Juillet 2010 66/67

Numéro spécial Aires protégées LE FLAMBOYANT N° ISSN : 1241 - 3712 Juillet 2010 Directeur de publication : 66/67 Bernard MALLET Rédacteur en chef : Editorial – Marc-Antoine Martin...... 1 Dominique LOUPPE Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES Comité de lecture : Communautés locales et gestion des aires protégées – ...... 2 Michel ARBONNIER Dr Norbert Gami Claude BARBIER Regards croisés sur les blocages que rencontrent les initiatives de gestion Urbain BELEMSOBGO communautaire – Aurélie Binot...... 5 Aurélie BINOT Le Programme ECOPAS-Parc W : un exemple de coopération sous régionale Jean ESTÈVE de gestion des aires de conservation transfrontière – Ayih Atayi-Agbobly...... 8 Kouami KOKOU Coopération franco-brésilienne : les mosaïques d’aires protégées – François LAMARQUE Caroline Jeanne Delelis...... 12 Jean-Paul LANLY Conservation paysanne des forêts humides à Madagascar – Andry Randrianarison, Jean Joël LOUMETO Thierry Ganomanana et Dominique Hervé...... 14 Mama NTOUPKA La Réserve de faune de Togodo au sud du Togo face au projet de construction Delphine OUEDRAOGO d’un barrage à Adjarala – Adjonou Kossi, Sogoyou-Bekeyi Manzama et Kokou Kouami...... 18 Jacques PLAN Conservation et valorisation de la forêt sacrée de Kpinkonzoumé et de l’îlot forestier Jean-Pierre PROFIZI de Houanvè au sud du Bénin – Chris Mensah Aikpé et Séverin Tchibozo...... 22 Arthur RIEDACKER La réserve forestiere de Mbalmayo (Cameroun), pratiques et modes d’accès Appolinaire ZOHOUN des populations locales – Lucie Temgoua, Régis Peltier et Pierre André Owono Ndongo...... 25 Secrétaire de rédaction : Gestion des produits forestiers non ligneux d’origine végétale dans la réserve villageoise Stéphane PERSON d’Ibolo-Koundoumou au Congo – Joël Loummto, Victor Kimpouni et Pierre Oyo...... 29 Maquettiste : Patricia DOUCET Conserver ou manger la forêt ? Le paradoxe des paysans en périphérie de Kinshasa, Impression : Impact Imprimerie (34) RDC - Aires protégées traditionnelles du Bas-Congo – Nsimundele Nkondo Léopold, Le Flamboyant est imprimé sur papier issu Diansambu Makanua Isaac, Dubiez Emilien, Proces Pierre, Marien Jean-Noël, Peltier Régis, de forêts gérées durablement (label PEFC) Vermeulen Cédric...... 33 et avec des encres végétales. Réserve de biosphère de Luki-Mayombe : un modèle de développement durable en Afrique centrale ? – Bruno Perodeau, Laurent Nsenga et Pierre Nlungu...... 38 Populations rurales et préservation de la forêt amazonienne brésilienne – Plinio Sist, Secrétariat du réseau international Isabel Drigo, Tienne Barbosa, Lucas Mazzei et Marie-Gabrielle Piketty...... 42 arbres tropicaux Co-gestion de la réserve nationale de Gilé et de sa périphérie : un partenariat novateur entre une ONG française et une administration mozambicaine – François Lamarque, SILVA Arbres, Forêts et Sociétés Hubert Boulet, Francisco Pariela, Amândio Nkavandu et Eric Bedin...... 46 c/o CIRAD TA 212/15 Les aires protégées au Maroc – Aafi Abderrahman et Taleb Seghir...... 51 73, rue Jean-François Breton Les paiements pour services environnementaux au secours des aires protégées 34398 Montpellier Cedex 5 de Madagascar ? – Mino Randrianarison...... 55 Tél. : +33 4 67 61 44 80 Innovations communautaires en RDC : une université communautaire de conservation Fax : +33 4 67 61 44 25 de la nature et de Développement au Nord Kivu – Pierre Kakule Vwirasihikya, Courriel : [email protected] Désiré Khasirikani, Omer Paluku Mbusa, Firmin Mbusa Mahuka, Patrick Mehlman et Jean-Pierre Profizi...... 59 Paroles croisées / Palabras cruzadas Ce numéro spécial du Flamboyant est publié par l’association Silva Entrevue avec Cléto Ndikumagenge de Silva Cameroun...... 64 avec le soutien financier du Fonds Français Entrevue avec Alejandro D. Brown et Lucio R. Malizia de l’ONG Proyungas...... 66 pour l’Environnement Mondial (FFEM) Echo des Tropiques et diffusé gratuitement en Afrique. Au Rythme de l’Afrique RISEAL : un réseau humain pour le développement d’alternatives énergétiques africaines locales...... 68 L’arbre à palabres Soutenez le Réseau, Daniassan et la forêt magique, conte africain – Irénée Karfazo Domboue...... 69 abonnez-vous Nouvelles des réseaux Silva Bénin...... 70 au Flamboyant Silva Burkina...... 72 Particuliers 12 e Silva Centrafrique...... 72 e Silva France...... 74 Institutions 30,5 Silva Togo ...... 75 (contribution de solidarité) Voyage d’études sur le Moringa oleifera...... 75 Participation du RIAT-Congo au processus FLEGT...... 77 Payable à l’ordre de SILVA par mandat postal ou chèque Nouvelles parutions...... 78 compensable en France. © Photos de couverture, de gauche à droite, de haut en bas : Jean Lichou ; Caroline Jeanne Delelis ; Prix au numéro : 5 e Dominique Louppe ; François Lamarque ; Lucie Temgoua ; Dominique Louppe ; Cerget ; Cerget ; Dominique Louppe Editorial

Au cœur de cette année de la Biodiversité, le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) se réjouit de l’initiative prise par ce numéro spécial « Aires protégées » du Flamboyant qui, à travers des cas concrets, met en lumière les perspectives de protection et de Agestion durable des écosystèmes forestiers. © D. Louppe Dans le domaine de la protection et de la gestion durable des écosystèmes forestiers, le FFEM participe au financement de plus de 60 projets à travers le monde pour un montant de l’ordre de 80 millions d’euros en subventions.

Ces projets sont, pour la plupart, en relation étroite avec des aires protégées soit en appui à leur gestion afin d’améliorer la conservation de la biodiversité soit en appui aux zones périphériques afin de promouvoir le développement durable des populations y résidant.

Les concours du FFEM se situent prioritairement dans les grands massifs forestiers : bassin de l’Amazone, bassin du Congo, Asie du Sud-est et visent à assurer la permanence de ces massifs indispensables à la préservation des espèces qui y vivent ainsi qu’à la régulation des systèmes climatiques à travers le stockage de carbone.

Ces interventions portent aussi sur d’autres espaces forestiers : forêts © R. Peltier sèches d’Afrique de l’Ouest, d’Amérique latine ou d’Asie du Sud-est, mangroves, forêts d’altitudes des Andes, du Caucase ou de Madagascar, forêts méditerranéennes qui, sans disposer des mêmes emprises que les grands massifs forestiers, n’en sont pas moins essentiels à la préservation des grands équilibres et menacées des mêmes maux : réseaux d’infrastructures, collecte anarchique de produits forestiers, extension des mises en culture, …

Souhaitons que cette synthèse, riche de la diversité des situations qui y sont présentées, permettent aux décideurs et aux gestionnaires de perfectionner leurs pratiques et d’améliorer les cadres institutionnels indispensables à la préservation des écosystèmes forestiers.

Marc-Antoine MARTIN

© D. Louppe Secrétaire Général du FFEM

 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

Communautés locales et gestion des aires protégées

Dr Norbert Gami ’implication des communautés locales dans la gestion Anthropologue, Représentant National de l’ONG The Forest Trust « TFT » des aires protégées dans le bassin du Congo est encore au Congo rarissime. La plupart des aires protégées on été créées BP 2296, Brazzaville ou Q612, Makabandilu, Arr.6, Talangaï, Brazzaville à l’époque coloniale sans le consentement des populations locales Email : [email protected] (Gami, 2003) auxquelles ces aires protégées n’ont jamais profité, Tél : 00 242 733 73 11 L tant sur le plan financier que culturel. La situation a cependant évolué positivement grâce à des prises de position au niveau international, avec la conférence de Rio comme repère. Mais de nombreuses réformes doivent encore être opérées tant au niveau des lois que du renforcement des capacités des administrateurs et des communautés locales. La certification forestière (FSC) oblige les exploitants forestiers à prendre en compte la problématique des communautés locales ; doit-on alors encourager ce même processus pour les aires protégées afin d’avoir une implication réelle des communautés locales au niveau décisionnel et financier ?

Mots-clés : Communautés, implications, aires protégées

Le principe 10 consolide l’implication de substances et activités dangereuses dans Changements de la politique tous les acteurs : « La meilleure façon leurs collectivités, et avoir la possibilité internationale de traiter les questions d’environnement de participer aux processus de prise de est d’assurer la participation de tous décision. Les Etats doivent faciliter et Le sommet de la terre, Conférence des les citoyens concernés, au niveau qui encourager la sensibilisation et la parti- Nations Unies sur l’Environnement et le convient. Au niveau national, chaque cipation du public en mettant les infor- Développement qui s’est tenu du 3 au 4 individu doit avoir dûment accès aux mations à la disposition de celui-ci. Un juin 1992, et la Déclaration de Rio qui a informations relatives à l’environnement accès effectif à des actions judiciaires et suivi ont été l’élément déclencheur d’une administratives, notamment des répara- prise de conscience internationale quant que détiennent les autorités publiques, à la nécessité d’une gestion durable des y compris aux informations relatives aux tions et des recours, doit être assuré ». ressources naturelles impliquant tous les acteurs dont les communautés locales. Femme Baka de l’Est Cameroun Le premier principe de cette Déclaration avec le Gnetum africanum proclame que « Les êtres humains sont © Norbert Gami au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature ».

Le principe 22 met l’accent sur « Les populations et communautés autochto- nes et les autres collectivités locales » qui « ont un rôle vital à jouer dans la gestion de l’environnement et le développement du fait de leurs connaissances du milieu et de leurs pratiques traditionnelles. Les Etats devraient reconnaître leur identité, leur culture et leurs intérêts, leur accorder tout l’appui nécessaire et leur permettre de participer efficacement à la réalisation d’un développement durable ».

Juillet 2010  66/67 Communautés locales

La dynamique de Rio a permis le déve- L’axe stratégique n°6 traite du dévelop- alternatives appropriées et génératrices loppement de certaines initiatives sous- pement des activités alternatives et de de revenus en vue de la réduction de la régionales, comme la COMIFAC, pour une la réduction de la pauvreté : activités pauvreté ». politique harmonisée de gestion des alternatives au braconnage, microprojets ressources naturelles dans le bassin du générateurs de revenus pour les popula- Les politiques des états ne définissent Congo. tions locales et, enfin, partage équitable pas encore clairement les modalités de des ressources générées par la forêt pour partage, avec les communautés locales, réduire la pauvreté. des bénéfices générés par les activités Politique sous-régionale touristiques des aires protégées. Néan- pour impliquer L’axe stratégique n°7 traite du renforce- moins, des processus de consultations les communautés locales ment des capacités, de la participation des communautés locales sont entam- des acteurs, de leur information et forma- dans la gestion des aires més par certains programmes d’appui tion, et, au point 7.2, de l’implication des technique, comme ECOFAC IV. En février protégées populations locales et autochtones. 2008, à Libreville, un constat clair sur le Dans le bassin du Congo, sur le plan de La COMIFAC prévoit donc de développer manque d’implication des communau- la politique forestière, une instance de l’implication des populations locales et tés locales s’est dégagé car il n’existait consensus a été mise en place depuis de la société civile pour la gestion des aucune plate-forme de concertation dans la déclaration de Yaoundé en 1999 : la écosystèmes forestiers. l’ensemble des aires protégées du réseau Conférence des Ministres en Charge des ECOFAC. Heureusement, les nouvelles Forêts d’Afrique Centrale ou Comifac. Malheureusement, cette bonne volonté directives doivent corriger cela. politique ne se traduit pas encore par Cette volonté des pays de se regrouper des actes concrets. Plusieurs raisons à Au vu des textes de lois caduques en en une entité sous-régionale pour définir cela : les lois des pays font que les fonds la matière, les Etats portent une lourde des politiques concertées pour la gestion générés par l’écotourisme dans une aire responsabilité car ils peinent à mettre en du massif forestier du bassin du Congo protégée ne bénéficient pas directement place une vraie politique de décentrali- répond aux préoccupations du principe 5 aux communautés riveraines ; la décen- sation et car ils ne sont pas encore prêts de la déclaration de Rio « Tous les Etats tralisation peine à se mettre en œuvre à partager avec les communautés locales et tous les peuples doivent coopérer à dans la quasi-totalité des pays ; la mau- les bénéfices générés par la gestion des la tâche essentielle de l’élimination de vaise gouvernance des ressources de aires protégées. la pauvreté, qui constitue une condition l’Etat n’est pas découragée à cause d’une indispensable du développement durable, certaine impunité de la corruption. afin de réduire les différences de niveaux Politique d’implication de vie et de mieux répondre aux besoins D’un autre côté, les communautés loca- des communautés locales de la majorité des peuples du monde ». les ne sont pas préparées à gérer les fonds générés par la valorisation de leurs dans la gestion des aires Outre la Comifac, la sous-région a déve- ressources naturelles. Si la certification protégées loppé et mobilisé les différents acteurs forestière (en particulier FSC au niveau (politiques, économiques, sociaux…) en des principes 2, 3, 4 et 9) pousse les Cadre institutionnel d’implication créant des cadres de concertation ainsi exploitants forestiers du bassin du Congo des communautés locales que des organes de décisions politiques à prendre en compte les populations La COMIFAC confirme la nécessité d’uti- tels que l’Organisation africaine du bois locales, celles-ci sont encore insuffisam- liser une approche participative pour la (OAB) et la Conférence sur les écosystè- ment impliquées dans la gestion des gestion des ressources naturelles. Cette mes des forêts denses humides d’Afrique aires protégées. approche est soulignée dans la déclara- centrale (CEFDHAC). Le Réseau des aires protégées d’Afrique tion des Chefs d’Etats d’Afrique centrale La Comifac a mis en place un plan de centrale (RAPAC) a été créé pour une au sommet de Yaoundé du 17 mars 1999 : convergence pour la conservation et la bonne mise en pratique de la politi- « le renforcement des actions visant à gestion durable des écosystèmes fores- que de la COMIFAC. Le RAPAC regroupe accroître la participation rapide des tiers d’Afrique Centrale. Il est défini huit pays membres (Cameroun, Congo, populations rurales dans la planification comme « le dénominateur commun sur Gabon, Guinée Equatoriale, République et la gestion durable des écosystèmes et lequel les différents Etats signataires Centrafricaine, République Démocratique réserver des espaces suffisants pour le conviennent de s’entendre pour engager du Congo, Sao Tomé et Principe, Tchad). développement socio-économique ». des actions nationales et sous-régiona- Sa politique couvre 82 aires protégées Il est clair que les grands principes d’im- les en faveur de la gestion durable des dont 33 sites pilotes où sont testées les plication des communautés locales sont écosystèmes forestiers de l’Afrique Cen- initiatives de terrain. déjà dans les codes forestiers de quel- trale ». Un des objectifs du plan d’action du ques pays tels que ceux du Congo Braz- Ce plan est structuré en dix axes stratégi- RAPAC est « l’amélioration de la gestion zaville, du Gabon, du Cameroun et de ques dont les 6 et 7 prennent en compte et de l’état des aires protégées de la la République Démocratique du Congo. les communautés locales (Bantous et sous-région ainsi que leur meilleure valo- Mais, il manque encore les textes d’ap- autochtones) dans la gestion durable risation avec une implication effective des plication et le suivi de terrain de leur des ressources naturelles dans le Bassin populations riveraines à travers la pro- application pour tirer les leçons (voir du Congo. motion des activités socio-économiques encadré page suivante).

 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

cette nouvelle donne et prennent leurs Congo Brazzaville : Loi n°16-2000 du 20 novembre 2000 portant Code responsabilités. En effet, dans la plupart forestier en République du Congo des cas, ce sont des élites originaires de ces zones enclavées qui accaparent le Art.1.- La présente loi a pour objectifs : • d’instituer un cadre juridique approprié pour assurer la gestion durable des formations processus de gestion participative pour forestières sur la base d’un aménagement rationnel des ressources ; leurs propres intérêts. • de définir le domaine forestier national et de déterminer les critères et les normes d’or- Les Etats se doivent de renforcer les ganisation et de gestion concertée et participative… » moyens financiers qu’ils accordent aux Gabon : Loi n°16101 du 31 décembre 2001 portant Code forestier en ONGs ou aux associations qui œuvrent à l’encadrement des communautés locales République Gabonaise pour leur meilleure implication dans la Le code forestier aborde le problème de partage des bénéfices avec les communautés lo- gestion des aires protégées. La plupart cales, et l’article 251, destiné aux exploitants forestiers qu’aux gestionnaires des aires pro- des Etats du Bassin du Congo ont aban- tégées, ajoute que « Pour promouvoir l’aspect social de la politique de gestion durable, donné cette tâche aux projets d’appui il est mis en place une contribution, notamment financière, alimentée par les titulaires de ces concessions pour soutenir les actions de développement d’intérêt collectif initiées tels que le programme ECOFAC et autres par lesdites communautés. ONGs internationales : WWF, UICN et WCS. La nature et le niveau de cette contribution sont définis par le cahier de charges contrac- La pratique de terrain montre que, dès tuelles lié à chaque concession. que ces financements arrivent à terme, La gestion de cette contribution est laissée à l’appréciation des assemblées représentati- le processus s’arrête car la pérennité des ves des communautés concernées ». financements n’est pas garantie. Les aires protégées ne pourront survivre à long terme et conserver intacte leur Certains états membres de la COMIFAC désirer. Les Chefs coutumiers ou les élites biodiversité que si les communautés tels que le Congo Brazzaville viennent locales pratiquent une gestion opaque locales sont réellement impliquées à d’actualiser la loi sur la gestion de la et souvent ces fonds ne profitent pas à deux niveaux : faune (Encadré suivant). l’ensemble de la communauté. 1. En participant aux décisions influant sur la gestion du parc et des zones tam- Congo Brazzaville : Projet de loi Discussion pons et sur le développement socio-éco- n° 37-2008 du 28 novembre 2008 On constate une persistance de l’ina- nomique de leurs villages. Or, le terrain Sur la faune et des aires protégées déquation entre les textes juridiques et montre que les microprojets de déve- loppement initiés, sans consultation des « Article 3 : Dans le but de susciter et ren- l’implication effective des communautés forcer l’intérêt des citoyens pour la faune, locales à la gestion (prise de décision, communautés locales, par les gestion- la création d’associations spécialisées est partage des bénéfices…). naires des aires protégées pour réduire encouragée aux niveaux national, dépar- le braconnage n’ont duré que le temps temental et local. Ces associations sont Il est nécessaire de renforcer les capaci- du financement. des organes consultatifs pour élaborer tés des administrateurs des forêts et des des politiques de gestion de la faune… aires protégées car ceux-ci ont du mal à 2. En bénéficiant des retombées finan- intégrer la notion de cogestion des aires cières générées par les activités de l’aire Article 4 : Pour permettre à la population protégées avec les communautés locales protégée. Il n’y a pas meilleur écogarde de prendre conscience de l’importance riveraines. que le paysan sensibilisé qui bénéficie de la faune et de l’inciter à contribuer à directement des retombées financières sa pérennisation, des cours d’éducation Il est aussi indispensable de former les de l’aire protégée. environnementale sont dispensés à tous associations et les groupes organisés par les niveaux d’enseignement public et privé. corps de métier pour qu’ils s’adaptent à Le temps n’est-il pas venu de parler d’un Tous les moyens d’information et de for- programme d’appui à l’aménagement mation appropriés sont utilisés à l’effet de des aires protégées généraliser l’éducation environnementale (exemple d’ECOFAC) pour tous ». doublé d’un autre programme chargé du développement local ? Hélas, cette implication met plus l’accent Quand cessera-t-on sur la sensibilisation que sur la prise de d’obliger les gestion- décision et le partage des bénéfices. naires des aires proté- Des initiatives louables ont été prises, par gées à se transformer exemple au Cameroun où les « Comités en développeurs ? de Valorisation des Ressources Forestiè- res » reçoivent directement les revenus générés par les ressources fauniques. Réunion de concertation avec les communautés Malheureusement, la gestion de ces fonds locales (Est-Cameroun). par les communautés laissent encore à © Norbert Gami

Juillet 2010  66/67 Communautés locales

Actuellement dans le bassin du Congo, la lustrent les principes 2, 3 et 4 du Forest sous la pression des marchés, notam- plupart des sociétés forestières vont vers Stewardship Council (FSC) par exemple ment européens. Il y a des avantages la certification de leurs Unités Forestières (voir encadré). Bien que la certification indéniables pour les communautés loca- d’Aménagement (UFA) qui inclut la prise soit encore une démarche volontaire (car les si celles-ci sont consultées et impli- en compte des communautés locales non contraignante sur le plan juridique), quées dans la prise des décisions liées au dans la gestion forestière comme l’il- les sociétés forestières s’y sont engagées développement de leurs villages.

Extrait de 3 principes du FSC nécessaire, de manière à leur permettre de 3.1. Les peuples indigènes doivent contrôler protéger leurs droits et leurs ressources, à la gestion des forêts sur leurs terres et terri- PRINCIPE n°2 : PROPRIETÉ FONCIÈRE, moins qu’elles ne délèguent, librement et toires, à moins qu’ils ne délèguent, librement DROITS D’USAGE ET RESPONSABILITÉS bien informées, ce contrôle à d’autres agen- et bien informés, ce contrôle à d’autres La propriété foncière et les droits d’usage ces… agences… à long terme des ressources du terrain et de la forêt doivent être clairement définis, PRINCIPE n°3 : DROIT DES PEUPLES INDI- PRINCIPE n°4 : RELATIONS COMMUNAUTAI- documentés et légalement établis. GÈNES RES ET DROITS DES TRAVAILLEURS 2.2. Les communautés locales au bénéfice Les droits légaux et coutumiers des peuples Les opérations de gestion forestière doivent de droits légaux ou coutumiers d’utilisa- indigènes à la propriété, à l’usage et à la ges- maintenir ou améliorer le bien-être social et tion foncière doivent garder un contrôle sur tion de leurs terrains, territoires et ressources économique, à long terme, des travailleurs les opérations forestières, autant qu’il soit doivent être reconnus et respectés. forestiers et des communautés locales.

Bibliographie d’Afrique centrale (COMIFAC), 2004 : Plan de convergence pour la conservation et la gestion Gami N. 2003 : « Le sanctuaire de gorilles de durable des écosystèmes forestiers d’Afrique cen- Lossi, République du Congo », Etude FAO, Forêts trale. Yaoundé, juillet 2004, Secrétariat Exécutif de (Gestion durable des forêts tropicales en Afrique la COMIFAC, 44 p. centrale, Recherche d’excellence) N° 143 : 61-67 COMIFAC, 2009 : Opérationnalisation du plan de Gami N. 2003 : « Le sanctuaire de gorilles de convergence de la COMIFAC ; Plan d’opérations Lossi, (Congo), les leçons d’une démarche parti- 2009 – 2011, fiches opérationnelles sous régio- cipative. Série FORAFRI, CIRAD, CIFOR, 82 p. nales. Gami N., & Doumenge C. 2001 : Les acteurs Congo Secrétariat Général du gouvernement, En conclusion, à l’image de la gestion forestière en Afrique centrale et 2008 : Projet de loi n° 37-2008 du 28 novembre de l’Ouest. Document de travail n°1 du projet 2008 Sur la faune et des aires protégées. Brazza- des concessions forestières, FORAFRI, 47 p. ville, Congo, 23 p. la certification des aires Conférence des Nations unies sur l’environne- Congo, conseil national de transition, 2000 : Loi protégées ne serait-elle pas ment et le développement. 1992 : Déclaration n°16-2000 du 20 novembre 2000 portant code de Rio sur l’environnement et le développement, forestier. Brazzaville, 21p. une bonne alternative principes de gestion des forêts. Rio de Janeiro, Gabon, Présidence de la République, 2001 : Loi pour mieux impliquer Brésil 3-14 juin 1992. N0016101 portant code forestier en République les communautés locales ? n Conférence des ministres en charge des forêts Gabonaise. Libreville, Gabon, 49 p.

Des outils de gestion pour les aires protégées

Aurélie BINOT CIRAD UPR AGIRS, département Environnements Regards croisés et Sociétés sur les blocages que rencontrent les initiatives de gestion communautaire

ment d’aires spécifiques de protection des populations riveraines dans des par- Introduction et/ou de valorisation de la faune : les tenariats avec les services publics, dans le Les enjeux liés à la conservation de la aires protégées. En Afrique, elles repré- cadre de projets participatifs, a fait l’objet biodiversité qui ont émergé depuis une sentent près de 10% du territoire du de beaucoup d’attentions depuis la fin trentaine d’années sur la scène interna- continent, et leur gestion soulève de des années 1980. tionale ont mené, notamment en Afrique nombreuses questions auprès des opé- subsaharienne francophone, à la mise en rateurs de projet, des décideurs et des En effet, depuis l’avènement du concept œuvre de programmes pour l’aménage- scientifiques. Notamment, l’implication de développement durable en 1987, de

 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES nombreux programmes de conservation projet de conservation ne débouche pas Si ces approches font aujourd’hui glo- ont tenté d’impliquer au maximum les nécessairement sur une gestion durable balement l’objet de bilans et d’examens acteurs locaux ou de les transformer en des ressources, ni sur un réel partena- critiques, les échanges entre les pays bénéficiaires d’actions de développement riat (Peluso 1993, Ribot & Peluso 2003, anglophones et francophones sont restés présentées comme des retombées du Blaikie et Jeanrenaud 1997, Benjaminsen trop rares et ce, malgré l’intérêt évident programme de conservation. Les com- et al. 2001). L’échec des approches par- d’une confrontation des principes et des munautés locales sont désignées en tant ticipatives a été largement soulevé dans résultats issus de contextes géographi- que parties prenantes des projets de la littérature, tant par les praticiens de ques, culturels, socioéconomiques et conservation et les démarches participa- la conservation que par les chercheurs politiques différents. tives de gestion des ressources naturelles (voir notamment Agrawal et Gibson 1999, visent à les légitimer au sein du proces- Igoe et Brockington 2007 ; Adams et al. Le séminaire « Regards croisés sur la sus de prise de décision. Il est attendu de 2004 ; McShane et Wells 2004 ; Beinart Tapoa » a réuni des bailleurs de fonds et cette gestion participative des ressources et al. 2003 ; Brosius 2006 ; Blanc-Pamard des décideurs, des opérateurs de terrain naturelles une plus grande transparence et Fauroux 2004 ; Duffy 2000 ; Hulme et et des chercheurs, soucieux d’améliorer dans la gouvernance environnementale et Murphree 2001 ; Moseley et Ikubolajeh les outils de gestion participative qui des retombées financières pour les com- Logan 2004 ; Robbins et al. 2006 ; Rodgers sont utilisés dans le cadre des projets de munautés locales. Cette démarche vise 2005). conservation intégrée. Au total, ce sont aussi à compenser les contraintes que 74 participants, acteurs de la gestion posent les actions de conservation de la Face à ce constat, les acteurs de la communautaire des ressources naturelles biodiversité au développement des éco- conservation, à différents niveaux (cher- et des aires protégées, issus d’une dou- nomies familiales dans les zones rurales cheurs, praticiens et décideurs) affichent zaine de pays africains francophones et africaines. La gestion communautaire des une ferme volonté de comprendre et anglophones, et de six pays européens ressources naturelles est donc présentée dépasser les blocages à la réussite des qui se sont réunis pendant 5 jours à comme une piste pour résoudre le conflit projets de conservation communautaire Niamey, au Niger. comme en témoignent diverses initiatives d’intérêt inhérent à l’intégration du déve- Ces acteurs se sont penchés sur les ques- d’animation et de « brain storming » loppement et de la conservation. Cela tions relatives à la mise en œuvre de ces visant à augmenter l’opérationnalité s’opère à travers la mise en place d’un actions, en s’appuyant sur des études des outils de gestion participatifs des partenariat entre les populations, affi- de cas telles que le projet « CAMPFIRE » aires protégées. Parmi celles-ci, l’atelier chées comme utilisatrices des ressources au Zimbabwe, le projet « CONSERVAN- Regards croisés sur la Tapoa, organisé naturelles, et les décideurs qui se veulent CIES » en Namibie, le projet « AGEREF » par le CIRAD et ses partenaires en 2008, garants du maintien de la biodiversité et au Burkina Faso, les « Problem Animal visait le rapprochement des communau- des services écosystémiques. Control » au Zimbabwe, le projet « Zones tés d’acteurs anglophones et francopho- de chasse villageoises » au Burkina Faso Dans ce contexte, les aires protégées nes concernées par la conservation de la ou encore le projet WWF « Conservation sont passées en quelques décennies du faune sauvage africaine. statut d’instruments de pure protection Agriculture » au Zimbabwe. Au cours du de la biodiversité à celui d’outils pour le séminaire, 40 projets ont été présentés développement. Les aires protégées et Regards croisés sur et discutés (présentés en plénière, au sein de groupes de travail ou à travers leur périphérie cumulent les fonctions de les projets communautaires : réservoir de biodiversité et de réservoir des posters). La diversité d’origine géo- de terres arables et de ressources. Elles un atelier pour confronter graphique ou d’appartenance institution- sont devenues, pour la communauté les différentes visions nelle des participants a donné lieu à des internationale, des « laboratoires » de échanges animés sur les enjeux et les Depuis une quinzaine d’années, les expé- gestion concertée, à haut potentiel d’in- pratiques de conservation de la biodiver- riences de gestion communautaire des tégration des enjeux de conservation sité, mais aussi sur la participation et le ressources naturelles se sont multipliées et de développement ; à haut potentiel renforcement des communautés riverai- sur le continent africain et l’expertise conflictuel aussi. nes des aires protégées et, d’une manière francophone s’y est particulièrement générale, sur le développement rural. Cependant, le bilan de l’impact « social développée, notamment dans la gestion » des approches de gestion participative des aires protégées et de leurs périphé- La démarche de questionnement à de la nature en Afrique est globalement ries. Plusieurs expériences enrichissantes laquelle se sont prêtés ces acteurs s’est assez négatif. En effet, peu de program- de gestion communautaire des ressources articulée autour de deux axes d’investi- mes africains de conservation construits naturelles ont vu le jour tant en Afrique gation. Le premier concerne les fonda- sur une approche participative atteignent australe, avec le programme Campfire mentaux de la gestion des ressources les résultats attendus et rencontrent au Zimbabwe, qu’en Afrique de l’Ouest, naturelles en lien avec le développement leurs objectifs affichés en termes de avec le parc régional du W, et en Afrique local. Il s’agit des aspects institution- développement rural et de gouvernance centrale, avec la gestion villageoise des nels touchant à la décentralisation et environnementale locale. De nombreuses zones de chasse en République centra- au transfert des droits, de la question études montrent plutôt que cette démar- fricaine. Elles ont permis d’identifier des du renforcement des pouvoirs locaux che se solde par un bilan extrêmement principes qui doivent présider à l’impli- dans les approches participatives et des mitigé en terme d’impact « social » et cation des communautés dans la conser- impacts économiques de la conservation que la participation des populations au vation des ressources naturelles. de la faune sauvage. La discussion s’est

