Livret pédagogique Saison 07/08

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Caroline Mora Laure Bergougnan Grand Théâtre de Reims Education Nationale Service Jeune Public Enseignant relais 03 26 50 31 06 auprès du Grand Théâtre de Reims [email protected] 03 26 61 91 94 [email protected]

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Sommaire

SPECTACLE I. LA PRODUCTION ...... 5 II. BIOGRAPHIE : (1881-1973)...... 6 1. Eléments biographiques ...... 6 a. La période bleue ...... 6 b. La période rose ...... 6 c. Le cubisme ...... 6 d. Une esthétique aux visages multiples ...... 7 2. Son œuvre ...... 8 a. Diversité ...... 8 b. Olga et la saga des (1917-1924) ...... 8 c. Picasso et le théâtre ...... 9 III. SYNOPSIS ...... 9 1. ...... 9 a. Création ...... 9 b. Argument ...... 9 2. ...... 10 a. Création ...... 10 b. Argument ...... 10 3. Cuadro Flamenco ...... 10 4. ...... 10

PISTES D’EXPLOITATIONS PEDAGOGIQUES I. LE CONTEXTE HISTORIQUE ...... 11 1. Les désastres de la guerre ...... 11 2. La révolution russe ...... 11 3. Les conséquences artistiques ...... 12 II. LE POINT DE VUE PICTURAL ...... 12 1. Le mélange des genres ...... 12 2. Le cubisme ...... 13 III. LE POINT DE VUE CHOREGRAPHIQUE ...... 14 1. Les ballets russes ...... 14 2. Le Flamenco ...... 14 a. L’origine du mot ...... 14 b. Un genre hybride qui mêle musique et danse ...... 15 c. Petite chronologie ...... 15 d. Les caractéristiques musicales ...... 15

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IV. LE POINT DE VUE MUSICAL ...... 15 1. Satie : un précurseur de la musique moderne ...... 16 a. L’intervention de « bruits » dans la musique ...... 16 b. Une musique à contre-courant ...... 16 1. Le style « néo-classique » de Stravinsky ...... 17 V. POUR EN SAVOIR PLUS ...... 17 1. Bibliographie ...... 17 2. Webographie ...... 17 3. Exposition ...... 17

Annexes I. PICASSO ET LE THEATRE : extrait du livre de Le Coq et l’Arlequin ...... 18 II. LES ORIGINES DU FLAMENCO, extrait du livre de Bernard Leblon : Flamenco ...... 18

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LE SPECTACLE

I. LA PRODUCTION

EUROPA DANSE

Europa Danse a été créé en 1999 par Jean Albert Cartier, s’inspirant de l’Orchestre des Jeunes de Claudio Abbado.

En effet, pourquoi ne pourrait-on transposer ce qui réussissait pour de jeunes musiciens à de jeunes danseurs, en leur offrant le passage obligé entre la fin de leurs études et leur entrée dans professionnelle ?

C’est ainsi que depuis sa création, Europa Danse a accueilli près de 250 jeunes danseurs, âgés de 16 à 21 ans. Issus de formation classique, ils ont été sélectionnés avec l’aide Hélène Traïline dans des conservatoires ou écoles privées en Europe. En huit ans, 90% des danseurs issus de l’Académie Europa Danse vivent aujourd’hui de leur Art. Certains brillent déjà dans de grandes compagnies internationales telles que le San Francisco Ballet, American Ballet Théâtre, Het National Ballet d’Amsterdam, English National Ballet, Culberg Ballet et les compagnies de Jiri Kilian, Nacho Duato, John Neumeier, Opéra de Lyon etc.

L’édition 2007 réunira à nouveau vingt jeunes danseurs en provenance de huit à dix pays d’Europe. Ils seront en résidence à Chartres puis à la Scène Nationale de Châteauroux et à la Ferme de Villefavard en Limousin afin de préparer un spectacle « Picasso et la Danse » ainsi qu’un programme destiné à un jeune public.

Ce spectacle fera ensuite l’objet d’une importante tournée en France et à l’étranger en octobre, novembre et décembre prochains (dont au Théâtre des Champs Elysées le dimanche 21 octobre en matinée et soirée) donnant ainsi aux jeunes danseurs la possibilité de faire le lien entre la fin de leurs études et le début d’une carrière prometteuse.

