LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International est un mouvement mondial réunissant plus de sept millions de personnes qui agissent pour que les droits fondamentaux de chaque individu soient respectés.

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© Amnesty International 2020 Photo de couverture : Sauf mention contraire, le contenu de ce document est sous licence Creative Commons (Attribution - Utilisation non commerciale - Pas d’Œuvre dérivée Heurts entre des contestataires et la police – 4.0 International) https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ antiémeutes irakienne utilisant des canons à eau legalcode.fr lors d’une manifestation contre la corruption du Pour plus d’informations, veuillez consulter la page relative aux autorisation pouvoir et la mauvaise qualité des services publics, sur notre site : www.amnesty.org. entre la place Tahrir et le quartier hautement er Lorsqu’une entité autre qu’Amnesty International est détentrice du copyright, sécurisé de la « zone verte » (Bagdad, 1 octobre le matériel n’est pas sous licence Creative Commons. 2019).

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Index : MDE 01/1357/2020 French Original : anglais amnesty.org LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS SOMMAIRE

RÉSUMÉ RÉGIONAL 5

ALGÉRIE 14

ARABIE SAOUDITE 18

ÉGYPTE 22

ISRAËL ET TERRITOIRES PALESTINIENS OCCUPÉS 28

LIBYE 33

MAROC ET SAHARA OCCIDENTAL 37

PALESTINE (ÉTAT DE) 41

QATAR 45

SYRIE 48

TUNISIE 53

YÉMEN 57

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 4 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International toute la région, des gouvernements ont plus importante visant à faire la lumière fait peser de lourdes restrictions sur la sur des violations commises par les RÉSUMÉ liberté d’expression et les activités de la forces de sécurité – même s’il s’agissait société civile ; certains se sont acharnés des violations passées et non de celles en particulier sur les hommes et les constatées actuellement – et à octroyer femmes qui critiquaient les autorités sur des réparations aux victimes. Elle a RÉGIONAL les réseaux sociaux. Des centaines de achevé ses travaux en 2019 et a formulé militants et militantes des droits humains des recommandations, qui pourraient ont été pris pour cible. s’appliquer aux gouvernements de Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, l’ensemble de la région. notamment l’Algérie, l’Irak, l’Iran, le Les forces de sécurité ont commis Liban et les territoires palestiniens tout un éventail de violations dans le Les protagonistes des conflits armés occupés, ont été secoués en 2019 cadre du système de justice pénale, en cours dans la région ont commis par des mouvements massifs de notamment des actes de torture et des crimes de guerre et d’autres protestation. Les autorités ont cherché d’autres mauvais traitements ainsi que violations graves du droit international à étouffer la contestation en utilisant des disparitions forcées, en particulier humanitaire, restreignant dans certains une force excessive et en ayant recours en Arabie saoudite, en Égypte, en Iran, cas l’accès humanitaire, ce qui a eu des à la détention arbitraire. En Irak et en Libye et en Syrie. Elles jouissaient répercussions sur les soins de santé, en Iran, le déploiement d’une force de l’impunité dans la plupart des cas. entre autres services de base. D’autres effroyablement meurtrière a provoqué la L’Instance vérité et dignité, en Tunisie, puissances militaires ont facilité les mort de centaines de personnes. Dans était sans aucun doute l’initiative la violations en transférant illégalement

Dans un bureau de la capitale iranienne, un homme montre un smartphone avec un réseau wifi mais sans connexion à Internet. Les autorités maintenaient une coupure presque totale de l’accès à Internet depuis le début de manifestations massives deux jours plus tôt (Téhéran, 17 novembre 2019). © Atta Kenare/AFP via Getty Images

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 5 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International des armes et en apportant un soutien À l’instar de ce que l’on a pu observer en cause, dans la bande de Gaza (contre militaire direct aux belligérants. Dans au Soudan avec des rassemblements le gouvernement de facto du Hamas), le contexte d’impunité généralisée, les analogues, les manifestations en Algérie, en Jordanie, au Maroc et au Sahara avancées en vue de l’ouverture par la en Irak et au Liban se sont cristallisées occidental, à et en Tunisie. Les Cour pénale internationale d’une enquête en un mouvement de contestation hommes et les femmes qui ont pris part à sur la situation dans les territoires inscrit dans la durée, mettant au défi le ces manifestations et aux mouvements de palestiniens occupés sont à saluer. système politique dans son ensemble contestation plus importants intervenus Le Liban et la Jordanie accueillaient et réclamant une réforme profonde des en Algérie, en Irak, en Iran et au Liban toujours sur leur sol plus de trois institutions ; il aurait pu en aller de même demandaient la fin de la corruption, millions de réfugié·e·s de Syrie, mais en Iran si les manifestations n’avaient un plus grand respect de leurs droits ont empêché de nouvelles arrivées. pas été si violemment réprimées. La économiques et sociaux, et de meilleures Le Liban a en outre expulsé plusieurs façon dont les hommes et les femmes conditions de vie et de travail. Certains milliers de personnes qui avaient pénétré qui manifestaient, pacifiquement pour la réclamaient l’instauration de l’égalité de « illégalement » sur son territoire. plupart, ont su maintenir la dynamique genre et l’éradication des violences liées En Libye, en Syrie et au Yémen, des au fil des semaines et des mois a été au genre ; en Algérie, des organisations centaines de milliers de personnes ont impressionnante, dans un contexte où de défense des droits des femmes ont par été contraintes de quitter leur foyer l’on aurait pu penser que la répression exemple demandé l’abrogation du Code en raison des offensives militaires et et la violence armée consécutives aux de la famille, qui est discriminatoire. d’autres combats. soulèvements intervenus dans la région D’autres ont fait campagne sur des il y a 10 ans – en Iran en 2009, en questions environnementales. Plusieurs pays, en particulier dans le Tunisie, en Égypte, au Yémen, à Bahreïn, golfe Persique, ont annoncé des réformes en Libye, en Arabie saoudite et en Syrie À Gaza et en Cisjordanie, la population visant à améliorer la protection des en 2010-2011 – dissuaderaient les palestinienne a continué de manifester travailleuses et travailleurs migrants ; populations de descendre massivement contre les incidences de l’occupation ceux-ci étaient néanmoins toujours dans la rue pour réclamer le respect de par Israël, depuis 52 ans, des territoires exploités et maltraités. Comme cela leurs droits et dénoncer les injustices. palestiniens, et du blocus aérien, avait été le cas les deux années terrestre et maritime imposé depuis précédentes, des évolutions positives Des mouvements de moindre ampleur ont 12 ans à la bande de Gaza, qui sont intervenues en 2019 au plan éclaté ailleurs dans la région, notamment constituait une sanction collective. législatif et institutionnel en ce qui en Égypte, où le chef de l’État a été mis L’occupation et le blocus avaient des concerne les droits des femmes et les violences à l’égard des femmes, mais la dure répression des activités des militantes des droits humains dans des pays tels que l’Arabie saoudite et l’Iran venait assombrir le tableau. Un peu partout dans la région, les autorités ont foulé aux pieds les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexes (LGBTI). Des dizaines de personnes ont été arrêtées en raison de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle, réelle ou présumée ; des hommes ont été soumis de force à un examen anal.

MOUVEMENTS DE PROTESTATION

Dans toute la région, comme dans de nombreux endroits à travers le monde, des pays ont été secoués en 2019 par Quatre fillettes yéménites dans un camp de personnes déplacées à Sabr, dans le gouvernorat de Lahij (Yémen, de grands mouvements de protestation. juin 2019). Avec leur famille elles ont dû quitter leur foyer à la suite des combats intervenus en 2018 dans le gouvernorat de Taizz. © Amnesty International

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 6 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International conséquences graves sur la liberté de perturbé des applications de messagerie personnes ont été placées en détention, circulation et les services de santé, en en ligne afin d’empêcher la tenue de et certaines ont été condamnées à une particulier à Gaza ; ils ont donné lieu à nouvelles manifestations. peine d’emprisonnement. la démolition de centaines d’habitations en Cisjordanie – y compris à Jérusalem- Les défenseur·e·s des droits humains ont Est – et, par voie de conséquence, été en butte à toute une série de mesures au déplacement forcé de centaines Les gouvernements de la région répressives de la part des gouvernements. d’hommes, de femmes et d’enfants Moyen-Orient et Afrique du Nord Pour 2019, Amnesty International palestiniens. L’expansion des colonies doivent respecter le droit de manifester a recensé 367 cas de détention de israéliennes illégales en Cisjordanie et pacifiquement, encadrer strictement les militant·e·s des droits humains et l’annonce par le gouvernement américain forces de sécurité, en particulier pour 118 procédures ouvertes contre ces que les États-Unis – en violation du droit les empêcher d’utiliser des balles réelles personnes ; les chiffres réels étaient international – ne considéraient plus ces lorsqu’il n’existe pas de risque imminent probablement très supérieurs. Si l’on colonies comme illégales sont venues pour la vie d’une personne, et ouvrir des s’arrête sur le seul cas de l’Iran, aggraver la situation. enquêtes indépendantes et impartiales 240 défenseur·e·s des droits humains ont sur la mort de manifestant·e·s. Ils doivent été arbitrairement placés en détention. Les autorités ont déployé tout un également prendre en considération En Arabie saoudite, ce sont pratiquement éventail de méthodes pour réprimer la les revendications des hommes et des tous les défenseur·e·s des droits humains contestation. Amnesty International femmes qui descendent dans la rue pour du pays qui, à la fin de l’année, étaient a recueilli un certain nombre de réclamer le respect de leurs droits. détenus sans inculpation, faisaient témoignages crédibles faisant état de l’objet d’une procédure ou purgeaient l’utilisation par les organes de sécurité une peine d’emprisonnement. En Égypte, d’une force excessive ou injustifiée les manifestations du 20 septembre – balles en caoutchouc, gaz lacrymogène, ont été suivies par une hausse des canons à eau, matraques, par exemple – arrestations de militant·e·s des droits contre des personnes qui manifestaient LIBERTÉ D’EXPRESSION humains et des actes de torture et pacifiquement, dans 10 pays au total autres mauvais traitements perpétrés pour l’année 2019. En Irak et en Iran, Dans toute la région Moyen-Orient contre ces personnes. Les autorités les forces de sécurité ont tiré à de et Afrique du Nord, des régimes ont israéliennes ont utilisé tout un éventail multiples reprises à balles réelles sur les imposé de sévères restrictions à la de mesures – opérations spécifiques, manifestant·e·s, faisant des centaines de liberté d’expression. Selon les chiffres campagnes d’incitation à la violence, morts – plus de 800, selon les derniers dont dispose Amnesty International pour restrictions à la liberté de circulation chiffres d’Amnesty International – et des l’année 2019, qui ne sont absolument et harcèlement judiciaire, notamment – milliers de blessés. Comme les années pas exhaustifs, des personnes ont été contre les militants et militantes des précédentes, l’armée et les forces de détenues en raison de leurs opinions droits humains, les journalistes et les sécurité israéliennes ont tué des dizaines dans 12 pays de la région ; 136 autres personnes qui dénonçaient la de Palestiniens et de Palestiniennes dans ont été arrêtées uniquement parce poursuite de l’occupation israélienne de des manifestations dans la bande de qu’elles avaient exprimé des opinions la Cisjordanie, de la bande de Gaza et du Gaza et en Cisjordanie. en ligne, pourtant pacifiquement. plateau du Golan, en Syrie. Certains gouvernements s’en sont Dans toute la région, et en particulier pris en particulier à celles et ceux qui De nouveaux éléments ont mis en en Algérie, en Égypte, en Irak et critiquaient les autorités ou contestaient évidence en 2019 combien les attaques en Iran, les forces de sécurité ont la politique gouvernementale sur les numériques contre les défenseur·e·s arrêté arbitrairement des milliers de réseaux sociaux. En Algérie, en Arabie des droits humains dans le monde, manifestant·e·s, dont un grand nombre saoudite, à Bahreïn, en Égypte, en Iran, et notamment au Moyen-Orient et en ont été placés en détention et accusés en Jordanie, au Koweït, au Liban, en Afrique du Nord, étaient sophistiquées. d’infractions en lien avec la sécurité. Des Libye, au Maroc et au Sahara occidental Amnesty International a ainsi découvert gouvernements ont par ailleurs cherché à et en Tunisie, des journalistes, des que deux défenseurs marocains des droits couper les réseaux de communication. En personnes qui tenaient un blog et humains avaient fait l’objet à plusieurs Iran, les autorités ont interrompu presque des militant·e·s qui publiaient sur les reprises depuis 2017 d’une surveillance complètement l’accès à Internet pendant réseaux sociaux des déclarations ou exercée au moyen de logiciels espions les manifestations de novembre, afin des vidéos jugées critiques vis-à-vis du conçus par l’entreprise israélienne NSO d’empêcher les gens de faire circuler des chef de l’État ou d’autres représentants Group. L’organisation avait auparavant images et des vidéos montrant que les des pouvoirs publics ont fait l’objet recueilli des informations montrant que forces de sécurité utilisaient une force d’arrestations, d’interrogatoires et de des militants·e·s d’Arabie saoudite et des meurtrière. En Égypte, les autorités ont poursuites. Un grand nombre de ces Émirats arabes unis, ainsi qu’un membre

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 7 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International du personnel d’Amnesty International, humains et des opposant·e·s politiques impliqués dans une initiative dans le avaient été la cible d’attaques menées de nombreux pays, dont Bahreïn et les cadre de laquelle des agents américains au moyen de logiciels malveillants Émirats arabes unis. du renseignement auraient aidé les conçus par cette entreprise. La raison Émirats à maintenir sous surveillance avancée pour justifier la conception Les attaques ciblées et massives de des militant·e·s des droits humains et de cette technologie ainsi que son hameçonnage se sont poursuivies contres d’autres personnes dans le monde entier, acquisition, puis son déploiement, les défenseur·e·s des droits humains, sans qu’aucun contrôle judiciaire ne soit par les gouvernements est qu’elle est y compris contre celles et ceux qui exercé. utilisée pour combattre la criminalité et avaient pris des mesures supplémentaires le terrorisme ; le profil des personnes pour sécuriser leurs comptes en ligne En outre, les gouvernements ont ciblées vient contredire cette affirmation. – fournisseurs de messagerie plus sûrs utilisé la censure sur Internet. En Amnesty International a soutenu une ou double authentification pour l’accès Égypte, les pouvoirs publics ont ajouté action en justice contre le ministère aux comptes, par exemple. Les pirates les sites web des organismes de israélien de la Défense pour lui demander créaient des sites web imitant l’invite radiodiffusion et de télévision BBC et d’annuler la licence d’exportation de de connexion d’un service en ligne afin Alhurra à la liste des 513 sites déjà NSO. Facebook et WhatsApp ont déposé d’amener la victime à se rendre sur bloqués. Faisant valoir des motifs de une plainte contre cette société devant la page malveillante et à entrer son sécurité, les autorités palestiniennes un tribunal fédéral des États-Unis au identifiant et son mot de passe, qui en Cisjordanie ont bloqué l’accès à motif que, travaillant pour Bahreïn, les tombaient ainsi entre les mains des 59 sites web ; tous faisaient circuler Émirats arabes unis et d’autres pays, NSO pirates. des contenus critiques à l’égard des aurait pris pour cible 1 400 appareils de autorités. En Iran, Facebook, Telegram, particuliers, utilisés notamment par des Par ailleurs, une enquête de Reuters a Twitter et YouTube sont restés journalistes, des militant·e·s des droits révélé que les Émirats arabes unis étaient inaccessibles.

L’entrée totalement détruite d’un hôpital de la ville de Kafr Nabl, dans le sud du gouvernorat d’Idlib (Syrie, 5 mai 2019). Les forces gouvernementales syriennes, soutenues par la Russie, ont mené en mai 2019 des offensives contre des hôpitaux et d’autres structures médicales de la région. © Omar Haj Kadour/AFP via Getty Images

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 8 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International durée variable (jusqu’à 183 jours). En sporadiques au Sinaï, qui ont fait des Iran, plusieurs personnes parmi celles morts et des blessés. Cependant, les Les États du Moyen-Orient et d’Afrique arrêtées à la suite des manifestations mesures prises contre les membres du Nord doivent remettre en liberté de novembre ont été soumises à une présumés de ces groupes armés immédiatement et sans condition toutes disparition forcée. Au Yémen, les forces entraînaient bien souvent de graves les prisonnières et tous les prisonniers houthies ont eu recours à cette pratique violations des droits humains, et les d’opinion, accepter l’expression pacifique contre une partie des très nombreux autorités invoquaient le prétexte de la de critiques, en ligne et hors ligne, et détracteurs, détractrices et opposant·e·s sécurité pour s’en prendre de manière à cesser de harceler les défenseur·e·s qu’elles ont arbitrairement maintenus peine voilée à la société civile des droits humains, que ce soit par des en détention. En Syrie, des dizaines de (voir plus haut). moyens judiciaires ou d’autres moyens. milliers de personnes restaient Les gouvernements du monde entier « disparues » et des milliers d’hommes Les forces de sécurité jouissaient le plus doivent suivre la recommandation du et de femmes arrêtés les années souvent de l’impunité. L’Instance vérité rapporteur spécial des Nations unies sur précédentes étaient toujours détenus et dignité, en Tunisie, était sans aucun la liberté d’expression visant à la mise en par les forces de sécurité sans avoir été doute l’initiative la plus importante en œuvre d’un moratoire sur la vente et le jugés, bien souvent dans des conditions vue de faire la lumière sur les violations transfert des équipements de surveillance qui s’apparentaient à une disparition commises par les forces de sécurité, jusqu’à ce qu’un cadre réglementaire de forcée. même s’il s’agissait des violations protection des droits humains adapté soit passées et non de celles constatées mis en place. Dans un certain nombre de pays, dont actuellement. Elle a achevé ses travaux l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Iran, en 2019. À la fin de son mandat, Israël et les territoires palestiniens l’Instance avait transféré 173 cas à occupés et la Syrie, de nombreuses des chambres criminelles spécialisées, affaires étaient renvoyées devant des après avoir reçu plus de 62 000 plaintes juridictions d’exception – tribunaux adressées par des victimes. Au moins SYSTÈMES JUDICIAIRES militaires, révolutionnaires ou de sûreté, 78 procès, concernant notamment par exemple –, ce qui donnait lieu à des cas de torture, d’exécutions Les forces de sécurité ont commis tout des procès qui violaient gravement les extrajudiciaires et de disparitions forcées, un éventail de violations dans le cadre normes d’équité. Dans certains cas les ont débuté devant ces juridictions au du système de justice pénale. Dans procès devant des juridictions ordinaires cours de l’année. 18 pays au moins de la région on a pu étaient tout autant critiquables. Dans recenser des allégations crédibles de l’ensemble de la région, des tribunaux torture et d’autres mauvais traitements ont condamné des accusés en s’appuyant dans les lieux de détention de l’État ; sur des éléments de preuve recueillis Un grand nombre des recommandations ces actes étaient perpétrés en particulier sous la torture. Dans certains pays, formulées par l’Instance pourraient au moment des interrogatoires et bien notamment l’Arabie saoudite, l’Égypte, s’appliquer à d’autres États de la région, souvent dans l’objectif d’arracher des l’Irak et l’Iran, ces procès se soldaient notamment celles préconisant une « aveux ». En Égypte et en Iran, entre par des condamnations à mort, qui réforme des secteurs de la justice et autres pays, les autorités pénitentiaires étaient mises en œuvre. de la sécurité, la création d’un organe avaient également recours au placement indépendant de contrôle des activités des à l’isolement ou à la privation de soins Certaines des violations les plus services de sécurité et la mise en œuvre médicaux pour punir les personnes graves ont été commises dans le cadre de l’obligation de rendre des comptes détenues pour des raisons politiques ; de d’opérations qualifiées par les autorités pour les crimes commis. telles pratiques bafouent l’interdiction d’actions de lutte contre le terrorisme de la torture et des autres mauvais ou de mesures de sécurité. Dans une traitements. Dans sept pays au moins des poignée de pays les autorités avaient personnes sont mortes en détention après des raisons légitimes de prendre des avoir été soumises à des actes de torture mesures pour protéger la population ou d’autres mauvais traitements, selon civile des exactions de groupes armés. En CONFLITS ARMÉS des informations crédibles. Irak, le groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI) a continué Les conflits armés ont continué de Des disparitions forcées aux mains de de commettre des assassinats et des bouleverser la vie de la population civile l’État ont été recensées de manière fiable attentats à la bombe prenant pour cible en Irak, en Libye, en Syrie et au Yémen. dans huit pays au moins. En Égypte, des civils. En Égypte, des groupes armés Sur le terrain, le niveau de violence plusieurs centaines d’opposant·e·s ont mené – certes à une fréquence moindre croissait et décroissait au fil du temps ont subi une disparition forcée, d’une que les années précédentes – des attaques en fonction des changements d’alliances

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 9 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International et des intérêts des puissances militaires également revendiqué des attaques nationale (GUN) soutenu par l’ONU et étrangères. Gaza et le sud d’Israël ont contre des installations pétrolières dans l’Armée nationale libyenne (ANL), qui a connu des poussées de violence armée l’est de l’Arabie saoudite. lancé une offensive en avril pour prendre entre les forces israéliennes et les le contrôle de la capitale et des zones groupes armés palestiniens. Presque tous les acteurs ont mené des alentours. Au Yémen, les forces houthies attaques aveugles dans lesquelles des comme celles qui leur sont opposées ont Les nombreux acteurs des conflits ont civils ont été tués ou blessés : frappes bombardé des quartiers d’habitation ; commis des crimes de guerre et d’autres aériennes – pour ceux qui disposaient quant à la coalition emmenée par l’Arabie violations graves du droit international d’une puissance adéquate – et saoudite et les Émirats arabes unis, elle humanitaire. Certains ont perpétré bombardements de zones d’habitation a procédé à des bombardements qui ont des attaques directes contre des civils par des tirs d’artillerie, de mortiers et fait des centaines de morts et de blessés ou des infrastructures civiles. Dans la de roquettes. Au nombre de ces acteurs parmi la population civile. campagne militaire qu’elles ont menée en Syrie figuraient, outre les forces dans certaines zones du nord-ouest gouvernementales, la Turquie et des Certains ont continué d’utiliser la de la Syrie, contrôlées par le groupe groupes armés syriens alliés lors de stratégie de la restriction de l’accès armé Hayat Tahrir al Cham, les forces l’offensive militaire lancée en octobre humanitaire, portant atteinte aux droits gouvernementales syriennes ont pris dans le nord-est du pays contre une économiques et sociaux des populations pour cible des logements civils, des alliance de groupes armés dirigée par les civiles des zones concernées. En Syrie, écoles, des boulangeries, des structures Kurdes, dans laquelle de très nombreux selon l’ONU, les forces gouvernementales médicales et des opérations de secours, civils ont été tués. En Libye, sur les près n’ont pas donné leur feu vert à environ tuant et blessant des centaines de de 300 victimes civiles du conflit armé la moitié des missions humanitaires civils, y compris du personnel médical en 2019, beaucoup ont été tuées dans pour lesquelles elle a demandé une et des services de secours. Dans le des attaques menées sans discernement autorisation en vue de surveiller, évaluer conflit au Yémen, les forces houthies, au moyen d’armes explosives inadaptées et accompagner la distribution de l’aide. qui contrôlaient de grandes parties du qui ont été utilisées dans des zones Dans d’autres pays, les combats sont pays, ont visé des infrastructures civiles peuplées. Un grand nombre de victimes venus aggraver les besoins humanitaires. en Arabie saoudite – notamment des sont mortes des suites des combats En Libye, l’accès aux soins de santé, aéroports –, faisant des victimes parmi intervenus dans Tripoli et aux abords de à l’électricité et à d’autres services de la population civile. Les Houthis ont la ville entre le gouvernement d’union base a été coupé du fait des batailles

Des enfants jouent sur les rives de la Méditerranée dans la ville de Gaza, malgré la pollution due aux eaux usées, qui dissuade de nombreuses personnes de se baigner (bande de Gaza, 23 août 2019). © Loay Ayyoub pour The Washington Post via Getty Images

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 10 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International dans Tripoli et aux alentours. Au enquête devait être ouverte lorsque la de résidence, la situation humanitaire Yémen, le conflit continuait d’avoir des compétence territoriale de la Cour serait catastrophique qui y régnait a poussé conséquences disproportionnées pour les confirmée représente donc un pas en des dizaines de milliers de personnes à personnes porteuses de handicap. avant historique, qui offre une occasion rentrer en Syrie. Après avoir annoncé, en décisive de briser le cercle vicieux de avril, qu’il allait expulser les réfugié·e·s Des puissances militaires de la région l’impunité. entrés « illégalement », le Liban a ou hors de la région ont joué un rôle renvoyé des milliers de personnes vers la désastreux en facilitant les violations Syrie, en violation de ses obligations en par des transferts d’armes illicites et un matière de « non-refoulement ». appui militaire direct aux belligérants, et Compte tenu des obstacles à surmonter, en refusant d’enquêter sur l’implication il est essentiel que les États apportent La situation des dizaines de milliers de leurs propres forces armées dans leur soutien à la Cour et aux autres de personnes réfugiées, demandeuses des violations du droit international. En mécanismes de justice internationale, d’asile ou migrantes présentes en Libye, les camps rivaux comptaient de pour que les victimes de crimes de Libye restait difficile. Elles étaient plus en plus sur les soutiens militaires guerre et de crimes contre l’humanité la cible d’arrestations arbitraires et étrangers pour modifier le rapport de commis dans la région obtiennent d’enlèvements perpétrés par des milices, force. Principal soutien du GUN, la vérité, justice et réparation. Les et étaient souvent victimes de la traite Turquie lui fournissait des blindés de parties aux conflits armés en cours des êtres humains et de violences combat et des drones armés, tandis que dans la région doivent respecter le aux mains de groupes criminels. Les les Émirats arabes unis, premier soutien droit international humanitaire, et en personnes détenues étaient enfermées de l’ANL, lui livraient des drones de particulier mettre fin aux attaques dans des conditions inhumaines et fabrication chinoise, qu’ils manœuvraient directes contre les civils et les subissaient la promiscuité ainsi que pour son compte – autant de violations infrastructures civiles ainsi qu’aux les pénuries de nourriture, d’eau et de manifestes de l’embargo total sur les attaques sans discrimination, et ne pas médicaments. armes imposé par l’ONU depuis 2011. utiliser dans les zones civiles d’armes explosives ayant des effets de grande De nouveaux déplacements de En Syrie, la Russie a continué d’appuyer portée. Les puissances militaires populations ont été enregistrés cette directement des offensives militaires doivent cesser les transferts d’armes année. En Syrie, les offensives militaires des forces gouvernementales qui étaient lorsqu’il existe un risque important que menées dans le nord-ouest et le nord-est contraires au droit international, tandis celles-ci soient utilisées en violation du pays ont contraint plus de que la Turquie soutenait des groupes du droit international ; ce risque est 500 000 personnes à quitter leur armés coupables d’enlèvements et malheureusement élevé dans tous les foyer, portant à 6,6 millions le nombre d’exécutions sommaires. En Syrie conflits en cours dans la région. de personnes déplacées dans le pays. et en Irak, l’Iran a fourni un soutien Au Yémen, la recrudescence des militaire aux forces gouvernementales affrontements entre combattants houthis et à des milices qui étaient à l’origine et forces anti-houthies intervenue de violations graves. Pendant ce temps, dans le gouvernorat d’Al Dhale, dans les États-Unis et leurs alliés de la le sud du pays, a jeté des milliers coalition ont continué de se dérober à PERSONNES RÉFUGIÉES de personnes hors de chez elles. Au leur responsabilité d’enquêter sur la OU DÉPLACÉES total, il y avait plus de 3,5 millions de mort de centaines de civils pendants les personnes déplacées dans le pays. Plus bombardements menés dans leur lutte de 1,5 million d’hommes, de femmes contre l’EI. Signe que la communauté internationale et d’enfants restaient déplacés en Irak n’assumait pas son devoir de partage à la suite du conflit armé contre l’EI ; la L’obligation de rendre des comptes des responsabilités, le Liban, la Jordanie majorité se trouvaient dans des camps et pour les crimes de guerre et les autres et la Turquie accueillaient toujours la des campements de fortune après avoir violations graves du droit international majorité des cinq millions de personnes été déplacés plusieurs fois. En Libye, les commises pendant des hostilités qui avaient fui la Syrie depuis le début combats à Tripoli et dans les alentours de armées ou du fait de telles hostilités de la crise, en 2011. Ces trois pays la ville ont contraint plus de n’était guère mise en œuvre. L’annonce ont empêché l’entrée de nouveaux 140 000 personnes à quitter leur foyer. de la procureure de la Cour pénale réfugié·e·s. Exacerbée par le manque internationale indiquant que l’examen d’aide humanitaire, l’impossibilité pour préliminaire de la situation en Palestine les personnes réfugiées de trouver du avait conclu que des crimes de guerre travail et les obstacles administratifs et Les États de la région doivent mettre avaient été commis dans les territoires financiers auxquels elles se heurtaient un terme aux départs provoqués et palestiniens occupés et qu’une pour obtenir ou renouveler leurs permis aux renvois de personnes réfugiées

