablement ag~ravée, tant au spirituel qu'au temporel. Dans les premiers temps ces religieuses portèrent le voile blanc, elles adoptèrent le voile noir dès le 14 juillet r678. Au xve siècle les Sœurs du Tiers-ordre n'étaient pas recon- nues comme religieuses en France ni en Allemagne; les évêques les tenaient comme séculières et s'oppo- saient à la création de leurs établissements; une con- stitution décrétée, avant sa mort en 1484, par Sixte V, avait statué que les Sœurs du Tiers-ordre vivant en communauté et ayant fait les trois vœux étaient des religieuses et avaient droit de ce chef aux privilèges accordés aux Frères mineurs. Ce décret fut confirmé par le concile de Latran; dès 1517 Léon X excommunia les ennemis de leurs privilèges, et pendant cette période d'indécision, l'archevêché de Cambrai les désavoua. Ste-Elisabeth de Hongrie morte en 123r est considérée par son biographe, le ete de Montalembert, comme la première des Sœurs grises et leur fondatrice (2).

(I) Les religieuses furent cloitrées dès cette date et astreintes à réciter le bréviaire romain. Cf. Noble Fleur de Belgique, I9I3.

(2) Une autre communauté de Tertiaires, appelés « Bogards II fut égale- ment installée en 1467, par Jacques de Jauche-Mastaing, seigneur de Brugelette et neveu de Quentine de Jauche, et sa femme Philippine de Lannoy, dans la chapelle de St-Nicolas d'Hérimez, à laquelle avait égale- ment été annexé un hôpital au xnr' siècle. Une confrérie dite de Sr-Nicolas qui persiste encore de nos jours sous une forme des plus atténuées, y avait 13

§ II. - Wisbecq, pépinière du T'iers-ordre,

En 1406, les filles hospitalières de Wisbecq adop- térent la règle austère de St-François et constituèrent l'ordre des Sœurs grises de Brugelette, tronc fécond et puissant qui donna naissance à diverses communautés nouvelles du même ordre, en Belgique et en France. L'hôpital Deleplanque, à , fondé en I483 par Jacques Deleplanque, marchand, et sa femme Jeanne de Vesdre, recruta à « Wisembeke, en Hainaut, aucunes sœurs portant gris habits de leur vocation écclésia- stique» selon Cousin cc il avait appelé de « Wisèque » six sœurs hospitalières» (I). En I498, le magistrat de confia à six sœurs tirées de Brugelette, Mons et Nivelles, l'hôpital de St- Jacques à Soignies (2). Le couvent d'Hautrage qui existe encore de nos jours, dut aux sœurs de Wisbecq ses premières religieuses. Connaissant les services que les religieuses de Brugelette rendaient aux malheureux de cette localité, douze religieuses de Wisbecq furent

également son siège. Ces tertiaires se composaient de prêtres et de frères convers. Le relâchement qui s'introduisit dans le couvent fut cause de la suppres- sion de cet ordre en 1566. La même année des Carmes déchaussés appelés de Valenciennes, réformés en 1624, et assimilés pour la règle et la cou- tume aux Carmes chaussés, leur furent substituès. Ils y restèrent jusqu'à la Révolution. D'autres Franciscaines, dites Recollectines, venues de France, occupent depuis peu, l'ancien couvent des Carmes. (1) Cf. HOVERLANT,COUSINet BOZIÈRES,auteurs d'études sur Tournai. (2) Cf. BRASSEUR,DELEWARDEetVIl\CHANT,auteurs d'études sur le Hainaut. Le Hainaut compta sous l'ancien régime jusque 10 couvents de Sœurs grises. C'étaient ceux de Tournai, Brugelette, Chièvres, Soignies, Frasnes- lez-Buissenal, , Hautrages, Blicquy, et l'hospice Delplanque à Tournai. déplacées, pour fonder le couvent d' Hautrages, avec Sr Simone Chantraine comme supérieure, en 1508, en vertu d'une obédience du P. Guillaume Dehersecq, visiteur des Récollets de la province de Flandre, avec sr Agnès Boulogne, SI Jeanne Castellion, Sr Jeanne Plaquet, Sr Marguerite Descamps, Sr Jeanne Grumiau et Sr Agnès Pieron. sr Simone Chantraine mourut le 29 mai 1520, après avoir gouverné 13 ans (1). En 1470, Isabelle de Portugal veuve de Philippe le Bon introduit à Mons des Sœurs grises venues de Wisbecq, pour la fondation de l'hôpital Taye (2). (An- nales du Cercle archéologique de Mons, t. I.) L'hôpital ou couvent d'Avesnes, les couvents de Beau- mont et du Quesnoy, recrutèrent également leurs pre- mières religieuses à Wisbecq (3).

§ III. - Développement de cette institution. Brasseur qui écrivait en 1650, dit que la maison des Sœurs grises de Wisbecq était la plus ancienne, quelle avait formé de nombreuses filiales, et la plupart des maisons similaires dans le pays, mais il fixe. erronément à 1435 la fondation de cette communauté (TH. BRASSEUR, De originibus coenobiorum Hannoniae, p. 352) qui comme telle, existait dès 1406. Ce fut en 1435, qu'une noble dame nommée Quentine de Jauche, dont nous esquisserons plus loin la grande et belle figure, donna au couvent de Wisbecq, son envergure définitive. Les religieuses jusque là, s'étaient contentées

(1) Cf. Annales du Cercle archéologique de Mons, Collationes ecclesiasticae, 1868, VINCHANT, BRASSEUR et DELEWARDE, lac. cii. (2) et (3) Cf. Collationes ecclesiasticae et DELEWARDE, t. V. - 15- d'une maison particulière de modestes proportions, mais devenue trop étroite pour répondre au développe- ment et aux progrès croissants de l'ordre (1). Quentine qui avait employé sa grande fortune à la construction de plusieurs couvents fit édifier à Wisbecq (2), sur son patrimoine et à côté de l'ancienne, une maison spa- cieuse en forme de quadrilatère, composant un cloître à l'intérieur avec une cour ou jardinet central. - Une chapelle y annexée longeait le vieux chemin d'Ath à Mons et tenait à la porte d'entrée du monastère. Ces constructions existent encore de nos jours et sont en- globées dans l'immense bâti~e qui constitue le couvent actuel. La maison n'avait pas d'étage et était entourée d'un vaste enclos. C'était pour l'époque où elle fut édi- fiée une grande et belle construction. Le cardinal de Ste-Croix légat du pape à l'assemblée d'Arras, confirma le 14 septembre 1435 la fondation de Quentine de Jauche (3) à Brugelette, en même temps, qu'une fondation similaire de la même bienfaitrice en faveur des Sœurs grises de Chievres : le bref d'appro- bation commençait en ces termes: Nieolaus Dei miseri- cardia tituli Sanetae Crueis in H ierusalem presbiter Cardi- nalis, regni Francia'e in adiaeentibus partibus legatus aposte- lieus, dileeta nobis in Christo Qna de mastaing, etc ... et finissant comme suit: Datum atrebato anno I435 mensis 7bis die IL/a (4).

(1) A l'impulsion donnée par cette communauté, les couvents des Sœurs grises se multiplièrent à tel point que bientôt on compta dans notre pays 24 maisons de cet ordre. (2) Cf. BRASSEUR, loc. cii., p. 35:1. (3) Cf. DELEWARDE, t. V. (4) Cf. TH. BRASSEUR, Origines omnium Hannoniae coenobiorum: -- 16

§ IV. - Quentine de Jauche-Mastaing.

Quentine de Jauche-Mastaing était fille de Jean de Jauche, Seigneur de Mastaing et de Sassignies, et d'Isa- beau de Rochefort-Walcourt, dame de Hérimez et de Brugelette, qu'elle avait hérités de Rasse de Rochefort son père. En 1270, le dit Jean de Jauche s'enrôla sous la bannière de St-Louis, roi de France, qui dirigeait la 8me croisade contre les infidèles. On sait que cette dernière se termina par l'insuccès final de la chute de Ptolémaïs et l'avantage des Sarrasins. Le père de Quentine de Jauche ne revint plus de Terre Sainte, mort en 12g8 il fut inhumé au mont Sinaï. Quentine naquit au château de Hérimez à Brugelette et passa son enfance à Brugelette et à Chievres, rési- dences de sa famille. Ses parents lui obtinrent plus tard ainsi qu'à sa sœur Marguerite un canonicat au chapitre noble des Chanoinesses de Ste-Waudru à Mons, et les deux sœurs y passèrent ensemble les premières années de leur jeunesse. Nous lui connaissons en outre un frère nommé André ou Adrien, qui mourut en 1456, seigneur de Mastaing, Sassignies, Hérimez et Brugelette; il avait épousé Marguerite de Masmines, dame de Berlegem, Lierde-Ste-Marie, etc., morte en 1457. Un autre, Jean, cité comme maire de Chievres, en 1413 (1). Une autre sœur, Isabeau de Jauche, mourut abbesse d'Epinlieu lez-Mons (2).

(1) Jean de Jauche dit aussi de Hérimez, possédait à Chièvres la Seigneurie de la Salle, il y avait aussi dès cette époque les Aulnois et les Trieux dits d'Herimez à Chièvres, (2) Citée en cette qualité en 1424. - 17-

Un autre frère enfin, Jacques de Jauche, était icha- noine à Mons (1). - Femme d'une solide piété et d'une haute vertu, Quentine de Jauche, dédaignant les avantages que lui donnaient son extraction illustre et une grande fortune, se voua au célibat et dissipa ses grands biens en fonda- tions multiples et en libéralités pieuses. - Outre le couvent de Wisbecq, elle avait également comme nous l'avons vu plus haut, fondé à Chièvres le couvent des Sœurs grises, qu'elle établit dans la maison même qu'elle occupait en cette ville, séant rue Hoche de nos jours (2), lequel, supprimé à la Révolution, disparut et fut rasé. La même année 1435, le couvent des Cordeliers à Ath, plus tard des Récollets, lui devait son existence. Nous lisons dans 1'histoire d'Ath, de ZUrallard, ce qui suit : « François de Gonzague, général de l'Ordre dit dans les Annales chronologiques, qu'on est redevable en grande partie à la très noble famille des comtes de Mastaing, et surtout à dame Quintine de Jauche, fille du très excellent Sr Jean de Mastaing, chevalier de la

(1) Apparaît comme chanoine de Ste-Waudru à Mons, en 1382. Armoiries des familles citées plus haut. Jauche-l'vlaslaing, dit encore en ce temps-là, Gonmignies, portait avant l'extinction de la branche aînée: De gueules à la fasce d'or, surmonté d'une trangle vivrée de même, (on retrouve ces armoiries, sur le bénitier de l'église paroissiale de Brugelette.) Rochefort: D'or à l'aigle de gueules. becquée, languée et membrée d'azur, chargée sur l'estomac d'un écusson d'or au lion de gueules. Masmines : D'azur au lion d'or, armé et lampassé de gueules" brisé sur l'épaule d'une fleur de lis de même. (2) Cf. Abbé PETIT, Histoire de Cbiéures, L'acte de donation de la maison des religieuses de Chievres par la demoiselle de Mastaing et le bref de confirmation de cette communauté sont conservés aux archives de l'Etat à Mons.

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Toison d'Or (?), aussi bien qu'à son illustre frère André de Mastaing, qui avec le marquis de Trazegnies, ache- tèrent en leurs noms plusieurs héritages voisins, pour aggrandir le couvent». Un autre couvent d'hommes fut enfin établi à Avesnes par ses soins et à ses frais. Après avoir donné à ses œuvres chrétiennes tout ce qu'elle possédait, Quentine de Jauche se trouva réduite à une pauvreté telle qu'elle dût à son travail manuel et personnel ses moyens d'existence, elle la grande dame dont les ancêtres avaient toujours tenu rang entre les plus illustres et les plus puissantes familles du pays, et qui prétendaient tirer leur origine de Godefroid de Bouillon, roi de Jérusalem (r ). Suivant les uns, elle obtint la faveur de résider elle-même dans le couvent de Wisbecq pour y finir ses jours (2) i selon d'autres elle aurait embrassé la règle de St-François et pris la robe des Sœurs grises dans le couvent qu'elle avait construit à Brugelette, couronnant ainsi par un dernier sacrifice de sa personne et de sa liberté, toute une existence de piété et d'abnégation. Quoiqu'il en soit Quentine de Jauche mourut dans un âge très avancé au couvent de Wisbecq, et fut inhumée dans l'église de cette maison. On désigne généralement l'endroit où fut placée son épitaphe, comme celui où reposent ses restes. Son petit neveu Antoine de Jauche fit placer en r530, en cet endroit, une pierre commémorative, dont il sera parlé au cours de cette étude. Deux dames de la famille

(1) Le duc de Brabant Maximilien, appelle dans un document, Jacques de Jauche, ancêtre de Quentine « Cognatum et fidelem militem. » (2) Analectes, t. VIII, p. ~70. - 19- de Quentine de Jauche, mais vivant au siècle suivant, Marguerite de Jauche chanoinesse à Mons, et Quentine de Jauche abbesse à Gand ne seront pas confondues avec leurs homonymes et parentes précitées.

§ V. Le vieux monument de Quentine de Jauche dans la chapelle de Wisbecq.

Nous donnons ci-dessous la description du curieux souvenir qui fut destiné à perpétuer dans la maison qu'elle avait. fondée, dans laquelle elle vécut, mourut et fut inhumée, la mémoire de Quentine de Jauche Ma- staing. C'était une superbe pierre de taille couverte d'une inscription en lettres gothiques et agrémentée à ses quatre angles de blasons bien reconnaissables. Cette pierre fermait le fond d'une baie large de rffi50 et haute de Iffir5, laquelle était constituée par un enfoncement apparent derrière les deux vantaux d'un modeste chas- sis en bois. Elle se trouvait à l'intérieur de la chapelle, plus longue de nos jours qu'anciennement, dans l'épais- seur remarquable du mur de droite, presque à l'entrée du sanctuaire. Chose digne d'attention, l'auteur des Origines omnium H annoniae coenobiorum après avoir donné la traduction latine de cette inscription, ajoute « qu'elle se trouvait de son temps, c'est-à-dire en r650, à l'entrée de la chapelle (r). Il en résulte que cette pierre n'avait pas changé de place après plus de quatre

(1) Cf. PH. BRASSEUR, Origines omnium Hannoniae ooenobiorum, Mons. ~ 20 cents ans. Le revers du monument, plus orné, donnait dans le cloître parallèle à la chapelle. Dans son milieu, un petit cartouche permettait d'y lire dans le cloître : o MATER DEY ME M~TO MEY L'écusson de la famille de Jauche qui portait « de gueules à la fasce d'or» se voyait à droite; un autre mi- parti de Jauche et de Flandre-Drinckam en occupait la gauche. La branche de Flandre-Drinckam portait « de gueules au chevron d'hermines, au franc quartier de Flandre» (1). Une banderolle élégante serpentait sous chaque blason. On lisait sur celle de droite: Anthoine de Jauche sz de Mastaing; sous celle de gauche : Josine de Flandre Dàe de drincam, An. XVc XXX. - Une der- nière banderolle dominait le sommet de la pierre avec ces mots: Jauche et Jaison (2). Voici maintenant l'inscrip- tion lisible au revers, c'est-à-dire dans la chapelle: « Mademoiselle. Quètine. de Jauche. dit. de Mastaing.

(r) GILLESDEBoussu, auteur d'une Histoire de la ville d'Ath, et qui écri- vait au xvnr= siècle, raconte que le même Antoine comte de Mastaing, fit bâtir l'infirmerie du couvent de Nazareth à Ath, dans laquelle se voyaient ses armoiries pour mémoire de ses bienfaits. Il cite également sœur Isabeau de Mastaing en .56r et qui fut prieure de cette maison pendant treize ans. Zwallart et Ph. Brasseur, confirment d'autre part l'assertion relative aux libéralités d'Antoine de Mastaing. Antoine de Jauche Mastaing mourut en 1532, (en 15j5 d'après Butkens) et fut inhumé avec sa femme josine de Flandres dans le chœur de l'église de Brugelette, sous un remarquable et curieux monument, qui mentionne également ses sept fils et ses sept filles. Il a été décrit ailleurs. (Cf. Mes- sager des sciences historiques de Belgique, t. LVIII.) (2) Josine de Flandre de Drinckam, alias Jeanne de Drinckam, mourut en 1535, deux ans après son époux. Elle était l'aînée des quatre enfants de Jean Sr de Drinckam, Hiere, Wilre et Maugre et de Josine de St-Omer dite de Moerbeke, fils de Jean Sr de Drinckam et d'Isabelle de Bernieulles, petit-fils de Jean sr de Drinckam et d'Isabelle de Ghistelle, arrière petit-fils deJean de Flandre, bâtard de Louis de Mâle, comte de Flandre et de Pérone de la Val, qui fut Sr de Drinckam et épousa Guilhelmine de Nevele. Cette origine explique les armes portées par cette dame et reproduites dans le cloitre des Sœurs Grises: de gueules au chevron d'hermines, qui est Ghistelle, au franc quartier d'or au lion de sable, armé et lampassé de gueules qui est Flandre. - 2I-

fille. de. Mesire. Jan. de. Jauche. Szr. de Mas- taing. et. de. Madame / Jsabiau. de Rocheffort. son. espeuse. eritière. de Herimelz Brugelet. et. ce. fonda. de. son. patrimone. quatre bone maisôs / asa- voir. le couvèt. des freres. dath. le. couvét. davènes. et. Le couvèt. des. seur. de Chievtes. et. Le couvèt. de. chiens (j,) / Et demoura. vierge. vivàt. ausurplus. de. la. labeur. de ses mayns. Sondit. Szr, pere. fut. enterre. au. mot. Synay. et. eut. / Ung. frere. novice. mesire. Andrieu. De. Jauche. seigneur. De. Mastaing. Grand. père. de. mesire. Antoine. de. Jauche / Szr, de. Mastaing. presentemêt. vivat. lequel. pot. la vertu. dichel / A. fait. mettre. cest. epitaphe. por. memore. et. est. gràt Ama / ter. des. maisons. susdites. Che. fut..cy l'an. XVc . et. xxx. Pries / Dieu. pour. son. ame.

Une tête d'ange, les ailes déployées dominait ce texte. Antoine de Jauche, fut le premier à porter les armes pleines de sa maison. Nous avons connu les quartiers sculptés aux quatre angles de l'inscription avec leurs émaux encore peints, le dernier ne présentant que quelques vagues traces de couleur seulement. Le R. P. Aug. de Turck, direc- teur de cette maison, prit ensuite le soin de les faire peindre à neuf et de redorer les caractères du texte. Ces quartiers étaient : (l) ID de gueules à la fasce d'or surmontée d'une divise vivrée de même: armes de la famille de Jauche-Mastaing, branche cadette, l'ai née existant encore à cette époque. Ce qu'indique la brisure des armes figurée par la divise vivrée.

(1) C'est-à-dire: de céans. (2) Cf. Messager des sciences historiques: Année 1884, 4me Uv. - 22-

20 Bandé d'or et d'azur de six pièces, à l'ombre de lion brochante sur le tout à la bordure engrêlée de gueules: armes de la famille de Trazegnies. 3° D'or à l'aigle de gueules, becquée, languée et membrée d'azur, chargée sur l'estomac d'un écusson d'or au lion de gueules : armes de la famille de Roche- fort- Walcourt. 4° D'argent à trois étriers de gueules liés d'or posés en équerre, au franc quartier de gueules à la bande d'argent: armes de la famille de Linsmeau», La présence de ces quartiers s'explique comme suit: Jean de Jauche, Sr de Mastaing, père de Quentine, était fils de Jean-Guillaume de Jauche, Sr de Mastaing, de la branche dite de Gomignies dont les armes sont dé- crites au nOr ci-dessus. Isabelle de Rochefort, sa mère, dame de Hérimelz et Brugelette était fille de Rasse de Walcourt dit de Rochefort, inhumé dans l'église de Brugelette (r), dont les armes figurent sous le nO3. - Rasse de Walcourt mourut en r3g8. La grand'mère paternelle de Quentine était Isabelle de Trazegnies, épouse de Jean-Guillaume de Jauche. Les armes de Trazegnies ont été définies sous le nO2. La grand'mère maternelle de Quentine, femme de Rasse de Walcourt, s'appelait Agnès de Molembais, fille d'Arnould seigneur de Linsmeaux. Les armes de ce dernier, sont celles énoncées sous le nO 4. André de Jauche, fut frère de Quentine et seigneur du lieu; il mourut en 1456. Son petit-fils était Antoine de Jauche Mastaing, fils de Jacques et de Philippote de Lannoy.

(1) Cf. Manuscrit de la bibliothèque de la ville de Mons. - 23-

Il avait épousé J osine de Flandre, héritière de Drincam, Ghiere et Thallolout, qui lui donna 7 fils et 7 filles. Il mourut le 26 juillet 1533, donc trois ans après avoir élevé à la mémoire de sa grand~ tante le monument que nous venons de décrire. On peut voir dans l'église de Brugelette les monuments remarquables à plus d'un point de vue de Jacques, d'Antoine de Jauche et d'au- tres membres de cette très ancienne et illustre famille, éteinte en la personne de Marie-Josèphe de Jauche femme en secondes noces d'Antoine d'Ongnies, seigneur de Brugelette, laquelle y décéda le ro janvier r768. On remarquera à ce propos dans la même chapelle deux blasons accolés et surmontés d'une couronne princière sur un manteau fourré d'hermines. Ils couronnent le maître- autel et sont ceux du prince Henry-Othon d'Ongnies et de Grimberghe (r), comte de Mastaing et de Cou- pignies, baron d'Hérimez, seigneur de Brugelette, Mévergnies, Bolignies, Brandignies (à Bauffe) Cambron- Casteau, Solre-sur-Sambre, Morchoven, général, grand dignitaire de la cour de l'archiduchesse Marie-Christine à Bruxelles et mort le r8 juin 1791. Ce dernier était le fils d'Antoine d'Ongnies et de Marie-J osèphe de Jauche. Peut-être un jour nous sera donné le loisir d'écrire une étude historique et généalogique sur l'ancienne maison de Jauche, dont les fastes furent tout particulièrement remarq uables. Le monument de Quentine de Jauche, nouvelle et insigne fondatrice de l'antique couvent de Wisbecq, bienfaitrice unique des Sœurs grises puisque, après leur

(1) La famille d'Ongnies portait de sinople à la fasce d'hermines. - 24 avoir donné tout ce qui lui restait d'une grande for- tune dissipée en libéralités pieuses, elle se donna elle- même tout entière à son œuvre de prédilection, ce monument, disons-nous, après avoir résisté victorieuse- ment aux siècles, succomba, hélas! à la convoitise d'un antiquaire. Tous les amateurs sincères de cette mai- son, pour parler comme l'auteur de cette épitaphe, déplo- reront vivement avec nous la diparition définitive de ce que nous considérions comme le parchemin authentique établissant la noblesse et l'ancienneté du couvent, et un peu aussi, on nous pardonnera notre vénération qu'on pourra taxer d'exagération, le palladium de la maison. On nous comprendra mieux en considérant que Quen- tine de Jauche fut enterrée dans cette chapelle (1) et vraisemblablement sous cette pierre, qui semblait ap- pelée à évoquer la reconnaissance et le pieux souvenir des générations à venir.