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II. BIOGRAPHIE : PICASSO (1881-1973)

1. Eléments biographiques

Pablo Picasso est né en 1881 à Malaga en Espagne. Enfant précoce, il réalise ses premières œuvres dès l’âge de huit ans, d’abord avec l’aide de son père (professeur de dessin), puis à l’école des beaux-arts de Barcelone où il entre en 1895 à 14 ans. De 1900 à 1904, il réside plusieurs fois à Paris avant de s’y installer définitivement en 1904.

a. La période bleue

On a coutume d’appeler période bleue cette phase caractérisée par des œuvres où il évoque souvent la misère, la souffrance, la solitude des humbles. Le bleu, couleur froide, celle de la nuit, de la mer, du ciel, permet à Picasso d’exprimer une vision du monde pessimiste, chargée d’inquiétude. Son Autoportrait de 1901 témoigne de cette désespérance. b. La période rose

Aux lignes sévères de cette phase succède la période dite « rose » (1905-1906), empreinte de nostalgie et de mélancolie avec des œuvres comme La Famille d’acrobates au singe. c. Le cubisme

L’année 1907 avec le tableau fameux des Demoiselles d’Avignon - dont nous fêtons cette année le centième anniversaire - marque un tournant capital dans l’histoire de la peinture. Cette œuvre est en effet souvent considérée par les historiens comme le point de départ de tout l’art moderne. Pour la première fois un peintre ose rompre avec la vraisemblance et crée un nouvel univers pictural. Les contemporains de Picasso ont apprécié diversement la modernité de cette œuvre. Apollinaire balbutia, un peu gêné, le mot « révolution ». Braque, sans doute un peu jaloux que son ami ait joué les devanciers, lui dit : « C’est comme si tu voulais nous faire manger de l’étoupe ou boire du pétrole ». Quant à Derain, il chuchote à qui veut bien l’entendre : « un jour nous apprendrons que Picasso s’est pendu derrière sa toile ». Kahnweiler prend la mesure de l’évènement : « Le tableau paraissait à tous quelque chose de fou et de monstrueux. et je n’ai pas été surpris que ces cinq figures de femmes aux faces grotesques, hideuses, aient pu scandaliser. Mais en même temps, j’ai été saisi, ému, bouleversé par la nouveauté absolue de cette toile. J’avais l’intuition qu’elle représentait quelque chose de révolutionnaire. » Les Demoiselles d’Avignon engendrent aussi un nouveau courant artistique : le cubisme.

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d. Une esthétique aux visages multiples

En 1917, Picasso travaille avec les ballets russes de Diaghilev à Rome. Il y découvre l’art antique et l’esthétique de la Renaissance. S’il était aisé de déterminer des étapes dans la création de Picasso avant cette époque, il est impossible par la suite de classer sa production de manière satisfaisante tant les styles se mêlent les uns aux autres. De 1930 à 1937, son activité, toujours très variée, fait une large place à la sculpture et à la gravure. Les thèmes du Minotaure et de la Corrida sont abordés. Après 1945, alors que Picasso a adhéré au parti communiste et vit le plus souvent dans le midi. Toiles, aquarelles, dessins, sculptures (avec des assemblages d’objets insolites) témoignent de la constante curiosité du créateur. Le 8 avril 1973, meurt à Mougins, il est enterré deux jours plus tard dans le jardin du château de Vauvenargues.

« Par sa fécondité, la richesse de son iconographie, la diversité des techniques qu’elle utilise et parfois invente, cette œuvre, même si le temps n’en retient pas la totalité, est celle d’un créateur qu’on peut dire universel ». André FERMIGIER et Hélène SECKEL Encyclopédie Universalis

La danse (1925)

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2. Son œuvre

a. Diversité

Picasso fut certainement l’artiste le plus complet et le plus prolixe du XXème siècle : peintre mais aussi dessinateur, graveur, sculpteur, céramiste….. Dès ses débuts, et tout au long de son œuvre, il montrera un grand intérêt pour des spectacles aussi différents que théâtre, cirque, danse, corrida comme le montrent des œuvres telles que : La Famille de saltimbanques (1905), La Corrida (1901) ou Les Musiciens aux masques (1921), présentées ci-dessous :

