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Sommaire

Avertissement par Alain Bergala ...... 2 La Mise en scène de l’acteur dans Partie de campagne (DVD 2) ...... 16 Jouer Ponette (DVD 1) ...... 5 un film d’Alain Bergala un film de Jeanne Crépeau France, 2008, 39 min. Québec, 2007, 94 min. Alain Bergala utilise des images de Partie de campagne À partir de prises de vues non montées, tournées par Jacques Doillon (rushes, essais d’acteurs, film) pour analyser la mise en scène pour son film Ponette, Jeanne Crépeau analyse le rapport de Jean Renoir et son rapport aux acteurs. de travail entre le réalisateur et son actrice de 4 ans et donne sa vision sur le travail de l’acteur. L’Acteur dans le cinéma moderne (DVD 2) ...... 21 un film d’Alain Bergala La Direction d’acteur par Jean Renoir (DVD 1) ...... 13 France, 2008, 58 min. un film de Gisèle Braunberger Alain Bergala aborde, à travers des extraits de sept films : France, 1968, 22 min. Boudu sauvé des eaux, Les Enchaînés, Stromboli, Monika, Faisant répéter un court texte à Gisèle Braunberger, Jean Renoir livre Pickpocket, À bout de souffle et Les Valseuses, le statut de l’acteur, certaines de ses conceptions du travail de l’acteur. tel qu’il a évolué dans le cinéma moderne depuis le tournant du néoréalisme. L’histoire du tournage de Partie de campagne ...... 14 Les extraits des films sont également visibles bout à bout, par Clary Demangeon sans commentaire aucun (36 min). L’histoire du tournage compliqué d’un film que Renoir abandonna avant la fin et qui ne fut monté qu’après guerre. Portfolio (DVD 2)...... 31

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Avertissement

La question de l’acteur est essentielle pour comprendre le cinéma La question de l’acteur a évolué de façon relativement autonome et son évolution. Si les acteurs ont toujours été la cible privilégiée dans l’histoire du cinéma américain et dans celle du cinéma euro- de la presse people et des magazines grand public sur le cinéma, péen, même si la coupure radicale de la Seconde Guerre mon- l’analyse du jeu de l’acteur reste relativement en friche et les outils diale a produit en même temps le contrecoup de l’arrivée qui permettent de l’aborder sont rares, surtout en situation péda- de l’Actor’s Studio aux États-Unis et celle de l’acteur moderne gogique. Ce DVD a été conçu pour aider à une approche raison- en Europe. Ce DVD est consacré essentiellement au versant née et précise de cette question cruciale de l’acteur. européen moderne de cette évolution de l’acteur au cinéma. Sa conception repose sur deux postulats. Une approche équilibrée exigerait un DVD équivalent sur le 1. La question de l’acteur est indissociable de celle de la mise en versant américain de cette histoire, projet rendu pour le moment scène. On ne peut pas analyser le jeu de l’acteur « en soi », car il très problématique par le coût des droits d’extraits pratiqués par est toujours dépendant des conditions de mise en scène dans les- les compagnies américaines. quelles le comédien va se trouver engagé par le cinéaste pour exercer son art. Jean Renoir a été le grand précurseur du cinéma moderne et sa 2. La question de l’acteur est toujours historique. L’histoire des conception de la mise en scène a toujours été fondée sur le rôle acteurs au cinéma ne se réduit pas à l’émergence hasardeuse de central de l’acteur dans le travail de création du film. Il était impor- nouveaux talents. Chaque nouvelle vague d’acteurs est appelée tant de mettre à la disposition des utilisateurs de ce DVD une expé- par le besoin d’une génération d’être représentée autrement, par rience de cinéma unique en son genre, une leçon de direction d’ac- d’autres corps, d’autres rythmes, une autre gestuelle. Les grandes teur en vraie grandeur, où l’on peut voir et comprendre comment ruptures dans l’histoire de l’acteur sont toujours liées à des chan- s’y prend Renoir pour amener – en une après-midi! – une débu- gements de société, de mœurs, de modèles idéologiques. Un tante sans expérience à interpréter de façon plus que convaincante acteur n’arrive jamais par hasard, mais parce qu’une génération un texte long et difficile. peut reconnaître en lui quelque chose de sa singularité.

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Les rushes sont une matière première précieuse, parfois plus que le petite actrice. Cette méthode-Doillon, décryptée magistralement film lui-même, pour comprendre de façon dynamique, de prise en par Jeanne Crépeau, vaut d’ailleurs aussi bien pour les acteurs prise, comment se construit sur la durée le travail de l’acteur et sa adultes de ses autres films. relation au metteur en scène. La chance a voulu que la Cinéma- thèque française retrouve il y a quelques années dans ses réserves les Le portfolio de ce DVD permet de retrouver quelques éléments rushes et les bouts d’essais d’acteurs de l’un des films les plus documentaires sur les tournages des films analysés et d’élargir importants dans l’histoire du cinéma moderne, Partie de campagne de quelque peu la question de l’acteur à d’autres champs que celui Jean Renoir. J’ai essayé de dégager de ces essais et de ces rushes ce du cinéma européen moderne. qui y est lisible de la méthode-Renoir, où la conception de la mise en scène est indissociable du travail avec l’acteur. Ce DVD devrait, enfin, aider les enseignants et animateurs confrontés à la délicate question du jeu dans les films tournés en Jeanne Crépeau, elle-même cinéaste, a une expérience directe de situation pédagogique.Très souvent, en effet, ce sont les enfants la relation à l’acteur dans la réalisation. Elle connaissait bien ou les jeunes du groupe qui en sont les interprètes maladroits car Jacques Doillon et ses films lorsqu’il lui a confié la totalité des il est rare que soit mené un vrai travail sur le jeu, dans ces réalisa- prises de son film Ponette (édité dans L’Eden cinéma et inscrit au tions en milieu scolaire. catalogue d’École et cinéma), œuvre d’autant plus exceptionnelle Ce DVD résonne sur bien des points avec celui consacré à Théâtre sur ce sujet que l’actrice principale avait 4 ans au moment du et cinéma où était déjà engagée une réflexion sur la question de tournage. Doillon est un cinéaste contemporain qui a toujours l’acteur. mis l’acteur au centre de ses mises en scènes et de ses stratégies de tournage. Jeanne Crépeau analyse avec la plus grande précision, Je tiens enfin à remercier tout particulièrement Jacques Doillon preuves à l’appui, comment Doillon avance de prise en prise et de de nous avoir donné accès à ses rushes de Ponette. jour de tournage en jour de tournage dans la relation avec sa A. B.

L’ACTEUR AU CINÉMA 3 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 4 . Ponette Extrait du cahier de scripteExtrait de

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Jouer Ponette, ou la patiente construction du « naturel » par Jeanne Crépeau

C’est une maîtrise en cinéma à l’Université de Paris III, où je insoutenable suspense ne sachant comment Victoire Thivisol et m’intéressais à la direction d’acteur au cinéma, qui m’a donné Jacques Doillon allaient se sortir de cette histoire. l’occasion de réfléchir à la fabrication du film Ponette de Jacques M’étant remise de ce premier visionnement, j’ai regardé la cas- Doillon. J’étais en train de faire une étude des stratégies de mise sette d’une scène tournée plusieurs semaines plus tard. Là, j’ai vu en scène que me permettait la lecture des cahiers de scripte et la même petite fille refaire en professionnelle plusieurs fois la des différents documents de tournage, quand, j’ai reçu un sac même prise et utiliser le vocabulaire des acteurs, « J’enchaîne contenant une cinquantaine de cassettes vidéo non identifiées : tout », comme le sien. c’étaient les images de toutes les prises, de tous les plans, de tout le C’est là que l’aventure de Jouer Ponette a vraiment commencé. film, telles que la caméra 35 mm les voit, enregistrées en vidéo J’étais le témoin privilégié d’un phénomène qui, jusque-là, n’avait noir et blanc par un magnétoscope de tournage. été accessible qu’à la petite équipe du tournage de Ponette : j’as- sistais, prise après prise, jour après jour, à la transformation d’une J’ai commencé par regarder la cassette du premier jour de tour- petite fille de 4 ans en actrice, voire en tragédienne. nage. Deux heures de pure angoisse. Rien ne fonctionne. L’enfant ne sait pas son texte et ne s’inté- Une longue fréquentation des images resse pas à ce qu’on lui demande de raconter, regarde constam- J’ai scruté les cinquante heures de matériel – un trésor miracu- ment les gens de l’équipe autour d’elle en se demandant ce qu’ils leusement préservé du recyclage habituel des cassettes vidéo – à la font là. Elle bâille, joue avec son plâtre mais pas avec son parte- recherche des indices de cette transformation. J’étais fascinée. naire, lui tire la barbe… Bien qu’ayant déjà vu à l’époque Ponette Cette fascination a été le seul moteur qui m’a permis de passer dix fois et que je trouve le film magnifique, j’étais prise par un trois ans à voir et revoir ces images. Cette longue fréquentation L’ACTEUR AU CINÉMA 5 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 6

de ce matériel unique dans l’histoire du cinéma m’a permis de trouver l’angle par lequel je pourrais rendre lisibles ces images pour un public qui ne connaît en rien les rituels d’un plateau de tournage.