§ VI. - Prospérité de l'ordre et services qu'il rendit. Vers 1450, s'il faut en croire certains auteurs, la com- munauté reçut un accroissement considérable dans son personnel, par le fait des Sœurs d'Avesnes. Nommées auparavant cc Filles-Dieu » des filles dévotes s'étaient associées en congrégation et, pendant cinq siècles envi- ron, avaient habité le couvent d'Avesnes. Cette année elles se firent Sœurs grises et demandèrent à être reçues dans l'ordre des Sœurs grises de Brugelette, ce qui leur fut accordé (2). Ces filles avaient desservi à Avesnes

(1) Cf. PH. BRASSEUR, Origines omnium Hannoniae coenobiorum, p. 3S~. (2) Cf. Abbé N. J. CORNET , Notice historique sur l'ancienne congrégation des Pénitentes récollectines de Limbourg. Bruxelles, 1869, p. 145. un hôpital dédié à Ste-Elisabeth qUi y existait même déjà dès le XIIIe siècle. Delewarde, écrit d'autre part (tome V), que l'hôpital de Ste-Elisabeth d'Avesnes, gouverné par des filles de piété, nommées « Filles-Dieu» fut confié à des Sœurs grises de Brugelette (I). Après sa restauration par Quentine de Jauche, la communauté de Wisbecq prit un essor merveilleux qui ne fut pas dépassé dans la suite, et dans les premières années même qui suivirent. Sous le gouvernement de Sr Elisabeth Faroney qui fut mère treize ans, et dès l'an I478, I20 filles avaient été reçues comme reli- gieuses. Ces dernières se- recrutaient dans toutes les classes sociales, et les familles les plus illustres y comp- taient des adeptes. C'est ainsi que nous relevons en I479 le nom de cc Marie de Trazegnies, religieuse à la Maison- Dieu de Wiebecque» (2), celle-ci apparentée d'ailleurs avec Quentine de Jauche dont la grand mère paternelle épouse de Jean-Guillaume de Jauche, Sr de Mastaing, s'appelait Isabelle de Trazegnies. Des legs et donations divers vinrent à l'envi augmen- ter la prospérité matérielle de l'ordre, dont la bonne réputation avait rapidement franchi les limites de la commune. C'est ainsi que dès I473, Renaut Boullet

(1) Jean Brisselot, né à Mons, conseiller et confesseur de Charles-Quint, religieux carme, et mort en 1520 à l'abbaye d'Hautmont, fonda l'église des Sœurs grises, dont les premières religieuses furent recrutées au couvent de Brugelette, en la ville d Avesnes. Cette institution fut consacrée le 2 septem- bre 1502, sous le nom de St-Louis à la prière de Louise d'Albret, le dit hopi- tal de Ste-Elisabeth d'Avesnes avant passé des mains des Filles Dieu aux religieuses de Wisbecq. (Société des Sciences, des A ris et des Lettres du Hainaut. - Mémoires et publications, t. V, p. 102, 1844.) (2) Cf. CHARTRIER DE SOLEILMONT, Documents de la Société Archéologique de , t. VII, p. 259. - 26- d'Hautrages donne par testament IO écus « aux Grises Sœurs, religieuses en le maison et hospital que on dist de Wisebiecq ernprès Brugelettes » (r). La famille de Jauche Mastaing, comme l'établit no- tamment le texte inscrit sur le monument érigé par Antoine de Jauche en r 530, se crut par la suite obligée de continuer aux Sœurs grises de Brugelette la faveur et la bienveillance effective dont leur pieuse devancière et parente avait inscrit l'exemple dans les fastes déjà glorieux de cette maison (2). Il est curieux de constater que ces sentiments et cette ligne de conduite se sont transmis en fait et jusqu'à nos jours, à l'égard même du couvent actuel, chez les héritiers des traditions et des grands biens des sires de Jauche-Mastaing, seigneurs de Brugelette. En conformité avec les statuts de leur fondation les Sœurs de Wisbecq donnaient l'instruction aux jeunes filles de la région et nous verrons que cette obligation fut invoquée en l'an V de la République par la dernière supérieure de cette maison, pour échapper à la suppres- sion projetée de son ordre, et qu'elle arguait que depuis I406 date de leur institution, les Sœurs grises n'avaient jamais manqué d'observer strictement cette obligation. Elles tenaient également un pensionnat qui en 1787 donnait asile à 24 pensionnaires, moyennant une rétribu- tion annuelle de 260 livres. Trois religieuses étaient af-

(1) Annales du Cercle af'chéologique de Mons, t. IV, P.75. (2) Le dit Antoine de Mastaing, contribua également pour une grande part à restaurer richement le couvent des Sœurs de Nazareth à Ath, in- cendié en 1514; (FOURDIN, Inventaire des Arcbiues d'Ath). En 1516, il Y fit bâtir l'infirmerie, où ses armoiries rappelaient le souvenir de ses bienfaits. En 1561 sr Isabeau de Mastaing, de la même famille y était prieure et le fut 13 ans. - 27- fectées à l'instruction qui s'y donnait. Un externat était en outre annexé au pensionnat. Un rapport dressé en 1796 par l'administration constatait que « cette école est fréquentée non seulement par la jeunesse de Brugelette mais aussi des communes voisines». Le dit rapport concluait pour cette raison au maintien de cette corn- .munauté (1), et affirmait que cette école était l'unique maison d'éducation du canton, dont la suppression serait une perte irréparable pour Brugelette et tout le canton. L'école était dirigée à cette date par Sœur Françoise (Henrion-Marie-Anne-] osëphe, de Chimai) (2). Elles donnaient l'hospitalité aux voyageurs pauvres ou infirmes, et cette charge n'était pas une sinécure, dans les premiers temps de leur fondation, (voir à la page 6' ce que nous avons écrit à ce sujet concernant l'empla- cement du couvent). Cette obligation du début cessa en- tièrement plus tard en raison de nombreux et graves abus dont les religieuses eurent à pâtir de ce chef (3). Elles se vouaient aux soins des malades et des in- firmes et tenaient chez elles des aliénés; leur maison était à la fois Hôtellerie et Hôpital, où l'on gardait ou accueillait passagèrement ou d'urgence la souffrance sous quelque forme qu'elle revêtit, et toutes les mi- sères humaines physiques y trouvaient abri et secours. C'est ainsi que nous voyons aux temps troublés des

(1) Archives de l'Etat à Mons: Supplique de l'administration du canton de Lens. MATTHIEU, Histoire de l'Enseignement primaire. (2) Il résulte de ce fait que l'enseignement primaire à Brugelette remonte à une haute antiquité (dis I406) et que la première et plus ancienne école de filles fut dùe aux Sœurs de Wisbecq. (3) Cf. Analectes, t. VIII. - 28- guerres de Louis XIV, des malheureuses parturientes y trouver accueil et tous les soins requis par leur état (1). - Des passagers viennent mourants y deman- der les derniers soins et y réclamer une inhumation chré- tienne dans le cloître du lieu (2). C'est pendant les guerres précitées que, - l'église de Brugelette ayant été occupée par les Français et trans- formée en magasin à fourrages et de subsistances militai- res - la chapelle des religieuses servit provisoirement aux exercices du culte pour les habitants de Brugelette, et nous y voyons célébrer des mariages, des baptêmes, et des funérailles (3). Le même fait se renouvella de 1832 à 1834, à l'occasion de la reconstruction de l'église pa- roissiale du lieu. Un bâtiment spécial était affecté à l'hô- pital, un autre nommé le quartier des pensionnaires, à l'enseignement. Lors de la suppression, la section des aliénés renfermait 15 folles dont plusieurs furieuses, dit la supplique citée plus loin, et demandant une sur- veillance de tous les instants. Subsidiairement les re- ligieuses s'occupaient du linge des couvents voisins, entre autres des Moines de Cambron, des Carmes de Brugelette, entretenaient le linge de l'église parois- siale (4), et fournissaient les hosties: mais à ces soins di-

(1) Cf. Registre des naissances. Archives communales. « 1653, Ludovicus Olle (natus est) filius militis, cujus uxor peperit in hos- pitali apud religiosas ». « 1657, Lucia Carpentier, filia Joannis, militis « Baron de Brion» et Joannae Lefebvre, haec prcles nata est in xenodochio de Wisbecque apud religiosas », (2) Cf. ibid. : passim, registre des décès. (3) Cf. Archives communales, 1680 et années suivantes. (4) Cf. Archives de la cure : comptes de l'église j passim. - 29- vers ne se bornaient pas l'activité et le dévouement des re- ligieuses. Il arrivait que requises au dehors et à l'étranger, dans les temps d'épidémie ou d'insuffisance de person- nel, elles se rendissent aux secours que l'on réclamait de leur esprit de sacrifice. C'est ainsi que nous trouvons au registre des résolutions du magistrat de la ville de Chiè- vres qu'en l'an 1582, sous le gouvernement de la mère Quintine des Masnois, deux Sœurs grises furent char- gées de soigner et ensevelir en temps d'épidémie les pauvres que la peste atteignait, pendant une durée de six semaines (1). Les sœurs avaient un confesseur-directeur qui habi- tait une maison attenante à leur couvent : les noms de quelques-uns nous sont connus: J ehan Dartan mort en 1416; Me Pierre Pourres en 14", P. Servais en 1670; J .-J. Cowez en 1747, Bernard Leclercq en 1789. En l'an 1626, sur leur demande, les religieuses de Wisbecq furent autorisées à suivre la règle des Péni-

(1) « Au vij" d'aoust xv" nijxx ij Messrs se sont accordez à Révérende mère en Dieu sœur Quintine des Masnois maistresse du couvent des Sœurs grises de Wizebecq à Brugelettes de livrer deux de ses religieuses pour visiter les povres Infestez d'icelle ville et seignourie estans a charge d'icelle ville et povres, mesmes de porter les corps mortz d'iceulx povres au chime- tière de l'église Sainct Martin d'icelle ville sauf ceulx qui décéderons es hobbettes Q s'enterreront au chimetiere des ladres (par icelles religieuses) Néantmoins les fosses se feront à la charge d'icelle ville et pour le terme de six semaines (commenchant présentement lesquelles religieuses seront nouries et logées à la charge d'icelle ville et povres sauf que lad maistresse livrera le liet) Stante ia maison Jacques Zegre a ce ordonnet gisant a Karau (Karau était un lieu dit de Chièvres, cité dès 1312) pourquoi Mesd. sr. ont promis de payer pour lesdittes six semaines la somme de cent livres t. et pour lesdittes deux religieuses chacune XV st. Item pour chacune visitation de ceulx nestant à la charge des d. povres vingt solz tourn. et pour chacun enterrement diceulx nestant à la ditte charge un s. t. - 30- tentes-récollectines de Limbourg et furent dès lors cloîtrées (1). U ne religieuse très réputée vers cette époque pour sa grande vertu dans le couvent de Brugelette donna lieu à la particularité suivante que nous rapportons intégra- lement : Marguerite-Philippine de] auche-Mastaing, fille du Seigneur de Brugelette, pendant qu'elle habitait son château de Brugelette, allait souvent s'entretenir de choses pieuses avec la vénérable S~- Pauline Le Petit qui mourut en estime de sainteté le 22 décembre 164I. Celle-ci fit à la jeune comtesse un si bel éloge de la virginité qu'elle renonça à une brillante alliance et en- tra chez les Chanoinesses de Mons. Quelque temps après, elle entra dans le Tiers-ordre et mourut à Mons en odeur de sainteté le 18 février 1677. Toute la ville la

(1) Les constitutions de cette réforme avaient été confirmées le J 5 juil- let 1634 par bref du Pape Urbain VIII, dix ans après son instauration au couvent de Limbourg. L'église de Dolhain-Limbourg ainsi que certains couvents de Récollectines, celui de Brugelette notamment, possèdent un tableau représentant la Ste Vierge apparaissant à la mère Jeanne de Jésus. Entourée d'anges et portée sur des nuages, tenant l'enfant Jésus sur ses bras, la Vierge est vêtue en costume de Pénitente-Récollectine : voile noir, scapulaire, manteau et habits bruns; les instruments de la passion en noir sur le scapulaire, une couronne d'épines sur la tête, des sandales aux pieds. L'enfant Jésus présente une couronne d'épines à la mère Jeanne, qui por- tant son ancien costume et le voile blanc est prosternée aux pieds de la Vierge, on lit sous cette représentation: "Voilà comme la sœur Jeanne de Neerinck estait lorsqu'elle est venue à Limbourg en 1623.» Sous l'image de la Vierge. on lit ces mots: « Et voilà comme la Saincte Vierge lui a ap- parue, avec 1'habit des Récollectines.» (Cf. Noblejleur de Belgique, p. 69). La description du costume ci-dessus s'applique en entier à l'uniforme porté après 1626 par les Religieuses de Brugelette. Une autre communauté de Récollectines expulsées de Merville en France, maison filiale de celle de Braine-le-Comte, a été transférée en 'gol à Brugelette, et occupe l'ancien couvents des Carmes d'Hérimez, également dépossédés à la Révolution Française : elles observent toujours le grand office divin, les matines ré- citées à minuit, les jeûnes, etc., tout en soignant les malades à domicile. - 31- regardait comme sainte et assista à ses funérailles (1). Comme tous les habitants de la région, les Sœurs grises eurent beaucoup à souffrir des guerres, spéciale- ment de l'occupation du pays par les armées françaises. Une supplique des habitants de Brugelette aux Etats, adressée collectivement par ces derniers et les supérieurs des communautés religieuses du lieu, en fait foi, à propos des ravages causés par les campements répétés de la grande armée en 1695, notamment depuis le ro jusqu'au 21 septembre de cette année. Il y est dit que toutes les récoltes furent anéanties, les terres de- meurées en friche, les arbres fruitiers et les haies abattues pour alimenter les bivouacs et cc les cloîtres et le château pillés desquels ils ont emportés le restre de fourrage, emmenant les chevaux, tuez les vache et mouton ... » (2). Les dangers résultant des invasions ennemies pour les religieuses; l'entrée des armées en campagne se signa- lant, dit Bertrand (3), aux temps barbares du moyen-âge, par le pillage et l'incendie avaient déterminé les com- munautés religieuses établies en plat pays, comme expo- sées à tous les attentats, à s'assurer des refuges dans les villes muraillées. Aussi les sœurs de Wisbecq s'étaient acquis à Ath un asile avec plusieurs demeures moindres

(r) Ménologe du Carmel. Bruges, Desc1ée, 1899. Marguerite-Philippine de Jauche-Mastaing était fille de Philippe créé comte de Mastaing, mort en 1636, lequel avait épousé successivement Marie de Mérode et Marie de Berlaimont. Suivant certains auteurs, elle fut chanoinesse au chapitre noble de Maubeuge avec sa sœur Marie- Madeleine, avant de finir à Mons. Elle appartenait à la même famille que Quentine de Jauche, morte trois cents ans auparavant. (:1) Archives communales de Brugelette. (3) BERTRAND, Histoire d'Ath. - 32- y attenantes, rue derrière les Frères mineurs ou récollets et rue Poterne. Ce refuge, dit-il, n'eut pas l'importance des grands hôtels des abbayes, comme Cambron, Ghislenghien, et Li~sies. En 1804, il passa aux mains de la veuve de Glarges et de J.-B. Moreau (1). La communauté possédait en outre des biens consis- tant en maisons, rentes, terres et bois situés sur Bruge- lette et dans des localités étrangères: nous en donnerons plus loin un aperçu pour la fin du 18e siècle. Un garde forestier à leur solde assurait la surveillance de leurs terres, et d'un bois de 3 journels, sis à Brugelette. Le curé du lieu d'autre part percevait sur leurs pâ- tures près du couvent une rente de 6 deniers et un demi terrage sur six journels de terre. Nous citons au hasard de nos recherches les noms de quelques supérieures et religieuses rencontrés, suscepti- bles d'intéresser quelque lecteur: 1474. Sr Marie de Trazegnies. 1478. Sr Elisabeth Faroney, mère, gouverna 3 ans. 1638. Sr Antoinette Maure, mère. 1680. Madeleine Andrieu (de Brugelette), religieuse. 1682. Sr Quentine des Masnois, mère. 1699. Sr Anne de la Croix (Lemaire). 1704. Sr Anne de l'Ascension (Simonart) fut mère 30 ans. 1708. Sr Anne Cécile (Paternotte). 1712. Sr Barbe Angéline (Aulent) .mère (de Brugelette).

(1) Préalablement, à la date du 20 Messidor an V, il avait été converti en école républicaine dirigée par le citoyen J.-B. Moreau susdit. (Cf. A nnales du Cercle archéologique de Mons, t. X, p. 372.) - 33

1712. Sr Agnes (Plaiting). 1716. Sr Agnes (Lambert), mère 6 ans. 1717. Sr Marie (Foucart); Sr Antoinette de St-Jean (Dubois); Sr Marie Françoise (de Bay); Sr Isabelle du Carmois; Sr Maximillienne Dumoulin. 1718. Sr Marie Caroline Bureau. 1719. Sr Marie Jacqueline Gobin. 1721. Sr Catherine Thérèse Beausite. 1722. Sr Marie Josèphe Causye. 1726. Sr Marie Thérèse Noël de Mons; Sr Anne Jo- sèphe Dubruncquez. 1727. Sr Marie Caroline Delattre. 1728. Sr Conception Cantineau. 1729. Sr Ursule Scohier (de Mainvault). 1733. Sr Barbe Angélique Aulent, mère 15 ans (de Brugelette); Sr Marie de Sr-Esprit d'Hors (d'Herchies). 1734, Sr Eléonore Gaillot, mère IO ans. 1736. Sr Monique Corbeau. 1738. Sr Elisabeth de Meuldre. 1740. Sr Jeanne de la Croix (de N imy); Sr Florence Scops. 1741. Sr Catherine Thérèse Maufroid; Sr Rosalie Cam- bier. 1734-6. Sr Marie Scohier, mère. 1745. Sr Catherine Brassart; Sr Cecile de l'Ascension (Laurent). 1747. Sr Antoinette Dubois. 1748. Sr Marie Madeleine Moreau. 1751. Sr Marie Françoise de Bay (de Mons); Sr Anne Thérèse Ghislain (d'Ath); Sr Marie Josèphe Marchand (d'Ormeignies).

c - 34-

I754. Sr J oachime Scohier (Mainvault), mère 26 ans; Sr Marie Louise Abraham (Audregnies); Sr Gabrielle Fourneau (Mévergnies); Sr Bernardine de Lattre, ,vicaire. 1764. Sr Angéline Demarbaix(Brugelette-Fréstgnies); Sr Marie Agnès de le Vielleuze (Brugelette). I766. Sr Augustine Gailliez (Mons); Sr Anne-Claire Manteau (Brugelette). 1767. Sr Marie Thérèse. 1768. Sr Bernardine Delattre (Brugelette), mère 9 ans. I770. Sr Marie Thérèse, mère. . I772. Sr Marie Agnès Mabille (Hon-Tais:hes); Sr Marie des Anges Oreens (Montignie-lez-Lens). I775. Sr Thérèse André, mère 4 ans; Sr Marie Rose François (Baudour). 1779. Sr Victoire Oriens (Montignie-Iez-Lens) ; Sr Al- bertine Delvainquier (St-Sauveur); Sr J oachime Mercier (Bauffe); Sr Claire Manteau (Brugelette). I788. Sr Isabelle Gille (Herchies), mère I2 ans; Sr Ro- salie Hotier (Neufvilles); Sr Ursule Scailliez (Mons); Sr Catherine Thérèse Delcourte (St-Amand-lez-Ath); Sr Alexis Cantineau (). I793. Sr Désirée Courtin, mère. I796. Sr Elisabeth Descamps (Havré). I797. Sr Jacqueline Lemaire. Il faut ajouter à eette liste, l'état des dernières reli- gieuses existant lors de la suppression et qui suivra. En outre quelques religieuses citées sans date: Sr Antoinette Dubois; mère Antoinette Navré; Sr Marie Lemaire; Sr Thérèse Bouzé (Valenciennes); Sr Ursule Botte (Gages); Sr Thérèse Labrique (Cambron Casteau); sr Pétronille Vanvinesterdam (Bruxelles); sr Charlotte - 35-

Robyns (Bruxelles); sr Marie Josèphe Desprets (Les- sines); sr Elisabeth Wadin (Ath) (1) et (2). Les ~beaux jours du temps de mère Elisabeth Faroney, qui reçut 120 filles en 3 ans, au xve siècle, déclinèrent au cours des siècles. En 1754, sous J oachime Scohier, su- périeure et Bernardine de Lattre', vicaire, la commu- nauté ne comptait plus que 26 religieuses (3), popula- tion qui ne varia guère jusqu'à la suppression; à cette date, en effet, on ne comptait plus que 22 sœurs.

§ VII.- Inquisitions et vexations républicaines.

Les décrets de spoliation portés par la République Française contre l'Eglise, furent étendus à la Belgique nouvellement conquise. Des commissaires nommés par la direction des domaines nationaux, eurent l'ordre de se transporter dans les maisons religieuses, de s'y faire l'eprésenter tous les registres et comptes de régie, d'arrê- ter ces comptes et de former un relevé des revenus et des époques de leurs échéances, de dresser sur papier libre et sans frais, un état ou description sommaire du trésor des églises et chapelles, des livres, manuscrits, ta- bleaux et médailles, en présence des religieux à la

(1) Un obituaire de l'abbaye de Cambron donne d'autre part les noms qui suivent: Sr Antoinette de St-Jean, dite du Bois, religieuse de Brugelette; sr Isabelle du Carmois; sr Marie Françoise de Bay; sr Marie Agnès de le Vielleuze; sr Marie Anne Joseph Du Brunquet, citées en la même qualité vers 1716. (Cf. Annales du Cercle archéologique de Mons, t. XVII). (2) Les noms de localités placés entre parenthèses après chaque nom de personnes, indiquent leur lieu probable de naissance. (3) Cf. Abbé CORNET,Anciennes communautés franciscaines de femmes dans la Belgique wallonne. - 36- charge desquels ces objets ainsi inventoriés devaient être laissés (article II). Dès ce moment, l'administration des biens des monastères fut confiée à la direction des domaines nationaux (article V). La loi du 15 Fructidor accordait aux membres des communautés supprimées une pension de retraite. Aux religieuses un capital de 10.000 francs, aux sœurs converses un capital de 3334 francs (article XI). Les religieux devaient em- ployer ces sommes payées en bons à acquérir des biens na- tionaux situés dans les Pays-Bas (article XIII). Ils étaient tenus, en outre, d'évacuer leurs maisons dans les deux décades qui suivraient le jour auquel ils avaient re- çus les bons (article XVII) et de déposer l'habit religieux (article XVI II). Telles étaient les prescriptions inél ucta- bles de la loi du 15 Fructidor, an 4 de la République une et indivisi ble, supprimant les établissements religieux dans les neufs départements réunis par la loi du 9 Ven- démiaire an 4 (1). Dès 1787 déjà, avait commencé la persécution : J 0- seph II, avait préludé à ses vexations en demandant un état détaillé des revenus et des dépenses des maisons religieuses. Dans leur séance du 21 décembre 1789, les états du Hainaut, avaient répondu à cette main mise sur les droits de l'Eglise en proclamant à l'una- nimité sa déchéance, et jurant de maintenir inviolable- ment la religion catholique, apostolique et romaine (1). L'an V de la République, le neuf Brumaire, c'est-à-dire un an après la réunion des neuf départements, deux com-

(1) Cf. Histoire de l'abbaye de Floreffe par V. BARBIER, t. I, Namur 189~. (2) Brochures diverses, nO6881, Bibliothèque de Mons. - 37- missaires de la République frappaient à la porte de l'an- tique monastère de Wisbecq, porteurs de la réquisition ci- dessous émanant du Bureau de Mons, dont nous repro- duisons la teneur : « Les citoyens Leroux et Chapharoux, demeurant à « Mons, se rendront de suite à l'abbaye des femmes de « Brugelette (sic) pour y mettre à exécution la loi du {(15 Fructidor dernier, qui supprime les établissements « religieux dans les départements réunis. « A Mons, le vingt-huit Vendémiaire an cinq de la Ré- « publique. « Le Receveur des domaines nationaux. Collet. »

Un an auparavant, le receveur des domaines nationaux pour le bureau d'Ath, nommé Defacqz, avait été chargé de dresser un état nominatif des religieuses composant le couvent des Sœurs de Wisbecq, avant sa visite au dit couvent et au moment même où il se conformait à cette réquisition. Les religieuses s'étaient prêtées de bonne grâce à cette formalité. Cela ne suffit pas paraît-il au gouvernement, car en date du IO Vendémiaire de cette année (an IV) les agents Leroux et Chafaroux se présen- tèrent à leur tour aux fins de dresser un nouvel état plus minutieux. Pour l'histoire de cette maison nous avons trouvé intéressant de le reproduire intégralement en rai- son des renseignements complets qu'il donne sur le per- sonnel religieux au moment de la suppression. - 38-

Etat des religieux supprimés dans le département de Jemappes, par la loi du 15 Fructidor an IV.

Nom de l'Etablissement: Sœurs grises de Brugelette du Tiers-ordre de St-François,

Noms des religieuses (1) : Age: Date de protes, : Lieux de naissance: 1 Julie Emilie Carnoye, supé- 49 ans 6 avril 1766 Wattignies rieure. (Hainaut français). 2 Jeanne Marie Guyot 74 » zS juillet 1742 Chatelet. 3 Marie Agnès Grard 73 » 6 février 1743 Chaussée N.-D. 4 Marie Louise Cantineau 72 » 6 juin 1750 Frameries. Vicaire 5 Augustine Parfait 67 » S mai 1753 Chapelle-à-Wattines. 6 Marie Josèphe Dujardin 67» 1 mai 1753 Quiévrain. 7 Marie Laurence Courtin 65» 19janv.1757 Mons. 8 Marie Marguerite Delaporte 56 » II juillet 1759 Taisnières-sur-Hon. 9 Marie Françoise Denaigre 58» z3 oct. lï59 Marpent. IO Marie Claire Lotteau 64 » 28 avril 1767 Quiévrain. 11 Rosalie Merlin 52 » 15juin 1768 Mons. IZ Amélie Josèphe Carlier 51» 15juin 1768 Brugelette. 13 Marie Anne Duquesne 46 » .5 juin 176R Autreppe. 14 Marie Anne Josèphe Henrion 45 » 16 sept. 1766 Chimai. 15 M. Adrienne Claire Tirant 41» 28 sept. 1779 Brugelette. 16 M. Josèphe Cuvelier 40 » 16janv. 1783 Neufvilles. 17 M. Marguerite Ant'" Délhéde 44 » 6 nov. 1781 Liége. 18 Alexandrine Christophe 40» 28 déc. 17lSr . 19 Anne Catherine Ceulemans 37 » 6 sept. 1785 Anvers. 20 Henri'" Josèphe Charpentier 37 » 17 août 1790 Mons. ZI Eléonore Millers 3e » JO mai 1791 Hoves. 2Z j eanne Isabelle Demarbaix 30 » 18 août 1791 Bassilly.