Juillet 2010  66/67 Regards croisés sur la Tapoa centrée sur les modalités de la partici- protégées. Les problèmes de délimitation pation des différents acteurs au projet : de l’espace — zonage, droits d’accès, les enjeux du projet vis-à-vis du contexte sécurisation foncière — se posent alors de institutionnel et social, les acteurs consi- manière aigüe. En revanche, en Afrique dérés comme partenaires et les transferts anglophone, c’est plutôt par le biais des de compétence qui s’opèrent. La situation incitations économiques — développe- des jeux de pouvoir avant intervention ment du tourisme — et du renforcement du projet et l’attribution des responsabi- des compétences, par la formation entre lités ainsi que les questions relatives à autres, que cette question est abordée. la représentativité des différents acteurs L’implication des populations y est envi- ont également été abordées. sagée dans le cadre d’une approche théorique : la Community based natural Le second axe de discussion concerne resources management (CBNRM). les points de blocage liés au caractère Dans le domaine de la gouvernance envi- multifonctionnel de l’espace et les prin- ronnementale, définir des démarches cipaux risques de conflits associés. Ces participatives et les mettre en œuvre risques touchent à la difficulté d’intégrer constitue encore un véritable défi pour systèmes de production et logiques de Affiche de l’atelier« Regards croisés sur les chercheurs, les opérateurs de ter- conservation, à la difficulté de faire coha- la Tapoa » © Catherine Richard, Cirad, 2008 rain et les décideurs. Ces démarches, biter les hommes et la faune sauvage et qui étaient perçues comme la panacée aux conflits soulevés par les zonages et à analyser les déterminants externes, il y a quelques années encore, voient les aménagements du territoire. L’exer- c’est-à-dire hors projet, qui influent sur aujourd’hui leur efficacité largement cice a consisté à analyser collectivement les charges que supportent les différents remise en question. De nombreuses cri- les principaux risques de conflits qui partenaires. tiques portent sur les risques que des émergent dans le cadre des projets de actions mal maîtrisées font peser tant conservation : les conflits liés aux zona- Divergences et similitudes sur le développement local que sur la ges, à l’intégration production/conserva- biodiversité. tion et à la cohabitation homme/faune. pour enrichir le débat La méthode repose sur l’identification En matière de conservation, la priorité va, L’atelier a révélé que les principaux points des différentes parties prenantes, qui en effet, au développement d’approches de blocage de ces actions de conserva- s’avère moins triviale et plus complexe standardisées de mise en œuvre de la tion communautaire sont les mêmes en qu’il n’y parait à première vue, et sur la participation, en négligeant la complexité Afrique anglophone et francophone : la détermination de l’échelle d’intervention. et les spécificités institutionnelles, juri- difficile cohabitation entre l’homme et La deuxième étape consiste ensuite à diques ou socio-économiques de chaque la faune, la coexistence sur les mêmes aborder les coûts, les bénéfices et les contexte. Les « vrais » bénéficiaires et « espaces de la production agricole et de la pertes liés à la participation au projet ayants droit » des approches communau- conservation de la biodiversité — notam- de chacune des parties prenantes. Les taires restent alors difficiles à identifier. ment en situation de front pionnier agri- problèmes qui sont soulevés à ce stade Une analyse approfondie de ces écueils cole, comme c’est le cas avec le coton de l’analyse collective concernent essen- devrait permettre de mieux cerner les — et la complexité des institutions en jeu, tiellement le décalage entre les résultats modalités de mise en œuvre de ces coutumières et légales. attendus et les résultats réels, les aspects actions participatives pour en amélio- court terme/long terme des effets de la Des divergences sont également appa- rer les retombées locales (économiques participation au projet, les compromis rues. Ainsi, en Afrique francophone, la notamment) et aller dans le sens d’une à opérer en fonction des divers intérêts plupart des initiatives de conservation véritable responsabilisation des commu- en jeu, les revendications des uns et reposent sur une démarche d’aménage- nautés dans la conservation des espaces des autres. Un dernier point consiste ment du territoire en périphérie des aires protégés. n

Bibliographie 2001, Stockholm, Sweden, 338 p. formance of Community Conservation. 2001, N.H. Heinemann, Portsmouth ADAMS W.M., AVELING R., BROCKINGTON D., DICKSON BLAIKIE, P., JEANRENAUD S. Biodiversity and B., ELLIOTT J., HUTTON J., ROE R., VIRA B., WOLMER Human Welfare. In GHIMIRE K., PIMBERT M.P. IGOE J., BROCKINGTON D. Neoliberal Conservation: A W. Conservation and Poverty: A Framework for (eds.). Social Change and Conservation. 1997, Brief Introduction. Conservation and Society. 2007, Analysis. Science. 2004, n°306, p. 1146-1149. Earthscan, London. vol. 5, n° 4, p. 432-449. AGRAWAL A., GIBSON C. Enchantment and Disen- BLANC-PAMARD C., FAUROUX E. L’illusion partici- MCSHANE O., WELLS M. P. (eds.) Getting Biodiver- chantment : The Role of Community in Natural pative : exemples ouest-malgaches. Autrepart, sity Projects to Work. Towards more effective Con- Resource Conservation. World Development. 1999, Variations. 2004, n°31, 19p. servation and Development. Biology and Resource vol. 27, n°4, p. 629-649. BROSIUS J.-P. Common Ground between Anthro- Management Series. 2004, Columbia University Press, New York. BEINART W., MCGREGO J. (eds). Social History and pology and Conservation Biology. Conservation African Environments. 2003, Ethens, Ohio Univer- Biology. 2006, vol. 20, n°3, p. 683–685. PELUSO N.L. Coercing conservation? The politics sity Press, Oxford. DUFFY R. Killing for Conservation: Wildlife Policy of state resource control. Global environmental 1993, June, p. 199-217 BENJAMINSEN T. A., LUND C. (eds.). Politics, Prop- in Zimbabwe. 2000, Indiana University Press, change. erty and Production in the West African Sahel: Bloomington, RIBOT J.C., PELUSO N. L. A theory of access. Rural Understanding Natural Resources Management. HULME D., MURPHREE M. The Promise and Per- sociology. 2003, vol. 68, n° 2, p. 153-181.

 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

Ayih ATAYI-AGBOBLY Ingénieur des Eaux, Forêts et Chasses Chargé de l’Environnement Le Programme à la Commission de l’UEMOA OUAGADOUGOU ECOPAS-Parc W [email protected] Un exemple de coopération sous-régionale de gestion des aires de conservation transfrontalière

conservés de l’Afrique de l’Ouest avec d’une Réserve de la biosphère transfron- Introduction une diversité biologique favorable à sa talière englobant plusieurs réserves et « Le discours maintes fois entendu « il valorisation touristique. zones cynégétiques. n’est pas question d’abandonner le Parc L’objectif de cet article est de montrer La région du Parc national du W est une du W » est obsolète. Le Parc est, en pra- comment la détermination politique et vaste pénéplaine où les seuls reliefs mar- tique, abandonné depuis de nombreuses années et la question que certains pour- les choix techniques bien faits peuvent qués sont l’extrémité septentrionale de raient être en droit de se poser est de contribuer à la sauvegarde des espaces la chaîne de l’Atakora, des affleurements savoir si une reconquête est possible». sauvages et à la conservation de la bio- cristallins et quelques escarpements gré- Telle était la déclaration d’Alain Monfort diversité régionale. seux. et al. à la suite d’une mission d’évalua- Le climat est de type soudanien, avec tion du Parc du W en 1994. Tout prêtait Présentation du complexe des affinités sahéliennes au nord et des donc à croire que la dégradation était du W affinités guinéennes au sud. Le Parc est à un niveau aussi alarmant qu’aucune drainé par plus d’un millier de kilomètres action de réhabilitation n’était plus envi- Le Parc du W est contigu au Bénin, au de cours d’eau permanents et saisonniers sageable pour sauver ce patrimoine. Burkina Faso et au Niger où il couvre res- dont certains constituent des affluents du pectivement des superficies de 577 235 En effet, le Parc du W était devenu un fleuve Niger. hectares, 235 543 hectares et 221 142 hec- espace de pâturage pour les troupeaux tares pour un total de 1 033 920 hectares. La végétation est constituée de sava- et un lieu de récolte de bois pour les populations avoisinantes. Les feux de Il constitue le noyau de conservation nes herbeuses, d’îlots de forêts denses brousse étaient une pratique courante. La pression anthropique était aussi forte Hippotrague. © D. Louppe que les conflits entre les différents uti- lisateurs devenaient de plus en plus fréquents en périphérie. Malgré cette situation de déclin, les trois Etats ayant en partage le W ont décidé de « prendre le taureau par les cornes » à travers un programme de réhabilita- tion. Cette volonté politique des trois administrations de gérer en commun ce patrimoine naturel et les choix techni- ques opérés avec la mise en œuvre du programme ECOPAS1 ont permis d’enrayer, en peu de temps, le processus de dispari- tion du Parc et de rétablir l’essentiel des équilibres nécessaires à la conservation des milieux naturels du W. Aujourd’hui le Parc du W se présente comme l’un des écosystèmes les mieux

1. ECOPAS : Ecosystème partagé soudano-sahélien

Juillet 2010  66/67 ECOPAS-Parc W sèches, de savanes arbustives et boisées, • en juillet 1984, lors d’une réunion tenue Ouagadougou, chef de file pour la gestion de forêts galeries et de cordons ripicoles. à Cotonou, les bases de la collaboration du programme ECOPAS. La faune est assez diversifiée. On dénom- interétatique ont été établies ; L’objectif global d’ECOPAS était d’inver- bre dans le périmètre 52 espèces de • en mai 2000, la Déclaration de la Tapoa ser les processus de dégradation des mammifères (non compris les chiroptères confirme cette volonté politique d’inté- ressources naturelles et de préserver la et rongeurs) dont les plus prestigieux gration ; diversité biologique dans le complexe représentants de la grande faune afri- • en février 2008, signature par les trois régional des aires protégées au bénéfice caine (Buffle, Eléphant, Lion, Guépard), ministres de tutelle d’un accord tripartite des populations. 380 espèces d’oiseaux et 150 espèces de gestion, non seulement des trois com- d’amphibiens et reptiles. Dans la zone posantes nationales du parc mais égale- Son objectif spécifique était de promou- périphérique du W on retrouve la dernière ment de leurs zones périphériques. voir la conservation et la gestion des res- population de Girafe d’Afrique de l’Ouest sources naturelles avec le concours des vivant en contact étroit avec l’homme et L’accord tripartite de gestion, l’acte ultime populations et des institutions concer- les animaux domestiques. et manifeste de la volonté politique des nées, à travers un processus régional trois pays, consacre le Parc du W et les de coordination des politiques devant Sur le plan culturel, le Parc du W s’est terroirs environnants comme un patri- aboutir à : révélé être, grâce aux travaux menés moine commun. Il fixe les objectifs de la • une valorisation des ressources natu- dans le cadre du Programme ECOPAS, un gestion et les principes guidant la réali- relles afin de dégager plus de bénéfices haut-lieu de la préhistoire pour la zone sation de ces objectifs. Il détermine le de leur exploitation durable sahélo-soudanienne, notamment dans la champ d’application ainsi que le régime vallée de la Mékrou. juridique applicable à chaque zone du • une mise en place de mécanismes de distribution équitable des bénéfices L’environnement socioéconomique du complexe. L’accord détermine, en outre, publics / privés et populations riveraines complexe se caractérise par la présence les structures communes de gestion du des aires protégées. de plus de 2 500 villages, hameaux ou parc, leurs missions, composition et fonc- campements où vivent près d’un million tionnement, et ouvre la voie à une coopé- Les résultats attendus du programme de personnes. Les principaux problèmes ration plus étendue avec les autres Etats étaient les suivants : socioéconomiques de la zone concernent de la sous région. • la coordination régionale en matière de le foncier, la croissance démographique, conservation et de gestion des ressources la culture du coton, l’agropastoralisme Présentation du programme naturelles entre les différents pays est dont les transhumances transfrontalières. assurée La pauvreté y est endémique. Le Programme ECOPAS a débuté le 1er janvier 2001 sur la base de la Conven- • le système de protection des aires pro- tion de financement n° 6135/REG du tégées est significativement amélioré PARC W et le programme 13 juillet 1999 signée avec l’Union euro- • les législations des trois pays sont ECOPAS : une volonté péenne. La fin initiale du programme était adaptées à la décentralisation et à la politique de trois Etats prévue pour le 30 juin 2005 mais un ave- participation des populations riveraines nant budgétaire a permis de la repous- des aires protégées Le Programme ECOPAS se présente comme ser au 31 décembre 2008. Le budget du le fruit de la volonté des administrations • les populations locales adhèrent au programme y compris le montant de concept de conservation et les plus nationales du Bénin, du Burkina Faso l’avenant s’élève à 24 millions d’euros. Le et du Niger de gérer en commun le W concernées participent activement à la financement a été assuré sur des fonds gestion et aux activités générées par les constitué de trois aires de conservation ème ème régionaux et nationaux des 7 , 8 et aires protégées contigües. 9ème FED. • les connaissances scientifiques sur la L’histoire de cette coopération a connu La mise en œuvre du programme a été dynamique des écosystèmes, sur l’éco- les étapes suivantes : assurée par une Cellule régionale de logie de la faune et de la flore ainsi que • le 13 novembre 1937, création de la coordination s’appuyant sur trois coor- sur la biodiversité sont actualisées et Réserve totale du W du Niger, le premier dinations nationales. L’ensemble de améliorées ces structures étaient sous la tutelle élément de cet ensemble ; • l’apport financier dû, en partie, aux du Conseil d’orientation (CO2) et du • le 4 août 1954 signature du décret actions menées par le Programme permet Comité technique de suivi (CTS3). Pour érigeant en parc national, trois réserves aux différents gouvernements d’assurer, les aspects administratifs et financiers, la totales de faune contiguës au Bénin, au même sur un mode mineur, la pérennité Cellule de coordination répondait auprès Burkina Faso et au Niger ; des actions de l’ordonnateur régional et de la Délé- • en 1978 à Abidjan, expression officielle gation de la Commission Européenne de • le niveau de vie des populations les de la volonté des Etats concernés de plus directement concernées par le pro- gérer de manière concertée ces espaces 2. Le CO est constituée des ministres de tutelle gramme est amélioré. protégés contigus aux trois pays lors de technique des trois pays en charge des aires pro- la réunion de la Commission de Coordi- tégées du Chef de la délégation chef de file et du Commissaire de l’UEMOA chargé de l’environne- Les acquis du programme nation pour l’aménagement des parcs ment. et réserves des pays du Conseil de l’En- 3. Le CTS veille à la mise en œuvre des orientations Pendant les huit années de sa mise en tente ; du CO. œuvre, le programme a permis, malgré

 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES la persistance de certains problèmes, de aux sujets de recherche appliquée sans réaliser des acquis importants dont il est toutefois fermer la porte à des démar- présenté ici les plus importants. ches scientifiques plus académiques ont donné des résultats forts utiles pour la La reconstitution de la diversité valorisation du parc. biologique Le programme ECOPAS a permis de récu- Les travaux de recherche ont permis de pérer une situation compromise sur le découvrir de nouvelles espèces pour la plan biologique. Ainsi, les mesures prises science et de remarquables richesses ont permis la reconstitution des habitats archéologiques au niveau du parc. Ces et de la population faunique. En 2003, découvertes ont confirmé la position de selon les données d’un inventaire MIKE- carrefour biogéographique du parc avec ECOPAS-PAUCOF, le complexe comptait des espèces aussi rares qu’emblémati- environ 4 500 éléphants, 10 000 buffles, ques comme le lycaon ou le guépard. 7 000 hippotragues, la dernière population Les recherches sur l’utilisation des res- de girafes d’une sous-espèce propre à la sources naturelles et le pastoralisme ont région, des espèces menacées comme le été particulièrement utiles aux gestion- guépard, le lycaon et le lamantin ou des naires pour l’élaboration des stratégies espèces rares telles que cobe defassa, d’intervention dans les zones périphé- damalisque, redunca, chacal doré, loutre riques. à joues blanches, lion et panthère. La visibilité du parc Les avancées pour la « régionalité » Les acquis du projet notamment la Girafe. © D. Louppe Les aspects régionaux du programme ont reconstitution de la diversité biologique été assurés par une coordination régio- et les découvertes archéologiques ont nale sous l’égide d’un Conseil d’orienta- été fortement capitalisés pour assurer la L’équipe ECOPAS a su créer un contexte tion et d’un Comité technique de suivi. Le promotion touristique du complexe du W. favorable à l’investissement privé dans fonctionnement de ces organes a permis Le programme a participé à des salons des choix d’installations particulièrement de prendre des décisions politiques à ou évènements soigneusement ciblés, bien adaptés au niveau de fréquentation caractère régionales relatives à la gestion notamment le Congrès mondial des parcs du Parc à l’environnement du Parc. de la transhumance et l’Accord tripartite nationaux de Durban, en septembre 2003. Le renforcement des capacités de gestion concertée de ce complexe Durant ce congrès, le stand d’ECOPAS fut locales transfrontalier. une fierté pour l’Afrique francophone. Au niveau local le programme a permis Le programme a établi une collaboration L’éveil de conscience du public le montage des microprojets d’activités étroite avec l’UEMOA4. Celle-ci participe Plus de 11 000 riverains ont pu découvrir génératrices de revenus et la promotion au Conseil d’orientation. Les disposi- le Parc. Les nombreuses actions menées d’associations villageoises de tourisme tions juridiques de l’UEMOA ont facilité à leurs égards (information, sensibili- cynégétique. la prise de certaines décisions au niveau sation et communication) ont permis du Conseil d’orientation, notamment la une ouverture d’esprit, non seulement La contribution à la cohésion signature de l’Accord tripartite. Le soutien des résidents locaux ruraux, mais aussi, sociale de la Commission de l’UEMOA a permis des acteurs départementaux ou natio- Un processus de concertation a été mis au programme de bénéficier d’une ral- naux et favorisé une meilleure prise de en place au début du programme. Les longe de fonds en 2005. conscience des problèmes environnemen- communautés ont été écoutées et asso- L’amélioration de la connaissance taux. L’effort d’éducation environnemen- ciées à la recherche d’une nouvelle forme du parc tale a, par ailleurs, renforcé le sentiment de gestion des ressources naturelles en d’appartenance à une communauté ayant périphérie du Parc du W. Par la concerta- ECOPAS a mis en place un programme su protéger son environnement. tion, ces populations ont appris à mieux de recherche exécuté sous l’égide d’un se connaître et ont pu percevoir une Conseil scientifique. Le Conseil scientifi- La valorisation des ressources image de l’autre, parfois nouvelle ou que a permis de regrouper des compé- du parc différente. Un climat de confiance s’est tences régionales qui ont fait bénéficier progressivement réinstallé, favorisant le W de leurs propres réseaux. Vingt-six ECOPAS a consacré un effort important l’atténuation des conflits. mastères et huit doctorats ont été soute- à la valorisation des ressources naturel- nus sur le parc et sa périphérie. les. Un accent particulier a été mis sur le tourisme de vision à l’intérieur du Malgré la réussite Le montage de binômes associant jeunes parc et sur le tourisme cynégétique dans chercheurs du sud et du nord, le soutien les zones périphériques. De 2001 à 2007, des problèmes demeurent la fréquentation du Parc du W a été Les acquis du programme ECOPAS Parc W 4. Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine multipliée par neuf, passant de 1 027 à bien que significatifs restent cependant (organisation d’intégration sous-régionale). 9 496 entrées annuelles. fragiles.

Juillet 2010 10 66/67 ECOPAS-Parc W

inquiétante à cause de la vulgarisation les réserves et périmètres de chasse La prise en charge à terme du coton OGM. adjacents au W. du financement des investissements par les Etats membres L’insuffisance de relation Cependant, la prise en charge à terme Le niveau des investissements réalisés avec les autres intervenants du financement des activités d’aména- gement du Parc mérite une attention dans le Parc dépasse la capacité des trois Les services étatiques des divers dépar- particulière des trois Etats et de la Com- Etats dont les priorités se trouvent dans tements ministériels concernés et les mission de l’UEMOA. A cet effet l’idée de la santé, l’éducation, l’agriculture, etc. réseaux d’organisations locales n’ont pas création d’une fondation des Parcs de Au cours de la réalisation du projet, le été suffisamment sollicités et soutenus l’Entente doit pouvoir faire son chemin niveau des revenus tirés de l’exploitation dans leurs mandats, même s’ils n’ont, avec l’appui institutionnel et technique reste très insuffisant pour financer des eux-mêmes, jamais cherché à impliquer de l’UEMOA. n actions au niveau du parc. Il se posera ECOPAS dans leurs programmes de tra- donc à terme un problème de finance- vail. ment. Un mécanisme de mobilisation de Bibliographie fonds mérite d’être mis en place par les La durabilité des mesures Camara, L. et A. Vallodoro (2003). Dynamiques Etats membres d’accompagnement d’acteurs et conflictualité dans les zones péri- phériques du Parc Régional de la W. Programme Le manque d’autonomie financière des Régional Parc-W Ecopas, Ouagadougou, Burkina Des brèches dans le système structures locales de développement faso, Université de L’Aquila, Italie, 121 p. de protection reste un des points fragiles du parc. Casti, E. (2004). Recherche sur les aspects La reprise des activités de braconnage En plus, l’absence de statut et de code sociaux-territoriaux dans les zones périphé- local de gestion reconnu risque de com- riques du Parc du W. Proposition de zonage. tout comme les incursions des troupeaux ECOPAS, Ouagadougou, Burkina Faso, CIRAD, aussitôt après la fin de la première phase promettre les activités des associations Montpellier, France, Université de Bergame, du programme posent le problème de villageoises de tourisme cynégétique Italie, 121 p. l’efficacité des dispositifs de surveillance guidé et appuyé par ECOPAS. L’absence ECOPAS (2005). Plan d’aménagement et de mis en place dans le parc. L’absence d’un de revenus d’appoint risque donc de gestion de la réserve transfrontalière de la système fiable de suivi des patrouilles, perpétuer la pression sur les ressources biosphère W (RTB-W-Bénin, Burkina Faso, Niger), état des lieux. Programme Régional ECOPAS, l’insuffisance d’harmonisation de sa mise naturelles du parc. Ouagadougou, Burkina Faso, 145 p. en œuvre, un réseau de pistes encore ECOPAS, P. R. W. Cartographie de la zone d’in- incomplet et l’absence d’aéronef consti- Conclusion tervention du programme régional du Parc du tuent les principales contraintes à la sur- W-Ecopas. Programme Régional ECOPAS, Ouaga- veillance. A cela il faut ajouter l’absence Le programme ECOPAS-Parc W est un dougou, Burkina Faso, 32 p. d’harmonisation du statut des gardes, exemple éloquent de conservation trans- ECOPAS, P. R. W. (2003). Ecosystème du com- pisteurs et guides. frontalière au niveau de la sous région. plexe W « La périphérie : zone stratégique Sa mise en œuvre a permis de sauver un pour la conservation du Parc Régional W ». Programme Régional ECOPAS, Ouagadougou, L’avancement du front agricole ensemble écologique menacé. Burkina Faso, 78 p. L’avancée du front agricole constitue Les acquis du programme bien qu’élo- Palm, S. U. D. (2005). Le parc du W entre une des menaces les importantes pour quents méritent d’être consolidés. Ainsi, conservation et activités extraconservationnis- tes : le coton biologique une activité agricole le parc. Pendant la mise en œuvre du sous l’égide de l’UEMOA, l’union euro- alternative dans la zone périphérique du Parc projet, les aspects relatifs aux pratiques péenne a accepté d’apporter son appui du W Burkina Faso. ECOPAS, Programme Régio- agricoles n’ont pas été suffisamment pour une seconde phase dont la vision nal Parc W, Institut du Développement Rural, abordés. Aujourd’hui le front agricole est la mise en place des Parcs de l’En- Université Polytechnique de Bobo Dioulasso, Burkina Faso, 72 p. avance irrésistiblement et de manière tente intégrant dans le complexe toutes

Mise à jour du fichier des membres du Riat Les membres du Riat ne nous informent que rarement de leurs changements d’adresses et de fonctions. Pour continuer de recevoir Le Flamboyant et être tenu au courant des actions du réseau, merci de nous retourner les renseignements listés ci-après par mail de préférence à : [email protected] ou par courrier : Silva Arbres, Forêts et Sociétés c/o CIRAD - TA 212/15 - 73 rue Jean François Breton - 34 398 Montpellier Cedex 5 – France Nom et Prénom / Profession / Adresse professionnelle / Adresse personnelle / Adresse à laquelle vous souhaitez que le Flamboyant vous soit envoyé / Adresse électronique

Joindre un CV succinct si vous le souhaitez (peut être utile pour la préparation de projets). Ces informations resteront confidentielles et réservées uniquement au Riat et à Silva

11 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

Coopération franco-brésilienne : les mosaïques d’aires protégées

ontrairement aux pratiques de conservation strictes de la nature, la gestion territoriale participative des aires Caroline Jeanne DELELIS protégées cherche à articuler conservation de la biodiversité Chercheur associée Centre de Développement Durable et développement local durable. Pour cela une coopération Université de Brasilia technique originale s’est mise en place à différentes échelles entre Ambassade de France au Brésil C [email protected] la France et le Brésil, sur la base d’une nouvelle forme de gestion des aires protégées : les « mosaïques ».

les » (instituées par le Code forestier en Une coopération technique Les mosaïques d’aires 1934), constituent les aires protégées originale protégées : espaces de au Brésil. Le programme de « Renforcement de la gestion territoriale durable ? L’instrument « mosaïque » permet une gestion intégrée et participative dans Au Brésil, une « mosaïque » est un ins- approche cohérente de ces différentes les mosaïques d’aires protégées pour trument de gestion institué par le « Sys- aires protégées à l’échelle territoriale. Il une gestion territoriale durable » existe tème National des Unités de Conservation est mis en œuvre par une instance de depuis 5 ans. Il s’agit d’une coopéra- - SNUC » – Loi 9.985-2000. Elle est définie gouvernance, le « conseil de mosaïque » tion technique entre le Brésil (Ministère comme un « ensemble d’aires protégées qui comprend des représentants des dif- de l’Environnement – MMA – Secrétariat proches, juxtaposées et superposées dont férentes aires protégées, d’institutions d’Etat à la Biodiversité et aux Forêts - la gestion devra être faite de manière publiques et de la société civile. Il est SBF) et la France (Ministère des Affaires intégrée et participative considérant les basé sur un Plan de Développement Ter- Etrangères et Européennes – MAEE et différents objectifs de conservation, afin ritorial listant les objectifs et les actions Fédération des Parcs Naturels Régionaux de rendre compatible la présence de la à mener de manière intégrée. de France – FPNRF). Elle s’est mise en biodiversité, la valorisation de la socio- Ainsi, au delà d’une mutualisation entre place sur la base d’un Protocole d’Accord biodiversité et le développement durable aires protégées, cette nouvelle forme de signé en 2004 entre les Ministres de l’En- dans le contexte régional ». gouvernance de la conservation, permet vironnement du Brésil et de la France afin En effet, au Brésil, les Unités de Conser- de réduire les conflits en pratiquant la de coopérer sur la gestion durable des vation, sont classées en 12 types d’unités gestion participative avec les populations aires protégées. réparties dans deux catégories : locales et les communautés tradition- Ce programme vise à renforcer les prises en compte socio-environnementales dans Unités de Conservation Intégrales Unités de Conservation à usage durable la politique des aires protégées du Brésil Station Ecologique Aires de protection environnementale à travers 2 aspects originaux : Réserve Biologique Aire d’intérêt écologique remarquable – un travail à la fois institutionnel et Parc National Forêt Nationale territorial : les échanges avec le MMA-SBF Monument Naturel Réserve Extrativiste sont basés sur l’expérience de 9 projets Refuge de la vie sylvestre Réserve de faune de « mosaïques d’aires protégées » ; Réserve de développement durable – une coopération à la fois bilatérale et Réserve particulière du patrimoine naturel décentralisée avec le MAEE, la Délégation à l’Action Extérieure des Collectivités Ces unités de conservation, avec les nelles. C’est en ce sens qu’il constitue Locales – DAECL et 3 Régions françaises « terres indigènes » (inscrites dans la une innovation par rapport aux actions qui se sont largement investies dans le Constitution de 1988) et les « aires de répressives habituellement pratiquées programme. protection permanentes et réserves léga- dans les aires protégées au Brésil.