Point de vue J’ai essayé tantôt de me mettre à la place du metteur en scène pour sentir comment il construit chaque scène de prise en prise, et tantôt j’ai essayé d’imaginer le point de vue de l’actrice qui découvre son métier (détermination, concentration, confiance, abandon) en même temps que son personnage. Bien que le tournage lui-même ait été organisé pour respecter parfaitement les horaires naturels des enfants (tournage, sieste, tournage, goûter, tournage, récréation, etc.), la rigueur dans le tra- vail de plateau était la même que si tous les acteurs avaient été adultes. C’est aussi ce qui m’a intéressée. Je n’ai pas cherché à faire grand cas de l’âge des protagonistes. J’ai tenté de mettre en avant ce qui dans le travail de ces enfants, aussi doués que déterminés, ressemble au travail de n’importe quel acteur confronté à la tech- nique spécifique du cinéma et à la détermination tranquille, confiante et rigoureuse d’un grand metteur en scène. Jacques Doillon et Victoire Thivisol.

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Jouer Ponette Claude Laureux. Montage : Jacqueline Lecompte. Musique : Philippe Sarde. Jeanne Crépeau, Québec, 2007, Ponette de Jacques Doillon a été publié en DVD dans la collection l’Eden Cinéma. 94 min. Résumé Réalisation, recherche et texte, montage : Sous le regard d’un metteur en scène exi- Jeanne Crépeau geant et rigoureux, mais aussi généreux et Révision du texte : Hélène Pelletier confiant (Doillon), une actrice de 4 ans Mixage : Clovis Gouailler particulièrement douée (Victoire Thivisol) Victoire Thivisol dans l’écran du combo. Conformation : Mathieu Bouchard-Malo avance, prise après prise, à la rencontre de l’image de son film, sont indiqués en ita- Production : Box Film son personnage. En partant du matériel lique. Avec le soutien du Conseil des Arts et des tourné par Doillon mais qui n’a pas été Lettres du Québec obligatoirement monté, Jeanne Crépeau 1. Les mots des enfants [3’02] nous livre une double analyse : celle du Jacques Doillon et son équipe ont écouté Extraits du film Ponette rapport de travail entre un réalisateur et sa et filmé un millier d’enfants qui leur ont Jacques Doillon, France, 1996. très jeune actrice, et la sienne propre sur parlé de la mort. De ces paroles, ont sou- © Studio Canal/CEC Rhône-Alpes le travail de l’acteur. vent été tissés les dialogues du film Ponette. À l’écran :Victoire Thivisol (Ponette), [Voir le bonus « Rencontre avec Jacques Xavier Beauvois (son père), Delphine Chapitrage Doillon » dans le DVD Ponette]. Schiltz (Delphine), Matiaz Bureau Caton Nota. On a noté les chapitres du DVD (Mathias), Luckie Royer (Luce). Ponette qui se rapportent aux scènes analy- 2. Le combo [0’47] Réalisation : Jacques Doillon. Image : Caro- sées par Jeanne Crépeau. Les commen- Une note technique explicite comment se line Champetier. Son et montage son : Jean- taires de Jeanne Crépeau, inscrits sur passe le tournage et la prise de vues : la

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caméra 35 mm a un retour image sur texte qu’elle est censée avoir appris par cœur. combo, avec l’inscription du cadre : c’est Xavier Beauvois entre et essaye les premières ce que voit le réalisateur. Ces images sont répliques (« Je vais te dessiner un petit chien »). en noir et blanc. C’est à partir de cette Victoire au lieu de répondre « Je veux un lion », mémoire de chaque prise que Jeanne entend ou du moins répond : « Je vais à Lyon », Crépeau a fait son patient voyage, remon- ce qui au fil des prises, deviendra « Je pars à tant dans l’histoire du film. Lyon » (c’est là qu’elle habite). Le cinéaste ne coupe pas et laisse filer l’image. 3. 1er jour :Victoire résiste, Hypothèse : Jacques Doillon pense que l’actrice veut un personnage naît [20’32] Père et fille : Xavier Beauvois et Victoire Thivisol. arrêter le tournage et rentrer chez elle. Ce premier jour de tournage filme la Dans les prises suivantes,Victoire finit par dire visite du père de Ponette (Xavier Beau- tance de Victoire, qui ne semble pas plus « Je veux un lion », mais au lieu de: « C’est moi vois) à sa fille (Victoire Thivisol), plâtrée que ça impressionnée par la présence de la qui dessine », elle dit : « C’est moi qui décide » (!). dans son lit d’hôpital. Il veut dessiner un caméra (c’est l’hypothèse de Jeanne Cré- Récapitulatif des 7 premières prises. chien russe sur son plâtre, mais la petite peau) fasse émerger son personnage aux fille doit exiger de dessiner elle-même. Le yeux de Jacques Doillon. Le tournage du 3.2. L’arsenal de Victoire [4’10] père veut lui annoncer que sa maman va film peut continuer. [Nous avons redécoupé Grâce aux prises de vues qui ont été gar- mourir [DVD Ponette, chapitre 1]. ci-dessous cette séquence.] dées, Jeanne Crépeau peut faire la chro- Le tournage s’avère très difficile : au cours nique de résistance de Victoire : celle-ci des nombreuses prises de vues,Victoire ne 3.1 Une actrice qui ne dit pas son texte utilise successivement les regards vers le répète rien de ce que lui soufflent l’assis- [10’10] plafond, les bâillements. On voit sa diffi- tante ou Xavier Beauvois, prend un mot Le tournage commence peu aisément : culté à intégrer son bras plâtré et le regard pour un autre, bâille, regarde la caméra, Victoire Thivisol est dans un lit d’hôpital, dédié à ceux qui se trouvent derrière la s’amuse. Xavier commence à désespérer… le bras plâtré. Elle a 4 ans : pour ce pre- caméra. Puis Victoire dit son texte en Mais il se pourrait bien que la forte résis- mier jour de tournage, on lui souffle son suçant son pouce. 8 L’ACTEUR AU CINÉMA Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 9

Commentaire :Victoire reprend une technique Tournage de la scène 3 : 5e jour de tour- moments de doute et de solitude (Victoire de jeu de Brando : parler en mâchonnant. nage (26 septembre 1995). Ponette se pleure, elle doute, Delphine l’encourage). demande où va aller sa mère maintenant Parfois il utilise de drôles de techniques 3.3. Incontrôlable [4’38] qu’elle est morte, et son cousin Matiaz le pour se mettre en situation (Victoire sau- Victoire entreprend de séduire Xavier en lui explique. Doillon dit à Victoire ce qu’il tille sur place avant de faire, à l’écran, les jouant avec lui. L’acteur, très patient et très veut d’elle : l’actrice doit répondre à sa derniers pas de ce qui devait être une professionnel, tente de la remettre dans le double demande de jouer à la fois la tris- course), ou alors il doit suivre des indica- jeu… du film. Le cinéaste ne coupe pas et tesse et la colère. tions très difficiles du metteur en scène laisse filer l’image. C’est là que Victoire fait (les trois enfants courent sur la route. sa première réponse directe à Jacques 5. La dure vie de l’acteur [4’55] Matiaz, essoufflé, peine à dire son texte en Doillon. Quelques considérations générales sur temps voulu et se fait tancer par Doillon). l’acteur : il leur arrive de n’être pas d’ac- 3.4. Émergence d’un personnage [1’31] cord entre eux (« Victoire, elle a pas dit sa 6. La dure vie du metteur en scène Hypothèse. La résistance de l’actrice à dire les phrase », dit Matiaz), il vit parfois des [15’36] mots du dialogue a fait apparaître le personnage 14 novembre 1995, 41e jour de tournage, aux yeux du cinéaste. scène 29 [DVD Ponette, chapitre 7/3]: La dernière prise est ce que Jacques Jacques Doillon fait répéter puis tourne la Doillon conservera de la journée de tour- scène où Victoire/Ponette, tout en se bros- nage. Le film peut continuer. sant les dents, confie à ses amies (Luc- kie/Luce et Delphine) sa révolte de ne pas 4. Mise en place d’une scène [6’34] avoir reçu un petit signe de Dieu, malgré Où l’on voit Doillon parler à ses acteurs ses prières. La scène se termine par une pour discuter d’une scène (souvent, ils recommandation de Delphine : sa mère sont loin et l’on n’entend que des bribes vient les chercher et il faudra que Ponette de ces conversations. Le trio : Luckie,Victoire et Delphine. prépare toutes ses affaires. L’ACTEUR AU CINÉMA 9 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 10