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 11 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International ou en quête d’asile vers la Syrie nationalité à leurs enfants, à la condition et d’autres pays ; dans le reste du de satisfaire à certaines exigences de monde, et notamment en Occident, Les réformes juridiques visant à protéger sécurité. les États doivent prendre une part bien les droits des personnes migrantes plus importante dans le partage des doivent aller plus loin. Il faut en premier Cette modeste avancée doit toutefois être responsabilités, en particulier par le biais lieu que les autorités des pays du Golfe replacée dans le contexte plus général de de la réinstallation. et des autres États où elle est en vigueur l’intensification de la répression, par les abolissent complètement la kafala. autorités, des actions entreprises par les défenseures des droits humains contre le port obligatoire du voile et l’interdiction faite aux femmes de pénétrer dans les stades de football. TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS MIGRANTS DROITS DES FEMMES Dans un registre positif, la Jordanie et la ET DES FILLES Tunisie ont établi un bilan des mesures prises en 2018 pour renforcer la protection Des réformes visant à améliorer la contre les violences à l’égard des femmes protection des travailleuses et travailleurs Comme les deux années précédentes, et des filles ; l’ampleur de la tâche migrants ont été annoncées dans 2019 a connu quelques avancées restant à accomplir est alors apparue. À plusieurs pays, en particulier des pays du positives sur les plans législatif et la suite de la mise en place, en 2018, Golfe, où ils représentaient une très forte institutionnel en ce qui concerne les d’un mécanisme de plainte, les autorités proportion de la main d’œuvre. Le a droits des femmes et la lutte contre la tunisiennes ont reçu des dizaines de promis d’abolir le système de parrainage violence à leur égard. Ces changements, milliers de plaintes de femmes victimes (kafala), qui lie les travailleuses et qui restaient limités par rapport à ce de violence domestique. En Libye, les travailleurs domestiques migrants à leur qui était nécessaire, étaient le fruit autorités n’avaient pas la volonté ou la employeur ; le pays a pris en outre des en grande partie de la mobilisation du capacité de s’attaquer au problème des mesures pour faire tomber les obstacles mouvement de défense des droits des violences liées au genre commises par les rencontrés par les travailleuses et femmes dans la région. Les résultats milices ou les groupes armés. travailleurs migrants qui cherchent à obtenus s’inscrivaient toutefois dans un obtenir justice lorsqu’ils sont victimes tableau plus sombre marqué par la dure En Jordanie, plusieurs dizaines de de pratiques abusives, et pour combattre répression à l’encontre des militantes personnes ont pu être protégées au cours les abus systémiques commis dans le dans certains pays, en particulier en de l’année dans un foyer créé en 2018 cadre du processus de recrutement. La Arabie saoudite et en Iran, la faible mise pour accueillir les femmes qui risquaient Jordanie a elle aussi annoncé qu’elle en œuvre des réformes précédentes, la d’être tuées par un membre de leur allait revoir son système de parrainage. discrimination généralisée en droit et famille. En Cisjordanie et dans la bande Les Émirats arabes unis ont supprimé en pratique dont les femmes étaient de Gaza, plus de 20 Palestiniennes ont le critère « profession exercée » de la victimes, notamment en matière de été victimes d’un crime d’« honneur ». De procédure de rapprochement familial, ce mariage et de divorce, d’héritage et son côté, Oman a renforcé les dispositions qui permettra à davantage d’étrangers de garde d’enfant, et l’insuffisance de en matière de sanction pénale des résidant dans le pays de faire venir des l’action contre les violences sexuelles et mutilations génitales féminines. membres de leur famille. autres violences liées au genre.

Néanmoins, les travailleuses et L’Arabie saoudite a mis en place une travailleurs migrants en Arabie saoudite, importante réforme, attendue de longue Les autorités dans la région doivent à Bahreïn, aux Émirats arabes unis, en date, du système discriminatoire de tutelle passer à la vitesse supérieure pour Jordanie, au Koweït, au Liban et à Oman masculine ; les principales restrictions à faire davantage reconnaître les droits étaient toujours en butte à l’exploitation la liberté de circulation des femmes ont des femmes dans la législation et et à des pratiques abusives du fait des été assouplies, mais les femmes devaient traduire les engagements juridiques systèmes de parrainage (kafala) en toujours obtenir l’autorisation d’un tuteur concernant la lutte contre les violences place. En règle générale, les travailleuses masculin pour se marier. Ironie du sort, faites aux femmes en action concrète et travailleurs domestiques restaient cinq militantes des droits humains garantissant que les auteurs de ces actes totalement exclus des protections ont passé toute l’année derrière les rendent effectivement compte de leurs prévues par le droit du travail. barreaux, en partie parce qu’elles avaient agissements. réclamé ces réformes. L’Iran a adopté une loi autorisant les femmes iraniennes mariées à un étranger à transmettre leur

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 12 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International DROITS DES LESBIENNES, « sodomie » ; au moins 70 ont été sont contraires à l’interdiction de la DES GAYS ET DES déclarés coupables et condamnés à torture et des autres formes de mauvais une peine d’emprisonnement, d’un an traitements. PERSONNES BISEXUELLES, dans certains cas. Au Koweït, la police TRANSGENRES OU a arrêté sept personnes transgenres, INTERSEXES contre qui une enquête a été ouverte. En Cisjordanie, les forces de sécurité Les autorités doivent abroger les palestiniennes ont arrêté arbitrairement dispositions érigeant en infraction pénale Un peu partout dans la région, les et maltraité huit personnes LGBTI, selon les relations sexuelles entre personnes autorités ont foulé aux pieds les droits une ONG locale. de même sexe, abandonner la pratique des personnes LGBTI. Les forces de des examens anaux et adopter des lois sécurité ont arrêté des dizaines de Dans plusieurs pays, les autorités ont interdisant la discrimination fondée personnes en raison de leur identité de contraint des hommes à se soumettre à sur l’identité de genre ou l’orientation genre ou de leur orientation sexuelle, un examen anal destiné à déterminer s’ils sexuelle. réelle ou présumée. En Tunisie, selon une avaient eu des relations sexuelles avec ONG locale, la police a arrêté au moins d’autres hommes ; des dizaines de cas de 78 hommes en vertu d’une disposition du ce genre ont notamment été enregistrés Code pénal qui réprime la en Égypte et en Tunisie. Ces examens

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 13 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Une femme âgée apostrophe un membre des forces de sécurité en train de boucler un secteur de protestation lors d’une manifestation antisystème dans la capitale algérienne (Alger, 10 avril 2019). © Ryad Kramdi/AFP via Getty Images

ont arrêté arbitrairement des centaines subsaharienne ; certaines de ces personnes ALGÉRIE de contestataires. Plusieurs dizaines ont été transférées de force dans l’extrême de personnes ont été traduites en sud de l’Algérie, d’autres ont été expulsées République algérienne démocratique et populaire justice et condamnées à des peines vers d’autres pays. Des organisations de Chef de l’État : d’emprisonnement sur la base de défense des droits des femmes se sont (a remplacé en décembre le président par intérim dispositions du Code pénal réprimant mobilisées dans le cadre du Hirak et ont Abdelkader Bensalah, qui avait remplacé Abdelaziz l’« atteinte à l’intégrité du territoire national » réclamé la fin de toutes les formes de Bouteflika en avril)) ou l’« incitation à un attroupement violence liée au genre et l’abrogation du Chef du gouvernement : non armé », entre autres. Les autorités Code de la famille, qui est discriminatoire (a remplacé en décembre le Premier ministre par intérim ont interdit les activités de plusieurs à l’égard des femmes dans les domaines Sabri Boukadoum, qui avait déjà remplacé en décembre associations, bien souvent pour des motifs de l’héritage, du mariage, du divorce, de Noureddine Bedoui, qui avait lui-même remplacé Ahmed liés aux manifestations du Hirak. Les la garde des enfants et de la tutelle. Les Ouyahia en mars) forces de sécurité ont infligé des actes de relations sexuelles entre personnes de torture et d’autres mauvais traitements à même sexe étaient toujours passibles de des militants, notamment en leur assénant sanctions pénales. Le droit de constituer Face au mouvement massif de protestation des coups. Les autorités ont ordonné la des organisations syndicales était soumis Hirak, les forces de sécurité ont fait usage fermeture de neuf églises chrétiennes. Les à des restrictions injustifiées. Des d’une force injustifiée ou excessive pour forces de sécurité ont arrêté et détenu des condamnations à mort ont été prononcées ; disperser certaines manifestations et milliers de migrant·e·s venus d’Afrique aucune exécution n’a eu lieu.

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 14 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International CONTEXTE vendredis à Alger. À partir de la fin d’«atteinte à l’intégrité du territoire février, toutefois, les forces de sécurité national » simplement pour avoir pris En février a débuté le mouvement de ont fait usage à plusieurs reprises part à des manifestations ou tenu des contestation connu sous le nom de d’une force excessive ou injustifiée pancartes ou mis en ligne des photos de « Hirak » (qui signifie « mouvement » en pour disperser des manifestants pancartes2. arabe) : dans des villes de tout le pays, rassemblés pacifiquement dans la des millions d’Algériens et d’Algériennes capitale ou dans d’autres villes ; Le lancement de la campagne pour ont participé à des manifestations, elles ont ainsi utilisé des balles en l’élection présidentielle, en novembre, pacifiques dans l’immense majorité caoutchouc, du gaz lacrymogène, des a été marqué par la multiplication des des cas, pour réclamer le départ de canons à eau et des matraques. Ramzi arrestations par les forces de sécurité. toutes les personnes liées au pouvoir Yettou est mort à l’hôpital le 19 avril ; Selon des organisations locales de en place. Après 20 ans au sommet de il avait été frappé par des policiers à défense des droits humains, l’État, le président Abdelaziz Bouteflika coups de matraque une semaine plus 300 personnes au moins auraient été a démissionné de ses fonctions le 2 avril. tôt, alors qu’il rentrait chez lui après arrêtées pour la seule période allant du En mai, la police a arrêté des dizaines une manifestation. Les responsables 17 au 24 novembre3. En décembre, les de hauts responsables politiques et de de la sécurité ont régulièrement autorités ont libéré au moins 13 militants personnalités des milieux d’affaires restreint l’accès à la capitale le pacifiques. sur la base de charges de corruption ; vendredi, principalement en installant des condamnations à des peines spécialement des points de contrôle Les autorités ont interdit les activités d’emprisonnement ont été prononcées à de la gendarmerie et de la police et en de plusieurs associations, bien souvent partir de septembre. menaçant d’immobiliser les véhicules, pour des motifs liés aux manifestations notamment les bus, pénétrant dans organisées dans le cadre du Hirak. En En dépit d’une forte opposition de la la ville et d’imposer des amendes aux août, les autorités locales de Tichy, dans part du mouvement de contestation, conducteurs. le nord de l’Algérie, ont interdit la tenue le président par intérim Abdelkader d’une université d’été organisée par le Bensalah a mis en place en juillet Des policiers et des gendarmes, bien Rassemblement actions jeunesse (RAJ), un groupe de six membres chargé de souvent en civil, ont arrêté arbitrairement une association active depuis 1993 superviser un dialogue national ; en des centaines de personnes qui et qui coordonnait des activités liées septembre, il a annoncé la tenue d’une manifestaient pacifiquement, et dans aux manifestations du Hirak. Toujours élection présidentielle. Celle-ci a eu lieu de nombreux cas ont confisqué leur en août, les autorités ont interdit une le 12 décembre. téléphone afin d’empêcher la diffusion rencontre que des groupes politiques d’informations sur les événements. formant le Pacte de l’alternative Dans une résolution sur la situation À partir du mois de juin, plus de démocratique avaient prévu de tenir à des libertés en Algérie adoptée en 100 manifestants et manifestantes ont Alger afin de discuter de la situation novembre, le Parlement européen a été renvoyés devant les tribunaux pour politique du pays. invité le Service européen pour l’Action répondre de charges liées à l’expression, extérieure, la Commission européenne et pourtant pacifique, de points de vue sur Au cours de l’année, au moins les États membres à soutenir les groupes le Hirak ou d’opinions exprimées pendant 10 journalistes algérien·ne·s qui de la société civile, les défenseur·e·s des manifestations. Des dizaines d’entre couvraient les manifestations du Hirak des droits humains, les journalistes et eux ont été condamnés à des peines de ont été arrêtés, interrogés sur leur travail les manifestant·e·s, notamment par prison. et détenus pendant quelques l’organisation de visites en prison et le heures ; quatre journalistes étrangers ont suivi des procès. En juin et juillet, le ministère public a également été interpellés, puis expulsés. inculpé au moins 34 manifestants et Ahmed Benchemsi, directeur de la manifestantes pacifiques d’« atteinte à communication et du plaidoyer pour le l’intégrité du territoire national » pour la Moyen-Orient à Human Rights Watch, a LIBERTÉ D’EXPRESSION, seule raison qu’ils détenaient ou avaient été arrêté le 9 août alors qu’il observait D’ASSOCIATION brandi un drapeau amazigh lors d’une une manifestation à Alger. Il a été retenu manifestation1. En octobre et novembre, pendant 10 heures, puis expulsé du pays ET DE RÉUNION les tribunaux ont condamné au moins 10 jours plus tard. 28 de ces personnes à des peines allant Rompant avec l’interdiction de facto jusqu’à 18 mois de prison. À partir du mois de juin, les autorités des manifestations dans la capitale, qui ont régulièrement coupé l’accès aux avait cours depuis 2001, les autorités En septembre, 24 militants et militantes sites d’information indépendants Tout ont autorisé pour l’essentiel la tenue au moins ont été inculpés d’« incitation sur l’Algérie (TSA) et Algérie Part. des manifestations du Hirak tous les à un attroupement non armé » et Il s’agissait selon toute apparence

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 15 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International de censurer les informations qu’ils suite d’une arrestation il avait été frappé Les policiers ont pénétré dans l’église, communiquaient sur les manifestations. par des gendarmes, qui l’avaient ensuite brutalisé des fidèles et expulsé des lieux soumis à un simulacre de noyade, puis une quinzaine de personnes. L’église Des défenseur·e·s des droits humains lui avaient introduit de force dans la a ensuite été fermée. Le lendemain, et des responsables politiques ont bouche un chiffon imbibé d’eau de la police a posé des scellés sur deux également été pris pour cible dans Javel. Les autorités n’ont pas ordonné autres églises de la wilaya (préfecture) d’autres contextes. d’enquête sur ses allégations de torture. de Tizi Ouzou. Le 17 octobre, la police a interpellé des dizaines de personnes Le 31 mars, le militant des droits des En novembre, les militants du Hirak qui protestaient contre les mesures de minorités Kamel Eddine Fekhar, ancien Chems Eddine Brahim Lalami, Sofiane répression. Elles ont été relâchées peu président de la section de la ville de Babaci et Younes Rejal ont été frappés après. Ghardaïa de la Ligue algérienne pour la alors qu’ils étaient en détention, selon défense des droits de l’homme, a été des sources dignes de foi. À la fin de arrêté en compagnie d’un autre militant l’année, Karim Tabbou, un dirigeant de en raison d’un commentaire en ligne l’Union démocratique et sociale, était PERSONNES MIGRANTES critiquant les autorités judiciaires locales. maintenu en détention à l’isolement Kamel Eddine Fekhar a immédiatement prolongée, après avoir été arrêté en Les forces de sécurité ont arrêté et entamé une grève de la faim, qui s’est septembre pour des propos critiques à placé en détention des milliers de soldée par sa mort en détention le l’égard du chef de l’armée. migrants et migrantes venus d’Afrique 28 mai. Le ministère de la Justice a subsaharienne. Certains ont été annoncé l’ouverture d’une enquête sur ce transférés de force dans l’extrême sud de décès, mais aucune conclusion n’a par la l’Algérie, d’autres ont été expulsés vers suite été rendue publique. LIBERTÉ DE RELIGION d’autres pays. Selon une organisation ET DE CONVICTION internationale qui surveille la situation Un tribunal militaire a condamné en sur le terrain en Algérie et au Niger, près septembre Louisa Hanoune à 15 ans de 11 000 personnes ont été expulsées d’emprisonnement. La dirigeante du Parti Au moins neuf églises chrétiennes entre janvier et novembre. La plupart des travailleurs a été déclarée coupable situées dans diverses régions ont été d’entre elles venaient du Niger. de « conspiration » contre l’armée après fermées sur ordre des autorités locales qu’elle eut rencontré fin mars deux pour non-respect d’une ordonnance anciens responsables du renseignement de 2006 sur les « cultes autres que ainsi que le frère de l’ancien président musulmans » et non-conformité aux DROITS DES FEMMES Abdelaziz Bouteflika pour évoquer la normes de sécurité. situation politique dans le pays. Des organisations féministes et de Un tribunal de Mostaganem, ville défense des droits des femmes ont Les pouvoirs publics ont maintenu portuaire située dans le nord-ouest du participé au Hirak et réclamé la fin dans un vide juridique de nombreuses pays, a condamné en juin un homme de de toutes les formes de violence liée associations, dont Amnesty International confession chrétienne qui avait tenu chez au genre et l’instauration d’une plus Algérie, en n’accusant pas réception de lui une réunion de prière à une peine grande égalité entre les genres. Elles leur demande d’enregistrement soumise de prison avec sursis et une amende de ont demandé l’abrogation du Code de en application de la Loi relative aux 100 000 dinars (environ 840 dollars des la famille, dont les dispositions en associations, extrêmement restrictive. États-Unis). Dans une autre affaire, Amar matière d’héritage, de mariage, de Ait Ouali s’est vu infliger une amende divorce, de garde des enfants et de de 50 000 dinars (420 dollars environ) tutelle sont discriminatoires à l’égard pour avoir organisé un rassemblement des femmes, ainsi que la mise en TORTURE ET AUTRES religieux sur un terrain lui appartenant œuvre effective des lois adoptées ces MAUVAIS TRAITEMENTS dans un village proche d’Akbou, une dernières années, notamment la loi localité de Kabylie (région située à l’est de 2015 modifiant le Code pénal afin d’Alger), à la suite de la fermeture de d’ériger en infraction la violence à Les forces de sécurité ont infligé des l’église du village intervenue sur ordre l’égard des femmes. actes de torture et d’autres mauvais des autorités en octobre 2018. traitements à des militants, notamment Le Code pénal contenait toujours une en leur assénant des coups et en les La police a mené en octobre une « clause du pardon » qui permettait plaçant à l’isolement cellulaire. Le opération contre la plus grande église aux auteurs de viol d’échapper à une journaliste Adlène Mellah a déclaré à protestante du pays, l’église du Plein condamnation s’ils obtenaient le Amnesty International en janvier qu’à la Évangile de la ville kabyle de Tizi Ouzou. pardon de leur victime ; en outre, il ne

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 16 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International reconnaissait pas explicitement le viol vulnérabilité pour les personnes LGBTI et fédérations et confédérations syndicales conjugal comme une infraction pénale. étaient utilisées pour faire pression sur à un seul secteur d’activité, en ne elles lorsqu’elles étaient victimes d’une permettant la création de syndicats que infraction, afin qu’elles retirent leur par des personnes nées algériennes ou plainte. porteuses de cette nationalité depuis DROITS DES LESBIENNES, au moins 10 ans, et en limitant le DES GAYS ET DES En décembre, le ministre de l’Intérieur financement étranger des syndicats. en place, Salah Eddine Dahmoune, a Les autorités ont, cette année encore, PERSONNES BISEXUELLES, qualifié de « traitres », de « mercenaires refusé de reconnaître la Confédération TRANSGENRES OU » et d’« homosexuels » les manifestants générale autonome des travailleurs en INTERSEXES et manifestantes opposés à la tenue de Algérie, une confédération intersectorielle l’élection présidentielle. Ces déclarations indépendante qui demande son ont suscité une vive émotion. enregistrement depuis 2013. Les relations sexuelles entre personnes de même sexe étaient toujours érigées en infraction pénale et passibles d’une peine allant de deux mois à deux ans de prison DROITS DES TRAVAILLEUSES PEINE DE MORT – ou dans certains cas de six mois à ET TRAVAILLEURS trois ans. Un militant d’une organisation Les tribunaux ont continué de LGBTI algérienne a expliqué à Amnesty prononcer des condamnations à la International que ces dispositions du Le Code du travail continuait de peine capitale. Aucune exécution n’a Code pénal, bien que rarement mises restreindre abusivement le droit de eu lieu depuis 1993. en œuvre, créaient un sentiment de former des syndicats en cantonnant les

1 Algérie. 41 personnes ont été arrêtées pour avoir porté le drapeau amazigh, sur fond de répression de la liberté d’expression (communiqué de presse, 5 juillet 2019) 2 Algérie. Il faut mettre un terme à la vague d’arrestations résultant de la politique de répression contre les manifestations (communiqué de presse, 19 septembre 2019) 3 Algérie. Les autorités intensifient la répression à l’approche de l’élection présidentielle (communiqué de presse, 5 décembre 2019)

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 17 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International (De gauche à droite) Les défenseures saoudiennes des droits humains Loujain al Hathloul (© Marieke Wijntjes/Amnesty International), Samar Badawi (© DR) et Nassima al Sada (© DR).

sortir du pays sans l’autorisation d’un réformes, notamment la mise en place de ARABIE SAOUDITE tuteur masculin et de devenir cheffes visas de tourisme pour les ressortissants de famille ; dans d’autres domaines, de 49 pays. Royaume d’Arabie saoudite toutefois, les femmes faisaient toujours Chef de l’État et du gouvernement : Salman bin Abdulaziz face à des discriminations systématiques Amnesty International n’était toujours pas Al Saud dans la loi et dans la pratique. Elles autorisée à se rendre en Arabie saoudite. demeuraient en outre insuffisamment En janvier, l’organisation a demandé protégées contre les violences, y compris aux autorités de l’autoriser, ainsi que Les autorités ont accru la répression sexuelles. Les pouvoirs publics ont d’autres observateurs indépendants, des droits à la liberté d’expression, accordé à des centaines de milliers à rencontrer des militant·e·s détenus, d’association et de réunion. Elles d’étrangers le droit de travailler et notamment des défenseur·e·s des droits ont harcelé, placé arbitrairement en d’accéder à l’éducation et aux soins de des femmes. Des informations faisant détention et poursuivi en justice des santé, mais ont arrêté et expulsé des état de torture, de mauvais traitements et dizaines de détracteurs du gouvernement, centaines de milliers de travailleuses d’actes de harcèlement sexuel perpétrés de défenseur·e·s des droits humains – et et travailleurs migrants en situation contre au moins 10 militant·e·s privés notamment des droits des femmes –, irrégulière. Ceux-ci étaient en butte à de liberté avaient été reçues. Amnesty de membres de la minorité chiite et de des violations du droit du travail et des International n’a reçu aucune réponse proches de militant·e·s. Des militants pratiques d’exploitation au travail de la des autorités. Les rapporteurs spéciaux et des religieux chiites étaient toujours part de leurs employeurs et risquaient des Nations unies sur les droits de jugés par un tribunal antiterroriste pour d’être torturés lorsqu’ils étaient détenus l’homme des migrants et sur la situation avoir exprimé des opinions dissidentes. par des agents de l’État. Les membres de des défenseurs des droits de l’homme Les autorités faisaient un très large usage la minorité chiite faisaient toujours face ont envoyé aux autorités saoudiennes un de la peine de mort pour toute une série à des pratiques discriminatoires bien rappel de demande de visite dans le pays de crimes, notamment des infractions ancrées. pour 2019. Ils n’ont semble-t-il reçu liées aux stupéfiants ; elles ont procédé à aucune réponse1. des dizaines d’exécutions. Des personnes – pour la plupart des membres de la Aux côtés de Bahreïn, de l’Égypte et des minorité chiite du pays – ont été CONTEXTE Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite exécutées à l’issue de procès d’une était toujours membre de la coalition qui iniquité flagrante. Les autorités ont L’Arabie saoudite a pris en décembre la imposait des sanctions économiques et procédé à d’importantes modifications du présidence du G20, dont la prochaine politiques au Qatar. système répressif de tutelle masculine et réunion doit se tenir dans la capitale, introduit notamment la possibilité pour Riyadh, en novembre 2020. Les autorités L’Arabie saoudite a continué de codiriger les femmes d’obtenir un passeport, de avaient annoncé auparavant plusieurs la coalition intervenant au Yémen voisin,

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 18 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International qui est impliquée dans des crimes de locaux, ces 10 personnes auraient été inculpation, faisaient l’objet d’une guerre et d’autres violations graves du remises en liberté sans inculpation. procédure judiciaire ou purgeaient une droit international (voir Yémen). En peine d’emprisonnement. septembre, des installations de la Les autorités ont continué de renvoyer compagnie pétrolière Aramco à Abqaïq, des personnes devant le Tribunal pénal Après plus d’un an de détention, dans la province de l’Est, ont été la cible spécial, une juridiction antiterroriste, 11 militantes, parmi lesquelles les d’une attaque commise au moyen de pour des chefs liés à l’expression, défenseures des droits humains Loujain drones et revendiquée par les Houthis du pourtant pacifique, d’opinions, parfois al Hathloul, Iman al Nafjan et Aziza Yémen. La production de pétrole du pays passibles de la peine de mort. C’est al Yousef, ont été renvoyées devant le a été réduite de moitié pendant plusieurs le cas du dignitaire religieux Salman Tribunal pénal spécial, à Riyadh, en semaines. al Awda, maintenu arbitrairement en mars 2019. Deux autres militantes des détention depuis septembre 2017 et droits des femmes, Samar Badawi et contre lequel le ministère public a requis Nassima al Sada, ont comparu trois la peine capitale ; il est accusé, entre mois plus tard, en juin2. Les diplomates LIBERTÉ D’EXPRESSION, autres, d’appartenir à l’organisation des et les journalistes n’ont pas pu assister D’ASSOCIATION Frères musulmans et d’avoir appelé à aux audiences, qui se sont tenues à des réformes au niveau de l’État et des huis clos. Plusieurs militantes étaient ET DE RÉUNION changements de régime dans les pays du sous le coup d’une inculpation pour monde arabe. être entrées en contact avec la presse Les autorités ont intensifié la répression étrangère, avec d’autres militant·e·s et des droits à la liberté d’expression, Le gouvernement ne tolérait toujours avec des organisations internationales, d’association et de réunion, notamment pas la formation de partis politiques, de dont Amnesty International. Certaines en ce qui concerne l’expression des syndicats et de groupes indépendants ont également été inculpées d’avoir fait opinions en ligne. Elles ont harcelé, de défense des droits humains. campagne pour les droits des femmes placé arbitrairement en détention et Des personnes qui avaient créé des et pour l’abandon du système de tutelle poursuivi en justice des détracteurs du organisations de défense des droits masculine. Huit des 13 militantes ont été gouvernement, des défenseur·e·s des humains non autorisées ou en avaient remises en liberté provisoire en 2019, droits humains – et notamment des été membres ont été poursuivies et mais les cinq citées ci-dessus ont été droits des femmes –, des membres de emprisonnées. Tous les rassemblements, maintenues en détention ; toutes étaient la minorité chiite et des proches de y compris les manifestations pacifiques, toujours poursuivies en justice à la fin de militant·e·s. demeuraient interdits aux termes d’un l’année. arrêté pris en 2011 par le ministère de En avril, elles ont arrêté arbitrairement l’Intérieur. Les autorités ont poursuivi leur pratique 14 personnes qui soutenaient, pourtant consistant à maintenir arbitrairement pacifiquement, le mouvement de en détention des défenseur·e·s des défense des droits des femmes et droits humains pendant des périodes les femmes défenseures des droits Défenseures et défenseurs prolongées sans les inculper ni les humains. Parmi les personnes arrêtées des droits humains faire comparaître devant un juge. se trouvaient notamment Salah al Arrêté en mai 2018, Mohammed Haidar, fils d’Aziza al Yousef, qui al Bajadi, membre fondateur de était toujours poursuivie par la justice Les autorités ont cette année encore l’Association saoudienne des droits en raison de son travail en faveur arrêté, poursuivi et emprisonné des civils et politiques, restait détenu sans des droits des femmes ; Abdullah al défenseur·e·s des droits humains en inculpation ni procès. Duhailan, journaliste et romancier, raison de leurs activités pacifiques défenseur de la cause palestinienne ; et de leur action en faveur des droits En juillet, Mohammad al Otaibi, qui et Fahad Abalkhail, qui soutenait humains, aux termes, entre autres, de purgeait déjà une peine de 14 ans la campagne Women to Drive (pour la Loi de lutte contre le terrorisme et d’emprisonnement en raison de son le droit des femmes à conduire). de la Loi relative à la lutte contre la action en faveur des droits humains, Ces personnes étaient toujours en cybercriminalité, qui rend passible de a été renvoyé devant le Tribunal pénal détention sans inculpation ni jugement sanctions pénales la critique en ligne spécial pour y répondre de nouveaux à la fin de l’année. En novembre les des politiques et des pratiques du chefs liés au fait qu’il avait communiqué autorités ont maintenu arbitrairement gouvernement ainsi que l’expression avec des organisations internationales en détention pendant une semaine au de commentaires sur l’actualité. À et cherché à obtenir l’asile politique en moins 10 hommes et femmes, dont la fin de l’année, pratiquement tous 2017. Il était toujours poursuivi pour des chefs d’entreprise, des écrivains et les défenseur·e·s des droits humains ces nouvelles charges à la fin des intellectuels. Selon des militants d’Arabie saoudite étaient détenus sans de l’année 2019.