Sœur Eléonore Descamps était morte le 10 janvier pré- cédent (2). Fait et arrêté, en exécution de l'art. 3 du I5 Fructidor an 4, dans la maison des Sœurs grises de Brugelette en présence des supérieures et religieuses susnommées

(r) Nous donnerons à la fin de cet état les noms de religion de ces dames en regard de leurs numéros d'ordre, ici établis. (2) Note de l'auteur. - 39- lesquelles ont signé (1) à l'exception d'Eléonore Miller à cause de sa folie, le 10 Vendémiaire an 4 de la Répu- blique une et indivisible, après avoir vaqué deux jours y compris allée et retour. Signé: Collet Gassebois.

Au moment où ces dames devaient signer le présent elles s'y sont refusées, l'abbesse a signé leur refus. (S.) Sœur Félix, née Carnoye Sre. (S.) Leroux, Chafaroux.

N oms des Sœurs grises, en religion : r. Sr Félix; 2. Sr Hyacinthe; 3. Sr Marie Antoine; 4. Sr Célestine; 5. Sr Lambertine; 6. Sr Ferdinande; 7. Sr Désirée; 8. Sr Marie-Magdeleine; 9. Sr Aldegonde; 10. sr Marie-Louise; II. Sr Marie-Anne-] osèphe; 12. Sr Henriette; 13. Sr Léopold; 14. Sr Marie-Françoise; 15. Sr Augustine; 16. Sr Marie-Florence; 17. SrJoséphine; 18. Sr Julie; 19. Sr Victoire; 20. Sr Angélique; zr. Sr Ro- salie; 22. Sr Bernadine. Aussitôt entrés dans le couvent les comrnissarres Leroux et Chafaroux, mis en présence de la supérieure qui n'avait fait aucune difficulté de leur ouvrir, après avoir excipé de leur qualité et fait connaître la nature de leur mission, parlèrent de distribuer à chacune des reli- gieuses composant la communauté les bons « qui leur étaient accordés par la loy ». A cette proposition Sr Félix, opposa qu'elle ne pouvait accepter ces bons, ajoutant qu'elle était au surplus en réclamation contre la suppres-

(Il Le protocole de cet état, rédigé d'avance, n'avait pas prévu le refus qu'opposeraient les religieuses d'approuver par leurs signatures cette intru- sion républicaine. - 4°- sion de sa maison, et faisait à ce sujet les démarches nécessaires, s'attendant depuis longtemps à ce qui arrivait aujourd'hui. Elle avait d'ailleurs retrouvé des titres qui, disait-elle, constataient l'institution de sa maison, et était en train de les faire valoir en haut lieu, conformément à l'arti- cle 40 de la dite loi visant les maisons qui comme la sienne avaient pour but: l'éducation de la jeunesse, et le soulagement des malades. Les maisons religieuses qui remplissaient ces conditions n'échappaient-elles pas en vertu de cet article 40 à la suppression prévue pour les autres? En ce moment même Sr Félix s'occupait de présenter aux administrateurs du département de Jemappes les titres de son institution à l'appui d'une pétition visant une réclamation aussi fondée. Elle remit en même temps aux agents une copie conforme de l'institution de sa maison; une autre d'un acte de l'admi nistration du can- ton de Lens attestant le but réel de cette fondation et la façon exemplaire dont les religieuses en cause répon- daient à leurs obligations fondamentales. Les commissaires se bornèrent pour ce jour-là à dres- ser procès-verbal de cette première visite au couvent de Wisbecq y joignant une copie de l'institution de la mai- son, une de l'acte de l'administration cantonale de Lens dont il a été parlé, et se retirèrent laissant à Sœur Félix copie conforme du dit procès-verbal dont lecture préala- ble lui avait été faite, après que chacune des parties en cause y eût apposé sa signature. Nous donnons ci-après la teneur de la requête qu' adres- sait en ce moment la Supérieure des Sœurs de Wisbecq - 41-

à l'administration cantonale de Lens et nous faisons sui- vre la réponse collective des membres de ce collège. Cette dernière est trop intéressante à divers points de vue, pour que nous nous dispensions de la reproduire in-extenso, tant pour le fond de son exposé que par les noms de personnes et de lieux dont il fait mention. D'abord la requête de Sœur Félix: ((Aux citoyens formant le canton de Lens (r) départe- ment de Jemappes. Il est de votre connaissance que depuis l'année 1406, les religieuses Sœurs grises de Wisbecq-lez-Brugelette y sont fondées pour former l'éducation de la jeunesse, soigner le soulagement des malades et la conservation des imbécilles, que depuis elles n'ont jamais manqué d'observer strictement les charges de leur institution no- mément la pénible surveillance des imbécilles, malgré qu'une pareille institution est urgente pour l'éducation de la jeunesse et pour l'humanité souffrante on veut, en vertu de la loi du r5 Fructidor, la supprimer. Les Sœurs grises persuadées que l'intention des légis- lateurs n'a pas été de supprimer des maisons d'éducation, ni des hôpitaux, encore moins des retraites pour des im- bécilles, sont d'intention de faire les représentations né- cessaires pour éviter leur suppression. Pour y parvenir elles ont besoin de prouver leurs allégués sujets de leur recours. Vous prient de leur accorder un acte déclaratoire que leur maison est fondée dès l'année 1406 pour l'éducation

(1) Brugelette avait été incorporé au canton de Lens, préfecture de Je- mappe, sous-préfecture de Mons (Amtuaire du département de Jemappe pour l'an XI, chez Monjot à Mons). - 42- de la jeunesse, le soulagement des malades et la sur- veillance des imbécilles, et qu'elles ont constamment exercé ces trois conditions de leur fondation. Salut et fraternité. Etait signé: Sœur Félix Carnoye, supérieure, Sœur Désirée Courtin, et toutes les autres religieuses compo- sant la communauté.

Brugelette, le 8 Brumaire (') 5e année Républicaine )J.

L'accueil réservé à cette démarche des Sœurs grises ne tarda pas à se manifester, et il fut tel que le comporte la déclaration et réponse ci-dessous. « Vu la pétition des Sœurs grises ci-dessus, considé- rant que ce couvent utile et nécessaire pour l'instruction de la jeunesse, le soulagement des malades et la sur- veillance des imbéciles. Considérant qu'il est du devoir de toute administra- tion de déclarer la vérité, nommément quand elle doit éclairer le législateur et prévenir la suppression d'une in- stitution utile. L'administration du canton de Lens, département de Jemappes, déclare que les Sœurs grises de Wisbecq-lez- Brugelette sont fondées dès l'année 1406 pour l'éduca- tion de la jeunesse, le soulagement des malades et la surveillance des imbéciles, que de tous temps ces reli- gieuses ont fait l'impossible pour instruire les enfants, pour soulager les malades et surveiller les imbéciles charge très pénible, que dans ce moment il n'y a que

(r) Ce document est daté du 8 Brumaire, qui est la date de sa collation pour le procès. verbal dressé le lendemain bien qu'il lui soit antérieur dans sa conception. 22 religieuses parmi lesquelles cinq infirmes ou jubi- laires, que cependant elles ont trente pensionnaires, 15 folles dont plusieurs furieuses qu'elles surveillent et que leur école externe est fréquentée non seulement par la jeunesse de Brugelette mais aussi des communes voi- sines que c'est l'unique maison d'éducation, hospice pour les malades et retraite pour les imbéciles qui existe dans le canton, dont la suppression serait une perte irré- parable pour Brugelette et tout le canton. Fait en séance, le 7 Brumaire an 5me Républicain. Avaient signé: Payoit, président; f. Delsaux, agent de Lens; Hf. Delelienne, agent de la commune de Bruge- lette; J .-B. Cras, agent de la commune de Bauffe. f... agent de la commune de Gage; R. Adam, agent de la commune de Cambron-Mairie; J f. Langrand, agent de la commune de Cambron-Casteau; Jf. Minaire, agent de la commune de Mévergnies et B. Parmentier agent de la commune de Cambron St-Vincent; R. G. Cattier, de Montignie-lez-Lens; L. E. Auguste Vehons, agent adjoint de Masnuy St-Jean; J. f. Cambier, agent adjoint de et Pierman, commissaire du directoire près du canton. })

La copie des deux documents ci-dessus, contresignée pour copie conforme par le commissaire de la conven- tion Leroux, fut transmise sans retard au gouvernement de la République. Nous verrons que ces tentatives ap- puyées du vœu unanime des populations, sans en excepter les agents qualifiés eux-mêmes de la Républi- que, en fonction sur les lieux, alors qu'elles avaient en leur faveur le cas d'exception invoqué et prévu par la loi de spoliation, vinrent échouer contre le parti-pris aveu- gle des dirigeants républicains. Munis de nouveaux ordres de procéder aux inventaires, prévus par la loi les agents Etienne Leroux et Chafaroux revinrent donc à Wisbecq. La victoire de Jemappes remportée par le général Dumouriez sur les Autrichiens, en date 6 novembre 1792, plaçait une première fois notre pays sous la domination de la République Française. La tyrannie qui opprimait notre pays, n'avait fait que changer d'enseigne. En effet, dès le 26 janvier de l'année suivante (an r de la Répu- blique), un décret de la Convention nationale française, promulgué le 15 décembre 1792, sortait les effets de son article IV au couvent de Wisbecq sous la forme sui- vante: Armés du réquisitoire dont nous libellons la formule ci-dessous, des agents de la République envahissaient le couvent et procédaient à un inventaire complet de tout ce que possédait la maison. cc Thomas Paschal Deline, lieutenant de la 2e com- pagnie du 1er bataillon de la Seine Inférieure, nommé par le Général Ferrand commandant en chef du Hai- naut et par les commissaires nationaux, le pouvoir exé- cutif, et résidant à Mons, accompagné des citoyens Simonet de Mons, Hyacinthe Delelienne (1) demeurant à Brugelette, commis et constitués par les administra- teurs de la ville de Mons pour exécuter l'art. 4 du dé- cret de la convention nationale du 15 décembre 1792,

(1) Hyacinthe Delelienne, d'abord agent, puis maire de la République à Brugelette, y fut l'homme-lige des « Sans-Culottes », pour se rendre aux Carmes et aux religieuses de Bru- gelette pour conjointement avec le commissaire mili- taire y établi faire inventaire exact de tous meubles et immeubles, biens appartenant aux maisons pour être mis sous la protection et sauvegarde de la République fran- çaise (?) etc., etc., etc.

Nous sommes transportés au dit couvent des reli- gieuses de Brugelette, avons requis les citoyens Alexan- dre Delhaye, Jean-François Bizet, Emmanuel Du- chenne, officiers municipaux de nous accompagner pour assister à l'inventaire à faire de tous meubles, ustensiles argenterie et autres et apposition de scellés pour leur garde, etc. » Suit le procès-verbal de cet inventaire. A leur entrée dans le couvent, la supérieure fut requise d'indiquer aux agents tous les lieux et les objets visés par le réquisitoire aux fins d'inventaire. Sœur Félix qui les avait reçus consentit à l'instant à tout ce que l'on exigea d'elle, les conduisit à la sacristie et sur leur de- mande leur ouvrit toutes les portes et armoires. Nous n'entrerons pas dans les détails de cet inventaire qui contient trente deux pages, nous y relèverons seule- ment quelques détails dignes d'être soulignés. Celui-ci terminé, les commissaires demandèrent aux sœurs ce dont elles pourraient avoir besoin pour le service divin, la nourriture et l'entretien des personnes de la maison. La supérieure répondit que d'après l'inventaire fait, il ne pouvait leur rester de quoi subsister durant trois se- . . marnes environ. Cela dit, le tout fut déclaré laissé à la garde de la su- périeure qui en fut déclarée responsable avec les gar- diens ci-dessous: les citoyens Hyacinthe Delelienne et François Simonet qui se portèrent garants. Avaient signé: le 30 janvier 1793. Hyacinthe Delelienne, commissaire civil; François Simonet, commissaire civil. J. F. Bizet, Alexandre Delhaye, Emmanuel Duchenne, témoins aux signatures ci-dessus. Sr Félix avait signé avec les précédents. L'original de l'inventaire fut remis au général Ferrand, le 20 fé- vrier 1793. Cet inventaire nous permet d'apprécier quelle était déjà l'importance de l'établissement de Wisbecq avant les agrandissements considérables qui lui furent ap- portés par les Jésuites au siècle suivant. Outre l'église et la sacristie, il renfermait le quartier dit des étrangers, contenant outre la chambre du direc- teur des religieuses (1) trois autres chambres, reliées par un corridor - une grande salle - une autre dite « Salle au parquet» -le réfectoire des religieuses, décoré de douze grands tableaux, avec la chaire de lecture - un lieu

appelé « le laboratoire Il - l'infirmerie et une seconde infirmerie - la chambre de la supérieure. Le quartier dit des pensionnaires, avec quatorze . chambres de dames, vingt deux chambres de reli- gleuses. L'école et quartier de la directrice de cette dernière, quatre autre chambres adjacentes, une mansarde ser-

vant aux effets des « écoliers Il un grenier au froment,

(1) C'était à cette époque le P. Bernard Lec1ercq. - 47 ~ une cave à l'huile et trois autres, une remise dans la cour - une chambre pour deux domestiques - une place voisine - la farinière, la relaverie, la boulangerie, une remise au bois, une cour au bois, une étable pour une vache et un veau, une autre remise à fagots, une porcherie avec deux porcs, trois petites remises près la grande porte, la prairie basse, la prairie haute, dans l'enclos, le jardin et les cours contenant environ cinq journels emmuraillés. Le mobilier de ces divers locaux n'avait rien d'opu- lent : Ce qui compose l'argenterie d'église, de vais- selle et de table, était généralement en étain. Nous donnons quant aux effets particuliers des religieuses un spécimen de leur médiocrité en reproduisant l'inventaire de la chambre de la supérieure : « un lit garni de ri- deaux bleus, matelas, couverte (sic), travers, taie d'o- reiller, 2 draps de laine; dans l'armoire 12 chemises, 12 paires de draps, 24 mouchoirs, 3 vêtements, 6 coif- fures, quelques livres, 3 tables, 12 chaises, r écran, 2 rideaux de fenêtre et d'autres petits effets. Une autre garde-robe contenant plusieurs effets appartenant aux pensionnaires, confiés à la dite sœur. L'église était décorée de trois petits tableaux dont un au-dessus de l'autel, une statue de la Vierge et une autre de St-François, patron de l'ordre, le restant du mobi- lier était des plus rudimentaires. Chacun des occupants, directeur, religieuses, pension- naires, signa l'inventaire des appartements qu'il occu- pait. Le « chassereau et manuel des biens, cens, rentes, appartenant aux religieuses hospitalières de Wisbecque à Brugelette, renouvelé par sœur Désirée (Courtin) vi- caire et receveuse des dites religieuses, en présence des maire, échevins et plusieurs censiers et manants du dit lieu, ainsi fait et conforme aux anciens chassereaux et manuel du dit couvent, copié dans le chassereau du 24 décembre 1782, portant rentes et baux » énumérait divers biens et titres de propriété qui sont repris dans des tableaux donnés ci-dessous. On y remarquera que l'agent républicain Hyacinthe Delelierine, représentant local de la révolution et l'un des inquisiteurs, était aussi l'un des principaux créanciers des religieuses. U ne accalmie relative succéda à cette alerte, mais les événements politiques se précipitaient, la première occu- pation française fut de courte durée; vainqueurs le 6 novembre 1792, les français se voyaient après leur échec en Brabant, chassés de nos contrées par les autri- chiens redevenus nos maîtres en mars 1793. La Belgique ne tarda pas à retomber et pour longtemps, sous le joug français qui se fit si durement sentir sur notre pays: à la date du 17 Nivôse, 3me année Républicaine (6janvier r ççô) une contribution de quinze cents mille livres en numé- raire frappé sur le district d'Ath par les représentants du peuple Français, les nommés J .-B. Lacoste, Gillet, Haussman, J ouber, Briez, Robarjot et Roger-Ducos at- teignait les religieuses de Wisbecq dans la proportion de 5000 francs pour leur imposition personnelle. Cette taxe était énorme si l'on considère que la pa- roisse de Brugelette n'était pas taxée davantage, payant aussi la même somme; les Carmes de Brugelette étaient imposés à 4500 fr.; les Sœurs grises de Chièvres à 1000 fr.; les Franciscaines de Blicquy à 500 fr.; Gages à - 49-

3000 fr.; et Mévergnies, Gondregnies et Fouleng à 1000 fr. seulement (1). Ce n'était qu'un commencement; des épreuves plus dures, jusqu'à la ruine et la dissolution finale et défini- tive allaient sévir par étapes successives. Nous avons inséré dans cette étude l'état nominatif des membres présents, c'est-à-dire des dernières reli- gieuses de cette antique maison, une des plus anciennes de son ordre, et l'ainée, croyons-nous, de celles qui se développèrent au cours des siècles dans notre province; nous tacherons de suivre jusqu'à leurs derniers jours le plus grand nombre d'entre elles.

Etat des Biens et Revenus des Sœurs grises en 1796. A) Biens non affermés: r maison avec église et basse cour, jardins, prairie de 3 boniers, 5 journels d'aulnois, le tout sis à Brugelette. B) Biens affermés: 'Nature et contenance: Situation: Fermiers: r bonier terre labourable Arbre Vve L. Duray. tl z » » » » Franç. Desterbecq (du ponchos) (2). r maison avec jardin Ath Moriaux. r maison » Franç. Pontier. » » » Jh. Deschamps. » » » Antoine Delaunois.

(r) Cf. Bulletins du Cercle archéologique de NI on" 4· série, p. 271. Le commis- saire civil du district d'Ath, Jasmin Lamotze, avait annoncé que cet impôt « devait frapper les riches, les aristocrates et les égoïstes». Détail curieux: ce fut sur la dénonciation du nommé Louis Grenier de Brugelette, neveu et héritier d'Hyacinthe Delelienne, l'agent républicain du lieu, précédemment cité, que convaincu de concussion l'ex-perruquier Lamotze devenu commis- saire civil, alla porter sa tête sur l'échafaud de Valenciennes, peu de temps après ces événements. (a) Signifie apparemment: du hameau le Ponceau, à Arbre.

D - 50-

3 journels de terre Brugelette Franç. Demarbaix. 6 » »» Blaton J. Duhaut. 4 boni ers .» » » Cocu et Moroy. » » » » Brugelette Sacary- Vignob. 7 » r journel de terre )) Franç. Demarbaix, 6 journels de terre » Pierre Tyrant. 3 » »)) » Th. Motte. 5 boniers, 3 journels, 80 verges de terre » Joachim Motaine (?). 7 journels de terre » Demarbaix, brasseur. ~ » »» » Louis Gras. 1 bonier, 1 journel de terre » Jh. Motte. 3 journels de terre » Antoine Joseph Masy. 1/2» »» » Vve Lefebvre. » » » » Dominique Demarbaix 5 » » » Hyacinthe Demarbaix. 2 boniers » » » Nicolas Carlier. 6 journels » )) » Hyacinthe Leblux. 3 » » » Chièvres Léopold Duray. 9 journels, 40 verges » », » » de terre » J.-B. Beugnet. » » de prés Chapelle à Wattines Vve Jouret-Huart. 4 boniers,rjournel, 120 verges en terre, bois, prés. Gages Jh. Coton, etc. 7 journels de prés Hamaide Ch. Degavre (1). 5 » » terre Ladeuze P .-J. Destraint. 2 » 180 verges de terre » J.-Jh. Delais. ro 1/2 » de terre Mévergnies Jh. Minaire. 3 » de terre » Franç. Demarbaix. 1 bonier, 1 maison, 1 journel de terre Moulbaix Léopold Dupry. 3 1/2 journels de terre, 60 v. » Pierre Carteux. 4 boni ers, 1 journel de terre Montignies-lez-Lens Vve Ch. Deltenre. 5 journels de terre » Antoine Paillot. 6 1/2 journels de terre » Jh. Dec1use. 1/2 boniers, 8 verges de terre » P.-J. Lec1ercq. 2 bonier, 20 verges de terre et pré Oeudeghien J.-B. Meunier. 17 journels, 60 verges de terre Montignies-lez-Lens Jh. Meurant. 1 bonier de terre Mevergnies Demarbaix.

(1) L'affiche de vente de biens nationaux, 177" liste, en date du 14 et 24 Floréal an VII, libellait comme suit ce bien, à l'initiative du citoyen Pradier, commissaire du directoire exécutif: « N° 12. 6 journels de terre et pré en 2 pièces affermés par bail de 9 ans, expirant l'an 13, au citoyen Degavre, moyennant un rendage annuel de 1 JO livres, portés vers 17YO à un revenu de r ro francs et en capital à la somme de 8i10 frs. (Imprimé chez Monjeot à Mons). SI -

Baux courant de 1788 à 1796. La supérieure passait elle-même tous ses baux sans recourir aux notaires et les renouvelait tous les 9 ans. Les revenus de la communauté s'élevaient en numé- raire à la somme de. 4329 florins. Le produit des rentes donnait. II 13 fl. 6. 1.

Au total 5442 fl. 6. 1. Semblable état fut relevé par les agents de la républi- que française en présence de la supérieure et revêtu de la signature des témoins.

Recettes mobiliaires et immobiliaires actives de la communauté. Nombre Créanciers: Résidences: de créances: Appolinaire Durot Arbre 2 Buffe . . Ath Guillain . . . » Olivier, etc.. . » Henry Wakiers » Hyacinthe Delelienne Brugelette J ..B. Chevalier. . » Joachim Andrieu . » Jh. Fraux ... » Thomas Presul. Horrues Jh. Chevalier . Chièvres Estipart, etc. . Goy E.-Jh. Leroy. . Herchies Herman François. Ladeuze J.-Joseph Dubois. Meslin I'Evèque Franç. Permane Mévergnies Deraymont . » » » Jh. Meurant . Montignies lez-Lens Nicolas Verdie. Mames P.-Jh. Galant Villers St-Amand Delay ... Villers N.-D. Poursionville Ressay Derrivière Ath Le médecin Descamps . Namur Les dites créances consistaient en hypothèques sur maisons, terres, prés, tordoirs, fermes, massarderie, la seigneurie de Ressaix, et comportaient en tout vingt sept titres. L'un de ces derniers notamment avait pour objet une obligation de cent vingt cinq livres l'an et promesse d'hypothèque consentie en l'an 1638 par Jean de H ulst, écuyer, seigneur de Honnroir et autres lieux, demeu- rant à Montignies-lez-Lens, et passée devant les féodaux Charles J acop, Jean Leplat et Jean de Marchenier. Le nommé Jean Legrand de Bauffe représentait à ce con- trat Sœur Antoinette Maure mère du « couvent et hos- pital des Sœurs grises de Wisbeqhe de Brugelette» (1). Cet acte impliquait, en outre, au profit des acquéreurs, cession franche avec exemption des vingtièmes, tailles et autres impositions mises ou à mettre (2). , Les dettes passives de la communauté au moment de sa suppression étaient insignifiantes et se limitaient aux dépenses courantes de 1795 à 1796, conformément à l'état ci-dessous qui fut dressé par les agents de la Répu- blique en présence de la supérieure: (3)

(1) Ce bien fut acheté définitivement par la communauté, par acte passé, en 1646, devant les témoins qui suivent: Scaillet, J. Carlier, Adrien De- 1espine, échevins de Brugelette, Pailhot et Gilles Dumont, échevins de Montignies. Il consistait en 4 bonniers, 1 journe1 de terre en neuf pièces affermés, lors de la mise en vente des biens nationaux, à adjuger le 14 Fri- maire an VII, à Mons, à la veuve Deltenre par bail de neuf ans, commencé le 30 novembre 1793, moyennant un rend age annuel de 234 livres. L'affi- che en portait le revenu en 1790 à 250 francs, et l'assimilait au capital de 2000 frs. (2) Chirographe conservé aux archives de l'Etat à Mons. La communauté possédait en outre au terroir de Gibecq dès 1473, cinq journels de terre connus sous le nom de fief de l'hôpital de Wisbecq, qu'elle re- levait de l'abbesse de Ghislenghien. (3) Tous les documents dont il vient d'être fait état ci-dessus, sont con- servés aux archives de l'Etat à Mons. - 53

Fournisseurs : Résidences : Fournitures: Observattona: Duray Chièvres Paille fermier )l )) 2 charretées d'échettes (1) de la maison. )) )) Charbon Manteau Brugelette Succorron fermier » » Froment de la maison. » » Seigle " II r veau Nicolas Carlier II Avoine fermier " " II l veau de la maison. Marbay » Houblon et main d'œuvre fermier (pour Demarbalx) " pour 4 brassins de bière de la maison. )) » )) Froment » )) )) 4 tonneaux bière » » )) 2 tonnes petite bière Bron Ath 2 piéces vin fermier Leblux Brugelette 6 tonneaux bière de la maison. )) )) 4 tonneaux petite bière Relevé au régistre de dépenses le 3 Brumaire, an V.

§ VIII. - La suppression et mise en vente du couvent.