Les répétitions puis le tournage avec le été demandée en vain. La contrainte aura per- 8. Le petit ballet : trio des filles sont émaillés de divers pro- mis de rendre audible la juste exaspération de c’est un peu difficile [12’06] blèmes : Luckie oublie de dire son texte, Ponette face à l’inefficacité (provisoire) de ses Scène 36. La nuit, Ponette vient confier à puis veut « arrêter » ; se mettant sur la prières. De plus, le geste de Victoire à la fin de son cousin son envie de mourir [DVD pointe des pieds, elle dissimule Victoire… la scène, qui va mettre le dentifrice dans sa Ponette, chapitre 8]. Pendant ce plan Delphine enchaîne sur des phrases impro- bouche au lieu de la brosse à dents, évoque joli- séquence, il faut régler les déplacements et visées ou oubliées par Luckie, l’eau cou- ment la difficulté de Ponette à gérer toutes ces les positions des deux acteurs qui passent lant du robinet fait du bruit, Ponette a des choses complexes. du lit de Matiaz à la chambre, puis retour regards caméra… au lit, etc. Il faut empêcher qu’ils se Hypothèse. L’exaspération de Ponette – pas de 7. Souris volantes cachent l’un l’autre (Matiaz trouve alors signe de Dieu – s’enrichit de celle de Victoire et poubelle-piège [2’27] une astuce de jeu), et les diriger à la fois – dire son texte avec sa brosse à dents dans la De la difficulté de retenir l’attention des pour le texte et les gestes, en les bouscu- bouche et sans regarder la caméra! acteurs : Jacques donne des indications de lant un peu de temps en temps. Jacques Doillon continue les prises, les jeu à une Victoire qui est absorbée par C’est une joyeuse cacophonie. Le metteur unes après les autres.Victoire commence autre chose.Victoire raconte à Jacques en scène, l’assistante, l’assistant caméra et à adopter le vocabulaire technique du comment volent les chauves-souris, ce qui Caroline Champetier, directrice de la cinéma. On visionne la scène retenue sera utilisé en partie dans Ponette [DVD photo, interviennent à plusieurs reprises pour le film. Par là même, nous passons du Ponette, chapitre 3]. Dans un champ,Vic- [Caroline Champetier : « Tu glisses,Victoire, noir et blanc du combo à la couleur du toire se met à ramasser des « cadeaux » au tu glisses. »] film de Jacques Doillon. lieu de partir vers le fond du cadre. Quant Jacques Doillon discute avec Victoire sur Commentaire. Après cette belle prise où cepen- à Matiaz, coincé dans une immense pou- la difficulté de la scène : elle se mesure en dant l’actrice a oublié la consigne, le cinéaste va belle dont il doit s’extraire, il maugrée sans ouverture des bras, et Victoire trouve que faire plusieurs prises, sans arriver à une combi- interruption un monologue rageur pen- Jacques n’ouvre pas assez ! Nous voyons naison satisfaisante texte + brosse à dents dans dant que le metteur en scène l’incite à quelle prise a été retenue dans le film : la la bouche. Cependant, cette consigne n’aura pas sortir tout seul… et en silence! quatrième et dernière. 10 L’ACTEUR AU CINÉMA Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 11

matin), accompagnée de vilaines cou- La 20e prise est « très bien – à part un ou leuvres. On sent la difficulté de la jeune deux regards bizarres ». Jacques peut ouvrir actrice à jouer un personnage moins cou- les bras tout grands. La 23e est la bonne. rageux qu’elle. Mais après le montage définitif, avec l’en- semble des plans, c’est la Ponette en 10.Très triste, dit Jacques [21’20] larmes qu’on verra à l’écran. 2 novembre 1995, 35e jour de tournage, scène 25 [DVD Ponette, chapitre 6/4]. 11. C’est bien, dit Victoire [1’17] Descendue en pleine nuit à l’oratoire, Victoire apprend consciencieusement (et Ponette et sa poupée. Ponette prie le Dieu tout-puissant. De avec un brin d’autoritarisme) à Matiaz retour dans son lit, elle en informe sa comment placer ses mains pour prier 9. Réalité et vérité du film [2’29] maman, puis lui envoie des bisous. [DVD Ponette, chapitre 4]. « C’est bien », Tournage de la scène 32 : les cousins veu- La question, lors de cette scène de prière, dit l’actrice devenue metteur en scène. lent enfermer Ponette dans la grande pou- est le dosage de l’émotion. Jacques belle pour lui faire passer une épreuve de Doillon fait faire plus de vingt prises à 12. Épilogue [3’45] courage. Jacques Doillon explique à Vic- Victoire, cherchant l’affectivité de son Victoire Thivisol a reçu le prix d’interpré- toire que Ponette va y rester, et qu’elle a actrice (et lui faisant éviter les regards tation féminine à La Mostra de Venise en peur parce qu’elle ne pourra pas en sortir caméra). « Très triste », dit Jacques. À la 1996. toute seule – ce dont Victoire doute forte- 19e prise,Victoire joue en larmes. Mais Générique de fin. ment. Mais Jacques est clair : « Dans l’his- alors pour Doillon, « c’est presque un petit toire tu n’arrives pas à sortir toute seule, et dans peu trop triste ». la réalité, je ne crois pas non plus. » [DVD Hypothèse. Le cinéaste est surpris par l’inten- Ponette, chapitre 7/5]. Il faut que Victoire sité inimaginable et la ferveur exprimée par s’imagine qu’elle ne sortira pas et que la l’actrice. Il lui demande de revenir à une tris- nuit va arriver (alors qu’on tourne le tesse plus retenue. L’ACTEUR AU CINÉMA 11 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 12 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 13

La Direction d’acteur par Jean Renoir

Gisèle Braunberger, France, 1968, 22 min.

Réalisation : Gisèle Braunberger Il s’agit d’un pur exercice sans autre visée que de montrer Renoir Image : Edmond Richard au travail avec une actrice : Gisèle Braunberger n’est pas anglaise Son : René Forget et n’a pas l’âge du rôle (une fillette). Elle est à la fois réalisatrice du Montage : Mireille Mauberna film et « cobaye » de l’expérience. Directeur de production : René Fleytoux Au début du film, elle fait semblant de ne pas connaître le texte Production : Les Films de la Pléiade qu’elle avait en fait appris par cœur mais sans idée préconçue. Il n’y a eu qu’une seule prise pour le plan final où elle « joue » le Ce film est un pilote pour une série (qui n’a jamais vu le jour) sur texte frontalement devant la caméra. le travail du metteur en scène de cinéma. Gisèle Braunberger, qui est la femme du producteur Pierre Le texte est un monologue, tiré du livre de la romancière britan- Braunberger (Les Films de la Pléiade), avait été figurante sur le nique Rumer Godden, Breakfast with the Nikolides, que Jean tournage de French Cancan. Elle avait été frappée par l’attention Renoir avait adapté en 1951. que Jean Renoir y portait à tous les acteurs, jusqu’au moindre A.B. figurant. Ce film a été tourné en une seule après-midi (Renoir a été pré- sent trois heures), avec une équipe ultra-réduite de quatre per- sonnes, dans un petit studio du Service de la recherche de l’ORTF,prêté par Pierre Schaeffer qui en était alors le directeur.

