CARAVAN PALACE

Nouvel album « Panic » le 05 mars 2012 ------

Allez, on ressort “le” Caravan. Toujours Palace, mais flambant neuf et recustomisé. Dans les bacs et, déjà, sur la route. Le groupe surprise de la précédente décennie, labellisé “Electro Swing” et tête de pont d’un courant on ne peut plus informel mais diablement tonique, sort un second album au titre qui sonne dru, “Panic !”. Caravan Palace creuse et enrichit le sillon tracé par l’opus précédent, disque de platine (150 000 exemplaires vendus), une aventure épatante pour un groupe surgi du néant... ou presque.

Leur force initiale, c’est une passion commune (jamais démentie depuis) pour la musique électronique. Charles, Arnaud et Hugues, le trio de départ, rejoints par Toustou, kiffe par ailleurs le swing, surtout le manouche, et tâte allègrement les instruments de prédilection du genre, guitare, contrebasse et violon. D’où cette cuisine, pas si étrange en fait, entre l’éternel (Django) et l’instant (l’électro). Mieux que du rétro-futurisme, vu que “ça joue”. Quelques annonces sur myspace plus tard, les voilà presque doublés de volume, avec Chapi et la pétulante Colotis.

Bien avant le disque, ils sont “on ze road”. Le concert fondateur de Caravan Palace, c’est au Festival de Samois en 2007. Morts de trouille de se retrouver d’emblée propulsés au Panthéon du jazz manouche, ils en ressortent avec un posse (un fan club comme dans le hip hop) qui les suit partout. La rumeur commence à courir, le titre phare “Jolie Coquine” aussi. Le disque suit une bonne année plus tard, avec le succès que l’on sait, doublé de tournées hexagonales et européennes, lesquelles ont culminé sur un Olymp... ia archi-comble qu’ils ont tout bonnement retourné. On pogotte sur du swing, du jamais vu...

Là-dessus, à l’automne 2010, stop. Un mois de break et... cogitation du nouveau disque. Comment mitonne-t-on un album, chez Caravan Palace ? Eh bien, chacun dans son labo, les fichiers du jour courent de l’un à l’autre le soir, ça cogite le soir et ça re-circule le lendemain. Si ça réagit vite, c’est bon signe. Le “poum tchac” de base du premier disque fait place à des rythmiques plus sophistiquées, moins gimmick, plus variées aussi, et des couleurs parfois aux frontières de ce trip hop qu’ils affectionnent. Car Massive Attack les titille toujours autant, mais aussi les créatifs du label Ninja Tune, l’electro minimal d’Isolée ou le grand bazar hip hop rock de Gorillaz. Que des top-références. D’un autre côté, ils plongent dans l’univers du swing jazz des années 30 et 40, tel Fletcher Henderson voire quelques méconnus, Charlie Chavers ou Mildred Bailey.

En six mois, une quarantaine de titres s’accumulent. Il est temps de passer au studio. Sur place, une quinzaine de claviers, généralement vintage. Inlassablement, ils décloisonnent, essaient, tranchent. Quatorze titres vont s’imposer. Au chant, la toujours bondissante Colotis, et sur deux titres, celle qui a un temps participé à l’aventure, Cyrille-Aimée. Plus le renfort de Toustou, désormais caravanier à plein temps. Egrenons le chapelet !

Clash Ca commence ... véner et rigolo ! Un étonnant mix de swing up tempo avec foultitude de sons hachés menu, à la fois technologique et aux confins du rock, à l’époque où on l’appelait bop (au diable les étiquettes !). D’emblée, un grand pas –sportif- par rapport au Caravan Palace première génération.

12 juin 3049 Une ballade sur tempo délicieusement alangui mais sans mollesse, samples de (grande) époque, cordes en spirale et vibraphone étirant le temps. Vu le titre, on flirte avec l’anticipation.

Beatophone Beat frénétique et chant qui prend son temps (au fond de la cour !), un télescopage détonnant, avec breaks en cascade pour reprendre (un instant) son souffle. Histoire de mieux le reperdre.

Cotton heads Une escapade presque pop qui atteste de l’ouverture sur d’autres horizons de Caravan Palace. Ethéré, aux limites de l’apesanteur, mais toujours ce grain de swing rivé au tempo, avec clavier primesautier.

Dirty side Oui, dirty, le côté sale gosse des Caravan, excité et frénétique, chimique, bref, destroy... avec une voix limite sardonique et un piano moqueur. Plus un vibraphone façon Lionel Hampton. De quoi affoler la boussole à musique !

Dramophone Ciel, les Andrew Sisters reviennent. Mais avec des paillettes synthétiques. En fait, c’est un coup de Cyril-Aimée Daudel, intérimaire de talent de Caravan Palace. Sans doute le titre qui fait le mieux le pont avec le 1° album.

Glory of nelly Escapade londonienne, une autre échappée belle de Caravan Palace, avec au chant... pardon... au toast, sista Colotis. L’improbable et fugace mix swing ragga, avec plan séquence riche en mur de cuivres et tapis de cordes.

Maniac On prend un zeste de Gorillaz, avec voix traînante, on y ajoute des giclées de synthés seventies (genre François de Roubaix), une pincée de guitare butineuse à la Django, comme étonnée d’être là. Et on touille...

Newbop Tout simplement parce que new et bop à la fois. Scat voltigeur et pied ferme, avec beak à répétition, comme pour poser le pas, histoire de mieux repartir. Et pour clore le chapitre, une guitare tricoteuse.

Panic ! Ca commence avec un dialogue angoissant de film de science fiction. Toujours le tempo, mais un environnement plus minimal, comprimé, avec refrain comme aspiré. Finalement, pas de panique, on arrive au bout.

Pirates Guitare d’intro à la Django, mais on part vite vers d’autres contrées, surprenantes. Traitement du son expérimental. La trompette revient au jazz, les harmonies vocales s’en éloignent. Un grand écart plein de charme.

Queens Lazy beat, mais la paresse n’est qu’apparente. On est au fond du temps, le traitement dub et la voix de Colotis, loin derrière, donne à ce thème down tempo un air encore plus atmosphérique, perdu dans les brumes...

Rock it for me Tiens, du rockabilly, ce cousin campagnard (bâtard ?) du swing... Les années 30 fraient avec les fifties. Mais ça, c’est du passé. Comme quoi au 21° siècle, ces genres apparemment lointains peuvent cohabiter, avec écho garanti.

Sydney Pour clore la visite, une valse iconoclaste : la voix de Cyril-Aimée est glamour à souhait, avec en soutien, un chœur moiré et un final joliment chaloupé. Caravan Palace vous tire sa révérence.

Il ne vous reste plus qu’à vous accrocher au... Caravan. Le monde à l’envers, c’est salutaire.

Rémy Kolpa Kopoul ConneXionneur Radio Nova –