Juillet 2010 12 66/67 Coopération franco-brésilienne

Les 9 projets brésiliens impliqués dans de l’environnement et de la gestion ter- riveraines des aires protégées et pour les le programme sont situés dans 8 des ritoriale durable. communautés traditionnelles qui, jusque 27 Etats du Brésil et couvrent l’ensem- là, « subissaient » les contraintes de la ble des biomes brésiliens à l’exception protection. Il permet de développer des de la Pampa et du Pantanal : Amazonie Des résultats mesurables initiatives rendant compatible la conser- (Projet du Baixo Rio Negro), Caatinga Depuis 2005, ce programme a permis vation et le développement local. (Projet Ibiapaba-Sobral), Cerrado (Projets de : et a), Un autre aspect original de ce programme Sertao-Veredas Peruaçu Itabir Forêt – former 25 brésiliens responsables Atlantique (Projets Baixo Sul da Bahia, est que des résultats sont également d’ONG, d’Universités, ou représentants observables pour les collectivités françai- Extremo Sul da Bahia, Rio Macaé, Jureia, d’institutions publiques (fédérales, Lagamar). ses car ce programme a une réelle appli- d’états ou communales) aux méthodes cation réciproque avec un apprentissage et outils existants de gestion territoriale mutuel entre français et brésiliens : Des échanges durable et au fonctionnement des Parcs franco-brésiliens naturels régionaux de France ; – signature d’une coopération décentra- lisée entre le Nord-Pas de Calais et l’Etat – créer un groupe de travail « gestion ter- à différentes échelles du Minas Gerais ritoriale des aires protégées » au sein du Le programme de coopération permet Ministère de l’Environnement brésilien, – réflexions sur les modes de gestion donc une réflexion entre Français et Bré- en lien avec l’Institut Chico Mendès de des aires protégées en France : Parcs siliens au niveau des gouvernements et Conservation de la Biodiversité – ICMBio, naturels régionaux, aires marines proté- des territoires - projets « mosaïques » au organisme de gestion des aires protégées gées… Brésil et régions en France - et entre insti- de niveau fédéral ; tutions publiques des différentes sphères – circulation de l’exposition itinérante (Fédérale, Etats et communes au Brésil – diffuser les expériences brésiliennes et dans les Régions françaises – Etat, régions, intercommunalités et PNR françaises de gestion territoriale durable – intégration du concept « mosaïque » en France), organismes de recherche, dans les Etats brésiliens grâce à une dans les politiques régionales françaises universités et ONG… exposition itinérante bilingue. liées aux espaces naturels et en particu- Ces réflexions portent sur les outils et les Une autre initiative issue de ce pro- lier les trames vertes et bleues. méthodes permettant de mettre en œuvre gramme est en cours de discussion au les mosaïques d’aires protégées : Brésil : la création d’un système de Un guide méthodologique est actuelle- « marques » pour valoriser les produits, ment en cours d’écriture, synthétisant • Mobilisation sociale et formation des services et savoir-faire liés aux aires pro- l’ensemble de la démarche et des outils acteurs locaux. tégées. Ce système s’inspire notamment méthodologiques qui ont suscité l’intérêt • Articulation entre les politiques pub- de la « marque Parc Naturel Régional » en France et au Brésil depuis 5 ans. liques. développée en France pour les produits Ainsi, malgré la complexité de son orga- • Valorisation des produits, services et qui respectent les valeurs de conserva- nisation et de sa mise en œuvre, la savoir-faire liés aux aires protégées. tion des milieux naturels. coopération en matière de gestion terri- Les réflexions au niveau institutionnel Ce projet est fondamental pour créer de toriale des aires protégées est menée de brésilien sont basées sur : la valeur ajoutée pour les populations manière originale et présente des résul- – l’expérience vécue par les 9 projets ; – les échanges techniques entre français et brésiliens ; – des stages et séminaires réalisés alter- nativement chaque année en France ou au Brésil ; – et des échanges entre territoires fran- çais et brésiliens permis par les coopé- rations décentralisées qui adhèrent au programme. C’est le cas de territoires régionaux de Provence–Alpes–Côte d’Azur, de Rhône– Alpes et du Nord–Pas-de-Calais qui réalisent des échanges techniques et méthodologiques avec respectivement les territoires de mosaïques des Etats de Sao Paulo (Jureia), Parana (Lagamar), et Minas Gerais (Sertao Veredas Peruaçu Mosaïque du Baixo Rio Negro - Biome : AMAZONIE. et Itabira). En effet, ces coopérations © Thiago Cardoso décentralisées intègrent toutes le thème

13 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES tats déjà mesurables au Brésil comme - la continuité des politiques publiques, temps de créer des expériences de ter- en France. - la capacité à créer des alternatives rain, de mettre en œuvre des projets expérimentaux et de faire évoluer les Cette expérience permet par ailleurs pour mieux faire accepter les zones de d’identifier les facteurs de succès pour protection par les populations locales, concepts et les outils juridiques liés à la conservation de la biodiversité. Il s’agit une gestion territoriale durable des - la formation des agents. aires protégées ; on peut principalement dans cette approche d’un véritable chan- citer : Mais tout ceci demande du temps : le gement de paradigme. n

Mosaïque du Sertao Veredas Peruaçu - Biome : CERRADO. © Caroline J. Delelis

Conservation paysanne des forêts humides à Madagascar

epuis la déclaration du président de la république

malgache, au congrès mondial des parcs à Durban en 2003, Andry Randrianarison1-3, de tripler la surface des Aires Protégées (terrestres Thierry Ganomanana1-4, et marines) la conservation de la biodiversité tient une place Dominique Hervé1-2 1Programme MEM (Modélisation pour primordiale dans la politique nationale de Madagascar. La population l’Environnement à Madagascar), IRD-Université D de Fianarantsoa, Fianarantsoa, Madagascar locale, représentée par les communautés de base (ou COBA), s’implique dans ces actions de conservation par une gestion 2 IRD Institut de Recherche pour le Développement, Ambatoroka, BP 434 – 101 participative des forêts dans les corridors forestiers reliant les Aires Antananarivo, Madagascar ; Tel: (261) 20 2233098. Protégées. En 2008 on comptait 82 COBA réparties le long du corridor Télécopieur: (261) 20 2236982 Courriel : [email protected] forestier Fandriana-Vondrozo (COFAV) qui est représentatif de la forêt 3Département de Biologie et Ecologie Végétales, humide malgache. A travers l’étude de la typologie des forêts (Université d’Antananarivo : aculté des Sciences), BP 906 – 101 et de l’évolution spatio-temporelle de la végétation (recrus forestiers, Antananarivo, Madagascar savanes incluses) d’une part, et la dynamique institutionnelle Courriel : [email protected] d’autre part, nous discutons si ce corridor forestier risque d’être 4 Ecole Nationale d’Informatique (ENI), Université de Fianarantsoa, BP 1487 coupé et le rôle des COBA pour l’éviter. 301 Fianarantsoa, Madagascar Courriel : [email protected] Mots clés : conservation, corridor forestier, Madagascar

Juillet 2010 14 66/67 Conservation paysanne

risques de rupture du corridor forestier Introduction Conservation de l’Est, contre lesquels il entreprend des Madagascar est la cinquième île du monde L’environnement fait aujourd’hui partie projets de reforestation. (587 000 km2) après l’Australie, le Groen- des grands défis internationaux. Madagas- land, la Nouvelle-Guinée et Bornéo. Elle car n’échappe pas, comme ses voisines Transfert de gestion est séparée du continent africain par le africaines, au nouvel ordre environnemen- canal du Mozambique. Une chaîne monta- tal dont la légitimité relève de la norme Depuis le PE2, une approche participa- gneuse dominée par des massifs de 1 500 universelle (Blanc-Pamard, Rakoto Ramia- tive a été appliquée pour impliquer les mètres d’altitude coupe la Grande Île rantsoa, 2003). populations locales dans la gestion des dans le sens Nord-Sud. La moitié Ouest, ressources naturelles. L’Etat a transféré la La charte de l’environnement de Mada- gestion des forêts à une entité ad hoc, la la plus large et la plus étalée, est occupée gascar (loi 90-033) fixe le cadre général par des plaines alluvionnaires à faible communauté de base ou COBA. La COBA d’exécution de la politique nationale envi- est une association de paysans représen- déclivité, depuis les hautes terres du ronnementale (Art 1) qui se traduit par un centre jusqu’au canal du Mozambique. A tée par des groupes d’individus volon- Plan national d’action environnementale taires unis par les mêmes intérêts dans l’Est, une étroite bande de falaises des- (PNAE) d’une durée de 15 ans. Lancé en cend brusquement sur des collines puis un fokontany ou unité administrative de 1990 ce plan a redéfini les objectifs de base de la commune. Les autorités de la sur une mince plaine côtière bordée par la conservation : concilier conservation l’océan Indien. COBA sont élues parmi ses membres ; au et développement. Il se subdivisait en début, c’étaient souvent des lettrés, puis L’isolement biogéographique de Mada- trois phases ou programmes environne- les autorités traditionnelles initialement gascar au cours des temps géologiques mentaux (PE) : le PE1 (1993-1997), le PE2 écartées y ont en partie été incluses. et la variété des climats et reliefs y ont (1997-2001) au cours duquel la gestion La COBA a le pouvoir de gérer les ressour- favorisé le développement d’une faune des ressources naturelles a été transférée ces forestières dans un espace donné. Les et d’une flore uniques au monde (plus aux populations et le PE3 (2003-2008) qui limites d’une COBA ne sont pas nécessai- de 80% de la biodiversité de Madagascar a concrétisé la « vision Durban ». rement celles d’un fokontany. Prenons est endémique). Cette biodiversité est A l’issue de ces programmes environ- l’exemple de 2 fokontany voisins limitro- localisée surtout dans la forêt humide nementaux, 45 Aires protégées étaient phes avec le Parc National de Ranomafana. longeant l’escarpement Est de l’île du créées dont 17 Parcs nationaux, cinq Le fokontany d’Iambara a seulement une Nord au Sud. Des Aires Protégées y ont été Réserves naturelles intégrales et partie de ses forêts incluse dans les limi- créées ; elles sont reliées par une bande 23 Réserves spéciales. Les critères per- tes de la COBA d’Ambendrana, alors que de forêt plus ou moins continue appelée mettant de créer les nouvelles aires proté- presque toutes les forêts du fokontany « Corridor forestier ». Le corridor forestier gées sont les mêmes que ceux qui furent de Fianarantsoa (figure1) ou « corridor utilisés précédemment pour la création Fandriana-Vondrozo (COFAV)» est une Figure 1. Localisation du Corridor forestier de Fia- des aires protégées : la richesse de la narantsoa portion représentative de ce corridor ; il biodiversité, les réserves en eau, mais s’étend sur 400 km dans la partie Sud. Il également des facteurs socio-économi- est constitué de forêts peu ou partielle- ques (Minenvef, 2005). Ces nouvelles aires ment dégradées. protégées (NAP), qui incluent aires proté- gées et corridors forestiers, sont en cours En 2003, Le président de la république a de délimitation mais n’ont pas encore de annoncé au Congrès Mondial de Durban, statut. en Afrique du Sud, qu’en cinq ans il tri- plerait la superficie des aires protégées Pour conserver les forêts et lutter contre la (AP) terrestres et marines de l’île, pour déforestation, le dispositif REDD (Réduction passer de 1,7 à six millions d’hectares des émissions résultant du déboisement (engagement aujourd’hui connu sous le et la dégradation des forêts) a été initié en nom de « Vision Durban »). En 2005, le 2001. Dans ce cadre, cinq projets ont été pays a créé un million d’hectares d’aires entrepris pour la capture de 40 millions protégées nouvelles et plus d’un million de tonnes de carbone sur une superficie d’hectares supplémentaires en 2007. En d’environ 2.5 millions d’ha dans cinq aires 2010, les aires protégées anciennes et protégées et nouvelles aires protégées. Ils nouvelles couvraient 6,4 millions d’ha sont pilotés par les grandes ONGs inter- dépassant l’objectif initial de six millions nationales (CI, WCS, WWF) et une alliance d’ha (Atlas numérique des aires protégées GTZ-Inter-coopération suisse. à Madagascar, 2010). Les deux sites pilotes du REDD, placés La protection et la conservation de ces sous la responsabilité de l’ONG Conserva- aires protégées par l’ensemble des parcs tion Internationale (CI), sont le COFAV et le et par les populations locales des commu- corridor forestier d’Ankeniheny-Zahamena nautés de base (ou COBA), articulées en (CAZ), une autre portion de la forêt humide Communes contenant des COBA réseau, permettent-elles de lutter effica- de l’escarpement Est. Le CI s’est intéressé Aires protégées cement contre la déforestation ? à cette région pour sa biodiversité et les Forêts denses humides de l’Est

15 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES voisin, celui d’Amindrabe, sont incluses paration et signature du contrat jusqu’à atteindre un objectif de conservation à dans la COBA d’Amindrabe. L’imprécision la phase d’application mais leurs modes condition que chaque institution assume du tracé des limites et la non superpo- d’intervention sont variés. En particulier son rôle, en particulier celles en bout de sition des limites de la COBA avec celle toutes ne proposent pas des compensa- chaine, des COBA réellement évaluées au du fokontany provoquent des conflits tions aux restrictions imposées. Quant bout de 3 ans et consolidées dans leurs de frontière et diminuent l’efficacité du à la COBA, elle se mobilise pour assurer fonctions pour les 10 ans suivant, d’une dispositif. l’application effective des prescriptions part, les instances juridiques et les auto- qui lui sont affectées selon les deux lois rités d’autre part. En 2008, on dénombrait 82 COBA dans les de transfert de gestion possibles, dans 66 communes qui forment le COFAV (Hervé des documents contractuels qui varient et al., 2008). Seules les communes qui ont d’une COBA à une autre. La gestion se Typologie des forêts des COBA sont indiquées sur la figure 1 ; manifeste par la détection des infractions leur couverture est encore discontinue. relatives aux législations forestières. A Le terme « corridor forestier » indique Deux lois de transfert de gestion peuvent toute infraction reconnue comme telle une bande de forêts reliant deux massifs être appliquées par les COBA qui implé- correspond une sanction (dina) établie forestiers qui peuvent être des aires pro- mentent des contrats signés avec les eaux par la COBA. La COBA joue donc deux rôles tégées. Le corridor forestier de Fianarant- et forêts : la loi Gelose (GEstion LOcale majeurs du fait qu’elle est à la fois juge soa ou COFAV, reliant les aires protégées SEcurisée) depuis 1996 qui implique aussi (application des sanctions) et principal de Fandriana, Ranomafana, Andringitra et la commune, et le décret GCF (Gestion acteur dans la conservation du terroir. En Pic d’Ivohibe, représente un des vestiges Contractualisée des Forêts) depuis 2001. conséquence, des changements positifs de la forêt dense humide sempervirente Les COBA créés dans le COFAV depuis 2001 sont constatés dans plusieurs domaines : de moyenne altitude, série à Weinmannia se répartissent entre 37 Gelose et 45 GCF. la restauration des zones déboisées, la et à Tambourissa de Madagascar (Hum- Le service des eaux et forêts, représente diminution de la pratique de culture sur bert & Cours Darne, 1965). l’état et donne son accord pour le trans- brulis, le contrôle des collecteurs de bois, fert de gestion aux communes qui, avec scieurs ou charbonniers, la diminution de Les types de forêt (voir tableau) se dis- l’aide d’ONG, appuient les COBA. Ces dif- l’aménagement des bas-fonds en forêt au tinguent par la dominance des espèces férentes couches constituent une chaine profit des bas fonds en lisière. héliophiles pour les forêts les plus dégra- d’institutions qui fonctionne en cascade dées, par la dominance de la combinaison pour contrôler les infractions en forêt. Néanmoins, les paysans interprètent le des espèces héliophiles et sciaphiles pour mot ‘‘transfert’’ comme une cession de les forêts dégradées et la dominance des Le service des eaux et forêts transfère la propriété. Ainsi, avec la loi « Gelose », espèces sciaphiles pour les forêts pro- gestion des ressources forestières aux des demandes d’exploitation des res- ches de l’état climacique (Carrière et al., COBA et constitue un dernier recours sources du corridor s’accumulent car les 2007 ; Randrianarison, 2009). Ainsi, la pré- dans le cas où elles ne parviennent pas paysans se sentent propriétaires de la sence de nombreuses espèces héliophiles à faire appliquer les sanctions. Les com- forêt. Parfois, ils adressent directement dans la forêt « climacique » de Sahabe munes, lorsque qu’elles sont signataires, des demandes de défrichement pour mise montre qu’elle se trouve dans un état peuvent être aussi un recours intermé- en culture au service des eaux et forêts plus dégradé que celle d’Ambendrana. Le diaire. Les ONG, même si elles ne sont qui, à son tour, exerce une pression sur long du corridor, les espèces dominantes pas signataires, jouent un rôle tout à fait les responsables pour qu’ils accordent sont différentes selon la fréquence de déterminant par leur appui technique et le droit de défricher (Andriamahazo et l’exploitation par l’homme et selon le surtout financier, depuis la phase de pré- al., 2004). La gestion de la COBA peut degré de dégradation de la formation.

Les espèces dominantes des forêts du COFAC

Forêt « climacique » espèces dominantes Forêt « secondaire » espèces dominantes Site Source Sciaphiles héliophiles sciaphiles héliophiles Forêt Calliandra alternans Erythroxylum nitidilum Carissa madagascariensis Carrière et al., d’Ambendrana 2007 (partie nord Dalbergia baronii Polyscias ornifolia du corridor) Mammea sessiflora Vaccinium secundifolia

Syzygium emirnense Vernonia exerta Weinmannia bojeriana

Forêt de Sahabe Dalbergia sp. Erythroxylum nitidilum Bremeria sp. Carissa edulis Randrianarison A., (partie centrale du 2009 corridor) Ficus soroceoides Schefflera bojeri Eugenia jambolana Deinbolia sp. Mauloutchia sp. Tina thouarsiana Ephippiandra madagascariensis Ocotea sp. Uapaca thouarsii Erythroxylum sp.

Pandanus sp. Mollinae retusa Ruellia cyanea Oncostemum laurifolium

Juillet 2010 16 66/67 Conservation paysanne

Le corridor COFAV ne contient plus de forêt rues après des exploitations forestières ridors qui les relient, en assurant dans ces primaire comme le démontrent les vesti- massives, l’exploitation minière et la derniers une gouvernance qui n’exclut pas ges d’occupations humaines anciennes et construction des routes, au temps de la les paysans riverains des forêts. Toutefois, récentes tels que la présence de stèles, de colonisation, entre 1937 et 1957 (Andria- une rupture de la gestion communautaire vestiges d’habitations et d’anciens parcs à narivo et al., 2008). Une vague de migra- entre les différentes entités, surtout entre bœufs. De plus, actuellement, des paysans tion vers la forêt s’est produite pendant les ONG et les COBA, peut engendrer des vivent à l’intérieur même de la forêt. Le l’insurrection populaire de 1947 pour fuir défaillances au niveau de la conservation terme « forêt mature » est ainsi préféré les colons. Ainsi, des « bas fonds » et des comme, par exemple, les exploitations pour désigner les forêts du corridor. espaces ouverts ont été habités. Jusqu’aux illicites (Bertrand et al., 2009). Afin de années 1990, les savanes incluses ont piloter dans la durée ces dispositifs de Par ses activités, la population locale persisté et ont augmenté de surface du conservation, il faudrait disposer à la fois change la physionomie et l’agencement fait de la pratique de feu pour le renouvel- d’indicateurs de dégradation du couvert des espèces végétales au sein de la for- lement des pâturages. Depuis, la surface forestier et d’indicateurs de fonctionne- mation forestière. La forêt se trouve alors des savanes incluses a diminué à cause ment des institutions de régulation. C’est dans des états plus ou moins dégradés. de l’interdiction de la pratique de la mise en jouant sur les seuils et les alertes et Toutefois, la forêt humide malgache est à feu et de l’exploitation forestière. Seules renvois entre ces deux classes d’indica- réputée pour sa résilience car elle se les rizières incluses ont augmenté de teurs que le risque de rupture du corridor régénère spontanément après défriche- surface. Ainsi, à l’heure actuelle, le risque forestier peut être à l’avenir évité. n ment. Ainsi, différents états de dégrada- de fragmentation du corridor forestier de tion sont identifiés, qui peuvent aller du Fianarantsoa semble minime si les COBA Rizière de bas-fonds et défrichement plus dégradé à des forêts proches de l’état continuent de fonctionner. des pentes. © D. Louppe climacique.

Dynamique de la forêt Conclusion Dans le cadre de la conservation de la Depuis l’arrivée de l’homme, il y a environ biodiversité à Madagascar, les premières 1 500 ans, la surface des forêts malgaches aires protégées sont instaurées par l’Etat n’a cessé de diminuer, laissant peu à peu dans les années 1950. Depuis le PE2 et la la place à des formations herbeuses de vision Durban, la population locale a été savane. L’apparition de ces savanes est associée contractuellement à leur gestion. due à une utilisation massive du milieu. Dans les nouvelles aires protégées, il Les savanes incluses (savanes complète- s’agit maintenant de combiner la préser- ment entourées par la forêt) du corridor vation des forêts garantie dans les parcs forestier de Fianarantsoa sont appa- et la gestion communautaire dans les cor-

Bibliographie In L’Afrique. Vulnérabilité et défis, LESOURD M. ces Agronomiques, Université d’Antananarivo, (coord.). Collection Questions de géographie, 1-3 juillet 2008, Antananarivo, 67-73. ANDRIAMAHAZO M., EBENE ONANA Y.C., IBRAHIMA Nantes (France), Éditions du Temps, 354-376. A., KOMENA B.K., RAZAFINDRANDIMBY J., 2004. HUMBERT H., COURS DARNE G., 1965. Carte interna- BLANC-PAMARD C, RAKOTO RAMIARANTSOA H, 2007. Concilier exploitation des ressources naturelles et tionale du tapis végétal et des conditions écolo- Normes environnementales, transferts de gestion protection de la forêt. Cas du corridor forestier de giques. 3 coupures au 1/1000 000 de Madagascar. et recompositions territoriales en pays betsileo Fianarantsoa (Madagascar). Rapport ICRA/CNRE- Travaux de la section scientifique et technique de (Madagascar) : La gestion contractualisée des IRD Montpellier – Antananarivo (Madagascar). l’institut Français de Pondichéry (hors série). forêts. Natures Sciences Sociétés (15), 253-268. 98 p. CARRIERE S.M., RATSIMISETRA L., ROGER E., 2007. MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT, DES EAUX ET ANDRIANARIVO A., HERVÉ D., RANDRIANARISON A., Le couloir forestier de Fianarantsoa : forêt « pri- FORETS (Minenvef), 2005. Rapport d’avancement RATOVONIRINA G., RAZANAKA S., 2008. Dynamiques maire » ou forêt des hommes. In Transitions agrai- sur la mise en œuvre de la déclaration de Durban spatio-temporelles des savanes incluses en forêt : res, dynamiques écologiques et conservation : le (septembre 2003-septembre 2005). Antananarivo, centre du corridor forestier de Fianarantsoa. In corridor Ranomafana-Andingitra Madagascar, Madagascar. 2 p+annexes. « Télédétection et gestion de l’environnement : G. SERPANTIE, RASOLOFOHARINORO, S. CARRIERE. RANDRIANARISON A., 2009. Dynamique des écosys- recueil des résumés, S. RANDRIAMANGA, S. RAKO- Actes du séminaire GEREM. Antananarivo, tèmes forestiers en contact avec les savanes dans TONIAINA, S. RAKOTONDRAOMPIANA, J.P. GASTELLU- 9-11 novembre 2006, 39-46. ETCHEGORRY, K. BOULKROUNE, Y. AUDA (eds). Les le corridor forestier de Fianarantsoa. Mémoire de XIèmes journées scientifiques du réseau télédé- GANOMANANA T., 2008. Modélisation de la conser- DEA en Ecologie végétale, Département de Biologie tection de l’AUF. Antananarivo, Madagascar du vation du corridor forestier Fandriana-Vondrozo et Ecologie Végétales. Université d’Antananarivo, 3 au 7 novembre 2008, 121-122. par transfert de gestion : à partir d’une approche Madagascar/ Programme Modélisation pour l’en- institutionnelle. Mémoire de DEA en Informati- vironnement à Madagascar (MEM). 66 p. Disponible sur : www.reseautd.auf.org/IMG/pdf/ que. Ecole nationale d’informatique. Université sommaireJS2008.pdf de Fianarantsoa/ Programme Modélisation pour l’Environnement à Madagascar (MEM). 62 p. Webgraphie BERTRAND A., HORNING N.R., MONTAGNE P., 2009. HERVÉ D., GANOMANANA T., RANDRIAMAHALEO S., ATLAS NUMERIQUE DES AIRES PROTEGEES A MADA- Gestion communautaire ou préservation des res- 2008. Contrainte et dynamique institutionnelles GASCAR, 2010. sources renouvelables : Histoire inachevée d’une des transferts de gestion, corridor forestier Fan- évolution majeure de la politique environnemen- driana-Vondrozo. Colloque international sur les tale à Madagascar. Vertigo, Volume 9 (3) : 1-18. http://128.32.85.142/atlas/index.php?option=com_ parties prenantes de la gestion communautaire content&task=view&id=1&Itemid=5 BLANC-PAMARD C., RAKOTO RAMIARANTSOA H., des ressources naturelles : coopération, contra- 2003. Madagascar : les enjeux environnementaux. dictions, conflits. Ecole Supérieure des Scien- Consulté le 10 février 2010

17 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

La Réserve de Faune de Togodo au sud du Togo face au projet de construction

ADJONOU Kossi*, d’un barrage à Adjarala SOGOYOU-BEKEYI Manzama, KOKOU Kouami Laboratoire de Botanique et Ecologie Végétale, Faculté des Sciences, Université de Lomé, BP 1515, Lomé (TOGO), a Réserve de Faune de Togodo regorge d’une importante Tel: (+228) 225-50-94, Fax: (+228) 221-85-95 diversité biologique. Elle comporte des espèces végétales *Auteur correspondant, email: [email protected]; et animales menacées, rares, exclusives ou endémiques. [email protected]; Cette aire protégée contient les plus importants vestiges de forêts [email protected] L(environ 4500 ha) du paysage dénudé de la plaine côtière du Sud Togo. Elle renferme les derniers troupeaux de buffles du Togo, après que la faune sauvage ait été décimée lors des troubles des années 1990. Elle abritait, jusqu’à une période récente une importante population d’hippopotames et le Singe à ventre rouge, espèce vulnérable et menacée, endémique au Sud du Togo et au Bénin. De par ses caractéristiques, elle est représentative des écosystèmes reliques de l’écorégion du Couloir du Dahomey, mais cette zone est écologiquement sensible. En plus de la régression des superficies forestières dues aux actions anthropiques, un barrage va être construit à Adjarala sur le fleuve Mono juste au niveau de la réserve. Sa mise en eau va perturber tous les écosystèmes de cette aire protégée car elle submergera 563 ha de forêts, 3 335 ha de savanes et 9 104 ha de terres agricoles. Ce barrage est essentiel au développement du pays mais crée de grandes inquiétudes par la menace qu’il fait peser sur la biodiversité de cette réserve. Pour la sauvegarde de ce site protégé unique dans l’écorégion des mesures adéquates devront être prises pour maintenir l’équilibre écologique de ce patrimoine essentiel à la conservation de la biodiversité nationale. Mots clés : forêts vestiges, biodiversité, barrage d’Adjarala, réserve de Togodo, Sud Togo

délimités et classés entre 1939 et 1955 aire protégée est très représentative des Introduction sous forme d’aires protégées pour la pré- écosystèmes reliques de l’écorégion du servation et la réglementation de l’usage Couloir du Dahomey (Jenik, 1994). Elle est Sous l’influence de la croissance démo- traditionnel des ressources naturelles. plus proche des grandes villes côtières graphique et de la dégradation accélérée Parmi les aires protégées prioritaires pour que les autres parcs nationaux togolais, des milieux naturels, les aires protégées le pays, on peut citer la Réserve de Faune elle offre donc des opportunités touristi- sont devenues les seuls espoirs de survie de Togodo (RFT). ques qu’il faut valoriser par un minimum pour un certain nombre d’espèces ani- d’aménagement. males et végétales (Van de Weghe et A cause de son importante biodiversité, Doumenge, 2001). Elles apportent une la RFT présente un grand intérêt écologi- Malheureusement, à la régression des contribution fondamentale à la protection que pour le Togo (Kokou, 1998 ; Cource- superficies forestières, dues aux actions des écosystèmes, à la sauvegarde des laud, 2000). C’est là que se trouvent les anthropiques, vient s’ajouter la construc- ressources alimentaires, à la gestion de plus importants vestiges de forêts semi- tion d’un barrage hydroélectrique sur le l’eau et à la stabilisation du climat. Elles caducifoliées de la plaine côtière du Sud fleuve Mono à Adjarala, juste au niveau préservent ainsi une faune et une flore Togo dont le paysage est presque totale- de cette réserve. Ce projet de barrage menacées, de nombreux habitats naturels ment dénudé (Kokou et Caballé, 2000). hydro-électrique est initié par la Com- ainsi que les processus et services que Elle renferme les derniers troupeaux de munauté Electrique du Bénin (CEB) pour génèrent et entretiennent la biodiversité buffles sauvages du Togo après que la palier le déficit en électricité que subis- (Guénau, 2006). Au Togo, 801 443 ha soit faune sauvage ait été décimée lors des sent le Togo et le Bénin. Le site du projet 14,2 % du territoire (56 600 km2) ont été troubles sociopolitiques de 1990. Cette est situé en aval d’un premier barrage à

Juillet 2010 18 66/67 Réserve de faune de Togodo

Nangbéto, il empiète sur la RFT qui est en Les 18 000 ha de la partie sud de la caractéristique du passage du couloir partie dans le bassin versant du Mono. réserve étaient à l’origine une forêt de Dahomey (Kokou, 1998; Courcelaud, Afin d’évaluer les impacts environnemen- classée qui fût érigée en 1981 en réserve 2000). 489 espèces végétales ont été taux que ce projet va générer, la CEB a, de faune en raison de la particularité recensées dans les îlots forestiers dont en 1993, commandité une étude d’impact de son écosystème et de la diversité de 433 genres et 90 familles. Dans les sava- sur l’environnement. Cette étude a été sa faune. Elle a été requalifiée en «parc nes qui constituent la majeure partie de actualisée en 1997 et a été étendue aux national» par l’arrêté n°004/MERF/CAB l’aire protégée (Figure 2) les 292 espèces impacts en aval de la zone d’aménage- du 02-02-2005 avec pour objectifs de végétales recensées se répartissent en ment du barrage (Coyne et Bellier, 1997). protéger les forêts reliques à des fins 226 genres et 68 familles (Kokou, 1998; Elle prévoit l’ennoiement de forêts, de spirituelles, scientifiques, éducatives, Courcelaud, 2000). Les inventaires ont savanes et la perte de terres agricoles récréatives et touristiques, de perpé- également montré que dans la flore des lors de la mise en eau du barrage mais tuer dans les conditions naturelles, les îlots forestiers 33 espèces végétales (soit n’en précise pas les surfaces. Concernant éléments écologiques, géomorphologi- 6,7%) sont rares, 11 espèces végétales la flore et la faune, ces études avaient que, sacrés et esthétiques, de garantir (2,25%) sont menacées et que 3 espèces révélé qu’aucune espèce ne méritait une stabilité et une diversité économi- sont exclusives des forêts (Balanites wil- une attention particulière, mais avaient que locale et d’éliminer et de prévenir soniana, Schrebera arborea et Strychnos complètement occulté l’importante biodi- toutes formes d’exploitation ou d’occu- usambarensis). En outre, les mares situées versité de cette aire protégée que le bar- pation incompatibles avec sa nouvelle au sud de la réserve sont inscrites comme rage allait sérieusement affecter. Ci-après, vocation. sites classés sur la liste de la Convention nous allons réexaminer les conclusions de Ramsar (traité international adopté le Plusieurs textes régissent la conservation de ces deux études peu convaincantes en 2 février 1971 pour la conservation et des ressources naturelles au Togo dont le utilisant des simulations et des images l’utilisation durable des zones humides), plus récent est le décret n° 2003/23/PR/ satellitaires qui nous aiderons à mieux car elles abritent des espèces vulnérables du 26 septembre 2003 relatif à la mise apprécier les impacts biophysiques. et menacées (UICN, 2008). en place d’un cadre normalisé de gestion des aires protégées. Notons que les arti- La diversité faunique comprend 12 espè- La Réserve de faune cles 3 des arrêtés portant requalification ces de reptiles réparties en 7 familles des forêts nord et sud de Togodo fixent (Crocodylidae, Pelomidusidae, Trionychy- de Togodo : une aire leurs superficies respectives à 15 000 ha dae, Pythonidae, Viperidae, Varanidae, protégée prioritaire de par et 10 500 ha, soir 5 500 ha de moins que Testunidae), 18 espèces de mammifères sa situation géographique le classement initial. réparties en 7 familles (Hippopotami- et sa diversité biologique dae, Bovidae, Suidae, Muridae, Mamidae, Atouts et potentialités Cercopitecidae, Canidae), 34 espèces de de la réserve La Réserve de faune de Togodo poissons dont Synodontis obesus, Ales- Les prospections faites dans cette réserve tes macrolepidotus, Hyperopisus bebe, La RFT est située au sud-est du Togo entre et dans sa zone périphérique (Guelly Pelmatochromis guntheri, etc., 53 espè- 1°20’ et 1°40’ de longitude Est et entre et al., 1997; Kokou, 1998 ; Courcelaud, ces d’oiseaux réparties en 14 familles 6°40’ et 6°50’ de latitude Nord. Elle est 2000 ; Sogoyou-Bekeyi, 2010) montrent (Stemidae, Strigidae, Glareolidae, Chara- bordée à l’Est par le fleuve Mono, au Sud clairement que cette aire protégée driidae, Burhinidae, Rallidae, Anatidae, par plusieurs villages, au Nord-Ouest par regorge d’importantes espèces végéta- etc), 8 espèces d’amphibiens réparties en la forêt classée d’Asrama, au Nord-Est par les et animales méritant des mesures de 3 familles (Ranidae, Bufonidae, Hyperolii- la rivière Asrama et à l’Ouest par les riviè- protection spéciales afin d’assurer leur dae), 21 espèces de mollusques réparties res Akpaka et Afan et les fermes Kpové et sauvegarde (UICN, 2008). La végétation en 12 familles et 31 espèces d’insectes Tsafé. (Figure 1). La RFT comprend deux est une mosaïque de forêts et de savanes réparties en 13 familles. parties ; la forêt classée de Togodo-nord et la forêt classée de Togodo-sud. Figure 1. Localisation de la réserve de faune La partie nord couvrant 13 000 ha a de Togodo. été classée par l’arrêté N° 174 /EF du 26 février 1954 et a été requalifiée par l’arrêté n°005/MERF/CAB du 02/2002 en zone de gestion des ressources naturelles avec pour objectifs d‘assurer la protection et le maintien à long terme de la diversité biologique, de protéger les ressources naturelles contre toute atteinte suscepti- ble de porter préjudice à la diversité bio- logique, d’assurer la productivité durable du cheptel sauvage et son habitat afin de promouvoir les activités cynégétiques route nationale 1 et de contribuer au développement des 0 50 km populations riveraines et nationales. Lomé

19 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

évacuateur de crues. L’usine comportera deux groupes à axe vertical d’une puis- sance de 54 MW. La retenue aura une longueur de 28 km, une largeur de 3 km environ, couvrira 9 500 ha et retiendra un volume de 680 millions de mètres cubes d’eau.