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 19 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Détracteurs et détractrices à leur sujet. Parmi les personnes visées trouvait Abdulkareem al Hawaj, un jeune figurait Omar Abdulaziz, un opposant chiite qui n’avait que 16 ans au moment du gouvernement à 5 l’étranger saoudien bien connu qui vit au Canada. de son arrestation . Des jeunes qui étaient âgés de moins En septembre, un an après l’exécution de 18 ans à l’époque des faits qui extrajudiciaire du journaliste saoudien PEINE DE MORT leur étaient reprochés figuraient parmi Jamal Khashoggi au consulat d’Arabie les personnes sous la menace d’une saoudite à Istanbul, le prince héritier a Les tribunaux ont continué d’imposer exécution à la fin de l’année. Certaines déclaré assumer, « en tant que dirigeant », la peine de mort pour un large éventail de ces condamnations à mort avaient toute la responsabilité de l’homicide. En de crimes, et des dizaines d’exécutions semble-t-il été prononcées uniquement décembre, le parquet a annoncé que huit ont eu lieu ; les exécutions de personnes sur la base d’« aveux » qui, selon les personnes soupçonnées d’implication condamnées pour des infractions à accusés, avaient été obtenus par la dans cet assassinat avaient été la législation sur les stupéfiants ou torture ou d’autres mauvais traitements. condamnées – cinq à la peine capitale dans des affaires de terrorisme ont et trois à une peine d’emprisonnement. augmenté. Dans l’ensemble, les autorités Dans bien des cas, les autorités ne Les autorités ont autorisé des diplomates saoudiennes ne respectaient pas les prévenaient pas les familles des à assister à l’ensemble du procès, qui normes internationales en matière condamné·e·s de l’imminence de s’est ouvert en janvier, mais en ont d’équité des procès et de protection l’exécution, ou du fait qu’elle venait interdit l’accès aux journalistes et au des accusé·e·s passibles de la peine d’avoir lieu. Les familles des hommes grand public et n’ont pas communiqué de mort. Souvent, ces affaires étaient chiites mis à mort le 23 avril n’ont appris d’informations sur la procédure ; elles jugées en secret dans le cadre de que leurs proches avaient été exécutés ont de ce fait empêché toute observation procédures sommaires, sans que la qu’au moment où les autorités l’ont indépendante3. personne accusée puisse bénéficier annoncé publiquement, un peu plus d’une assistance ou d’une représentation tard dans la journée. Les autorités, en L’Arabie saoudite n’a pas coopéré à juridiques ni, le cas échéant, de services outre, ne restituaient pas aux familles les l’enquête sur ce meurtre lancée par la d’interprétation, au cours des différentes dépouilles des personnes exécutées, et rapporteuse spéciale des Nations unies sur phases de sa détention et de son procès. ne communiquaient pas d’informations les exécutions extrajudiciaires, sommaires Les sentences capitales étaient dans bien sur le lieu où le corps avait été inhumé. ou arbitraires. Cette enquête a conclu, en des cas fondées sur des « aveux » dont juin, que Jamal Khashoggi avait été victime les accusés affirmaient qu’ils avaient été d’une exécution extrajudiciaire délibérée obtenus sous la torture. et préméditée, dont l’Arabie saoudite DROITS DES FEMMES était responsable. La rapporteuse spéciale Trente-sept Saoudiens ont été exécutés le a constaté qu’il existait des preuves 23 avril. Ils avaient été condamnés dans Les autorités ont annoncé en août crédibles, justifiant un complément le cadre de diverses procédures devant une modification profonde du système d’enquête, de la responsabilité individuelle le Tribunal pénal spécial. La plupart discriminatoire de tutelle masculine. Ces de hauts responsables saoudiens, étaient des musulmans chiites déclarés réformes, dont il convient de se réjouir, notamment celle présumée du prince coupables à l’issue de procès d’une étaient attendues de longue date. Les héritier d’Arabie saoudite. Le rapport iniquité flagrante au cours desquels ont nouvelles dispositions permettaient, entre a aussi révélé des violations commises été utilisés des « aveux » qui auraient autres, aux femmes âgées de plus de par les autorités saoudiennes et par été obtenus sous la torture. Onze de 21 ans de demander et d’obtenir un des acteurs non étatiques liés à ces ces hommes avaient été condamnés passeport et de sortir du pays sans autorités contre d’autres opposant·e·s pour espionnage au profit de l’Iran. Au l’autorisation d’un tuteur ; aux femmes à l’étranger – enlèvements, disparitions moins 15 autres avaient été déclarés âgées de plus de 18 ans de déclarer la forcées, menaces, harcèlement et coupables d’actes violents liés à leur naissance d’un enfant, la mort d’un proche surveillance électronique – et des menaces participation à des manifestations contre et leur propre mariage ou divorce, ainsi psychologiques visant les familles de le gouvernement organisées dans la que de demander et obtenir un livret de militant·e·s détenus4. province de l’Est, à majorité chiite, en famille ; et à toutes les femmes d’exercer la 2011 et 2012. Ils avaient été maintenus fonction de cheffe de famille. Bien que ces En novembre, deux anciens employés de en détention provisoire prolongée et réformes aient aligné les droits reconnus Twitter ont été inculpés par des procureurs avaient déclaré au tribunal que des aux femmes sur ceux des hommes dans fédéraux des États-Unis d’espionnage pour actes de torture et d’autres mauvais ces domaines, et assoupli les principales le compte de l’Arabie saoudite, pour avoir traitements leur avaient été infligés restrictions qui pesaient sur leur droit à accédé aux comptes d’opposants utilisant pendant leurs interrogatoires dans le la liberté de circulation, elles n’ont pas Twitter afin de recueillir des informations but de les faire « avouer ». Parmi eux se aboli le système de tutelle6. Les nouvelles

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 20 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International dispositions ne permettaient pas aux ouvraient aux intéressé·e·s l’accès au divers endroits du pays ; des personnes femmes de se marier sans l’autorisation travail, à l’éducation et aux soins de ont déclaré qu’elles avaient été frappées, d’un tuteur ou de donner à leurs enfants santé. L’Arabie saoudite continuait entravées collectivement par des chaînes l’autorisation de se marier. Les femmes et toutefois de refuser aux personnes dans des cellules surpeuplées et privées les filles étaient toujours en butte à des demandeuses d’asile l’accès à une de nourriture et d’eau. discriminations systématiques en droit et procédure équitable de détermination du en pratique dans d’autres domaines, tels statut de réfugié. Selon des informations parues dans que le mariage, le divorce, l’héritage et la la presse, plus de 900 employées possibilité de transmettre la nationalité à Parallèlement, les autorités ont poursuivi domestiques bangladaises qui leurs enfants. leur politique de répression contre les travaillaient en Arabie saoudite sont migrant·e·s en situation irrégulière. En rentrées dans leur pays en 2019. Plus Les femmes et les filles restaient novembre, le ministère de l’Intérieur a de 100 d’entre elles venaient d’un foyer insuffisamment protégées contre les annoncé que, au cours des deux années en Arabie saoudite où elles avaient violences, sexuelles entre autres. Celles précédentes, environ 4,1 millions de trouvé refuge après avoir dénoncé leur qui s’étaient réfugiées dans un foyer après personnes avaient été arrêtées et plus employeur pour mauvais traitements avoir subi des violences domestiques d’un million avaient été expulsées du physiques, psychologiques et sexuels. devaient toujours obtenir l’autorisation d’un pays, dans le cadre d’une campagne D’autres ont déclaré avoir été soumises tuteur pour quitter les lieux. visant les migrants accusés d’infractions au travail forcé sans être payées. à la législation et à la réglementation en En janvier, le Conseil consultatif a matière de séjour, de sécurité des frontières approuvé des dispositions réglementaires et de travail. Pour la seule année 2019, sur le mariage précoce interdisant les plus de deux millions de travailleuses et DISCRIMINATION – contrats de mariage pour les filles et les travailleurs étrangers ont été arrêtés et LA MINORITÉ CHIITE garçons de moins de 15 ans. Le projet de quelque 500 000 ont été expulsés. texte prévoyait aussi que les demandes de certificat médical concernant Les 11 millions de travailleuses et Les musulmans chiites étaient toujours l’évaluation de la maturité des personnes travailleurs migrants qui vivaient en en butte à des discriminations en raison âgées de moins de 18 ans en vue du Arabie saoudite étaient toujours soumis de leur foi, ce qui restreignait leur mariage, ainsi que les demandes de au système de parrainage (kafala), qui les droit à l’expression de leurs convictions mariage en elles-mêmes, devaient être laissait largement sous l’emprise de leur religieuses ainsi que leur accès à la examinées par un tribunal spécialisé. employeur. Ils ne pouvaient quitter le pays justice, aux services publics et à un ou changer d’emploi sans avoir obtenu certain nombre de professions du secteur l’autorisation de leur employeur, ce qui public. les rendait plus vulnérables aux pratiques DROITS DES PERSONNES abusives et à l’exploitation au travail. Plusieurs militants chiites accusés MIGRANTES Beaucoup de travailleuses et travailleurs d’avoir apporté leur soutien ou participé migrants basculaient dans l’illégalité car à des manifestations intervenues leur employeur ne renouvelait pas leur dans la province de l’Est, ou d’avoir Les autorités ont annoncé en octobre titre de séjour ou portait plainte contre exprimé des opinions critiques sur le qu’elles avaient accordé la nationalité eux parce qu’ils s’étaient enfuis. gouvernement, ont été poursuivis en à plus de 50 000 personnes et à leur justice et condamnés à des peines famille, et délivré des papiers d’identité Selon un rapport de Human Rights Watch, d’emprisonnement ; certains étaient à plus de 800 000 personnes entrées en des travailleuses et travailleurs migrants en cours de procès et risquaient la Arabie saoudite « à la suite de troubles éthiopiens interpellés pour infraction peine de mort. D’autres, condamnés les politiques, économiques et sociaux au droit du travail ont été torturés et années précédentes à l’issue de procès dans leur pays d’origine ». Ces papiers maltraités dans des lieux de détention en inéquitables, ont été exécutés.

1 Arabie saoudite. Un accès doit être donné de toute urgence à des observateurs indépendants au regard des nouvelles informations faisant état de tortures à l’encontre de militants (nouvelle, 25 janvier 2019) 2 Arabie saoudite. Des militantes devant la justice (MDE 23/0057/2019) 3 : Joint Open Letter to States Monitoring the Khashoggi trial (MDE 23/0157/2019) 4 Arabie saoudite. Les conclusions de l’ONU sur le meurtre de Jamal Khashoggi soulignent la nécessité d’une enquête indépendante afin de dévoiler la vérité (nouvelle, 19 juin 2019) 5 Arabie saoudite. 37 condamnés mis à mort dans une frénésie d’exécutions (nouvelle, 23 avril 2019) 6 Arabie saoudite. Les réformes portant sur les droits des femmes doivent s’accompagner de la libération des militant·e·s détenu·e·s (nouvelle, 2 août 2019)

20 LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 21 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International L’avocate et militante des droits humains Mahienour el Masry, qui a été arrêtée le 22 septembre 2019 à sa sortie du bâtiment abritant les services du procureur général de la sûreté de l’État, dans le Grand Caire. Elle était là pour représenter un avocat spécialiste des droits humains placé en détention. À la fin de 2019, elle était toujours en détention provisoire sur la base d’accusations de « terrorisme » dénuées de tout fondement. © Alaa Elkamhawi

d’imposer de sévères restrictions à la détention étaient toujours très difficiles, ÉGYPTE liberté d’association des organisations ce qui a donné lieu à des mouvements de défense des droits humains et des massifs de grève de la faim. Les femmes République arabe d’Égypte partis politiques. Des modifications de continuaient de subir des discriminations Chef de l’État : Abdel Fattah al Sissi la Constitution ont étendu la possibilité dans la législation et dans la pratique. Chef du gouvernement : Moustafa Madbouli pour les juridictions militaires de Les autorités ne protégeaient pas les poursuivre des civils et compromis femmes contre les violences sexuelles et l’indépendance des magistrats. À la suite les violences liées au genre, qui étaient Les autorités ont mis en œuvre tout des manifestations du 20 septembre, extrêmement répandues. Des personnes un éventail de mesures répressives le service du procureur général de la lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres contre les contestataires ou opposants sûreté de l’État a ordonné le placement ou intersexes (LGBTI) placées en supposés, en particulier après les en détention de milliers de personnes détention ont été soumises de force manifestations contre le président du dans le cadre d’enquêtes ouvertes sur la à des examens anaux et des examens 20 septembre. Disparitions forcées, base de chefs de « terrorisme » définis en de détermination du sexe invasifs. Des arrestations massives, torture et autres des termes vagues. De nombreux procès dizaines de travailleuses et travailleurs mauvais traitements, usage excessif de se sont tenus devant des tribunaux et de militant·e·s syndicaux ont été la force et mesures probatoires sévères d’exception dans le cadre de procédures arbitrairement arrêtés et poursuivis pour figuraient au nombre des moyens utilisés. d’une flagrante iniquité ; certains ont avoir exercé leur droit de faire la grève et Les forces de sécurité ont arrêté et placé débouché sur des condamnations à mort. de manifester. Les autorités ont restreint arbitrairement en détention au moins Les exécutions se sont poursuivies. La le droit des chrétiens de pratiquer leur 20 journalistes pour la seule raison qu’ils torture restait une pratique courante foi en fermant 25 églises au moins et avaient exprimé, pourtant pacifiquement, dans les lieux de détention officiels en ne délivrant pas les autorisations leurs opinions. Les autorités ont continué et non officiels. Les conditions de nécessaires pour construire ou réparer

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 22 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International plusieurs milliers d’autres édifices Les États membres ont formulé de chefs liés au « terrorisme » – la plus chrétiens. Des personnes réfugiées, 373 recommandations. vaste enquête pénale ouverte à la suite demandeuses d’asile ou migrantes ont d’une manifestation dans l’histoire de été arbitrairement arrêtées et placées en L’Égypte est restée membre de la l’Égypte. Au Caire et à Alexandrie, des détention pour entrée irrégulière sur le coalition dirigée par l’Arabie saoudite et policiers ont interpellé des personnes au territoire égyptien ou sortie illégale du les Émirats arabes unis dans le cadre du hasard et leur ont ordonné de remettre pays. conflit armé au Yémen. Elle était toujours leur téléphone portable ou de montrer aussi, aux côtés de l’Arabie saoudite, de leurs comptes sur les réseaux sociaux ; Bahreïn et des Émirats arabes unis, dans dans certains cas les personnes ont été la coalition qui imposait des sanctions arrêtées. CONTEXTE économiques et politiques au Qatar.

Le Parlement a adopté en avril des modifications de la Constitution portant LIBERTÉ D’EXPRESSION à six ans la durée du mandat présidentiel LIBERTÉ DE RÉUNION (au lieu de quatre actuellement). Cette PACIFIQUE Les forces de sécurité ont arrêté et placé nouvelle disposition, approuvée par arbitrairement en détention au moins référendum, permettra au président al 20 journalistes pour la seule raison qu’ils Sissi de rester au pouvoir jusqu’en 2030 Face aux manifestations pacifiques de avaient exprimé, pourtant pacifiquement, s’il remporte la prochaine élection. Les mars, septembre et octobre, les autorités leurs opinions. autorités ont prolongé tous les trois mois ont utilisé la force de manière illégale, l’état d’urgence en vigueur depuis avril procédé à des arrestations arbitraires Parmi eux figuraient Sayed Abdellah et 2017, contournant ainsi la limite de six massives, fermé des routes de façon Mohammed Ibrahim, ce dernier étant le mois imposée par la Constitution. disproportionnée et fait usage de la fondateur d’un blog bien connu, Oxygen censure. . Les deux hommes ont été placés Le gouvernement a supprimé en juillet arbitrairement en détention en septembre les subventions sur le carburant. En mars, des dizaines de protestataires pour avoir mis en ligne des vidéos et Une enquête statistique officielle a et de simples passant·e·s ont été arrêtés des informations sur les manifestations conclu que 32,5 % des Égyptiens et lors d’un mouvement spontané intervenu contre le président. Égyptiennes vivaient au-dessous du seuil après le déraillement d’un train qui a de pauvreté, soit près de 5 % de plus fait au moins 27 morts dans le centre du Le 23 novembre, des membres des forces qu’en 2015. Caire. Un grand nombre des personnes de sécurité ont arrêté arbitrairement arrêtées lors de cet épisode se trouvaient Shady Zalat à son domicile. Le directeur En septembre, un ancien entrepreneur toujours en détention provisoire à la fin de la rédaction du site d’information ayant travaillé pour l’armée, Mohammed de l’année. indépendant Mada Masr a été privé de Ali, a publié des vidéos accusant le liberté pendant presque deux jours. Le chef de l’État et l’armée de corruption En réaction aux manifestations du lendemain, les forces de sécurité ont et appelant à descendre dans la rue. À 20 septembre, les autorités ont déployé mené une opération dans les locaux de la suite de ces appels, des centaines de une force excessive, coupé des routes Mada Masr et détenu pendant une courte personnes ont manifesté le 20 septembre et fermé des stations de métro dans le période 16 membres du personnel. au Caire, la capitale, ainsi qu’à centre du Caire ; elles ont en outre arrêté Le 26 novembre, les journalistes Solafa Alexandrie, la deuxième ville du pays et 4 000 personnes au moins. Il s’agissait Magdy, Hossam El Sayed et Mohamed dans d’autres villes. de la plus grande vague d’arrestations Salah ont été arrêtés, puis placés en depuis l’arrivée au pouvoir du président détention provisoire dans le cadre d’une Les attaques de groupes armés se sont Abdel Fattah al Sissi1. Les autorités enquête sur la base de charges liées au poursuivies de manière sporadique dans ont interpellé en bloc des centaines « terrorisme2 ». le Sinaï, à une fréquence moindre que de manifestant·e·s pacifiques – y les années précédentes. Sept personnes compris des enfants – et, de manière Les autorités ont ajouté les sites web ont été tuées et 26 autres blessées en plus ciblée, des avocat·e·s spécialisés des organismes de radiodiffusion et de avril dans un attentat-suicide à la bombe dans la défense des droits humains, télévision BBC et Alhurra sur la liste des perpétré dans un marché de la ville de des journalistes, des militant·e·s et 513 sites déjà bloqués en Égypte, où Sheikh Zuweid. des responsables politiques. Au moins figuraient notamment ceux d’organes 3 715 personnes parmi celles qui d’information et d’organisations de Le troisième Examen périodique universel avaient été arrêtées ont été placées en défense des droits humains. de l’Égypte s’est tenu le 13 novembre détention provisoire et se trouvaient au Conseil des droits de l’homme [ONU]. sous le coup d’une enquête sur la base

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 23 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International LIBERTÉ D’ASSOCIATION droits humains ont été la cible de plus en qui se fondaient sur des rapports de plus fréquente d’arrestations, d’actes de l’Agence de sécurité nationale. Dans bien Les autorités ont continué d’imposer torture et d’autres mauvais traitements, des cas, les avocats ont été empêchés de sévères restrictions à la liberté de détention prolongée et d’enquêtes de représenter correctement leurs clients ; d’association des organisations de pénales. certains ont été enlevés ou arrêtés. De défense des droits humains et des partis tels actes remettaient gravement en politiques. Le 22 septembre, les forces de sécurité cause le droit à une procédure régulière. ont arrêté l’avocate et militante des Dans cinq affaires au moins, le service Les formations politiques se heurtaient droits humains Mahienour el Masry à sa du procureur général de la sûreté de à des restrictions arbitraires de leurs sortie des locaux du service du procureur l’État a contourné la décision d’un activités, notamment l’organisation général de la sûreté de l’État, dans le tribunal de remettre un suspect en liberté d’événements publics ; les arrestations Grand Caire, où elle était venue assister en émettant un nouveau mandat d’arrêt parmi leurs membres se sont accrues. un confrère placé en détention. La fondé sur des charges analogues. Des responsables politiques de premier semaine suivante, Mohamed el Baqer, plan, tels que Zyad el Elaimy, Hisham avocat et directeur du Centre Adalah Le recours très fréquent à des tribunaux Fouad et Hossam Moanis, ont été arrêtés pour les droits et les libertés, a été arrêté d’exception, notamment des chambres dans le but de les empêcher de fonder et soumis à des mauvais traitements spéciales pour les affaires de terrorisme, une coalition en vue des élections après avoir assisté un militant détenu. des tribunaux militaires et des cours de législatives de 20203. En septembre et Quelques jours plus tard, des policiers en sûreté de l’État, est allé de pair avec en octobre, la police a arrêté plusieurs civil ont enlevé la journaliste et militante la tenue de procès inéquitables. Les membres de cinq formations politiques, des droits humains Esraa Abdelfattah, autorités ont ramené à quatre le nombre dont Khaled Dawoud, ancien secrétaire l’ont emmenée dans un lieu inconnu et de chambres chargées des affaires de général du Parti de la Constitution, après l’ont torturée. Ces trois personnes étaient terrorisme (contre neuf auparavant), mais que ces partis eurent appelé les autorités toujours en détention provisoire à la fin celles-ci ont néanmoins condamné des à respecter le droit de réunion. de 2019 et faisaient l’objet d’accusations dizaines de prévenus dans des affaires infondées liées au « terrorisme ». entachées d’allégations de disparition Le président a promulgué en août forcée et de torture et dans lesquelles une nouvelle loi sur les ONG. Le texte la responsabilité pénale de la personne maintenait les dispositions les plus concernée n’était bien souvent pas dures de la loi de 2017 qu’il remplaçait, PROCÈS INÉQUITABLES correctement établie. Les tribunaux notamment celles donnant aux autorités ont continué de prolonger la détention des pouvoirs étendus pour dissoudre des Des modifications de la Constitution de suspects lorsque le service du organisations indépendantes de défense adoptées en avril ont étendu la procureur général de la sûreté de l’État le des droits humains et sanctionnant possibilité pour les tribunaux militaires demandait, dans certains cas au-delà de pénalement des activités légitimes de poursuivre des civils. En octroyant au la limite de deux ans prévue par la loi. En menées par les ONG4. président des pouvoirs supplémentaires octobre, une chambre spécialisée dans de nomination à la tête des organes les affaires de terrorisme a prononcé la judiciaires, les nouvelles dispositions peine capitale contre six accusés ; huit compromettaient aussi l’indépendance autres personnes ont été condamnées à DÉFENSEURES de la justice. Elles consacraient en outre la réclusion à perpétuité et 12 autres, ET DÉFENSEURS l’impunité des membres des forces dont deux mineurs délinquants, à 10 ans armées. d’emprisonnement. Les accusés avaient DES DROITS HUMAINS été soumis à une disparition forcée et ont À la suite des manifestations du déclaré avoir été torturés. L’« Affaire 173 », une enquête pénale sur 20 septembre, le service du procureur les activités et le financement de certaines général de la sûreté de l’État – une Les tribunaux ont par ailleurs imposé organisations de défense des droits antenne spéciale du parquet chargée de des mesures probatoires répressives à humains, lancée pour des considérations mener les enquêtes sur les menaces à la des dizaines de personnes, notamment politiques contre des membres du sécurité nationale – a ordonné le placement des prisonniers et prisonnières d’opinion personnel de ces ONG, était toujours en détention de plusieurs milliers de condamnés à l’issue de procès en cours. Au moins 31 employé·e·s personnes, dont au moins 111 enfants, inéquitables, afin de les punir après leur d’organisations de la société civile étaient dans le cadre d’une enquête pour des remise en liberté et de les empêcher de toujours interdits de sortie du pays. chefs de « terrorisme » définis en des mener des activités politiques – en leur termes vagues5. Ni les personnes mises imposant de passer jusqu’à À la suite des manifestations du en cause ni leurs avocats n’ont été 12 heures par jour au poste de police. Au 20 septembre, les défenseur·e·s des autorisés à examiner les accusations, moins quatre personnes précédemment

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 24 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International détenues arbitrairement ont été arrêtées de la sûreté de l’État n’a pas ouvert CONDITIONS DE DÉTENTION de nouveau alors qu’elles étaient au d’enquête sur ses allégations de torture et poste de police pour s’acquitter de de disparition forcée. Un peu partout dans le pays régnaient leurs obligations au titre de la mise à des conditions de détention inhumaines : l’épreuve. Le blogueur et militant Alaa cellules surpeuplées, insalubres et mal Abd El a ainsi été arrêté de nouveau dans aérées, placement à l’isolement pendant un commissariat de police du Caire le TORTURE ET AUTRES de longues périodes et privation du droit 29 septembre. Le service du procureur MAUVAIS TRAITEMENTS de visite. Des personnes perçues comme général de la sûreté de l’État a ordonné critiques à l’égard du gouvernement son placement en détention provisoire ont été détenues à l’isolement de façon dans le cadre d’une enquête pour des La torture restait une pratique courante prolongée et privées de soins médicaux, charges liées au « terrorisme ». dans les lieux de détention officiels une situation constitutive de torture. et non officiels. Les auteurs présumés Parmi elles se trouvait Aisha al Shater, d’actes de torture ne faisaient l’objet de maintenue à l’isolement depuis son poursuites de la part des autorités que arrestation en novembre 2018 ; selon PEINE DE MORT dans de rares cas. les informations recueillies par Amnesty International, elle a été frappée et Les tribunaux, notamment les tribunaux Après avoir été de nouveau arrêté le soumise à des décharges électriques militaires et les chambres chargées des 29 septembre, le blogueur Alaa Abdel après son interpellation. Elle était affaires de terrorisme, ont prononcé Fattah a été transféré dans la tristement gravement malade à la fin de l’année8. des condamnations à mort contre célèbre prison de haute sécurité n° 2 de Quelque 130 détenus de la prison d’al des hommes et des femmes à l’issue Tora, dans le sud du Grand Caire. Là, Aqrab ont mené une grève de la faim de procès collectifs inéquitables. La des gardiens lui ont bandé les yeux, l’ont en juillet pour protester contre leurs Haute Cour militaire d’appel et la déshabillé, l’ont frappé et roué de coups conditions de détention, et notamment Cour de cassation ont confirmé des de pied, et l’ont insulté7. le fait qu’ils étaient privés du droit de condamnations à mort. Des exécutions visite depuis des années9. Des dizaines se sont tenues par la suite6. En février, Hossam Hamad est mort à la prison de personnes sont mortes dans des lieux par exemple, 15 hommes condamnés d’al Aqrab en août. Le parquet n’a de détention, dans certains cas semble-t- dans trois procès distincts liés à pas enquêté sur les allégations selon il du fait des mauvaises conditions dans l’assassinat de responsables publics ont lesquelles il avait été torturé. lesquelles elles étaient maintenues. été exécutés. Des « aveux » obtenus sous la contrainte avaient été utilisés pendant Des événements nouveaux sont Après plusieurs années de détention les procès, qui avaient aussi été entachés intervenus dans des affaires en cours. En à l’isolement et de soins médicaux d’allégations de disparition forcée et de février, un tribunal de Sohâg a condamné insuffisants, l’ancien président Mohamed torture. à trois ans d’emprisonnement trois Morsi est mort en juin pendant une policiers reconnus coupables d’avoir, en audience au tribunal. La rapporteuse 2016, torturé et tué le détenu Mohamed spéciale de l’ONU sur les exécutions Saleh. Un médecin s’est vu infliger extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires DISPARITIONS FORCÉES une peine d’un an d’emprisonnement a estimé que sa mort pourrait avoir dans cette affaire pour avoir couvert les été causée directement par le régime Plusieurs centaines d’opposant·e·s ont faits. En octobre, le ministère public a carcéral auquel il a été soumis en subi une disparition forcée, d’une durée renvoyé devant les tribunaux 10 policiers Égypte. variable (jusqu’à 183 jours). Selon la qui devront répondre d’actes de torture Commission égyptienne des droits et des perpétrés sur le vendeur de rue Magdy libertés, 710 personnes au moins ont Maken, mort en 2016 au poste de police été soumises à une disparition forcée en d’Ameriya, au Caire. En novembre, la DROITS DES FEMMES 2019. Parmi elles se trouvait Ibrahim Ezz Cour de cassation a confirmé la peine de el Din, chercheur sur le droit au logement trois ans d’emprisonnement prononcée Les femmes continuaient de subir des pour cette Commission. Arrêté le contre six policiers reconnus coupables discriminations dans la législation et 11 juin, il a réapparu devant les locaux d’avoir torturé à mort un détenu en dans la pratique. du service du procureur général de la 2016. En décembre, le tribunal pénal sûreté de l’État le 26 novembre. L’Agence du Caire a condamné à trois ans Les violences contre les femmes de sécurité nationale a affirmé qu’il avait d’emprisonnement neuf policiers déclarés demeuraient très répandues. Les été arrêté la veille. Ibrahim Ezz el Din a coupables d’avoir torturé et tué Hussein autorités ne faisaient pas le nécessaire déclaré avoir été torturé par les forces de Farghali au poste de police de Wayli, au pour empêcher ces actes, n’enquêtaient sécurité. Le service du procureur général Caire, en 2016. pas de manière appropriée sur les