Tous les efforts de Sœur Anne-Félix ayant échoué pour faire considérer comme ordre enseignant, ce qui aux termes de la loi devait assurer sa conservation, la communauté de Wisbecq (r), les sans-culottes de la révolution française, appliquant les lois du 9 Vendé- miaire et du r6 Brumaire an VI, la classèrent parmi les établissements à supprimer.

(1) Bois à brûler. (1) Le décret du 15 Fructidor an IV (1er septembre 1796) ordonnait la sup- pression des ordres et communautés monastiques, « abbayes, prieurés et généralement de tous les ordres religieux, de l'un et l'autre sexe, dans les départements réunis de la ci-devant Belgique », en exceptant toutefois les maisons religieuses dont l'institut avait pour objet l'éducation publi- que ou le soulagement des malades. Cette exception eut du, semble-t-il, sauver le couvent de Wisbecq. Bientôt le commissaire du directoire exécutif, fit affi- cher et mettre en vente publique les biens de cet établis- sement monastique qui furent rapidement dispersés aux quatre coins du ciel. Sans rancœur ai faiblesse, les sœurs n'avaient plus qu'à prendre le chemin de l'exil, et dé- laisser cette antique asile où pendant près de quatre siècles, elles avaient donné le plus touchant exemple de toutes les vertus et de tous les dévouements, et rendu à la région les services les plus éminents autant que dé- sintéressés, pour les corps comme pour les âmes; le cou- vent lui-même passait à son tour sous le marteau ~es enchères, à la requête du receveur des domaines. La suppression fut décrétée en 1797, et la mise en vente avait lieu en l'an 1799.

§ IX. - Un Obituaire des Sœurs grises (1).

Janvier. Sœur Isabelle du carmois est décédée le 5 janvier 1717 agée de 90 ans. Sœur Maximilienne du moulin est décédée le 15 jan- VIer 1717. Sœur M. Caroline delattre est décédée le onse jan- vier 1727. Sœur Elisabeth de Meuldre est décédée le 30 jan- vier 1738. Sœur Catherine Thérèse Maufroid est décédée le 4 janvier 1741.

(1) Nous avons cru devoir respecter intégralement la rédaction et l'ortho- graphe de ce document original. - 55-

Sœur Aleixite cantineau est décédée le vingt 3 jan- vier 1792 agée de 78 ans jubilaire de 16 mois née à fra- menes. Sœur Elisabeth descamps est décédée le IO jan- vier 1796 agée de 44 professe de vingt-quatre né à avrez près de Mons.

Fevrier. Sœur Anne de lascension simonart est décédée le 22 janvier 1704 a été mère 30 ans. Sœur m. thérèse noël est décédée le 9 février 1726 native de Mons. Sœur barbe angelinne aulent est décédée le 24 fé- vrier 1733 a été mère 15 ans. Sœur Angelinne demarbaix est décédée le 2 février 1763 née à la cense de ferseignies. Sœur Augustinne Gailliez est décédée le 16 février 1765 native de mons.

Mars. Sœur Anne Carolinne bureau est décédée le 29 mars 1718. Sœur Rosalie cambier est décédée le 15 mars 1741. Sœur marie françois debay est décédée le 8 mars 1751 native de mons. Sœur Ursule Scaliez est décédée le 24 mars 1787 agée de 70 ans professe de 47 native de mons.

Avril. Sœur marie jacquelinne gobin est décédée le 3 d'avril 1719. - 56-

Sœur jeanne de la croix de nuit est décédée le 26 avril 1740 native de nimi. Sœur cathérinne brassart est décédée le 12 avril 1745. Sœur m. Louise Abraham est décédée le 22 avril 1754 native d'Audrenïe. Sœur m. Agnesse Vieleuze (1) est décédée le 19 avril 1764 native de brugelette. Sœur M. joseph Mabille est décédée le 29 d'avril 1770 native de hon teignieu.

May. Sœur anne thérèse est décédée le 14 may 1694. Sœur françoise agnesse dit laurent est décédée le 6 may 1716 a été mère 6 ans et vicaire 13 ans. Sœur M. joseph Causye est décédée le 15 may 1722. Sœur monique corbeau est décédée le 9 may 1732. Sœur antoinette dubois est décédée le 10 may 1747. Nous sommes obligée par fondation, de dire en com- mun, trois paters et aves le jour de la très sainte trinité.

Juin. Sœur agnesse plaiting est décédée le 17 juin 1712. Sœur cecile de lascension laurent est décédée le 17 juin 1745. Sœur Jeanne Claire manteau est décédée le 9 juin 1766 agée de 82 ans native de Brugelette. Sœur marie Rose françois est décédée le 28 juin 1775 agée de 77 ans professe de SI native de baudour.

(1) Sœur Marie-Agnès de le Vieleuze appartenait à une vieille famille patricienne de Brugelette originaire d'Ath; même remarque pour Sœur Barbe-Angeline Aulent citée plus haut. Juillette. Cette page est en blanc.

Aout. Sœur jacquelinne le maire est décédée le 5 aout 1797. Sœur m. anne foucart est décédée le IO aout I716. Sœur anne joseph du brunquez est décédée le 27 aout 1726. Sœur conception cantineau décédée le IO aout 1728. Sœur Ursule Seohiez décédée le 15 aout 1729 de mamveau. Sœur gabrielle fourneau de Mevergnies est décédée le 6 aout 1750. Sœur Anne therese ghilain est décédée le 23 aout 1751 née à Ath. Sœur therese André est décédée le 14 aout 1775 agée de 61 ans professe de 45 a été mère 4 ans née à maulte. Sœur Victoire oriens est décédée le I5 aout I779 agée de 53 ans née à montignie-lez-lens. Sœur J oachime Mercier est décédée le 15 d'aout à l'ho- pital de St pierre à brusselles après avoir souffert la plus cruelle opération, l'année 1785 agée de 53 ans professe de 29 native de bauffe.

Septembre .. Notre Mère sœur J oachime Scohiez est décédée le 24 septembre 1754 a été mère 26 ans sans interrup- tion, native de Mainveau. Sœur albertine delvainquierre est décédée le 10 sep- tembre 1753 agée de 74 ans professe de 53 native de St Sauveur. - 58-

Octobre. Sœur anne de la croix le maire est décédée le 8 octo- bre 1699. Sœur catherinne theres beausir est décédée le 14 octo- bre 172I. Sœur bernardinne de lattre est décédée le 19 octo- bre 1768 a été mère 9 ans, vicaire 30 ans native de bru- gelette. Sœur marie des anges oriens est décédée le 24 octo- bre 1772 native de montignies.

Novembre. Sœur jacquelinne de St Denis est décédée le 20 no- vembre 1695. Sœur anne cecilIe paternotte est décédée le 21 de novembre 1733. Sœur M. anne Joseph Marchand est décédée le 27 novembre 1751 native d'hormignie. Sœur Catherinne thérèse delcourte est décédée le 21 novembre 179I agée de 65 ans professe de 45 native de St amand près d'Ath.

Décembre. Sœur Eleonore Gaillot est décédée le 23 décem- bre 1739 elle a été 10 ans. Sœur florence Scops est décédée le 19 décembre I740 agée de 29 ans. Sœur marie magdelaine moreau est décédée le I2 dé- cembre I748. Sœur Isabelle Gille est décédée le 9 decembre I788 - 59- agée de 70 ans professe de 50 a été mère 12 ans et vi- caire 16 ans native d'hersie. Sœur Rosalie hotier est décédée le 25 décembre 1788 agée de 67 ans native de neufville. I. Obie pour les pères et mère de sœur celestinne grard le 3ne lundy de janvier à 9 leçons commendace salut, congé et un patars de mastel (sic). 2. Obie pour les père et mère de sœur Angelinne le lundy de sexagesime à 9 leçons. 3. Obie pour Mademoiselle becquet le 24 février, à 9 leçons, commendace, salut, et congé des mastelles. 4. Obie pour le R. père franeaux le premier lundy de caresme à 9 leçons. 5. Obie pour Mselle Charlart et sa fille le 2me lundy de caresme a 9 leçons commendace et salut congé et des mastelles. 6. Obie pour Mselle depestre le 3me lundy de caresme a 9 leçons, commendace et salut congé et des mastelles. 7. Obie pour Joseph de lattre le lundy de la passion à 9 leçons. 8. Obie pour monseigneur le comte de mastaing le 22 d'avril commendace, oremus, inclina. 9. Obie pour notre fondatrice le premier de may à 9 leçons, oremus satisfaciat. ID. Obie pour les père et mère de sœur antoinette du- bois le 24 juin, a 9 leçons, congé et des mastelles. II. Obie pour les père et mère de sœur Bernardinne de lattre le premier lundy de juillette à 9 leçons. Nous devons dire toutes 3 paters et 3 ave le jour de la sainte trinité, cela est d'une fondation. 12. Obie pour sœur marie-Louise Lotteau et ces pères - 60- et Mère le deuxième lundy de juillette à 9 leçons, congé et des mastelles. 13. Obie pour Monsieur desprets le lundy le plus près de Sts Jacques s christophe à 9 leçons commendace, et un salve après la messe. 14. Obie pour notre mère Sœur antoinette navré le 12 septembre à 9 leçons. Commendace congé et des mastelles. 15. Obie pour les père et mère de sœur marie et sœur J acquelinne le maire le lundy après la st françois. 16. Obie pour les père et mère de sœur marie Jacque- linne Gobin le lundy d'après l'octave de st françois à 9 leçons congé et des mastelles. 17. le 23 octobre une messe solennel chantée pour le repos de l'âme de Mselle Magfosse un deprofundis et un salve après le miserere on chante aussi la prôse. 18. Obie pour Mselle traisegnie le lundy après la tous saints à 3 leçons point de prôse ni de miserere. 19. Obie pour sœur Marie Monique corbeau le 3me lun- dy davent, a 9 leçons congé et des mastelles, oremus satisfaciat. 20. Obie pour Maitre guillaume pieron (1) le lundy d'avant la noël, on distribue une razière de blez conver- tis en pains aux pauvres.

Mémoire que nous devons dire par ordre du souverain pontife et du R. disime père général tout les ans une vigile à trois leçons en commun et une messe dans l'octave des âmes

(I) Curé de Brugelette au XVIe siècle. - 61- en Réduction de quatre obies et de quelques messes dont nous ne recevons aucune rétribution.

Vigiles d'obligation de la Règle.

I. le jour de quasimodo et le jour des Rois, à 9 leçons pour les ministres et visiteurs provainciaux. 2. a la Septuagésime et a la Magdelaine a la Saint Mi- chel pour les sœurs et bienfaiteurs trespassez à 9 leçons. 3. a l'Assomption de la Vierge, a la St-Simon et Saint Jude pour toutes les mères trespassées à 9 leçons. 4. a la Saint André pour les pères et mères des sœurs à 9 leçons. Suivent une série de prières et pratiques religieuses propres à la communauté et d'exhortations, sur lesquelles nous passons comme dénuées d'intérêt pour les profanes, et l'obituaire se termine ainsi: Ce livre est à l'usage de sœur désirée Courtin. Mère le 25 mars 1793 Pryez pour moy s'il vous plaît.

Nous insérons ici quelq ues modèles de billets de faire part en usage dans la communauté des Sœurs grises à cette époque. Jésus Maria François L'an de grâce 1740 le 19 décembre en nôtre couvent des Sœurs Grisses de Brugelette, est pieusement décédée entre les prières de ses sœurs, administrée des Saints Sacrements de la Sainte Eglise, notre chère sœur, sœur marie florence Scops agée de 29 ans, professe de 6, l'Ame de laquelle nous re- - 62- commandons aux Saintes Prières de votre communauté, par Charité. Requiescat in pace.

Même formule pour: Sœur marie alexis cantineau, jubilaire agée de 78 ans, professe de 52, décédée le 23 janvier 1792.

Et: Sœur Elisabeth des camps, agée de 44 ans, professe de 24, décédé 10 janvier 1796. (1)

(1) Cet obituaire avec les autres documents connexes furent trouvés dans un placard du vieux couvent où ils étaient dissimulés depuis un siècle. - 0;) -

CHAPITRE IV.

§ 1. - Le « Pensionnat» Carnoye.

Ce fut alors que sr Anne-Félix Carnoye, dont il faut admirer la vaillance autant que la ténacité, résolut de racheter, de ses propres deniers, le couvent dont elle avait été la dernière supérieure. Aucune enchère conséquente n'étant venue entraver son projet, elle en fut déclarée adjudicataire à titre personnel. Trop peu fortunée pour en réaliser, à elle seule, l'acqui- sition, elle rencontra le concours d'un brave homme qui l'y aida de ses économies, en prétendant garder un inco- gnito, que sa modestie ne nous empêchera pas de dévoi- ler. « Elle y fut aidée, dit une note que nous avons trouvée dans des archives de l'époque, par un fervent chrétien dont nous devons taire ici le nom; s'il fut un homme de la classe inférieure, un serviteur à gage qui s'était ménagé quelques ressources pour l'avenir, son dévouement n'en a que plus de prix et de mérite devant Dieu» (1). 'Cette appréciation visait, croyons nous, le nommé François Allard, natif de Mévergnies, domesti- que au couvent des Sœurs grises, du temps de sr Anne- Félix. On avait une grande confiance en lui, et il était considéré, en raison de son initiative et de ses apti- tudes, comme l'économe de la maison. Sr Anne-Félix eut donc la grande joie de rentrer dans son couvent, et d'y réaliser à nouveau avec quelques mo- difications de forme, pour s'adapter aux circonstances et ne pas éveiller les hostilités toujours latentes des jaco- bins, le but auquel elle avait définitivement voué son

(1) Archives de la. cure. existence; au prix d'économies et de privations elle put rendre à son dévoué serviteur et prêteur, après un certain temps, les fonds que ce dernier lui avait généreusement avancés. Wisbecq redevint rapidement ce qu'il avait été avant la suppression, et pendant de longs siècles: une maison de santé où l'on recevait des aliénés, et un pensionnat ou maison de retraite où vinrent se retirer, pour vivre en paix, certaines personnes dégoutées du monde ou privées de parents, d'autres encore désireuses de se préparer à mourir sous la direction de religieuses et dans un cou- vent. La maison, à ces titres divers, prospéra rapidement: la qualité et le grand nombre des pensionnaires, issus de toutes les classes de la société, en témoigne éloquemment. Le 28 novembre r824, le commissaire du district d'Ath ayant chargé l'administration communale du lieu de lui adresser un état nominatif des insensés entretenus chez Mlle Carnoye, indiquant les noms, prénoms, âges, domi- ciles, prix de la pension pour un fou, placé par une admi- nistration ou par des particuliers, - les noms des personnes payant ces pensions; le montant des frais d'entretien du bâtiment, du mobilier, des impositions foncières, des salaires aux préposés, aux domestiques, et tous autres frais - ce par ordre du gouverneur, la Supérieure répondit en donnant les noms suivants: Pensionnaires: Mmede Carondelet, dlleduvelin; de Sebille Antoinette; Robanette Charlotte; dlle Deprez; Rosalie Miller (ex Sœur grise) ; François Antoinette; Vincent Eloi. - 65-

Le prix de la pension était fixé à 800 frs. Elle ajoutait: « Madame Carnoye ne reçoit des pen- sionnaires qu'en suite de traités qu'elle fait avec les parents. Cette pension varie d'après les soins et les aisances qu'on leur procure et les fournitures qu'on est dans le cas de faire. La moyenne, présentement, est de 1200 livres et le minimum de 500 frs. L'établissement étant sa propriété, elle y fait les dépenses nécessaires pour l'entretien des bâtiments et les ameublements qu'elle juge. Madame elle-même pré- side à son établissement et paye les gages. Mouvement de la population d'aliénés des deux sexes, en 1830 : Hommes Femmes Curables Incurables 3 13 5 II Elle fait en outre remarquer que les aliénés, arrivés à Brugelette, sont déjà atteints depuis plusieurs années et qu'on ne donne jamais les causes de la maladie, la famille ayant le droit de ne pas découvrir cette cause se tait sur ce point, elle ne peut satisfaire sur ce point à la demande de l'autorité locale. Quant à la pension elle est personnelle et au gré de la famille. Il faut aussi faire attention que cet établissement est volontaire et n'est pas soumis au contrôle des autres maisons assu- jeties à la vigilance du Gouvernement. Les professions sont presque tous des rentiers. Etait signé: s. P. Carnoye, directrice de la pension de Brugelette. (1)

(1) Archives communales.

E -66---

L'église du couvent avait à cette époque le caractère d'oratoire public. Un document atteste que l'Évêque Mgr Hirn avait toujours reconnu l'église de ce pension- nat pour oratoire public. Une demande de confirmation en fut faite au vicaire général Godefroid. La messe y était célébrée, tous les jours, par un cha- pelain particulier autorisé par ses supérieurs, salarié par la directrice du pensionnat, par le public à qui l'église était ouverte et par les pensionnaires. De 1815 à 1816, la population du couvent était com- posée comme suit : Jean Monnier . . . . 70 ans La Hamaide prêtre. Benoit Podvin . . . . 60 ans Angreau prêtre. Julie Carn oye . . . . 70 ans Wattignies religieuse. Marie Joseph Duquesnes 70 ans Ormeignies Adrienne Thirant . 60 ans Brugelette Eléonore Miller. 56 ans Graty Thérèse Bouzé. . 86 ans Valenciennes Ursule Botte. . . 55 ans Gages Thérèse Labrique . 66 ans Cambron-Casteau Pétronille Vanvinesterdam 66 ans Bruxelles Charlotte Robyns. . . 47 ans Bruxelles Marie-Josèphe Desprets 28 ans Placidie Carnoye 39 ans Wattignies Germain Debève 69 ans Mons Lambert Thym . 51 ans Amsterdam Florent Charlez. 42 ans Mons Vincent Eloy. . 40 ans Soignies Xavier Dupont. 33 ans Mons Alexandre Flament 64 ans Cambron-Casteau Honoré Flament . 62 ans Cambron-Casteau Jacques Joseph Thiry 61:! ans Mons Nicolas Dufour. . . 54 ans Cambron-Casteau religieux. Diverses personnes au nombre de 22 des deux sexes, de provenances diverses, de Madrid, Londres, Hollande, France et Luxembourg, etc., avaient trouvé asile dans le couvent de Brugelette. D'anciens religieux notamment, que la révolution avaient rejettés violemment dans le - 67- monde, comme des épaves perdues, s'y étaient réfugiés. Nous citons : le dernier abbé du Val des écoliers à Mons, abbaye supprimée en 1789 par Joseph II. Ducor- net JosePh, était né à Chièvres, le 21 février 1733, de Nicolas et d'Anne Rombau, fit ses humanités au collège d'Ath, avait fait sa philosophie à Douai, et fut promu abbé du Val en 1786. Prêta serment à la révolution, le 19 fructidor, puis se rétracta. On lui attribue la cause de la suppression de son abbaye par Joseph II; il était à Wisbecq dès 1802, y mourut et fut inhumé au cime- tière de Brugelette (1). En 1809, y meurt Louis-Antoine Ducornet, ancien prêtre de l'Oratoire, également natif de Chièvres. En 1814, Ignace-Ernest Tellier de Bois de Lessines, ancien religieux, prêtre de Cambron, y décédé agé de 75 ans. 11 était né le 22 mai 1739, il portait à Cambron le nom de Dom Amand, et vint habiter le pensionnat en 1802. Monnier J.-B., né à La Hamaide, le 4 août 1744, religieux à Liessies sous le nom de Dom Jean, arriva à Brugelette en 1799, était à Ath en 1802, revint quelques mois plus tard à Brugelette et disait la messe du cou- vent. De nouveau à Ath en 1805, il revint définitive- ment en 1813 au pensionnat. 11mourut chez ses parents, à Brugelette, en novembre 1817. Les documents de ce temps en font un prêtre d'une conduite irréprochable et d'un désintéressement rare. Potvin J.-B. JosePh, précédemment cité, était né à

(1) Cf. Monasticon, p. 449. Dom. U. B!:RLIÈRE. - Archives communales. - 68-

Angreau le 1er février 1759, moine à St-Denis sous le nom de Dom Benoît, il vint résider au pensionnat et disait la 'messe en la chapelle du pensionnat érigée en oratoire public en 1812, y décéda le 15 novembre 1821. Dehaut PhiliPpe-JosePh, religieux d'Aulne, (Dom Lambert) né en 1757, curé de Moulbaix, était retiré au pensionnat en r8r9, mourut aux anciens prêtres en r822 (r). En r813, y meurt Antoine Mieuiens, de Bruxelles, avocat. En r8r5, JosePh Debêue, de Mons, déjà nommé, colonel d'Espagne. En 1818, Célestin Le M erchier, de Renaucourt, che- valier héréditaire, chevalier de St-Louis, ancien officier, domicilié au château de Voullière (Pas-de-Calais). En 182r, Laurent-Charlé de la Vigne, de Mons, rentier, 47 ans. En r829, Rebecca Comier, de Londres. L'an XIII, Jean Vigneron, jardinier des religieuses. En r806, Marie-Thérèse Ducornet, de Chièvres, ren- tière, 76 ans. En r806, Cath.-Jos. Motte. En rSro, Jeanne-Marie Lecolier, rentière, 80 af.1s. La même année : Mme Marie-Dorothée-Joseph-Désirée, fille de Messire Ignace de Mauve et de Dame Louise de Zomberghe, veuve d'Eustache-Amory de Mortagne, née à Mons, agée de 90 ans. En 18r4, Reynard Hijmen, enfant d'un soldat prus- sien, agé de 3 mois.

(1) Cf. Chan. Vos. Le clergé ancien du dioce'se de Tournai. - Archives communales. - og-

En 1819, noble DUe Marie-Barbe-Louise de Bousies, 71 ans, de Mons, célibataire, fille de Messire Léon- Claude de Bousies, vicomte de Rouveroy et de Marie- Louise, duchesse de Looz-Corswarem (1). En 1824, Hannah-Kézia Osborne, de Londres. En 1826, Céline Duvelin, 73 ans, épouse de J .-B. de Carondelet, écuyer. An IX, Elisabeth Wadin, d'Ath, 53 ans (2). Nous avons trouvé ailleurs cette note : Albertine- Ghislaine-J osèphe, née à Landas le 10 février 1755, reçue en 1762 dans la sainte et noble famille de Lille, testa le 24 avril 1826, mourut célibataire au couvent de Brugelette, le 18 aout 1833. Elle était fille d'Eustache- Amaury de Mortagne, chevalier, baron de Landas et de Marie-Dorothée du Mez, dite de Croix de Dadizelle, née le 24 février 1720, fille d'Ignace Ferdinand du Mez dit de Croix, comte de Mauve, seigneur de Dadizelle et de Louise-Ferdinande de Zomberghe, dame de Thi- rissart (celle-ci morte à Brugelette le 7 avril 1810) (2).