Les impacts directs sur la réserve de faune de Togodo Une analyse poussée de l’emprise du lac de barrage montre des pertes impor- tantes en terres dont environ, 9 100 ha de terres agricoles, 3 335 ha de savane et 560 ha d’îlots forestiers (Figure 3). Or cette région se caractérise par une pénurie de ressources foncières et les populations envahissent déjà les aires protégées afin de disposer de terres cultivables (Photo 2). La mise en eau du barrage provoquera la fragmentation du bloc forestier situé à l’ouest de la réserve Figure 2. Végétation de la zone de la réserve ce qui constitue une menace importante de faune de Togodo pour la conservation de la biodiversité de ces reliques forestières (perte des habitats, disparition de taxons animaux et végétaux).

Les animaux tels que les Hippopotames, La perte de la biodiversité végétale au le Buffle (Photo 1), le Guib harnaché, le Les impacts réels du projet niveau des îlots forestiers et des savanes Cobe Defassa, le Crocodile du Nil, le Varan du barrage d’Adjralala risque d’être particulièrement désas- du Nil, le Python de Seba etc. recensés treuse si aucune mesure n’est prise pour Le barrage d’Adjarala se caractérise par sauvegarder les espèces exclusives, rares dans cette réserve de faune sont actuelle- une partie centrale qui sera constituée et menacées. La disparition des espèces ment menacés (UICN, 2008). La RFT abrite soit d’un remblai en enrochement, soit à valeur écologique importante disqua- aussi une espèce vulnérable et menacée, d’une section en béton compacté au rou- lifierait la RFT par rapport à son statut endémique au Sud du Togo et du Bénin : leau. Sa hauteur maximale sera d’environ actuel de «Parc National» et de «zone de le Singe à ventre rouge (Cercopithecus 50 mètres. L’ouvrage sera complété par gestion de ressources naturelles». Non erythrogaster), (UICN, 2008). des ailes en remblai et comprendra un seulement l’extinction de ces espèces diminueraient les populations d’espèces Photo 1. Les dernières populations de buffles du sud du Togo dans la Réserve de Faune de Togodo. © K. Kokou végétales mais causerait surtout une crise écologique par rapport à la conven- tion des Nations Unies sur la diversité biologique. Les espèces exclusives à la forêt classée de Togodo telles que Balanites wilsoniana, Schrebera arbo- rea, Strychnos usambarensis risquent de s’éteindre et de disparaitre définiti- vement du Togo car ces îlots forestiers constituent leur dernier refuge. La RFT peut aussi perdre d’importantes popula- tions d’espèces animales (hippopotame, buffle, Guib harnaché, Cobe Defassa, Crocodile du Nil, Varan du Nil, Python de Seba) qui sont déjà vulnérables et menacées. Leur extinction créerait une crise écologique de la diversité faunique du Togo alors que l’extinction du singe à ventre rouge, espèce endémique au Sud du Togo, serait une catastrophe écologi- que nationale.

Juillet 2010 20 66/67 Réserve de faune de Togodo

Conclusion La réserve de faune de Togodo regorge encore d’une diversité biologique impor- tante et sensible car elle comporte des espèces végétales et animales mena- cées, rares et exclusives. La construction du barrage d’Adjrarala aura des impacts sur les ressources de la réserve et de sa zone périphérique ; environ 560 ha de forêts, 3335 ha de savanes et 9100 ha de terres agricoles seront submer- gées. L’intérêt écologique qu’elle suscite Figure 3. Emprise prévisible demeure important, ne serait ce que par de la retenue du barrage d’Adjarala la présence d’îlots de forêts et d’espè- sur la forêt classée de Togodo. ces animales menacées, vulnérables et exclusives. La construction du barrage constitue une menace pour la conserva- tion de la réserve de Togodo bien que ce projet soit d’une importance capitale pour la relance de l’économie du pays. Les risques pour l’environnement résultant de la construction du barrage ainsi que les voies et moyens pour les atténuer méritent d’être mieux étudiés. L’équilibre écologique au sein de cette réserve est important car il s’agit d’un patrimoine non négligeable pour le Togo. n

Bibliographie COURCELAUD, A., 2000. Ressources forestières de la réserve de faune de Togodo (Sud Togo) : Dynamique et diagnostic d’une gestion parti- cipative. Mém. Ingénieurs Forestiers ENGREF, Photo 2. Culture de maïs dans la réserve 148 p. de faune de Togodo. © K. Adjonou COYNE ET BELLIER, 1997. Aménagement hydro- électrique d’Adjarala, Etude d’impact sur l’en- vironnement, Tome 1 et Tome 2. GUELLY K.A., KOKOU K. et AFIADEMANYO K., 1997. surpêche, donc au déclin des populations Etude de quelques zones humides du Parc Les impacts indirects de poissons. National de la Keran et du sud de la Réserve La réalisation de l’aménagement hydro- de Faune de Togodo. Rapport de fin de projet, Lomé; 81p. électrique d’Adjarala va attirer les popu- Le barrage constituera une barrière phy- GUENAU S., 2006. Livre blanc sur les forêts lations riveraines et allochtones ce qui sique pour les espèces terrestres migra- tropicales humides. Analyses et recommanda- augmentera le risque de braconnage et trices et aussi modifiera les conditions tions des auteurs français. La documentation de destruction des ressources végétales. de vie des espèces aquatiques par les française, Paris, 173 p. Les ouvrages annexes à construire sont fluctuations des crues lors des lâchers JENIK J., 1994. The Dahomey gap: an important une route de 8 km, une ligne de 20 kV d’eau. Leurs habitats et leurs cycles de vie issue in african phytogeography. Mem. Soc. Biogéogr., 3è serie, IV: 125-133. pour alimenter le chantier, une résidence subiront d’importantes modifications. Les KOKOU K., 1998. Les mosaïques forestières au et des habitations pour les ouvriers et espèces aquatiques menacées et endé- sud du Togo : biodiversité, dynamique et acti- employés. Une route d’accès vers la rive miques, dès qu’elles perdent leur habi- vités humaines. Thèse de Doctorat, Université droite du barrage sera réalisée. Toutes ces tat, deviennent des espèces menacées de Montpellier II, 140 p. infrastructures vont faciliter les activités d’extinction. SOGOYOU-BEKEYI M., 2010. Contribution à l’ac- de braconnage car la RFT sera plus acces- tualisation de l’étude d’impact environnemental du projet de construction du barrage d’Adjarala: sible. Les braconniers et les exploitants La présence du barrage pourrait également environnement biophysique de la réserve de forestiers, particulièrement les charbon- créer des environnements favorables à faune de Togodo; Mém. d’Ing. Trav., Université niers pourront utiliser ces nouvelles pistes la prolifération de plantes et d’animaux de Lomé/ESTBA. 60p + Annexes. pour exercer frauduleusement leurs acti- exotiques qui finiront par supplanter les UICN, 2008. Parcs et Réserves du Togo, Eva- vités. L’augmentation de la pression sur espèces autochtones et qui, en modifiant luation de l’efficacité de la Gestion des Aires les ressources halieutiques devra être les écosystèmes qui pourraient devenir protégées, PACO 44 p. contrôlée car l’accès aux sites de pêche instables, favoriseraient le développe- VANDE WEGHE J.P. et DOUMENGE C., 2001. Pour- quoi des aires protégées ? CANOPEE, 20 : 1-6 en véhicule automobile peut mener à une ment de vecteurs de maladie.

21 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

Conservation et valorisation de la forêt sacrée de Kpinkonzoumé et de l’îlot forestier de Houanvè au Sud du Bénin Chris Mensah Aikpé, Séverin Tchibozo Centre de Recherche pour la Gestion de la Biodiversité et du Terroir (CERGET, www.cerget.org) a conservation et valorisation de la forêt sacrée de Kpinkonzoumé 04 B.p. 0385 Cotonou, BENIN et de l’îlot forestier de Houanvè au Sud du Bénin a été initiée [email protected] et [email protected] Lavec la collaboration des communautés riveraines pour mieux conserver la biodiversité que l’on espère valoriser par l’écotourisme. Les différents résultats concernent : – l’inventaire, la localisation et la protection des espèces sensibles et remarquables peuplant les forêts de Kpinkonzoumè et de Houanvè ; – la sensibilisation des villageois dont 960 écoliers et écolières à l’intérêt écologique et économique de la conservation des forêts ; – le développement de l’écotourisme dans la région. Mots-clés : Forêt sacrée, Communautaire, Conservation, Valorisation, Sud Bénin, Afrique de l’Ouest.

mené plusieurs actions pour sauver ces l’Herbier National du Bénin et un zoolo- Introduction forêts et promouvoir l’écotourisme, acti- giste de l’Université d’Abomey-Calavi. 49 Le couvert végétal naturel en République vité génératrice de revenus. espèces d’arbres, arbustes et lianes ont du Bénin a été fortement dégradé par été répertoriées, dont 29 à Kpinkonzoumé et 20 à Houanvè. Les espèces caractéristi- les activités humaines. Les lambeaux et Sensibilisation des autorités îlots de végétation qui subsistent doivent ques sont Cola gigantea, Triplochiton scle- être protégés d’urgence pour conserver Par des visites organisées dans les forêts roxylon, Holoptelea grandis, Trilepisium ces écosystèmes devenus sensibles et de Kpinkonzoumè et de Houanvè, elles madagascariensis, Leptonychia pubes- les espèces végétales et animales qui y ont sensibilisé les élus locaux (maires et cens, Celtis zenkeri, Alchornea cordifolia, vivent. La forêt sacrée de Kpinkonzoumé conseillers communaux des communes Sterculia tragacantha, Bambusa vulgaris, (N 06°20 ; E 02°18) est une forêt dense d’Adjohoun et de Ouinhi et les chefs Costus afer, Ceiba pentandra, Pterocarpus humide semi-décidue de 0,8 ha. L’îlot d’arrondissements et de villages) aux santalinoides et Albizia zygia. enjeux écologiques et économiques liés de Houanvè (N 07°01 ; E 02°29) couvre Deux espèces ligneuses de Kpinkon- aux forêts. 0,6 ha et est dégradé. zoumé sont sur la liste rouge de l’IUCN pour le Bénin : Ces deux forêts sont exposées à une forte Triplochiton scleroxylon (risque faible) et pression anthropique, leur flore et leur Création d’une association Pierreodendron kerstin- (vulnérable). Houanvè abrite une seule faune sont menacées. et de ses infrastructures gii espèce menacée : Albizia ferruginea. Une association a été créée pour regrou- Des actions ont été entreprises, avec l’ap- per les membres des comités villageois pui du FFEM et de l’AFD, pour sauvegarder (conservateurs locaux, écoguides, habi- Pierreodendron la biodiversité de ces deux forêts. kerstingii. tants des villages) y compris les chefs de © Cerget villages pour poursuivre les activités du Actions pour sauvegarder Cerget sur le terrain. les forêts Les populations locales, avec l’aide du Connaissance du milieu Centre de Recherche pour la Gestion de Des inventaires floristiques et fauniques la Biodiversité et du Terroir (CERGET), ont ont été réalisés en collaboration avec

Juillet 2010 22 66/67 Forêt sacrée de Kpinkonzoumé Panneau explicatif. © Cerget dants, les espèces les plus remarquables Grâce à ce matériel et à ces infrastruc- sont le bulbul curvirostre (Andropa- tures, on a pu mettre en place une dus curvirostris), le touraco vert (Tau- communication pour un changement raco persa), l’autour tachiro (Accipiter de comportement (CCC). Ainsi, plus de tachiro), l’épervier de Hartlaub (Accipiter 960 écoliers et écolières des écoles pri- erythropus), le pic tacheté (Campethera maires publiques de Houanvè, Dasso, nivosa), le gros-bec ponceau à ventre noir Akpadanou et Aguè-Kpota proches des (Pyrenestes ostrinus), le gobe-mouche de deux forêts ont été éduqués au res- paradis (Terpsiphone viridis), le drongo pect de la nature au travers des outils brillant (Dicrurus adsimilis). Un inventaire pédagogiques confectionnés. Cette com- ornithologique approfondi nous permet- munication s’est aussi adressée aux com- tra de mieux apprécier la diversité des munautés locales. oiseaux car il est probable que les forêts de Kpinkonzoumé et de Houanvè abritent d’autres espèces rares ! En outre, les connaissances des com- munautés locales et les usages tradi- tionnels (pharmacopée, alimentation, artisanat,…) qu’elles font des différentes parties (feuilles, écorces, racines, bois, La faune des deux écosystèmes est très etc.) des plantes et de la faune ont été semblable. On y rencontre plusieurs répertoriées. espèces d’insectes dont des cétoines, des rhopalocères et des lépidoptères. Les insectes les plus caractéristiques sont Création d’outils , , Education scolaire au respect de la nature. Papilio dardanus P. phorcas Euphae- pédagogiques et formation © Cerget dra ssp., Hypolimnas salmacis, Charaxes des enfants ssp., Chlorocala africana et Pseudinca macgillavryi. Les mammifères sont repré- Deux bâtiments ont été construits pour sentés par les antilopes : céphalophe l’accueil des visiteurs scolaires et des de Grim (Sylvicapra gimmia), sitatunga éco-touristes. Ils servent en même temps (Tragelaphus spekei), guib hanarché (Tra- de lieux de repos et d’observations. Six gelaphus scriptus), les chauve-souris : posters et trois boîtes à images illustrent roussette paillée (Eidolon helvum), les les paysages, la flore et la faune de Kpin- singes : mona (Cercopithecus mona), konzoumé et de Houanvè. Ces illustra- vervet (Cercopithecus aethiops), singe à tions interactives servent aux animations ventre roux (Cercopithecus erythrogaster pédagogiques et sont complétées par erythrogaster), galago (Galago sp.) et 3000 livrets qui sont distribués aux écoles un rongeur couramment appelé écureuil et aux communautés locales. Enfin, huit (Xerus sp.). tableaux sur plexiglas présentent l’his- Distribution des livrets et lecture dans une classe. toire des deux forêts, leur cartographie © Cerget Au Bénin, l’espèce Papilio phorcas phor- et certaines de leurs espèces phares. cas Cramer n’est actuellement connue Enfin, 51 plaques en aluminium gravées Plusieurs sorties « classes vertes » (envi- que dans la forêt de Kpinkonzoumè. permettent d’identifier les espèces de la ron 1000 enfants par lot de 20) ont permis Les oiseaux sont apparemment abon- flore tout au long des sentiers de visite de montrer et d’expliquer aux écoliers des forêts. et à leurs éducateurs la biodiversité des deux habitats. Elles leur ont permis de Papilio phorcas phorcas. © Cerget voir l’aménagement des sites et de mieux comprendre la CCC faite en classe. L’en- Aménagement semble des visiteurs ont été satisfaits d’un sentier. © Cerget de ces visites et ont déclaré qu’ils ne pensaient pas qu’il soit possible de faire de tels aménagements pour conserver et valoriser la biodiversité de leur région.

Promotion de l’écotourisme Pour guider les touristes souhaitant visi- ter ces forêts sacrées, il a été nécessaire de former des écoguides (accompagna- teurs). Ceux-ci ont suvi plusieurs modu-

23 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

tique. Quelques visiteurs sont déjà venu Sorties dans les forêts. © Cerget et nous espérons en attirer rapidement d’autres plus nombreux.

Conclusion et perspectives Les différentes activités exécutées pour la valorisation des forêts sacrées de Kpin- konzoumé et de Houanvè nous ont permis de conserver et de protéger la biodiversité existante. Nous souhaitons que cette pro- tection soit durable. Des suivis écologi- ques périodiques seront faits pour suivre l’évolution de la biodiversité. A l’avenir nous ferons appel à d’autres subventions pour étendre les actions de communica- tion à d’autres écoles primaires et à des collèges d’enseignements généraux (CEG) afin de les sensibiliser et de modifier positivement leur comportement quant à l’importance de la conservation et d’une bonne gestion de la nature Une large publicité au Bénin et à travers le les de formation de deux jours sur le globe doit être faite pour attirer les touris- rôle et le fonctionnement d’une forêt, la tes en quête de Nature. Cet écotourisme Touriste en forêt. © Cerget reconnaissance et les différents usages permettra de contribuer à l’amélioration des espèces de la flore, la connaissance des conditions de vie des populations de la faune et la biologie des espèces, les riveraines. techniques de guidage et les comporte- Nous envisageons à l’avenir d’étendre ments d’un écoguide. de pareilles actions dans d’autres forêts Par le « bouche à oreille » auprès de sacrées et d’appuyer les communautés Bibliographie locales pour qu’elles gèrent d’une manière nos connaissances, des enseignants de Cerget et Ffem. 2008. Rapport des activités biologie, des représentations diploma- plus durable leurs biens communs que de janvier à avril 2008. Projet « Conservation n tiques, des tour-opérateurs et des diffé- sont leurs ressources naturelles. et valorisation de la forêt sacrée de Kpinkon- zoumé et de l’îlot forestier de Houanvè au Sud rents guides touristiques, on a pu faire Remerciements du Bénin (Département de l’Ouémé) ». 6 p + connaître ces deux forêts et y attirer des Nous remercions les communautés locales et les Annexes. touristes. Pour que les habitants conti- élus locaux qui ont fortement encouragé l’exécution Cerget et Ffem. 2009. Rapport final. Rapport nuent à gérer correctement leurs forêts, de cette activité de conservation et de valorisation des activités de mai 2008 à février 2009. Projet il est indispensable qu’ils en tirent un de la biodiversité. Le Fonds Français pour l’Envi- « Conservation et valorisation de la forêt bénéfice économique qui se répercute ronnement Mondial (FFEM) et l’Agence Française sacrée de Kpinkonzoumé et de l’îlot forestier de Développement (AFD) à Cotonou au Bénin pour sur l’ensemble de la population, ce qui de Houanvè au Sud du Bénin (Département de son appui financier et sa rigueur dans le suivi des l’Ouémé) ». 29 p. est le cas quand un village devient touris- opérations de terrain.

Antilope Cob Defassa. Marabout et spatule. © D. Louppe © D. Louppe

Juillet 2010 24 66/67 La réserve forestière de Mbalmayo

La réserve forestière Lucie Temgoua UNIVERSITE DE DSCHANG, FASA, BP 222 Dschang, Cameroun Email : [email protected] de Mbalmayo Tél. : +237 76 21 77 47 Régis Peltier CIRAD, UR 105, TAC-105/D Campus international de Baillarguet, (Cameroun) 34398 Montpellier cedex 5, France Email : [email protected] Pierre André Owono Ndongo Pratiques et modes d’accès IRAD EKONA, BP 25, BUEA, Cameroun des populations locales Email : [email protected]

bre à novembre) et deux saisons sèches lon mannii Oliv., Triplochiton scleroxylon Introduction (juillet à août et décembre à février). La K.Schum. etc. Des travaux de reboisement Aujourd’hui, la gestion de certaines réser- pluviométrie annuelle est en moyenne de ont été entrepris dès 1947 avec Triplochi- ves forestières du Cameroun, classées à 1700 mm et la température de 23°C. Les ton scleroxylon, Lophira alata Banks ex l’époque coloniale, aboutit à un constat sols, d’une épaisseur de 4 à 20 m repo- P. Gaertn., Mansonia altissima (A. Chev.) d’échec. Aussi, le Ministère des Forêts et sant sur des schistes, sont ferralitiques A. Chev., Terminalia superba, Termina- de la Faune (MINFOF) crée-t-il de nouvel- rouges et fortement désaturés. (JNM, lia ivorensis A.Chev.. Une cinquantaine les possibilités pour permettre aux popu- 2005). La végétation naturelle est une d’espèces ont aussi été plantées dans l’arboretum de l’Ecole Nationale des Eaux lations locales de participer à la gestion forêt de transition entre la forêt semi- de ces réserves, notamment par la loi et Forêts crée en 1956 dans la réserve. décidue et la forêt dense sempervirente. forestière de 1994 qui traite de gestion On y trouve des essences de forêt dense décentralisée. Cette loi permet le trans- Depuis son classement, plusieurs orga- sempervirente telles que Khaya ivoren- fert de la gestion de ces réserves aux nismes nationaux et internationaux ont collectivités décentralisées sous forme sis A.Chev., Entandrophragma candollei réalisé des activités de reboisement et de forêts communales ou aux populations Harms, Guibourtia tessmannii (Harms) de recherche dans la réserve : l’Office en tant que forêts communautaires. J.Léonard etc… et des essences de forêt National de Développement des Forêts secondaire telles que Terminalia superba (ONADEF) devenu Agence Nationale Ce transfert de gestion nécessite l’élabo- Engl. & Diels, Entandrophragma utile d’Appui au Développement Forestier ration de plans d’aménagements basés (Dawe & Sprague) Sprague, Erythroxy- (ANAFOR), l’Etat à travers la Délégation sur des études et recherches comme celles que nous avons conduites dans la réserve forestière de Mbalmayo où nous Photo 1. Promenade sur le nyong. avons cherché à identifier les activités © L. Temgoua exercées par les populations riveraines, à déterminer les modes d’appropriation des ressources et à répertorier les conflits entre les différents acteurs.

La zone d’étude Classée par arrêté n° 269 du 29 juillet 1947, la réserve forestière de Mbalmayo a une superficie de 9700 ha et est située près de la ville de Mbalmayo, chef lieu du département du Nyong et So’o. L‘altitude avoisine 650 mètres avec quelques col- lines largement ondulées et des vallées larges. La réserve est traversée par le fleuve Nyong, deuxième plus grand fleuve du Cameroun et par le So’o, son affluent. Le climat est de type guinéen avec deux saisons de pluies (mars à juin et septem-

25 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

Départementale des Forêts et de la Faune, ces activités varient d’environ 9 % pour cessé d’être versées aux agriculteurs. Il y l’Institut International d’Agronomie Tropi- la vente du bois de feu à 97 % pour a eu une perte de motivation de la part cale (IITA). L’Ecole Nationale des Eaux et la collecte des produits forestiers non des agriculteurs, mais sans dégradation Forêts (ENEF) et son arboretum dont un ligneux. (Tableau 1). Toutes les person- notable de la forêt. C’est vers 1990 que sentier dendrologique sont à l’intérieur nes interrogées reconnaissent que la la réserve a commencé à subir de fortes de la réserve. forêt est classée et normalement interdite pressions de la part des populations d’accès, ce qui ne les empêche pas d’y riveraines. Les populations Ewondo de la grande exercer des activités sans autorisation. tribu Beti, en contact avec la réserve, Les autochtones sont aussi impliqués que Cette pression est due à la croissance sont réparties dans sept villages, elles les allochtones et que des habitants de démographique d’une part et à la crise comptent environ 14 500 âmes (Mbida, la ville de Mbalmayo. économique d’autre part. Environ 80 % 2007). A la création de la réserve, des personnes enquêtées vivant autour 11 enclaves d’environ 2 ha chacune ont Les activités touristiques à Ebogo de la réserve y pratiquent l’agriculture. été accordées à des personnes possé- Cependant, beaucoup de ceux qui créent dant des plantations cacaoyères. Ces Le projet touristique d’Ebogo est sou- des champs dans la réserve, notamment enclaves sont des propriétés privées qui tenu par le programme STEP (Sustainable des habitants de la ville de Mbalmayo, ont été immatriculées et bénéficient d’un Tourism to Alleviate Poverty), une ini- ne peuvent se prévaloir des droits tra- titre foncier. Les enclaves des villages de tiative lancée en 2002 par l’organisation ditionnels villageois sur la terre ; et leur Bilik (250 ha) et d’Ebogo (1 200 ha) sont mondiale du tourisme (OMT). Il se résume nombre ne cesse de croître depuis le également exclues du périmètre de la pour le moment à quelques activités début de la crise économique ! réserve. et visites de sites attractifs pour les tou- ristes : promenade sur le Nyong (Photo 1, En outre, les cultures pérennes ont été L’économie de la région est surtout basée page précédente), chasse aux papillons, remplacées par des cultures annuelles sur l’agriculture, la collecte des produits visites du sapelli centenaire, des grottes moins respectueuses de l’environne- forestiers non ligneux et sur l’artisanat. rocheuses et de l’île au perroquets. Le ment : la chute des cours du cacao a tourisme est ainsi utilisé pour valori- conduit à l’intensification des cultures ser la biodiversité et pour sensibiliser à vivrières et à une reconversion vers la Approche méthodologique la protection des espèces ; il est aussi culture commerciale de la tomate et de Des enquêtes semi directives ont été l’occasion de convertir les chasseurs en l’ananas. (Photo 2). menées auprès de toutes les catégo- guides touristiques. ries d’acteurs (agriculteurs, chasseurs, La collecte des produits forestiers pêcheurs, cueilleurs, scieurs, respon- L’agriculture non ligneux (PFNL) sables des institutions scolaires et de Pour favoriser la régénération naturelle Pratiquement toutes les personnes inter- recherche, délégation départementale du des arbres l’administration forestière rogées récoltent dans la réserve des MINFOF du Nyong et So’o dont la réserve autorisait les propriétaires coutumiers produits forestiers non ligneux dont est sous la tutelle). Elles ont porté sur les de la terre à établir leurs cultures dans les fruits sauvages, les écorces et les activités menées dans la réserve et leur la réserve à condition de préserver les feuilles médicinales ou alimentaires, les localisation, les relations des populations semis d’arbres. Une prime était, en escargots, les champignons, les larves avec les gestionnaires de la réserve, les outre, octroyée si les arbres avaient été de coléoptères parasites du palmier et institutions paysannes et les règles qui bien protégés. Ce système aurait bien les chenilles qui sont des sources non gouvernent la gestion des ressources et fonctionné jusqu’à l’indépendance du négligeables de revenus. Les mangues sur les droits que les populations esti- Cameroun, date à laquelle les primes ont sauvages (Irvingia gabonensis (Aubry- ment avoir dans la réserve. Une réunion de restitution des travaux a eu lieu avec les habitants des villages, les représen- Tableau 1. Quelques activités pratiquées dans la réserve tants de la Mairie, la Délégation dépar- tementale du MINFOF et les institutions Activités Personnes impliquées (en %) de recherche et scolaires présentes dans Ensembles enquêtés Autochtones Allochtones la réserve. (n=31) (n=26) (n=5)

Agriculture 83,1 % 88,5% 60 % Résultats Pêche 19,4 23,1 0 Les activités pratiquées dans la réserve Sciage illégal 83,1 100 0 Les activités pratiquées par les popula- Chasse 16,1 19,2 0 tions locales sont variées et impliquent différents acteurs : activités touristiques Collecte des produits 96,8 100 80 dans le village Ebogo, agriculture, pêche, forestiers non ligneux coupe illégale du bois, chasse et collecte des produits forestiers non ligneux. Les Vente de bois de feu 9,7 11,5 0 pourcentages des personnes exerçant

Juillet 2010 26 66/67 La réserve forestière de Mbalmayo

Photo 2. d’apprécier les droits qu’ont différents Champ d’ananas dans la réserve. groupes d’acteurs, en un lieu précis, pour © L. Temgoua l’utilisation d’une ressource (Tableau 2, page suivante).