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 25 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International cas et n’en sanctionnaient pas les dans un hôpital public, où elle s’est vu LIBERTÉ DE RELIGION auteurs. Elles continuaient par ailleurs infliger d’autres violences sexuelles par le ET DE CONVICTION de bafouer le droit des victimes au personnel médical10. respect de leur vie privée au moment du signalement des faits et pendant la Les autorités continuaient de procédure judiciaire. Il arrivait que la restreindre, dans la législation et dans police contraigne la victime venue porter DROITS DES TRAVAILLEUSES la pratique, le droit des chrétiens de plainte à passer la nuit au commissariat, ET TRAVAILLEURS pratiquer leur culte. En vertu d’une loi ou refuse de prendre sa plainte. de 2016, il fallait obtenir l’autorisation Plusieurs cas ont été signalés dans des pouvoirs publics, notamment des lesquels les policiers ont demandé à Le Parlement a modifié en août la organes de sécurité, pour construire et une femme désirant porter plainte pour loi de 2017 sur les syndicats, qui rénover des églises. Selon l’Initiative violences sexuelles de se soumettre à porte atteinte au droit de faire grève égyptienne pour les droits de la un test de virginité. Dans l’une des rares et de constituer des organisations personne, moins de affaires de violences sexuelles ayant syndicales indépendantes. Les 200 églises ont été pleinement donné lieu à l’ouverture d’une enquête, nouvelles dispositions prévoyaient reconnues légalement, sur les trois hommes soupçonnés du viol d’une un seuil plus bas en ce qui concerne 5 540 qui en avaient fait la jeune femme de 17 ans, commis à le nombre d’adhérents requis pour demande ; 1 412 ont par ailleurs reçu Farshout, dans le sud du pays, ont été la constitution d’un syndicat ; en une autorisation préliminaire sous arrêtés par la police. outre, la peine d’emprisonnement conditions. Faisant valoir l’absence prévue auparavant pour sanctionner de statut légal ou bien une prétendue les infractions à la loi, y compris nécessité d’éviter des tensions la falsification des statuts, a été interreligieuses, les forces de sécurité DROITS DES LESBIENNES, supprimée. Le ministère du Travail et ont procédé à la fermeture d’au moins DES GAYS ET DES ses différentes directions ont toutefois 25 églises. L’église de Naga al Ghafir, persisté dans leur refus de reconnaître dans le gouvernorat de Sohâg, a été PERSONNES BISEXUELLES, officiellement de nouveaux syndicats fermée en avril par les forces de TRANSGENRES OU indépendants, en faisant obstruction sécurité, qui y ont interdit tout culte INTERSEXES aux procédures administratives et en collectif. les retardant, ce qui restreignait le droit des travailleuses et travailleurs de se Le militant copte Ramy Kamel a été Cette année encore, les autorités ont syndiquer, d’obtenir la reconnaissance arrêté arbitrairement le 23 novembre. arrêté et poursuivi des personnes LGBTI légale de leurs syndicats, de mener Il devait se rendre à Genève, en Suisse, en raison de leur identité de genre ou leurs activités légitimes et d’élire leurs pour y participer quelques jours plus de leur orientation sexuelle, réelle ou organes exécutifs. tard à une session du Forum sur les présumée, les contraignant dans bien questions relatives aux minorités [ONU]. des cas à subir un examen anal ou un Les forces de sécurité ont arrêté Il a été placé en détention sur la base examen de détermination du sexe arbitrairement au moins 41 travailleuses de charges liées au « terrorisme » pour – des pratiques qui s’apparentent à des et travailleurs et militant·e·s syndicaux avoir défendu le droit des minorités actes de torture. En janvier, un tribunal pour la seule raison qu’ils avaient religieuses en Égypte et pour s’être a condamné Mohamed al Ghiety, un exercé, pourtant pacifiquement, leur entretenu avec la rapporteuse spéciale présentateur de télévision qui avait droit de faire grève et de manifester. de l’ONU sur le logement convenable publiquement exprimé des opinions Des poursuites ont été engagées lors de sa visite en Égypte en 2018. homophobes, à un an d’emprisonnement contre certaines de ces personnes. et à une amende pour avoir interviewé un En septembre la police a arrêté six homme gay à la télévision ; cette peine personnes travaillant dans la zone visait à décourager tout débat public sur d’investissement d’Ismaïlia qui les questions LGBTI. réclamaient une augmentation de salaire et de meilleurs avantages. En octobre, Malak al Kashef, une femme transgenre 17 employé·e·s de l’entreprise publique qui milite pour les droits humains, a Eastern Tobacco ont été arrêtés par la été arrêtée arbitrairement en février en police pour avoir manifesté afin d’obtenir lien avec une manifestation. Elle a été une augmentation de salaire, des contrats détenue pendant quatre mois dans la à durée déterminée pour les travailleurs prison pour hommes de Mazraat Tora temporaires et d’autres améliorations de et contrainte de subir un examen anal leurs conditions de travail.

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 26 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International PERSONNES MIGRANTES, détention des personnes migrantes, franchi illégalement la frontière soudano- RÉFUGIÉES OU réfugiées ou demandeuses d’asile. égyptienne ; toutes ces personnes étaient Entre juillet et septembre, les forces toujours détenues à la fin de l’année. DEMANDEUSES D’ASILE de sécurité ont placé en détention au poste de police de la ville d’Edfou, dans Cette année encore, les autorités ont le sud du pays, au moins 23 Syriens et arrêté et maintenu arbitrairement en Syriennes, dont 13 enfants, qui avaient

1 Égypte. Plus grande vague d’arrestations massives depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al Sissi (nouvelle, 2 octobre 2019) 2 Égypte. Trois journalistes détenus arbitrairement (MDE 12/1602/2019) 3 Égypte. Trois responsables politiques détenus arbitrairement (MDE 12/0839/2019) 4 Égypte. Les amendements à la loi répressive sur les ONG ne sont guère plus que des changements de pure forme (nouvelle, 16 juillet 2019) 5 Egypt: Permanent state of exception ¬– abuses by the Supreme State Security Prosecution (MDE 12/1399/2019) ; État d’exception permanent. Exactions aux mains du service du procureur général de la sûreté de l’État (Extraits) 6 Égypte. L’exécution de neuf hommes condamnés à l’issue d’un procès inique est une honte (nouvelle, 20 février 2019) 7 Égypte. Les actes de torture infligés à Alaa Abdel Fattah attestent la grande brutalité des autorités vis-à-vis de l’opposition (nouvelle, 10 octobre 2019) 8 Égypte. Aisha el Shater, gravement malade, est détenue dans des conditions s’apparentant à de la torture et privée de soins médicaux adéquats (nouvelle, 21 novembre 2019) 9 Égypte. Grève de la faim massive à la prison d’al Aqrab, motivée par la privation de visite des proches et par des conditions de détention déplorables (nouvelle, 31 juillet 2019) 10 Égypte. Une femme transgenre soumise à une disparition forcée risque d’être victime de violences sexuelles et d’actes de torture (nouvelle, 7 mars 2019, mise à jour le 11 mars 2019)

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 27 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Les autorités israéliennes démolissent un bâtiment en construction dans le village palestinien de Sur Baher (Jérusalem-Est occupée, 22 juillet 2019). © Ahmad Gharabli/AFP via Getty Images

cas d’homicides illégaux, les victimes en détention des milliers d’entre eux ISRAËL ne mettant pas en danger la vie de – plusieurs centaines de personnes quiconque de manière imminente. Israël ont ainsi été maintenues en détention ET TERRITOIRES n’a pas fait en sorte que les auteurs de administrative sans inculpation ni procès. ces violations graves du droit international Des détenu·e·s, y compris des enfants, PALESTINIENS humanitaire et du droit international ont été soumis à des actes de torture et relatif aux droits humains soient amenés à d’autres mauvais traitements, en toute OCCUPÉS à rendre compte de leurs actes, ni que impunité. Plus de 900 Palestinien·ne·s justice soit rendue aux victimes. Les ont été déplacés en Cisjordanie après la État d’Israël frappes et les bombardements aériens démolition de leurs habitations par Israël. Chef de l’État : Reuven Rivlin israéliens dans la bande de Gaza ont tué Les autorités ont utilisé tout un éventail Chef du gouvernement : Benjamin Netanyahou 28 civil·e·s palestiniens – dont de mesures pour réprimer les activités 10 enfants – qui n’étaient pas des défenseur·e·s des droits humains, directement impliqués dans les hostilités. des journalistes et d’autres personnes qui Israël continuait d’imposer une Israël a maintenu son blocus illégal dénonçaient la poursuite de l’occupation discrimination institutionnalisée aux de la bande de Gaza, soumettant les israélienne de la Cisjordanie, de la Palestiniens et Palestiniennes vivant habitants à une sanction collective et bande de Gaza et du plateau du Golan, sous son autorité en Israël et dans les aggravant la crise humanitaire dans le en Syrie. Les autorités ne permettaient territoires palestiniens occupés. Les territoire. Au moyen de points de contrôle pas aux demandeurs et demandeuses forces israéliennes ont tué et de barrages routiers, les autorités d’asile de bénéficier dans un délai 38 Palestinien·ne·s, dont 11 enfants, israéliennes ont continué de restreindre raisonnable d’une procédure équitable de durant des manifestations dans la la liberté de circulation des Palestiniens détermination du statut de réfugié. Des bande de Gaza et en Cisjordanie ; il et Palestiniennes dans les territoires objecteurs et objectrices de conscience s’agissait dans un grand nombre de occupés. Elles ont placé illégalement au service militaire ont été emprisonnés.

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 28 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International CONTEXTE israéliennes ont procédé à des centaines violences, notamment à des jets de pierre de frappes aériennes et de tirs d’artillerie et de cocktails Molotov contre des soldats Des élections législatives ont eu lieu le contre Gaza, faisant 25 morts ; des israéliens. 9 avril, mais aucun responsable de parti groupes armés palestiniens ont tiré des n’a été en mesure de former une coalition centaines de roquettes en direction Le 28 février, la commission mise de gouvernement. De nouvelles élections d’Israël, tuant quatre personnes. Après en place par les Nations unies pour ont donc été convoquées. Le scrutin la mort d’un membre du groupe armé du enquêter sur les violations commises s’est tenu le 17 septembre. Aucun Djihad islamique palestinien dans une dans le contexte des manifestations gouvernement n’a pu être formé et un frappe aérienne israélienne, les hostilités à Gaza entre mars et décembre troisième scrutin a donc été programmé ont repris de plus belle entre le 12 et le 2018 a conclu que les forces pour mars 2020. Le 21 novembre, le 16 novembre. Israël a lancé des attaques israéliennes avaient pu commettre Premier ministre Benjamin Netanyahou a aériennes qui ont fait 33 morts, dont 15 des crimes de guerre, notamment été inculpé de corruption, fraude et abus parmi la population civile, tandis que les en tirant délibérément sur des civils de confiance. groupes armés palestiniens ont tiré des palestiniens1. Selon des informations roquettes en Israël, blessant plusieurs données par les médias israéliens en Israël a poursuivi l’extension des colonies personnes. juillet, l’armée a décidé de modifier illégales et des infrastructures connexes la réglementation sur le recours aux en Cisjordanie occupée, dont Jérusalem- Israël a en outre procédé à des frappes armes à feu, en vertu de laquelle Est, en légalisant des implantations aériennes contre des cibles iraniennes les soldats qui intervenaient contre construites sans autorisation de et du Hezbollah en Syrie, au Liban et en des manifestants étaient autorisés à l’État, y compris sur des terres privées Irak. viser la partie des membres inférieurs palestiniennes. Le 19 novembre, le située au-dessus du genou. Cela gouvernement des États-Unis a annoncé faisait néanmoins plus d’un an que qu’il ne considérait plus les colonies l’on savait que cette pratique causait de israéliennes en Cisjordanie comme HOMICIDES ILLÉGAUX graves blessures, y compris mortelles ; contraires au droit international. Le les soldats ont reçu l’ordre de tirer président des États-Unis, Donald Trump, L’armée et les forces de sécurité désormais au-dessous du genou. avait reconnu le 25 mars la souveraineté israéliennes ont tué au moins d’Israël sur le plateau du Golan occupé, 38 Palestinien·ne·s – dont L’armée israélienne a clôturé, le 16 mai, en violations des résolutions du Conseil 11 enfants – durant des manifestations l’enquête sur la mort d’Ibrahim Abu de sécurité de l’ONU déclarant illégale organisées dans la bande de Gaza et Thuraya, tué dans son fauteuil roulant en l’annexion par Israël. en Cisjordanie, selon les chiffres du décembre 2017 lors du mouvement de Bureau de la coordination des affaires protestation à Gaza. Aucune poursuite Le 20 décembre, la procureure de humanitaires des Nations unies (OCHA). n’a été engagée. la Cour pénale internationale (CPI) a Un grand nombre de ces homicides annoncé que l’examen préliminaire de la étaient illégaux, les victimes ayant trouvé Le 30 octobre, un soldat israélien qui « situation en Palestine » avait abouti à la mort sous des tirs à balles réelles ou avait tué par balle un Palestinien âgé la conclusion que des crimes de guerre du fait de l’usage d’une force excessive de 15 ans, Othman Halas, dans une avaient été commis dans les territoires alors qu’elles ne présentaient pas une manifestation tenue à Gaza en juillet palestiniens occupés et que « tous les menace imminente pour la vie d’autrui. 2018, a été condamné par l’armée à des critères définis dans le Statut de Rome Beaucoup de ces homicides illégaux travaux d’intérêt général et rétrogradé, […] pour l’ouverture d’une enquête semblaient avoir été commis de manière pour avoir « mis en danger une vie en étaient remplis ». Toutefois, avant intentionnelle – ce qui en ferait des enfreignant les ordres ». d’ouvrir une enquête, la procureure a crimes de guerre. décidé de demander aux juges de la CPI Les frappes et les bombardements de confirmer que le territoire sur lequel Les manifestations palestiniennes de aériens d’Israël dans la bande de Gaza la Cour pouvait exercer sa compétence la « Grande Marche du retour », un ont fait 28 morts parmi la population comprenait la Cisjordanie, notamment mouvement lancé en mars 2018, se sont civile palestinienne – dont 10 enfants – Jérusalem-Est, et la bande de Gaza. poursuivies toutes les semaines. Selon qui n’étaient pas directement impliqués des chiffres communiqués par le Centre dans les hostilités ; 13 personnes En mars, des groupes armés palestiniens palestinien pour les droits humains, civiles ont été tuées dans les hostilités ont tiré depuis la bande de Gaza une 215 Palestinien·ne·s avaient été tués qui se sont déroulées du 3 au 6 mai, roquette en direction d’Israël, blessant au 27 décembre – parmi lesquels et 15 dans celles intervenues entre le sept personnes civiles. En représailles, 47 enfants, quatre auxiliaires de santé et 12 et le 16 novembre. Certaines des Israël a frappé des cibles du Hamas à deux journalistes. Certains manifestants attaques dans lesquelles des civil·e·s Gaza. Entre le 3 et le 6 mai, les forces palestiniens se sont livrés à des ont trouvé la mort ou ont été blessés

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 29 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International étaient semble-t-il disproportionnées, ou en Cisjordanie pour se faire soigner. renouvelables pour maintenir des ou menées de manière aveugle ou sans En janvier, Israël a étendu la zone de Palestiniens et Palestiniennes en que les précautions appropriées aient pêche à 12 milles nautiques au large du détention sans inculpation ni procès. été prises afin d’épargner la population territoire, ce qui restait bien en dessous Selon les chiffres des services civile. des 20 milles convenus dans les Accords pénitentiaires israéliens, d’Oslo signés dans les années 1990 par 4 638 Palestinien·ne·s des territoires Des attaques commises par des colons Israël et l’Organisation de libération de la occupés étaient incarcérés dans les israéliens contre des Palestiniens Palestine. prisons israéliennes au 30 novembre, en Cisjordanie ont fait deux morts et dont 458 étaient sous le coup d’une 112 blessés, selon des informations En Cisjordanie, au moins 100 points de mesure de détention administrative. De communiquées par l’OCHA. Dans contrôle et barrages routiers israéliens nombreuses familles de Palestiniens bien des cas, les forces israéliennes étaient toujours en place, restreignant détenus en Israël, et notamment celles n’intervenaient pas lorsque de telles lourdement la liberté de circulation qui résidaient à Gaza, n’étaient pas attaques avaient lieu, et les auteurs des Palestiniens et Palestiniennes. De autorisées à pénétrer en Israël pour étaient rarement amenés à rendre plus, les personnes détentrices d’une rendre visite à leurs proches. compte de leurs actes devant la justice. carte d’identité palestinienne n’étaient toujours pas autorisées à emprunter Des membres de la population civile les routes construites pour les colons palestinienne, dont des enfants, résidant israéliens. dans les territoires occupés ont été jugés DROIT DE CIRCULER devant des tribunaux militaires dans le LIBREMENT, DROIT cadre de procédures qui n’étaient pas conformes aux normes internationales À LA SANTÉ DÉTENTION d’équité des procès.

Le blocus aérien, terrestre et maritime imposé illégalement par Israël sur la Arrestations et détentions bande de Gaza depuis 12 ans, qui arbitraires Enfants en détention restreignait la liberté de circulation des personnes et des biens à l’entrée et à la Au 30 novembre, 182 enfants sortie du territoire, continuait d’avoir des Les autorités israéliennes ont mené palestiniens étaient incarcérés par effets dévastateurs sur les droits humains dans toute la Cisjordanie des centaines Israël ; deux d’entre eux étaient placés des deux millions d’habitants de Gaza. d’opérations en vue d’arrêter des en détention administrative. Selon l’ONG Ces mesures constituaient une sanction personnes palestiniennes. Interpellées Defence for Children International- collective. L’Organisation mondiale de la le plus souvent la nuit à leur domicile, Palestine, des enfants étaient interrogés santé a indiqué, en janvier, que le blocus celles-ci étaient placées en détention en l’absence de leurs parents et certains imposé sur l’approvisionnement en dans des prisons en Israël, comme des étaient emprisonnés avec des adultes. carburant avait de graves conséquences milliers d’autres Palestinien·ne·s des Le droit international prévoit que les pour les hôpitaux et les autres services territoires occupés arrêtés les années mineur·e·s ne doivent être emprisonnés de santé de Gaza. À la suite de plusieurs précédentes. Cela était contraire au droit qu’en dernier ressort, et pour la durée la attaques à la roquette contre Israël, les international humanitaire, qui interdit le plus brève possible. autorités israéliennes ont réduit de moitié transfert de détenus sur le territoire de la les livraisons de carburant dans la bande puissance occupante. Suleiman Abu Ghosh a été arrêté le de Gaza entre le 26 août et le 22 janvier par les forces israéliennes 1er septembre. L’accès à l’électricité a été Le 31 octobre, les forces israéliennes ont dans le camp de réfugiés de Qalandia. de ce fait réduit à quatre heures par jour arrêté Khalida Jarrar, ancienne membre Cet adolescent âgé de 14 ans a été au maximum. du Conseil législatif palestinien et du maintenu en détention administrative conseil d’administration de l’association pendant quatre mois. Le Centre palestinien de défense des de soutien aux personnes détenues et de droits humains (PCHR) a signalé en défense des droits humains Addameer. juin une grave pénurie de médicaments Elle a été inculpée d’« exercice d’une destinés aux patients de Gaza souffrant fonction dans une association illégale » Discrimination d’un cancer ou d’une maladie chronique. et se trouvait toujours en détention à la Israël continuait d’opposer des refus fin de l’année. Les services pénitentiaires d’Israël arbitraires à des demandes de permis ont rejeté en septembre une demande médical présentées par des habitants de Les autorités israéliennes utilisaient présentée par l’Association pour les Gaza qui souhaitaient entrer en Israël des ordres de détention administrative droits civils en Israël visant à obtenir

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 30 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International la traduction en arabe du règlement DROITS EN MATIÈRE DE 30 ans, en faveur de la fondation Elad, pénitentiaire. L’administration a indiqué LOGEMENT ET EXPULSIONS une organisation de colons israéliens qui que la loi sur l’État-nation ne l’y contestait la propriété de la maison. contraignait pas. Cette loi, de nature FORCÉES constitutionnelle, ne reconnaît le droit Les autorités israéliennes ont rendu à l’autodétermination qu’aux juifs et Selon les chiffres de l’OCHA, Israël a public, le 28 janvier, un projet prévoyant contient des dispositions discriminatoires démoli 621 habitations et installations le transfert forcé vers des communautés à l’égard des civils palestiniens d’utilité quotidienne palestiniennes urbaines aménagées par les pouvoirs – rabaissant notamment le statut de la en Cisjordanie occupée, y compris publics de 36 000 Bédouins palestiniens langue arabe. Jérusalem-Est, provoquant le déplacement qui vivent en Israël dans des villages forcé de 914 personnes. Les autorités « non reconnus » du Néguev/Naqab ; israéliennes ont déclaré qu’un grand Israël refuse de reconnaître la légalité nombre des bâtiments détruits avaient des villages bédouins et de leur fournir TORTURE ET AUTRES été édifiés en l’absence de permis des services municipaux. En décembre, MAUVAIS TRAITEMENTS, délivré par l’administration israélienne ; les autorités israéliennes ont détruit pour or, il est quasiment impossible pour les la 169e fois le village bédouin palestinien MORTS EN DÉTENTION Palestiniens d’obtenir de tels permis. d’Al Araqib. Le droit relatif à l’occupation interdit Cette année encore, des membres de de telles destructions, sauf lorsqu’elles l’armée, de la police et de l’Agence s’avèrent absolument nécessaires pour des israélienne de sécurité (AIS) ont infligé opérations militaires. Le 22 juillet, LIBERTÉ D’EXPRESSION des tortures et d’autres formes de les forces israéliennes ont détruit ET D’ASSOCIATION mauvais traitements à des personnes 16 bâtiments d’habitation dans le palestiniennes détenues, y compris des village de Sur Baher, en Cisjordanie, enfants, en toute impunité. Parmi les parce que ces édifices se situaient à Les autorités ont utilisé tout un éventail méthodes signalées figuraient les coups, proximité du mur/barrière érigé par Israël de mesures – opérations de police, les gifles, le maintien sous entrave ou principalement en territoire palestinien3. campagnes d’incitation à la violence, dans des positions douloureuses, la restrictions de la liberté de circulation privation de sommeil et les menaces. Israël a démoli à titre de sanction au et harcèlement judiciaire, notamment – Le maintien à l’isolement pendant de moins 14 habitations palestiniennes en contre les militants et les militantes longues périodes – parfois des Cisjordanie – y compris à Jérusalem-Est –, des droits humains, les journalistes et mois – était régulièrement utilisé à titre laissant 36 personnes, dont les autres personnes qui dénonçaient la de sanction. 15 enfants, sans toit, a signalé poursuite de l’occupation israélienne de l’organisation israélienne de défense des la Cisjordanie, de la bande de Gaza et du Le 29 septembre, le ministère de droits humains B’Tselem. Les démolitions plateau du Golan, en Syrie. la Justice a ouvert une enquête sur à titre punitif constituent des sanctions les événements qui ont conduit à collectives et sont interdites en vertu du Le ministère des Affaires stratégiques l’hospitalisation de Samir Arbeed, torturé droit international. a publié, en février, un rapport dans par les forces israéliennes pendant son lequel figurait une liste de Palestiniens interrogatoire et admis à l’hôpital avec Des organisations de colons israéliens, travaillant dans le secteur des droits des côtes cassées et une insuffisance soutenues par les autorités, ont lancé humains et de personnes qui militent en rénale2. des procédures d’expulsion forcée contre faveur du boycott, du désinvestissement des Palestiniens de Jérusalem-Est. En et des sanctions (mouvement BDS), en Quatre Palestiniens sont morts en janvier, l’OCHA estimait à 200 environ les qualifiant de « terroristes en détention après avoir, selon certaines le nombre de foyers palestiniens sous le costume ». Parmi les personnes concernées informations, été soumis par les forces coup d’une procédure d’expulsion figuraient Shawan Jabarin, directeur israéliennes à des tortures et d’autres – soit 877 adultes et enfants menacés de général de l’organisation palestinienne de mauvais traitements. L’un d’eux, Nassar déplacement forcé. défense des droits humains Al Haq, Raja Taqatqa, est mort le 16 juillet en prison Sourani, directeur du Centre palestinien dans le mois qui a suivi son arrestation. Le 10 juillet, les autorités israéliennes de défense des droits humains, et Salah Il avait été interrogé par des membres ont expulsé de force la Palestinienne Hamouri, un chercheur franco-palestinien de l’AIS. Les services pénitentiaires Ilham Siyam et sa famille de leur maison travaillant pour Addameer. Les forces israéliens ont déclaré qu’ils avaient du quartier de Silwan, à Jérusalem- israéliennes ont effectué une descente ouvert une enquête sur sa mort. Les Est, après que le tribunal de district de dans les locaux d’Addameer à Ramallah le autorités ont refusé de restituer les corps Jérusalem eut statué, à l’issue d’une 19 septembre, pendant laquelle elles ont de trois de ces détenus. bataille judiciaire entamée il y a près de saisi du matériel4.