A partir de 1917, il saisira de nombreuses occasions pour que son art investisse l’espace de la scène avec un décor, pour mettre son sens des couleurs et son inventivité formelle au service de la création d’un rideau ou d’un costume, pour accorder sa sensibilité avec un texte, une musique, une chorégraphie. Ceci jusqu’en 1962, date à laquelle il collaborera à Icare de Serge Lifar. Par ailleurs, les aléas de sa vie, et en tout premier lieu, ses relations avec les femmes, auront toujours de profonds retentissements sur son œuvre.

b. Olga et la saga des Ballets russes (1917-1924)

Autour de 1915, Picasso se rapproche de Jean Cocteau, fervent partisan des ballets russes de Diaghilev, qui anime ce qui reste de la vie parisienne, en cette époque de guerre. En février 1917, il part avec Jean Cocteau à Rome où la troupe travaille à Parade et s’éprend d’une des danseuses, Olga Kokhlova (1891-1955) qu’il épousera en 1918 et qui lui donnera un fils, Paul.

Portrait d’Olga dans un fauteuil, Picasso, 1918

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Cette histoire d’amour accompagnera la collaboration intense de Picasso avec Diaghilev et sa célèbre troupe des Ballets russes : Parade, Le Tricorde, Pulcinella, Cuadro flamenco, Le Prélude à l’après-midi d’un faune, Mecure, .

c. Picasso et le théâtre

« Un homme comme Picasso, qui a été curieux de toutes les techniques, de toutes les disciplines artistiques, qui a apporté dans chacune d’elles une vision neuve et des solutions imprévues, ne pouvait rester étranger au théâtre. Là comme ailleurs, il provoque le scandale, parce que les solutions qu’il propose font table rase de ce qui le précède et réduisent les problèmes à leurs données essentielles. Il aboutit ainsi à des œuvres qui semblent en rupture avec le passé, mais en respectant cependant l’esprit et en renouvelant l’apparence. C’est ainsi qu’en abordant la décoration théâtrale, Picasso s’est strictement plié aux principes de la scène à l’italienne avec son ouverture sur un côté, face au public, avec les perspectives qu’elle offre, les moyens d’action qu’elle permet aux acteurs. Dans un cadre aussi parfaitement défini, il a imposé des interprétations très différentes. »

Extrait du Dictionnaire du Ballet moderne de Raymond COGNIAT

III. SYNOPSIS

1. Parade

a. Création Ballet en un tableau sur un argument de jean Cocteau Création au théâtre du châtelet le 8 mai 1917 Musique d’Erik Satie Chorégraphie de Léonide Massine Décors et costumes de Pablo Picasso

b. Argument Au milieu d’immeubles et de maisons un cirque a planté son chapiteau. La représentation va commencer. Devant le rideau fermé, en pleine rue, les managers font la réclame de leur spectacle. Les artistes donnent un bref aperçu de leur numéro que la foule prend pour le spectacle lui-même. Suite à cette méprise et malgré les efforts des artistes, le cirque restera vide.

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2. Pulcinella

a. Création Ballet en un acte avec chant, créé au théâtre de l’Opéra, le 15 mai 1920. Musique d’Igor Stravinsky, d’après Giovanni Battista Pergolèse Chorégraphie : Léonide Massine Décors et costumes : Pablo Picasso Direction musicale : Ernest Ansermet b. Argument Toutes les jeunes filles du pays sont amoureuses de Pulcinella. Les garçons, jaloux, veulent le tuer mais sont dupés par un sosie. Croyant avoir réussi leur entreprise, les garçons se déguisent en Pucinella et viennent chercher leurs belles. Pulcinella, se faisant passer pour un mage, bénit leurs mariages et s’arrange pour épouser la plus belle, Pimpinella.

3. Cuadro Flamenco

Création Il s’agit d’une suite de danses andalouses créée à Paris au Théâtre de la Gaieté-Lyrique, le 17 mai 1921 avec musiques et chorégraphies traditionnelles et décors ainsi que costumes de Picasso.

4. Mercure

Musique : Erik Satie Rideau, construction scénique et costumes : Pablo Picasso Il est difficile de parler de « ballet » au sens traditionnel du mot : « poses plastiques » selon le programme. Il s’agit d’une suite de tableaux montrant le Dieu Mercure dans ses occupations favorites : voleur, messager, magicien, écuyer …

Le rideau de scène : représente un Arlequin jouant de la guitare accompagné d’un Pierrot jouant du violon.