Le territoire agricole La propriété terrienne individuelle à l’échelle de l’unité familiale comprend, les cacaoyères, les jachères et les champs cultivés sur lesquels l’appropriation est de type « maîtrise exclusive » (droit d’accès, d’extraction, de gestion et d’exclusion). Personne d’autre ne peut venir y cultiver ou prélever quoi que ce soit sans auto- risation du « propriétaire ». Néanmoins, un droit d’usufruit peut être accordé pour le prélèvement d’une quelconque ressource, selon les termes d’un accord défini au cas par cas entre les protago- nistes. Dans le terroir agricole, la chasse et le piégeage sont moins réglementés que les autres activités car la ressource Lecomte ex O’Rorke) Baill.), et les fruits vités interdites en forêts classées ? » faunistique est, par essence, mobile. du djansang (Ricinodendron heudelotii les réponses sont : le sciage illégal (Baill.) Pierre ex Heckel) sont les pro- (94 %), les défrichements pour l’agri- L’aire forestière duits les plus vendus. Ces arbres sont culture (81 %), et la chasse (seulement La forêt, en dehors des limites de l’aire relativement abondants dans la réserve, 29 %). Ces chiffres témoignent peut être d’exploitation agricole, échappe à toute ce qui assure aux paysans une produc- d’un refus implicite de reconnaître l’il- appropriation. Chacun est libre d’y chas- tion régulière dont les revenus pouvent légalité de leurs activités (surtout les ser, de cultiver et d’y collecter des pro- atteindre respectivement 45 000 FCFA / défrichements). Mais malgré l’existence duits forestiers non ligneux. La pêche sur an et 80 000 FCFA / an. d’enclaves appartenant aux villages de le Nyong et sur le So’o est d’accès libre, Nkolnguet et d’Ebogo, 82 % des habitants par contre, la pêche dans les rivières Le sciage illégal du bois cultivent dans la réserve soit par manque du village est réservée aux habitants du L’exploitation illégale de bois atteint une de terres disponibles ou parce que l’en- village. ampleur assez alarmante dans la réserve clave est fort éloignée des habitations La théorie des maîtrises foncières a car elle est pratiquée par tous les autoch- (à 7 km environ de Nkolnguet). permis d’identifier cinq types de droits tones enquêtés. Les allogènes ne prati- d’appropriation. Les droits d’extraction quent cette activité car ils n’ont pas de publics, les droits de gestion privés, droits traditionnels leur donnant accès Les droits d’accès les droits d’exclusion communs à deux à toutes les ressources, notamment aux dans la réserve groupes, les droits d’exclusion privés et arbres et à la terre. Le relâchement du contrôle du service les droits d’aliénation. forestier et une occupation prolongée La pêche et la chasse des terres de la réserve ont ravivé les Les droits d’extraction publics concernent Dans les villages de pêcheurs de Ebogo droits traditionnels antérieurs au classe- les ressources libres (contrôle inexis- et de Soassi, au sud de la réserve, la ment. Aujourd’hui, les règles d’accès à tant) ou quasi libre, accessibles à des pêche est l’une des activités principales la réserve sont de fait identiques à celles utilisateurs divers qui peuvent même ne des hommes. Dans les autres villages des zones non protégées de la région. Si pas être riverains à la réserve (cueillette elle est secondaire et ne concerne que les autochtones peuvent se prévaloir de des champignons, chasse au fusil, PFNL les autochtones. leur droit coutumier pour justifier leur en forêt éloignée du village, pêche sur intrusion dans la réserve, les allochtones le Nyong). La gestion de ces ressources paraît être la plus aléatoire et un contrôle Les populations et n’ont pas ce droit. Cependant ils accè- dent à la réserve par l’intermédiaire des extérieur (surtout celui du MINFOF) est le classement de la réserve populations autochtones (par location nécessaire pour en réglementer l’accès. Dans tous les villages riverains, la réserve des terres ou par demande au proprié- Toutes les maîtrises prioritaires accessi- est unanimement reconnue comme étant taire coutumier) ou simplement sans bles à un grand nombre de personnes classée et appartenant à l’Etat. Cepen- aucune autorisation. variées, correspondent à des activités dant, pour tous les autochtones, la forêt Le statut des ressources varie suivant ne créant pas de droit durable sur le sol. est encore « la propriété » de leurs ancê- leur mode d’appropriation et le lieu où Ceci démontre à quel point la propriété tres et reste donc « leur forêt ». elles se situent. La théorie des maîtrises sur le sol oriente le droit d’accès sur les A la question « quelles sont les acti- foncières de LE ROY et al. (1996) permet autres ressources.

27 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

Tableau 2. Régulations possibles des rapports de l’homme à la terre et aux ressources par les maîtrises foncières

Types Maîtrise Maîtrise Maîtrise Maîtrise Maîtrise absolue de maîtrises indifférenciée prioritaire spécialisée exclusive Modalités Droits Droit d’accès Droit d’accès, Droit d’accès, Droit d’accès, extraction, d’appropriation d’accès et d’extraction extraction extraction, gestion gestion, exclusion et gestion et exclusion et aliénation Public (commun à tous) Chasse au fuil, pêche, collecte des PFNL, en brousse, éloignée du village Externe (commun à plusieurs groupes) Interne-externe (commun Rivière limitrophe à deux groupes) à deux villages Interne (commun à un groupe Privé (propre Lignes PFNL à valeur Toutes les ressources à une personne) de pièges monétaire dans de l’enclave les champs cultivés, cacaoyères et jachères

le service forestier saisit du bois coupé A la suite des travaux de TEMGOUA (2007) Les conflits illégalement par les populations locales. et OWONA NDONGO (2007) respectivement Le manque de responsabilisation des sur les activités pratiquées par les popu- lations locales et sur la cartographie de populations quant à la gestion des res- Doléances des populations sources forestières de la réserve expli- la végétation et de l’occupation de la que, pour une bonne part, l’exploitation locales réserve, les discussions sont en cours au abusive et l’occupation illicite qui ont Les revendications dans la réserve fores- MINFOF pour le transfert de la gestion de conduit à la dégradation de la réserve. tière de Mbalmayo suivent deux grandes la réserve à la commune de Mbalmayo. Ce faisant, la compétition pour l’accès orientations : le déclassement pur et Ce transfert ne se fera cependant pas aux ressources s’est accrue avec la crois- simple (75 %) des personnes enquêtées, sans conflit car plus de 97 % de la popu- sance démographique, donnant lieu à des attitude qui traduit un rejet catégorique lation interrogée, n’est pas d’accord. Les conflits. Les ressources qui créent actuel- de l’existence du domaine réservé ; et villageois ont peur de perdre des terres lement des conflits entre les populations une tendance plus modérée qui reste « appropriées » au profit de la com- locales et le service forestier sont le bois favorable à l’existence d’une zone proté- mune. Ils considèrent comme anormal d’œuvre et la terre. gée, mais de surface réduite pour, laisser que les bénéfices de l’exploitation soient la possibilité de création d’une zone partagés entre les habitants de la com- mune dont certains vont percevoir indi- La terre tampon agricole. Les autres doléances des populations sont la création des rectement les retombées économiques La forêt est utilisée par les populations bandes agroforestières (90 %), la restau- sans avoir fait la moindre concession. En locales comme une réserve de terre. Avec ration du système de prime (48 %) et la outre, les populations craignent que la la croissance régulière de la population, méthode taungya avec de grands écarte- forêt ne devienne propriété du Maire et les conflits liés au foncier ont augmenté. ments (19 %). Les populations souhaitent que les bénéfices soient captés par les Les populations se sont installées dans la ainsi qu’il y ait une nouvelle définition élites locales au dépend des populations. réserve et revendiquent leurs droits cou- de la vocation de la réserve et qu’on Cette attitude des paysans connote déjà tumiers. Entres les villageois également, réduise sa superficie, qui est à leurs yeux un conflit d’intérêt qui contribuera à ren- on observe de plus en plus de conflits excessive vu le manque de terres culti- forcer l’hostilité des populations vis-à-vis liés à l’empiètement des parcelles. Les vables nécessaires pour une population de l’administration forestière. autochtones demandent le déclassement en expansion. de la forêt et la restitution de leurs Nous recommandons donc qu’avant le terres pour lesquelles ils pourront ensuite zonage de la réserve, un inventaire fau- demander des titres fonciers. Suggestions et conclusion nique et floristique exhaustif soit réalisé afin de connaître les zones qui ont encore Pour un aménagement durable de la un fort potentiel et qui pourraient être Le bois d’œuvre réserve, le transfert de la gestion d’une classées en forêt communale. Les zones Le conflit pour le bois d’œuvre survient partie de la réserve à la commune urbaine dégradées et qui ne présentent plus quand un membre de la communauté de Mbalmayo et la responsabilisation des un grand intérêt pour la conservation ou un étranger scie un arbre dans une populations à travers la restitution de pourraient être restituées aux popula- parcelle de terre dont il n’est pas « pro- quelques droits nous semblent être des tions riveraines, du moins le droit d’y priétaire ». Il y a également conflit quand solutions possibles.

Juillet 2010 28 66/67 La réserve forestière de Mbalmayo cultiver librement. Dans ces zones il fau- Bibliographie OWONA NDONGO P. 2007. Cartographie de la végé- drait recourir aux droits ancestraux pour tation et de l’occupation de la réserve forestière attribuer les parcelles aux populations JMN. 2005. Composante environnementale de de Mbalmayo. Mémoire de Master 2 Acteurs et locales afin d’éviter des conflits entre l’étude de faisabilité du projet touristique du Nouvelles Territorialités. Université Paul Valery. site d’Ebogo. Rapport final cabinet JMN consul- Montpellier, France. les villages et même entre familles. La tant. 105 p. restitution même partielle de ces droits TEMGOUA L. 2007. Etude préalable à l’aménage- devrait en toute logique avoir des effets LE ROY, E., KARSENTY, A., BERTRAND, A. 1996. La ment de la réserve forestière de Mbalmayo : pra- sécurisation foncière en Afrique, pour une gestion tiques et droits des populations locales. Mémoire positifs et contribuer à la mise en place viable des ressources renouvelables. Karthala, de Master 2 Acteurs et Nouvelles Territorialités. d’une gestion plus durable de la forêt, Paris : 388 p. Université Paul Valery. Montpellier, France.123 étant entendu que la forêt deviendrait MBIDA, R. 2007. Projet de sensibilisation environ- une sorte de capital susceptible de pro- nementale des populations riveraines à la réserve duire des intérêts si les bénéficiaires la de Mbalmayo. Document de travail, ENEF : 14 p. protégent. n

Gestion des produits forestiers non ligneux Joël LOUMETO Coordonnateur national du RIAT-Congo BP 2820 Brazzaville, Congo Email : [email protected] d’origine végétale [email protected] Victor KIMPOUNI Ecole Normale Supérieure dans la réserve villageoise Membre du RIAT-Congo BP 237 Brazzaville, Congo d’Ibolo-Koundoumou au Congo Email : [email protected] Pierre OYO Président de la Conservation de la Faune Congolaise (CFC) populations est parfois controversée. Cet BP Brazzaville, Congo Introduction article a comme objectifs de : Email : [email protected] Au Congo, la gestion de la faune et des – présenter une initiative de création Aires protégées relèvent de la loi n° d’une réserve villageoise ; 37-2008 du 28 novembre 2008 sous la – décrire la gestion des produits fores- tutelle administrative de la Direction de tiers non ligneux dans cette réserve. et deux de chimpanzés (Tchipounga et la Faune et des Aires Protégées (DFAP) Lesio-Louna) sont crées pour la réinser- qui dépend de la Direction Générale de tion des gorilles et chimpanzés capturés l’Economie Forestière. La plupart des Aires protégées du Congo illégalement. aires protégées appartiennent à l’Etat, et Le réseau national compte actuellement sont appuyées par des organismes dont quatorze (14) aires protégées (voir tableau Projet de création l’Union européenne et l’ONG américaine page suivante) qui occupent 3 665 000 ha WCS. Bien que les dispositions légales et soit 11 % du territoire national. d’une réserve villageoise réglementaires l’autorisent, aucune aire Deux parcs nationaux (Nouabalé – Ndoki Différentes étapes protégée n’a un statut autre que celui de et Odzala – Kokoua) sont dotés de plan Le projet d’aménagement et de gestion structure publique. d’aménagement et celui du troisième du Lac Télé/Likouala-aux-herbes, une L’utilisation des ressources biologiques (Conkouati – Douli) est en cours d’élabo- composante du GEF-CONGO, est installée pour la satisfaction des besoins des ration. Un sanctuaire de gorilles (Lossi) à Epéna (Département de la Likouala,

29 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

Les aires protégées au Congo Celle-ci est cogérée par les populations Désignation Superficie actuelle (ha) année création avec l’appui technique de la CFC et de ou d’extension l’administration forestière (la Direction régionale des Eaux et Forêts de la Likouala Parc National Odzala-Kokoua 1 354 600 1999 devenue depuis la Direction départemen- Parc National Nouakouale-Ndoki 386 592 1993 tale de l’Economie forestière). Parc National Conkouati-Douli 504 950 1999 Réserve communautaire du Lac-Télé 438 960 1999 La réserve d’Ibolo-Koundoumou Réserve de faune de Léfini 630 000 1951 Le Département de la Likouala couvre Réserve de faune Mont-Fouri 15 600 1958 66 044 Km2 sur six districts dont Epéna 2 Réserve de Nyanga-Nord 7 700 1958 qui s’étend sur 30 044 Km et comptait, en 2000, 12 526 habitants dont 800 à Ibolo Réserve de faune de la Tsoulou 30 000 1963 et Koundoumou. Réserve de Biosphère de Dimonika 136 000 1988 Domaine de chasse du Mont Mavoumbou 42 000 1958 Les limites initiales de la réserve vil- Domaine de chasse de Nyanga Sud 23 000 1958 lageoise d’Ibolo-Koundoumou (en vert sur la carte) couvraient 6 840 ha dont Sanctuaire de Gorilles de Lesio-Louna 44 000 1999 4 040 ha pour Ibolo et 2 800 ha pour Sanctuaire de Gorilles de Lossi 35 000 1999 Koundoumou, soit la zone de récolte vil- Sanctuaire de Chimpanzés de Tchimpounga 7 000 1999 lageoise qui s’étend à 7 km des villages Sanctuaire de Chimpanzés de Nkounkou Inclus dans et qui inclut les villages, les champs, (HELP-Congo) Conkouati-Douli la zone de pêche et la zone de chasse Source : Direction de la faune et des Aires Protégées/MEFE banale. Cette zone, surexploitée par les populations car jouxtant les villages, assure la récolte des produits nécessaires Nord du Congo), grâce au financement exclus de la zone à protéger. Dès lors, au à la survie des familles (gnetum, pois- du Fonds pour l’Environnement Mondial regard des menaces de braconnage qui sons, petit gibier). Les espèces anima- (FEM). pesaient sur leurs ressources forestières, les protégées (gorille, éléphant, buffles, les notables d’Ibolo demandèrent qu’une Ce site d’une superficie de 1 050 000 potamochères, chimpanzés, etc.) y sont partie de leur forêt obtienne le statut de hectares sans statut de protection fait rares et une extension de l’aire conser- forêt privée et soit classée en réserve l’objet de divers travaux : délimitation, vée au-delà de la zone de production villageoise sous leur contrôle avec le préparation du dossier de classement villageoise s’est avérée nécessaire pour concours du projet Lac Télé/ Likouala-aux- en réserve, collecte de données socio- prendre en compte la distribution spa- herbes. Ainsi germa l’idée d’une réserve économique et biologique de base, éla- tiale des populations animale et végétale villageoise, notion nouvelle, jamais expé- boration du plan d’aménagement et de qui déterminent le mode d’exploitation rimentée dans la législation forestière gestion, sensibilisation et éducation de la des ressources forestières du village. congolaise. En effet, la loi 16- population, et identification des activités 2000 du 20 novembre 2000 de substitution à la chasse (comme l’api- portant code forestier congo- culture et l’agriculture) en faveur des lais indique que le domaine populations locales. forestier national est subdivisé Pour informer et sensibiliser leurs popu- en domaine forestier de l’Etat lations sur la notion de réserve qui leur et en domaine forestier des était jusque là inconnue, 27 villages furent personnes privées (article 3). visités, dont Ibolo et Koundoumou situés L’Etat reconnait les droits des à 3 kilomètres d’Epéna sur la rive gauche propriétaires des forêts privées de la Likouala-aux-herbes. Le concours (article 35). des populations locales et les enquêtes Le projet de création, d’amé- socio-économiques ont permis d’élaborer nagement et de gestion de des cartes des terroirs villageois, d’avoir la réserve villageoise d’Ibolo- de plus amples informations sur l’état des Koundoumou est une démar- ressources naturelles et sur leurs modes che originale dans le cas traditionnels d’exploitation, ainsi que sur du Congo. Il est basé sur la les zones de conflits entre les différents demande faite à l’ONG Conser- villages et parfois entre les familles. vation de la Faune Congolaise Grâce à ces informations, la délimitation (CFC) par les habitants des d’une zone à protéger de 438 960 ha fut deux villages de les aider à proposée. Pour des raisons de maté- élaborer un projet de conser- rialisation des limites, les terroirs de vation. Chaque village céda Matoko, Ibolo et Koundoumou sur la rive une portion de sa forêt pour Carte de l’aire conservée des communautés gauche de la Likouala-aux-herbes, ont été créer cette réserve villageoise. d’Ibolo-Koundoumou.

Juillet 2010 30 66/67 Réserve villageoise d’Ibolo-Koundoumou

Les limites initiales ont donc été repous- Le commerce des PFNL sées pour faire passer l’aire de conser- vation de 6 840 à 40 778 ha. On a ainsi 27 espèces différentes sur les quarante pu inclure la zone de forte concentration sont récoltées par chacun des deux vil- animalière où des espèces clés, telles lages (Loumeto et Kimpouni, 2004). Des que le gorille, ont été trouvées. Cette échanges commerciaux ont lieu au sein extension devrait à terme, contribuer à du village, entre Koundoumou et Ibolo et contenir la forte pression exercée par avec les zones suburbaines d’Epéna et les populations des villages voisins sur d’Impfondo (Chef-lieu du Département les ressources naturelles. La stratégie de la Likouala). de conservation communautaire tient Si Ibolo achète à Koundoumou des pro- en effet compte de ces villages et, ainsi, duits de la cueillette, la réciproque n’est permet, à partir d’un plan concerté de pas vraie. Ce commerce, représente 15% gestion des terroirs, de régler ou d’atté- des ressources collectées à Koundoumou nuer les conflits entre villages. dont l’igname bulbifère ou « pomme en l’air » Dioscorea bulbifera L. var. bulbifera, Gestion des Produits l’arbre oléagineux Panda oleosa Pierre, des Marantaceae (feuilles de diverses forestiers non ligneux espèces) et des champignons (diverses Les populations d’Epéna dépendent for- espèces). tement des PFNL. Plus d’une quaran- Les villes d’Epéna et d’Impfondo repré- taine de taxons appartenant à plusieurs sentent les marchés privilégiés de la zone familles sont utilisés (Loumeto et Kim- Ibolo-Koundoumou.. 78 % des produits de Andok ou « manguier sauvage ». © Ch. Doumenge pouni, 2004). Ces plantes fournissent des la cueillette de Koundoumou sont expor- aliments (légumes, huile végétale, épices, tés vers Epéna et 11 % vers Impfondo. etc.), des médicaments, des biens et des La forêt et les communautés Ce sont : services. Certaines espèces sont à usages riveraines – vers Epéna : Treculia africana Decne, multiples. Symphonia globulifera L., Manniophyton Les riverains de la réserve villageoise fulvum Muell.-Arg., Guibourtia demeusei d’Ibolo-Koundoumou tirent leur existence (Harms) Léon., Cola sp. (matengoula), de celle-ci. Elle reste de loin la première Marantaceae (diverses espèces.), Raphia source de nourriture, de médicaments, de sp., Cola acuminata (P.Beauv.) Schott & communion spirituelle avec les esprits, Endl., Cola nitida (Vent.) Schott & Endl.., etc. La majorité des produits de la forêt Aframomum sp., Gnetum africanum provient des arbres et des arbustes. Welw., Gnetum buchholzianum Engl., Chy- Contribution à l’alimentation tranthus atroviolaceus Bak.f. ex Hutch. & des populations locales Dalz., Gambeya sp., Myrianthus arboreus R.Br., Garcinia sp., champignons (diverses Les recettes alimentaires s’articulent espèces), Eremospatha sp., Ancistrophyl- souvent, autour des feuilles-légumes, lum sp., Landolphia sp., Synsepalum notamment Gnetum africanum et Gnetum Gnetum. © Silva/Riat sp., Pachystela brevipes (Bak.) Baill. ex buchholzianum et intègrent d’autres pro- Engl. ainsi que deux espèces en cours de duits comme les champignons ou des détermination ; arbres : Panda oleosa, Treculia africana. Sur la quarantaine d’espèces récoltées – vers Impfondo : Aframomum sp., Il est cependant intéressant de noter que en majorité dans des zones inondables, Gnetum sp. et Garcinia sp. certaines plantes, dont les vertus alimen- 43 % sont alimentaires ; 19 % alimentaires taires semblent avérées, ne sont utilisées Ibolo aussi écoule une partie importante et médicinales ; 5,4 % donnent des ali- que pour des raisons médicinales. de la cueillette vers Epéna (48 %) et vers ments et des services ; 16 % fournissent Impfondo (22 %). Plusieurs fruits n’intéressent que les des services ; 2,7 % des services et des – vers Epéna : Heterotis decumbens enfants, les adolescents et les femmes médicaments et 13,5 % sont uniquement (P.Beauv.) Jacq.-Fél., Hibiscus sp., Maran- enceintes : Aframomum giganteum (Oliv. médicinales. taceae (diverses espèces), Cola sp., & Hanb.) K. Schum., Aframomum cf. citra- Les organes récoltés pour la satisfac- Aframomum sp., Gnetum sp., Chytran- tum (Pereira ex Oliv & Hanb.) K. Schum., tion des besoins des populations se thus atroviolaceus Baker f., Myrianthus Cola sp., Dioscoreophyllum cuminsii répartissent ainsi : fruits 35,1 % ; écorce arboreus P.Beauv., miel, champignons (Stapf) Diels, indéterminé 2 (Mabele ma et fruits 2,7 % ; feuilles 13,5 % ; graines (diverses espèces), Eremospatha sp., mboko), Myrianthus arboreus, Pachys- 8,1 % ; graines et fruits 2,7 % ; tiges Ancistrophyllum sp. et Landolphia sp. ; tela brevipes, Pentadiplandra brazzeana 8,1 % ; résines 5,4 % ; plante entière – vers Impfondo : Irvingia gabonensis Baill. et Synsepalum dulcificum (Schum.) 2,7 % ; sève 2,7 % ; feuilles, fruits et (Aubry-Leconte ex O’Rorke) Baill., Cola Baill.. Au stade actuel des connaissances, sève 5,4 % ; écorce 5,4 % ; arille 2,7 % et sp., Gnetum sp., Garcinia sp., Eremospa- ces espèces ne semblent avoir que peu bulbilles 2,7 %. tha sp. et Ancistrophyllum sp. d’avenir sur le marché des PFNL.

31 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

Malgré le nombre d’espèces alimentaires récoltées, les populations d’Ibolo-Koun- doumou ne basent pas leur alimenta- tion sur les PFNL d’origine végétale. Pour beaucoup de personnes le caractère ali- mentaire de ces produits n’est connu que par les informations véhiculées selon la tradition. En effet, le temps consacré à la cueillette des PFNL est faible, sauf pour les feuilles de Marantaceae, de Gnetum sp. et pour les graines de Cola sp. Dans la majo- rité des cas, la collecte des PFNL se fait au hasard des déplacements en forêt. La forêt source de médicaments Le terroir d’Ibolo-Koundoumou est pour les populations riveraines une source de médicaments apparemment peu impor- tante. La quasi absence de tradipraticiens ne favorise pas l’exploitation des vertus naturelles des plantes. Les plantes médi- cinales semblent moins utilisées qu’au plan national (Bouquet 1969 ; Adjano- © C. Doumenge houn & al. 1988) car les membres de la communauté utilisent couramment les les fléchettes et les sagaies. Les écorces bles surfaces par individu et est tournée produits de l’industrie pharmaceutique. de Zanthoxylum sp. sont ichtyotoxiques. vers l’autoconsommation. Les périodes Néanmoins, une part non négligeable des Les troncs de Sarcocephalus diderrichii de jachère sont plus ou moins longues produits récoltés sont des stimulants, De Wild. et Staudtia kamerunensis Warb. sans dépasser le stade de vieille forêt principalement des aphrodisiaques pro- sont creusés en pirogues et les pagaies secondaire. venant de fruits: sont faites en Staudtia kamerunensis. Aframomum melegueta A Ibolo et Koundoumou, les rotations sont K. Schum. Musanga cecropioides R. Br. et Polys- , Cola acuminata, Cola nitida, longues et les jachères recensées ont cias fulva (Hiern) Harms servent pour Dioscoreophyllum cuminsii, Garcinia kola jusqu’à trente ans. Les terroirs sont, pour Hackel Oliv. et les tam-tams, Sarcocephalus diderrichii, , Garcinia mannii indé- leur gestion, sous l’influence clanique. L’usage Staudtia kamerunensis pour les pétrins terminé 2 (Mabele ma mboko). Mais, la rareté et la faible superficie des des racines de certaines espèces est et les mortiers et Massularia acuminata terres exondées ont induit d’autres méca- également important : celles de (G. Don) Bullock ex Hoyle pour les rou- Mos- nismes de gestion. A chaque saison, la Didr. leaux et les pilons. Les différentes espè- tuea brunonis et Mostuea hirsuta zone forestière à défricher pour les cultu- (T.Anders. ex Benth.) Baill. ex Bak. sont ces de Raphia sp. sont utilisées pour res vivrières est délimitée de commun aphrodisiaques et celle d’ est fabriquer les nasses et les tuiles végéta- Olax sp. accord par le comité du village et les antivenimeuse. La résine de les pour le toit des habitations. Guibourtia sages. Cette zone est répartie équitable- est aussi très utilisée contre la demeusei Conservation des produits ment entre les différents membres de diarrhée. D’autres plantes, qui ne nous de la cueillette la communauté villageoise dont chacun sont pas connues, servent à des pra- reçoit moins de 0,5 ha. Lors du défriche- tiques magico-thérapeutiques qui font Les produits de la cueillette, issus de la ment, chacun laisse sur pied les arbres l’objet d’une grande discrétion. flore sauvage, sont presque tous utilisés utiles (Cola sp., Garcinia sp., Sarcocepha- à l’état frais. Le manque de moyens de lus diderrichii et Staudtia kamerunensis La forêt source de services conservation peut conduire au gaspillage etc.) qui deviennent sa propriété privée. de la ressource. Le développement de Les services que les communautés rive- Ces arbres seront, plus tard, abattus et méthodes efficaces de conditionnement raines tirent de la forêt sont nombreux sciés selon les besoins. Cette affecta- et de conservation est essentiel pour et diversifiés comme le montrent les tion des terres devient permanente ou l’amélioration des revenus que les popu- quelques exemples ci-après. Les rotins presque, les individus réoccupent les lations peuvent tirer des PFNL notam- (Ancistrophyllum sp. et Eremospatha sp.) mêmes parcelles lors des rotations ulté- ment de Cola sp., Gnetum sp., Irvingia servent pour les mobiliers, les corda- rieures. Les arbres conservés sur pied sp., Piper guineense Schum. & Thonn. et ges et les hottes. Des résines servent à garantissent la valeur économique des aussi des rotins (Ancistrophyllum sp. et l’éclairage (Guibourtia sp.) et à calfater terrains ; ils indiquent aussi la propriété Eremospatha sp.). les pirogues et autres objets (Symphonia du terroir. globulifera). Les fibres deManniophyton Gestion traditionnelle du terroir fulvum servent à confectionner des filets Les cultures de rente (cacaoyères) sont des PFNL de chasse. Diverses espèces des Maran- permanentes et occupent la plus grande taceae servent à l’emballage. Le latex Dans la zone, l’agriculture itinérante sur partie des terres fermes du territoire de Strophanthus sp. sert à empoisonner brûlis domine, elle implique des fai- d’Ibolo-Koundoumou.

Juillet 2010 32 66/67 Conclusion Les aires protégées couvrent plus de 10 % du territoire national congolais. Elles Conserver appartiennent presque toutes à L’Etat. On devrait promouvoir les aires protégées privées ou communautaires puisque les dispositions légales et réglementaires le ou manger permettent. Par conséquent, l’initiative de l’ONG Conservation de la Faune Congo- laise (CFC) visant à répondre aux préoc- cupations des populations des villages la forêt ? d’Ibolo et de Koundoumou est à encou- rager. Cela traduirait une responsabilité et Le paradoxe des paysans en une prise de conscience plus grandes de la part des communautés locales, dans le cadre de la bonne gestion de la faune périphérie de Kinshasa, RDC et de la flore. Aires protégées traditionnelles du Bas-Congo Les PFNL constituent une source de reve- nus et d’autoconsommation importante NSIMUNDELE NKONDO Léopold, MARIEN Jean-Noël et PELTIER Régis, pour les populations locales dont les ini- Directeur du Jardin Botanique de Kisantu, Chercheurs, République Démocratique du Congo UR 105, CIRAD-ES, TAC-105/D, Baillarguet, tiatives peuvent être valorisées, à l’image Email : [email protected] 34398 Montpellier Cedex 5, France des kolatiers laissés sur pied dans les Email : [email protected] DIANSAMBU MAKANUA Isaac, zones de plantation et exploités pour [email protected] Enseignant-chercheur de l’Ecole Régionale Post leurs fruits. L’encadrement des popula- Universitaire d’Aménagement et de Gestion VERMEULEN Cédric, tions semble nécessaire pour exploiter Intégrés des Forêts et Territoires Tropicaux ULG/Gembloux agro-bio-tech, Unité GRFMN, au mieux cette richesse biologique. La (ERAIFT), Université de Kinshasa, B.P. 15.373, Laboratoire de Foresterie tropicale création d’aires protégées villageoises Kinshasa, République Démocratique du Congo et subtropicale, peut contribuer à apaiser les conflits Email : [email protected] Passage des Déportés, 2 B-5030 Gembloux, Belgique DUBIEZ Emilien et PROCES Pierre, récurrents entre la nécessité de satisfaire Email : [email protected] les besoins vitaux des populations rive- Projet Makala, 57 Avenue des Sénégalais, Gombé, Kinshasa, R.D.Congo raines et le respect des dispositions de Email : [email protected] gestion des aires protégées. n [email protected]

Mots clés : Restauration des forêts naturelles, Arbres à usages multiples, savoir-faire locaux, Reboisement, Bois énergie, Congo Démocratique, Agroforesterie

culture sur brûlis et y récolter du bois et Introduction produire du charbon.