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 31 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Israël a continué de refuser à des novembre, la Cour suprême israélienne d’une procédure équitable de institutions de défense des droits a confirmé l’arrêté d’expulsion prononcé détermination du statut de réfugié, humains – notamment au rapporteur au titre de cette loi contre Omar Shakir, privant de ce fait de nombreuses spécial de l’ONU sur la situation des directeur de Human Rights Watch pour personnes de l’accès aux services de droits de l’homme dans les territoires Israël et la Palestine. Son expulsion a eu base. Quelque 30 000 demandeurs et palestiniens occupés depuis 1967 – lieu le 25 novembre. En juin, l’entreprise demandeuses d’asile vivaient en Israël. l’autorisation d’entrer dans les territoires publique du secteur de l’énergie Energix Au 30 juin, aucune demande d’asile palestiniens occupés. En octobre, les a invoqué les dispositions du texte pour n’avait reçu une réponse positive ; autorités ont empêché le chargé de porter plainte contre Al Marsad (Centre environ 15 000 dossiers étaient toujours campagne d’Amnesty International arabe des droits humains sur le plateau en attente d’une décision. sur Israël et les territoires palestiniens du Golan), qui avait publié un rapport sur occupés, Laith Abu Zeyad, de quitter le grand projet d’énergie éolienne que La Cour suprême a rejeté, en septembre, la Cisjordanie, pour des «raisons de la compagnie entend mettre en œuvre une requête visant à suspendre sécurité ». Il s’agissait selon toute sur des terrains privés appartenant à des l’expulsion des enfants nés en Israël apparence d’une mesure punitive liée au Syriens dans le Golan occupé. de travailleurs migrants en situation travail de défense des droits humains de irrégulière. l’organisation5.

Dans la nuit du 21 au 22 juillet, les VIOLENCES LIÉES AU GENRE autorités israéliennes ont tenté d’expulser OBJECTEURS ET le photographe de presse palestinien Les violences contre les femmes se sont OBJECTRICES DE Mustafa al Kharouf vers la Jordanie, un poursuivies en Israël, en particulier pays dont il n’est pas ressortissant et contre les Palestiniennes de nationalité CONSCIENCE où il ne possède pas de titre de séjour. israélienne. Au moins 13 femmes ont Cette mesure était liée manifestement trouvé la mort à la suite de violences Au moins trois Israéliens objecteurs au travail du journaliste sur les violations liées au genre. de conscience au service militaire des droits humains commises par les (deux femmes et un homme) ont autorités israéliennes à Jérusalem-Est. été emprisonnés. Après 82 jours de La Jordanie a fait échec à la tentative détention à l’isolement, l’objecteur de d’expulsion, qui aurait constitué un PERSONNES RÉFUGIÉES conscience Roman Levin a été remis en crime de guerre. Mustafa al Kharouf a été OU DEMANDEUSES D’ASILE, liberté en août. détenu arbitrairement du 22 janvier au 24 octobre, date à laquelle il a été remis TRAVAILLEUSES ET en liberté conditionnelle. TRAVAILLEURS MIGRANTS

La Loi antiboycott a été utilisée contre Israël n’offrait toujours pas aux les militants et les organisations qui demandeurs d’asile la possibilité de critiquaient les politiques d’Israël. En bénéficier dans un délai raisonnable

1 Israël et TPO. Les conclusions de l’enquête de l’ONU sur les homicides à Gaza doivent ouvrir la voie à la justice pour les crimes de guerre (nouvelle, 28 février 2019) 2 Israël et TPO. Des actes de torture autorisés par la loi infligés à un détenu palestinien l’ont laissé dans un état critique (nouvelle, 30 septembre 2019, mis à jour le 30 octobre 2019) 3 Israël poursuit sa politique de déplacements forcés systématiques avec la vague de démolitions d’habitations à Sur Baher (nouvelle, 22 juillet 2019) 4 Nouvelle attaque contre la société civile : l’ONG palestinienne Addameer prise pour cible (nouvelle, 19 septembre 2019) 5 Israël et TPO. Un membre du personnel d’Amnesty est visé par une interdiction de circuler librement, en raison de son travail (nouvelle, 31 octobre 2019)

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 32 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Derrière un char et des véhicules armés des forces fidèles au gouvernement d’union nationale de Libye, un nuage de fumée s’élève à la suite d’une frappe aérienne intervenue lors d’affrontements à Wadi Rabie, à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale, Tripoli (Libye, 12 avril 2019). © Mahmud Turkia/AFP via Getty Images

en détention arbitraire des milliers de libyennes ne protégeaient pas les femmes LIBYE personnes, la plupart du temps pour contre les violences liées au genre une durée indéterminée, en dehors de commises par des membres de milices État de Libye toute procédure judiciaire. Ils ont aussi ou de groupes armés. Les avocats et Chef de l’État et du gouvernement : Fayez al Sarraj (litigieux) pris des otages pour obtenir des rançons les juges étaient la cible de manœuvres ou la libération de personnes détenues d’intimidation, de menaces et de violences ou captives. La torture et les autres de la part de groupes armés et de Des membres de milices, de groupes formes de mauvais traitements étaient milices, ce qui affaiblissait sérieusement armés et des forces de sécurité ont monnaie courante dans les prisons, le système judiciaire. La situation des commis de graves violations du droit les centres de détention et les lieux de dizaines de milliers de personnes réfugiées, international humanitaire, dont des détention non officiels. Les milices, les demandeuses d’asile ou migrantes crimes de guerre. Les combats à Tripoli groupes armés et les forces de sécurité présentes dans le pays restait difficile. et aux alentours entre l’Armée nationale ont réprimé la liberté d’expression en Elles étaient en butte à des arrestations libyenne (ANL) et les forces et milices harcelant, enlevant et attaquant des arbitraires et des enlèvements par des fidèles au gouvernement d’union responsables politiques, des journalistes, milices, et étaient souvent victimes de la nationale (GUN) ont fait des dizaines de des défenseur·e·s des droits humains et traite des êtres humains et de violences morts, des centaines de blessés et des d’autres militant·e·s. Un journaliste a été aux mains de groupes criminels. Les dizaines de milliers de déplacés parmi la victime d’un homicide illégal et autorités détenaient toujours illégalement population civile. Les milices, les groupes 10 autres ont fait l’objet d’une des milliers d’hommes et de femmes armés et les forces de sécurité ont placé arrestation arbitraire. Les autorités dans des centres où ils étaient soumis

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 33 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International à l’exploitation, aux travaux forcés et à arabes unis, l’Arabie saoudite, l’Égypte, fortement perturbé l’accès aux soins de des actes de torture et d’autres mauvais la France et la Russie, tandis que le GUN santé, à l’électricité et à d’autres services traitements. Des personnes ont été prises bénéficiait de l’appui de la Turquie, du essentiels. pour cible par des membres des forces de Qatar et de l’Italie. sécurité, de groupes armés et de milices L’opération menée par l’ANL dans le en raison de leur orientation sexuelle. sud au début de l’année a fait des Cette année encore, des tribunaux ont dizaines de morts et de blessés parmi la prononcé des condamnations à mort ; CONFLIT ARMÉ population civile. Des heurts continuaient aucune exécution n’a été signalée. de se produire de manière intermittente Dans le cadre des hostilités armées, dans la ville de Mourzouk, dans le sud du les milices, les groupes armés et les pays. Le 4 août, au moins 43 personnes forces de sécurité ont cette année ont été tuées dans une frappe aérienne CONTEXTE encore commis en toute impunité de contre un bâtiment municipal où se graves violations du droit international tenait une réunion, dans le quartier d’al Les milices, les groupes armés et les humanitaire, dont de possibles crimes de Qalaa, à Mourzouk. L’ANL a confirmé forces de sécurité fidèles au GUN, guerre, ainsi que des atteintes flagrantes avoir procédé à une frappe sur Mourzouk soutenu par l’ONU, dirigé par le Premier aux droits humains. Selon la Mission ce jour-là mais a nié avoir pris pour cible ministre Fayez al Sarraj et basé à Tripoli, d’appui des Nations unies en Libye des civils. Cette attaque a déclenché ainsi que l’autoproclamée ANL, sous la (MANUL) et la haute-commissaire des de violents combats urbains entre les direction du général Khalifa Haftar et Nations unies aux droits de l’homme, communautés toubou et al ahali, ainsi alliée au gouvernement provisoire de l’est au moins 284 civils ont trouvé la mort que des pillages d’habitations et de de la Libye, ont continué d’agir en dehors et 363 autres ont été blessés du fait du commerces et des déplacements massifs de la légalité. conflit armé en 2019. La plupart de ces de population. pertes résultaient de violations du droit Avec le soutien de groupes armés international humanitaire par les deux En violation de l’embargo total sur les locaux, l’ANL a lancé en janvier une camps, notamment d’attaques menées armes imposé par l’ONU depuis 2011, opération visant à reprendre au GUN et sans discrimination au moyen d’armes des pays tiers ont soutenu l’ANL et aux factions locales la ville de Sebha explosives inadaptées à un usage dans le GUN en procédant à des transferts et d’autres zones du sud du pays, afin des zones civiles habitées1. illicites d’armes et en leur apportant d’asseoir son contrôle territorial sur le une aide militaire directe. La Turquie, sud-ouest de la Libye. En avril, elle a Les frappes aériennes, les tirs de barrage principal soutien du GUN, lui a fourni lancé une offensive pour prendre le et les tirs d’artillerie de l’ANL et du GUN des blindés de combat Kirpi et des contrôle de la capitale, Tripoli, et de ses ont touché des habitations et d’autres drones armés de type Bayraktar TB2. Les environs, ce qui a provoqué des combats infrastructures civiles, telles que des Émirats arabes unis ont quant à eux été avec le GUN et ses milices alliées. Ce écoles et des entreprises de Tripoli et le principal pays à soutenir l’ANL, à qui conflit était toujours en cours à la fin de sa banlieue, ainsi que l’aéroport ils ont fourni des drones Wing Loong, de l’année, sans qu’aucun camp n’ait de Mitiga, à Tripoli. Le 2 juillet, des de fabrication chinoise, qu’ils ont aussi véritablement gagné de territoire. Le dizaines de personnes migrantes ou manœuvrés pour elle. groupe armé se désignant sous le nom réfugiées ont été tuées ou blessées dans d’État islamique (EI) était toujours une attaque de l’ANL contre un centre présent dans l’extrême sud du pays. de détention pour migrants de Tajoura, Cette année encore, il a mené des dans la banlieue est de Tripoli. Amnesty ARRESTATIONS ET attaques sporadiques et a été la cible de International a aussi recueilli des DÉTENTIONS ARBITRAIRES frappes aériennes américaines. informations sur plusieurs attaques de l’ANL contre des hôpitaux de campagne Le processus politique est resté dans et des ambulances. L’une des attaques Des milices, des groupes armés et une impasse. L’offensive d’avril de les plus effroyables a été une frappe les forces de sécurité maintenaient l’ANL a commencé quelques jours avant de missile survenue le 27 juillet contre arbitrairement en détention des milliers l’ouverture prévue d’une conférence un hôpital de fortune installé près de personnes. Beaucoup étaient nationale organisée par l’ONU. La de l’aéroport international de Tripoli, détenues depuis 2011, et la plupart communauté internationale n’est pas au sud de la ville. Cinq médecins et pour une durée indéterminée, sans parvenue à s’entendre sur une position sauveteurs ont été tués et huit autres contrôle judiciaire ni possibilité de commune à propos de la Libye et n’a fait ont été blessés. Les combats à Tripoli contester la légalité de leur privation qu’alimenter la volonté et la capacité des et aux alentours ont contraint plus de de liberté. Des centaines de personnes deux camps de poursuivre les hostilités. 140 000 personnes à quitter leur foyer, étaient détenues pour une durée L’ANL était soutenue par les Émirats aggravé les besoins humanitaires et indéterminée, en dehors de toute

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 34 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International procédure judiciaire, dans la prison de LIBERTÉ D’EXPRESSION DROITS DES FEMMES Mitiga, située dans la banlieue est de Tripoli et gérée par les Forces spéciales Cette année encore, les forces de Les autorités libyennes ne protégeaient de dissuasion (Radaa), une milice alliée sécurité, des groupes armés et pas les femmes, notamment les au GUN et financée par celui-ci. Elles des milices ont réprimé la liberté journalistes, les blogueuses, les étaient enfermées dans des cellules d’expression en harcelant, enlevant et défenseures des droits humains et les surpeuplées, n’avaient pas suffisamment attaquant des responsables politiques, autres militantes, contre les violences à boire ni à manger et étaient privées de des journalistes, des défenseur·e·s des liées au genre infligées par des milices soins médicaux. droits humains et d’autres militant·e·s, et des groupes armés. Elles ne leur obligeant un certain nombre d’entre eux garantissaient pas non plus le droit à fuir le pays. La tendance à s’en prendre de s’exprimer librement. Les femmes aux journalistes a été particulièrement qui dénonçaient la corruption ou les TORTURE ET AUTRES inquiétante durant l’année. La MANUL violences des milices, de l’ANL ou MAUVAIS TRAITEMENTS a recensé un homicide illégal et plus de du GUN faisaient l’objet de menaces, 10 arrestations et détentions arbitraires d’enlèvements et de violences liées au visant des journalistes. Par exemple, en genre. La torture et les autres formes de mai, la Brigade al Kaniat, groupe armé mauvais traitements aux mains des allié à l’ANL, a détenu pendant En octobre, des hommes armés ont fait milices, des groupes armés et des forces 22 jours près de Tripoli deux journalistes irruption dans deux cafés de Tripoli afin de sécurité étaient monnaie courante de Alahrar TV, Mohamed al Qaraj et d’intimider les femmes qui n’étaient pas dans les prisons, les centres de détention Mohamed al Shibani. accompagnées d’un membre masculin et les lieux de détention non officiels. de leur famille. Ils ont demandé à voir Amnesty International a eu connaissance Des journalistes, des blogueurs et les certificats de mariage des clients et de cas dans lesquels des personnes blogueuses, des employé·e·s du secteur clientes, ont fait sortir les hommes qui détenues avaient été soumises à des des médias et des personnes actives sur se trouvaient là avec des amies pour les simulacres d’exécution, frappées et les réseaux sociaux en Libye ont aussi interroger et ont dit aux femmes qu’elles flagellées, et maintenues à l’isolement été soumis à des interrogatoires par les devraient être accompagnées de leur mari pendant de longues périodes. Certaines forces de sécurité, des milices et des ou d’un autre homme de leur famille. Ces ont aussi été violées, notamment par groupes armés qui cherchaient à les opérations ont déclenché une vague de l’introduction d’objets dans l’anus, et ont intimider et à réduire les voix dissidentes critiques sur les réseaux sociaux contre subi d’autres violences sexuelles. au silence. Selon le Centre libyen pour les Radaa, bien qu’un porte-parole de ces la liberté de la presse, le nombre réel forces ait nié toute responsabilité. de journalistes et de blogueurs victimes d’intimidations ou de violences ne sera PRISES D’OTAGES jamais connu car beaucoup refusent d’en parler publiquement, par crainte des SYSTÈME JUDICIAIRE Cette année encore, des personnes représailles contre eux ou leur famille. ET IMPUNITÉ ont été enlevées par des milices, des groupes armés ou les forces de Le 6 mai, l’ANL a publié une déclaration sécurité, agissant de leur propre chef dans laquelle elle menaçait de « sanctions La capacité du système judiciaire ou sur ordre de l’ANL ou du GUN. au titre de la législation libyenne » tous demeurait extrêmement limitée. L’objectif était souvent de se servir les journalistes, personnalités des médias, Dans le pays divisé, les juges étaient d’elles comme otages pour obtenir une militant·e·s et analystes politiques qui officiellement sous l’autorité du seul rançon ou la libération d’une personne s’opposaient publiquement à son offensive Conseil judiciaire suprême. Cependant, détenue ou captive. Les victimes contre Tripoli, affirmant que ces personnes les magistrats du parquet et les juges étaient généralement choisies en étaient coupables d’« incitation à la haine n’étaient généralement pas en mesure fonction de leur région d’origine, des et au crime contre les forces armées » et d’offrir un recours aux victimes, opinions politiques qu’on leur prêtait, de « soutien au terrorisme ». Le 17 juillet, notamment de violations des droits de leur profession ou de leur richesse des hommes armés ont fait irruption en humains, en raison des intimidations, supposée. Par exemple, en octobre, six pleine nuit au domicile de la députée des menaces et des violences dont les professionnels de santé ont été enlevés Siham Sergiwa et l’ont enlevée. Elle avocats et les juges faisaient l’objet de la et gardés en captivité pendant 12 jours avait critiqué, plus tôt dans la journée, part des groupes armés et des milices. par un groupe armé de la ville de Zintan, l’offensive de l’ANL sur Tripoli dans une dans le nord-ouest du pays, afin de faire interview à la télévision. Sa famille était Au niveau international, la Cour pénale pression sur l’ANL pour qu’elle libère un toujours sans nouvelles d’elle à la fin de internationale, saisie par le Conseil de habitant de la ville détenu par les Radaa. l’année. sécurité des Nations unies, était toujours

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 35 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International compétente pour juger les crimes de Les personnes détenues étaient leur aide aux autorités libyennes, guerre et les crimes contre l’humanité enfermées dans des conditions notamment maritimes, par exemple en commis depuis 2011, mais les mandats inhumaines et subissaient la promiscuité leur offrant des embarcations rapides d’arrêt émis à l’encontre de Saïf Al ainsi que les pénuries de nourriture, ou en contribuant à la formation de leur Islam Kadhafi, Mahmoud Al Werfalli et d’eau et de médicaments. Selon le Haut- personnel. Al Tuhamy Mohamed Khaled sont cette Commissariat des Nations unies aux année encore demeurés sans effet. On droits de l’homme, au moins 22 d’entre La Libye, qui n’est pas partie à la ignorait toujours où se trouvaient ces elles sont mortes de la tuberculose et Convention de 1951 relative au statut trois hommes. Lors de la 42e session d’autres maladies contractées dans un des réfugiés [ONU], refusait toujours du Conseil des droits de l’homme centre de détention de Zintan entre de reconnaître pleinement le Haut- en septembre, la haute-commissaire septembre 2018 et juillet 2019. Des Commissariat des Nations unies pour adjointe des Nations unies aux droits personnes réfugiées ou migrantes étaient les réfugiés (HCR). Le Centre de de l’homme et le représentant spécial toujours détenues dans des centres situés rassemblement et de départ, mis en du secrétaire général de l’ONU ont à proximité des zones de combat, ce qui place par le HCR et la DCIM fin 2018, a souligné la nécessité de mettre en œuvre les exposait au risque d’être tuées ou fonctionné durant toute l’année. Le HCR l’obligation de rendre des comptes en blessées pendant des attaques aveugles a décrit la détérioration des conditions Libye. Ils ont demandé la mise en place ou ciblées, comme celle du de vie dans ce centre, déplorant la d’un mécanisme international d’enquête 2 juillet contre le centre de détention surpopulation et le manque de moyens. sur les violations et les atteintes aux pour migrants de Tajoura (voir plus haut). En novembre, il a qualifié la situation droits humains. d’« intenable ». En septembre, le HCR En 2019, 9 798 migrant·e·s ont été a mis en place un mécanisme de transit évacués dans le cadre de programmes d’urgence au Rwanda, afin de permettre d’« aide au retour volontaire » et l’évacuation d’un nombre limité de PERSONNES RÉFUGIÉES, 2 427 réfugié·e·s l’ont été pour une personnes réfugiées ou demandeuses DEMANDEUSES D’ASILE OU réinstallation ou pour des raisons d’asile. humanitaires. Les centres se sont MIGRANTES néanmoins régulièrement remplis de nouveau car les autorités maritimes La situation des dizaines de milliers libyennes, en particulier les gardes-côtes, DROITS DES LESBIENNES, de personnes réfugiées, demandeuses ont intercepté au moins DES GAYS ET DES d’asile ou migrantes présentes dans 9 225 personnes réfugiées ou migrantes le pays restait difficile. Ces personnes qui tentaient de traverser la Méditerranée PERSONNES BISEXUELLES, étaient la cible d’arrestations arbitraires centrale et les ont renvoyées, pour la TRANSGENRES OU et d’enlèvements perpétrés par des plupart, dans les centres de détention INTERSEXES milices, et étaient souvent victimes de la du pays. Cette année encore ont été traite des êtres humains et de violences signalées des menaces contre les ONG aux mains de groupes criminels. Elles menant des opérations de recherche et de Amnesty International a reçu de étaient aussi exposées aux risques sauvetage, ainsi que des violences contre nombreuses informations indiquant que croissants liés aux hostilités en cours. les personnes réfugiées ou migrantes des personnes avaient été prises pour pendant ces opérations et aux points cible par les forces de sécurité, par des Les autorités détenaient toujours de débarquement. Par exemple, en groupes armés ou par des milices en illégalement des milliers d’hommes et septembre, les autorités libyennes ont raison de leur orientation sexuelle. Elles de femmes dans des centres gérés par abattu un Soudanais au moment d’une ont, entre autres, fait l’objet de chantage, la Direction de lutte contre la migration opération de débarquement, alors qu’un d’enlèvements ou de détention. illégale (DCIM), où ils étaient soumis à groupe tentait de fuir pour échapper à la l’exploitation et aux travaux forcés. La détention. En septembre également, le torture et d’autres formes de mauvais GUN a adopté un code de conduite visant traitements, dont le viol, étaient aussi à limiter les opérations de sauvetage PEINE DE MORT couramment utilisés dans ces centres, menées par des tiers, dont les ONG. souvent pour soutirer de l’argent aux Aucune exécution n’a été signalée, mais familles en échange de la libération de Tout au long de l’année, l’Italie et des tribunaux ont cette année encore leurs proches. d’autres États membres de l’Union prononcé des condamnations à mort. européenne (UE) ont continué d’apporter

1 Libya’s relentless militia war: Civilians harmed in the battle for Tripoli, April-August 2019 (MDE 19/1201/2019)

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 36 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Dans la capitale marocaine, des manifestants brandissent des pancartes réclamant la libération de Hajar Raissouni, une journaliste marocaine condamnée à un an d’emprisonnement pour « avortement illégal » et relations sexuelles hors mariage (Rabat, 2 octobre 2019). © Stringer/AFP via Getty Images

droits à la liberté d’association et de pays. Les femmes étaient toujours en MAROC ET SAHARA réunion en empêchant certains groupes butte à la discrimination, y compris à la qui les critiquaient de mener leurs violence sexuelle et à d’autres formes OCCIDENTAL activités, et ont recouru à une force de violence liée au genre, et des peines inutile ou excessive pour disperser des d’emprisonnement ont été infligées /Western Sahara manifestations au Maroc et au Sahara dans des cas d’avortement considéré Head of state: Mohammed VI occidental. À l’issue d’un procès inique, comme illégal. La police a continué de Head of government: Saad-Eddine El Othmani un tribunal a confirmé les peines allant harceler des lesbiennes, des gays et jusqu’à 20 ans d’emprisonnement des personnes bisexuelles, transgenres prononcées contre 43 personnes ou intersexes (LGBTI) ; les relations Les autorités ont harcelé des déclarées coupables d’infractions sexuelles consenties entre adultes de journalistes, des personnes animant des liées à des manifestations de grande même sexe étaient toujours passibles blogs, des artistes et des militantes et ampleur en faveur de la justice sociale de sanctions pénales. Une nouvelle loi a militants qui n’avaient fait qu’exprimer qui ont eu lieu en 2017 dans la région confirmé le statut de la langue amazighe pacifiquement leurs opinions, du Rif, dans le nord du Maroc. Les en tant que langue officielle aux côtés condamnant au moins cinq d’entre forces de sécurité ont arrêté et placé de l’arabe. Les tribunaux ont prononcé eux à des peines d’emprisonnement en détention plusieurs milliers de des condamnations à mort ; aucune pour « outrage » à des représentants personnes migrantes ; elles ont procédé exécution n’a eu lieu. Le Front Polisario, de l’autorité publique et s’en prenant au transfert forcé de certaines d’entre qui administre en Algérie des camps à d’autres personnes au moyen de elles dans le sud du Maroc, tandis que pour les réfugiés du Sahara occidental, logiciels espions. Elles ont restreint les d’autres étaient expulsées vers d’autres a arrêté au moins deux opposants.

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 37 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International CONTEXTE et a constitué un gouvernement En avril, la cour d’appel de Casablanca autoproclamé en exil. En juillet, un a confirmé les peines allant jusqu’à En octobre, le Conseil national des tribunal de Laâyoune a condamné la 20 ans d’emprisonnement prononcées droits de l’homme a recommandé la journaliste Nazha El Khalidi à une contre 43 personnes déclarées coupables dépénalisation des relations sexuelles amende de 4 000 dirhams (400 dollars d’infractions liées à des manifestations entre adultes non mariés. Toujours des États-Unis) pour avoir diffusé en pour la justice sociale qui ont eu lieu en octobre, le Conseil de sécurité de direct sur Facebook, en 2018, des en 2017 dans la région du Rif, dans l’ONU a renouvelé pour un an le mandat images d’une manifestation sans disposer le nord du Maroc (manifestations du de la Mission des Nations unies pour de l’accréditation nécessaire pour les Hirak). Ces personnes ont été déclarées l’organisation d’un référendum au Sahara médias. En novembre, un tribunal de coupables sur la base d’éléments de occidental (MINURSO), sans y ajouter de Laâyoune a condamné la militante preuve qui auraient été obtenus au composante sur les droits humains. sahraouie Mahfouda Bamba Lefkir à six moyen de la torture ou d’autres mauvais mois d’emprisonnement pour traitements. Les autorités pénitentiaires En février, le Maroc a suspendu sa « outrage » à magistrat au motif qu’elle ont sanctionné des détenus qui avaient participation à la coalition dirigée par avait « offensé » un juge au tribunal. organisé des mouvements de protestation l’Arabie saoudite et les Émirats arabes en les plaçant à l’isolement et en unis dans le cadre du conflit armé au Amnesty International a découvert restreignant les visites familiales. Yémen. que deux défenseurs marocains des droits humains – Maati Monjib et Taoufik Bouachrine, ancien directeur de Abdessadak El Bouchattaoui – avaient, publication du journal Akhbar al Yaoum, à plusieurs reprises depuis 2017, fait était toujours en détention à l’isolement LIBERTÉ D’EXPRESSION l’objet d’une surveillance exercée au prolongée dans la prison d’Ain El Borja, moyen de logiciels espions conçus par où il était soumis à cette mesure depuis Cette année encore, les autorités ont l’entreprise israélienne NSO Group2. février 2018. En octobre, une cour harcelé des journalistes, des personnes Tous deux ont reçu des SMS contenant d’appel de Casablanca a alourdi la peine animant des blogs, des artistes et des des liens qui, s’ils avaient été activés, prononcée contre lui pour agression militantes et militants qui n’avaient auraient installé secrètement le logiciel sexuelle, qui est passée de 12 à 15 ans fait qu’exprimer pacifiquement leurs Pegasus, qui aurait permis à l’émetteur d’emprisonnement. opinions. Les tribunaux ont condamné de prendre le contrôle quasi-total de leur au moins cinq personnes à des peines téléphone. En décembre, huit militants Les autorités continuaient de détenir d’emprisonnement pour « outrage » à de la société civile contre qui ce logiciel 23 Sahraouis condamnés en 2013 et des représentants de l’autorité publique. espion avait été utilisé ont porté plainte en 2017 à l’issue de procès iniques Les accusations retenues contre elles auprès de la Commission nationale de entachés par l’absence d’enquête étaient basées sur des dispositions du contrôle de la protection des données à adéquate sur les allégations de torture Code pénal réprimant la légitime liberté caractère personnel. Il est bien connu des accusés. Ceux-ci ont été déclarés d’expression. que NSO Group vend ses logiciels responsables de la mort de 11 membres espions exclusivement aux organes des forces de sécurité tués lors En février, un tribunal de la ville de gouvernementaux, ce qui laissait craindre d’affrontements intervenus en 2010 Tétouan a condamné le blogueur Sofian al que les services de sécurité marocains lorsque ces forces avaient démantelé un Nguad à deux années d’emprisonnement soient à l’origine de cette surveillance. grand camp de protestation à Gdim Izik, pour des billets publiés en ligne qui au Sahara occidental. critiquaient les autorités. En novembre, un tribunal de Salé a déclaré le rappeur Mohamed Mounir (connu sous le nom TORTURE ET AUTRES de Gnawi) coupable d’« outrage » à un MAUVAIS TRAITEMENTS LIBERTÉ D’ASSOCIATION corps constitué, et l’a condamné à une ET DE RÉUNION année d’emprisonnement assortie d’une amende1. Les autorités n’enquêtaient pas de façon adéquate sur les allégations de Les autorités ont restreint à plusieurs Au Sahara occidental, les autorités torture et autres mauvais traitements, reprises les droits à la liberté marocaines ont arrêté en avril le militant ce qui conduisait à des procès iniques. d’association et de réunion. sahraoui Ali Al Saadouni après qu’il Plusieurs cas de détention à l’isolement eut publié en ligne une vidéo montrant prolongée de prisonniers, qui peut être En avril, le gouvernement a dissous des militants en train de brandir le assimilée à de la torture ou à une autre l’association culturelle Racines, qui drapeau du Front Polisario, qui réclame forme de mauvais traitement, ont été était légalement enregistrée, après que l’indépendance du Sahara occidental enregistrés. des personnes invitées à participer