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PISTES D’EXPLOITATIONS PEDAGOGIQUES

I. LE CONTEXTE HISTORIQUE

1. Les désastres de la guerre

" A côté de têtes noires et cireuses de momies égyptiennes, grumeleuses de larves et de débris d'insectes, où des blancheurs de dents pointent dans les creux ; à côté de pauvres moignons assombris qui pullulent là, comme un champ de racines dénudées, on découvre des crânes nettoyés, jaunes, coiffés de chéchias de drap rouge dont la housse grise s'effrite comme du papyrus. Des fémurs sortent d'amas de loques agglutinées par de la boue rougeâtre, ou bien, d'un trou d'étoffes effilochées et enduites d'une sorte de goudron, émerge un fragment de colonne vertébrale. Des côtes parsèment le sol comme de vieilles cages cassées et, auprès, surnagent des cuirs mâchurés, des quarts et des gamelles transpercés et aplatis. (...) Parfois des renflements allongés - car tous ces morts sans sépultures finissent tout de même par entrer dans le sol - un bout d'étoffe seulement sort - indiquant qu'un être humain s'est anéanti en ce point du monde. " Henri Barbusse, Le feu. La Grande Guerre met l’individu face à une sorte de « faillite morale de la pensée européenne » (Paul Valéry). Face à la grande guerre, l’ensemble des valeurs morales et esthétiques s’effondre : le monde est devenu un non-sens absolu. Sur le plan artistique, les conséquences ne se font pas attendre : la Grande Guerre fait complètement exploser l’adéquation qui existait encore entre le réel et la raison. De cette désespérance et de cette incompréhension du monde tel qu'il est, naissent des courants artistiques radicaux pour qui la réalité est devenue irreprésentable.

2. La révolution russe

Simultanément, la Révolution Russe de 1917 va contribuer à répandre des idéaux marxistes et à véhiculer des valeurs de partage dans une perspective de progrès et de profond changement social. Une culture internationale va permettre des échanges assez rapides entre les milieux artistiques de chaque pays par notamment par l’intermédiaire de congrès. Succédant aux révoltes individuelles et solitaires contre la civilisation occidentale (Arthur Rimbaud), des regroupements d’artistes venant de domaines différents vont mettre en commun leurs compétences en vue de la réalisation de projets collectifs.

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3. Les conséquences artistiques

Ainsi, toutes les avant-gardes du début du siècle participent à une grande insurrection avec deux cibles : la raison et le principe de réalité. Les postures et les réponses artistiques varient d’un groupe à l’autre, d’un projet à l’autre, mais tous, que ce soit le Bauhaus (1919-1933) ou le mouvement Dada (1916-1925), ont un point commun : transformer le réel, le sublimer.

II. LE POINT DE VUE PICTURAL

1. Le mélange des genres

Picasso a conçu le rideau de scène de Parade comme une invitation au voyage, une fuite du réel vers l’imaginaire et le fantastique. Le départ, très « terre-à-terre », notamment exprimé par le sommeil du chien et les objets abandonnés, se fait bien à partir du réel et dérive vers l’imaginaire grâce à la présence de la chimère ailée. Des draperies de velours, un pan de tissu grenat, des franges dorées, un superbe rideau rouge, rappellent l’univers du théâtre mais s’ouvrent aussi et sans transition sur la campagne. Le plancher de bois donne directement sur l’herbe. Picasso retrouve le style figuratif, les couleurs légèrement délavées, le trait cursif, le charme lascif de ses périodes rose et bleue.

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2. Le cubisme

La période cubiste de Picasso inaugurée en peinture avec Les Demoiselles D’Avignon (1907), se retrouve dans les décors et costumes de Parade. Le cubisme multiplie les angles de vue simultanés sur l’objet représenté. Les costumes notamment peuvent être regardés comme de véritables sculptures cubistes.

Le magnifique décor bleu et noir de Pulcinella est aussi une architecture d’inspiration cubiste. Cherchant comment représenter ce qui a trois dimensions sur une surface qui n’en a que deux, les volumes sont comme mis à plat, disséqués en plans ouverts :

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III. LE POINT DE VUE CHOREGRAPHIQUE