Bibliographie Jadis couvert par des savanes arbustives Paradoxalement, ces populations, accu- Adjanohoun E. J., Ahyi A. M. R., Ake Asi L., entrecoupées d‘îlots de forêt dense, le sées à juste titre de dégrader les APE, Baniakina J., Chibon P., Cusset G., Doulou V., sud-ouest de la République Démocratique respectent très souvent de petites Aires Enzanza A., Eyeme J., Goudote E., Keita E., du Congo présente aujourd’hui un pay- Protégées Villageoises (APV) : forêts Mbemba C., Mollet J., Moutsambote J. M., sage bien différent (Drachoussoff, 1947). Mpati J. & Sita P. (1988). Contribution aux études sacrées lignagères ou îlots forestiers indi- ethnobotaniques et floristiques en République En raison d’interventions anthropiques, viduels à usages multiples. Populaire du Congo : Médecine traditionnelle et les savanes herbeuses remplacent peu à pharmacopée. ACCT, Paris, 605 p. peu les savanes arbustives, tandis que les Bouquet A. (1969). Féticheurs et médecine tradi- forêts laissent la place à des jachères très Les aires protégées tionnelle du Congo (Brazzaville). Mém. ORSTOM, dégradées. Les prélèvements de bois de traditionnelles Paris, n° 36, 282 p. chauffe, la production du charbon de bois Loumeto J. et Kimpouni V., 2004. Caractérisation et l’exploitation artisanale aggravés par Depuis plusieurs siècles, dans les Dis- botanique et produits forestiers non ligneux des l’accroissement de la population rurale tricts des Cataractes et de la Lukaya (Bas forêts d’Ibolo-Koundoumou (District d’Epéna, Département de La Likouala). Rapport d’étude, et celle, urbaine, de Kinshasa (8 millions Congo), dans les vallées sèches encais- Conservation de la Faune Congolaise (CFC), d’habitants), ont accéléré la transforma- sées « Beti » ou sur des plateaux plus ou Brazzaville, 58p. tion des biotopes de la région. Les Aires moins étendus « Nzanza », les ancêtres Vennetier P. (1977). Atlas de la République Protégées par l’Etat (APE) n’ont pas été Bakongo se sont constitué des forêts arti- Populaire du Congo. Edition Jeune Afrique, épargnées, la faune a été décimée et ficielles Nkunku( ) d’espèces locales qu’ils Paris, 65 p. les populations riveraines se sont réap- ont enrichi progressivement en plantes à proprié les forêts pour y pratiquer l’agri- usages multiples, locales ou exotiques.

33 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

Selon la tradition orale Batonga, l’un de saient l’établissement, les interventions bres « bornes » caractéristiques comme leurs buts était de se constituer des gîtes et l’usage de ces formations forestières. Milicia excelsa, Ceiba pentandra, Millettia pour le gibier. En effet, avant la colonisa- laurentii, Croton mubango, Ficus lutea, tion, la chasse au moyen de filets et de Newbouldia laevis) … (voir tableau, page fosses aveugles permettait de capturer Des aires protégées 36, avec emprunt à Butaye, 1909, Gillet et des animaux vivants. Le gibier trop jeune traditionnelles encouragées Paque, 1910, et Daelman et Pauwels, 1983, et les femelles gravides n’étaient pas par l’administration pour les noms et usages Kikongo). abattus mais introduits dans le Nkunku forestière avec certains animaux spéciaux, comme Il y a alors possibilité d’introduction le Pangolin (Manis spp.), qui étaient Devant l’utilité manifeste de ces tradi- éventuelle de rats (par exemple Criceto- destinés aux chefs du clan. Un autre tions de protection et de reconstitution mices) et autres petits gibiers capturés objectif du Nkunku était de protéger les des forêts, l’Administration coloniale à vivants et plantation d’espèces végétales villages contre les ennemis éventuels en encouragé et règlementé la création et la d’utilités diverses. Les espèces arborées constituant à proximité du village une gestion des Nkunku (le décret du 11 avril exotiques sont souvent plantées en bor- zone moins combustible que la savane 1949 contient les textes officiels organi- dure selon les recommandations des qui pourrait servir de lieu de refuge sant et délivrant les permis d’ouverture agronomes ou des forestiers (en général en cas d’agression. A ces buts s‘ajou- des Nkunku). plants en sachets) alors que les espè- ces locales sont multipliées par différen- taient la reconstitution de la fertilité des Par la suite, le système Nkunku s’est tes méthodes traditionnelles (boutures, sols, la création de réserve foncière pour vulgarisé et répandu auprès des notables éclats de souche, repiquage de sauva- l’agriculture, la production de bois de et même des simples villageois qui ont, geons, etc.) pour constituer le mélange construction, la cueillette de chenilles et à leur tour, établi des Nkunku personnels d’espèces forestières recherché (Latham autres produits forestiers non ligneux : d’étendues diverses. Les pratiques de et Konda ku Mbuta, 2007). Le site est pro- plantes magiques, fruitières, mellifères, lâchers de gibier se sont perpétuées dans tégé chaque année par l’entretien d’un pharmacopée, plantes stimulantes, etc. les milieux coutumiers traditionalistes, pare-feu avant la saison sèche et toute renforcés par la règlementation officielle Encore aujourd’hui, on trouve égale- récolte est interdite jusqu’à l’installation sur la chasse. ment des peuplements forestiers pro- d’un couvert forestier jugé satisfaisant. tégés à l’emplacement des anciens L’autorisation de cultiver ne sera accor- villages (Voka), des cimetières (Mbansa) Les différents types dée que sur des parcelles de surface et anciens cimetières (Bikinda) et des de Nkunku très limitée et une longue jachère sera tombes des grands ancêtres (Mfundu). imposée ensuite pour la reconstitution Sur le plateau des Batéké, les villages Le Nkunku de Protection du village du couvert forestier. traditionnels Teke s’enorgueillissent aussi créé par protection d’une forêt de posséder des agroforêts construites de dégradée existante Le Nkunku Nsalu constitué sur savane main d’homme (Mpo) sur les lieux d’an- Pour créer ce type de Nkunku, il faut tout ciens villages où les arbres fruitiers et à d’abord rechercher une forêt pas trop Les cultures vivrières installées en savane usages multiples, locaux ou exotiques, dégradée appartenant au clan. Celle-ci donnent l’occasion aux propriétaires ont été protégés et se sont dévelop- est alors délimitée par la plantation d’ar- avisés de créer rapidement, avec peu pés grâce à la régénération naturelle. Le déplacement des villages toutes les deux ou trois générations permet d’agrandir Photo 1. Défrichement en forêt. © R. Peltier ces Mpo indispensables à la cueillette. D’autres cas isolés de protection du patri- moine forestier existent comme le village de Mutiéné qui a conservé une forêt naturelle de plusieurs dizaines d’hectares et celui de Kaméléon qui sauvegarde une forêt marécageuse de quelques hectares. Ceci n’empêche pas que ces mêmes populations pratiquent régulièrement l’essartage sur le reste du terroir.

Le système Nkunku en pays Bakongo Dans l’organisation sociale Kongo chaque clan était constitué par 3 lignées, le Chef de chacune d’elle était tenu d’établir sur ses terres son propre Nkunku, le plus étendu étant celui du Chef du clan. Des lois coutumières spécifiques régis-

Juillet 2010 34 66/67 Conserver ou manger la forêt ?

tification des différents espaces a été faite, premièrement, à l’aide de cartes participatives. Le positionnement des Voka (sites d’ancien village) et des ter- roirs a ensuite été réalisé à l’aide d’un récepteur GPS. On compte 16 Voka sur le terroir dont la superficie est inférieure à un hectare soit une surface totale de 10 ha. Le finage de Kinduala couvre 690 hectares et les APV ne couvrent donc qu’un pourcent et demi de l’espace. Ces Voka ne sont pas homogènes dans leur composition botanique. Certains sont composés exclusivement de palmiers à huile (Elaeis guineensis), associés à des cultures de rente, tandis que d’autres Photo 2. Charbon de bois de forêt naturelle. © R. Peltier présentent encore un réel caractère forestier. de travail, un type de Nkunku dénommé vestiges de formations forestières, dont « Nsalu ». L’essartage agricole prélimi- l’origine anthropique évidente traduit naire est suivi de la plantation et de l’existence d’anciens villages abandonnés Des aires protégées la récolte du manioc, des patates, des « Voka » ou de cimetières « Mbansa ». villageoises de plus en plus ignames, etc. Ces cultures ameublissent le sol et provoquent une modification Dans ces Voka et Mbansa, on trouve menacées temporaire du milieu favorisant l’installa- généralement des espèces végétales à usage religieux (Brillantaisia patula, Alors qu’à l’accession de la République tion d’espèces végétales dont les graines Démocratique du Congo à l’Indépendance sont apportées par les vents, les oiseaux, Cola acuminata etc.), à usage de clôtu- res (Ficus bubu, Ficus lutea, Dracaena (1960), sa population était de 14 000 000 les petits rongeurs, etc. Lors de l’abandon d’habitants, elle a dépassé 50 000 000 en des cultures, la protection contre les feux reflexa, etc.) et fruitières (Mangifera indica, Dacryodes edulis, etc.) auxquelles 2007. Pendant la même période, la popu- de brousse et l’introduction complémen- lation de la capitale Kinshasa bondissait taire d’essences forestières et fruitières se sont jointes d’autres espèces croissant naturellement (tableau page suivante). de 400 000 à près de 8 000 000 d’habi- utiles conduisent à l’obtention d’un Nsalu tants. Corrélativement, les prélèvements en 4 à 6 ans. Ces Mbansa sont souvent associés à des pratiques religieuses locales, ce qui croissants en bois de chauffe, en bois d’œuvre et pour la production du char- Les Nkunku Voka et Mbansa contribue en quelque sorte à leur pro- tection. bon de bois ont accéléré la dégradation sur anciens villages ou cimetières des biotopes de la région, aggravée par En observant certains plateaux et col- La carte ci-dessous montre les finages l’introduction généralisée de la tronçon- lines des régions des Cataractes et de et terroirs du village de Kinduala. Elle a neuse (photo 1) et par l’absence d’éner- la Lukaya, on remarque la présence de été réalisée par le projet Makala. L’iden- gies alternatives.

Mouvements migratoires et Nkunku des anciens hameaux du finage villageois de Kinduala. Ainsi, depuis une dizaine d’années, de nombreux Nkunku ont été saccagés. Ceci est le fait, le plus souvent, d’équipes de bûcherons locaux ou urbains avec la complicité de certains chefs coutumiers. L’organisation sociale est également en partie responsable de cette dynamique. Comme dans une société matrilinéaire, les neveux sont les futurs chefs pos- sibles, ceux-ci cherchent à profiter au maximum du défrichement particulière- ment pendant la période d’intérim qui suit le décès d’un ancien chef ou pendant la période de quasi-vacance de pouvoir qui précède sa mort. Ces neveux sont jeunes et ont la force de produire beau- coup de charbon de bois et, comme ils ne sont pas certains de devenir chef ou de le rester, ils ont hâte de prendre leur « part du gâteau », tant qu’il en est encore temps.

35 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

Nom local Hôte Fr+C Bois Clôt Ph+M Mag ANACARDIACEAE Pseudospondias microcarpa Nyibu Fr En Med APOCYNACEAE Funtumia africana Kimbaki Hch Co + En BIGOGNIACEAE Markhamia tomentosa Nsasa T/G C/T Med BURSERACEAE Canarium schweinfurthii Kibidi Hch Fr Co Dacryodes edulis Nsafu Hch Fr Mo Med CECROPIACEAE Myrianthus arboreus Muntusu Fr Med EUPHORBIACEAE Ricinodendron heudelotii Kingela HCh En Milletia laurentii Kiboto Co + En C/NV Med M. versicolor Mbota HCh Mo + En C/NV+C/T Med M. eetveldeana Kibuengi HCh Co + En C Med FABACEAE Entanda abyssinica Nsiesa Hch En Med Senna spectabilis Mbwenge mputu En + Mo FLACOURTIACEAE Oncoba welwitschii Kisani HCh En Med MIMOSACEAE Albizia adianthifolia Kimulu, mulu HCh En Med Mag Pentaclethra eetveldeana Kiseka HCh En C/NV Med P. macrophylla Ngansi HCh En Med Piptadeniastrum africanum Nsinga nsinga HCh Co MORACEAE Milicia excelsa Nkamba Hch Co + En Med OCHNACEAE Ochna afzelii Kidimbi, Ngonti HCh En Med RUBIACEAE Crossopteryx febrifuga Kigala HCh En Med

Hôte Plantes hôtes d’animaux comestibles (che- Mag Plantes à usage magique ou produisant Mag Plante à usage magique nilles et oiseaux) un poison d’épreuve Mas Masticatoire Bois Bois et usages divers (manches d’outils, tam- En Plante pour la production de charbon Med Plante médicinale tam, gongs, bois de construction, osselets, de bois T/G Tam tam, Gongs glu, énergie) HCh Plantes hôte chenille Gr Grelots Clôt Clôture et délimitation foncière des Nkunku, Hox Plante hôte pour oiseaux Co Bois de construction villages ou tombeaux Glu Latex pour fabrication glu C Condimentaire Ph+M Pharmacopée et masticatoire MO Manches d’outils Fr Plante fruitière Fr + C Arbres produisant des fruits commestibles ou C/NV Délimitation des Nkunku et des Villages PE Poison d’épreuve des condiments C/T Clôture tombeaux OS Osselets En Energie

A titre d’exemple, dans la région de Kisantu, (150 km de Kinshasa), les exploi- tants peuvent négocier la coupe d’un îlot forestier d’un quart d’hectare à envi- ron 100 000 Francs Congolais (80 €). Ils en retireront une centaine de sacs de charbons de 60 kg environ, qui seront revendus à Kinshasa entre 11 000 FC/sac et 13 000 FC/sac selon la saison, soit un total brut de 750 000 FC (photo 2). Ce fructueux commerce rend la protection des Nkunku très difficile.

Et pourtant la pratique du Nkunku, pro- fondément ancrée dans le subconscient des Bakongo, pourrait devenir un auxi- Photo 3. Récolte liaire efficace de la politique de restau- de champignons. ration des forêts dégradées et contribuer © R. Peltier

Juillet 2010 36 66/67 Conserver ou manger la forêt ?

à la sauvegarde de la diversité biologique de Kola (Cola acuminata) et les mangues multiplication végétative…) utile à la et à son utilisation durable. (Mangifera indica). Ceci est réalisé avec reconstitution de ces espaces forestiers la collaboration de la Coopérative des multi-usages. agriculteurs du Bas-Congo (COABAC) qui Quant aux « gangs de charbonniers La situation aujourd’hui compte 900 membres et totalise près de urbains sans foi ni loi » qui menacent Le faciès actuel que présente la région du 3 000 ruches. Bas Congo est celui d’une savanisation ces petits îlots de paradis, espérons que avancée, dont la flore est gravement Le projet européen « MAKALA » qui se les piqures des abeilles, alertées par l’al- appauvrie dans sa diversité. Les Nkunku propose de « gérer durablement la res- lumage des tronçonneuses, seront plus « protection du village », les Nkunku source bois énergie en RDC », et qui a dissuasives qu’une police forestière peu n « Nsalu » et « Voka » ont pour la plupart commencé ses actions en février 2009 nombreuse et peu opérationnelle. disparu, laissant la place à des forma- (Direction du Développement Durable tions herbeuses et arbustives. La cupidité de Kinshasa, Direction du Reboisement des charbonniers et autres exploitants et de l’Horticulture, Service National de forestiers va jusqu’à abattre toute espèce Reboisement Congo, Jardin Botanique, ligneuse de quelque dimension, même CIRAD, CIFOR, ERAIFT, Fondation Hanns plantée au cœur du village. Aujourd’hui, Seidel, Gembloux Agro-Bio-tech, Univer- dans cette région, avec la raréfaction de sité de Kisangani, CRDPI), se propose de certaines plantes hôtes, plusieurs espè- renforcer cette dynamique de création ces de chenilles ont disparues, de même ou d’enrichissement des Nkunku, tout que des champignons jadis récoltés sur en contribuant à en sécuriser le droit la litière (photo 3). Le bois de chauffe est foncier dans le respect du droit tradi- également devenu rare et les villageois tionnel. Il faudra également aider ces vont le rechercher de plus en plus loin. Le « agroforestiers » traditionnels à trouver gibier a lui complètement disparu… des méthodes d’exploitation « furetées » qui permettent de récolter les arbres en surnombre ou dépérissants pour fabri- Perspectives quer du charbon. Ceci est particulière- Les connaissances et pratiques ances- ment vrai pour des arbres mellifères trales de reconstitution des forêts peu- à croissance rapide mais à durée de vent se révéler très utiles pour compléter vie limitée, comme Acacia auriculiformis la panoplie des mesures utilisées pour qui pourraient être plantés en limite du tenter d’arrêter la dégradation de la flore Nkunku. Il faut noter que ce type de et l’appauvrissement de la diversité bio- haie, à base d’espèces exotiques, reste logique. le meilleur moyen d’affirmer que la forêt a été construite ou réhabilitée de main Déjà, depuis une dizaine d’années cer- d’homme (même si elle est constituée tains projets, comme le Projet de Déve- en majorité par des espèces locales) et © R. Peltier loppement Intégré de l’Armée du Salut qu’elle n’est donc pas un simple « don (PDI-AS, 2002 et Latham, 2003), préco- du ciel » que quiconque peut défricher nisent la restauration des Nkunku pour pour se l’approprier et la mettre en l’élevage des chenilles, des abeilles culture. L’accompagnement de ces « agro- Bibliographie et du petit gibier ainsi que pour la récolte forestiers » passera de produits fores- Butaye, R. : Dictionnaire kikongo-Français et également par l’ap- Français-Kikongo (1909) tiers non-ligneux prentissage des Daelman, J. et Pauwels L. : Notes d’ethnobota- (divers fruits, méthodes simpli- dont les Safou nique Ntandu (Kongo). Musée royal de l’Afrique fiées de produc- Centrale, Tervuren, p. 151-255 (1983) (Dracryodes tion de matériel Drachoussoff, V. : Essai sur l’agriculture indi- e d u l i s ) , végétal (semis, gène du Bas-Congo : Bulletin Agricole du Congo les Noix Belge, 38(3 et 4) : 474-880(1947) Gillet, J. et Paque, E. : plantes principales de la région de Kisantu, leur nom indigène, leur nom scientifique, leurs usages, 120pp, botanique, série V, Bas et moyen Congo (1910) Latham, P. : Edibles caterpillar and their food plants in Bas-Congo; Mystole Publications, Can- terbury, 60pp (2003) Latham, P. et Konda ku Mbuta, A.: Plantes utiles du Bas-congo, 343pp, 2° ed. (2007) PDI-AS, 2002 : Chenilles comestibles du Bas- Congo. P.Latham Eds. Mystole Publications, Canterbury, Kent, U.K. 23 p. © R. Peltier

37 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

La réserve de biosphère de Luki-Mayombe : un modèle de développement durable en Afrique centrale ? Résumé

A la demande de la Coopération Belge au Développement, le World Wildlife Fund (WWF) a initié Bruno Perodeau, en 2004 un projet de protection et de conservation de la Réserve de Biosphère de Luki en RDC. Conseiller Technique Principal WWF-RDC, Les études montraient que l’avenir de la réserve était alors plus qu’incertain car les menaces Directeur des Projets GDF et PAPASA Email : [email protected] qui pesaient sur ses ressources naturelles portaient à environ une dizaine d’années l’échéance Tél. : (00243) 998.913.786 de la disparition du patrimoine naturel de la réserve. Laurent Nsenga, Un plan d’intervention fut développé sur trois axes : institutionnel, technique et populations Assistant de chaire ERAIFT, rurales. Chacun de ses axes se référait à un objectif spécifique permettant, une fois atteint, Conseiller d’aires protégées WWF-RDC, Coordonnateur terrain des projets WWF-Luki de jeter les bases d’actions de conservation et de développement plus ambitieux, mais aussi, Email : [email protected] de motiver les efforts de conservation. Les trois objectifs spécifiques sont : [email protected] Tél. : (00243) 998.204.440 1. Assurer un cadre institutionnel adéquat à la conservation ; 2. Mettre en place et renforcer les capacités locales de gestion technique ; Pierre Nlungu Etudiant en Gestion environnementale 3. Développer des alternatives viables aux activités destructrices des ressources naturelles. des écosystèmes et forets tropicales/ Après quatre années d’efforts soutenus, le WWF estime avoir atteint ses objectifs et avoir foresterie rurale et tropicale Option tropicale, ENGREF, Montpellier transformé Luki en un véritable laboratoire de terrain pour la recherche appliquée et pour Email : [email protected] l’expérimentation de solutions concrètes aux problématiques de protection, de conservation et de développement. Les acquis de cette expérience font l’objet de cet article.

un projet pour améliorer la sécurité ali- ce patrimoine en péril. On espère aussi Introduction mentaire des populations riveraines de que les populations riveraines bénéficie- la réserve de Luki par une production ront d’une amélioration de leur situation La Réserve de biosphère de Luki (RBL) agricole durable et par l’organisation de socio-économique. est située en République Démocratique la commercialisation des produits. du Congo (RDC), dans le District du Bas- Fleuve de la Province du Bas-Congo. Elle Le Programme de développement et La réserve de biosphère a été crée en 1937 comme domaine boisé de conservation de la réserve de bios- de Luki de l’État et était gérée par l’Institut Natio- phère de Luki (PDCL) vient en appui aux D’une superficie d’environ 33 000 hecta- nal d’Etudes Agronomiques au Congo acteurs locaux participant à la gestion et res, la réserve de biosphère de Luki est (Ineac). En 1979, sa gestion a été confiée la conservation de la réserve. Les ressour- une relique forestière unique qui présente au Comité national Man and Biosphere ces financières limitées du projet ont été un potentiel scientifique et touristique (Mab) de l’Unesco. C’est l’une des trois concentrées sur l’appui institutionnel et intéressant, en plus de constituer une Réserves de Biosphère de RDC et elle de gestion technique, et, pour l’appui aux source primordiale de biens pour la popu- reste l’unique échantillon représentatif populations, concentrées sur l’agrofores- lation rurale riveraine. de la flore méridionale du Mayumbe, une terie aux dépens des infrastructures, de région surexploitée où la dégradation des la sensibilisation et de l’éducation. Le pro- Elle a été créée en 1937, avec une aire ressources naturelles, dont dépend large- gramme vient aussi en appui aux acteurs centrale de près de 8 000 hectares, repré- ment la subsistance des communautés locaux, notamment le Mab, l’Inera, les sentative de l’écosystème forestier du riveraines, est rapide. Les fortes pres- Ong locales, les différents services de Mayombe, et des zones tampon et de sions anthropiques sur la réserve dont l’Etat, et les populations locales, principa- transition d’environ 17 000 hectares de l’exploitation illicite des ressources natu- lement celles des enclaves, etc. Le projet forêt naturelle qui ont été remaniées relles, conséquence de l’augmentation ne s’est pas substitué aux structures dès 1948 par des interventions sylvicoles des besoins liée à l’accroissement démo- établies mais a initié la concertation entre (blocs 48 à 55) et agrosylvicoles (blocs 1 graphique, constituent des défis majeurs différents acteurs pour, ensuite, apporter à 14). La pratique sylvicole de l’uniformi- à relever. L’Union Européenne a financé son appui aux actions de conservation de sation par le bas a été considérée comme

Juillet 2010 38 66/67 La réserve de Luki-Mayombe une innovation à la fois technique et sociale. Par une sorte de métayage, elle a permis de reconstituer la forêt dans la réserve et d’améliorer les relations avec les populations locales. Cette pratique agroforestière associait les cultures agri- coles et les essences forestières dont le Limba, telles ces associations que l’on trouve encore actuellement comme celle du bananier au Limba (sylvo-bananier) ou encore du caféier et du cacaoyer au Limba (sylvo – caféier ou sylvo-cacaoyer). Les populations avaient été regroupées dans quatre enclaves villageoises au sein de la réserve. Ainsi, dès sa création, Luki prenait déjà en compte le concept « Mab » de l’Unesco. Au fil du temps, de nombreux autres villages se sont installés le long des axes routiers dans et autour de la Réserve. Devenue réserve de biosphère, Luki s’est étendue incluant même des centres ruraux où se pratiquent des activités économiques. © D. Louppe En plus de son fort potentiel éco touris- tique, la Réserve de Biosphère de Luki feux de brousse incontrôlés, faibles ren- vice présidence de la République, regrou- (RBL) est un centre de recherche agricole dements agricoles, etc. pant les deux ministères de tutelle et les et forestière doté de plusieurs collec- différents acteurs. Cette commission avait tions (vivantes et mortes) qui datent des Les études ont permis de comprendre que pour tâche d’identifier une autorité de années 1950. Ce patrimoine a permis la les problèmes de la réserve de Luki pro- gestion et de faire prendre conscience, mise au point de systèmes de production venaient d’une gouvernance inadéquate, aux populations et aux autorités, de la durables. Luki est un site d’intervention d’un aménagement et d’une gestion des valeur socio-économique de la réserve. prioritaire du Réseau des Aires Protégés ressources insuffisants et de trop fortes Une convention interministérielle, signée d’Afrique Centrale (RAPAC) et est suscepti- pressions anthropiques. en septembre 2006, a mis en place le ble de devenir un modèle d’aménagement Les solutions pressenties étaient les sui- Comité Local de Pilotage chargé de la pouvant conduire à un développement vantes : amélioration de la gestion ins- gestion de la RBL mettant fin à la gestion économiquement viable, socialement titutionnelle et clarification du statut de bicéphale antérieure. Depuis janvier 2007, acceptable et écologiquement durable. la réserve ; réalisation d’études sur la ce comité est composé de six personnes : Luki est ainsi devenu un site pilote dans biodiversité et sur les différentes problé- président : le chef de station de l’Inera ; lequel sont recherchées des solutions matiques/menaces, classement et déli- vice-président : le chef du projet Mab ; concrètes au cercle vicieux de la pauvreté mitation de la réserve ; élaboration d’un un représentant du WWF ; un représen- (augmentation de la population aug- —> plan d’aménagement simple, réhabilita- tant des ONG locales ; le chef de l’enclave mentation des pressions anthropiques —> tion des infrastructures et renforcement de Tsumba-Kituti et un représentant de diminution des ressources naturelles —> de la surveillance ; apport d’un appui aux l’autorité provinciale, conseiller chargé augmentation de la pauvreté augmen- —> populations notamment en agroforeste- des institutions extérieures et de la coo- tation des pressions anthropiques). rie, éducation, santé, infrastructures et pération. Plusieurs délégués des commu- micro-credit. nautés locales participent aux réunions Les problématiques trimestrielles dans lesquelles se discutent la gestion et l’aménagement du territoire et les solutions identifiées Principales actions menées dans son ensemble. Les autorités politico Avant l’arrivée de WWF, la gestion de administratives, les autres organisations la RBL était bicéphale (Inera et Mab) à Appui institutionnel d’appui à la gestion de la réserve telles cause d’une double tutelle (Ministère de La première étape de la sauvegarde de la que le Musée royal de l’Afrique centrale la recherche scientifique et Ministère de réserve a été de lui attribuer des statuts de Tervuren en Belgique (MRAC), la FAO, l’environnement). Elle subissait de fortes légaux. Un atelier national a été organisé l’UNESCO, l’Ecole régionale post-universi- menaces anthropiques : agriculture itiné- pour permettre aux différentes parties taire d’aménagement et de gestion inté- rante sur brûlis, braconnage, pêche par prenantes de s’accorder et d’adopter des grés des forêts et territoires tropicaux empoissonnement, exploitation illicite mesures susceptibles de la sauver. Une (ERAIFT), l’Union européenne, etc. sont du bois, production de charbon de bois, commission de travail a été instituée à la également invitées.