§ II. - Les dernières religieuses de Wisbecq. Sœur Anne-Félix, dernière supérieure des Sœurs grises, était née à Wattignies, dans le Hainaut français,

(1) Née à Mons, elle avait été reçue chanoinesse au chapitre noble de Moustiers-sur-Sambre le 2 septembre 1783, elle décéda à Brugelette le 21 juin 1819. (STROOBANT,Notice sur les seigneurs de Tyberchamps.) (1) Archives communales. (3) Cf. DU CHASTEL: Généalogies Tournaisiennes, t. 1, p. 54. A noter ce détail ou fait divers relevé dans un vieux « livre de raison» conservé dans une ancienne famille de la commune: « le 28 mai 1826, à 5 heures du soir, un ouragan compliqué de pluie sévit jusqu'à 7 heures. Tous les villages voisins furent inondés. Le 31 dito, vers trois heures, un orage épouvan- table se déchaine et la foudre tombe en plusieurs endroits du pensionnat de Brugelette, suivie de crues d'eaux extraordinaires », -7° - en 1747, et s'appelait dans le monde Carnoye Marie- Thérèse-] ulie. Entrée au couvent de Wisbecq, elle y avait fait sa profession le 6 avril 1766; supérieure en 1793 (1), elle montra dans les circonstances pénibles et difficiles qu'elle eut à traverser, vis-à-vis des agents de la révolution, un courage, une fermeté de caractère et une prudence au-dessus de tout éloge. Son attache- ment à la maison à laquelle elle avait consacré sa vie, la décida à tenter pour la conserver et en maintenir, dans la mesure des moyens humains, la destination, plus qu'il lui était permis d'oser. On a vu comment le succès répondit à son courage et à son esprit d'initia- tive. Il lui fut donné, en récompense de ses efforts, la satisfaction de terminer ses jours dans cette chère retraite, que la Providence lui avait rendue, au milieu de quelques-unes de ses anciennes religieuses qui ne la quittèrent plus qu'à la mort et la secondèrent dans ses dernières entreprises. Et ce fut dans un âge avancé, entourée de l'estime, du respect et de la reconnaissance de ses pensionnaires et des habitants de Brugelette, qu'elle y mourut le r8 février 1829, âgée de 82 ans et sept mois. Nous trouvons un témoignage manifeste des sentiments de vénération et de sympathie dans laquelle la tenaient les habitants de Brugelette, dans le fait suivant: le 25 août 1827 la société philarmonique de Brugelette décida d'aller lui donner une sérénade, solen- nellement et en corps, sous la présidence de François Grenier. Les considérants qui avaient motivé la délibé- ration tenue à ce sujet disaient que « Madame Carnoye

(1) Elle succéda en cette qualité à sr Désirée Court in qui avait été mère de 1790 à 1793. avait mérité 1'estime de tous ceux qui la connurent; qu'elle s'était toujours rendue chère à la commune par ses nombreux bienfaits, et qu'elle avait notamment en toute circonstance porté un bienveillant intérêt à la musique. Il devait être agréable aux membres de la société de lui témoigner leur estime et leur affection. C'est pourquoi, la société décidait d'aller lui faire hommage de quelques morceaux de musique et la prierait d'agréer cette initiative, comme preuve des bons sentiments des membres» (1). Sœur Anne-Félix fut inhumée dans l'ancien cimetière de la paroisse; un modeste monument élevé sur sa tombe porte cette inscription: D. O. M. Ci gist sœur anne- F elix-Julie-Carnoye native de Wattignies (France) Ancienne mère supérieure des ci-devant sœurs grises de Brugelette et en dernier directrice du pensionnat de la dite commune décédée le 28 février 1820 agée de 83 ans Priez Dieu pour son ame

A la mort de Mlle Carnoye, une de ses nièces nommée Placidie Carnoye, « qui n'avait point, dit un contem- porain, l'habit religieux, mais qui avait l'esprit de la vie religieuse» lui succéda et continua sa mission, aidée

(1) Cette société fondée le 27 décembre 1824, fut dissoute en 1840' - IM- de deux compagnes de sa tante: sœur Augustine Tirant et sœur Rosalie. A cette œuvre recommencée, Placidie Carnoye se dévoua jusqu'en 1835, époque à laquelle elle revendit le couvent aux pères de la compagnie de Jésus expulsés de France et qui vinrent y ouvrir un collège principa- lement destiné à recevoir des jeunes gens de familles françaises, désireux de trouver à l'étranger l'éducation chrétienne qu'ils ne pouvaient plus recevoir chez eux. Placidie Carnoye, se retira à Maffies avec sœur Au- gustine et y resta trois ans, vivant dans la retraite et la piété. Enfin, elle y laissa sa compagne pour aller vivre à Beaumont où elle mourut, croyons-nous, chez le Dr Delcourt, son beau-frère. Placidie Ravaux, nièce et filleule de la précédente, mourut à Hautrages en 1874; elle avait prié les Sœurs franciscaines d'Hautrages de la faire recommander à Brugelette, pendant un an, ce qui fut fait. Marcelline Carnoye, nièce de sœur Anne-Félix, épousa _ le médecin Delcourt, de Beaumont, chez qui mourut sa sœur Placidie (1). Sœur Augustine Tirant, restée à Maffies, y vécut en grande partie sur les deniers de Placidie, ainsi que sœur Rosalie, qui s'était retirée à Mévergnies, chez M. Balot, où elle mourut en 1838. Ce fut la dernière des religieuses de Wisbecq. Sœur Marie-Antoine Canti- naux, autrefois vicaire des Sœurs grises, mourut en ~ 1810, à St-Sauveur (2).

(1) Archives de la cure du lieu. (2) Fut recommandée en l'église de Brugelette le 27 avril 1810. - 1.J -

Sœur Marie-Agnès Grard, mourut au couvent de Bru- gelette, l'an XIII, âgée de 82 ans. Sœur Marie-Claire Lotteau y mourut également, le 23 octobre r8r3. Sœur Marie-Josèphe Duquesnes (sœur Léopold), y décéda en r823, âgée de 73 ans. Sœur J eanne-J osèphe Guiot, le 2 r germinal an VI II, agée de 82 ans. Sœur Rosalie mourut folle, après r835, nous venons d'en parler. Sœur Bernardine-Isabelle Demarbaix mourut en mai r806. Un service eut lieu pour elle, en l'église de Bru- gelette, le r8 mai de cette année. Sœur Florence Cuvelier mourut à Chièvres, en mars 18r7 et fut recommandée en l'église à Brugelette. Sœur Aldegonde Denégre mourut l'an IX, au couvent. Nous n'avons pas retrouvé trace des autres religieuses ayant survécu à la suppression. Notons en terminant, ce qui concerne l'histoire du

« pensionnat Carnoye )J, que de r830 à 1832, pendant la reconstruction de l'église paroissiale de Brugelette, la chapelle du couvent servit provisoirement au culte, pour les habitants de la commune, qui y avaient accès par une porte aujourd'hui condamnée et donnant dans la façade principale de la maison. Le poste du curé étant vacant pendant ce temps l'intérim en était confié à un père Jésuite. Des contemporains qui s'y rendaient aux offices, nous ont affirmé avoir encore connu à cette époque la présence des aliénés dans la maison. Il nous fut même rapporté ce détail tragi-comique, qu'un incen- die partiel s'étant déclaré dans la maison et menaçant de prendre de l'importance, les sauveteurs accourus, pour combattre le feu, eurent plus de peine à lutter contre ces pauvres déments pour les maîtriser, que contre l'élément destructeur lui-même. -7':) -

CHAPITRE V

Le Collège des J ésuites.

§ I. - Pondation du Collège, évolution et histoire.

Les cc Ordonnances» de r828, avaient fermé les collèges de la compagnie de Jésus en France, et cette dernière, sans désemparer, s'était reformée en bataille sur les frontières, en y établissant de nouvelles maisons. Fribourg en Suisse, le Passage à la frontière espagnole, venaient de voir s'ouvrir dans leurs murs des collèges français de l'Ordre. De Paris, de l'ouest et du nord, de vives instances pressèrent la compagnie de fonder un collège sur la lisière belge. Le P. Renault, provincial, fut chargé dès r834 de cette initiative. Une société d'actionnaires pour l'entre- prise de ce collège nouveau fut organisée entre les notables catholiques de Lille. Le dévolu fut d'abord jeté sur des terrains actuellement occupés par le pen- sionnat des Dames de St-André, à Tournai; mais l'Evêque de Tournai ayant réclamé les droits de l'acqué- reur, au profit de ces Dames, l'agent du P. Renault, Mt Dubois-Fournier, reçut de son fils Henri, l'avis suivant : « Papa, puisqu'on préfère la campagne, je crois avoir votre affaire : c'est l'ancien couvent de Brugelette, auprès duquel je passe souvent, dans mes voyages, à trois lieues d'ici )J. C'est ainsi qu'en un instant fut décidée, dans un entretien accidentel, à Mons (r) l'acquisition de Brugelette par les Jésuites.

(1) Coïncidence curieuse, ce fut encore à Mons, dans un entretien éga- lement accidentel, que fut décidée, plus tard, l'instauration à Brugelette, des Sœurs de l'Enfa.nt Jésus. Le lendemain, a écrit un autre fils de M" Dubois, le père et le fils débarquaient, en tilbury, à la porte de la vieille demeure monacale, évacuée depuis peu, et fort à point, par un asile de folles. Un accueil cordial et hospitalier de la propriétaire, Mlle Carnoye, est fait aux voyageurs, non seulement elle prête aussitôt l'oreille au projet de vendre sa propriété, mais, mise au courant du but poursuivi, elle consent de suite à s'inscrire, en présence des négociateurs, pour cinq actions de deux mille francs chacune. Le 26 novembre 1834 était signé l'acte de vente. Il porte lors de sa ratifi- cation, le 12 décembre suivant, les signatures ci-dessous des actionnaires : P. Carnoye; Dubois-Fournier; Félix Dehau; M. Pot- teau; Vandercruisse de Waziers; L. Lefebvre; De Lattre; Lethierry, née de Borresens; Vve André, née Thérèse Van Rode; L. Defontaine; Bernard Senet; Vve J .-J. Jonson; E. Le Mètre; L. Fievet-Chombart; au nom de M. Le Mesre du Brusle, de MMmesDelan- noy, Delahaye et de M. le comte de Lagranville (1). D'autres projets d'installation semblable, outre Tour- nai, n'avaient pas eu de succès, à , Chimai, Cambron et . La société d'actionnaires couvrit non seulement les frais d'achat, s'élevant à 12000 frs., mais encore ceux du premier établissement. Les inté- rêts s'élevaient à 4 p. c. en faveur des actionnaires, qui plus tôt bienfaiteurs que spéculateurs, tant belges que français, avartfait preuve de délicatesse et de générosité

(1) L'original de ce contrat, est en possession de M" Dubois-Delesalle, de Lille. -77~ en acceptant des conditions toutes à l'avantage de la Compagnie de Jésus. Au commencement du mois d'avril, les PP. Alexandre Pourcelet et Ferdinand Brumauld qui avait dressé les plans d'appropriation à la nouvelle destination du cou- vent, plans complétés définitivement par le P. Delineau, appelé par les élèves le capitaine des briques, ainsi que le frère Chalençon partaient pour Brugelette, en vue de préparer le futur collège; arrivés le 4e dimanche de Carême, ils étaient accueillis, avec sympathie, par les autorités civiles et ecclésiastiques du lieu. On raconte à ce propos que le curé, au début de son sermon, annonça leur arrivée à ses paroissiens, en ces termes: il avait pris pour texte l'introït du dimanche: Laetare Jérusalem et couoentum. (sic) facite omnes... , qu'il traduisait à sa façon, adaptant le texte aux circonstances « Réjouissez-vous, mes frères, disait-il, et rétablissez votre couvent », Adaptation frappante, qui fit, dit-on, une vive impression sur les nouveaux arrivants. Dès les premiers beaux jours de 1835, de nom- breux ouvriers se mettaient à l'œuvre. Les mobiliers de St-Acheul et du Passage, maisons récemment fermées, arrivaient par Condé, sur des bâteaux chargés en Espa- gne et en Picardie, d'où débarqués ils étaient trans- portés à Brugelette. Le P. Delineau, vieillard de 65 ans, avait fait preuve d'une activité étonnante pour son âge « J'ai fait pour Brugelette, disait-il, 23 voyages, à che- val, en cabriolet, ou en diligence, avant l'arrivée des

élèves )J. Ce fut le 29 octobre 1835, qu'eut lieu l'ouverture des classes, précédée par un discours d'inauguration pro- -78 - noncé par le P. Lartigue, professeur de rhétorique. Une brillante jeunesse accourue de toutes les régions de la France, la Provence, la Gascogne, la Lorraine, la Bre- tagne, des contrées de Paris et du nord, se pressait aux pieds de l'orateur. « Spectacle touchant, dit un biogra- phe, de voir ces vertueux parents, qui venaient de si loin, chercher pour leurs enfants une éducation chré- tienne, et ces enfants se condamnant à un exil volon- taire et demandant un asile à la religion, et ces murs d'un ancien couvent, rendus à la piété et aux lettres, et ce collège enfin, dans lequel semblaient revivre ceux que la jalousie unie à l'impiété avaient si brutalement fermés» (1). En peu de temps le nombre des élèves s'éleva et ne cessa de se maintenir à 330, nombre qu'il était décidé de ne jamais dépasser. Il s'élevait en 1835 à 215 élèves, en 1836 à 300, conduits par 18 pères. Cette maison jouit pendant dix neuf ans, d'une réputation des plus méri- tées. Brugelette comptait à ce moment 1400 habitants; situé dans une des plus agréables régions du Hainaut, sur les bords de la Dendre, à seize kilomètres de Mons, et à quatre d'Ath, sur la route reliant ces deux villes, à douze lieues de France, il offrait avec les environs,

(1) Les familles françaises, dit un biographe, n'ayant pas trouvé dans leurs rapports avec les établissements de la Compagnie de Jésus, supprimés par les ordonnances de 1828 en France, les mêmes griefs que la révolu- tion, continuèrent à confier leurs fils à ces religieux exilés, malgré les anathèmes des gens de progrès et les menaces officielles de la diplomatie. Les deux maisons de Fribourg et de Brugelette recueillaient chaque année autant d'élèves qu'elles en pouvaient. «r.r. DUFOUR D., S.: J., Vie de Paul-Jean Granger, Paris). -79 - tous les agréments qu'on put souhaiter pour une maison d'éducation. Les villageois avaient fait aux Français le meilleur accueil, l'aristocratie des environs leur avait témoigné une bienveillance particulière, et faut-il ajouter que pour beaucoup d'élèves des relations d'amitié ou d'alliances les rattachaient aux seigneurs de la région. Cela valut à la nouvelle communauté, outre des avances ou des largesses, un concours de services parfois importants, des appuis auprès des pouvoirs publics, et surtout la libre jouissance de quatre parcs princiers voisins que les anciens élèves de Brugelette n'oublièrent jamais. Le domaine des Mérode à Brugelette, arrosé par la Dendre, avec ses étangs aujourd'hui comblés, vastes patinoires en hiver, bains délicieux en été : celui de Bauffe, dont le propriétaire, baron de Sécus, fut tou- jours pour le collège un protecteur et un bienfaiteur généreux; domaine remarquable par ses belles eaux, son incomparable labyrinthe de charmilles et l'éblouis- sante profusion de ses fleurs, mais surtout par l'accueil charmant du maitre. Le bienfait le plus signalé de ce gentilhomme fut le don offert au collège, d'une maison de campagne pour les jours de congé. Cette propriété spacieuse qu'ornaient des bouquets de grands arbres, une large pièce d'eau, une île boisée, est aujourd'hui une école ménagère acq uise par des Ursulines allemandes. On y admire une chapelle romane élevée à St-Joseph, par les Jésuites et dont cette maison porte le vocable et aussi une plaque commémorant leur passage en ce lieu. Le château d'Attre, à un quart de lieue de distance, - 80-

côtoyé ainsi que son parc par la Dendre, remarquable par ses pièces d'eau et ses sites, réalisait la miniature d'une petite Suisse. Mais sa grande attraction qui en fait la merveille de la région, consiste dans un groupe remarquable de rochers pittoresques et de proportions énormes. Des précipices effrayants, des cavernes, des sentiers taillés à pic, des grottes profondes abritant « la naïade» des souterrains féeriques, la déesse elle- même méditant silencieusement sur son urne, à demi plongée dans les eaux transparentes; des daims agiles, et des cerfs bondissant dans les massifs, car le comte Duval, propriétaire en ce temps-là, y donnait de grandes chasses; rien n'y manquait pour en faire le site idéal ou le père de Télémaque eut pu rêver et décrire sa grotte de Calypso. Une autre propriété des Duval, dominée par la haute tour de Cambron, et son immense parc, second Clair- vaux fondé par St-Bernard, en personne, venu enrôler •.les Chevaliers de Flandre pour une nouvelle croisade, s'étendait à l'autre côté du collège. Une vallée profonde arrosée par la Dendre, de magnifiques ombrages, de verdoyantes collines et des ruines monumentales rappe- laient le dicton classique : Bernardus ualles amabat, Ce domaine était en outre célèbre en ce temps là par son haras de chevaux de courses souvent vainqueurs. Le village de Tongres, à huit kilomètres de distance, était le but de pélérinages, en vogue depuis le XIe siècle, au pied d'une statue miraculeuse de la Vierge (r). Entre-

(1) Dans un de leurs pélérinages les élèves de Brugelette offrirent à l'église de Tongres, en ex-veto, un cœur en argent. - 8r- temps d'autres pélérinages avaient pour but les vierges de Hal, de Bonsecours (r), l'église d'Enghien. N'oublions pas enfin la visite du domaine princier de Belœil également peu éloigné de Brugelette, et nous constaterons que les promenades ou buts d'excursions ne manquaient pas aux exilés français ni à leurs parents, dont beaucoup venaient, à la bonne saison, villégiaturer dans le joli et paisible bourg de Brugelette et se rap- procher pendant quelques semaines de leurs enfants. Il est admis sans conteste que cette localité a dû sa célébrité, et surtout vu sa prospérité et sa population s'accroître dans de notables proportions, en raison du collège français installé sur son territoire. A cela ne se borne pas le contact bienfaisant des élèves français avec la population du lieu. Les jésuites accompagnés de leurs élèves allaient fréquemment visiter les pauvres de la commune et leur portaient des secours à domicile; à la Noël, les congréganistes portaient au curé des friandises, que celui-ci se chargeait de distribuer aux pauvres (2). De temps à autre des fêtes brillantes étaient orga- nisées, dans le collège, auxquelles outre les familles

(1) L'église de N. D. de Bonsecours-lez-Péruwelz conserve un cœur en or, que les élèves y offrirent en ex-veto, lors d'un pélérinage qu'ils y orga- nisèrent. (Annales du Cercle Archéologique de Mons.) (2) Cf. Biographie du P. A. de Poulevoy par le P. DE GABRIAC S. J. L'église paroissiale de Brugelette bénéficia également de la générosité des Jésuites et de leurs élèves. Reconstruite en 1834, un an avant l'arrivée de ces derniers, elle s'accrut en 184+, d'un porche, d'une tribune, de son orgue et de statues, que paya une souscription volontaire des paroissiens, de divers bienfaiteurs et du collège des Jésuites. (Archives paroissiales). Deux religieux scholastiques étaient chargés d'aller chaque semaine, durant quelques heures, instruire et catéchiser les petits enfants pauvres de Cambron-Casteau.

F - 82- des élèves, étaient conviés les notables de l'endroit et des environs. C'est ainsi que le 14 mars I863 notam- ment, une fête équestre y fut donnée à l'initiative du Jockey-Club, laquelle obtint un succès retentissant et dont les contemporains parlent encore de nos jours. La famille d'Aremberg, de la branche française, y avait des fils, qui désireux de suivre des cours d'équi- tation, firent construire à leurs frais dans l'enceinte du collège, pour leur usage personnel, un immense manège dont le coût s'éleva à une somme énorme et hors de proportion avec l'usage qu'ils devaient en faire. Ce luxe princier ne leur profita pas en effet long- temps, l'abrogation des lois de 1828 leur permettait de rentrer en France deux ans après. Cette construction colossale est aujourd'hui affectée à des locaux multiples et à des destinations variées. Un théâtre, une salle de gymnastique, des écuries pour chevaux de luxe appartenant à certains élèves, etc., etc., bref, tout le confort moderne et mondain avait été réalisé dans cette immense maison au profit des élèves.

§ II. - Coup d'œil sur le Collège des Jésuites.

Le couvent de Wisbecq, au temps des Sœurs grises et jusqu'au jour de son acquisition par les Jésuites, était loin d'avoir les proportions grandioses qu'on lui connait aujourd'hui. Il se composait de quatre bâtiments reliés en carré. L'église longeait la voie publique, formant un des côtés avec une partie des bâtiments servant de - 83 portail et réservée plus tard pour les retraitants chez les Jésuites:. C'est de ce côté que les gens de la maison accédaient à l'église, une autre porte latérale donnant sur "la rue servait aux personnes du dehors. Entièrement construite en briques, la maison ne pos- sédait qu'un étage, à cause de la violence des vents. Ajoutons-y un enclos vaste et emmuraillé, formé de cinq parties distinctes; le potager en absorbait trois, une terre labourable la quatrième, et la dernière était affectée à une prairie. Un ruisseau nommé le Rieu de Brune (1) à sec l'été, séparait deux parties des trois autres. L'installation du collège des Jésuites transforma ces dispositions au gré de leurs besoins. Avec la popu- lation croissante des élèves, des augmentations succes- sives des divers bâtiments s'imposèrent, et 300 élèves pouvaient y trouver asile avant que les accroissements actuels y fussent effectués. Le collège de Brugelette était, a dit un contemporain, sous le rapport matériel, un magnifique établissement, simple et sévère dans son aspect comme dans la disci- pline intérieure; assez vaste pour loger à l'aise cent religieux et trois cent cinquante jeunes gens et admira- blement pourvu de toutes choses. Les Jésuites triplèrent le dévoloppement du vieux couvent des Sœurs grises et supprimèrent du coup sa physionomie première, telle- ment qu'il est assez difficile de reconnaitre ce qu'il reste de celui-ci.

(1) On lit Bronnes (1369); Brusnes (1416); Brosne ; (Cf. G. DESCAMPS; loc. cil.) Il figure déjà sous ce nom dans les plans contenus dans Les cam- pagnes de Louis XI Ven Flandre par le chevalier DE BEAURAIN, OÙ il est écrit: Brune. Aggrandi dans d'extraordinaires proportions, perdant tout cachet par le fait de constructions dont l'utilité avait suppléé au manque de style, ou au défaut d'unité, les hauteurs et l'alignement n'obéissatt qu'à la com- modité, cet édifice conserva malgré tout quelque chose d'austère, d'uniforme, et un certain aspect de grandeur. Au sud de l'immeuble, des cours étendues que sépa- raient d'artistiques grilles, s'ouvraient aux élèves et aux maîtres. D'épais bosquets dispensateurs d'une ombre propice en été, entouraient les unes. D'autres, pavées de dalles, en rendaient l'usage commode pendant les sai- sons pluvieuses et permettaient les récréations au grand air quand même. On aperçevait, dit encore l'auteur cité, par delà les grilles et les ombrages, par delà l'enceinte de murailles et l'enceinte de bosquets, un enclos de quelques hecta- res abrité contre le vent de la mer, tapissé de frais gazon, émaillé de fleurs, sorte de terre promise que le peuple écolier enviait de loin. Un jardin botanique, un potager, des salles de gymnastique, une glacière, des bâtiments de décharge, nombreux et commodes, com- plétaient l'installation. Tel était au dehors le collège de Brugelette. Voyons maintenant l'intérieur. Tout y était spacieux, aéré, distribué sagement. Un cloître long et clair, pavé de dalles tumulaires (1) servait de vestibule à la grande chapelle, au réfectoire, aux salles d'études. Au dessus étaient les dortoirs. Une

(r ) Qui toutes ont disparu et brisées, ont servi partiellement à paver les souterrains, destination peu conforme et éminemment regrettable. - 85- construction isolée renfermait les salles de classe au rez-de-chaussée; un cabinet de physique, un laboratoire de chimie, des collections d'histoire naturelle au pre- mier étage. Dans l'intérieur du collège trois chapelles pour l'usage des élèves. La principale dont les voûtes cintrées s'appuyaient sur des pilastres d'ordre ionique, était élégante plutôt que belle. D'assez bons tableaux la décoraient. Une chapelle basse de voûte longue, sans style, affectée aux plus jeunes, conservait les dépouilles d'un jeune martyr enlevé aux catacombes de Rome. Suivant l'usage d'Italie, on avait enchassé cette relique dans un corps de cire drapé magnifiquement, et sur le calme visage qui semblait dormir, une couronne de lauriers projettait son ombre. On voyait auprès une ampoule en verre grossier et la dalle autrefois scellée sur la tombe. Dans l'ampoule s'étaient désséchées quelques gouttes de sang. La dalle carrée, de quelques centimètres de côté, pouvait être épaisse de 6 ou 8 centimètres. Au dessous de la palme qu'une main mal exercée, peut-être celle d'un confesseur mutilé pour le nom de J .-c., s'était effor- cée d'y graver, on lisait ces mots : Genialis in pace. L'histoire ne sait pas autre chose de cet enfant, choisi pour protecteur à des enfants. Un petit oratoire discret et sombre, avec madone au manteau noir que les Pères avaient apporté d'Espagne. Près des cours de récréation, dans un sombre monu- ment que deux étages de pilastres doriques flanquaient lourdement, s'abritait une salle d'aspect rectangulaire et morne. Le jour y descendait verticalement par les cais- sons d'un plafond de chêne, aux murailles, adossées de - 86- trois côtés de larges tribunes, du quatrième s'élevait un théâtre (1).

§ III. - Brugelette à vol d'oiseau.

La situation du collège, plus tard le couvent actuel, était véritablement exceptionnelle. Tenant d'un côté, au bourg coquet et propret de Brugelette assis dans la vallée de la Dendre qui le traverse dans toute sa lon- gueur, parsemé de nombreuses et verdoyantes prairies que dominent à droite et à gauche des côteaux où s'éparpillent de blanches maisons à l'aspect riant, - avec son idyllique hameau des Carmes, son vieux cou- vent du xve siècle des pères de ce nom, les restes encore imposants de l'antique château seigneurial, berceau de la bienfaisante Quentine de Jauche et le parc magni- fique qui les borde d'un côté, il eut tenté la palette de maints paysagistes. De 1'autre côté, divers châteaux entourés de leurs parcs, dont nous avons décrit quelques-uns: le domaine de M. Quairier, un des élèves belges les plus illustres sortis du vieux collège; le beau château de Bauffe avec sa drève unique; le remarquable établissement des Ursulines allemandes; l'abbaye de Cambron dont la tour monumentale, tel un phare, domine la région; le pittoresque château d'Attre, et nous en passons.