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L’histoire de Partie de campagne par Clary Demangeon

En 1994, alors que se prépare la célébration du centenaire de Jean Renoir, sont retrouvés dans une malle de la Cinémathèque fran- çaise les rushes de Partie de campagne que , le producteur du film, avait confiés à en 1962. Découverte majeure, ces rushes se composent de l’ensemble des prises effectuées lors du tournage, du 27 juin au 15 août 1936, à l’exception de celles montées dans le film définitif. Comme le note Olivier Curchod1, ces rushes sont « l’équivalent cinémato- graphique des brouillons de l’écrivain, des esquisses du peintre, Jean Renoir, Georges Darnoux et Brunius dans Partie de campagne. permettant de suivre avec quasi-certitude le calendrier et l’am- biance de travail, d’entendre les hésitations du cinéaste ou de ses incident ouvre la voie d’une longue série noire qui caractérise comédiens d’une prise à l’autre, de deviner les aléas de ce tour- l’histoire terriblement accidentée du film. nage à la campagne – et même de découvrir près de sept minutes Tout d’abord, ce sont les intempéries qui perturbent le plan de plans absolument inédits2 ». de travail d’un film que Renoir avait imaginé solaire. Les retards Le tournage de Partie de campagne de Jean Renoir, prévu initiale- s’accumulent, et tandis que les jours pluvieux passent et que la ment pour le début du mois de juin 1936, est retardé de presque tension monte chez les comédiens et dans l’équipe technique, un mois par des grèves de l’industrie cinématographique. Renoir est de plus en plus absorbé par la préparation des Bas- Il débute enfin le 27 juin 1936 avec une équipe technique et Fonds, dont il doit commencer le tournage fin août. artistique qui regroupe des fidèles du cinéaste, mais ce premier Le 7 août 1936, Jean Renoir finit par abandonner le tournage 14 L’ACTEUR AU CINÉMA Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 15

de Partie de campagne et le laisse définitivement aux mains de ses ter d’achever le film), ce n’est qu’à la fin de la Seconde Guerre assistants. Jacques Becker et Claude Heymann supervisent seuls la mondiale que Partie de campagne sort enfin de son purgatoire. dernière semaine : du 8 au 14 août, soit près de vingt-trois plans C’est à Margueritte Houllé-Renoir, la compagne du cinéaste lors réalisés sans Jean Renoir et conservés dans le montage définitif. du tournage, que Pierre Braunberger confie le soin de mettre en « La suite est connue : lors d’un passage éclair de Renoir à Mar- forme le matériau incomplet. lotte (mais quel jour ?), Sylvia Bataille, qui s’était vu elle-même Margueritte Houllé prend ainsi en charge le montage du film de refuser un congé pour signer un engagement, dit avec panache novembre 1945 à janvier 1946, vraisemblablement en suivant des son fait au cinéaste. Pierre Braunberger décrète l’arrêt définitif du directives données par Jean Renoir dix ans auparavant. Braunber- tournage3 », raconte Olivier Curchod. ger décide de remplacer les scènes manquantes par deux cartons L’abandon du tournage par son réalisateur ne marque pas la der- résumant l’intrigue au spectateur, et Joseph Kosma, à qui avait été nière mésaventure d’un film que Pierre Braunberger, désireux de confiée la musique dix ans plus tôt, écrit la partition en janvier rentrer dans ses frais, va tenter par tous les moyens de « complé- 1946. Une première copie standard du film est tirée le 11 avril ter » pour pouvoir l’exploiter en salles. de cette même année. Braunberger contacte alors le scénariste Jacques Prévert, avec qui C’est le 18 décembre 1946 que Partie de campagne fait sa première Renoir avait écrit Le Crime de Monsieur Lange en 1935. Prévert sortie publique à Paris dans une salle des Champs-Élysées. Le film et Renoir s’entretiennent donc à partir de novembre 1936 des est aujourd’hui universellement considéré comme l’une des plus scènes à écrire pour « boucler l’histoire ». Mais assez vite, Renoir, belles réussites de Jean Renoir. qui a fini de tourner les Bas-Fonds et prépare désormais La Grande Illusion ainsi que La Marseillaise, perd le contrôle du texte. Et 1. Partie de campagne, Étude critique d’Olivier Curchod, coll. « Synopsis », Armand Collin, 2005, p. 29 (1re édition Nathan 1995). lorsque Prévert, en décembre 1936, lui montre, ainsi qu’à Braun- 2. En mars 1994, le cinéaste Alain Fleischer se voit confier par la Cinémathèque berger, le scénario qu’il a écrit, Renoir le rejette, ainsi que toute française ces cent dix boîtes de pellicule (plus de quatre heures de projection). nouvelle initiative pour compléter le film, désormais considéré Il en tire un film Un tournage à la campagne formé d’un choix de prises présen- tées bout à bout dans l’ordre du film monté. De son côté, Claudine Kaufmann comme maudit. propose un montage intitulé Essais d’acteur, des plans tournés par Renoir en Malgré les efforts de Pierre Braunberger pendant les deux années deux temps avec ses comédiens lors de la préparation du tournage. qui suivent (Douglas Sirk sera même contacté en 1938 pour ten- 3. O. Curchod, op. cit., p. 21. L’ACTEUR AU CINÉMA 15 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 16

La Mise en scène du Panthéon, ex Cinéma du Panthéon. non retenues lors du montage définitif. Remerciements : Les Films du jeudi, Laurence Une seule exception : le plan du baiser sur de l’acteur dans Braunberger, La Cinémathèque française. l’île qui est extrait du film et que nous avons légèrement teinté. » Partie de campagne Résumé Alain Bergala, En partant du matériel filmé sur Partie de Les essais d’acteurs [10’18] campagne, Alain Bergala trace un portrait Moins d’une semaine avant le début du France, 2008, 39 min. de différents moments forts, rituels ou tournage, Renoir consacre deux journées à aléas du tournage de ce film à l’histoire des essais d’acteurs, bien qu’il soit certain Scénario et réalisation :Alain Bergala mouvementée (lire pages 25-26). Il analyse de tourner avec ces comédiens-là, excep- Montage :Valentine Duley les partis pris de mise en scène de Jean tion faite du rôle de la grand-mère qu’il a Conformation :Vonnick Guénée Renoir et nous fait entrer dans l’univers voulu d’abord confier à un homme, Sylvain Synthétiseur : Dominique Villemin régi par les liens très forts que le metteur Itkine. La première journée semble plutôt Mixage : Marie-Odile Dupont en scène tissait avec ses comédiens. destinée à vérifier le rapport des comédiens Voix off :Alain Bergala Nota. Les passages entre guillemets sont Assistante stagiaire : Clary Demangeon extraits du commentaire d’Alain Bergala. Production et © : 2008. SCÉRÉN-CNDP Chapitrage Extraits provenant de : Introduction : « Ce bonus a été réalisé à par- Partie de campagne, Jean Renoir, 1946. tir des rushes du film Partie de campagne qui Les Essais d’acteurs de Partie de campagne, ont été retrouvés en 1994 dans les réserves Claudine Kaufmann (Cinémathèque de la Cinémathèque française. Ces rushes française). avaient été confiés à Henri Langlois par le Les rushes de Partie de campagne. producteur du film, Pierre Braunberger. Pour ces trois sources, distributeur et © : Les Films On ne verra dans ce bonus que des prises Essai de Sylvain Itkine pour la grand-mère. 16 L’ACTEUR AU CINÉMA Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 17

à leur costume, leur aisance (Sylvia Bataille Les annonces [2’49] court dans sa robe ajustée) et tous passent Les annonces suivent en général de devant la caméra. manière très ritualisée le clap, et déclen- La deuxième journée aborde plutôt la chent le début de l’action des acteurs question du filmage des deux comédiens devant la caméra et le magnétophone qui principaux : Georges Darnoux, homme tournent. Renoir les module à sa façon, sombre, à la personnalité fragile, préféré à très personnalisée, tissant là encore un lien Brunius qui semblait pourtant plus évi- avec ses acteurs, ayant quelques mots pour dent pour le rôle. Sylvia Bataille, elle aussi chacun et un ton différent selon qu’il fragilisée (elle se sépare de son mari, l’écri- s’adresse à Jane Marken (Allez Marken ! vain Georges Bataille, et c’est Braunber- Allez-y madame!), à Darnoux (mon vieux), Gabriello tient le clap. ger, amoureux d’elle, qui, pour « l’appro- à Margueritte Houlé (la serveuse de Par- cher », monte le projet du film) : Renoir Le clap [2’48] tie de campagne qui sera la monteuse du cherche la meilleure façon de la filmer, Tournant en son synchrone (fait très rare à film et qui est, alors, sa compagne), etc. résout les problèmes d’axe de caméra pour l’époque et demandant aux acteurs d’être prendre en compte les petites imperfec- bons à la fois à l’image et au son), Jean Le déjeuner des canotiers [5’49] tions de son visage et conserver à l’image Renoir « désacralise totalement cette céré- Les deux canotiers, Henri (Georges Dar- son charme et sa beauté. monie du clap », indispensable avant noux) et Rodolphe (Brunius), déjeunent Alain Bergala décèle aussi là le désir de Syl- chaque prise pour synchroniser ensuite face à face, servis par le patron (Jean via Bataille d’être filmée par Renoir. Ce son et image.Tous sur ce tournage ont le Renoir) et la serveuse (Margueritte désir crée entre la comédienne et son met- droit (ou l’obligation) de faire le clap, Houlé), tout en devisant sur la marche à teur en scène un lien, et une tension qui se enfants, acteurs, cinéaste… suivre pour leur projet de promenade poursuivra tout au long du tournage. Désir galante avec Henriette et sa mère (Sylvia qui sera déçu quand Renoir abandonnera Bataille et Jane Marken). Alain Bergala le tournage (lire pages 25-26). retrace, à travers le filmage de cette scène, L’ACTEUR AU CINÉMA 17 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 18