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 38 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International à un débat en ligne animé par cette de l’enquête ouverte par les autorités plainte auprès des autorités, car elles association eurent critiqué les autorités3. n’avaient pas été rendues publiques n’avaient pas confiance en l’aptitude En juillet, les autorités ont interdit à la fin de l’année. Selon certaines de ces dernières à mener des enquêtes à l’Association marocaine des droits sources, quelque 80 personnes auraient adéquates et à amener les responsables à humains (AMDH) de tenir un événement, été blessées, mais il était toujours répondre de leurs agissements. qui avait pourtant reçu une autorisation difficile de connaître leur nombre exact préalable, après que les organisateurs car beaucoup n’étaient pas allées se L’avortement restait interdit par la loi eurent été contraints de le déplacer faire soigner à l’hôpital, par crainte de en toutes circonstances, sauf en cas dans les locaux de la Confédération représailles4. de risque pour la santé de la femme démocratique du travail, à Azrou. enceinte et à la condition que son époux accepte cette intervention, ce Les autorités ont utilisé une faille de la qui restreignait pour les femmes la législation pour empêcher 62 antennes PERSONNES MIGRANTES possibilité de prendre une décision de locales de l’AMDH de mener légalement façon autonome. Dans tous les autres leurs activités. L’administration a refusé Les forces de sécurité ont arrêté et cas, une femme cherchant à avorter ou d’accepter les documents soumis par placé en détention plusieurs milliers de recourant à un avortement risquait la 52 d’entre elles pour le renouvellement personnes migrantes. Elles ont procédé prison et d’autres sanctions, de même de leur enregistrement, et elle n’a au transfert forcé de plus de 11 000 que les professionnels de santé ayant pas remis aux 10 autres de récépissé d’entre elles vers le sud du pays, et au participé à l’interruption de grossesse. pour le dépôt de ces documents. La renvoi forcé de plus de 1 000 autres Le 30 septembre, la journaliste Hajar législation marocaine autorise une dans leur pays d’origine – dans de Raissouni, qui était accusée d’avoir association à mener ses activités à partir nombreux cas au mépris de la procédure subi un avortement illégal et d’avoir du moment où elle a remis un dossier légale, selon certaines informations. eu des relations sexuelles avant le d’enregistrement à l’administration locale D’après l’AMDH, les autorités ont mariage, a été condamnée à une année et obtenu le récépissé correspondant à ce enfermé plusieurs dizaines de femmes, d’emprisonnement. Son fiancé, Amin dépôt, tant que les autorités ne se sont d’hommes et d’enfants originaires Rifaat, a lui aussi été condamné à un an pas formellement opposées à sa création. d’Afrique subsaharienne dans un centre d’emprisonnement dans cette affaire. de détention informel à Arekmane, non Un médecin mis en cause s’est vu Le 23 avril, la police a recouru à une loin de la ville de Nador (région du Rif), infliger deux ans d’emprisonnement et force injustifiée et excessive pendant avant de les envoyer de force dans des deux ans d’interdiction de pratique de une manifestation pacifique organisée villes du sud du pays ou de les expulser la médecine. Deux autres membres du à Rabat par des enseignant·e·s qui vers l’Algérie, où elles risquaient d’être personnel médical ont été condamnés réclamaient de meilleures conditions de de nouveau incarcérées, ou vers des à des peines d’emprisonnement avec travail. La police a utilisé des canons pays tels que le Cameroun, le Mali ou le sursis. Le 17 octobre, le roi a gracié ces à eau et des matraques pour disperser Sénégal. cinq personnes pour des motifs de les manifestant·e·s et les empêcher de « compassion5». défiler. En octobre, les autorités locales ont interdit pour « des raisons de sécurité » les manifestations organisées à DROITS DES FEMMES Al Hoceima pour commémorer la mort de DROITS DES LESBIENNES, Mouhcine Fikri, un vendeur de poisson Les femmes continuaient d’être victimes DES GAYS ET DES tué dans cette ville en 2016 lors d’une de discrimination, ainsi que de violences opération menée par la police contre la sexuelles et d’autres formes de violences PERSONNES BISEXUELLES, pêche illégale. liées au genre. Le Maroc a adopté en TRANSGENRES OU 2018 une loi sur la prévention des INTERSEXES Le 19 juillet, au Sahara occidental, la violences faites aux femmes, mais les police a recouru à une force excessive, mécanismes chargés de la mise en utilisant notamment des balles en œuvre de ce texte demeuraient peu La police a continué de harceler des caoutchouc, des matraques et des efficaces. Les résultats d’une étude personnes LGBTI en raison de leur canons à eau, contre des manifestants nationale sur l’importance du phénomène orientation sexuelle ou de leur identité qui célébraient la victoire de l’Algérie des violences faites aux femmes qui de genre. Des victimes d’agressions lors de la finale de la Coupe d’Afrique a été menée entre les mois de janvier homophobes ou transphobes ont déclaré des nations de football. Heurtée par et de mars ont indiqué que plus de la qu’elles avaient peur de se rendre au deux véhicules des Forces auxiliaires moitié des femmes marocaines avaient poste de police pour porter plainte à marocaines, Sabah Njourni est morte des été victimes de violences, mais que cause du risque d’arrestation au titre de suites de ses blessures. Les conclusions seules 6,6 % des victimes avaient porté l’article 489 du Code pénal. Les relations

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 39 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International sexuelles consenties entre adultes de En juin, après plusieurs décennies exécution n’a eu lieu. La dernière même sexe étaient toujours considérées de travail de campagne mené par des exécution remontait à 1993. comme une infraction pénale passible militantes et des militants, le Parlement d’une peine pouvant aller jusqu’à trois a approuvé à l’unanimité un projet de ans d’emprisonnement, aux termes de loi confirmant le statut du tamazight, cet article. la langue amazighe, comme langue CAMPS DU FRONT officielle aux côtés de l’arabe. Ce statut POLISARIO était déjà inscrit dans la Constitution de 2011, mais la nouvelle loi visait à rendre DROITS ÉCONOMIQUES, cette reconnaissance opérationnelle À partir du mois de juin, le Front SOCIAUX ET CULTURELS dans tous les domaines de la vie Polisario, qui administre en Algérie publique, en intégrant le tamazight dans des camps pour les réfugiés du Sahara l’éducation, la législation, les médias et occidental, a arrêté au moins deux En avril, le gouvernement a soumis au la communication, ainsi que dans les opposants ; un juge d’instruction Parlement un projet de loi encadrant activités artistiques et culturelles. Selon enquêtait sur des accusations de trahison le droit de grève. Ce texte restreignait le recensement de 2004, 8 millions de et sur d’autres charges visant ces deux fortement le droit de grève, tel que personnes au Maroc – soit un quart de la personnes. garanti par la Constitution du pays et population – parlaient quotidiennement par le droit international. Il prévoyait l’un des trois principaux dialectes de la Le Front Polisario n’a pas fait le notamment des sanctions pénales et langue amazighe. nécessaire pour que les responsables financières pour les travailleurs qui présumés d’atteintes aux droits humains feraient pacifiquement grève. Les commises dans ces camps lors des pressions exercées par des organisations précédentes décennies répondent de nationales et internationales du travail PEINE DE MORT leurs actes. ont abouti au retrait du projet de loi. On ignorait cependant quelle suite allait être Les tribunaux ont continué de prononcer donnée à ce texte. des condamnations à mort ; aucune

1 Maroc. La condamnation du rappeur Gnawi à une année d’emprisonnement constitue une atteinte flagrante à la liberté d’expression (nouvelle, 25 novembre 2019) 2 Des défenseurs des droits humains marocains ciblés par un logiciel espion malveillant de l’entreprise israélienne NSO (nouvelle, 10 octobre 2019) 3 Maroc. Renoncez à dissoudre une association culturelle (nouvelle, 18 janvier 2019) 4 Maroc et Sahara occidental. Une enquête doit être ouverte sur la violente répression de manifestations sahraouies (nouvelle, 1er août 2019) 5 Maroc. Libération de la journaliste emprisonnée pour avoir avorté (nouvelle, 17 octobre 2019)

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 40 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Des journalistes palestiniennes tiennent des pancartes en faveur de la liberté d’expression lors d’un rassemblement organisé dans la ville de Ramallah pour protester contre une décision de justice bloquant l’accès à plusieurs dizaines de sites web (Cisjordanie, 23 octobre 2019). © Ahmad Gharabli/AFP via Getty Images

Les femmes de Cisjordanie et de Gaza PALESTINE étaient en butte à la discrimination et CONTEXTE à la violence ; selon les informations État de Palestine recueillies, 24 femmes et filles au moins Le blocus aérien, maritime et terrestre Chef de l’État : ont été victimes de crimes imposé par Israël à Gaza depuis 2007 Chef du gouvernement : Mohammad Chtayyeh (a remplacé d’« honneur ». Au moins huit personnes est resté en vigueur. L’Égypte a continué en avril) lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres d’imposer une fermeture quasi totale ou intersexes (LGBTI) ont été arrêtées du point de passage de Rafah. Ces arbitrairement et soumises à des mauvais mesures venaient aggraver la situation Les autorités palestiniennes de traitements du fait de leur orientation économique et humanitaire déjà Cisjordanie ainsi que le gouvernement sexuelle ou de leur identité de genre. désastreuse des deux millions d’habitants de facto du Hamas dans la bande de À Gaza, les tribunaux ont continué de Gaza. Gaza ont arrêté arbitrairement des de prononcer des condamnations à dizaines de personnes qui manifestaient la peine capitale. Le Haut Conseil Le gouvernement de « consensus national » pacifiquement ou exprimaient des judiciaire, un organe instauré en de Rami Hamdallah a démissionné le critiques envers le pouvoir. Les autorités vue de renforcer l’indépendance des 29 janvier. Un nouveau gouvernement, de Cisjordanie ont continué de réprimer juges, a été dissous. Les mesures dirigé par Mohammad Chtayyeh, a pris l’expression en ligne, bloquant l’accès punitives imposées par les autorités ses fonctions le 13 avril1. Le Premier à des dizaines de sites Internet. Les palestiniennes en Cisjordanie ont ministre étant un haut responsable forces palestiniennes à Gaza ont fait exacerbé la grave crise humanitaire à du parti du Fatah, sa nomination est usage d’une force excessive contre des Gaza. Des groupes armés palestiniens apparue aux yeux du Hamas et du Front manifestations pacifiques. De nombreux de Gaza ont procédé à plusieurs populaire de libération de la Palestine actes de torture et autres mauvais reprises à des tirs aveugles de comme un coup porté aux tentatives traitements perpétrés en toute impunité roquettes en direction d’Israël, faisant d’unité. Le 6 octobre, le président contre des personnes détenues ont quatre morts parmi la population civile Mahmoud Abbas a déclaré qu’il allait été signalés dans les deux territoires. israélienne. engager avec toutes les formations en

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 41 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International présence, y compris le Hamas, des d’Hébron, les forces de sécurité de RECOURS EXCESSIF discussions sur de nouvelles élections Cisjordanie s’en sont prises à des À LA FORCE législatives. membres du Hizb ut Tahrir après que ce mouvement islamiste non violent eut Le 17 février, Israël a adopté une loi annoncé la tenue d’une fête musulmane Les forces de sécurité palestiniennes à prévoyant la réduction de 5 % des une journée avant l’annonce officielle. Gaza ont fait usage d’une force excessive fonds qu’elle transfère aux autorités Les forces de sécurité ont encerclé ou injustifiée pour disperser des palestiniennes sur la base des la mosquée, brutalisé les fidèles et manifestations pacifiques. Entre le 14 et recettes fiscales provenant des impôts arrêté arbitrairement une quinzaine de le 16 mars, des milliers de Palestiniens collectés auprès des Palestiniens. Des personnes, qui ont été remises en liberté ont manifesté dans toute la bande de responsables israéliens ont expliqué sans inculpation peu après. Gaza pour dénoncer les conditions que la somme déduite correspondait effroyables dans lesquelles ils vivaient. à l’argent versé par les autorités Le 10 mars, les autorités du Hamas à Les forces de sécurité du Hamas ont eu palestiniennes aux familles de Gaza ont arrêté arbitrairement recours à une force excessive contre des Palestiniens condamnés et emprisonnés 13 militants du mouvement « Nous dizaines de personnes – manifestant·e·s, par Israël pour des « infractions liées à voulons vivre », qui prévoyaient la tenue journalistes, employé·e·s d’ONG et la sécurité ». En signe de protestation, quatre jours plus tard de manifestations simples passant·e·s – qui ne faisaient les autorités palestiniennes ont refusé contre la hausse du coût de la vie et la pas usage de violence, intervenant d’accepter le versement partiel des détérioration de la situation économique. avec des grenades assourdissantes, recettes fiscales pendant près de huit Ces arrestations ont eu lieu lors d’une des matraques, du gaz poivre et des mois. Ce désaccord les a contraintes réunion privée qui se déroulait au tirs à balles réelles pour disperser les à amputer les salaires de dizaines de domicile de l’un des militants, Jihad protestataires. milliers de fonctionnaires. Salem al Arabeed, dans la ville de Jabaliya (nord de la bande de Gaza). Les forces de sécurité ont fait irruption dans la maison sans présenter de TORTURE ET AUTRES LIBERTÉ D’EXPRESSION mandat d’arrêt. Selon la Commission MAUVAIS TRAITEMENTS ET DE RÉUNION indépendante des droits humains, l’institution nationale palestinienne dans ce domaine, les militants ont subi Les forces de sécurité palestiniennes Les autorités palestiniennes de des tortures et des mauvais traitements en Cisjordanie et à Gaza se sont livrées Cisjordanie, dirigées par le Fatah, et le pendant leur détention. couramment à des actes de torture et gouvernement de facto du Hamas dans la d’autres mauvais traitements, en toute bande de Gaza ont arrêté arbitrairement Les autorités de Cisjordanie ont impunité. À la fin du mois de novembre, des dizaines d’hommes et de femmes continué de réprimer la liberté 143 cas avaient été signalés à la qui manifestaient pacifiquement ou d’expression en ligne en faisant usage Commission indépendante des droits exprimaient des critiques envers le des dispositions draconiennes de la Loi humains pour la Cisjordanie et 156 pour pouvoir, et notamment des journalistes, sur la cybercriminalité. Sur demande du la bande de Gaza. des étudiants et des militants des droits procureur général palestinien, le tribunal humains. Les autorités de Cisjordanie d’instance de Ramallah a ordonné le Le journaliste et militant Amer ont continué de réprimer l’expression en 21 octobre l’interdiction de 59 sites Balousha, l’un des organisateurs de ligne. Internet. Ces sites ont été bloqués au l’initiative « Nous voulons vivre », a motif que leur contenu constituait une déclaré avoir été torturé en détention le Selon le Centre palestinien pour le « menace pour la sécurité nationale » et 16 mars par les forces de sécurité du développement et la liberté des médias, risquait de déclencher des « troubles à Hamas. Selon son témoignage, il a été les autorités de Cisjordanie ont été à l’ordre public », en vertu de l’article 39 placé dans des positions douloureuses et l’origine de 150 atteintes à la liberté de de la Loi sur la cybercriminalité. Tous ces frappé. Il a entamé une grève de la faim la presse pendant l’année. Il s’agissait sites Internet diffusaient des contenus peu après son arrestation pour protester notamment d’arrestations arbitraires, critiques à l’égard des autorités. Pour contre sa détention et les conditions de mauvais traitements pendant des Amnesty International, la Loi sur la dans lesquelles il était incarcéré. Il a interrogatoires, de saisies de matériel, de cybercriminalité restreint de manière été transféré à l’hôpital Kamal Adwan brutalités physiques et d’interdictions de arbitraire la liberté d’expression et de Beit Lahia (nord de Gaza) le 19 mars publier des informations. Les autorités interdit l’expression en ligne d’opinions pour y recevoir des soins médicaux en du Hamas à Gaza, quant à elles, se sont divergentes par rapport à la ligne des raison de problèmes de santé liés à sa rendues responsables de 41 atteintes de autorités. L’organisation a réclamé grève de la faim. Il a été remis en liberté ce type. Le 4 juin, dans une mosquée l’abrogation de ce texte. le 26 mars.

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 42 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International DROITS DES FEMMES DROITS DES LESBIENNES, du Deuxième protocole facultatif se DES GAYS ET DES rapportant au Pacte international relatif Les femmes et les filles continuaient aux droits civils et politiques, visant à de faire l’objet de discriminations dans PERSONNES BISEXUELLES, abolir la peine de mort. la législation et dans la pratique. Elles TRANSGENRES OU n’étaient pas suffisamment protégées INTERSEXES À Gaza, les tribunaux administrés contre les violences sexuelles et autres par le Hamas ont prononcé au moins violences liées au genre, notamment les quatre condamnations à mort ; aucune crimes d’« honneur ». Selon le Centre Bien que les relations sexuelles entre exécution n’a été signalée. d’aide juridique et de conseil pour les personnes de même sexe ne constituent femmes, au moins 24 femmes ou jeunes pas une infraction pénale en Cisjordanie, filles auraient été assassinées pour des la police palestinienne a déclaré le questions d’« honneur » en Cisjordanie 17 août qu’elle empêcherait toute SYSTÈME JUDICIAIRE et à Gaza en 2019. Les auteurs étaient activité organisée par alQaws pour la dans la plupart des cas des hommes de diversité sexuelle et de genre dans Le président Abbas a dissous le 19 juillet leur famille. la société palestinienne, une ONG le Haut Conseil judiciaire. Cet organe palestinienne qui travaille sur les installé en Cisjordanie avait été créé en Israa Ghrayeb, une jeune femme de questions LGBTI. Cette déclaration a 2002 pour renforcer l’indépendance la ville de Beit Sahour (sud de la scandalisé les organisations de défense des juges, garantir la transparence et Cisjordanie occupée) qui exerçait la des droits humains, mais elle a aussi l’efficacité de leur travail, améliorer le profession de maquilleuse, est morte le déclenché sur les réseaux sociaux une fonctionnement des tribunaux et faciliter 22 août après avoir été battue par des vague de messages incitant à la violence le traitement des affaires. membres de sa famille. Cet événement a contre alQaws et les membres de la déclenché un mouvement de protestation communauté LGBTI, dont des menaces Selon des organisations palestiniennes de un peu partout en Cisjordanie et à Gaza, de mort. Une telle annonce était par défense des droits humains, les autorités pour exiger une plus grande protection ailleurs contraire à certaines dispositions palestiniennes en Cisjordanie ont invoqué des femmes ainsi que l’abrogation des de la Loi fondamentale palestinienne une loi de 1954 pour placer des dizaines lois discriminatoires. Le 12 septembre, et des traités internationaux ratifiés de personnes en détention administrative le procureur général a annoncé que le par l’État de Palestine. La police pendant des périodes allant jusqu’à six parquet, à l’issue de son enquête, avait palestinienne a rapidement retiré sa mois. Un grand nombre de ces mesures, conclu que la mort avait été provoquée déclaration. ordonnées par un gouverneur régional, par des violences domestiques ; il a ont été prises pour des raisons politiques. précisé que trois personnes – dont Parallèlement, alQaws a recensé au De tels placements en détention l’identité n’a pas été révélée – avaient moins huit cas de personnes LGBTI administrative, qui interviennent été inculpées d’homicide involontaire, un arrêtées arbitrairement ou soumises à sans aucune inculpation, ne sont pas crime passible d’au minimum cinq ans des mauvais traitements par les forces de conformes aux garanties d’une procédure d’emprisonnement. sécurité palestiniennes en Cisjordanie en régulière. La Commission indépendante raison de leur orientation sexuelle ou de des droits humains avait recensé 195 cas Mobilisées depuis 2007 sur cette leur identité de genre. de ce type à la fin du mois de novembre. question, les organisations palestiniennes de défense des droits des femmes ont En vertu de l’article 152 du Code pénal continué de réclamer l’adoption d’une loi en vigueur à Gaza, les relations sexuelles générale sur la violence domestique. Les consenties entre personnes de même DROITS ÉCONOMIQUES, autorités palestiniennes en Cisjordanie sexe constituaient une infraction pénale SOCIAUX ET CULTURELS ont poursuivi leur travail, entamé en passible d’un maximum de 10 ans 2016, sur un projet de loi de protection d’emprisonnement. de la famille. La violence domestique Les autorités palestiniennes en n’était toujours pas érigée en infraction Cisjordanie ont continué d’imposer des pénale en Cisjordanie ni à Gaza. mesures punitives aux habitants de PEINE DE MORT Gaza : diminution de la participation aux dépenses d’électricité et d’eau, restriction Ni les autorités palestiniennes en de l’entrée de médicaments dans le Cisjordanie ni le gouvernement de facto territoire et baisse ou non-versement des du Hamas à Gaza n’ont pris de mesures salaires. Ces mesures ont exacerbé la en vue de donner suite aux engagements grave crise humanitaire provoquée par les de l’État de Palestine aux termes 12 ans de blocus israélien.

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 43 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International EXACTIONS PERPÉTRÉES la population civile israélienne. Les blanche, perpétrées contre des Israéliens PAR DES GROUPES ARMÉS autorités du Hamas empêchaient le plus en Cisjordanie et en Israël, qui ont souvent de tels actes, mais elles n’ont fait trois morts parmi la population pas pour autant mené de poursuites civile israélienne pendant l’année, Des groupes armés palestiniens à Gaza contre les responsables présumés de n’appartenaient à aucune organisation ont procédé à plusieurs reprises à des ces tirs. La plupart des Palestiniens et armée palestinienne. Ces actes étaient tirs aveugles de roquettes en direction Palestiniennes auteurs des fusillades toutefois fréquemment salués par ces d’Israël, faisant quatre morts parmi et autres attaques, notamment à l’arme groupes.

1 Palestine. Le nouveau gouvernement doit remédier au déclin des droits humains (nouvelle, 11 mars 2019)

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 44 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Le stade de Lusai en construction (Qatar). La photo a été présentée par le Comité suprême pour les projets et l’héritage, l’organisme qatarien chargé de la mise en œuvre des projets de stades et d’infrastructures pour la Coupe du monde de football de 2022. Les migrants qui travaillent sur les chantiers de stades et d’infrastructures au Qatar sont soumis à des pratiques abusives et à l’exploitation. © Comité suprême pour les projets et l’héritage 2022 via Getty Images

QATAR discriminations dans la loi et dans DROITS DES PERSONNES la pratique. Plusieurs centaines de MIGRANTES État du Qatar membres du clan al Ghufran de la tribu Chef de l’État : Tamim bin Hamad bin Khalifa Al Thani al Murra, l’une des plus importantes Chef du gouvernement : Abdullah bin Nasser bin Khalifa du Qatar, demeuraient apatrides. La Dans le cadre de l’accord de coopération Al Thani législation établissait toujours une technique de trois ans signé avec discrimination à l’égard des personnes l’Organisation internationale du travail lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres (OIT), les autorités ont annoncé plusieurs Les autorités ont annoncé de nouvelles ou intersexes (LGBTI). Des tribunaux ont réformes visant à améliorer la protection réformes en vue de mieux protéger les prononcé de nouvelles condamnations à des travailleuses et travailleurs migrants, droits des travailleuses et travailleurs mort ; aucune exécution n’a été signalée. qui constituent 90 % de la main-d’œuvre migrants. Dans les faits, toutefois, du pays. Dans les faits, toutefois, les les réformes adoptées précédemment réformes adoptées précédemment étaient peu appliquées et les personnes étaient peu appliquées et les personnes migrantes n’étaient dans l’ensemble CONTEXTE migrantes n’étaient dans l’ensemble pas pas protégées contre les pratiques protégées contre les pratiques abusives abusives et l’exploitation au travail. Le Qatar était toujours en proie à et l’exploitation au travail. Celles qui cherchaient à obtenir justice une crise diplomatique avec l’Arabie dans des conflits du travail concernant saoudite, Bahreïn, l’Égypte et les Émirats Le 16 octobre, le ministère du le non-versement de salaires devaient arabes unis. La circulation des personnes Développement administratif, du Travail attendre des mois pour que leur dossier entre les pays concernés s’en trouvait et des Affaires sociales s’est engagé à soit traité ; des centaines d’entre elles restreinte. abolir le système de parrainage (kafala), ont été finalement contraintes cette qui rend les travailleuses et travailleurs année de rentrer dans leur pays sans Après y avoir été invitées par le migrants dépendants de leur employeur avoir été payées. La liberté d’expression gouvernement, plusieurs procédures pour la quasi-totalité des aspects de faisait l’objet de restrictions injustifiées. spéciales de l’ONU se sont rendues au leur présence au Qatar. Sans donner de Les femmes étaient soumises à des Qatar. détails, il a indiqué que des dispositions

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 45 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International seraient adoptées en vue de mettre un a recueilli des informations sur trois épouvantables et les pratiques abusives terme à l’obligation d’obtenir un permis dossiers concernant des centaines de des employeurs à leur égard – durée de de sortie, pour tous les travailleurs migrants travailleuses et de travailleurs, qui ont travail excessive, privation de journées à l’exception des militaires ; de permettre attendu plusieurs mois que leur plainte à de repos et confiscation du passeport, à tous les travailleurs, après une période propos de salaires impayés, accompagnée notamment. Par crainte de représailles, probatoire, de changer d’employeur sans d’une demande d’indemnisation, soit ces personnes n’osaient pas dénoncer avoir à obtenir l’accord de leur parrain ; traitée. La plupart de ces personnes sont leur employeur aux autorités. et d’instaurer un salaire minimum non rentrées dans leur pays sans que ces discriminatoire. salaires leur aient été versés ; quelques En septembre, l’expert indépendant sur autres sont restées au Qatar dans les droits de l’homme et la solidarité En octobre également, le ministère l’attente de leur dû1. internationale [ONU] a demandé a rendu publique une étude menée instamment au Qatar d’étendre la conjointement avec l’OIT et le Comité En août, des centaines de travailleuses et protection récemment adoptée à suprême pour les projets et l’héritage travailleurs migrants se sont mis en grève tous les travailleurs et travailleuses indiquant que les personnes travaillant pour protester contre leurs mauvaises étrangers, notamment les employé·e·s en extérieur étaient susceptibles conditions de travail et le non-versement, domestiques migrants et les autres d’exercer leur travail dans des conditions ou le versement tardif, de leurs salaires. personnes qui ne sont pas couvertes de stress thermique important pendant Le gouvernement a déclaré par la actuellement. En novembre, le Groupe au moins quatre mois de l’année. En suite qu’il avait arrêté les employeurs de travail sur la détention arbitraire juillet, une étude réalisée par un groupe responsables de cette situation, précisant [ONU] a engagé le Qatar à faire en de climatologues et de cardiologues que les retards de paiement étaient dus sorte que les travailleuses et travailleurs et publiée dans Cardiology Today avait à un « déficit de trésorerie » dans les puissent quitter leur employeur sans conclu que l’augmentation du nombre entreprises concernées et que la situation avoir à craindre d’arrestation, et que de morts des suites de problèmes était désormais réglée. À la fin de les employé·e·s qui se voient reprocher cardiovasculaires constatée chez l’année, des centaines d’autres personnes quelque chose par leur employeur ne les travailleurs migrants était très migrantes étaient toujours confrontées à soient pas systématiquement placés probablement le résultat d’un fort stress des retards de versement de salaire. en détention pendant l’enquête. En thermique, en particulier en période décembre, la rapporteuse spéciale estivale. Le gouvernement a déclaré Le ministère du Développement des Nations unies sur les formes par la suite qu’il avait fermé plus de administratif, du Travail et des Affaires contemporaines de racisme, de 300 chantiers pour violation de la sociales a instauré une série de mesures discrimination raciale, de xénophobie réglementation sur le travail à l’extérieur de lutte contre les abus systémiques et de l’intolérance qui y est associée a entre 11 h 30 et 15 heures de la mi-juin commis dans le cadre du processus appelé l’attention sur les graves violations à la fin août. de recrutement des travailleuses et des droits humains qui persistent, travailleurs migrants. Ces mesures notamment en lien avec l’origine Les commissions pour le règlement n’étaient toutefois que peu mises en nationale, et sur l’existence de structures des conflits du travail, des mécanismes application. Des personnes migrantes discriminatoires et de stéréotypes présidés par un juge instaurés en 2018 ont déclaré qu’elles avaient dû raciaux, ethniques et nationaux. Elle a et ayant pour mission de résoudre dans verser d’importantes commissions de demandé au gouvernement de redoubler un délai de six semaines les différends recrutement, qui les laissaient fortement d’efforts en vue de mettre un terme à entre employeurs et salariés, ont fait endettées et très vulnérables aux la discrimination fondée sur l’origine tomber certains des obstacles auxquels pratiques abusives, notamment au travail ethnique et sur le pays d’origine. se heurtaient auparavant les travailleuses forcé. et travailleurs migrants qui cherchaient à obtenir justice ; il reste que, dans la En dépit de la loi de 2017 sur les plupart des cas, ils ne leur permettaient employé·e·s de maison, le personnel LIBERTÉ D’EXPRESSION pas d’obtenir réparation pour les domestique, composé en majorité de violations constatées. Ces personnes femmes, restait très exposé au risque de La liberté d’expression continuait de faire devaient toujours patienter des mois pratiques abusives et d’exploitation. La l’objet de restrictions, dans la législation avant que leur dossier ne soit examiné. loi, qui n’était pas conforme aux normes et dans la pratique. Les autorités Certains travailleurs et travailleuses se internationales et restait mal appliquée, disposaient toujours de vastes pouvoirs sont vu accorder par le gouvernement ne protégeait pas correctement les en matière de surveillance des citoyens. une indemnisation pour compenser les travailleuses et travailleurs domestiques. Par exemple, l’article 19 de la Loi n° 3 salaires non perçus mais, le plus souvent, Un certain nombre d’employé·e·s de 2004 sur la lutte contre le terrorisme les personnes concernées n’obtenaient domestiques ont décrit à Amnesty donne aux autorités des pouvoirs étendus pas gain de cause. Amnesty International International leurs conditions de travail leur permettant de procéder à des