(1) Cf. Les Jésuites, par CH. DE DORLODOT. Toulouse, Reynault, 1874. pp. 5 à 8 et 11. Un logement séparé était affecté au scholasiicat de Brugelette, où leur novi- ciat terminé, les aspirants-jésuites venaient compléter leurs études litté- raires et philosophiques et aborder la théologie. - 87-

L'ancien hameau de Wisbecq lui-même si accidenté avec son ruisseau capricieux et babillard, ses vieux fours à chaux éteints depuis des siècles, son antique ferme (1), sa brasserie moderne, ses chemins que de nombreux siècles ont creusés entre de hautes berges, tout cet ensemble dominé par la voie ferrée forme un cadre champêtre gracieux, riant et attachant à la fois, que possèdent bien peu de couvents en notre pays de Hainaut. Site reposant, villégiature recherchée du temps des Jésuites français, station de cure d'air appréciée par les convalescents et les débiles. Après cela, nous posons à priori le diagnostic de dyspepsie grave, à charge du bon jésuite dont le pessi- misme a trouvé moyen, en faisant œuvre d'historien, de commettre en 1889 les lignes ci-dessous, à propos du remarquable bourg de Brugelette: « Le petit village de Brugelette est situé dans une de ces grandes et fertiles plaines (2) qui s'étendent auprès de la frontière de France (3) dans le gouverne- ment [?J de Mons. Actuellement le hameau (4) possède une petite gare de chemin de fer. L'aspect du pays n'a absolument rien de pittoresque [?J, des champs cultivés à perte de vue, pas d'horizon, de temps à autre quelques arbres isolés (5); cà et là, un parc enclos de murs,

(1) Exploitait déjà 63 bonniers dès le XVIe siècle. (a) Pardon, mon révérend père, Brugelette est situé dans la vallée de la Dendre. (3) C'est-à-dire à 1Z lieues de la France! (4) Le bourg, devenu d'abord un petit village, dégénère rapidement, après trois lignes, en un hameau qui compte cependant près de 2000 habitants! (5) Pour un peu l'excellent père situerait Brugelette dans le Sahara ou la Sibérie. voilà tout le paysage [!] . C'est un couvent comme il y en a tant (r ), avec une cour qui ressemble à un verger (2)!

§ IV. - Les anciens élèves de hrugelette.

Après avoir quitté le collège et s'être vus éloignés les uns des autres par les situations, les devoirs, ou les nécessités qu'une vie nouvelle leur avait créés, les anciens élèves de Brugelette éprouvèrent le louable besoin de se rencontrer, au moins une fois tous les ans, dans l'intimité d'un banquet. Ils escomptaient la joie de pouvoir évoquer en commun les souvenirs, que leurs meilleures années de jeunesse passées dans cette mai- son, avaient laissés gravés profondément dans leurs cœurs. A cet effet, des réunions annuelles furent organisées à Paris et à Lille, sous la direction de comités. Celle de Lille avait lieu à l'école libre de St-Joseph et com- portait deux journées, la première passée à Lille, siège du banquet, et la seconde occupée par un pélérinage fait à Brugelette le lendemain, sous la présidence du R. P. Pillon, ancien recteur de Brugelette. La première réunion de ce genre, à Lille, eut lieu le 2 mai 1877. D'anciens maîtres de Brugelette s'y donnaient rendez- vous, parmi lesquels outre le P. Pillon déjà nommé,

(r} Heureux pays, qui possède en si grand nombre, des couvents, nous ne disons pas des abbayes, de cette envergure, alors que nous eussions cru, pour ainsi dire unique dans son genre, celui de Wisbecq. (2) Nous risquons sans doute peu, à présumer que les sœurs de l'Enfant Jésus, ont une meilleure idée de leurs cours. - tsg- le P. Wagner de la maison de Boulogne, et le P. d'Hivert, si terrible autrefois, dit une relation, aux rôdeurs de profession ou de hasard, le P. Arsène Lefebvre. En outre, le P. Paul Dubois, descendant de Dubois-Fournier, un des promoteurs de la maison de Brugelette et le P. Adrien de la Croix (1), belge de naissance. Sous le titre d'Association amicale des Anciens élèves de Brugelette, quatre ans auparavant, deux cents anciens élèves, s'étaient déjà réunis, trente ans après la ferme- ture de la maison de Brugelette, pour fêter la cinquan- tième année de profession religieuse du P. Pillon « celui en qui se résumait, avait dit un orateur, tout l'esprit de Brugelette, et qui toujours devait rester leur vrai centre. )) Les anciens élèves de Belgique et du nord de la France trop souvent empêchés de faire le voyage de Paris, le premier et plus ancien centre de réunion, furent réguliè- rement convoqués à l'assemblée de Lille. L'excursion complémentaire à Brugelette, pour les adhérents de Lille,

(r) Le P. Adrien de la Croix, couronne à Nantes, de nos jours encore un long et fécond apostolat; il était frère du P. Camille de la Croix, beaucoup plus connu, pionnier intrépide et travailleur acharné, remar- quable par ses travaux archéologiques et récemment décédé à Poitiers; tous deux étaient nés au Mont Sr-Aubert, fils d'Arthur-Gaspard de la Croix et d'Adèle-Clotilde de l'Epine. Ils ne doivent pas être confondus avec un autre ancien élève de Brugelette. Charles de la Croix d'Ogimont né en r842, fils de Henri-Chrétien-Ghislain, et de Marie-Thérèse, vicomtesse de Jonghe d'Ardoye et père de notre honorable confrère et commissaire d'arrondis- sement, à l'obligeance duquel ces renseignements sont dûs. Les armes des deux familles de la Croix et de la Croix d'Ogimont, proches parentes, se blasonnent : « d'or à deux lions adossés de gueules lampassés d'azur les queues entrelacées, supportant un écusson mi parti au chef d'or semé de croix pattées de gueules et en pointe de sable; cou- ronne comtale; tenants: deux sauvages de carnation armés de massues. - go-

était justifiée en ces termes par le comité : « En visitant sur cette terre belge, qui nous fut si généreusement hospitalière, le berceau de se= amitié fraternelle; en priant pour nos frères défunts dans cette chapelle où nous furent enseignés les principes d'une foi sans hési- tation et sans mélange, nous raviverons sous les yeux de notre vénéré Père, et notre mutuelle amitié et nos sentiments de reconnaissance envers lui et envers tous ceux qui furent ses collaborateurs, dans le travail sou- vent pénible de notre éducation. » Cent vingt quatre adhérents assistaient au premier banquet de Lille, parmi lesquels des vétérans de r835 et r836. Un convoi spécial partait le lendemain de Lille em- menant soixante des convives du 2 mai, ayant à leur tête le P. Pillon, à Brugelette. Nous laissons volontiers la parole à l'un d'eux pour exprimer les émotions que chacun éprouvait en foulant le sol belge, après trente ans d'absence. « La frontière est rapidement franchie; bientôt on <1 dépasse Tournai et l'on arrive à Ath. Beaucoup d'entre nous, n'ayant pas vu cette ville depuis qu'elle est démantelée, la reconnaissent à peine. Mais nous appro- chons du but de notre voyage et les conversations sont à tout moment interrompues par des exclamations. Les yeux fixés sur la campagne chacun veut reconnaître un point de l'horizon et aviser son voisin de ses décou- vertes. Voilà les carrières de Maffies! Voilà le château d'Attre! C'est dans cette plaine que nous assistions au lancer, quand M. le comte Duval courait le cerf! Voici la maison de M. de Herissem et l'étang où nous pati- - 91- mons l'hiver! Voici la route de Chièvres I Enfin une voix s'écrie: Voilà Brugelette! En effet, on aperçoit le campanile de l'église, l'infirmerie, le toit du manège et toutes les parties des bâtiments visibles du chemin de fer. La machine siffle, le train s'arrête : nous sommes arrivés. Il est à peine dix heures et un quart », Gracieusement reçus, sur le seuil de la maison, par la Supérieure leur adressant cette simple et cordiale parole ( Messieurs vous êtes chez vous, ici», les voyageurs entrèrent immédiatement dans l'église du couvent. Le P. Pillon y célèbre la messe, et à l'Evangile prononce une allocution émouvante, au cours de laquelle il évoque le souvenir des Montézon, des de Poulevoy, des Paris, des Félix, orateurs anciens de céans. Les morts y ont un souvenir ému et la cérémonie donne suite à un déjeuner, ordonné dans la maison. C'est à ce moment que M. Charles de Dorlodot, un ancien et un belge, récite le « Rossignol de Brugelette» déli- cieuse petite fiction poétique, que nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici. Les pélérins visitent ensuite la maison en détail, et revoient en parcourant les jar- dins la « Vierge du Passage (1) », L'impression de chacun est que tout a été bien quelque peu modifié, mais que l'ensemble des lignes reste. Le Brugelette ancien est toujours reconnaissable. Les camarades défunts, ensevelis au cimetière de Bru- gelette, eurent leur part à cette visite, et l'on va prier sur leurs tombes. Citons encore ici la relation de ce voyage.

(1) Le Passage, était une des maisons que les Jésuites avaient du fermer en s'installant à Brugelette. - 92-

« Nous traversons une partie du village que nous avons vu bien pauvre et qui, maintenant, présente l'aspect d'un petit bourg coquet et dans l'aisance. Les habitants reconnaissent le P. Pillon et"te saluent respec- tueusement. Ils nous regardent aussi avec une curiosité sympathique. Il nous semble qu'ils se souviennent que la prospérité dont ils jouissent a eu pour première cause l'établissement de nos pères chez eux. Nous voici au cimetière, au chevet de l'église, là reposent les corps d'Alexandre Meerts, mort en 1839; de Xavier Colombel et de Charles de Forceville, morts tous deux en 1840; de Jean Cheevers, mort en 1841; de Léon de Collières, mort en 1849; de Joseph de Saisy de Kerampuil, mort le 9 août 1850. Le P. Pillon récite le De Profundis d'une voix émue et d'autres prières auxquelles nous répondons. Ils étaient bien jeunes, ces chers amis, quand ils ont quitté ce monde; mais ils étaient prêts et nous nous rappelions, avec un vif espoir de leur bonheur présent, les circonstances de leur vie édifiante». A deux heures, divers adhérents retournent dans la direction de Bruxelles, Mons, Valenciennes, Cambrai, Lille, Calais, Paris et Dunkerke. Une trentaine des restants excursionnent aux ruines de Cambron, en tra- versant le parc de Brugelette dont ils admirent les beaux arbres. Départ à sept heures, rentrée et sépara- tion à Lille à onze heures. Nous avons trouvé intéressant de nous étendre un peu sur l'excursion de Brugelette en raison des souve- nirs particuliers de l'ancien collège, qu'elle évoque. La seconde réunion de 1878, ne fu~~oins remarquable. Le cercle de Paris s'y était fait représenter, nous disons à la - 9.) - réunion de Lille; des anciens pères de Brugelette y assistaient : les PP. Lefebvre, Baudier, Binet et Stumpf. Différentes inscriptions commémoraient dans la salle du banquet la mémoire des morts illustres qui avaient passé à Brugelette; nous avons parlé ailleurs de plusieurs d'entre eux. Ce fut au cours de ce banquet que M. Charles de Dorlodot, précédemment nommé déjà, récita les vers charmants que lui inspirait : La Cloche de Brugelette. On nous permettra de mettre sous les yeux dli lecteur les strophes de cette poésie mâle et pénétrante.

La Cloche de Brugelette.

Souvent quand la nuit vient, quand son brillant cortège d'astres étincelants, dans la voûte des cieux, verse ses perles d'or, je rive du collège. Et les temps écoulés passent devant mes yeux. Tandis qu'autour de moi la nature est muette, qu'à peine l'on entend gémir le vent du soir, un son, dans le lointain, me vient de Brugelette, et ce son me redit: Chrétien, fais ton devoir.

Jadis, aux beaux jours de l'enfance, âge d'or de l'humanité, où l'on ignore la souffrance, où l'hiver ressemble à l'été; Le même son à mon oreille, chaque matin et chaque soir, comme l'ange gardien qui veille, disait : Enfant, fais ton devoir.

Hélas! l'enfance et la jeunesse ont fui pour ne Plus revenir, déjà s'approche la vieillesse, mais je garde le souvenir; - 94-

Souvenir d'une voix fidèle qui me redit matin et soir Garde bien ton âme immo1'fUle; Sois chrétien et fais ton devoir.

Si parfois dans ma longue route mon cœur semble découragé si dans mon esprit quelque doute comme un ver rongeur s'est logé, la même voix encor me crie comme autrefois matin et soir : Enfant de Brugelette, prie; Sois chrétien et fais ton devoir.

Si, las des triomphes du crime Je veux renoncer au combat, prenant le rôle de victime au lieu du rôle de soldat; La même voix toujours répëte, comme autrefois matin et soir : A llons, enfant de Brugelette} Sois chrétien et fais ton devoir,

Amis, quand la nuit vient; quand son brillant cortège d'astres étincelants, dans la voûte des cieux verse ses perles d'or} ah! rêvez du collège; que les temps écoulés passent devant vos yeux. Tout s'endort : écoutez, la nature est muette; un seul son dans les airs se mêle au vent du soir c'est notre vieille cloche} enfants de Brugelette} qui nous redit: Chrétiens} faites votre devoir.

CHARLES DE DORLODOT.

(1) Charles de Dorlodot, mourut en 1904, au château de Suarlée, âgé de 73 ans et fut un des derniers survivants du collège de Brugelette. Il assistait encore le 20 mai 1896 à la réunion des anciens de Brugelette. Dorlodot était issu d'une très ancienne famille noble des Ardennes françaises, connue dès le XVIe siècle dans le comté de Rethel. Cette famille portait: « d'azur à un croissant d'argent accompagné de trois étoiles d'or.» - 95-

Le souvenir du passage de Léon XIII, à Brugelette, y fut rappelé par le P. Vangeon en ces termes:

Léon XIII à Brugelette. Ce qui se passa au Collège quand Mgr Joachim Pecci, nonce du pape en Belgique, le visita (1843).

Ce jour là donc, à Brugelette, Il est de ça trente cinq ans, Les apprêts d'une grande fête Rendent nombre de gens contents. Chacun s'est mis à son affaire, Rangeant, frottant avec ardeur; Bref, la demeure hospitalière Sera digne du visiteur.

Vingt fois sur la route poudreuse, Le vieux portier est descendu; Dix neuf fois, sa mine anxieuse Doit rentrer sans avoir rien vu. Enfin pourtant un gros nuage Parait la bas à l'horizon : Il oui, c'est lui, dit-il, du village Presque à la première maison:»

Il dit, accourt et se cramponne A la cloche du bâtiment. A tour de bras, il sonne ... il sonne ... Pour annoncer l'évènement. Chacun descend, Recteur en tête (1) Modérant la commune ardeur. Mais en vain. Sur cette entrefaite Parait le noble visiteur,

Quoique bien fait de sa personne, A nul il ne semble trop fier; Sur ses traits, la bonté rayonne, Son œil est vif comme l'éclair.

(J) Le R. P. Pillon. - 96-

Mais le chapeau noir qui l'ombrage, A u rouge quelque peu tournant, Serait-ce l'effet du voyage? A plus d'un paraît presque blanc.

Chacun sous sa main paternelle A vec grand respect se courba Et, chose toute naturelle, En se signant se releva. - Il entre enfin - vers lui s'avance Le Recteur solennellement; Puis, le salue et lui commence Un tout aimable compliment.

Des écussons, des anagrammes, Changeaient l'aspect de la maison, Et des chants sur toutes les gammes, Suivaient des souhaits à foison. Ce soir-là, dans tout le collège, Ce ne fut pius qu'un branle-bas; Les régents même, le dirais-je, Applaudissaient presque tout bas.

A u réveil la cloche argentine, Ne causa, dit-on, point d'émois; Mais l'auteur pour lequel j'incline, Dit " Ce fut la première fois. - Radieuse montait l'aurore; Et pour tout mettre à l'unisson, On vit recommencer encore Maint compliment, mainte chanson.

Puis l'on s'en vint à la chapelle Où M onseigneur fit célébrant, Le Recteur en hôte fidèle Se réserva d'être assistant. Mais pour agiter la sonnette ... Ce fut à qui brigua l'emploi, - 97-

A ux vœux d'un seul le sort se prête: Mais ... de Kercadio, c'est toi! (r)

Quand il eut fini sa prière, On voulut l'entendre à son tour; A lors à la troupe écolière : cc A vous, dit-il, tout mon amour,» Il en dit bien Plus long, sans doute, M ais le fidèle chroniqueur A ces mots seulement ajoute « Par sa bouche parlait son cœur,»

Du haut en bas par le collège Père Recteur le conduisit, Suivi par un nombreux cortège Il monta, puis redescendit. Et la demeure hospitalière Le vit passer un peu partout; Maison, Recteur, pensionnaire, Il trouva tout de fort bon goût.

Dans le récit de la journée. Plus ne suivrai le chroniqueur, Car la nuit serait écoulée Avant d'épuiser mon auteur. Mais en l'étui de sa mémoire, Chacun furetant avec soin Pourra trouver de cette histoire, Tous les détails qu'il est besoin.

Bref, ce jour, mieux qu'à l'ordinaire, On rit, chanta, festoya bien. Et chose surtout qui dut plaire Nul ne put se Plaindre de rien. Même un tribut, à sa partance, Du bon prélat fut exigé, Mais il dut de grand cœur, je pense, Bénir ... et donner congé.

(1) M. Pierre de Kercadio, présentement curé de Saultain; l'autre servant était M. Alphonse de Lencquesaing, curé de N. D. de Calais.

G - 98-

Jusque sur la route poudreuse Le vieux portier redescendit, 11t la mine alors radieuse ~u regard longtemps le suivit.. Le calme enfin dans Brugelette Grâce au préfet, dut revenir. Ce nonobstant, de cette fête On garda fort bon souvenir. Mgr Joachim Pecci, nonce à Bruxelles, plus tard pape sous le nom de Léon XIII, vint en cette circonstance passer deux jours au collège de Brugelette. Le souvenir de cette visite mémorable, dans les annales du vieux collège, est commémoré par une plaque en marbre blanc, scellée dans un mur derrière le maître- autel, et dont voici le texte: A Léon XIII pape, Le 21 juin 1842, fête de St-Louis de Gonzague, Son excellence Mgr J oacchim Pecci, alors nonce Apostolique de Belgique et aujourd'hui Souverain Pontife glorieusement régnant depuis XXV ans a célébré la Sainte messe dans cette chapelle Pour mémoire le 3 mars 1903. Le pèlerinage de r878 à Brugelette, s'accomplit sem- blable à celui de 1877 et se termina par une excursion au château de Bauffe; le chatelain absent avait fait réserver aux visiteurs un accueil prévenant, visite des serres et du parc, et de là, on se rend au couvent de St-Joseph, ancienne maison de campagne des PP. Jé- suites de Brugelette. Des religieuses chassées d'Alle- magne, par les lois de mai, y ont installé une école ménagère modèle. Outre Charles de Dorlodot déjà nommé, les poètes attitrés de Brugelette, se nommaient - 99 comte Rogier de Beauffort, comte Alfred de Baillet, docteur Ch. Hélot, dont l'inspiration égayait et char- mait à la fois ces réunions. M. Charles de la Chaussée, auditeur à la Cour des Comptes y représentait le cercle de Paris, avec M. Léonce de Madre, qu'il accompagnait à Brugelette (1).

§ V. - Illustrations sorties de Brugelette.

La maison de Brugelette abrita sous son toit de nombreuses personnalités, dont les noms, à des titres divers, devinrent illustres et nous dirons avec un journal français (2), que son nom sonne glorieusement dans les annales de la Compagnie de Jésus. Fondé dès 1833, ce collège vit passer dans ses murs, pendant dix-sept ans d'existence, sous la direction des PP. Del- vaux (3), son fondateur, Pillon, Félix (4), de Pontle- voy (5), de Boyslev, Olivaint, etc., l'élite de la jeu- nesse française. En 1874, écrivait ce journal, le P. Pillon repêchant le mot de Dupin à Saint-Acheul pouvait dire: « Bruge- lette comme une autre Cornélie montre à cette heure,

(1) Des relations de ces deux pélérinages furent publiées à cette époque; nous nous y sommes documentés copieusement. (2) Cf. Article du Gaulois. (3) Cf. Vie du P. Delvaux. (4) Célèbre conférencier de N. D. à Paris, enseigna la rhétorique à Bru- gelette, (s) Le P. A. de Ponlevoy, fut à Brugelette en 1838 et y demeura huit ans, il y termina sa théologie, professeur de quatrième en 1840 avec le P. Cor, de seconde en 1842, et de rhétorique en 1844 pour les jeunes jésuites, tout en faisant de la prédication, écrivit la Vie du P. de Ravignan (Paris, Dor- miol, 1869) et mourut à Paris en 1874 (Cf. Sa biographie par le P. A. DE GA- BRIAC S. J.) - 100- avec u~ légitime orgueil, ses enfants à ses amis et à ses ennemis », Trente élèves de Brugelette tombèrent morts ou blessés à Castelfidardo. Les noms de Parcevaux (r), de Chalus, de de Pas (2), de de Luart (3), de Curzon, R. de Dumast, B. de Nyvenheim, de Boissieux (4), de de Veaux (5), et de Beaurepaire, brillent au premier rang de cette phalange glorieuse tombée pour la défense de la papauté ou de la patrie, et l'un des plus illustres le P. de Bengy était fusillé, comme ôtage de la com- mune à Paris. Il faut citer en compagnie de ce dernier le P. Caubert et le P. Olivaint. Anatole de Bengy, avait composé étant élève à Brugelette, une chanson intitulée Le royaume de Brugelette (6). Il ne se doutait pas, en y décrivant les enchantements de ce pays idéal, qu'il tomberait un jour, à son tour victime, ( des san- glants débats nés de la politique ». Pierre-Antoine-] ust Olivaint était né à Paris le 22 février r8r6. Il professait l'histoire au collège de Brugelette, pendant qu'il y faisait son noviciat. Arrêté comme ôtage de la commune, avec Mgr. Darboy, le Président Bonjean, le curé Deguerry, il fut fusillé le 26 mai r87r, avec ses compagnons d'infortune et fut

(1) Paul de Parcevaux, mourait en disant: c Mon âme à Dieu, mon cœur à ma mère. mon corps à N. D. de Lorette 1" (2) c Mizaél de Pas, disait l'aumonier franco-belge, c'est la fleur de mes anges et de mes braves! • (3) Roland de Luart se distingua au Mexique par deux faits d'armes des plus éclatants. (4) Le P. Chanveau a consacré presque un volume à Gustave de Boissleu, tombé sous les murs d'Orléans. (5) Arthur de Veaux, mourant au feu, criait: • Vive Pie IX! " (6) Cf. Archives des Sœurs de l'Enfant Jésus. lOI - inhumé dans l'église des Jésuites, rue de Sèvres. Par suite des neuvaines qui s'y faisaient, son tombeau devint le siège d'événements extraordinaires, et des affections réputées incurables y trouvèrent, prétendit- on, leur guérison (I). Outre les PP. de Pontlevoy, Félix, de Boylesves, déjà cités, il convient de nommer, déjà célèbres par leurs talents ou leurs travaux : les PP. Studer, de Guilhermy, Cahours (2), Fessard, Dorr, Hubin, Alet, Cor, Lambillotte (3), de Regnon, Gravoncille, de Cacqueray, Carayon, de Chazournes. A la liste des morts au champ d'honneur, il faut ajouter : Maurice de Dumast, Charles de Nywenheim, Auguste Poirel, Vitold de Stablewski, Henri de Verthamon et J ean- Charles Cornay, missionnaire (4). L'illustre cardinal Vaughan, primat d'Angleterre, fut élève de Brugelette. Et nous en passons. On croirait lire avec cette énumération de noms, l'histoire du vieux collège en raccourci.

§ VI. - Nous donnons à titre de documentation sur le collège de Brugelette dès r848, une liste d'élèves y internés à cette date et en r849. Elle est prise au tableau des congréganistes.

(r) Cf. Vie du P. Olivaint par le P. CHARLEs-CLAIRPALMÉ, Paris, 1890. r4me édition. (:z) Historien célèbre. (3) Musicien. (4) Jésuite, formé à Brugelette et ancien élève de Montmorillon, mourut martyr dans la mission de Cochinchine le 20 juin r837. Il était né à Londun. Fut proclamé vénérable. Nous trouvons en outre dans les Petits Bollandisies (GUÉRIN,1885. p. 418) : « Maghe, élève du collège des Jésuites, à Brugelette, à la date du ro mars". - I02 -

1

De Regnon, Théodore. de Nantes admis en 1847 Le Doré, Auguste » Auray (Morbihan) 1848 De Haza-Radlitz, Paul. " Posen » De Solages, Gabriel. » Toulouse » De Monteynard, Rodolphe " Grenoble • » Buffet, Henri » Paris » » Burty, Louis » Lyon " De Dorlodot, Charles » Acoz (Hainaut) » Le Tellier, Gustave. » Ath » » De la Mardiere, Henri. » Poitiers • De Toytot, Ernest » Nevers Du Ranquet, Joseph. » Clermont-Ferrand » De Vivies, Timoléon » Castres » De Richecour, Pôl » Laon » De St-Exupéry, Octave » Cardou (Dordogne) » De Maistre, Charles. » Chambery D'Espierres, Armand » Espierre (Belgique) 1849 Colombel, Henri . " Paris Gestat, Henri . » Nevers » Delaage, Alexandre. " Libourne (Gironde) De Montmartin, Léonce » Poitiers Lauras, Paul » Paris » » De Butler, Maurice . » Remaisnil (Somme) De St-Dridan, Louis " Nevers De Heere, Henri. » Houfleur » De la Roche, Camille » Mons » Cartier Léon » Rouen » » De Chazournes, Regis » Lyon Bonnel, Henri. " Morenchies (Nord) » De Lanascol, Eudes » Langourla (Côtes du N.) » Péchenard, Jules. » Fumay (Ardennes) " Desribes, Joseph. » Clermont-Ferrand Chambellan, Ernest. » Paris » » De St-Exupéry, Henri. » Cardou (Dordogne) » • Huriau, Zéphyrin. » Solre-le-Chateau (N.) » » De Maistre, Eugène. » Chambéry »

Préfets: lers assistants: 2dS assistants: De Montmartin, H. De la Barre, L. De Lozé, G. admis en 1848 De Loze, G. De Montmartin, H. De la Barre, L. 1849 De Maistre, Ch. De Raymond, Ch. Gestat, H. 1849 Définit Pyrot, Henri, de Metz, 1837-1849. - 103-

II

Un acte de consécration portait d'autre part les signa- tures d'élèves qui suivent: C. Cornay H. Delor Raveau Filhon De Lalande Girard H. Normand De Quatrebarbes Pichot D'Houdan De Mondjon De la Ronciere De Fouquet De Beaumont Duverger De Rochemoulin Gireux

III

Liste des anctens Blëves du Collège de Brugelette qui adhéraient au banquet du 2 mai 1877.