la surprenante méthode de Renoir qui, loin de filmer en continu le champ puis le contrechamp (avec chaque fois le dialogue dans sa continuité), filme tantôt l’un tantôt l’autre, selon les répliques, coupe net à la fin d’une phrase (ne se ménageant donc aucune marge de sécurité pour son futur montage), donne la réplique lui-même… et continue à encourager (ou à tancer) ses acteurs. On voit là comment si une scène peut se dérouler de façon fluide, combien parfois, au contraire, les acteurs peuvent Renoir à isolé Georges Darnoux (Henri) du trio composé par Brunius (Rodophe), s’empêtrer et être désarçonnés. Sylvia Bataille (Henriette) et Jane Marken (la mère). Mais cette tension se termine parfois en acteurs, lesquels doivent se tenir prêts Les accidents de tournage [3’37] une sorte de défoulement, avec accès de cependant, dès l’arrivée du soleil, à une Le son synchrone exige un environne- fou rire, blagues, grimaces et bonne mise en route immédiate de l’action. C’est ment silencieux quand on tourne une humeur incontrôlable. ce qu’illustre cette séquence où les deux scène tirée de Guy de Maupassant et cen- canotiers ont approché la mère et la fille sée se passer à la campagne, à la fin du Les fausses teintes [1’37] assises sur l’herbe. XIXe siècle : de nombreuses prises sont La variation de la lumière sur un tournage refaites ici, simplement à cause du passage en extérieur (dite « fausse teinte » ) consti- Trois + un [3’47] d’un avion, d’une moto, d’un train. Cela tue, elle aussi, un des aléas du tournage, Rodolphe et Henri devisent avec Hen- entraîne des difficultés pour l’ingénieur du non plus pour le son mais pour l’image. riette et sa mère, assis sur l’herbe. Renoir son et crée parfois des tensions chez les Là encore, un nuage peut entraîner une va isoler Georges Darnoux et cadrer le acteurs. attente qui peut paraître pénible aux trio, puis le comédien seul (pour intégrer 18 L’ACTEUR AU CINÉMA Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 19

ces plans au montage) : ainsi, le cadre est retrouvent par hasard, au même endroit plein (sans trop d’espace au-dessus du trio). des mois plus tard, et expriment chacun à De plus, ce statut isolé accentue le côté à son tour la détresse qui les tient depuis part et un peu mélancolique du person- leur moment d’étreinte amoureuse, nage d’Henri. Mais pour ne pas le séparer Renoir a fait installer un travelling : loin complètement des autres, Renoir choisit de découper classiquement la rencontre, il aussi de faire un panoramique, recréant décide que la caméra va aller « chercher ainsi l’unité du quatuor : « alternative pos- physiquement Henriette pour l’arracher à sible au moment du montage ». son mari et l’amener à Henri ». Les comédiens semblent conscients d’avoir Techniquement difficile à réaliser, ce plan joué leur scène avec vigueur et enthou- lourd d’émotion a été tourné avec une siasme. Mais le cinéaste, un peu rabat-joie ment moderne en 1936, de chercher ce présence très forte, très proche, du cinéaste et pas aussi satisfait qu’eux, demande que doit être son plan pendant que la auprès de ses acteurs, voire entre eux. Ce immédiatement de nouvelles prises, ne lais- caméra tourne […] sculpte son plan litté- contact étroit que Renoir aimait entrete- sant pas, ainsi, retomber la tension du jeu. ralement en direct ». Puis, dans ce nir avec ses comédiens, on le retrouve au moment de bonheur, le cinéaste demande cours de l’exercice de comédie qu’il Le baiser [3’41] à son actrice, par un regard caméra annon- donne à la débutante Gisèle Braunberger Ce gros plan, cadré très près, ne laissant à çant celui de Monika 1, d’exprimer sa dans La Direction d’acteur par Jean Renoir 2. l’image que des fragments des visages rap- détresse. C’est le plan de l’œil embué de prochés d’Henriette et d’Henri, est un larmes de Sylvia Bataille, dont le visage moment crucial de Partie de campagne. repose dans la main de son partenaire. Après ce moment d’amour unique, Hen- riette sait qu’elle est vouée à une existence Épilogue [4’34] 1.Voir le passage sur Monika d’Ingmar Bergman dans le bonus : L’Acteur dans le cinéma moderne, monotone avec le commis de son père. Pour exprimer l’intensité dramatique de la page 19. Renoir qui « fait un choix, incroyable- scène où les deux amants d’un jour se 2. Ce film figure dans le DVD 1. L’ACTEUR AU CINÉMA 19 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 20

Ingrid Bergman dans Stromboli de Roberto Rossellini (Italie, 1949). Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 21

L’Acteur dans le cinéma moderne par Alain Bergala

Prologue de la modernité doit beaucoup au geste rossellinien, qu’elle Le cinéma moderne est né à la fin de la Seconde Guerre mon- revendique. Elle apparaît à un moment de mutation de la société diale.Après la découverte des images des camps de concentration, française, qui passe de l’après-guerre à la société de consommation des déportés squelettiques et des charniers, il est devenu difficile et à l’arrivée d’une nouvelle jeunesse qui cherche d’autres repré- de continuer à montrer sur les écrans l’univers artificiel, luxueux sentations d’elle-même. Godard en sera le représentant le plus et insouciant des films américains d’avant-guerre. La terrible réa- synchrone avec cette mutation. lité s’est imposée avec la plus grande violence contre le rêve hol- La naissance de l’acteur moderne a été une véritable révolution lywoodien qui avait débouché sur l’horreur. Le cinéma ne pou- dans la façon de penser la question de l’acteur au cinéma, mais vait faire autrement que de repartir de cette réalité, des corps et cette nouvelle conception ne diminue en rien, a posteriori, les du monde réels et ordinaires. La place et le rôle de l’acteur en qualités qui ont été celles de l’acteur classique. Les grands acteurs ont été profondément changés. hollywoodiens d’avant-guerre ont représenté les mythes de leur C’est d’abord en Italie, avec le néoréalisme que la mutation a lieu. époque dans un état du cinéma d’avant la coupure de la guerre, Rossellini réinvente une autre façon de faire du cinéma dans les où ils étaient arrivés à une sorte de perfection absolue. C’est le ruines encore fumantes de Rome et de Berlin, loin des studios et rapport au monde qui a eu besoin d’être représenté autrement. des divas du cinéma d’avant-guerre. Quelques films exemplaires ont scandé les étapes de la mutation Dix ans plus tard, à la fin des années 1950, la Nouvelle Vague de l’acteur dans l’histoire du cinéma moderne. Nous allons en impose d’abord en France puis dans le monde entier une nou- analyser certaines séquences du point de vue de la place, de la velle conception du cinéma et de l’acteur. Cette seconde offensive conception et de la mise en scène de l’acteur.