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 46 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International opérations de surveillance par tous les APATRIDIE par la séduction, à commettre un acte moyens pendant 90 jours avant tout de sodomie ou de débauche », érige examen judiciaire de la nécessité de Plusieurs centaines de membres du clan en infraction un éventail de relations la mesure, et de saisir toute forme de al Ghufran de la tribu al Murra, l’une des sexuelles consenties entre personnes communication lorsque cela peut plus importantes du Qatar, demeuraient de même sexe. L’article 296(4) érige servir la « manifestation de la vérité » apatrides. Ils étaient de ce fait privés, en infraction le fait de « provoquer ou en matière de « crimes terroristes ». entre autres, de leurs droits en matière séduire un homme ou une femme, de La loi sur la cybercriminalité contient de travail, d’accès aux soins de santé, quelque façon, dans le but de commettre des dispositions tout aussi vagues et d’accès à l’éducation, de propriété et de des actes qui sont contraires à la morale étendues, qui permettent par exemple libre circulation. Plusieurs membres du ou à la loi ». d’emprisonner toute personne qui crée ou clan al Ghufran qui s’étaient exprimés administre un site Internet diffusant sur les réseaux sociaux à propos de leur « de fausses informations, dans situation d’apatridie ont été arrêtés l’intention de mettre en danger la arbitrairement. Ils ont été ensuite remis PEINE DE MORT sécurité de l’État, l’ordre public, la en liberté sans inculpation. sécurité interne ou la sécurité extérieure ». Cette année encore, des tribunaux ont prononcé des condamnations à mort. Aucune exécution n’a été signalée. DROITS DES LESBIENNES, DROITS DES FEMMES DES GAYS ET DES

Les femmes continuaient de faire l’objet PERSONNES BISEXUELLES, de discriminations dans la législation et TRANSGENRES OU dans la pratique. Le droit de la famille INTERSEXES est discriminatoire à l’égard des femmes. En particulier, il est beaucoup plus difficile de demander le divorce lorsque La législation qatarienne contenait l’on est une femme, et les femmes qui toujours des dispositions discriminatoires le font, ou dont le mari s’en va, sont à l’égard des personnes LGBTI. L’article extrêmement pénalisées du point de vue 296(3) du Code pénal, qui prévoit une économique. Les femmes restaient en peine d’emprisonnement pour toute outre mal protégées contre la violence, y personne qui « conduit ou incite un compris la violence au sein de la famille. homme de quelque façon, y compris

1 All work, no pay: The struggle of Qatar migrant workers for justice (MDE 22/0793/2019)

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 47 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International À la sortie de la ville syrienne de Tall Tamer, des personnes déplacées fuient à moto une offensive meurtrière menée depuis l’autre côté de la frontière par l’armée turque contre les zones kurdes du nord-est de la Syrie. Les nuages de fumée au second plan proviennent de pneus auxquels on a mis le feu pour gêner la visibilité des avions de guerre turcs opérant dans le secteur (Syrie, 16 octobre 2019). © Delil Souleiman/AFP via Getty Images

ont continué de restreindre l’accès Ces groupes ainsi que la Turquie SYRIE à l’aide humanitaire et médicale étaient probablement responsables pour les civils vivant dans des zones d’attaques menées sans discrimination République arabe syrienne contrôlées par le gouvernement. Les lors des hostilités dans le nord-est Chef de l’État : Bachar el Assad forces de sécurité ont arrêté de façon de la Syrie. Dans la même région, Chef du gouvernement : Imad Khamis arbitraire des civils et d’anciens l’administration autonome s’est livrée combattants réconciliés avec le à plusieurs arrestations arbitraires. gouvernement, et continué de détenir La coalition dirigée par les États-Unis Les parties au conflit armé en Syrie des dizaines de milliers de personnes, n’a pas enquêté sur les nombreux cas ont continué de commettre, en toute parmi lesquelles des militant·e·s non de civils tués lors de sa campagne de impunité, des violations graves du droit violents, des travailleurs et travailleuses bombardement de Raqqa, en 2017, international humanitaire, notamment humanitaires, des avocat·e·s et des qui visait le groupe armé se désignant des crimes de guerre, et de flagrantes journalistes. Un grand nombre de sous le nom d’État islamique (EI). Les atteintes aux droits humains. Les ces personnes ont été soumises à offensives militaires menées dans le forces gouvernementales et leurs alliés une disparition forcée, à la torture et nord-ouest et le nord-est de la Syrie ont ont mené des attaques aveugles et à d’autres mauvais traitements. Ces provoqué le déplacement à l’intérieur du des attaques visant directement des pratiques ont entraîné des décès en pays de 684 000 et 174 600 personnes civils et des biens de caractère civil, détention. À Afrine, les groupes armés respectivement. Des dizaines de milliers procédant à des frappes aériennes et opérant avec le soutien de la Turquie de personnes déplacées continuaient à des tirs d’artillerie qui ont fait des ont continué de soumettre les civils de résider dans des camps de fortune, centaines de morts et de blessés à à tout un ensemble d’exactions, dont des écoles et des mosquées, où elles ne Idlib et à Hama, dans le nord-ouest des pillages et des confiscations de pouvaient pas vivre dans des conditions du pays. Les forces gouvernementales biens et des arrestations arbitraires. décentes.

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 48 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International CONTEXTE et le président russe sont parvenus LES FORCES à un accord aux termes duquel : la GOUVERNEMENTALES Le conflit armé s’est poursuivi durant Turquie mettait fin à ses opérations toute l’année 2019. En février, le militaires, tout en gardant le contrôle SYRIENNES ET LEURS ALLIÉS gouvernement syrien et les forces alliées de Tel Abyad et de Ras al Ain ; le russes ont lancé une offensive militaire gouvernement syrien et la Russie contre le gouvernorat d’Idlib, tenu par le déployaient des forces près de la Attaques menées groupe d’opposition armé Hayat Tahrir frontière avec la Turquie (ce qu’ils ont directement contre des al Cham, afin de prendre le contrôle de fait le 22 octobre, en entrant dans l’autoroute stratégique reliant Damas Qamishli, Hassaké et Derbassiyé) et civils et des biens de à Alep, appelée la M5. En août, les supervisaient le retrait des FDS ; et les caractère civil, et attaques pourparlers menés sous l’égide de la forces russes et turques patrouilleraient menées sans discrimination Russie et de la Turquie ont abouti à un conjointement dans une étroite bande cessez-le-feu à Idlib. Le 19 septembre, de terre de 10 kilomètres de large dans la Russie et la Chine ont mis leur veto la « zone de sécurité » à compter Les forces gouvernementales et leurs à une résolution du Conseil de sécurité du 29 octobre. alliés ont continué de commettre de l’ONU appelant à un cessez-le-feu des crimes de guerre et d’autres à Idlib, parce qu’il ne comprenait pas Plusieurs frappes aériennes israéliennes violations graves du droit international d’exemption pour les attaques visant ont visé les forces iraniennes et du humanitaire, y compris des attaques Hayat Tahrir al Cham. Hezbollah en Syrie. menées sans discrimination et des attaques visant directement des civils et Le 9 octobre, la Turquie et l’Armée L’ONU a réalisé des avancées dans des biens de caractère civil. Les forces nationale syrienne (ANS), une coalition le cadre de ses initiatives portant sur gouvernementales ont, avec le soutien de de groupes d’opposition armés, ont la négociation d’un accord de paix la Russie, mené à plusieurs reprises des lancé une offensive militaire contre et la création d’un comité chargé attaques dans les gouvernorats d’Idlib un territoire dans le nord-est de la de rédiger une nouvelle constitution et de Hama, dans le nord-ouest de la Syrie qui était contrôlé par les Forces pour la Syrie. Le 30 septembre, elle a Syrie et dans le nord du gouvernorat démocratiques syriennes (FDS), une annoncé la création d’un comité fort de d’Alep, des régions qui étaient toutes alliance de groupes armés dirigée par 150 membres : 50 représentants du contrôlées par Hayat Tahrir al Cham. des Kurdes, et conquis les villes de Tel gouvernement syrien, 50 de l’opposition Elles se sont rendues responsables Abyad et de Ras al Ain, à la frontière politique et 50 de la société civile d’attaques menées sans discrimination turco-syrienne. Simultanément, les États- syrienne. L’Iran, la Russie et la Turquie, et d’attaques visant directement des Unis ont retiré leurs forces militaires sous l’égide desquels se sont déroulés logements civils, des écoles, des du nord-est de la Syrie, mais maintenu les pourparlers, entendaient remédier boulangeries, des opérations de secours, celles qui étaient stationnées dans la aux problèmes des arrestations et des des hôpitaux et des structures médicales, base d’Al Tanf, dans le gouvernorat de enlèvements en Syrie et aussi à la notamment avec des tirs d’artillerie et Homs. Voulant empêcher la Turquie et situation à Idlib. des frappes aériennes, tuant et blessant l’ANS de prendre le contrôle des derniers des centaines de civils, y compris du secteurs se trouvant du côté syrien de la La Commission d’enquête internationale personnel médical et des services de frontière nord-est dont elles ne s’étaient indépendante sur la République arabe secours. pas emparées, les FDS ont conclu syrienne (Commission d’enquête de avec le gouvernement syrien un accord l’ONU), créée par le Conseil des droits Le 26 mars, les forces du gouvernement permettant à l’armée syrienne de s’y de l’homme des Nations unies en 2011, syrien ont tiré des roquettes sur une déployer. a poursuivi sa mission d’enquête et école à Sheikh Idriss, à l’est de la ville d’information sur les violations du droit d’Idlib, tuant un petit garçon de 10 ans Le 17 octobre, le vice-président des international commises par les parties au et blessant deux autres garçons âgés de États-Unis, Mike Pence, qui avait conflit. Le gouvernement syrien l’a cette neuf et 10 ans. soutenu les FDS, et le président turc année encore empêchée de se rendre Recep Tayyip Erdoğan ont négocié un dans le pays. Entre avril et septembre, au moins cessez-le-feu de 120 heures afin de 51 établissements médicaux et permettre aux combattants des FDS En mars, l’Organisation pour 59 écoles ont été endommagés à cause de s’éloigner de 32 kilomètres de la l’interdiction des armes chimiques des hostilités à Idlib, Hama et dans frontière avec la Turquie, et de créer de (OIAC) a confirmé qu’une arme chimique le nord d’Alep, selon le Bureau de la ce fait une « zone de sécurité ». Le avait été utilisée à Douma, dans le coordination des affaires humanitaires de 21 octobre, date à laquelle le cessez- gouvernorat de Rif Dimashq, en avril l’ONU (OCHA). Par exemple, le 9 mars, le-feu devait expirer, le président turc 2018. lors d’une frappe aérienne, les forces du

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 49 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International gouvernement syrien ont lâché quatre Détentions arbitraires et LA TURQUIE ET LES bombes sur l’hôpital d’Al Hayat, sur disparitions forcées GROUPES ARMÉS ALLIÉS une banque du sang, sur une unité de secours ambulanciers et sur un bâtiment À LA TURQUIE de la Défense civile syrienne, autre nom Selon des observateurs sur le terrain, des Casques blancs, – tous situés à une les forces gouvernementales ont arrêté centaine de mètres les uns des autres – de façon arbitraire et, dans certains Attaques aveugles et aussi sur des quartiers d’habitations, cas, soumis à une disparition forcée tuant au moins deux civils et blessant un des civils se trouvant dans les zones À la suite de l’offensive militaire lancée membre du personnel médical. qu’elles contrôlaient, en particulier par la Turquie et l’ANS dans le nord-est à Deraa et dans la Ghouta orientale de la Syrie contre les FDS le 9 octobre, Le 1er août, le secrétaire général de (gouvernorat de Rif Dimashq). Parmi les hostilités ont été marquées par des l’ONU a créé un comité d’enquête chargé les personnes arrêtées se trouvaient attaques menées sans discrimination d’examiner une série d’« incidents » d’anciens combattants réconciliés contre des zones d’habitation, concernant « la destruction ou les dégâts avec le gouvernement, des proches de notamment par des attaques contre une causés aux installations figurant sur la commandants de groupes armés, des maison, une boulangerie et une école. liste de désescalade et aux installations travailleurs et travailleuses humanitaires Les éléments de preuve disponibles soutenues par l’ONU » à Idlib. et des proches de militant·e·s déplacés incitaient fortement à penser que ces dans le nord-ouest de la Syrie. Un grand attaques avaient été menées par la nombre d’entre elles ont été soumises à Turquie et les groupes armés syriens la torture et à d’autres formes de mauvais qu’elle soutenait1. Restrictions à l’aide traitements, et certaines sont mortes en humanitaire détention des suites de ces sévices. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, 120 civils ont été tués entre le Les forces de sécurité syriennes ont aussi 9 et le 20 octobre. Ainsi, le Les forces gouvernementales ont continué de détenir sans jugement des 13 octobre, une frappe aérienne turque continué de restreindre l’accès aux milliers de personnes arrêtées les années contre un marché a touché un convoi civil services d’aide humanitaire de l’ONU précédentes, souvent dans des conditions dans lequel se trouvaient de nombreux dans toute la Syrie. Selon l’ONU, les qui s’apparentaient à une disparition journalistes qui se rendaient à Ras al Ain. forces gouvernementales n’ont pas donné forcée. Des dizaines de milliers de Selon le Croissant-Rouge kurde, cette leur feu vert pour environ la moitié des personnes n’avaient toujours pas été attaque a fait six morts et 59 blessés dans demandes d’autorisation de missions retrouvées, la majorité d’entre elles la population civile. Dans un autre cas, humanitaires consistant à surveiller, ayant disparu en 2011. Figuraient parmi à Qamishli, le 10 octobre, une équipe évaluer et accompagner la distribution elles des travailleurs et travailleuses médicale a secouru une petite fille de de l’aide, et à fournir un soutien humanitaires, des avocat·e·s, des huit ans qui a été blessée quand des obus administratif et en matière de logistique journalistes, des militant·e·s pacifiques, de mortier ont atterri près de l’endroit où et de sécurité. des personnes ayant critiqué le elle jouait avec son frère âgé de 11 ans, gouvernement ou s’y étant opposées, devant leur maison. Son frère est mort le Le gouvernement a continué d’empêcher et des personnes arrêtées à la place de jour même des suites de ses blessures. l’accès de l’aide humanitaire au camp membres de leur famille recherchés par de Rukban, près de la frontière avec les autorités. la Jordanie, malgré des conditions humanitaires dramatiques dans ce Les proches des disparus étaient Confiscations et pillages camp. Les forces gouvernementales émotionnellement et psychologiquement de biens immobiliers n’ont autorisé les organismes à vocation très affectés par le fait de vivre dans humanitaire de l’ONU à se joindre à leurs l’incertitude, et cette souffrance était partenaires d’exécution pour fournir cette encore aggravée par une situation L’armée turque et les groupes aide que trois fois au cours de l’année. économique catastrophique. d’opposition armés soutenus Le 20 décembre, la Russie et la Chine militairement par la Turquie, notamment ont opposé leur veto au renouvellement Ferqa 55, Al Jabha al Shamiye, Faylaq d’un mécanisme établi par la résolution al Sham, Sultan Mourad et Ahrar al 2165 (2014) du Conseil de sécurité, qui Sharqiye, contrôlaient toujours Afrine, avait permis à l’ONU et à ses partenaires une zone essentiellement kurde syrienne, d’acheminer de l’aide depuis les pays dans le nord du gouvernorat d’Alep. voisins de la Syrie vers les zones sous Les habitants continuaient d’être privés contrôle de l’opposition. d’accès à leurs biens immobiliers et à

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 50 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International leurs autres possessions, que s’étaient al Sharqiye a pris en embuscade mois, durant lesquels elles n’ont pas pu appropriés des membres de ces groupes des véhicules civils et militaires sur communiquer avec un avocat. et leurs familles. Certains de ces biens l’autoroute internationale reliant immobiliers ont été utilisés en tant que Lattaquié à Saraqeb, appelée la M4, bâtiments militaires par ces différents qui était contrôlée par les FDS. Hevrin groupes. Selon la Commission d’enquête Khalaf, responsable politique kurde et LA COALITION DIRIGÉE de l’ONU, des habitants ont parfois dû secrétaire générale du parti politique PAR LES ÉTATS-UNIS verser de l’argent pour pouvoir récupérer Avenir de la Syrie, se trouvait dans l’un des véhicules ou d’autres biens volés, et des véhicules civils. Elle a été traînée des personnes exploitant des oliveraies hors du véhicule, frappée et tuée par ont dû payer des taxes à des groupes arme à feu. Le rapport médical qui a été Absence d’enquête armés sur leurs récoltes. établi indique que son corps présentait sur les morts de civils plusieurs blessures, notamment de multiples blessures par balle, ainsi que des fractures aux jambes, au visage et Malgré des pressions croissantes, la Détention arbitraire, au crâne, un arrachement de la peau du coalition dirigée par les États-Unis torture et autres mauvais crâne et la perte de cheveux dus au fait a continué de nier sa responsabilité qu’elle a été traînée par les cheveux. Le dans la mort de plusieurs centaines traitements groupe armé a aussi exécuté de façon de civils à Raqqa, lors de la campagne sommaire son garde du corps. Durant de bombardement qu’elle avait menée Des groupes armés soutenus par la la même embuscade, le groupe armé contre l’EI pendant quatre mois, en Turquie ont été responsables d’au a capturé et tué deux combattants 2017. Le 28 février, la coalition a moins 54 cas de détention arbitraire de kurdes. Il a aussi enlevé deux civils ; toutefois admis être responsable de civils à des fins de rançon, selon des ces deux hommes travaillaient pour la mort de 25 civils à Raqqa, ce qui a groupes de surveillance locaux, à titre de une organisation médicale locale et porté à 180 le nombre total de décès sanction pour avoir réclamé leurs biens transportaient des médicaments au pour lesquels elle a reconnu une part ou encore pour leur affiliation présumée moment où ils ont été capturés. Le de responsabilité. Ces aveux n’ont au Parti de l’union démocratique (PYD) groupe armé n’a pas révélé ce qu’il toutefois donné lieu à aucune mesure ou aux Unités de protection du peuple était advenu d’eux ni le lieu où ils se d’enquête sur de possibles violations (YPG), deux groupes kurdes syriens. Par trouvaient. du droit international humanitaire ou exemple, un homme vivant à Afrine a été d’indemnisation des victimes, et la arrêté en avril par Al Jabha al Shamiye en coalition a continué de faire barrage aux raison d’accusations fallacieuses le liant demandes visant à ce que soient révélées au précédent gouvernement civil dirigé L’ADMINISTRATION les circonstances dans lesquelles ces par le PYD. Le groupe armé a refusé de AUTONOME frappes meurtrières se sont déroulées. révéler à sa famille où il se trouvait et ce qu’il était advenu de lui.

D’après la Commission d’enquête Détention arbitraire PERSONNES RÉFUGIÉES OU de l’ONU, les personnes critiquant DÉPLACÉES les agissements des groupes armés L’administration autonome dirigée par ou considérées comme des soutiens le Parti de l’union démocratique (PYD) des anciennes autorités à Afrine, y contrôlait toujours une partie de la À la fin de l’année, 6,6 millions de compris les militant·e·s, étaient la région à majorité kurde dans le nord- personnes avaient été déplacées sur le cible d’arrestations, de placements en est de la Syrie, notamment Raqqa et territoire syrien, et plus de 5 millions détention ainsi que d’actes de torture et Qamishli. Elle a arrêté à Raqqa et placé étaient allées chercher refuge à l’étranger d’extorsion. en détention de façon arbitraire huit depuis le début de la crise, en 2011. personnes qui travaillaient pour des Le Liban, la Jordanie et la Turquie, organisations locales et internationales pays qui accueillaient la plupart de œuvrant à Raqqa depuis 2017 dans ces réfugiés, ont continué de bloquer Exécutions sommaires le domaine de l’éducation et de l’aide l’entrée de nouveaux arrivants, exposant et enlèvements au développement. L’administration ainsi ces personnes au risque de subir autonome a soumis ces huit personnes de nouvelles attaques, violences et à une disparition forcée. Elles ont toutes persécutions en Syrie. Le nombre de Le 12 octobre, le groupe d’opposition été remises en liberté sans inculpation places de réinstallation et d’autres armé soutenu par la Turquie Ahrar après avoir été détenues au moins deux voies d’admission sûres et légales des

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 51 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International personnes réfugiées proposées par les selon l’OCHA. Des dizaines de milliers et d’enfants. En raison des conditions autres pays, notamment occidentaux, de personnes déplacées continuaient humanitaires très difficiles à Al Hol, au demeurait largement inférieur aux de résider dans des camps de fortune, moins 390 personnes déplacées sont besoins identifiés par le Haut- des écoles et des mosquées, où elles ne mortes des suites d’une pneumonie, de Commissariat des Nations unies pour les pouvaient pas vivre dans des conditions déshydratation ou de malnutrition, selon réfugiés (HCR). décentes, et elles n’avaient qu’un la Commission d’enquête de l’ONU. accès limité à une aide, aux services de Quelques États européens, africains Entre janvier et octobre, première nécessité, à la nourriture, aux et asiatiques ont rapatrié certains des 82 554 personnes réfugiées sont soins de santé, à l’éducation et à des enfants et des femmes faisant partie de retournées en Syrie, et possibilités d’assurer leur subsistance. leurs ressortissants. 412 662 personnes déplacées ont De plus, 3 122 personnes ont fui les regagné leur région d’origine, selon le hostilités dans le nord-est du pays et Entre mars et septembre, quelque HCR et l’OCHA respectivement. Les cherché refuge au Kurdistan irakien. 18 787 personnes déplacées qui se conditions humanitaires très difficiles trouvaient à Rukban ont quitté ce camp dans les pays voisins – aggravées par Entre janvier et mars, plusieurs dizaines et rejoint Homs, Hama, Lattaquié, l’absence d’aide humanitaire, le chômage de milliers de personnes, dont des Damas, le gouvernorat de Rif Dimashq et des obstacles administratifs et femmes et des enfants n’ayant pas la et d’autres endroits dont elles étaient financiers empêchant l’obtention ou le nationalité syrienne, ont été déplacées originaires. Elles étaient près de 12 000 renouvellement de permis et conduites dans des camps et des sites à continuer de vivre à Rukban dans des de séjour – ont poussé des personnes informels dans le nord-est de la Syrie, conditions humanitaires très difficiles, réfugiées à retourner en Syrie, où l’avenir à la suite de l’offensive menée par la avec un accès limité à la nourriture et à était toujours aussi incertain. coalition dirigée par les États-Unis et d’autres produits de première nécessité, les FDS contre l’EI à Deir ez-Zor. Ces et sans possibilité d’obtenir des soins de Le Réseau syrien des droits de l’homme personnes déplacées ont été réparties santé ou des médicaments. a indiqué que, entre 2014 et 2019, les dans au moins 10 camps et grands forces gouvernementales avaient arrêté sites informels. En octobre, deux camps quelque 1 916 personnes à leur retour près de la frontière avec la Turquie en Syrie, et que 638 d’entre elles étaient ont été fermés en raison de l’offensive PEINE DE MORT toujours soumises à une disparition militaire menée dans le nord-est de la forcée à la fin de l’année. Syrie, et les personnes déplacées ont La peine de mort était maintenue pour été transférées dans d’autres lieux. Le de nombreuses infractions. Les autorités En 2019, les offensives militaires camp d’Al Hol, dans le gouvernorat de ne communiquaient guère de détails menées dans le nord-ouest et le nord-est Deir ez-Zor, était celui qui accueillait concernant les sentences capitales de la Syrie ont provoqué le déplacement le plus grand nombre de personnes prononcées, et aucune information n’était à l’intérieur du pays de 400 000 et déplacées : 68 000 personnes environ, disponible sur les exécutions. 174 600 personnes respectivement, dont une grande majorité de femmes

1 Syrie. Preuves accablantes de crimes de guerre et d’autres violations commises par les forces turques et des groupes armés qui leur sont affiliés (communiqué de presse, 18 octobre 2019)

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 52 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Des avocats tunisiens brandissent des déclarations de protestation lors d’une manifestation devant le musée national du Bardo. Ils demandent le renforcement de l’indépendance de la justice (Tunis, 27 septembre 2019). © Yassine Gaidi/Agence Anadolu via Getty Images

été prises pour faire avancer le projet de CONTEXTE TUNISIE loi visant à mettre fin à la discrimination envers les femmes en matière d’héritage, Le président Béji Caïd Essebsi est République tunisienne mais aucune avancée significative n’a décédé le 25 juillet. Mohamed Ennaceur Chef de l’État : Kaïs Saïed (a remplacé Mohamed Ennaceur été enregistrée. Le nouveau mécanisme a alors assuré la présidence par intérim. en octobre, qui avait lui-même remplacé Béji Caïd Essebsi de plainte pour les femmes victimes Le 13 octobre, à l’issue du scrutin après son décès en juillet) de violence a reçu plusieurs dizaines présidentiel, Kaïs Saïed a été élu Chef du gouvernement : de milliers de plaintes. Des personnes président. Le nouveau Parlement issu des tenant des blogs ou actives sur les réseaux élections législatives du 6 octobre s’est sociaux ont été poursuivies en justice réuni pour la première fois le L’Instance vérité et dignité a clos alors qu’elles n’avaient fait qu’exprimer 13 novembre. Le 16 novembre, Kaïs ses travaux avec la publication de pacifiquement en ligne leurs opinions. Les Saïed a chargé Habib Jemli, ancien son rapport final, qui comprenait des autorités ont utilisé une force excessive et ministre, de former un gouvernement ; le recommandations de réformes, après parfois inutile, et engagé des poursuites, processus était toujours en cours à la fin avoir transféré 173 affaires à des contre des manifestant·e·s pacifiques. de l’année. chambres criminelles spécialisées. Des personnes réfugiées et demandeuses d’asile ont été arrêtées pour être entrées La Cour constitutionnelle, qui devait Au moins 78 procès, portant sur des en Tunisie de façon illégale. Des dizaines être mise en place depuis 2015, n’avait violations graves des droits humains, ont de lesbiennes, de gays et de personnes toujours pas été établie, le Parlement débuté devant ces chambres spécialisées bisexuelles, transgenres ou intersexes tunisien n’ayant pas élu le premier tiers au cours de l’année. Les proches de (LGBTI) ont été arrêtés et emprisonnés de ses membres. personnes mortes aux mains de la police pour avoir eu des relations librement ces dernières années attendaient toujours consenties avec des personnes de même Les autorités ont renouvelé à huit que justice soit rendue. Des informations sexe. Des condamnations à mort ont été reprises l’état d’urgence, instauré dans ont fait état d’actes de torture et de prononcées mais aucune exécution n’a eu l’ensemble du pays depuis mauvais traitements. Des mesures ont lieu. novembre 2015.