39 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

été réhabilitées, six écoles ont été réha- installées dans le pourtour de la réserve. Appui Technique bilitées et équipées, l’adduction d’eau La première phase a consisté à dévelop- La RBL jouit d’un fort potentiel écotouris- de quelques villages a permis de donner per la méthodologie. Le projet prenait en tique renforcé par la proximité de la capi- accès à l’eau potable aux populations. charge, sous forme de rémunération en tale : Kinshasa. Son accessibilité constitue nature, la plupart des risques pris par les Éducation environnementale un atout majeur pour le développement paysans pour expérimenter les systèmes de l’écotourisme et de la recherche. Pour sensibiliser les enfants aux pro- culturaux proposés. La seconde phase L‘appui technique visait à relancer les blématiques environnementales et aux consiste en la promotion des systèmes activités de recherche, à promouvoir la activités champêtres et agricoles, des viables, retenus après calcul des comptes gestion rationnelle des ressources natu- pépinières d’arbres et des jardins sco- d’exploitation. laires ont été initiés dans les écoles. Les relles et à établir le zonage et le plan En collaboration avec l’Ong Graed (Groupe plants et les produits sont vendus et les d’aménagement participatif de la réserve. de recherche d’actions et d’études pour recettes sont utilisées pour l’école. Des Les résultats suivants ont été obtenus : l’éco-développement), une vingtaine de séances de sensibilisation environnemen- un laboratoire de recherche, fruit de la petites fermes modèles ont été instal- tale ont été organisées et des films sur la collaboration entre l’ERAIFT, le MRAC et le lées (schéma ci-dessous). Dans celles-ci faune sauvage ont été projetés dans les WWF, la production de cartes, le bornage on retrouve, de façon intégrée et diver- écoles et les villages voisins. et la pose de panneaux, la création d’un sifiée, les cultures vivrières, le maraî- corps de 20 écogardes et de 5 postes de Reboisement et mise en défense chage, une basse-cour, l’élevage porcin, persuasion et de contrôle, l’organisation des savanes la pisciculture, l’apiculture, la production de la formation des membres du comité de compost, la jachère améliorante et Pour inverser la dégradation des éco- local de pilotage, l’évaluation participative une introduction progressive de systèmes systèmes forestiers, la population est invi- des menaces, forces et opportunités de agroforestiers avec des arbres fruitiers, tée à faire des reboisements selon le sys- la réserve. Le plan d’aménagement par- des arbres à croissance rapide pour le tème taungya qui consiste à planter des ticipatif a été élaboré selon la stratégie bois de feu et des essences de valeur, arbres en association avec les cultures de Séville et le plan d’actions prioritai- etc. L’accroissement du revenu des popu- vivrières. Plus de 200 ha de forêt ont été res a été fait selon un nouveau zonage lations et l’amélioration de leur situation restaurés par le système sylvo-bananier ; correspondant à l’esprit d’une réserve socio-économique diminue leur dépen- et 100 ha reboisés avec des essences à de biosphère. Trois zones ont ainsi été dance vis-à-vis des ressources naturelles croissance rapide pour la production de clairement définies et délimitées : la zone de la réserve. L’idée est d’avoir des initia- bois de feu. Les plantules ont été ache- centrale qui permet de conserver la diver- tives viables et durables qui deviendront tées aux pépinières scolaires par le projet sité biologique et d’étudier les écosystè- des références qui pourront être diffusées au prix moyen de 0,2 $ par plantule et ont mes ; la zone tampon, qui entoure l’aire à l’échelle régionale. centrale, est utilisée pour des activités et été redistribuées aux populations locales. des pratiques écologiquement viables ; et Enfin, 200 ha de savanes anthropiques ont Dans chaque ferme modèle l’agriculture la zone de transition, qui comprend des été mises en défens. itinérante sur brûlis est remplacée par la enclaves et des villages, dans laquelle rotation des cultures qui se termine par Agroforesterie et intensification agricole sont menées un certain nombre d’activi- une jachère améliorée qui va restituer au tés agricoles. Dans cette dernière zone, La population locale est tributaire des sol sa fertilité. Des variétés améliorées les différents acteurs travaillent ensemble ressources forestières pour sa survie : de manioc, d’arachide, de soja, de maïs pour développer et gérer durablement les agriculture itinérante sur brûlis, chasse et de riz seront diffusées grâce à l’éta- ressources de la région tout en mettant commerciale, ramassage des PFNL, etc. blissement de champs multiplicateurs au point des systèmes de production Pour limiter la pression sur les ressources de semences chez des paysans qui ont durables susceptibles de conduire à un forestières, le développement de l’élevage bénéficiés de formations aux techniques développement économiquement viable, et de l’agriculture est incontournable pour culturales vivrières. socialement acceptable et écologique- apporter aux populations des ressources Le maraîchage de type familial est orienté ment durable. alternatives à la chasse et à la coupe com- vers la consommation des ménages et merciale du bois énergie. Les pratiques Appuis aux populations agroforestières devraient permettre de Schéma théorique de la ferme paysanne modèle. Pour réduire la pression anthropique sur sédentariser les pay- les ressources naturelles, un programme sans grâce à des ter- de développement rural intégré a été mis rains fertiles offrant en place pour les populations riveraines. de bons rendements, Cependant, faute de moyens, les volets mais aussi de rendre « santé » et « micro crédit » n’ont pu la viande disponible être réalisés. Les autres volets sont décrits et de diversifier les ci-dessous. recettes des ména- ges. Pour cela, un Infrastructures de base réseau de fermes L’amélioration des conditions de vie des modèles avec des populations dépend en partie des infras- systèmes de produc- tructures. Plus de 50 km de routes ont tion durables ont été

Juillet 2010 40 66/67 La réserve de Luki-Mayombe pour cela la culture des légumes qui res- L’installation d’étangs piscicoles a été 1. Il est impossible de prétendre à une tent longtemps en terre et qui ne posent fortement encouragée quand les condi- conservation des ressources naturelles pas de problèmes de conservation est tions le permettent. 8 fermes sur 20 sans tenir compte des exigences du déve- favorisée : carottes, piments, poireaux, disposent donc d’étangs associés aux loppement économique lorsque les popu- amarante, etc. Cette activité est intégrée à élevages des porcs, poules et canards. lations locales sont tributaires de la nature la pisciculture et à l’élevage des porcs. Le Tilapia nilotica est associé au Clarias. pour leur survie et leur bien-être ; Une station d’alevinage a été aménagée En plus d’être une source alimentaire 2. Les populations locales ne sont pas un afin de fournir les alevins et les géniteurs et de revenu, l’apiculture contribue au problème ou un obstacle à la conserva- aux fermiers. maintien des écosystèmes forestiers par tion, elles sont une partie de la solution. la pollinisation des arbres. Une coopé- Le recours aux engrais verts, paillage, De ce fait, la conservation doit réconcilier rative de 60 apiculteurs a été créée qui fumure organique, compost, résidus les besoins et les souhaits des multiples produit environ 1200 litres de miel par végétaux constitue une solution durable utilisateurs de la forêt ; an. Cette production reste faible face à à la pauvreté des sols tropicaux. Le com- 3. En terme de durabilité des différentes la demande locale. Un appui organisa- postage a rendu les fermiers autonomes activités alternatives, le paysan n’adhère tionnel a été apporté pour la formation pour fertiliser leurs jardins maraîchers. et s’approprie une activité que lorsque il et l’installation de nouveaux apiculteurs Le compost est produit avec les résidus se rend lui même compte de la rentabilité et pour la commercialisation du miel végétaux et le fumier de porc. Quelques socio-économique qu’il en retire. produit. Des plantations d’arbres mel- fermiers dynamiques forment les écoliers à l’installation de compostières et de lifères, Flemingia et Calliandra, ont été Perspectives d’avenir réalisées qui supportent en moyenne une jardins dans les écoles. cinquante de ruches par ha de forêt api- D’une situation en péril, la Réserve de La jachère améliorante vise à sédentari- biosphère de Luki est devenue un véri- cole. Ainsi l’activité sera non seulement ser le paysan sur un terrain qu’il pourra rentable, mais durable. table laboratoire de recherche appliquée exploiter de façon rationnelle en respec- et un site pilote d’expérimentation de L’élevage des porcs vise à substituer tant une bonne rotation des cultures en solutions concrètes aux problématiques de des protéines animales issues d’élevage lieu et place de la culture itinérante sur protection et de conservation de la nature à celles de la viande de chasse. Pour brûlis dévoreuse d’espaces. Des légumi- et de développement durable. L’expérience nourrir les porcs, le projet a recommandé neuses, principalement Mucuna pruriens développée dans ce site peut être capita- à chaque éleveur de planter un parc var. utilis, sont utilisées pour créer ces lisée dans les autres aires protégées du jachères. Les semences sont distribuées fourrager avec Leucaena et Albizzia sp., réseau RAPAC et pourquoi pas celles du gratuitement aux paysans. Après un an la des espèces qui sont bien appétées et bassin du Congo ? biomasse produite est enfouie et la terre supportent des coupes fréquentes. remise en culture. En perspectives, la RBL fera partie d’une L’élevage de basse-cour permet aux fer- Réserve de biosphère transfrontalière dans la forêt du Mayombe avec trois autres miers de disposer d’une autre source Calcul des comptes en protéines animales. Les fientes des sites : Tshela en RDC; Cabinda en Angola ; poules sont utilisées pour le compostage d’exploitation de différents et Dimonika au Congo-Brazzaville. n et celles des canards bénéficient aux systèmes de production poissons. Progressivement, l’élevage des Après quatre années, le projet a carac- Bibliographie poules et canards de races améliorées térisé les différents systèmes paysans s’étend dans les différents villages de Nsenga L., 2004. Étude socio-économique dans de production promus et a calculé leur les villages riverains de la Réserve de Biosphère la réserve. compte d’exploitation. En effet, une de Luki, République Démocratique du Congo. des causes de l’aban- Rapport de consultation, projet GDF/WWF. Comptes d’exploitation des systèmes de production don, à la fin des projets, Pendje G. et Mbaya M., 1992. La réserve de promus à Luki des activités initiées est biosphère de Luki, patrimoine floristique et Spéculations Coûts ($) Recette Profit net Ratio leur manque de rentabi- faunique en péril. UNESCO, Paris. 62 p. brute ($) ($) lité pour le paysan. Les J.-C. MICHA, FUNDP, Namur et Ch. DUCARME, AQUAFARM, Tihange, Rapport d’évaluation des Manioc 302,2 1 020 717,8 0,42 fermes intégrées de Luki activités Piscicoles-RBL, WWF-GDF-Luki ; 11 p. ne semblent pas souffrir Arachide 238,2 750 511,8 0,46 François KAPA BATUNYI., Rapport Final Gouver- de ce handicap. A titre Haricot 44,2 172,8 128,6 0,34 nance Luki ; ERAIFT-WWF-RDC-GDF-Luki, 57 p. d’exemple, le compte Maïs 388,2 1 125 786,8 0,49 Plan de développement et de conservation de d’exploitation d’une ferme la réserve de biosphère de Luki, 32 p. Bois de chauffe 532,2 1 750 1217,8 0,43 modèle est résumé dans Sylvo bananier 240 534 294 0,81 Rapport diagnostic rural rapide, WWF-RDC-GDF- le tableau ci-contre. GRAED, 72 p. Apiculture 133 279 146 0,91 Stratégie de protection participative de la RBL, Porc 766 1 320 554 1,6 Leçons tirées WWF-RDC-GDF-Luki; 10 p. Poules 266 320 54 4,9 Stratégie de reboisement dans et autour de la Après quatre années de Chèvres 560 1050 490 1,14 RBL, WWF-RDC-GDF-Luki ; 11 p. travail dans la RBL, les Canards leçons suivantes peuvent Remerciements : les auteurs remercient les relec- sur ilotis 541,5 1344 802,5 0,67 être tirées : teurs qui les ont aidés à finaliser cet article.

41 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES Populations rurales

Plinio Sist, Lucas Mazzei Cirad, Département Es, UR B&SEF Convenio Cirad-Embrapa. Embrapa Amazonia Oriental, et préservation Travessa Dr. Eneas Pinheiro, Belém, Brasil Email : [email protected], [email protected], Tel: 55 61 33 67 49 62 Isabel Drigo de la forêt USP Universidade de São Paulo. PROCAM. Email : [email protected] Tienne Barbosa UnB, Universidade de Brasilia amazonienne Marie-Gabrielle Piketty Cirad, Département ES, UR Moisa brésilienne Email : [email protected] nienne, mais aussi pour toute la planète. nement brésilien qu’en 1995. Depuis, les Introduction Voilà pourquoi l’Amazonie se trouve au Sociétés forestières privées, les commu- Distribuée sur environ sept millions de centre des débats environnementaux sur nautés forestières et les petits et grands km2, répartis entre le Brésil et 6 autres la scène internationale. agriculteurs qui prétendent exploiter les ressources forestières doivent impérati- pays, la majeure partie de l’Amazonie Cet article a pour objectif principal de pré- vement élaborer un plan et le soumettre est couverte de forêts tropicales humides senter certains enjeux de la préservation aux structures fédérales (forêts doma- denses, avec quelques savanes naturel- de la forêt amazonienne brésilienne par niales) ou des Etats (forêts d’Etat) ou les. L’Amazonie brésilienne légale com- les populations rurales (petits agriculteurs auprès des Secrétariats des Etats pour prend neuf Etats, occupe un peu plus de colons, populations traditionnelles). Après 2 les propriétés privées. Tout plan d’amé- cinq millions de km dont 60 % environ avoir présenté le système brésilien de nagement est élaboré et soumis sous la sont couverts par des formations fores- préservation et de gestion des forêts, responsabilité d’un ingénieur forestier. Il tières (Lentini et al. 2005). On estime nous nous intéresserons aux acteurs et exige une délimitation et une cartogra- que la forêt amazonienne abrite un tiers à la colonisation de la région initiée il y phie des coupes annuelles et l’inventaire des espèces vivantes de la planète (Puig a plus de 40 ans (Tourrand et al. 2010). systématique à 100% de tous les arbres 2001). Réserve de biodiversité à l’échelle Enfin, à travers l’exemple d’un projet de des espèces commerciales de plus de 45 planétaire, elle joue également un rôle terrain, nous présenterons des alternati- cm de diamètre pour la première coupe. essentiel dans la conservation des sols, ves innovantes de gestion des ressources Cet inventaire est nécessaire pour obtenir dans le cycle de l’eau (20% de l’eau douce naturelles par les populations rurales et l’autorisation d’exploitation de la coupe mondiale se trouve concentrée dans le les difficultés qu’elles rencontrent. bassin amazonien) et dans l’équilibre annuelle suivante. climatique régional et mondial. Le contexte légal La conversion de la forêt en terres agri- Entre l’arrivée des Européens au XVe siècle coles est prévue et était autorisée par le de la gestion durable code forestier brésilien dans la limite de et 1970, l’Amazonie a conservé presque de la forêt amazonienne la totalité de sa couverture forestière 50% de la superficie de la propriété (les mais, depuis, la colonisation intensive de brésilienne autres 50% étaient protégés au titre de la région a provoqué une déforestation Réserve Légale). En 2001, ce pourcentage Le code forestier et la gestion a été revu à la baisse et ne permet plus massive. Malgré un certain ralentissement des forêts en Amazonie récent, chaque année entre 1,5 à 2,4 mil- qu’une conversion de 20% de la propriété, La Réserve Légale lions d’hectares de forêt sont aujourd’hui ce qui reste cependant très difficile à encore convertis en terres agricoles et L’utilisation de la forêt amazonienne mettre en œuvre. La déforestation auto- en pâturages, dont une partie évolue en est réglementée depuis 1965. Le Code risée ou légale est un des moteurs du terres dégradées improductives. Selon Forestier interdit toute forme d’utilisation commerce du bois dans la région Amazo- l’INPE (2008), au cours des 40 dernières empirique des forêts : « les forêts ne nienne : en 2004, on estimait que 20% du années, la déforestation a affecté 17 % devront être utilisées qu’à partir de plans marché du bois était approvisionné par de la forêt, soit 680 000 km2. Préserver la techniques de suivi et d’aménagement cette activité (Lentini et al., 2005). plus grande forêt tropicale du monde est qui seront réglementés dans un délai Le nouveau système de concessions sans doute l’un des plus grands enjeux d’un an… ». Cependant, la réglementation environnementaux de ce nouveau siècle, concernant l’aménagement forestier et Actuellement 67% du bois légalement pro- non seulement pour la région amazo- ses activités ne sera arrêtée par le gouver- duit, soit 9,3 millions de m3/an, est issu

Juillet 2010 42 66/67 Forêt amazonienne brésilienne de forêts ayant un plan d’aménagement La colonisation de l’Amazonie, encouragée approuvé ; les 4,6 millions de m3 restant durant la deuxième moitié du XXe siècle Utilisation traditionnelle des proviennent de la déforestation autorisée. par le gouvernement brésilien, s’est bâtie terres en Amazonie brésilienne La production légale de bois avoisine donc sur des projets menés le long des princi- Lorsque l’agriculteur se voit attribuer le 14 millions de m3 par an, soit environ la paux axes routiers (Belém-Brasília, Tran- lot de l’Incra, il en déboise les 3 premiers moitié de la production totale estimée à samazônica, Cuiabá-Santarém, Tourrand hectares, en appliquant la technique de 3 30 millions de m . Partant du constat que et al. 2010). Au début de la colonisation, coupe et brûlis lors de la période sèche seules 10% des forêts naturelles du pays des propriétaires fonciers et des entrepri- (juillet-novembre), afin de construire sa sont gérées de façon durable, le gouverne- ses ont acquis de grandes exploitations maison et de planter une parcelle agri- ment brésilien décide, à partir de 2006, de de plusieurs milliers d’hectares dans le cole de culture vivrière (riz, maïs, manioc) promouvoir la gestion durable des forêts Sud de l’Etat du Pará. La spéculation qui assurera l’alimentation de sa famille. à travers l’attribution, par le Ministère de foncière a été un facteur clé notamment Il extrait également les espèces de bois l’Environnement, de concessions forestiè- au début de la colonisation (Tourrand et d’œuvre les plus précieuses de la RL lui res pour une durée de 60 ans. La surface al. 2010). Le système d’exploitation basé permettant de générer un capital initial potentielle des forêts de production en sur la conversion de la forêt en pâtura- afin de s’installer. En général, les colons vendent le bois sur pied (à des prix déri- Amazonie est estimée à 43 millions d’ha ges extensifs s’est révélé être le moyen soires, soit U$ 25,00 à US$ 30,00 de l’arbre) (Amaral et al. 2007). L’attribution doit le plus efficace pour assurer des rende- à des exploitants de bois à travers des être faite à travers une offre publique ments économiques à court terme, tout accords informels et en dehors de toute compétitive visant à sélectionner les can- en permettant de revendiquer de façon légalité, entraînant fraudes et conflits. didats selon des critères économiques permanente la propriété de la terre. La Après deux ou trois ans, en l’absence et techniques. Les concessions peuvent colonisation de l’Amazonie s’est égale- d’adoption de techniques appropriées de être destinées à divers types d’exploita- ment réalisée à travers une politique de conservation de la fertilité du sol, celui- tions (exploitation du bois d’œuvre, de réforme agraire, visant à distribuer des ci perd rapidement sa fertilité et la par- produits forestiers non ligneux ou encore terres aux petits producteurs du Nor- celle agricole devient alors improductive. des projets d’écotourisme) et d’acteurs deste, du Sud, sous le slogan : « Une La meilleure alternative pour l’agriculteur (entreprises privées, communautés, asso- terre sans hommes pour des hommes consiste à convertir cette culture vivrière en pâturage, puisque l’élevage a été long- ciations). A ce jour, seules 3 concessions sans terres ». Chaque famille se voyait temps encouragé par les plans successifs totalisant une surface d’environ 80 000 ha attribuer un lot, en général de 100 hec- de colonisation de l’Amazonie et reste ont été effectivement attribuées. Le gou- tares, le long des routes secondaires des encore l’activité qui requiert le moins vernement espère faire des concessions grands axes routiers récemment ouverts. d’investissement, pour un rendement forestières l’un des instruments majeurs Les colons d’Amazonie suivent depuis économique quasi immédiat. Les sols per- de la production légale de bois d’œuvre 30 ans la même stratégie : défrichage dant leur fertilité, l’agriculteur continue en Amazonie mais ce projet rencontre d’une partie de la réserve légale pour de convertir la forêt en parcelle agricole jusqu’à présent de nombreuses difficultés y installer pendant 2-3 ans une culture puis en pâturage d’année en année. Au de mise en œuvre (Drigo, 2010). de plantes vivrières (maïs, riz, manioc). bout de 10 à 20 ans, le lot est entière- Après deux ou trois ans, en l’absence ment déboisé, les pâturages deviennent d’adoption de techniques appropriées de également très peu productifs en raison de la perte de la fertilité des sols, ne sup- La place des populations rurales conservation de la fertilité du sol, celui- dans la gestion durable de la forêt portant plus qu’une tête de bétail pour 2 ci perd rapidement de sa fertilité et la à 3 hectares. Finalement, l’agriculteur ne amazonienne parcelle agricole devient improductive. produit plus de plantes vivrières pour la La meilleure alternative consiste alors à subsistance de sa famille, et dépend de Les populations rurales occupent de plus convertir cette culture vivrière en pâtu- la vente du bétail (et donc, des prix du en plus une place prépondérante dans la rage, puisque l’élevage a été longtemps marché) pour pouvoir acheter des ali- gestion de la forêt amazonienne brésilien- encouragé par les plans successifs de ments. De plus, n’ayant pas préservé la ne. Les aires protégées, pour la plupart colonisation de l’Amazonie et reste encore réserve légale il se trouve dans l’illégalité occupées par des populations tradition- l’activité qui requiert le moins d’investis- et ne peut plus bénéficier de crédits ban- nelles et indigènes, couvrent plus de 40 % sements, pour un rendement économique caires. Dans cette utilisation traditionnelle des terres, la fertilité du sol représente de la région. La majorité de ces aires pro- quasi immédiat (Encadré). bien la plus grande valeur reconnue de la tégées peut être exploitée à condition de forêt, qui disparaît après quelques années soumettre un plan de gestion approuvé Alternatives possibles de culture, au profit de terres cultivées et par les autorités compétentes. Une étude de pâturages. récente estime qu’en dehors des terres de systèmes de gestion indigènes bénéficiant d’un statut à part, des ressources naturelles les aires protégées susceptibles d’être par les populations rurales des ressources naturelles permettant à aménagées et gérées par des populations la fois de mettre en place une agriculture locales représentent environ 34 millions Intégrer agriculture et forêts durable sur des surfaces limitées (culture d’ha. Si l’on considère également les aires pour un développement territorial de maïs et riz, gestion des pâturages, privées et publiques issues de la réforme durable systèmes agroforestiers) et des systèmes agraire, cette surface atteindrait plus de La préservation des massifs forestiers au de gestion capables de valoriser les res- 46 millions d’ha soit une surface compa- sein des propriétés agricoles passe par sources forestières. Le premier principe de rable à celle des concessions. la mise en place de systèmes de gestion cette intégration consiste, par exemple, à

43 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES installer, de façon permanente ou semi- les plantes cultivées. Mais, l’introduction Une faible production de bois d’œuvre permanente, des parcelles agricoles ou de de plantes de couverture dès la première issue de la forêt pâturage dans des zones déjà dégradées. année permet de réduire l’invasion des La législation brésilienne préconise des Entre 2006 et 2009, le projet Floagri (www. mauvaises herbes tout en maintenant la cycles de rotation de 30 ans avec une floagri.org.br) financé par l’Union Euro- fertilité du sol. D’après les producteurs, production autorisée de 15 à 20 m3/ha. péenne a implanté et suivi des parcelles les parcelles agricoles permanentes pré- Cette production associée à la taille de 1 à 2 ha de plantes vivrières. Celles- sentent des avantages remarquables : il très réduite des parcelles, constituent ci ont été testées dans des systèmes n’est plus nécessaire d’abattre et brûler des conditions incompatibles avec une scv (semis direct sous couvert végétal) la forêt et le travail est moins lourd et exploitation économiquement viable. En permettant de maintenir ces cultures de dangereux. La productivité de la parcelle outre, les forêts au sein des propriétés manière plus écologique (Pedro Celestino assure non seulement la sécurité alimen- rurales ont, pour la plupart, déjà subi et al., 2009). taire de la famille, mais l’excédent de des perturbations ponctuelles et leur production génère aussi un complément potentiel productif peut être en consé- Avec une productivité de 3 à 5 tonnes/ha de revenus car la proximité des routes quence réduit. de riz ou de maïs, les résultats prélimi- facilite le transport de la récolte vers la naires sont prometteurs et démontrent ville. L’intérêt des jeunes pour la tech- L'élaboration et l'approbation des plans qu’il est possible de cultiver des plantes nologie résulte aussi de la sensation de d'aménagement : un processus vivrières en Amazonie avec des rende- se trouver au cœur d’un processus de coûteux, complexe et long ments 2 à 3 fois supérieurs aux rende- modernité et du fait que l’accès aux cré- L'élaboration de plan de gestion est une ments traditionnels sans recourir à de dits bancaires est facilité parce que l’agri- exigence légale incontournable et fonda- nouveaux défrichements (voir www.ibge. culteur répond aux nouvelles contraintes mentale pour assurer l'exploitation dura- com.br). La mise en place de ce système environnementales des banques et de la ble et légale des ressources forestières. requiert cependant un investissement en législation et, en premier lieu, l’exigence Son élaboration requiert toutefois un très matériel et intrants lors de la première de la préservation de la Réserve légale. grand investissement financier et tech- année, mais celui-ci ne dépasse pas nique. En effet, élaboré et exécuté sous les montants des prêts alloués (entre Exploitation durable des forêts la responsabilité d'un ingénieur fores- 4 000,00 et 6 000,00 US$) par les program- et agriculture familiale tier le plan d’aménagement doit four- mes de crédit à l’agriculture familiale par nir tous les documents de propriété et le Pronaf (Programa Nacional de Fortale- L’intégration agriculture-forêt suppo- dresser un inventaire détaillé recensant cimento da Agricultura Familiar). Durant se aussi l’existence d’une exploitation tous les arbres d'espèces commerciales la première année, les intrants (engrais durable et à long terme des ressources (50 arbres/ha, 4 000 arbres par Réserve et herbicide) sont indispensables pour forestières de la réserve légale. Or, la légale, mesurés, identifiés et cartogra- récupérer la fertilité du sol et éliminer valorisation des ressources forestières phiés). Enfin, il doit être approuvé par les mauvaises herbes qui concurrencent rencontre de nombreux obstacles : l'organisme public responsable, proces- sus généralement long et complexe. Les exigences techniques sont adaptées à un aménagement forestier d'entreprise forestière réunissant plusieurs milliers d'ha mais pas à la gestion forestière communautaire. Un prix du bois et des revenus trop faibles Les prix du bois du marché restent encore faibles par rapport aux coûts d’élaboration du plan et d’exploitation qui atteignent en moyenne 60 US$/m3 (Drigo et al. 2009) car le marché est abondamment approvisionné par du bois issu de la déforestation légale ou illégale. De plus, les acheteurs ne sont intéressés que par une petite dizaine d’espèces à haute valeur commerciale et se montrent très réticents envers les espèces com- merciales secondaires. Dans les conditions actuelles, même si la forêt couvre la plus grande partie de la propriété, les revenus des populations rurales provenant de l’exploitation fores- tière ne sont pas suffisamment élevés

Juillet 2010 44 66/67 Forêt amazonienne brésilienne et ne peuvent être que des revenus res agro-pastoraux durables adoptés et complémentaires à ceux générés par Conclusions mis en œuvre par les agriculteurs. Si le l’agriculture. L’objectif du projet Floagri est d’intensifier rôle de l’Amazonie dans la préservation les productions agricoles pour réduire la des équilibres hydriques, climatiques et Le partenariat entreprise - pression sur les forêts. Si les résultats des de la biodiversité est universellement communauté : une alternative parcelles agricoles permanentes sont pro- reconnu, il faut aussi reconnaître que possible ? metteurs en termes de productivité et de cette région joue aujourd’hui un rôle Devant les difficultés rencontrées par leur adoption par les agriculteurs, il existe essentiel dans l’agriculture sur le plan les agriculteurs pour valoriser leurs encore des défis à surmonter. national et international. Cette réalité ne peut être oubliée et doit au contraire ressources forestières, des partenariats En termes techniques, il faut continuer être assumée. À présent, la dimension avec des entreprises forestières ont vu à mener des recherches sur la fertilité agropastorale de l’Amazonie ne pourra le jour en Amazonie. Elles sont mêmes du sol et sur la réduction de l’utilisation se développer sur le long terme qu’avec considérées par certaines ONG comme d’engrais ; il faut contrôler l’invasion de des itinéraires techniques de production une alternative à privilégier. Dans ce mauvaises herbes entre deux récoltes qui intègrent ces deux dimensions : forêt système, l’élaboration et l’exécution du sans utilisation d’herbicides ; il est enfin et agriculture. Le projet Floagri a su mon- plan d’aménagement est sous la seule essentiel d’avoir un recul suffisant (5 ans) trer qu’il existe des solutions adaptées responsabilité de l’entreprise, les agri- pour évaluer de façon rigoureuse le véri- aux conditions de l’agriculture familiale. culteurs apportant uniquement l’accès table impact de ces itinéraires techniques Toutefois, sans politiques publiques adap- légal à la ressource forestière et, quel- sur la fertilité des sols. quefois, de la main d’œuvre. L’entreprise tées encourageant la mise en œuvre de forestière paie entre 20 et 70 dollars En termes de politiques publiques, ces ces itinéraires techniques, ces modèles le m3 selon les espèces à l’agriculteur modèles ne pourront être mis en œuvre resteront faiblement divulgués et mis en n (Drigo et al. Sous presse). Ainsi, comme à une large échelle qu’avec l’appui des place sur le terrain. en moyenne la surface exploitée est de municipalités, des banques et des ins- 70 ha, la productivité de 15 m3/ha et titutions d’états responsables de l’appui le cycle de 30 ans, chaque agriculteur aux agriculteurs. Bibliographie peut espérer recevoir un revenu annuel La valorisation des ressources forestières de 1575 dollars. Certains partenariats par les agriculteurs à une échelle réduite Amaral Neto M., Rosy Nava, F., Fernandez, K. 2007 Manejo Florestal Comunitário na Amazônia de ce type existent dans la région, mais constitue un autre défi de taille dont le Brasileira, Avanços e perspectivas para a con- ils sont encore peu nombreux. Cepen- succès dépend avant tout d’un appui servação florestal. Serviço Florestal Brasileiro dant, la controverse sur l’équité et la technique et financier important de la 2007, 20 p. durabilité de ces partenariats est encore part de l’Etat. Le principal facteur limitant Drigo, I., Sist, P., Pena, W., Quanz, D. 2009. très vive. est, sans aucun doute, les coûts d’élabo- Manejo florestal comunitario madeireiro na ration des plans de gestion, même s’il região transamazonica. Lições aprendidas e dicas praticas para organizações comunitarias Si le bois reste aujourd’hui encore la s’agit d’une condition de base pour toute principale ressource forestière exploitée iniciantes. Embrapa Amazonia Oriental, Projeto exploitation forestière. Les très faibles FLOAGRI ISBN 978-85-87690-83-8. à des fins commerciales, l’exploitation prix du bois en grumes sont un autre de produits forestiers non ligneux pour- Drigo, I., Piketty, M-G., Pena, W. Sous Presse. facteur limitant de la viabilité économique Custos e benefícios da implementação de rait représenter une source importante de l’exécution des plans. Dans certaines planos de manejo florestal comunitario na de revenus complémentaires pour les régions, des scieries achètent le m3 grume região da Transamazonica (Pará). Projeto Flo- populations locales entre deux cycles agri, 60 p. de Jatobá (Hymenaea sp.) à 80 US$, même d’exploitation du bois. Pour cela, l’ex- si les arbres ont plus de 500 ans. Dans Drigo I., 2010. Barreiras para a implementação de concessões florestais: o caso do Brasil e da ploitation forestière à faible impact, en un contexte de réchauffement climati- assurant la pérennité de l’écosystème Bolívia. Thèse de doctorat, Université de São que mondial où l’on cherche à valoriser Paulo/PROCAM – Agroparistech, forthcoming forestier, est une condition primordiale. davantage la biomasse, ce prix semble L’inventaire des ressources forestières INPE, 2008. Monitoramento da Floresta Ama- bien dérisoire. zonica Brasileira por Satélite Projeto Prodes, non ligneuses et des marchés est néces- http://wwwobt.inpe.br/prodes/ Des modèles et des techniques pour saire pour évaluer leur possible contri- Lentini M., Pereira D., Celentano D. and Pereira bution aux revenus des colons. Le grand récupérer les terres dégradées sont dis- R., 2005. Fatos florestais de Amazônica. Belém, avantage des produits non ligneux tels ponibles, aussi bien pour les grandes Imazon, 141 p. que les fruits sauvages est que ces exploitations qu’au sein de l’agricultu- Puig, H. 2001. La forêt tropicale. Belin productions annuelles peuvent assurer re familiale. Ils méritent d’être pris en Pedro Celestino Filho, Quanz, D., Farias-Barbo- des revenus plus réguliers aux agricul- compte en tant qu’alternatives pour le sa, T.M., Scopel, E., Bastos de Veiga, J., Sist,P., teurs. Par contre, le grand obstacle est développement durable par les politi- Tourrand, J-F., Souza Nahum, B. 2009. Plantio l’absence de filières consolidées pour la ques publiques sur le plan fédéral et des Direto em áreas alteradas na agricultura fami- états. La lutte contre la déforestation ne liar. Embrapa Amazonia oriental, projeto Floagri. plupart de ces produits. De telles filières ISBN 97885-87690-84-5 pourraient être développées grâce à un passe pas seulement par la conservation partenariat entre les producteurs, regrou- ou la préservation des forêts amazo- Tourrand J.F., Bursztyn M., Drummond J.(Coords) niennes grâce à la création d’unités de L’Amazonie, une demi siècle après la colonisation. pés en coopératives, et des entreprises Editions QUAE, Versailles, France, 2010 (ISBN : qui ont déjà des circuits de distribution conservation ou de plans d’aménagement 978-2-7592-0326-0). pour d’autres produits. forestier, elle passe aussi par les itinérai-

45 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES Co-gestion de la réserve nationale de Gilé et de sa périphérie : un partenariat novateur entre une ONG française et une administration François Lamarque, Directeur des Programmes, Fondation IGF, mozambicaine 15 rue de Téhéran, 75008 Paris, France (http://www.wildlife-conservation.org) Hubert Boulet, Directeur exécutif de la branche mozambicaine de la Fondation IGF, Fundação IGF, Avenida Friedrich Engels, 421, Maputo, Moçambique Le joyau sauvage Francisco Pariela, Directeur, Direcção Nacional das Áreas de Conservação, Ministério do Turismo, de la province de Zambézia Av. 25 de Setembro 1018, Maputo, Moçambique Située dans la province de Zambézia Amândio Nkavandu, Conservateur, Reserva Nacional do Gilé s/c Delegação Provincial do Turismo da Província de Zambézia, Quelimane, Moçambique au nord du Mozambique (carte 1), la Eric Bedin, Assistant technique Fondation IGF, Reserva Nacional do Gilé s/c Delegação Provincial Réserve Nationale de Gilé (RNG), couvre do Turismo da Província de Zambézia, Quelimane, Moçambique une superficie de 280 000 ha et sa Zone Tampon 317 500 ha. Elle protège ainsi un écosystème d’environ 600 000 ha. Seule aire protégée de Zambézia, elle abrite une des dernières zones sauvages qui subsiste dans cette province et plusieurs espèces menacées d’extinction dont le lycaon (Lycaon pictus). C’est l’une des quatre aires protégées situées dans l’écorégion africaine « Eastern Miombo Woodland » (Savanes boisées d’Afrique Australe). Enfin, c’est la seule aire protégée du Mozambique sans aucune implantation humaine. En revanche, la périphérie de la Réserve compte environ 32 000 habitants qui tirent l’essentiel de leurs moyens de subsistance et de leurs revenus de l’agriculture et d’une exploitation intense voire d’une surexploitation des ressources naturelles. Cette exploitation a provoqué la disparition progressive des ressources naturelles de la périphérie de la Réserve et a créé une dépendance croissante des populations à l’égard de celles qui sont situées dans la Réserve (faune, produits forestiers non ligneux, etc.). De plus, au cours des dernières décennies, l’Etat mozambicain a accordé peu d’attention à la RNG car il devait faire face à d’autres priorités. La pression anthropique crois- sante conjuguée à une gestion à minima a conduit à une dégradation de la bio- diversité. Cinq espèces de grands mam- mifères ont ainsi disparu au cours des dernières décennies, dont le rhinocéros noir (Diceros bicornis) pour qui Gilé était le dernier bastion au Mozambique. En revanche, l’habitat naturel a été conservé de manière très satisfaisante. Carte 1. Localisation de la réserve nationale de Gilé.