MM. Asselin, Jules. MM. Charvet-Colombier, V. Bacon, Léonce. Chaussée (de la), Charles. Baligand (abbé), Adolphe. Chombart, Alexandre. Batz de Cugnac (de), Albert. Chombart, Edouard. Bavière, Eugène. Colombier, Georges. Bavière, Henri. Croix (R. P. de la), Adrien. Bellengreville (de), Eugène Croix d'Ogimont (de la), Char- Godard. les. Bertoult (marquis de), Geor- De Gruson, Edouard. ges. De Gruson, Henri. Bertoult (vicomte de), Mau- Delahaye, Henri. rice. Delame, Charles. Bertoult (de), Olivier. Delbecque, Hippolyte. Bonnel, Henri. De1court, Louis. Bonnel, Louis. De1court, Théophile. Bonnel, Charles. Delecluse, Louis. Bonpain, Albert. Delesalle, Alfred. Bossut-Scrive, Paul. Delhaye (abbé), François. Bouteville (baron de), Eugène. De Marbaix (abbé), Désiré. Boutry, Henri. Dervaux, Charles. Brandt de Galametz (comte Desrousseaux, Louis. de), Albéric. Desrousseaux, Victor. Calmeyn, Louis. Desurmont, Gustave. Calmeyn, Pierre. Dorlodot (de), Charles. Carpentier, Remy. Dubois, Charles. Charvet, Amédée. Dubois, Henri. 104 -

MM. Dubois-Boutry, Louis. MM. Lannoy (comte de), Charles. Dubois, Paul. Lattre (de), Eugène. Dubrulle, Paul. Lauwick, Henri. Dupont, Louis. Lefebvre, Edouard. Dupont, Paul. Lemaire, Alphonse. Du Sart de Boullant, Auguste. Lencquesaing (de), Alphonse. Du Sart de Boullant, ldesbald. Leplat, François. Epine (de 1'), Dieudonné. Loison, Emile. Errembault du Mesnil, Jo- Masurel, François. seph. Mathon, Achille. Espierres (d'), Armond. Motte, Jean-Baptiste. Espierres (baron d'), Gustave. Motte, Philippe. Faire, (abbé de la). Nicole, François. Flipo, Carlos. Pacille, Charles. Florin, Auguste. Palant, Achille. Forceville (vicomte de), Xa- Pas (comte de), Alfred. vier. Piettre, Charles. Frappé, Louis. Prouvost, Charles. Germiny (comte de), Antoine. Prouvost, Henri. Givenchy (de), Charles. Quairier, Joseph. Givenchy (de), Henri. Rey (de), Gonzague. Givenchy (de), Léon. St-just (de), Charles. Goffin, Josse. Savoye, Jules. Grange (de la), Fernand. Siraut, Auguste. Grimonprez, Félix. Taflin (del, Ferdinand. Grimonprez - Delattre, Fran- Torcy (baron de), Camille. çois. Trémouroux, Henri. Grimonprez, Théodore. Van Cappel, Alfred. Hautecloque (comte de), Ar- Van Eslande, Fidèle. thur. Van Houcke, Gustave. Herbout, Elisée. Verley, Alfred. Herbout, Henri. Verley, Charles. Hespel (comte d'), Edouard. Verley, Georges. Hespel (d'), Félix. Verley, Jules. Hespel (d'), Fernand. Verley, Paul. Hespel (d'), Octave. Vernier, Achille. Houtart, Octave. Vilmarest (de), Albert. Jaspar, Stéphane. Waché, Jules. Kercadio (abbé de), Pierre. Wacquez, Henri. Langle (de), Hermann. Waziers (de), Louis.

Noms d'autres adhérents empêchés.

MM. Rouvroy (de), Olivier. MM. Vinchon, Charles. Brandt de Galametz (vicomte Beugmé d'Hagerue (de), Ga- de), Edouard. briel. Wastelier du Parcq, Henri. - IOS-

MM. Hautecloque (comte de), Gus- MM. De Grendel, Edouard. tave (r), Nève, Paul. Mazinghem (de), Henri. Colombier, Théodore. Saint-Just (de), Gaston. Lac de Fugères (R. P. du), Nys, Michel. Stanislas (2). Dewavrin, Anselme. Desmons (R. P.) Louis. Masurel, Ernest. Polidoro (R. P.), Charles. Flipo, Jean-Baptiste. Gorce (R. P. de la), Paul. Noinville (comte de), Amédée. Prémont (vicomte de), Alfred. Ceulemans, Armand.

§ VIL - Bilan social de ce Collège.

Brugelette, durant ses dix neuf ans d'existence, avait élevé plusieurs milliers de jeunes gens de la classe la plus influente, avait donné à l'Eglise nonante prêtres ou religieux, un cardinal et 72 membres à la Compagnie de Jésus. Ce fut une pépinière fertile de membres expé- rimentés, pour les nombreux collèges de France qui allaient s'ouvrir, et à Brugelette se formèrent nombre d'éducateurs émérites de la jeunesse. Les trois dernières années de son existence de nombreux belges et polonais étaient venus renforcer le contingent normal de jeunes gens français (3). La maison de Brugelette, fondée le 29 octobre 1835, avait, avec les collèges de Fribourg en Suisse, du Passage en Espagne (4), remplacé les séminaires de St-Acheul, Ste-Anne et Montmorillon que

(r) Nous rencontrâmes au congrès de la Fédération archéologique de Belgique, séant à Mons en 1904, M. le comte G. de Hautecloque, archiviste de l'académie d'Arras. Ce bon vieillard toujours alerte, nous rappelait avec une émotion communicative d'intéressants souvenirs de son séjour au collège de Brugelette. (2) Il s'agit apparemment du fameux et célèbre Père du Lac, décédé il y a peu de temps. (3) Cf. Un patriarche, Lille, Bergés, édit. (4) y ajouter celui de Mélan. - 106- les despotiques ordonnances de 1828 avait supprimés en France, avec cinq autres maisons d'éducation chré- tiennes. Et dans l'occurence, Brugelette avait survécu aux autres maisons de ce genre, fondées par les Jésuites, au prix d'efforts inouis (1). Placée dans l'ancien cloître, longeant la chapelle, une pierre commémorative enclavée dans le mur per- pétue le souvenir des Jésuites français, à Brugelette, par ce chronogramme : J. H. S. HIC LAPIs A pULsIs E GALLIA PATRIBUS SOCIETATIs posITUS DIE DIVo FRANCIsCO REGIs SACRO RECURRENTE 16 }DNII 1837.

U ne autre inscription placée contre un mur extérieur au couvent des Sœurs Ursulines allemandes à Bauffe, ancienne maison de campagne des Jésuites durant leur séjour à Brugelette, rappelle également leur souvenir dans notre région. Pour la force des études, le collège de Brugelette ne le cédait en rien aux meilleurs de Paris. Pour la vigueur, la discipline et la moralité de l'enseignement, l'ensemble des soins physiques, moraux et intellectuels, qui composent l'éducation, il pouvait servir de modèle, comme professeurs il représentait l'exception et certai- nement l'élite. Avec le Passage, Melan et Fribourg,

(1) La maison de Brugelette donnait en outre, au début de septembre 1849, l'hospitalité à des Jésuites chassés d'Italie, d'Allemagne, de France, d'An- gleterre et d'Irlande. Le scholasticat du lieu avait de cette façon accueilli une vin~aine de jeunes religieux de ces divers pays. - I07-

Brugelette avait marché de l'avant. Il avait fourni aux collèges libres multipliés dans les départements français du nord et de l'ouest par la loi de 1850, leurs profes- seurs les plus distingués. Il fut pendant quinze ans la préparation de ces établissements, dont le personnel est numériquement vingt fois, ce qui fut le sien (1).

§ VI II. - Monuments funéraires et Epitaphes des PP. Jésuites et des élèves, décédés dans l'ancien collège de Brugelette, adossés contre le chœur de l'église paroissiale dans l'ancien cimetière du lieu. Sous une belle croix, portant: In cruce solus, on lit en beaux caractères gothiques:

D. o. M. PAUL. JOAN. ALFR. GRANGER soc. JESU. SCHOLASTlCUS XXVI. DEC. ANNO MDCCCXXIII NATUS UT IN VITA, SIC IN MORTE SERENUS IN. COLL: BRUGELETT. OBIIT IV. JUN. ANN. MDCCCL R. 1. P. (2)

A côté de la précédente, une pierre avec ornements, sujets et caractères gothiques :

(1) Cf. CH. DE DORLODOT, loc, cii, pp. 2, 15, 127. (2) La Vie de Paul-Jean Granger a été publiée par J. DUFOUR, D. S. J., en 1850, chez A. Leclerc & Cie, à Paris. Né à Bonneval, dans le diocèse de Chartres, le 25 décembre 1825. après avoir achevé ses premières études aux collèges de Chartres et de Vendôme, et pris sa licence en droit, Paul Granger avait fait son noviciat successive- ment à Gênes (Italie) et à Issenheim (Alsace) pour venir terminer sa courte carrière au Scholasticat de Brugelette. Son biographe a publié de lui un recueil de poésies pleines d'attraits et de charmes et révélant un talent pré- coce. - IO~-

D. O. M. IN SPEM RESURRECTIONIS HIC JACET M. A. FRANÇ. XAVERIUS COLUMBEL PARISINUS AB ANGELO CUSTODE gUEM VIVUS IMPENSE COLUERAT IN COELUM EVECTUS EST ANNO AETATIS SUAE XO XIXo KAL : FEBRUAR : A. D. MDCCCXL R. I. P.

J. H. S. autre J. H. S. CI GIST ANT. JR. LOV. MARIE JOSEPH DE SAISY DE KERAMPUIL NÉ A NANCY LE 6 FEBVRIER 1840 DÉCÉDÉ A BRUGELETTE LE 9 AOUT 1850 Sur l'appel de Marie il nous quitta pour s'envoler aux cieux il venait de passer son front pur et radieux semblait redire encore le refrain de sa vie GAUDEBIT COR MEUM IN CORDE EJUS R. I. P. autre LEO DE COLLIÈRES GALLUS. NATIONE, COLL. BRUGEL. ALUMNUS MORBO. VIX. TENTATUS. ANGELICO PANE IN VIATICUM. SEMEL. EXCEPTO SUI JAM SECURUS PARVULUS AD ORPHANORUM PATREM EVOLAVIT XIX FEBRUARI, ANNO MDCCCXLV R. I. P. J. H. S. - 1°9- sur une autre pl erre en beaux caractères gothiques:

D. O. M. HIC JACET ALEXANDRE MEERTS BRUXELLENSIS PIETATE PARTHEN. SODAL. SPLENDOR. INGENIO MINORIS. ACAD. LUMEN MORUM SUAVITATE PARENT. MAG. ET COAET. DELICIAE NATUS. AN. XV. OB. IN. COLL. SJ. BRUG. x. KAL. MAIL A. D. MDCCLXXXIX. R. I. P.

JOANNES CHEVERS IN HIBERNIA NATUS. IX. JAN. MDCCCXXVIII. COLLEGII BRUGELETTENSIS. S. J. ALUMNUS LANGUORIS PATlENS ET IPSA IN MORTE MANSUET. DOMINI CORPORE PlUMA ET ULTIMA VICE IN LECTO RECREATUS DE TERRA ALIENA AD VERAM PATRIAM TRANSIIT XIX MAlI ANNO MDCCCXLI R. I. P.

J. H. S. HIC JACENT IN SPEM RESURRECTIONIS JOHANNES BAPT. PETIT. SCHOLAST. S. J+ OBIIT III FEBR. MDCCCXL VICTOR LEMERLE SCHOLAST. S. J. XXI. JANU AR MDCCCXLII. LUDOR. TAILLEMONDE. COADJ. PPSJ+ XIX APRIL MDCCCXLII JOSEPH US BRULLÉ. COADJ. TPSJ+ II DECEMB. MDCCCXLII. HENRICUS COSNARD SCHOL SJ+ XI MAIl MDCCCXLVII. ZACHARIAS MIELNICKI SCHOL SJ+ VI JANUAR. MDCCCL. - no-

Enfin, une belle pierre avec ornements, sujets et beaux caractères gothiques en relief, porte :

D. o. M. HIC. JACET. IN. SPEM. RESURRECTIONIS. M. J. CAROLUS DE FORCEVILLE. AMBIANENSIS FIDE. VIVA. IN. B. VIRGINEM. PIETATE. INSIGNUS ANNO AETATIS SUAC. XVO III KAL. JUN. A. D. MDCCCXXXX OBDORMIVIT IN Dno R. I. P. J. H. S.

A leur maison de campagne de Bauffe, aujourd'hui le couvent des Ursulines allemandes, les Jésuites fran- çais de Brugelette, ont laissé de leur passage, les souve- nirs suivants, sous la forme d'inscriptions que nous transcrivons intégralement:

TIBI. JOSEPH DEIGENITRICIS. VIR AC. BELGII. PATRONE SODALES. SOC. ]ESU. E. PROVINCIA. FRANCIAE IN. BRUGELETTENSI. COLLEGIO XlIII. JAM. ANNIS. REFUGI SACRARIUM. HOC. VOVIMUS MENSE MARTIO. ANNO. M DCC XLVIII UTI. PUGNAS. SEDITIONES. QUE TOTA. PENE. EUROPA. EXCITATAS CŒPTUMQUE. COLLEGII. OPUS. PROSPERARES - III -

ANNO MDCCC XLIIX LAPIDEM. SACRUM. AUSPICALEM CELLAC. STATUIT ALTARIS. JOANNES. ROOTHAAN AMBROSIUS. RUBILLON PRJEPOS. GENERALIS. SOCIET. JÉSU PRAEPOS.PROV.FRANCIAE ROMA. EXUL XIII. CALEND. APRIL. V. CAL. OCTOBR. ANNO. MDCCC L. AEDES. ABSOLUTA. ET RITE. EXPIATA XVIII. CAL. DECEMBR.

On lit au verso de cette inscription, ce qUI suit

QUISQUIS. NOS. JUVIT HUNC. JUVET. DEUS. OPTIMUS AC. NOMEN. EJUS. SCRIPTUM. HABEAT IN. LIERO. VITAE. J. H. S.

Ajoutons pour terminer ce sujet que le monogramme de la Société, entouré d'une gloire, se voit peint sur le vitrage qui couronne la coupole intérieure de la chapelle du dit couvent, érigé sous le vocable de St-J oseph. C'est le seul souvenir spécial que les Jésuites y aient laissé avec les inscriptions relevées ci-dessus. - II2-

CHAPITRE VI.

§ 1. - L'Orphelinat et les Religieuses de l'Enfant Jésus.

Brugelette était resté, pendant 4 ou 5 ans, dès r847, l'unique collège des Jésuites français à l'étranger. Le parti radical devenu prépondérant en Suisse avait, à l'instar du gouvernement français, fermé les maisons religieuses enseignantes, et du coup le collège de Fribourg, qui formait en Suisse le pendant de celui de Brugelette, avait été supprimé et avait augmenté virtuellement l'importance de ce dernier, déjà si flo- rissant. Vint la loi du r5 mars r850 qui proclama en France la liberté de l'enseignement, le collège de Brugelette perdit de ce chef sa raison d'être (r). Pendant trois ans encore, il continua d'éduquer une jeunesse nombreuse, dont l'origine cette fois fut plus variée, en raison des circonstances nouvelles; les nationalités les plus diverses étaient y tolérées, et Français, Belges, Polonais s'y coudoyaient à l'envi. Au mois d'août 1854, sa suppres- sion définitive était prononcée; abandonné par les Pères et leur nombreuse jeunesse, le vieux couvent de Wisbecq si bruyant et si animé devait trois longues années durant, demeurer désert, inoccupé, et s'ache- miner vers la décadence et la ruine, si la destinée pro- videntielle de cette antique demeure n'avait attiré sur elle l'attention de la fondatrice d'un ordre naissant,

(1) La création des nouveaux collèges français de Vannes et de Metz dès 1852, mo~va la fermeture de Brugelette. - 1I3- les religieuses de l'Enfant Jésus, qui venait d'éclore à Nivelles .. Cette vaste enceinte devenue déserte eut le sort des maisons abandonnées ou mal gardées; des gardiens commis à sa protection et à sa conservation, mais dénués de tout scrupule, eurent vite fait de prendre leur parti de la situation. Bientôt l'herbe se mit à croître follement dans les cours; les croisées et les toits devinrent les domaines nouvellement acquis de la gent ailée; les jardins, objets des soins attentifs des pères et de leurs élèves, devinrent des champs d'expérience pour la culture des ronces; les bàtiments eux-mêmes ne tardèrent pas à être mis en coupe réglée par des gardiens pillards et complices. Les marbres des châssis et autres, les boiseries sculptées, lambris, plinthes, tout parut bon aux exploiteurs éhontés, payés pour défendre et conserver l'édifice, et non pour 1'abîmer. La Révérende Mère Gertrude, dans le monde MlleJu- stine Desbille, venait de fonder sur son patrimoine à Nivelles, l'Institut des Sœurs de l'Enfant Jésus. C'était a dit son biographe (1) une grande âme et une nature d'élite. Menacée dès 1856 de voir disparaitre le couvent qu'elle avait fondé à Nivelles par la construction pro- jetée d'une ligne de chemin de fer passant par Nivelles, hantée d'autre part par l'idée constante d'établir un orphelinat, elle cherchait depuis longtemps un immeu- ble qui put lui permettre de remplacer sa maison de Nivelles et réaliser en même temps son projet d'orphe-

(1) Cf. Vie de la Révérende Me're Gertrude, par le R. P. BAILLY, Bruxelles, Vromant, passim.

H - II4- linat. Ce fut à Mons qu'une de ses amies (1), avertie de ses préoccupations la rassura, lors d'une visite de mère Gertrude, en lui disant « qu'elle croyait avoir trouvé son affaire », Devenu la propriété de la baronne d'Hoogvorst, née d'Oultremont, le couvent était mis en vente depuis longtemps sans avoir jamais trouvé d'acquéreur. Le projet d'en faire un établissement industriel avait été mis en avant, et sur le point de se réaliser, venait d'être abandonné. Le jour même, dès deux heures de relevée, mère Ger- trude, partie de Mons pour Brugelette, frappait à la porte du vieux couvent, et au cours de sa visite, se rendait compte de l'aspect désolant, de l'absence d'en- tretien, disons pis, de l'état de pillage dans lesquels l'avaient mis les gardiens payés pour faire mieux. Bientôt elle sortait de la chapelle du pensionnat où elle avait été prier, nourrissant des espoirs et formant des résolutions d'acquisition et de retour. Les péripéties curieuses par lesquelles passèrent ce projet et sa réalisation sont trop intéressantes pour être tenues sous silence. Disons tout d'abord qu'il se rencontra un homme de bon conseil et d'une haute compétence en affaires, dont le dévouement et les lumières ne firent jamais défaut à mère Gertrude. Ce fut une bonne fortune pour cette dernière de s'attacher ce digne et excellent homme, et de ne jamais rien entreprendre sans prendre son avis préalable :

(1) Une demoiselle Quinet de Mons. - IlS- nous avons nommé M. l'avocat Michel Van Mons de Bruxelles. Il. nous échut aussi l'honneur de gagner la confiance et l'amitié de ce vénérable vieillard, que nous connûmes nonagénaire, et c'est de sa bouche même que nous tenons la relation ou la confirmation de ce qui va suivre. Un soir que l'avocat était déjà au lit, sa bonne vint lui dire « qu'un homme habillé en femme» frappait à sa porte et voulait absolument lui parler malgré l'heure avancée : la bonne effrayée, vu l'heure tardive, ignorait ou n'avait pas reconnu au seuil de la demeure, mère Gertrude, car c'était elle, dont les allures un peu masculines, l'air franc et décidé, avaient permis cette amusante confusion à laquelle M. Van Mons n'avait pas pris part, pensant de suite à sa visiteuse nocturne. Il la connaissait depuis si longtemps déjà! Mis au courant de ses projets, l'avocat demeurait sceptique : « Mais ma bonne mère à quoi pensez-vous donc? La possession du collège de Brugelette, inoc- cupé, pillé depuis trois ans, entraîne nécessairement l'obligation de le réparer, de l'approprier, de l'entre- tenir, de le meubler... Et ces orphelines que vous voulez adopter, qui donc pourvoira à leur entretien? Songez que vous n'avez aucune ressource, absolument aucune! » Et c'était vrai, mère Gertrude avait plus de confiance en la Providence que d'économies; cette foi en Dieu lui suppléait aux obstacles qu'humainement elle entrevoyait, mais n'était-elle pas, avec ses sœurs, de taille à tout surmonter. Finalement l'avocat l'envoyait traiter avec le comte d'Oultremont, fondé de pouvoirs de la baronne d'Hoogvorst, et vu la persuasion dans - II6- laquelle il était de la folie de ce projet, lui conseillait de poser des conditions d'achat qu'il jugeait inaccep- tables, escomptant ainsi de servir l'intérêt présumé de son interlocutrice. Celle-ci partit pour Presles. Nous étonnerons nos lecteurs en leur apprenant qu'un accueil des plus bienveillants, une acceptation immédiate de ses propositions, sans objection aucune, couronnèrent sa démarche (1). Encouragé par ce résultat, M. Van Mons offrit à mère Gertrude un concours dévoué, qui lui permit d'assumer dans la fondation de l'orphelinat de Brugelette la plus large part. Ce fut lui qui prit l'initiative de solliciter en per- sonne, de l'archevêque de Malines, l'approbation néces- saire. Mais il fallait trouver les ressources. Une tombola gigantesque, sorte de loterie nationale, que le gouver- nement, contre toute attente autorisa, fut conseillée. De hautes influences déterminaient le ministre Rogier à donner la permission nécessaire. Les plus grands noms du pays voulurent figurer sur la liste des sous- cripteurs, en tête desquels celui de la comtesse de Mérode qui prenait l'œuvre sous son patronage effec- tif. La presse en consacra la vogue et le succès dépassa tellement les espérances les plus optimistes, que la fondatrice, tous frais payés, enregistrait un bénéfice de 75000 francs! avec ce capital on devait entretenir 40 orphelines; au 'delà de ce nombre, une modique pension serait exigée. C'était beaucoup, c'était peu.

(1) Le prix d'achat fut fixé croyons-nous à la somme de IIO.OOO francs. - 1r7 -

Le collège restait à payer (r ), approprier et installer : que de privations et de souffrances en perspectives! Le r= avril r857 partaient de Nivelles pour fonder l'orphelinat de Brugelette, la mère Gertrude, sœur Françoise, sœur Marie-Alphonse, et une converse. Entrée dans une maison vide, la pauvre colonie dormit sur la paille et vécut de ce qu'elle put. Pénibles débuts pour des femmes, que seul pouvait soutenir l'idéal religieux! Peu à peu de nombreux bienfaiteurs volaient au secours de l'orphelinat naissant, en tète desquels l'inlassable Van Mons se distinguait comme par le passé. Nommons aussi Madame la comtesse de Thiennes, Madame la marquise de la Boëssière et son fils, Madame Diewan, et plusieurs autres dont, pour quelques-unes, le souvenir est consacré dans l'ancien cloître par des plaques commémoratives. Des dames pensionnaires acceptées au début, vinrent accroître temporairement les moyens de subsistance de l'entreprise. Plus tard on cessa d'utiliser cette ressource, dont les inconvénients étaient mal compensés. Dès 1864, le gouvernement accordait aux Sœurs de Brugelette l'une des deux écoles normales du Hainaut et bientôt l'institut y annexait un pensionnat, c'était la boule de neige! Mère Gertrude, fondatrice de Brugelette, mourut le 13 janvier 1866 (2), à la maison mère de Nivelles. En 1891, une section ménagère agricole complétait

(1) Ce fut encore Van Mons qui s'entremit pour faire ratifier par les Jé- suites à Paris, la vente de Brugelette par le comte d'Oultremont. (2) Justine-Marie-Françoise Desbille était née à Nivelles le Il juillet 1sN. (Cf. EDG. DE PRELLIt Dit LA NIEPPE, EPitaPhur de NiveUes). - 110 - l'organisation de ce vaste établissement d'éducation et d'instruction. Nous n'insisterons pas sur le développe- ment merveilleux et rapide de cette maison d'éducation, la première dans son genre, dans le Hainaut. Nous sortirions, ce faisant, du rôle et du cadre que nous avons assumés. Disons seulement que l'extension matérielle déjà si considérable donnée au vieux couvent, au point d'en avoir plus que triplé, le développement, a été et est toujours jugée insuffisante. Des installations, les plus variées, ont nécessité de nombreuses constructions ou transformations; et il devient quelque peu difficile au premier abord, de retrouver dans ces bâtisses aux pro- portions colossales, ce qui fut la maison de la bonne Quentine de Jauche au xve siècle! A part la chapelle et le vieux cloître qui ont subi peu de modifications importantes, tout le reste fut ou modifié de fond en comble, ou démoli.