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L’Acteur dans le cinéma Résumé En utilisant des extraits de sept films, de moderne Boudu aux Valseuses, de 1932 à 1974,Alain Bergala analyse l’évolution de la place et Alain Bergala, France, 2008, du statut de l’acteur, particulièrement dans 58 min. le cinéma moderne, après le tournant du néoréalisme. Réalisation :Alain Bergala Montage :Valentine Duley Nota. Les textes entre guillemets provien- Conformation : Marc Vazzoler nent du commentaire d’Alain Bergala. Mixage : Marie-Odile Dupont Boudu sauvé des eaux Michel Simon (Boudu) lutine la bonne Synthé : Dominique Villemin (Séverine Lerczinska) dans Boudu sauvé des Jean Renoir, 1932 [7’31] Assistante stagiaire : Clary Demangeon eaux, tout en jouant des pieds. Voix off :Alain Bergala Alain Bergala analyse le rapport fort qui Production et © 2008. SCÉRÉN-CNDP. lie Jean Renoir et Michel Simon. Ce der- apporte désordre, désorganisation et fan- nier, découvert par Renoir dès ses pre- taisie. Pour illustrer la force du jeu de Extraits utilisés : Boudu sauvé des eaux de miers films, a permis au cinéaste d’élabo- Michel Simon « qui investit cet espace Jean Renoir (1932), Les Enchaînés (Noto- rer sa « conception de l’acteur » : selon avec son corps de façon transgressive et rious) d’Alfred Hitchcock (1946), Stromboli Renoir en effet, un personnage ne pré- toujours inventive » et l’utilisation que de Roberto Rossellini (1949), Monika existe pas, mais va être généré par l’acteur, Renoir fait de cette inventivité,Alain Ber- d’Ingmar Bergman (1953), Pickpocket de qui le porte en lui. gala a choisi quatre extraits, dont il déve- Robert Bresson (1959), À bout de souffle de Jean Renoir donne à Michel Simon le loppe une analyse. Jean-Luc Godard (1959), Les Valseuses de rôle du clochard Boudu qui, introduit Bertrand Blier (1974). dans l’intérieur bourgeois et confortable 1. Les sardines [2’20]. Michel Simon / de son sauveur, le libraire M. Lestingois, y Boudu dévore un repas de sardines sous 22 L’ACTEUR AU CINÉMA Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 23

l’œil bienveillant de son sauveur. Le 4. La chèvre [3’19]. Dans cette scène, comédien a à sa disposition un panel de s’est produit un accident de tournage signes, de mimiques et de gestes qui magnifiquement rattrapé par l’acteur et montre que, loin d’être un acteur instinc- par le cadreur : la chèvre près de laquelle tif, comme cela a souvent été dit, il pré- Boudu s’était étendu se sauve, effrayée par pare minutieusement son personnage. le sifflet d’un train. Michel Simon, soudain totalement décadré, se redresse et lance 2. Le faune [1’30]. Dans cette scène, où son chapeau dans l’eau, puis se recouche Boudu vautré sur la table lutine la bonne Cette action est d’abord suivie par le qui fait l’argenterie, Michel Simon montre cadreur qui, comprenant vite son erreur, l’extraordinaire maîtrise qu’il a de son se rattrape avec un très beau panoramique. corps : il offre un jeu de pieds totalement Cary Grant et dans Les Enchaînés. indépendant de son jeu de « tête ». Les Enchaînés (Notorious) Alfred Hitchkock (1946) [3’29] 3. L’épouvantail [2’47]. « Pour ce seul Ingrid Bergman et Cary Grant, les deux marcher. L’éclairage est parfait, au service, plan séquence, magistral, Michel Simon a stars qui jouent dans Les Enchaînés, sont pour l’actrice, de ce qu’on appelait « le créé de toutes pièces un système de jeu mises en scène par Hitchcock dans le pur gros plan de beauté », les costumes gom- unique dans le film, dont j’imagine qu’il a style hollywoodien : c’est la photogénie ment les corps des acteurs ou les protè- dû émerveiller Renoir au moment de la qui prime. Ainsi, lors de la séquence du gent comme une armure, et « même prise. » Sortant de l’eau pour se diriger champ de course ou de la réception mon- quand elle pleure, le visage d’Ingrid Berg- vers un épouvantail, l’acteur, totalement daine, ils sont apprêtés, coiffés, maquillés man ne se trouve en rien affecté ou trempé, se transforme lui-même en pan- parfaitement pour effacer tout défaut et enlaidi : sa larme est comme une perle tin, jouant de son corps désarticulé sont éclairés et filmés de même : Ingrid posée sur son visage, un bijou scintillant comme une marionnette obéissant à son Bergman et Cary Grant, personnages lisses de plus ». marionnettiste. et sophistiqués, semblent glisser plutôt que L’ACTEUR AU CINÉMA 23 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 24

1. La rencontre avec l’enfant [2’03]. volcan, étouffant sous les fumerolles, titu- Dans cette scène, Ingrid Bergman, filmée bant sous l’effort. Le contraste entre l’In- en plongée, semble d’abord être prise au grid Bergman des Enchaînés et celle de piège du village. Quand elle rencontre un Stromboli est puissant : Rossellini filme petit garçon avec lequel elle doit essayer longuement l’actrice, tendue et courbée d’entrer en contact, l’enfant ne comprend par la douleur physique (l’escalade) et pas ce qu’elle lui dit. L’actrice va donc morale (le désespoir), pleurant, le visage devoir improviser en fonction des réac- déformé par les larmes.Alain Bergala sug- tions de ce petit partenaire non profes- gère que Roberto Rossellini fait subir à sionnel. Ingrid Bergman une période d’expiation (de son passé hollywoodien) pour la faire Ingrid Bergman dans Stromboli. 2. La pêche au thon [1’15]. Ingrid entrer dans son cinéma. Bergman là se trouve jetée dans la réalité Stromboli documentaire et très éprouvante du mas- Monika Roberto Rossellini (1949) [13’30] sacre et du rituel que constitue la pêche Ingmar Bergman (1953) [5’56] Ce film marque un tournant dans le statut au thon. Harponnés, les gros poissons ago- Ingmar Bergman, également, entretient de l’acteur : Rossellini a fait de Bergman nisent dans des soubresauts, pendant que une relation amoureuse avec sa jeune « la première actrice moderne ». C’est elle l’actrice, éclaboussée, bousculée, est expo- actrice débutante, Harriet Andersson. Il qui a demandé à tourner avec lui. Il décide sée (comme son personnage) à une réalité tourne avec elle un film qui « va consti- de confronter la star hollywoodienne, avec qui lui est totalement étrangère. tuer la deuxième naissance de l’acteur qui il a une liaison, à la rudesse de Strom- moderne » : le personnage de Monika boli. Il semble qu’à chaque fois, le réalisa- 3. L’escalade du volcan [6’57] Enceinte, doit autant au talent de la jeune comé- teur italien mette en place des dispositifs et Karin a décidé de fuir l’île et son mari dienne qu’à l’exigence de Bergman, atten- filme la façon dont réagit l’actrice. Ce avec l’argent de la pêche au thon. Elle dant d’elle un total naturel. Deux qu’illustrent les trois séquences choisies ici. escalade péniblement la pente abrupte du séquences illustrent cet argument : 24 L’ACTEUR AU CINÉMA Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 25

ostensiblement vers le spectateur et de le regarder droit dans les yeux », le prenant à témoin. Cette décision de mise en scène est une première dans l’his- toire du cinéma, et elle s’accompagne d’une autre transgression puisque le cinéaste décide alors, de façon arbitraire, de changer la lumière pour mieux centrer le face-à-face de l’actrice et du spectateur.

Pickpocket Harriet Andersson dans Monika. Le geste du voleur de Pickpocket. Robert Bresson (1959) [9’32] Alain Bergala analyse ici la conception 1. Dans l’île [1’23]. Bergman filme radicale que Bresson a du jeu de l’acteur : filme souvent la partie pour le tout, moins la jeune Monika bondissant au opposant le cinéma au « cinématographe », cadrant mains et gestes des personnages. bord de la mer, pleine de vie et de sensua- appelant ses acteurs des « modèles », le Il va jusqu’à utiliser un véritable pickpoc- lité, qu’Harriet Andersson dont il est cinéaste élimine chez ces derniers toute ket (Kassagi) pour mieux enregistrer la amoureux et à qui, en tant qu’actrice, il à conscience de jeu, tout savoir-faire. « L’im- véracité des gestes. demandé d’être elle-même. portant n’est pas ce qu’ils me montrent, Bresson d’autre part, réduit les dialogues au mais ce qu’ils me cachent et surtout qu’ils minimum, demande à ses acteurs la plus 2. Le « regard caméra » [3’05]. ne soupçonnent pas qui est en eux », grande neutralité possible, les soumettant à Bergman demande à son actrice, lors disait-il. Il a sa méthode pour obtenir ce de nombreuses répétitions et réenregistrant d’une scène de café où Monika décide de résultat (de très nombreuses prises, l’épui- tout en studio après le tournage. tromper son mari, de jouer d’abord la sement de l’acteur, des instructions de mise D’un film à l’autre, les actrices de Bresson scène normalement, puis « de se retourner en scène plus que précises…). Le cinéaste ont toutes en commun leur austérité, leur L’ACTEUR AU CINÉMA 25 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 26