1. Les ballets russes

Tandis que le genre du ballet décline dans toute l’Europe occidentale, il connaît, à l’aube du Xxème siècle, une faveur exceptionnelle en Russie grâce à un chef remarquable : Serge Diaghilev (voir portrait ci-contre d’après Picasso). Il engage dans sa troupe des artistes aux talents remarquables comme : - Nijinsky : danse et chorégraphie - Fokine, Massine, Bontislava Nijiska : chorégraphie - Natalia Gontcharova : costumes et décors Dans les années 20 - et plus précisément entre 1909 et 1929 - la troupe se produit en France où Diaghilev s’entoure aussi des talents les plus grands et fait appel notamment à Picasso pour Portrait de Diaghilev par Picasso les décors et les costumes et à Jean Cocteau pour l’argument des ballets. Grâce à lui, les compositeurs auxquels il commande ou suggère des partitions sont bientôt célèbres. Il fait connaître les premières grandes œuvres de Stravinsky : L’Oiseau de feu (1910), Pétrouchka (1911), Le Sacre du Printemps (1913), Pulcinella (1920)… Diaghilev, à la recherche d’un art de synthèse mêlant toutes les tendances, s’adresse à des artistes aussi différents que : - Ravel : Daphnis et Chloé (1912) - Debussy : Jeux (1913) - Satie : Parade (1917) - Falla : Le Tricorde (1919) - Milhaud : Le Train bleu (1924) - Poulenc : Les Biches (1923)

Il a ainsi créé un nombre impressionnant d’œuvres majeures du premier quart du XXème siècle et a suscité auprès du public un regain d’intérêt pour une danse rénovée, dégagée du poids de la routine et des conventions. Parade témoigne de ce souffle nouveau qui désormais règne sur l’art du ballet. Créé au théâtre du Châtelet le 18 mai 1917, ce ballet « réaliste » (sur-réaliste d’après Apollinaire) fait scandale. En pleine guerre ce spectacle très atypique est jugé déplacé : Diaghilev et ses partenaires bouleversent les codes. Picasso conçoit un décor qui « joue dans la pièce au lieu d’y assister »; c’est ainsi que les « Managers cubistes » de trois mètres de haut « ressemblent plus à un morceau de décor en mouvement qu’à des acteurs », « tandis que les danseurs n’apparaissaient plus que comme simples fantoches ». (Raymond Cogniat, in Dictionnaire du Ballet moderne).

2. Le Flamenco

a. L’origine du mot Le mystère entoure le sens du mot flamenco qui signifie « flamand » ce qui peut paraître assez incongru pour une musique de type oriental. Les sources musicales sont variées. On y trouve des apports de différentes cultures qui se

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sont établies dans le sud de l’Espagne : arabes, juifs, gitans, toutes orientalisantes.

b. Un genre hybride qui mêle musique et danse

A ses débuts, le flamenco consistait en un chant sans accompagnement (cante). Puis, la guitare est apparue (toque), comme les mains (palmas) et la danse (baile). c. Petite chronologie Quoique certainement très ancienne, cette musique est restée inconnue jusqu’à l’aube du XIXème siècle. - Dans sa première moitié, la pratique du flamenco se fait chez soi, dans l’intimité. - On peut considérer que la véritable histoire du flamenco commence avec sa professionnalisation dans des établissements spécialisés : les cafés de cante ou cafés cantantes. d. Les caractéristiques musicales - L’esthétique vocale est radicalement différente de celle qui est privilégiée en Occident à la recherche avant tout de pureté et de transparence dans l’expression musicale. On peut distinguer ainsi différents types de voix notamment : - la voix « ronde » (redonda), à la fois douce, moelleuse et virile - la voix « gitane » qui se distingue de la précédente par une déchirure qui correspond au climat souvent sombre et poignant de ce répertoire. - la voix laina : haute et vibrante, propre aux acrobaties musicales. - la voix utilisée comme percussion avec l’emploi des « lalies », en espagnol lalia ou glosolalia, interjections ou suites de syllabes sans signification, utilisées uniquement pour leurs fonctions rythmique et percussive. - La guitare flamenca : différente de la guitare « classique » car il fallait alors obtenir un instrument bon marché et assez puissant pour rivaliser avec les voix des chanteurs flamencos, les claquements de mains et les cris d’encouragement du reste de la troupe. Sa sonorité est donc à la fois plus brillante, plus rude et plus percussive que celle de la guitare classique. Les techniques usuelles peuvent s’inspirer soit de l’accompagnement folklorique comme dans le cas du rasgueado qui consiste à frapper rapidement toutes les cordes en ouvrant la mains en éventail soit de techniques plus traditionnelles, dans le cas du tremolo par exemple.