§ II. - Le Chanoine de Turek de Kersbeek.

Il nous serait difficile de terminer cette étude en ce qui concerne le séjour des Sœurs de l'Enfant jésus à Brugelette sans souligner en quelques traits essentiels la personnalité toute spéciale du bon, honnête et mo- deste religieux dont l'existence fut associée pendant presque trente ans aux destinées de cette maison; et c'est avec un souvenir ému autant que reconnaissant, que nous évoquerons sa mémoire. Nous avons nommé le P. de Turck, qui fut directeur de l'orphelinat des - II9-

Sœurs de l'Enfant Jésus depuis le 20 mars 1879, jusqu'à la date du 22 avril 1908, année de sa mort. Nous ne saurions mieux synthétiser le cliché moral de ce digne prêtre, qu'en reproduisant les paroles qui lui furent appliquées après sa mort: « C'était un homme vraiment bon et plein de douceur, digne dans sa démar- che, modéré et réglé dans ses mœurs, agréable dans ses discours, et qui s'était exercé dès son enfance dans toutes les vertus». Nous ajouterons que le charme intense qu'exhalait la personne de ce gentilhomme, revêtu de l'habit religieux, était rehaussé par une grande modestie, une exquise simplicité toute pleine de bonhomie, qui n'excluait pas une distinction toute naturelle et non voulue. C'était un religieux modèle, très attaché à ses devoirs professionnels, sévère pour lui-même autant qu'il était indulgent et affectueux pour son entourage, ses chères petites orphelines surtout. Celles-ci, au surplus, lui rendaient largement l'affection toute cordiale qu'il leur vouait si entièrement et avec tant de générosité. Auguste- Félicien-J oseph-Ghislain, baron de Turck de Kersbeek, chanoine prémontré de l'abbaye de Tonger- 100, était né à Tirlemont le 6 avril 1839. Il était le huitième enfant d'Emmanuel, baron de Turck de Kers- beek, né le 12 décembre 1786, lequel avait épousé, le 20 juin 1827, Eudoxie de T'Serclaes de Wommerson. De cette union naquirent cinq filles et sept fils (1). Les barons de Turck, portent « d'argent à 7 losanges d'azur 4 et 3, au chef de gueules : sommé d'une cou- ronne de baron pour le titulaire et de chevalier pour

(1) Cf. Stein Il'Altenslein, 1851. 120 - les autres : pour cimier un vol, à dextre de gueules; à senestre d'argent; chargé des losanges de l'écu. Sup- ports: deux griffons d'or tenant des bannières, à dextre aux armes de l'écu et à senestre de gueules à la fasce d'or qui est de : J auche- Mastaing (1). Les Turck, Torck et Toerck, variantes anciennes, se rattachaient à une des plus anciennes familles de l'antique comté de la Marck. Celle-ci dérivait elle-même du marquisat de Montferrat, en Lombardie. (Voir leur généalogie dans l'Histoire de Westphalie, par von Steinen, p. 1006 à 1031, et les inscriptions funèbres des églises d'Arnhem, Leyde et Harlem). Dès le haut moyen-âge, les Turck établis lombards, à Mons et Ath, étaient les banquiers attitrés des comtes de Hainaut et autres sou- verains, notamment du comte Guillaume 1. Les Annales du Hainaut, par Vinchant, celles du Cercle archéologique de Mons et d'autres encore, citent en 1344, messire Bertrand Turck, chevalier, seigneur de , qui érigea en bénéfice la chapelle de Hon (N. D. de Hon) (2). - Aubert Turck, chevalier,

(1) Josse de Turck avait épousé en Brabant, Angélique de Jauche-Mas- taing, de la famille des anciens seigneurs de Brugelette, de ce nom. Devenue veuve, celle-ci tenta des démarches pour récupérer le domaine patrimonial confisqué en Gueldre, auprès de don Luis de Requesens. Josse était fils de Liévin, né en 1534, exilé en Brabant et dépouillé de tous ses biens pour sa fidélité au catholicisme. Il mourut en 1590. Leur descendant nous rappela maintes fois ces détails et non sans un certain orgueil. C'était, disait-il, parmi les fastes ancestraux celui dont, pour son compte, il tirait le plus de fierté. (2) Florence Turck, sœur et héritière du dit Bertrand mort sans enfant, l'avait transmise à la famille Zabondans, s'y étant alliée par mariage. Nous rencontrons encore « Colars Turke, eskiévin dou ville Ath », et à la même date Estievenez TU1'ke, également qualifié d'échevin d'Ath en 1334 (Cf. Cartulaire de Cambron.ï En 1337 « Bertrand Thurch laïque» est autorisé à suspendre une cloche à la chapelle qu'il a fondée, rue d'Havré. - UI -

érige en 1353 avec les sires de Roisin, Enghien. Havré Lalaing, Ville" et autres, la Confrérie de St-Christophe, hors la porte d'Havré à Mons. (Cf. Vinchant, t. V, p. 226). On trouve en 1321, Roland Turk de Castiel (1) et Philippe son frère, lombards de Mons. Damien Turck, capitaine de Charles-Quint, (Cf. Alex. Henne, Histoire du règne de PhiliPpe II, t. IV). Guillaume Turck et Liebert Turck également officiers du même prince. (Cf. Ibid., t. II, p. 80, t. IV, p. 190). Il est digne de remarque, que le nom de « de Turck » est encore porté aujourd'hui par des habitants d'Ath et de la région et jusqu'à Grammont. Didier de Turck, chevalier, vivant en 1450, fut l'au- teur de la branche brabançonne, issue de celle de Gueldre à laquelle se rattachent les de Turek de Kers- beek. Les Turck de Rozendael formaient la branche de Gueldre. Il existe une 3me branche allemande. Auguste de Turck de Kersbeek, en religion le cha- noine Godeschalc, entra au noviciat des Prémontrés de Tongerloo, le 13 novembre 1863, et fut admis aux vœux définitifs de son ordre en 1865. Le 19 mai 1868, il fut ordonné prêtre. Le 15 octobre de la même année, ses supérieurs le nommèrent proviseur de l'abbaye de Parc-

(r) Un ancien château féodal existait à Morlanwelz à l'endroit dit Casiia ; il était habité au XIV· siècle par la famille Turk, Il fut brûlé en 1378, par les français de passage à Morlanwelz. Les vestiges de ce burg, y sont encore connus de nos jours sous le nom de ({Le Castiau ». Cet antique manoir avait été fortifié en 1r83 par Eustache du Rœulx. On peut consulter, concernant les anciens seigneurs de Morlanwelz du nom de Turck, et leur château dont les fondations subsistent encore, une étude sur Morlanwelz, par M. Hubinon, parue dans les documents et rapports du Cercle Archéolo- gique de Charleroi. - I22- lez-Louvain, charge qu'il exerça à la grande satisfaction de tous, pendant onze ans. Il quitta cette abbaye pour remplacer le P. Henry, religieux du même ordre, et directeur des religieuses de Brugelette, décédé. Des vitraux et autres donations, dans le couvent de Wisbecq (r), attestent la générosité du P. de Turck, celle de sa famille, et le haut intérêt qu'ils portaient à cette maison. Les noces d'argent du P. de Turck avec son orphelinat chéri et ses noces d'or de prêtrise, furent célébrées avec un éclat remarquable et touchant en I908. Notre vénérable ami déclina rapidement après cette apothéose, qu'il n'avait ni désirée ni recherchée. Rentré le 22 avril à l'abbaye de Tongerloo, il y terminait le 28 août de la même année, une existence toute de vertu et de dévouement, laissant à tous ceux qui l'avaient connu le souvenir d'un religieux accompli, homme au cœur d'or, pleuré par ses petites orphelines et regretté de tous. Nous ne résistons pas au désir de faire connaître quelques traits qui peignent sur le vif, le baron Auguste de Turck, mieux que des commentaires: A quelqu'un qui lui disait un jour: « comment vous, homme d'une si haute condition, pouvez-vous vous occuper de ces enfants du peuple, si déchus que sont vos orphelines?» Il répondit par ces paroles traduisant si bien l'élévation de son cœur: cc Devant Dieu il n'y a que des âmes, et c'est précisément parce qu'elles sont

(1) Il en a été parlé ailleurs au cours de cette étude. - 123- misérables que je les aime. D'ailleurs y a-t-il de bas emplois dans la maison du roi? » Vrai démocrate, dans toute l'acception du mot, il dépouillait le gentilhomme avec les humbles et les petits dont il recherchait le contact. C'est ainsi que les ouvriers du couvent étaient, après ses orphelines, l'objet recherché de ses charitables attentions; il ne lui suffisait pas de leur parler familièrement, il cherchait et trouvait toujours moyen d'alléger leurs charges, sans nuire aux intérêts de l'établissement, au profit duquel il fit souvent preuve d'initiative; l'installation de la meunerie et de la brasserie en sont des preuves, avec d'autres innovations nombreuses et variées. Proviseur à l'abbaye de Parc-lez-Louvain, il se mettait en tête des paysans se rendant la nuit au traditionnel pélérinage de Mon- taigu, que tous les anciens élèves de Louvain con- naissent si bien. Le centenaire de N.-D. du Lac à Tirlemont, le trouva au premier rang de ses promoteurs. Le pélérinage annuel des orphelins ~N.-D. deTongres, qu'il voulait remercier d'une guérison extraordinaire, croyait-il, lui dut son institution. Pour ces dernières d'ailleurs n'avait-il pas toutes les prévenances, toutes les tendresses, toutes les gâteries : sacrifices d'argent, soirées d'hiver du dimanche, agrémentées par des séances de projections lumineuses et de gramophones, cadeaux de la St-Nicolas, kermesses à demeure, feux d'artifice, concerts en plein air pour les consoler d'être privées de vacances, etc., etc. Mais parlons surtout de sa charité qui était parait-il la vertu familiale des de Turck. N'était-ce pas un de ses frères, seigneur et bourgrnestè de Westmalle, qui à côté - I24- de la célèbre Trappe du lieu, contribua à l'établissement de Trappistines françaises officiellement exilées, par le don d'un demi-million? Leur père n'avait-il pas de la même façon installé les Annonciades à Tirlemont? La souffrance attirait surtout notre noble ami. Rencontrant un jour un vieillard pleurant et à la veille d'être expulsé, avec sa femme, de sa maison sur laquelle il devait cent francs, le bon religieux n'eut rien de plus pressé que de se hâter vers son appartement, pour en rapporter au pauvre vieux, avec défense formelle d'en parler, le billet sauveur qui assurera un asile à ses vieux jours. A un petit savoyard blessé au pied et soumis à un patron dur et impitoyable, il remet les dix sept francs qui l'aideront à revoir sa mère. Un malheureux chemineau italien vient lui offrir sa pacotille; la pitié du père lui fait acheter tout son fonds, sur l'heure. Les pauvres honteux le séduisent tout particulièrement: un ouvrier endimanché vint lui offrir une cage fort médiocre. On était en hiver et les traits hâves de l'inconnu en disaient long au P. de Turck. Aussi se hâta-t-il de faire l'éloge de la cage et de l'acheter le triple de sa valeur réelle. Ce n'était pas assez, il laisse la cage au vendeur ajoutant qu'il la ferait prendre plus tard, à son domicile. Un de ses frères, le baron Edmond de Turck, répon- dit des premiers à l'appel de Pie IX pour la défense de son patrimoine, et se battit si vaillamment à Castelfi- dardo et à Mentana, que le pape se crut obliger d'attirer sur sa personne la bienveillance de Léopold II; Auguste s'étant rendu avec sa famille à Rome, pour y revoir son frère bien-aimé, ressentit au moment de le quitter une émotion si violente, que ses cheveux très noirs à son départ blanchirent complètement en quelques jours. Et ce fut absolument méconnaissable qu'il rentra en Belgi- que. Quelque temps après il allait frapper à l'abbaye de Tongerloo, où il retrouvait un autre de ses frères déjà religieux dans cet ordre. Proviseur à Parc, il avait fait montre de ses aptitudes administratives en reconstituant l'ancienne abbaye, dont il releva les ruines et rétablit les finances. Ces qualités, il devait les montrer ensuite à Brugelette où il commença, en I879, la dernière étape de sa noble et vertueuse existence. Que Dieu lui soit bon et miséri- cordieux!

§ III. - Inscriptions recueillies à l'intérieur du couvent.

Nous avons reproduit ailleurs: I) L'épitaphe de Quentine de Jauche, qui se lisait à l'intérieur de l'église, il y a très peu de temps encore. 2) Le verso de cette pierre, reproduisant à l'intérieur du cloître les armoiries d'Antoine de Mastaing et de sa dame J osine de Flandre, bienfaiteurs du couvent en I530, et rappelant leur souvenir. 3) Dans le même cloître, presque en face de cette dernière inscription, une pierre commémorative rappe- lant le passage des Jésuites dans cette maison. Nous relevons en outre les inscriptions qui suivent: Dans la partie du vieux cloître faisant face à la grande porte d'entrée, sur le mur de droite, de belles plaques en marbre noir portent en lettres d'or gravés, les textes ci-dessous: Sur une plaque triangulaire dominant les autres: « AUX BIENFAITEURS DE L'ORPHELINAT» Sur une plaque rectangulaire en dessous de la précé- dente: JUSTINE DESBILLE SŒUR GERTRUDE SUPÉRIEURE GÉNÉRALI<: ET FONDATRICE Dl'~ L'INSTITUT DE L'ENFANT JÉSUS ET DE L'ORPHELINAT DE BRUGELETTE DÉCÉDÉE A NIVELLES LE 13 JANVIER 1866 APRÈS 30 ANNÉES DE PROFESSION RELIGIEUSE. A gauche de cette dernière, quatre plaques en blanc attendent leurs titulaires respectifs. A droite : quatre autres plaques portent, la première en haut et à droite: MADAME v» FRÉDÉRIC DIEWAN DÉCÉDÉE A BRUXELLES. En dessous de cette dernière :

Mr FERY SCOUVEMONT ET SON ÉPOUSE Mme CHARLOTTE DESMECHT

La seconde en haut et à gauche de la première : Mlle OCTAVIE RICHE DÉCÉDÉE A BRUGELETTE LE 16 MAI 1884. - 127 ~

En dessous de la précédente : Mlle CÉLINE DELATTRE VERLINGHEM. FRANCE-NORD MAI rçoo.

Six vitraux ornant la chapelle des orphelines rap- pellent :

N0 1. - Rde FONDee MÈRE GERT RUDI' DE L'INSTITUT.

N° 2. - R. P. L. BOETEMAN BIENFAITEUR.

N0 3. - BARON A. DE TURCK 1 AUMONIER DE CETTE DE KERSBEECK MAISON 188g.

N° 4. - Rde sur-re MÈRE ALPHONSINE GÉNIe DE L'INSTITUT.

N° 5. - BARON K. DE TURCK 1 DE KERSBEECK BIENFAITEUR.

N° 6. - EDMOND MAHIEU DE CET ORATOIRE ARCHITECTE 188g.

Dans un mur du potager, une très vieille pierre sur- montée d'un sujet religieux portait:

CHI DEVAST CE TAU LET JEHAN DARTAN CURET DE BOUVIGNIE QUI TIŒSPASSA LÂ MCCCC xvi LE XIX JOUR D'OCTOBRE ET QUI FONDA • OBITS PRIEZ PR L'AME DE LUI.

Ce monument antérieur à la reconstruction du cou- vent par Quentine de Jauche, et la plus ancienne inscription lapidaire que nous connussions à Brugelette a également été descellé~ et a disparu. - 128-

A l'entrée d'une chapelle de congrégation, on lit sur une petite dalle : ICI REPOSE LE CORPS DE CELESTINE GRAD RELIGIEUSE DE CEANT, NÉE LE . (1) DÉCÉDÉE LE •

A l'entrée de l'atelier des menuisiers, sur une petite dalle: ICY REPOSE LE CORPS DE (2) SŒUR MARIE LOUISE DÉCÉDÉE EN 1754.

De nombreuses autres pierres tumulaires pavaient les corridors accédant à l'église et en précédaient l'entrée, du temps et à l'arrivée des PP. Jésuites, ainsi que l'atteste une description contemporaine du lieu (p. 88). Il n'en est pas resté le moindre vestige (3). Rappelons, pour mémoire, la pierre commémorative du passage du nonce Joachim Pecci, dont nous avons donné le texte au cours de ce travail. . Et nous aurons ainsi terminé l'épigraphie du couvent de Wisbecq.

Brugelette, décembre 1913.

(1) Née à Chaussée N. D. le 6 février 1743, décédée au couvent en l'an XIII. (2) Sœur Marie-Louise Abraham, native d'Audregnie. (3) Sous le pavement de la loge du concierge, on découvrit, quand on voulut y substituer un plancher, de nombreux squelettes alignés, se con- tinuant jusqu'à l'église. - 129-

EPILOGUE

Les dates du 5 et du 6 juillet 1914 marquèrent pour le pensionnat de Brugelette une étape glorieuse. Accourues de tous les coins de notre pays, les an- ciennes élèves de l'école normale, instituée dès 1864 dans le vieux couvent, se pressaient autour des maî- tresses de cet établissement justement renommé, pour célébrer en des fêtes jubilaires pleines de faste et d'éclat, le cinquantenaire de sa fondation. Ce n'est pas ici le lieu de relater par le détail avec quel entrain magnifique et par quelles touchantes mani- festations s'affirmèrent l'attachement et la reconnais- sance des anciennes. Une seule chose retiendra notre attention : une séance littéraire et musicale, que présidait S. G. l'Evêque de Tournai, fut donnée par les élèves actuelles de l'école normale, au cours de laquelle, en une émouvante trilo- gie, fut synthétisé avec un art parfait et une reconstitu- tion fidèle l' « Historique de la Maison de Brugelette». Trois tableaux, avec costumes et décors appropriés aux époques et aux personnages, dans une vérité rigou- reuse, évoquaient les souvenirs des ancêtres qu'un chro- nogramme saluait en ces termes:

CHÈRES FONDATRICES BRUGELETTE IMpLoRE VOTRE SAINTE PROTECTIoN Le premier tableau avait pour objet l' « Evocation des âmes ancestrales du I3e siècle à I857 », On y vit surgir tout d'abord une grande dame du moyen-âge; c'était Quentine de Jauche-Mastaing, fille

t - 130- du seigneur du lieu et fondatrice du vieux couvent, fort étonnée des transformations de son antique ((bonne mai- son ». La fille des preux s'y rencontrait bientôt avec la vénérable Mère Anne-J ulie Carnoye, non moins surprise de l'évolution phénoménale de son hospice. La troi- sième étape historique du couvent s'affirmait, presque incontinent, par l'apparition de deux Jésuites illustres dans les annales du vieux collège de Brugelette, les deux martyrs de la Commune, Just Olivain et Anatole de Bengy. Le deuxième tableau relatait les origines de la fondation de l'établissement actuel, et la scène se passait dans le bureau de mère Gertrude vers 1862. Outre cette dernière et sa seconde, sœur Françoise, on y voyait défiler Mmela comtesse de Thiennes, insigne bienfaitrice de la maison à sa première heure, des orphelines et des comparses. C'est l'histoire du début pénible, des moments diffi- ciles, des dévouements héroïques et des interventions providentielles et généreuses qui permirent à l'orphe- linat l'essor merveilleux qui lui fut donné. Le troisième tableau synthétisait le passé de l'Ecole normale de 1864 à 1914, ses débuts, son développement, ses instants critiques, son épanouissement actuel. Puis en une allégorie que les spectateurs ravis eussent plutôt appelé une apothéose, avec une grâce charmante et un talent exquis nos jeunes actrices personnifiaient: l'école normale, et ses "divers professeurs de pédagogie, de mathématiques, de français, d'histoire et de géogra- phie, de flamand, d'art et de sténographie. La couronne dont les âges se prirent à orner la bonne maison de Wisbecq n'y vit pas s'enchâsser ce jour-là, le moins beau ni le moins riche de ses joyaux. BIBLIOGRAPHIE

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Avant-Propos...... 3 CHAPITRE1. - Le hameau de Wisbecq et l'ancienne famille de ce nom. 5 CHAPITREII. § 1. -- La maison hospitalière ou « l'hôpital» de Wisbecq. 9 § II. - Premières religieuses de Wisbecq...... 10 CHAPITREIII. - Les Sœurs grises. § 1. - Le Tiers-Ordre de Sr-François d'Assise. II § Il. - Wisbecq, pépinière du Tiers-Ordre . 13 § III. - Développement de cette institution. . 14 § IV. - Quentine de Jauche-Mastaing. 16 § V. - Le vieux monument de Quentine de Jauche dans la chapelle de Wisbecq...... 19 § VI. - Prospérité de l'ordre et services qu'il rendit...... 24 § VII. - Inquisitions et vexations républicaines ...... 35 Etat des religieux supprimés dans le département de Jemappes, par la loi du 15 Fructidor an IV...... " 38 Etat des Biens et Revenus des Sœurs grises en 1796 i9 Recettes mobiliaires et immobiliaires actives de la communauté. 51 § VIII. - La suppression et mise en vente du Couvent. 53 § IX. - Un Obituaire des Sœurs grises...... 54 CHAPITREIV. § I. - Le « Pensionnat » Carnoye. . . 63 § II. - Les dernières religieuses de Wisbecq 6g CHAPITREV. § 1. - Fondation du Collège, évolution et histoire 75 § II. - Coup d'œil sur le Collège des Jésuites • 82 § III. - Brugelette à vol d'oiseau. . . . !6 § IV. - Les anciens élèves de Brugelette. 88 - La Cloche de Brugelette...... 93 § V. - Illustrations sorties de Brugelette. 99 § VI. - Liste d'élèves internes du Collège de Brugelette 101 § VII. - Bilan social de ce Collège. . . . . 105 § VIII. - Monuments funéraires et Epitaphes. . . . 107 CHAPITREVI. § I. - L'Orphelinat et les Religieuses de l'Enfant Jésus 1I2 § Il. - Le chanoine de Turck de Kersbeek. . . . . Il8 § III. - Inscriptions recueillies à l'intérieur du Couvent I2S Epilogue ....• 129 Bibliographie. . . 151 Errata et Addenda. 134 ERRATA ET ADDENDA

Page II, 3° ligne en remontant, au lieu de pénitences, lire pùr,ttmks. Page 14, note 2, ajouter : On lit ce qui suit dans G. J. DE Boussu, Histoire de la ville de Mons, chez Varret à Mons, 1725 : c Isabelle de Portugal, veuve du duc Philippes, engagea les échevins (1470) à prêter les mains à la réception des relligieuses de l'ordre de St-Fran- çois, nommées Sœurs grises, venues de Brugelette à la place des seculières qui servoient les malades dans l'hôpital fondé par Jean Taye prêtre; ils y consentirent à condition qu'elles aideroient aussi les malades qui seroient parmi la ville. On les mit en possession du dit hôpital et des biens y affectez, dont les Magistrats retinrent la maniance, leur en faisant la distri- bution selon les besoins des malades : mais ce règlement ne dura que jusqu'au tems de leur réforme et c1oiture, qu'établit sœur Marie de Brias supérieure appuïée du crédit de l'illustre archevêque de ce nom son frère, en l'an 16jR, dans le tems qu'Agnès Bouzeau dame de Lamberchies fonda l'hôpital de l'Enfant Jésus sous la direction de ces relligieuses. Alors les Magistrats retinrent tout ce qu'il y avoit d'annexé à l'hôpital Taye et le donnèrent à la grande aumône des pauvres, pour la nourriture des vieilles femmes qui sont d'autres encore que les Quakennes et les Apostolines, qu'on y entretient avec beaucoup de soins. L'an 1498, cette communauté alla fonder celle de Soignies, à la place des Béguines, qui y étoient avant elles. » Leur première supérieure venue de Brugelette en 1470, s'appelait sœur Marguerite Pilavaine, et fut remplacée par sœur Gabrielle Louchier. Page 91, ligne 13, au lieu de Poulevoy, lire Pontlevoy. Page 99, note 5. même remarque. Page 99, ligne se en remontant, au lieu de Boisleu, lire Boislesves, Page 100, note 4, au lieu de Chanveau, lire Chauveau.