aspect longiligne, leur manière d’être coif- de mise en scène et cette conception de fées [voir le « Portfolio » de ce DVD]. Les l’acteur se passe en effet dans une chambre « modèles » sont toujours placés dans le d’hôtel, minuscule et encombrée. Jean- cadre au millimètre près et leurs déplace- Paul Belmondo et Jean Seberg y vont et ments, gestes, regards, sont entièrement sous viennent à leur guise, suivis par le chef le contrôle du cinéaste, sans aucun effet du opérateur Raoul Coutard, improvisant lui réel. La séquence du dialogue entre Michel aussi ses déplacements. Godard désire et Jeanne illustre cet argument. avant tout que ces plans soient vivants et le cinéaste fait peu de cas des raccords ou À bout de souffle autres contraintes classiques, pas plus qu’il Jean-Luc Godard (1959) [7’47] n’impose un éclairage entravant ses Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg « Avec ce film, [Godard] prolonge en le acteurs. dans À bout de souffle. radicalisant le geste moderne qui a été celui de Renoir, de Rossellini et de Berg- pour autant improvisés, mais écrits au fur Les Valseuses man. » Godard choisit pour son premier et à mesure du tournage. Bertrand Blier, 1974 [5’15] long métrage deux acteurs totalement en Ce qui intéresse Godard c’est que ses Cette séquence où Gérard Depardieu et rupture avec les comédiens des années acteurs amènent quelque chose « de leur Patrick Dewaere, plus tard rejoints par 1950 (dont le cinéma de la « qualité fran- vérité » dans leur rôle et non une inter- Miou-Miou, viennent narguer pendant çaise » fut sévèrement critiqué par les prétation fabriquée. Il les choisit en fonc- son pique-nique une famille de Français tenants de la Nouvelle Vague) : Jean-Paul tion de ce qu’ils sont dans la vie et prend moyens, dont la fille (Isabelle Huppert) est Belmondo et Jean Seberg. Partant sans un en compte leur réalité pour construire en rébellion, offre un condensé de ce que véritable scénario (juste quelques pages de avec eux le tournage. furent les acteurs émergeants, durant ces synopsis), le cinéaste va voir du côté de années charnières, après la Nouvelle Rossellini, laissant ses acteurs bouger et La chambre d’hôtel [3’44]. La séquence Vague. Pour Les Valseuses, Bertrand Blier jouer librement. Les dialogues ne sont pas d’À bout de souffle qui illustre ici ces choix avait repéré le trio au Café de la gare. 26 L’ACTEUR AU CINÉMA Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 27

pour-compte. Bertrand Blier utilisant l’aspect jubilatoire de ses acteurs, leur sens du rythme (Depardieu/Dewaere mar- chant de concert), loin du « néo-natura- lisme » dont on a pu affubler son film, théâtralise fortement cette séquence. Trente ans après, des acteurs issus de cette nouvelle génération des années 1970 ont encore une place centrale.

Gérard Depardieu et Patrick Dewaere dans Les Valseuses.

D’une certaine façon, cette bande de joyeux comédiens transportent en plein air devant la caméra de Blier les planches du café-théâtre. Cette nouvelle génération d’acteurs paraît moins bourgeoise, moins intellectuelle (même si les dialogues de Blier dans leur grossièreté sont très écrits), très physique. L’ex-loubard Depardieu va arriver au bon moment, avec « son appétit de jeu, sa vitalité, son corps imposant pour incarner cette nouvelle frange de la société française ». Une société qui veut compter avec les marginaux et les laissés- L’ACTEUR AU CINÉMA 27 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 28

L’Acteur dans le cinéma Haina (Madame Lestingois), Séverine moderne : les films Lerczinska (Anne-Marie). L’épicurien et brave libraire M. Lestingois aime Les extraits de ces sept films montés bout à à regarder ses prochains à la lunette : ainsi aper- bout peuvent être visionnés indépendamment çoit-il le clochard Boudu qui tente de se noyer du commentaire (durée : 38 min). dans la Seine et vient-il à son secours. Installé chez son sauveur, l’anarchique Boudu va se livrer à ses instincts, séduisant la bonne puis la Boudu sauvé des eaux maîtresse de maison. Mais plutôt que de ren- Réalisation : Jean Renoir. France, 1932, noir trer dans le rang en épousant la soubrette, Boudu préfère se faire la belle et reprendre sa et blanc, 83 min. [4 extraits : 5 min 20] Ingrid Bergman dans Les Enchaînés. Interprétation : Michel Simon (Boudu), vie de clochard solitaire. Charles Granval (Lestingois), Marcelle Distributeur : Pathé Renn Productions. partagé les idées, pour la convaincre d’infiltrer © 1932. Pathé Renn Productions - Les Produc- les milieux nazis qui se reconstituent au Brésil. tions Michel Simon. Très vite Alicia et Devlin tombent amoureux, mais pour accomplir sa tâche, la jeune femme Les Enchaînés se retrouve obligée d’épouser Sébastien, Titre original : Notorious. Réalisation :Alfred l’homme qu’elle est chargée d’espionner et qui Hitchcock. États-Unis, 1946, noir et blanc, la veut pour femme. Soupçonnant le travail 103 min. [5 extraits : 3 min] dans l’ombre d’Alicia, Sébastien et sa mère ten- Interprétation : Ingrid Bergman (Alicia), tent de l’empoisonner lentement, jusqu’à ce que Cary Grant (Devlin), Claude Rains Devlin arrive à la sortir de là. (Alexandre Sébastien). Distributeur et © : 1946. Droits réservés. Devlin, un agent secret américain, a contacté Boudu sauvé des eaux. Alicia, fille d’un ex-nazi dont elle n’a jamais 28 L’ACTEUR AU CINÉMA Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 29

Stromboli femme se lasse de son mari et de son enfant. Titre original : Stromboli, terra di Dio. Distributeur et ©: 1953.AB Svensk Filmindustri. Réalisation : Roberto Rossellini. Italie, 1949, noir et blanc, 105min. [4 extraits : 10 min] Pickpocket Interprétation : Ingrid Bergman (Karin), Réalisation : Robert Bresson. France, 1959, Mario Vitale (Antonio). noir et blanc, 75 min. [6 extraits : 6 min] Karin, une jeune Lituanienne, a épousé Anto- Interprétation : Martin La Salle (Michel), nio, un soldat italien, alors qu’elle était dans un Marika Green (Jeanne), Jean Pelegri (l’ins- camp d’internement. Elle vit avec son mari sur pecteur), Pierre Leymarie (Jacques), l’île de Stromboli. Les jours dans ce sombre et Kassagi (premier complice), Pierre Etaix rude environnement sont durs pour la jeune (deuxième complice). Harriet Andersson dans Monika. femme. Enceinte, elle tente de quitter l’île en « Ce film n’est pas du style policier.L’auteur s’ef- escaladant le volcan pour rejoindre le port. Monika force d’exprimer,par des images et des sons, le cau- Distributeur et © : 1949. Les Films sans frontières. Titre original : Sommaren med Monika. Autres titres : Monika et le désir. Un été avec Monika. Réalisation : Ingmar Berman. Suède, 1953, 87 min. [6 extraits : 2 min] Interprétation : Harriet Andersson (Monika), Lars Ekborg (Harry). Monika, une toute jeune vendeuse, pleine d’illusions romantiques, part vivre six mois dans une île avec un livreur, aussi jeune qu’elle. L’été s’achève, ils reviennent à Stockholm, se marient, ont une fille. Mais Ingrid Bergman dans Stromboli. le temps des désillusions arrive vite et la jeune Marika Green dans Pickpocket. L’ACTEUR AU CINÉMA 29 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 30