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 53 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Les manifestations contre le chômage, de l’ajournement répété des audiences l’hôpital. Le procureur général a reconnu les conditions de vie précaires et les et de la fréquente non-comparution de que sa mort était suspecte ; plus tard, pénuries d’eau se sont poursuivies, en policiers, de personnalités politiques et le ministère de l’Intérieur a déclaré particulier dans les régions marginalisées d’anciens responsables gouvernementaux qu’il était mort des suites d’une crise et sous-développées. mis en accusation. Le plus grand cardiaque. L’enquête sur son décès était syndicat d’agents des forces de sécurité toujours en cours à la fin de l’année. a demandé à ses membres de ne pas comparaître en justice en raison, selon Des dizaines de personnes détenues ont JUSTICE DE TRANSITION lui, du caractère vindicatif de ces procès. signalé avoir été soumises à la torture Le ministère de l’Intérieur s’est montré ou à d’autres mauvais traitements par En mars, l’Instance vérité et dignité (IVD) peu disposé à faire appliquer les citations la police ou la Garde nationale. Il est a rendu public son rapport final de à comparaître décernées contre des arrivé à maintes reprises que la police 2 000 pages sur les violations des droits suspects mis en examen. prive des personnes détenues de leur humains commises par les autorités droit d’appeler un avocat ou un membre tunisiennes entre 1957 et 2013. Elle a de leur famille, ou refuse de les faire recommandé notamment une réforme des examiner par un médecin. secteurs de la justice et de la sécurité, HOMICIDES ILLÉGAUX, la création d’une instance indépendante TORTURE ET AUTRES de contrôle des activités des forces de sécurité, l’harmonisation des lois avec MAUVAIS TRAITEMENTS DROITS DES FEMMES la Constitution et l’adoption de mesures permettant de garantir l’obligation de Les proches de personnes mortes aux En février et en mai, une commission rendre des comptes pour les crimes mains de la police ces dernières années parlementaire a organisé deux sessions commis, ainsi que de renforcer l’état de attendaient toujours que justice soit de discussion avec des représentant·e·s droit. Le gouvernement n’a pas publié rendue. En novembre, 14 policiers de la présidence et du ministère de la ce rapport au journal officiel ni présenté ont été mis en examen pour homicide Justice au sujet d’un projet de loi visant de plan de mise en application des involontaire et non-assistance à personne à mettre fin à la discrimination exercée recommandations de l’IVD, contrairement en danger à l’issue d’une enquête portant contre les femmes en matière d’héritage. à ce que prévoyaient les dispositions sur la mort d’Omar Labidi, un supporter De nombreux membres du Parlement de l’article 70 de la Loi relative à de football âgé de 19 ans, le 31 mars ont estimé que ce texte était contraire à l’instauration de la justice transitionnelle 2018, dans la banlieue sud de Tunis, l’islam. Le Parlement n’a pas repris ses et à son organisation. À la fin de l’année, la capitale du pays. Ces policiers ont débats à ce sujet au cours de l’année. le Parlement n’avait toujours pas créé toutefois été maintenus en service actif. de commission parlementaire spécifique Omar Labidi s’était noyé après avoir En août, la ministre de la Femme, de la chargée de contrôler la mise en œuvre été poussé dans un cours d’eau par Famille, de l’Enfance et des Séniors a des recommandations de l’IVD. des policiers alors qu’il avait dit ne pas annoncé que le ministère de la Justice savoir nager. Il cherchait à échapper à avait enregistré au cours des sept Avant la fin de son mandat, l’IVD avait la police, qui avait pris en chasse des premiers mois de l’année environ transféré 173 cas à des chambres supporters de football impliqués dans 40 000 plaintes déposées par des criminelles spécialisées, après avoir des affrontements. L’enquête sur la mort femmes victimes de violence domestique. reçu plus de 62 000 plaintes adressées d’Aymen Othmani, un jeune homme Ces plaintes ont été déposées au titre par des victimes. Au moins 78 procès, de 19 ans tué par balle en octobre de la Loi relative à l’élimination de la concernant notamment des cas de 2018, à Tunis, par des douaniers lors violence à l’égard des femmes, qui est torture, d’exécutions extrajudiciaires, de d’une opération dans un entrepôt de entrée en vigueur en 2018 et a créé un disparitions forcées, de condamnations marchandises, n’a pas progressé. Selon mécanisme chargé de recevoir les plaintes injustes et de recours excessif à la force sa famille et l’avocat de celle-ci, qui de victimes de violence. Cependant, contre des manifestant·e·s pacifiques, ont pu consulter le rapport du médecin le gouvernement n’a pas mis en place ont débuté devant ces juridictions au légiste, le jeune homme a été touché l’observatoire national pour la lutte contre cours de l’année. Parmi les accusés dans le dos et à la cuisse1. la violence à l’égard des femmes prévu par figuraient plusieurs anciens ministres l’article 40 de cette loi. de l’Intérieur, chefs des services de Des morts en détention suspectes ont sécurité et hauts fonctionnaires du été signalées. Abderrazek Selmi a été Les femmes ont été considérablement gouvernement en poste du temps de la arrêté par des policiers en juin dans la sous-représentées lors des élections présidence de Zine El Abidine Ben Ali et, région de Kairouan. Environ deux heures présidentielle et législatives, avec avant lui, de Habib Borguiba. Ces procès après, la police a appelé une ambulance, seulement deux candidates parmi les progressaient avec lenteur en raison mais il est mort lors du trajet jusqu’à 26 personnes qui se sont présentées à

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 54 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International l’élection présidentielle, et 56 femmes ont été jugées par contumace durant PERSONNES RÉFUGIÉES, seulement parmi les 217 député·e·s élus l’année, lors de différents procès devant DEMANDEUSES D’ASILE au mois d’octobre (contre 68 élues le tribunal de première instance, à la en 2014). suite de mouvements de protestation OU MIGRANTES pacifiques2. À plusieurs reprises, la Garde nationale En juin, des policiers et des agents de a arrêté des personnes réfugiées et LIBERTÉ D’EXPRESSION la Garde nationale ont recouru à une demandeuses d’asile qui étaient ET DE RÉUNION force excessive, utilisant notamment des entrées illégalement en Tunisie. Deux gaz lacrymogènes, pour disperser une réfugiés interrogés en août par Amnesty manifestation pacifique de demandeurs International dans le centre d’accueil Des personnes tenant des blogs ou et demandeuses d’asile devant un des réfugiés de Médenine ont raconté actives sur les réseaux sociaux ont centre géré par le Haut-Commissariat qu’ils avaient été enfermés pendant été poursuivies en justice au titre des Nations unies pour les réfugiés 17 jours dans le centre de détention de dispositions du Code pénal et du (HCR) dans la ville de Médenine. La et d’orientation de Ben Guerdane juste Code des Communications pour avoir police a pourchassé les protestataires, après leur arrivée en Tunisie. Ils ont dit simplement exprimé pacifiquement leurs les frappant à coups de matraque, et ne pas avoir été informés des motifs de opinions en ligne. a arrêté 25 d’entre eux. En juillet, 18 leur incarcération. de ces personnes ont comparu devant En avril, le tribunal de première le tribunal de première instance de Le 3 août, les forces de sécurité ont instance de Gafsa a condamné par Médenine ; elles étaient notamment arrêté 36 migrants ivoiriens contumace Ahmed El Jedidi à une année inculpées d’« entrave à la liberté de – 22 hommes, 11 femmes et trois d’emprisonnement pour avoir circuler librement », d’« entrave à la enfants – soupçonnés d’avoir planifié « nui aux tiers ou perturbé leur quiétude circulation sur une route publique » une traversée maritime illégale pour à travers les réseaux publics des et d’« outrage à fonctionnaire ». Cette rejoindre l’Europe. Ces Ivoiriens et télécommunications » parce qu’il avait affaire s’est soldée par un non-lieu en Ivoiriennes ont été transférés dans une critiqué une députée dans un billet octobre. zone militaire fermée non loin de Ras publié sur Facebook. Cette décision a été Jdir, une ville côtière située près de la annulée en appel au mois de mai. En juillet, la police a pénétré de force frontière avec la Libye, et abandonnés dans l’Institut supérieur des technologies là. Trois jours après, l’armée tunisienne En octobre, le tribunal de première médicales de l’université de Tunis El leur a donné du pain et du lait, mais les instance de La Manouba a déclaré le Manar, et a utilisé une force inutile et a laissés sans aucune aide humanitaire. blogueur Aymen Ben Khassib coupable excessive pour mettre fin à un sit-in Le 8 août, les autorités ont permis à ce d’avoir « nui à des tiers à travers la pacifique organisé par des étudiant·e·s. groupe de sortir de la zone militaire et presse » en raison d’un billet publié Les policiers ont utilisé des matraques et de rester en Tunisie. sur Facebook dans lequel il citait tiré des gaz lacrymogènes à bout portant, nommément deux membres du conseil notamment contre trois étudiants ayant municipal responsables d’un projet un handicap visuel. Six étudiants ont controversé dans son quartier. Il a été par la suite été inculpés d’« outrage DROITS DES LESBIENNES, condamné à une amende de à fonctionnaire dans l’exercice de ses DES GAYS ET DES 1 000 dinars tunisiens (environ fonctions ». 350 dollars des États-Unis). PERSONNES BISEXUELLES, En septembre, la police a arrêté de TRANSGENRES OU Les autorités ont utilisé une force façon arbitraire Maissa al Oueslati, une INTERSEXES excessive et parfois inutile contre militante âgée de 18 ans, alors qu’elle des manifestants et manifestantes filmait un manifestant qui menaçait de pacifiques, et recouru à des poursuites s’immoler par le feu devant le poste de Des personnes LGBTI ont cette année judiciaires pour restreindre la liberté de police de Jbel Jloud, dans la banlieue de encore été arrêtées et poursuivies réunion. Des manifestant·e·s pacifiques Tunis. Les policiers ont également arrêté en justice en vertu de lois réprimant ont été inculpés d’« entrave à la liberté son frère âgé de 16 ans. Les deux jeunes pénalement les relations sexuelles entre du travail » et d’« entrave à la liberté gens ont été maintenus en détention personnes de même sexe, de circuler librement » dans le cadre de jusqu’au lendemain, et interrogés sans la l’« indécence » et les actes considérés poursuites liées à des manifestations présence d’un avocat. Ils ont été inculpés comme « portant atteinte à la morale dénonçant les taux de chômage élevés d’outrage et violences à l’encontre d’un publique ». Selon DAMJ, l’Association et la précarité des conditions de vie. fonctionnaire avant d’être jugés et relaxés tunisienne pour la justice et l’égalité, Rien qu’à Gafsa, au moins 20 personnes plus tard dans le mois. la police a arrêté au moins 78 hommes

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 55 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International au titre de l’article 230 du Code pénal, mauvais traitements. Au moins PEINE DE MORT qui réprime pénalement la « sodomie », 70 hommes ont été déclarés coupables et a procédé à des examens anaux dans aux termes de cet article et condamnés à Les tribunaux ont prononcé de le cadre d’enquêtes visant à déterminer des peines allant de quatre mois à un an nombreuses condamnations à mort, et si ces hommes avaient eu des relations d’emprisonnement. le recours à la peine capitale s’est accru avec d’autres hommes. De tels examens dans les affaires liées au terrorisme. constituent une violation de l’interdiction Aucune exécution n’a eu lieu dans le de la torture et des autres formes de pays depuis 1991.

1 Amnesty International, Tunisie. Les enquêtes sur les violences policières meurtrières doivent rendre la justice tant attendue (nouvelle, 4 avril 2019) 2 Amnesty International, Tunisie. Plusieurs centaines de manifestants pacifiques jugés par contumace à Gafsa (MDE 30/0380/2019)

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 56 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Ulfat Mohammed al Naseri sous la tente où elle vit avec sa famille dans le camp de personnes déplacées de Sabr, dans le gouvernorat de Lahij (Yémen, 12 juin 2019). Sa mobilité est réduite depuis qu’elle a été touchée par une balle perdue au tout début de la guerre au Yémen, dans la ville de Taizz où elle vivait. Elle a raconté à Amnesty International le voyage épuisant qu’elle a dû faire pour fuir les violences. © Amnesty International

soutenait le gouvernement yéménite disproportionnées pour les personnes YÉMEN internationalement reconnu, a continué porteuses de handicap et d’accroître la de bombarder des infrastructures discrimination à l’égard des femmes et République du Yémen civiles et de mener des attaques des filles. Des dizaines de condamnations Chef de l’État : Abd Rabbu Mansour Hadi aveugles, faisant des centaines de à mort ont été prononcées et plusieurs Chef du gouvernement : Maeen Abdulmalik Saeed morts et de blessés parmi la population exécutions ont eu lieu. civile. Toutes les parties au conflit ont bafoué la liberté d’expression, en Toutes les parties au conflit au Yémen recourant à des détentions arbitraires, ont commis de graves violations du droit des disparitions forcées, des actes de CONTEXTE international humanitaire. Les forces torture et d’autres mauvais traitements. houthies, qui contrôlaient de vastes Les journalistes, les défenseurs et Le conflit s’est poursuivi au Yémen et de portions du territoire, ont bombardé de défenseures des droits humains et les nouvelles lignes de front se sont formées manière aveugle des zones d’habitation membres de la communauté baha’i – ou reformées – dans les gouvernorats au Yémen et tiré sans discernement étaient notamment visés. Des enfants ont d’, d’Al Dhale, de Hajjah, de Saada des missiles en Arabie saoudite. subi des agressions sexuelles qui sont et de Taizz, s’étendant du sud au nord du La coalition emmenée par l’Arabie restées impunies. Le conflit qui perdurait pays. saoudite et les Émirats arabes unis, qui continuait d’avoir des conséquences

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 57 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Bien que globalement soutenu par gouvernement yéménite à Aden, et la attaque commise au moyen de drones la coalition emmenée par l’Arabie reprise de ses travaux ; et l’intégration de contre les installations pétrolières saoudite et les Émirats arabes unis, toutes les forces militaires et de sécurité du groupe Aramco à Abqaiq, dans la le gouvernement du président Abd sous la tutelle respective des ministères province saoudienne de l’Est, a été Rabbu Mansour Hadi, reconnu par la de la Défense et de l’Intérieur. revendiquée par les Houthis. Elle a communauté internationale, a vu son entraîné la fermeture du site pendant autorité contestée dans des zones du sud Le 16 septembre, l’envoyé spécial du plusieurs semaines et la réduction de la du pays par le Conseil de transition du secrétaire général de l’ONU pour le production de moitié environ durant cette Sud, formation sécessionniste bénéficiant Yémen a publiquement regretté l’absence période. de l’appui des Émirats arabes unis, de progrès en ce qui concerne l’échange et par sa branche militaire baptisée de prisonniers entre les Houthis et le Pendant la bataille d’Aden, en août, Cordon de sécurité, qui ont pris en août gouvernement d’Abd Rabbu Mansour des civils se sont trouvés pris dans les le contrôle de fait de certaines parties Hadi, sur lequel les deux parties s’étaient affrontements entre les combattants du territoire des gouvernorats d’Aden, mises d’accord lors de pourparlers soutenant le président Abd Rabbu d’Abyan et de Shabwa. Pendant plusieurs tenus sous l’égide de l’ONU en Suède Mansour Hadi et le Cordon de sécurité, jours, les forces fidèles au président en décembre 2018. Alors que rien ne qui ont employé tous deux des moyens Abd Rabbu Mansour Hadi et celles du laissait prévoir une annonce en ce sens, manifestement contraires à l’interdiction Cordon de sécurité se sont affrontées le chef du Conseil politique suprême, des attaques menées sans discrimination. dans des combats déclenchés par des tirs l’organe exécutif mis en place à Sanaa Ces forces ont utilisé sans discernement survenus le 7 août aux abords du palais par les Houthis, a déclaré trois jours des munitions explosives à large champ présidentiel, alors que des milliers de plus tard que les Houthis étaient prêts à d’action, dont des obus de mortier, dans personnes assistaient aux funérailles de entamer des « négociations des zones habitées qui étaient contrôlées soldats tués dans une frappe de missile sérieuses » avec le gouvernement ou revendiquées par leurs opposants, perpétrée par les Houthis (le groupe armé Hadi en vue de lancer le processus. tuant et blessant des personnes civiles. qui contrôle la capitale, Sanaa, ainsi Des échanges de prisonniers ont alors Dans l’une de ces attaques, menée qu’une grande partie du nord du Yémen) commencé, à un rythme hebdomadaire. en août à Dar Saad, un district du contre une parade militaire organisée à gouvernorat d’Aden, un garçon âgé de l’occasion d’une remise de diplômes à trois ans a été blessé lorsqu’un obus de Aden, une ville du sud du pays. mortier a touché sa maison ; il a dû être VIOLATIONS DU DROIT amputé d’un bras. Les Émirats arabes unis ont annoncé INTERNATIONAL en octobre qu’ils avaient retiré leurs De nouveaux affrontements entre forces armées d’Aden. Ils ont déclaré HUMANITAIRE combattants houthis et forces anti- qu’ils avaient accompli leur mission de houthies survenus dans le gouvernorat « libération et de sécurisation d’Aden », Les troupes houthies et les forces anti- d’Al Dhale, dans le sud du pays, ont fait mais qu’ils maintiendraient une présence houthies ont continué de commettre en des dizaines de morts et contraint des dans plusieurs gouvernorats dans le cadre toute impunité des violations graves du milliers de personnes à quitter leur foyer. de leur lutte contre les « organisations droit international humanitaire. Elles ont Dans une attaque perpétrée en octobre, terroristes ». L’Arabie saoudite a pris le mené des attaques aveugles, bombardant un obus de mortier est tombé sur un commandement de l’ensemble des forces des quartiers résidentiels à Aden, Al camp de personnes déplacées d’Al Dhale, de la coalition dans le sud du Yémen et Dhale, Hajjah et Taizz. Les Houthis ont faisant des victimes civiles. des opérations militaires dans l’ouest du tiré sans discernement des missiles en pays. Arabie saoudite. L’aviation de la coalition a bombardé des zones contrôlées ou revendiquées Le 5 novembre, le Conseil de transition À la mi-mai, les Houthis ont lancé une par les forces houthies et leurs alliés, du Sud et le gouvernement du président nouvelle campagne de tirs par-delà dans certains cas en représailles à des Abd Rabbu Mansour Hadi ont signé la frontière, prenant pour cible des attaques transfrontalières menées par les un accord politique négocié sous les infrastructures militaires, économiques Houthis. Ces bombardements ont fait des auspices de l’Arabie saoudite, dont il se et de transport, notamment des aéroports centaines de morts et de blessés parmi sont engagés à mettre en œuvre toutes civils, en Arabie saoudite. Plusieurs de la population civile. Le 28 juin, une les dispositions dans un délai de ces attaques ont fait des victimes parmi bombe à guidage de précision fabriquée 90 jours. Cet accord prévoyait la population civile. Le 23 juin, une aux États-Unis a été utilisée dans une notamment la formation, dans les attaque contre le parking de l’aéroport frappe aérienne déclenchée par la 30 jours, d’un nouveau gouvernement d’Abha, dans le sud-ouest de l’Arabie coalition contre une maison d’habitation composé à parts égales de représentants saoudite, a fait un mort et 21 blessés du gouvernorat de Taizz ; six civils, dont du nord et du sud du pays ; le retour du – tous des civils. En septembre, une une femme et trois enfants, ont été tués1.

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 58 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International Le 1er septembre, une frappe aérienne mauvais traitements, notamment garçons qui avaient été violés et de contre un centre de détention sous sous la forme de la privation de soins rédiger des rapports médicaux. L’hôpital contrôle houthi de la ville de Dhamar, médicaux. Selon certaines informations, a suivi les instructions dans deux des dans le sud-ouest du pays, a fait un surveillant a pénétré dans leur cellule cas, mais pas dans le troisième, malgré 130 morts et 40 blessés parmi les dans la nuit du 19 avril, les a dévêtus les demandes répétées de la famille de personnes détenues. et les a roués de coups. Les journalistes la victime. De plus, l’hôpital a réclamé ont ensuite été séparés et placés à de l’argent pour la rédaction du rapport, l’isolement. or la famille n’avait pas les moyens de payer. LIBERTÉ D’EXPRESSION À l’issue d’un procès inique, le Tribunal ET D’ASSOCIATION pénal spécial a condamné à mort, en Des militants et militantes ainsi que des juillet, 30 universitaires et personnalités proches des victimes ont déclaré avoir eu politiques sur la base d’accusations connaissance d’autres cas de violences Les forces houthies, le gouvernement du forgées de toutes pièces, notamment sexuelles mais ne pas les avoir signalés président Abd Rabbu Mansour Hadi, la d’espionnage au profit de la coalition officiellement par crainte de subir coalition emmenée par l’Arabie saoudite menée par l’Arabie saoudite et les des représailles de la part de milices et les Émirats arabes unis, et les forces Émirats arabes unis2. Avant leur procès, locales. Craignant pour leur sécurité, yéménites soutenues par les Émirats ces personnes avaient été soumises, certaines des familles concernées ont dû arabes unis ont continué de recourir à entre autres, à une disparition forcée, déménager. Personne n’a été amené à la détention arbitraire pour étouffer la à une période excessive de détention rendre des comptes pour ces violences. liberté d’expression et d’association. provisoire, à la détention au secret et, peut-être, à des actes de torture et Dans les zones sous leur contrôle, les d’autres mauvais traitement, notamment forces houthies ont continué d’arrêter et la privation de soins médicaux et des DISCRIMINATION – LES de détenir arbitrairement des détracteurs services d’un avocat. Parmi elles se PERSONNES HANDICAPÉES et des opposant·e·s, ainsi que des trouvaient le professeur de linguistique journalistes, des défenseur·e·s des Youssef al Bawab, responsable politique droits humains et des membres de la arrêté arbitrairement à la fin de l’année Les personnes porteuses de handicap communauté baha’i ; un grand nombre 2016 et inculpé en avril 2019. rencontraient d’énormes difficultés, de ces personnes ont subi un procès parfois aggravées par la présence inique, une détention au secret ou encore d’autres facteurs, tels que le genre, l’âge une disparition forcée. La majorité des et l’origine ethnique. Elles se heurtaient personnes visées étaient des membres ou VIOLENCES SEXUELLES notamment à des obstacles pour des sympathisants du parti politique Al CONTRE DES ENFANTS bénéficier d’un accès égal à des services Islah (Rassemblement yéménite pour la de santé de qualité, à l’enseignement réforme). et à des perspectives d’emploi. Les Le conflit qui se prolongeait et la personnes déplacées en raison du Les dossiers de 10 journalistes qui déliquescence des institutions étatiques conflit rencontraient des problèmes avaient été inculpés formellement en et des mécanismes de protection supplémentaires, notamment pour fuir décembre 2018, plus de trois ans après aggravaient la vulnérabilité des enfants, les violences et accéder à l’aide ; elles leur arrestation, ont été transférés de qui se retrouvaient moins protégés contre vivaient en outre dans des conditions l’Organisation de sécurité politique, les violences, notamment sexuelles. inappropriées, ce qui portait atteinte à un organe interne de sécurité et de leur dignité. renseignement, au Tribunal pénal Dans quatre affaires différentes, la spécial siégeant à Sanaa, une instance première concernant des faits survenus Des personnes déplacées porteuses de administrée par les Houthis et prévue dans la ville de Taizz à la mi-avril handicap ont évoqué auprès d’Amnesty pour les affaires de terrorisme. Les 2018, trois garçons ont été violés et un International les trajets difficiles journalistes ont notamment été inculpés quatrième a été victime d’une agression qu’elles avaient dû faire à plusieurs d’espionnage – une infraction passible sexuelle. L’un d’eux était âgé de huit reprises dans leur quête de sécurité et de la peine capitale – et d’aide à la ans. L’impunité persistante, la crainte de meilleures conditions d’existence. coalition menée par l’Arabie saoudite des représailles et d’autres obstacles ont La grande majorité des personnes à et les Émirats arabes unis. Les hommes dissuadé les familles de porter plainte. mobilité réduite devaient se déplacer concernés ont été soumis pendant leur Le service des enquêtes criminelles de sans dispositif d’assistance (fauteuil détention à des périodes de disparition Taizz a toutefois été saisi de ces affaires roulant, béquilles…) et compter sur forcée et de détention au secret, et et a ordonné à l’un des hôpitaux de la d’autres personnes pour les porter. Dans auraient subi des tortures et d’autres ville de procéder à l’examen des trois certains cas, il est arrivé que le voyage

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD 59 RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International aggrave un handicap existant, ou en nette amélioration de l’état physique de PEINE DE MORT crée un. Les sites où étaient accueillies l’adolescent constatée après ces séances les personnes déplacées ne disposaient était maintenant stoppée. La peine de mort restait en vigueur pour pas de logements adaptés ni de latrines de nombreux crimes. Les tribunaux ont spécifiques. prononcé des dizaines de condamnations à la peine capitale, et plusieurs L’affaiblissement des institutions de DROITS DES FEMMES personnes ont été exécutées. l’État, l’effondrement de l’économie et le chaos généralisé qui résultaient de la Le conflit persistant continuait d’aggraver Le nombre de procès devant le Tribunal persistance du conflit compromettaient la discrimination à l’égard des femmes pénal spécial de Sanaa de personnes davantage encore les financements et des filles, qui étaient moins protégées poursuivies pour des chefs d’accusation en vue de la réalisation des droits des contre les violences sexuelles et passibles de la peine capitale a fortement personnes handicapées. La mère d’un les autres violences liées au genre, augmenté. Selon toute apparence, garçon de 14 ans atteint d’une infirmité notamment le mariage forcé. les autorités houthies chargées des motrice cérébrale a expliqué à Amnesty poursuites portaient ces accusations International que son enfant avait dû dans un but de persécution des arrêter les soins de kinésithérapie car opposant·e·s politiques, des journalistes, la famille ne recevait plus l’aide dont des universitaires et des membres de elle bénéficiait auparavant, et que la minorités religieuses.

1 Yémen. Une bombe de fabrication américaine utilisée dans une frappe aérienne meurtrière contre des civils (nouvelle, 26 septembre 2019) 2 Yémen. Un tribunal houthi condamne à mort 30 représentants politiques de l’opposition à l’issue d’un simulacre de procès (nouvelle, 9 juillet 2019)

LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS Amnesty International LES DROITS HUMAINS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD RÉTROSPECTIVE 2019 – SÉLECTION D’ENTRÉES PAYS

Ce rapport rend compte de la situation des droits humains au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en 2019. Il comporte, dans sa version originale, 19 entrées pays et un résumé régional dans lesquels les informations sont organisées en fonction de thèmes liés aux droits humains. Le résumé régional et 11 entrées pays ont été traduits en français.

La région a été secouée par des mouvements massifs de protestation, auxquels les autorités ont fait face en utilisant une force excessive, parfois meurtrière, et en ayant recours à la détention arbitraire. Des gouvernements ont fait peser de lourdes restrictions sur la liberté d’expression et placé en détention des centaines de défenseur·e·s des droits humains. Les forces de sécurité jouissaient dans la plupart des cas de l’impunité pour les atteintes aux droits humains, telles que les actes de torture et les disparitions forcées, dont elles se rendaient coupables, mais une commission vérité mise en place en Tunisie a renvoyé des cas de violations passées devant la justice et a formulé des recommandations qui pourraient s’appliquer à d’autres États de la région.

Des crimes de guerre et d’autres violations graves du droit international humanitaire ont été commis lors de conflits armés, dont l’intensité a été exacerbée par des transferts d’armes illicites. Des centaines de milliers de personnes ont été contraintes de quitter leur foyer en raison d’offensives militaires et d’autres combats. Plusieurs milliers de réfugié·e·s syriens ont été renvoyés dans leur pays.

Plusieurs pays ont annoncé des réformes visant à améliorer la protection des travailleuses et travailleurs migrants ; ceux-ci étaient néanmoins toujours exploités et maltraités. Comme les deux années précédentes, 2019 a connu quelques avancées positives en ce qui concerne les droits des femmes et la lutte contre la violence à leur égard. Un peu partout dans la région, les autorités ont arrêté des dizaines de personnes en raison de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle, réelle ou présumée.

Index : MDE 01/1357/2020 Original : anglais amnesty.org