IV. LE POINT DE VUE MUSICAL

La première de Parade, le 18 mai 1917 au théâtre du Châtelet, fut l’occasion d’un scandale comparable à celui du Sacre du printemps (1913) de Stravinsky. Mais ce qui avait choqué le public pour le Sacre était avant tout la chorégraphie : pour Parade, c’est bien la musique de Satie qui déconcerta les auditeurs-spectateurs.

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1. Satie : un précurseur de la musique moderne a. L’intervention de « bruits » dans la musique

La musique de Parade osait faire entendre des « instruments » comme le revolver ou la machine à écrire ! Ceci avait de quoi déconcerter le public de l’époque, peu familier à ce genre d’interventions musicales. Le scandale de 1913 provoqué au théâtre du châtelet par les bruitistes italiens et de leur chef de file Luigi Russolo auteur du manifeste : L’Art des bruits. Peu après, Satie annonce et préfigure la musique concrète. Voici ce qu’écrit John Cage à propos du maître : « Pourquoi est-il nécessaire de prêter attention aux bruits des couteaux et des fourchettes ? Satie le dit. Il a raison. Pour s’intéresser à Satie, il faut commencer par être désintéressé, accepter qu’un son soit un son et qu’un homme soit un homme, renoncer aux illusions qu’on a sur les idées d’ordre, les expressions de sentiments et tout le reste des boniments esthétiques dont nous avons hérité. Il ne s’agit pas de savoir si Satie est valable. Il est indispensable. » Portrait d’Erik Satie par Picasso

b. Une musique à contre-courant

Un choral où grimace le tuba, où pleurent craintivement violon et flûte, un lambeau de fugue, une gamme, et la mécanique en marche d’un trois-temps rigide, c’est le début de Parade : poésie du dérisoire. Voici quelques jugements des contemporains de Satie :

- Cocteau à propos de Parade le 20 décembre 1920 « En 1917, le public du Châtelet prit son propre tapage pour la musique de Parade. (…) L’audace de Satie consiste à être simple, d’une simplicité neuve, savante, linéaire, après une période interminable de musique diffuse et compliquée. (…) Les motifs se succèdent, distincts les uns des autres comme des objets. Rien ne les brouille, ne les enchevêtre, ne les développe. Satie dessine sans estompe. Il travaille à l’emporte-pièce. »

- Louis Eurié dans Feuilles libres (1921) évoque un Parade « qui nous rajeunit, où nous rions, où nous pleurons. Enfance perdue, je te retrouve, l’exil de l’adolescence t’avait tuée. Mais te revoilà, poésie ; te revoilà dans la musique la plus minutieuse. »

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1. Le style « néo-classique » de Stravinsky

De 1920 à 1951, Igor Stravinsky écrit « de la musique d’après la musique » . Frappé de « kleptomanie musicale », selon sa propre expression (Souvenirs et commentaires), il revisite l’histoire. Pulcinella, ballet composé en 1920, est le point de départ de ces aventures musicales inspirées d’œuvres préexistantes. Mavra (1922) est redevable à Glinka et Tchaïkovski ; le Concerto pour piano et instruments à vent (1924), à Bach ; Œdipus Rex (1927) s’inspire de Haendel et Verdi ; Lully et ses contemporains du grand siècle français sont à l’origine d’Apollon Musagète (1928), de même que Haydn pour la Symphonie en ut (1940). Stravinsky ne se refuse aucun amalgame et, dans Jeu de cartes (1936), il puise chez Rossini, Strauss, Tchaïkovski, Ravel.

V. POUR EN SAVOIR PLUS

1. Bibliographie

KAHANE, Martine, Les Ballets russes à l’opéra, Hazan, Paris, 1992 LEBLON, Bernard, Flamenco, Actes Sud, 1995

2. Webographie

Autour de Picasso Site officiel : http://www.picasso.fr Musée Picasso à Paris : http://www.musee-picasso.fr

Autour du flamenco http://sitemusiquealhambra.free.fr http://www.lamediatheque.be/dec/fic/flamenco/index.php

3. Exposition

Picasso cubiste au musée Picasso, Hôtel Salé, 5, rue de Thorigny, 75003 Paris. Du 19 septembre 2007 au 7 janvier 2008.

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ANNEXES

I. Picasso et le théâtre : extrait du livre de Jean Cocteau Le Coq et l’Arlequin

II. Les origines du flamenco, extrait du livre de Bernard Leblon : Flamenco

La Danse (1908)

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