chemar d’un jeune homme poussé par sa faiblesse pert (Jacqueline), (Jeanne), dans une aventure de vol à la tire pour laquelle il Brigitte Fossey (la jeune mère). n’était pas fait. Seulement cette aventure, par des Jean-Claude et Pierrot, deux jeunes loubards pleins chemins étranges, réunira deux âmes qui, sans elle, de vitalité vont de mauvais coups en mauvais ne se seraient peut-être jamais connues. » coups,avec essentiellement des « Français moyens » Ce texte d’ouverture du film est cité par dans leur ligne de mire. C’est l’histoire de leur Philippe Arnaud dans son remarquable cavale, de leurs rencontres,de leurs amours : Marie- livre sur Bresson paru aux Cahiers du Ange, la maîtresse d’un coiffeur qu’ils ont emmenée cinéma en 1986. Il résume exactement la avec eux, Jeanne qui se suicidera après une nuit fascination de Michel pour la liberté que d’amour, Jacques le fils de celle-ci qui les rejoint, le vol serait censé lui donner, et sa ren- À bout de souffle. puis Isabelle, une lycéenne en rupture de ban. contre avec Jeanne avant que la prison ne Distributeur : STUDIO CANAL. s’avère un détour obligé. vendeuse du New York Herald Tribune, et de © 1974. Compagnie artistique de productions Distributeur : MK2. © 1959. Agnès Delahaie Michel, un voleur de voiture qui a tué un poli- et d’adaptations cinématographiques. Productions Cinématographie. cier. Patricia finira par livrer Michel à la police. Ce dernier meurt au moment de son arrestation. À bout de souffle Distributeur et © 1959. Studio Canal - Société nou- Réalisation et scénario : Jean-Luc Godard, velle de Cinématographie (tous droits réservés). d’après un synopsis de François Truffaut. France, 1959, noir et blanc, 87 min. Les Valseuses [1extrait : 5 min] Réalisation : Bertrand Blier. France, 1974, Interprétation : Jean Seberg (Patricia Fran- couleurs, 115 min. [1 extrait : 5 min] chini), Jean-Paul Belmondo (Michel Poic- Interprétation : Gérard Depardieu (Jean- card), Daniel Boulanger (l’inspecteur Vital). Claude), Patrick Dewaere (Pierrot), La liaison de Patricia, une jeune Américaine, Miou-Miou (Marie-Ange), Isabelle Hup- Les Valseuses. 30 L’ACTEUR AU CINÉMA Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 31

Portfolio acteurs 3. Oliver Hardy et Stan Laurel dans Ton cor est à toi BURLESQUES (You’re Darn Tootin’) 1. Charles Chaplin Edgar Kennedy, sur le tournage États-Unis, 1928. de La Ruée vers l’or © Rue des Archives (The Gold Rush) Collection BCA Charlie Chaplin, États-Unis, 1924. © Rue des Archives 4. Jerry Lewis et Collection BCA Stella Stevens dans Docteur Jerry et Mister Love (The Nutty Professor) Jerry Lewis, États-Unis, 1963. © Coll. Pele/Stills /Gamma

LES « QUATRE GRANDS »

2. Buster Keaton dans 5. Gary Cooper et Cadet d’eau douce Claudette Colbert dans (Steamboat Bill Jr.) La Huitième Femme de Buster Keaton et Barbe-Bleue (Bluebeard’s CharlesF.Reisner, Eighth Wife) Ernst États-Unis, 1928. Lubitsch, États-Unis, 1937. © Bettmann/Corbis Collection Christophe L

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LES STARS

9. 6. James Stewart et Humphrey Bogart et Kim Novak dans dans Le Grand Sommeil Sueurs froides (Vertigo) (The Big Sleep) Alfred Hitchcock, Howard Hawks, États-Unis, 1958. États-Unis, 1946. Collection Cahiers du cinéma Collection Christophe L

7. Cary Grant dans La Mort aux trousses 10. Ava Gardner dans (North by Northwest) Pandora (Pandora and the Alfred Hitchcock, Flying Dutchman) États-Unis, 1959. Albert Lewin, © Rue des Archives États-Unis, 1950. Collection BCA Collection Christophe L

8. John Ford, Constance 11. Mel Ferrer Towers et John Wayne et Marlene Dietrich sur le tournage des dans L’Ange des maudits Cavaliers (Horse Soldiers) (Rancho Notorious) John Ford, de Fritz Lang, États-Unis, 1959. États-Unis, 1952. © Rue des Archives © Rue des Archives Collection BCA Collection BCA

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12. Tom Ewell et Marilyn Monroe dans Sept ans de réflexion 15. Elizabeth Taylor (The Seven Year Itch) et James Dean dans Billy Wilder, Géant (Giant) États-Unis, 1955. George Stevens, © 20th Century Fox / États-Unis, 1956. Album / AKG © Coll. Pele/Stills/Gamma

13. 16. Lee Strasberg dans Pour quelques et Al Pacino dans dollars de plus Le Parrain II (For a Few Dollars More) (The Godfather, Part II) Sergio Leone, Italie, Francis Ford Coppola, États-Unis, 1965. États-Unis, 1974. © Coll. Pele/Stills/Gamma © Rue des Archives Collection BCA

L’ACTOR’S STUDIO

14.Vivien Leigh et Marlon Brando dans 17. Harvey Keitel Un tramway nommé désir et Robert De Niro (A Streetcar Named Desire) dans Taxi Driver Elia Kazan, , États-Unis, 1951. États-Unis, 1976. Collection Cahiers du cinéma © Coll. Pele/Stills/Gamma

L’ACTEUR AU CINÉMA 33 Livret pour BAt3 9/04/08 15:12 Page 34

DIRECTION D’ACTEUR

21. Ingrid Bergman sur le tournage de Stromboli 18 et 19. Michel Simon Roberto Rossellini, dans La Chienne et dans Italie, 1949. Boudu sauvé des eaux © Droits réservés, Stromboli, Jean Renoir, Roberto Rossellini France, 1931 et 1932. Collection Cahiers du cinéma

22. Hariett Andersson dans Monika d’Ingmar Bergman, Suède, 1959. Collection Cahiers du cinéma

23. Kassagi, Martin 20. Ingrid Bergman La Salle et Robert sur le tournage des Bresson pendant le Enchaînés (Notorious) tournage de Pickpocket Alfred Hitchcock, Robert Bresson, États-Unis, 1946. France, 1959. © Rue des Archives Collection Cahiers du cinéma, Collection BCA Dominique Rabourdin

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QUATRE ACTRICES NOUVELLE VAGUE DE BRESSON 24. Florence Delay dans Le Procès de Jeanne d’Arc 28. Jean Seberg Robert Bresson, dans Bonjour tristesse France, 1962. Otto Preminger, © Photos12.com - France, 1958. Collection Cinéma © Rue des Archives Collection BCA 25. Anne Wiazemsky dans Au hasard Balthazar Robert Bresson, 29. Jean-Luc Godard, France, 1965. Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg sur le Collection Cahiers du cinéma tournage d’À bout de souffle 26. Nadine Nortier Jean-Luc Godard, dans Mouchette France, 1959. Robert Bresson, © Raymond Cauchetier France, 1966. Collection Cahiers du cinéma 30. Bernadette Lafont 27. Isabelle Weingarten et Jean-Pierre Léaud dans Quatre nuits d’un dans La Maman rêveur et la Putain Robert Bresson, , France, 1970. France, 1972. Collection Cahiers du cinéma Collection Christophe L

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L’ACTEUR AU CINÉMA L’Eden CINEMA Ce DVD a été produit Directeur de collection par le SCÉRÉN-CNDP Conception du DVD Infographiste : Michel Bertrand Alain Bergala Correction : Émilie Nicot,Anne Peeters Mastérisation :Vectracom, Johan Jolibois Directrice artistique Pressage : Quantom Optical Laboratories Anne Huet Illustrations du livret : photogrammes extraits des films composant ce DVD Chef de projet et photos du portfolio Catherine Goupil

Remerciements Chargée de production Nous remercions tous ceux qui nous ont aidés à la Manuela Marques réalisation de ce DVD et particulièrement : Jacques Doillon, Nathalie Hubert, Iconographie Caroline Champetier, Marie de Laubier, Mélanie Gerin Clary Demangeon. Rédaction du livret Photo de couverture du DVD Catherine Schapira Jean-Luc Godard, Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg, pendant le tournage Conception graphique de la collection d’À bout de souffle (Jean-Luc Godard, 1959). Paul-Raymond Cohen © Raymond Cauchetier Photogramme du film Jouer Ponette (Jeanne Crépeau, Québec, 2007). Directeur de la publication Photo de couverture du livret Patrick Dion Ingrid Bergman dans Les Enchaînés (Notorious,Alfred Hitchcock, 1946) et dans Stromboli (Roberto Rossellini, 1949).