Juillet 2010 46 66/67 Réserve nationale de Gilé

la Direction Provinciale du Tourisme de Zambézia, l’administrateur de la RNG et un représentant de la Fondation IGF. L’Agence Française de Développement (AFD) repré- sentant le FFEM et l’ONG Cosv ont chacune un siège d’observateur.

Chasse par Encadré 1 les communautés locales. Les objectifs du projet © F. Lamarque • Amélioration de la gestion de la Réserve • Restauration de la Biodiversité et suivi écologique de la province de Zambézia. A cet effet, • Développement communautaire Un peu d’histoire elle a signé un protocole d’accord pour la La Réserve de Gilé d’une superficie de co-gestion de la RNG et de sa périphérie • Valorisation de la Zone Tampon 500 000 ha a été créée le 23 avril 1932 avec le Ministère du Tourisme (Ministério • Mise en œuvre, suivi et évaluation en tant que réserve de chasse partielle, do Turismo, MITUR) le 5 juin 2007. Aussitôt forme juridique qui permettait la pro- cet accord signé, la Fondation IGF a créé tection de certains grands mammifères une antenne au Mozambique pour gérer La démarche participative : (éléphant, rhinocéros noir) tout en auto- cet ambitieux projet. secret de la réussite risant la chasse d’autres espèces (buffle La réhabilitation de la Réserve Nationale L’étude socio-économique de 2008 et antilopes notamment). En 1960, sa de Gilé a été initiée par la Fondation IGF a permis d’avoir une première vision superficie a été ramenée à 210 000 ha. sur ses fonds propres et ceux de partenai- des principaux paramètres socio-écono- Enfin, en 2000, elle a été classée Réserve res privés. Des fonds complémentaires ont miques de la périphérie de la Réserve Nationale peu après l’approbation de la été recherchés auprès du Fonds Français (population, groupes ethniques, religions, nouvelle législation sur les aires protégées pour l’Environnement Mondial (FFEM). activités économiques et associatives) (Lei de Florestas e Fauna Bravia - Loi Forêt Le Projet présenté, qui associe des opé- et de l’accès des populations locales à et Faune, 1999). Certains aménagements rations réalisées dans la réserve et des l’eau et à divers services sociaux (ensei- ont été construits par les portugais pen- activités de développement menées en gnement, santé), les utilisations humai- dant la période coloniale, notamment six périphérie en partenariat avec l’ONG ita- nes de la Réserve et de ses ressources camps de gardes et une petite scierie. lienne COSV, a été accepté en novembre naturelles, l’organisation hiérarchique et Pendant la période de guerre civile qui 2008 et sa mise en œuvre a été déléguée la chaîne de décision dans la société, les a suivi l’indépendance du Mozambique par le MITUR à la Fondation IGF par un principaux conflits avec la Réserve. en 1975 jusqu’au traité de paix signé à contrat d’opérateur signé en juin 2009. Rome en août 1992, la RNG a été laissée à Ces connaissances ont été utilisées elle-même. Les infrastructures ont été for- pour l’élaboration du plan de gestion tement dégradées ; la population locale Un réel démarrage 2010-2020 et la délimitation d’une zone puisait dans ses ressources naturelles. En en janvier 2009 tampon adaptée qui ont été finalisées à juin 2000, a été initié le Projet de Réha- l’issue de plusieurs ateliers participatifs bilitation de la Réserve de Chasse Par- La Fondation IGF est présente sur le ter- au cours desquels toutes les communau- tielle de Gilé (PRRCPG) financé par l’Union rain depuis 2007, dès la signature du tés locales et les autorités provinciales Européenne et mis en œuvre pendant protocole d’accord avec le Ministère du ont pu s’exprimer. 3 ans par l’ONG italienne Movimondo. Tourisme, les activités concrètes ont réel- lement démarré au début de l’année 2009 Le nouveau plan de gestion (encadré 2) Il avait quatre objectifs spécifiques : (i) fait suite à la péremption du précédent l’élaboration d’un plan de gestion; (ii) avec la mise en place d’une équipe de gestion et la mise en oeuvre des diffé- (Fusari & Cumbane, 2002) qui courait de la formation des gardes à la surveillance 2003 à 2007 mais n’avait jamais été mis de la réserve ; (iii) la réhabilitation des rentes composantes du projet validé par le FFEM (encadré 1). en œuvre. La délimitation d’une zone infrastructures existantes ; (iv) l’appui tampon est un enjeu majeur pour le aux communautés locales pour l’utilisa- Cette mise en œuvre est assurée par futur de la RNG. En effet, la RNG est la tion durable des ressources naturelles. Le un binôme composé d’un administrateur seule aire de conservation du Mozambi- projet s’est terminé en 2004 mais n’a pas mozambicain et d’un assistant techni- que libre de toute implantation humaine été suivi d’une seconde phase. que de la Fondation IGF encadrés par la et, sans ce « bouclier », elle risque de Directrice Provinciale du Tourisme de la perdre cette caractéristique unique et A l’assaut de cet enjeu province de Zambézia et la Direction de essentielle. De plus, cette Zone Tampon de conservation avec l’appui la branche mozambicaine de la Fondation est aussi un espace territorial qui a pour IGF à Maputo. La coordination et la gestion vocation d’intégrer les populations rive- du FFEM du projet sont placées sous l’autorité d’un raines de la RNG au processus de gestion La Fondation IGF a décidé de relever le défi Comité de Pilotage, présidé par le Direc- des ressources naturelles leur permettant de la réhabilitation de la RNG aux côtés teur National des Aires de Conservation ainsi de bénéficier des retombées écono- de la Direction Provinciale du Tourisme (DNAC) et regroupant un représentant de miques de la RNG.

47 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

l’aide de braconniers appréhendés dans Encadré 2 la Réserve, afin d’accueillir les nouveaux Un plan de gestion résolument innovant fiscais de la RNG. Le nouveau plan de gestion propose une vision innovante pour la gestion et la conservation de la RNG et sa zone tampon car il vise à assurer une préservation à long terme des res- Le projet a doté la Réserve de deux sources naturelles tout en autorisant aux populations locales un accès contrôlé à certaines véhicules 4x4 pour travailler sereine- d’entre elles. ment en milieu difficile, et transporter Ceci traduit la volonté de mettre en place des mécanismes participatifs pour impliquer les rapidement les gardes d’un endroit à un divers acteurs dans la gestion de la Réserve, notamment les communautés locales qui vivent autre. Deux motos tout terrain sont aussi à sa périphérie. Ceci passera par la création d’un conseil de gestion supervisant la gestion destinées à la surveillance. Un réseau de la réserve tel que préconisé par la nouvelle Politique de Conservation récemment adoptée de télé-communication performant a par le Gouvernement du Mozambique. été établi (téléphones satellite) pour Ceci reflète aussi la volonté de développer des activités économiquement rentables basées communiquer les informations en temps sur l’écotourisme et le tourisme cynégétique. Diverses formes d’exploitations touristiques « réel » en toute sécurité. Les gardes, (concessions à des opérateurs privés ou partenariats entre des opérateurs privés et les équipés des moyens appropriés (tenue, communautés locales) pourront ainsi être développées dans deux zones de la réserve. Une tente individuelle, sac de couchage, lit zone de chasse créée dans la Zone Tampon et gérée par les communautés locales, apportera picot, GPS, etc.), sont encadrés sur le des revenus aux populations et des fonds pour la gestion de la Réserve. terrain par un responsable (Chefe de Enfin, la Réserve Nationale de Gilé et de sa zone tampon seront divisées en cinq zones ayant fiscalização) qui organise les différentes divers niveaux de protection permettant un accès contrôlé graduel aux ressources naturelles (carte 2) : (i) zone de protection totale (ZPT : 1 secteur), (ii) zone de développement de patrouilles en fonction des besoins. l’écotourisme (ZDET : 2), (iii) zone d’usage restreint (ZUR : 2), (iv) zone de développement La remise en état des pistes existantes du tourisme cynégétique (ZDTC : 1), (v) zone d’utilisations multiples (ZUM : 1). (189 km), l’ouverture de nouvelles pistes (64 km) et la construction de plus de 20 ponts a permis de répondre aux besoins en matière de surveillance, de suivi écologique et de lutte contre les feux de brousse. Ces opérations de main- tenance sont menées par des équipes de travailleurs provenant des localités environnantes. La Réserve contribue ainsi à l’apport de richesse dans la zone périphérique. En 2009, plus de 50 travailleurs ont ainsi été employés pour réaliser les travaux de désenclavement de la Réserve. Les gardes motivés par les moyens importants mis en place ont obtenu des résultats très satisfaisants. Au cours des cinq derniers mois de l’année 2009, 126 jours de patrouille ont conduit à l’arres- tation de 57 braconniers dans la réserve et au démantèlement d’un vaste réseau de coupe illégale de bois d’œuvre, dans la Zone Tampon.

La restauration de

Carte 2. Plan de gestion de la réserve. la biodiversité et le suivi écologique comme objectif principal de fiscais ayant des notions de gestion Les deux inventaires de la faune sauvage Se donner les moyens d’une aire protégée, surveillance, éco- d’une surveillance efficace effectués en 2007 et 2008 dans la Réserve logie, gestion du feu et de l’érosion et et sa périphérie (Mésochina et al., 2008 ; 21 gardes (fiscais, en portugais), dont sécurité. Un centre de formation a été Mesochina et al., 2009) ont mis en évi- 14 recrutés par le projet, ont reçu une construit en matériaux locaux au cœur dence la très probable disparition du formation dispensée par le centre de la Réserve ; il permettra d’assurer buffle Syncerus( caffer caffer), de l’éland national d’entraînement des fiscais du la formation continue des fiscais du de Livingstone (Taurotragus oryx livingsto- Parc National de Gorongosa, grâce au Mozambique. Les anciens camps ont été nii), du gnou du Nyassaland (Connochates WWF Mozambique. Cette formation de réhabilités et deux nouveaux camps en taurinus johnstoni) et du zèbre (Equus 6 semaines a permis de doter la RNG matériaux locaux ont été construits avec quagga crawshayi).

Juillet 2010 48 66/67 Réserve nationale de Gilé

La cartographie et la typologie des sud-est de la Réserve, semblent peu à les manifestations communautaires ou différentes unités de végétation et des peu reprendre possession du territoire. d’adduction d’eau. différents types d’occupation des sols Ces animaux sont toutefois menacés de la Réserve ont été réalisés (Prin, T., lors de leurs incursions hors des limi- Le projet aidera également les com- 2008) afin de préparer la réintroduc- tes de la RNG. Des plaintes relatives munautés locales à mettre en place tion des grands mammifères disparus. à des conflits avec les pachydermes des techniques de gestion durable Axée sur la typologie des peuplements sont régulièrement déposées par les des ressources naturelles et appuiera ligneux des forêts de type miombo, communautés locales et une équipe l’émergence de groupements d’intérêt l’analyse statistique a permis d’iden- mobile a été mise en place pour résou- économique pour valoriser certaines res- tifier 4 types de miombo allant de la dre ce genre de conflit. La survie de sources naturelles comme le miel ou les savane arborée à la savane boisée. cette petite population, reste donc champignons. L’élevage de faune sauva- Ces données de base permettront de préoccupante. ge et notamment des pintades (Numida suivre l’évolution de la végétation au meleagris), qui sont abondantes dans cours du temps. 2009 restera sans doute l’année de la la réserve et sa zone tampon est aussi redécouverte du bubale de Lichtenstein prévu comme alternative au braconnage Après une étude de faisabilité appro- (Alcelaphus lichtensteinii) au sein de pour compenser le déficit en protéines fondie et une analyse appropriée du la Réserve. Population relictuelle ou animales qui prévaut dans l’ensemble contexte sanitaire, le buffle a été choisi recolonisation du milieu ? L’utilisation de la périphérie de la Réserve de Gilé. comme première espèce à réintroduire systématique du GPS couplée à la col- Le nouveau plan de gestion délimite une dans la RNG. En 2010, une centaine lecte des données biologiques devrait zone de chasse villageoise dans la partie de buffles seront réintroduits en pro- permettre de fournir une image plus ouest de la Zone Tampon à l’image venance de la Réserve de Marromeu précise de la distribution et de l’abon- des Zones Cynégétiques Villageoises qui en compte plus de 10 000. Cette dance des principales espèces phare (ZCV) de RCA, des AVIGREF du Bénin première réintroduction sera suivie par dès 2010. celle de l’éland de Livingstone, du gnou ou encore des ZOVIC du Burkina Faso. du Nyassaland et du zèbre. Trois autres espèces animales dont Une étude en cours fera des proposi- la présence dans la RNG n’était pas tions concrètes, adaptées au contexte En revanche, le statut de certaines connue ont été observées en 2009 : le du Mozambique, pour la création de espèces est très satisfaisant : le grand caméléon de Meller (Chamaeleo melle- cette zone de chasse et sa gestion par koudou (Tragelaphus strepsiceros) et ri) et deux espèces de martin-pêcheurs les communautés locales. l’hippotrague noir (Hippotragus niger) terrestres. La liste des espèces vivant sont les deux espèces les plus abon- Enfin, un projet de vente de crédits de dans la RNG est certainement loin dantes parmi les ongulés de grande carbone dans la périphérie de la Réserve d’être complète. L’avenir réserve donc taille. Les éléphants (Loxodonta afri- en partenariat avec l’ONG Envirotrade encore de belles surprises. En revan- cana) dont la population est estimée (encadré 3) est en cours d’identification. che, l’anomalure de Fraser (Anomalu- à environ 70 individus, qui étaient Ainsi, le reboisement à la périphérie de rus derbianus) pourtant décrit comme jusqu’alors cantonnés dans le quart la RNG générera des revenus compléme- présent dans la RNG, n’a pas encore été naires pour les populations locales. observé… les recherches continuent ! Grand koudou, espèce phare de la RNG. © F. Lamarque Encadré 3 Développement local et Envirotrade préoccupations quotidiennes ENVIROTRADE est une société britannique des populations riveraines qui commercialise la « fixation du car- bone » auprès des entreprises privées Le Projet prévoit de mettre en œuvre, et auprès des particuliers. Son but est en partenariat avec l’ONG COSV, de nom- d’appuyer la conservation des forêts et breuses actions de développement local de promouvoir les projets d’agroforesterie en faveur des populations riveraines. dans les pays en voie de développement et contribuer ainsi à la réduction de la Ces actions s’appuieront sur l’étude pauvreté, au développement durable et socio-économique ainsi que sur l’éva- à la préservation de la biodiversité tout luation du système agraire (Baudron, F., en absorbant les émissions de carbone. 2009) réalisée en vue du développement Actuellement cette société gère trois projets d’un programme d’agriculture de conser- au Mozambique dont deux en périphérie de vation respectueuse de l’environnement parcs nationaux (Parc national de Goron- améliorant les rendements. gosa et Parc national des Quirimbas) et un dans le delta du Zambèze. Une partie des Le projet fournira aussi un appui bénéfices des ventes en provenance des aux communautés locales porteuses projets « carbone » est redistribuée aux de projets d’élevage domestique, de exploitants individuels au bout de 7 ans et construction et/ou de réhabilitation des aux fonds communautaires chaque année par le fonds MCLT (Mozambique Carbon infrastructures sociales : écoles, cen- Livelihoods Trust) créé en 2007. tres de soins, salles villageoises pour

49 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

création du Comité de Développement de sera le point de départ d’une seconde L’activité touristique : la Réserve Nationale de Gilé ou COMGIL phase qui verra le retour de cette espèce atout futur de la Réserve autorité participative chargée de la gou- emblématique dans son habitat origi- Un campement touristique constitué de vernance de la RNG… L’étude de faisabilité nel et consacrera la réhabilitation de la 4 tentes « safari » avec salle de bain pri- de la réintroduction du rhinocéros noir Réserve Nationale de Gilé. n vative, une salle à manger et une cuisine, a été construit aux abords de la rivière Malema, non loin de son confluent avec Bibliographie Mesochina, P., Renaud, P-C., Prin, T., Houlette, A., la rivière Lice, qui constitue la frontière Baudron, F. (2009). Farming Systems in the Buffer Langa, F. & Ph. Chardonnet (2010). Preliminary ouest de la Réserve. Ce lieu d’une beauté Zone of the Gilé National Reserve: Constraints & Survey of Large Herbivores in the Gilé National Reserve and its buffer zone, Zambézia Province, incontestable et d’une grande richesse Opportunities, . Ed. IGF, Maputo, Mozambique et Paris, France : 56 p. Mozambique. Ed. MITUR, Maputo, Mozambique et floristique et faunique, se situe au cœur IGF, Maputo, Mozambique et Paris, France : 61 p. Chande, B., Zolho, R. Chidiamassamba, C., Lon- même de l’espace vital de l’une des der- gamane, F. & Cubane, R. (1997). Reconhecimento nières populations d’éléphants de la pro- Prin, T. (2008). Typologie et cartographie de bio-ecológico da Reserva do Gilé. Ministério para la végétation de la Réserve Nationale de Gilé vince de Zambézia. 46 personnes venant a Coordenação da Acção Ambiental - Direcção (Mozambique): étude préalable à la réintroduc- des communautés voisines ont participé Nacional de Gestão dos Recursos Naturais : tion de grands mammifères. Master Biologie, à la construction du campement. 29 p. Géosciences et Agroressources en Environnement, Dutton, T.P. et E.A.R. & Balsinhas, A. (1973). spécialité écologie fonctionnelle et développe- Preliminary ecological reconnaissance of the ment durable. CIRAD et Université Montpellier II, Perspectives : "Reserva especial do Gilé" and the adjoining Montpellier, France ; IGF, Maputo, Mozambique "Regime de Vigilância", District of Zambézia. Insti- et Paris, France : 41 p. dans la continuité des tuto de Investigação Agronómica de Moçambique, actions entreprises pour Lourenço Marques : 40 p. Renaud, P-C. (2009). Formation des fiscais de la une réhabilitation durable FFEM (2008). Rapport de présentation du projet : Réserve Nationale de Gilé, 22 Juin 2009/29 Juillet « Co-Gestion de la Réserve Nationale de Gilé et de 2009. Rapport interne. Ed. IGF/FFEM. Maputo, Aujourd’hui, la Réserve Nationale de Gilé sa Périphérie » - Comité de pilotage du 27/11/08, Mozambique : 16 p. n’est plus un « Paper Park ». Elle est Paris : 157 p. República de Moçambique, Ministério do Turismo, Fusari, A. (2009). Proposta de estabelecimento da désormais respectée par les communau- Direcção Nacional das Áreas de Conservação Zona Tampão da Reserva Nacional do Gilé, dis- tés locales et reconnue comme une aire (2002). Reserva Nacional do Gilé - Plano de trictos de Pebane e Gilé, Provincia da Zambézia. maneio 2003-2007. Elaborado por A. Fusari e protégée dynamique par les autorités Ed. MITUR, Maputo, Mozambique et IGF, Maputo, R. J. Cumbane. Maputo, Moçambique : 157 p. provinciales et nationales. De nombreux Mozambique et Paris, France : 39 p. défis restent encore à relever avant que Materrula, F., M., Bavo, C., Renaud, P-C. & Lamar- República de Moçambique, Ministério do Turis- l’on puisse considérer que la Réserve que, F. (2010). Diagnóstico sócio-económico da mo, Direcção Nacional das Áreas de Conserva- nationale de Gilé est réhabilitée. Le projet zona periférica da Reserva Nacional do Gilé. Ed. ção (2010). Reserva Nacional do Gilé - Plano mis en œuvre par la Fondation IGF et le MITUR, Maputo, Mozambique et IGF, Maputo, de maneio 2010-2020. Elaborado por A. Fusari. Mozambique et Paris, France : 44 p. MITUR avec l’appui du FFEM permettra Maputo, Moçambique : 136 p. Mésochina, P. Langa, F & Ph. Chardonnet (2008). la réintroduction de quatre espèces de Preliminary Survey of Large Herbivores in the Gilé República de Moçambique, Ministério para a grands mammifères disparus, la mise National Reserve, Zambézia Province, Mozam- Coordenação da Acção Ambiental (2009). Política en place effective de la zone de chasse bique. Ed. MITUR, Maputo, Mozambique et IGF, de Conservação e Estratégia da Implementação. communautaire dans la zone tampon, la Paris, France : 60 p. Maputo, Moçambique : 51 p.

Marché local. © F. Lamarque

Inselberg. © F. Lamarque

Juillet 2010 50 66/67 Abderrahman Aafi, Mohamed Taleb Seghir Centre de Recherche Forestière Les aires protégées du HCEFLCD-Rabat, Maroc Email : [email protected] ; au Maroc [email protected]

soumise à la pression croissante d’une société en plein développement et aux Historique de la législation aléas climatiques caractérisés par la Au Maroc, la volonté de conservation succession de périodes de sécheresse. de la biodiversité remonte au début du On observe actuellement la régression siècle dernier, avec la mise en place des zones humides, la dégradation de d’un important arsenal juridique. En certaines forêts et celle des écosystè- premier lieu il s’agissait d’assurer la mes naturels en général. De nombreuses conservation et la bonne exploitation des espèces se raréfient jusque, parfois, au forêts (dahir du 10 octobre 1917, modifié risque d’extinction à plusieurs reprises). D’autres textes réglementaires ont suivi : pêche dans Les aires protégées, parcs nationaux, les eaux continentales (dahir du 22 avril réserves naturelles ou biologiques, 1922), police de la chasse (dahir du 1923) sites d’intérêt biologique et écologi- et parcs nationaux (dahir du 11 sep- que (SIBE), montrent une volonté de tembre 1934). Tous ces textes voulaient réagir à cette dégradation et constituent assurer une exploitation rationnelle des un outil important pour inverser cette ressources naturelles et une conservation tendance. Mais ceci ne peut se faire des espèces de la faune et de la flore et sans l’implication de tous les acteurs du de leurs habitats. Par ailleurs : développement économique et social des – des stations de recherche et d'expéri- territoires concernés. Le parc national mentation forestière ont été créées. Leur d’Ifrane sera présenté comme exemple fonctionnement a été fixé par le texte du du nouveau mode de gouvernance qui 2 février 1949. doit être mis en place à cette fin. – concernant l'aménagement sylvo-pas- Introduction toral des massifs forestiers, l'arrêté vizi- riel du 15 avril 1946 ouvre la possibilité Le Maroc se distingue des autres pays Prise de conscience d’ouvrir des zones au pâturage. de la région méditerranéenne quant au Maroc – la création de parcs nationaux est aux caractéristiques géographiques, cli- Conscient des menaces de dégradation basée non seulement sur des critères matiques, écologiques, donc au plan qui pèsent sur sa biodiversité, le Maroc scientifiques ou touristiques mais aussi biologique et biogéographique. Le pri- a mis en place une stratégie de conser- d'utilité sociale ou de conservation de vilège d’une double façade maritime et vation basée sur un réseau d’aires proté- paysages. d’une grande diversité orographique lui gées. Afin d’honorer les engagements pris – pour les espèces végétales emblémati- confèrent un large éventail de climats au niveau international en ratifiant les ques, comme l'alfa, l'arganier ou le noyer, qui s’accompagnent d’une grande diver- conventions sur la diversité biologique la législation fixe les conditions de leur sité du couvert végétal. La flore compte (Ramsar, CITES, CMS, etc.), le Maroc a réa- exploitation (Dahirs du 15 août 1928 et 4 500 espèces et sous-espèces réparties lisé aussi une étude de grande envergure 20 juin 1930 pour l'alfa ; Dahir du 8 sep- en 130 familles et 940 genres. Parmi ces aboutissant à : tembre 1928 pour le noyer et Dahir du espèces, 951 taxons sont endémiques, 4 mars 1925 pour l'arganier). 463 taxons sont rares, 376 soupçon- – l’évaluation des principaux milieux nés rares, 1284 menacés, 70 très rares, naturels ; Retour de la forêt avec le bois de feu. © R. Peltier 36 vulnérables et 145 taxons sont déjà – l’évaluation du statut des espèces éteints. Une fraction de cette flore mérite menacées, endémiques et rares (faune, une grande attention par ses valeurs aro- flore) ; matique et médicinale. A cette diversité – l’identification d’un réseau national floristique s’ajoute une richesse faunisti- de Sites d’intérêt biologique et écologi- que représentée par près de 550 espèces que (SIBE), pour l’établissement du plan de vertébrés et des milliers d’espèces directeur des aires protégées ; d’invertébrés. – des propositions de modes de gestion Cependant, cette exceptionnelle richesse pour les SIBE et pour les parcs nationaux naturelle est depuis plusieurs décennies existants ou en projet.

51 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

Malgré ce dispositif réglementaire, le – l’Accord sur la conservation des oiseaux Le troisième parc du Maroc, celui de Souss constat est que les écosystèmes ne sont d'eaux d'Afrique Eurasie (relevant de la Massa a été créé en 1991 sur 34 000 ha pas égaux face à l’ampleur de la pression convention de Bonn). entre les provinces d’ et de . anthropique qui induit des évolutions Il sert de lieu d’acclimatation d’espèces Après la conférence de Rio (1992), le régressives. Aussi, le Maroc a-t-il décidé réintroduites comme l’oryx algazelle (Oryx Maroc a intensifié ses efforts en matière de reconstruire sa politique forestière dammah), l’addax (Adax nasomaculatus), de conservation de la biodiversité. Six sur de nouvelles bases. Le Programme l’autruche à cou rouge (Struthio camelus) nouveaux parcs nationaux ont été créés Forestier National (PFN) qui est l’outil et la gazelle dama mhorr (Gazella dama) entre 2004 et 2010. Le réseau de parcs majeur de planification et d’orientation en vue de les réintroduire dans leurs nationaux est renforcé par la création pour la nouvelle gestion, est basé sur biotopes d’origine. d’une Réserve de Biosphère Intercontinen- trois axes : tale de la Méditerranée (RBIM) en 2006 et – assurer la coordination de tous les Le Maroc compte plus de 154 aires pro- d’une Réserve de Biosphère de la Cédraie usagers et acteurs pour une valorisation tégées. 146 SIBE ont été classés comme (RBC) qui est en projet (Tableau 2). optimale des produits et services de la réserves naturelles, dont 138 en domaine forêt. De nombreux sites importants pour les continental (dont 29 zones humides) et – renforcer la « gestion participative » oiseaux migrateurs ont été classés sites 38 réserves en domaine littoral. 21 % par l’adhésion de la population aux RAMSAR (Convention sur les zones humi- des SIBE bénéficient d’un soutien aux objectifs et aux programmes d’actions pour des d’importance internationale), dont aménagements et à la gestion et 91 % prendre les décisions de gestion au niveau quatre dès 1980 : Merja Zerga, Merja Sidi sont soumis à des restrictions nécessaires pertinent le plus proche du terrain. Bou Ghaba, Lac Afennourir et Baie de pour une gestion durable des ressources – conserver la répartition territoriale Khnifiss. Vingt autres sites RAMSAR ont naturelles telles que l’interdiction de la des écosystèmes forestiers en partena- été crées depuis 2005. chasse, de la pêche, de l’ouverture de car- riat avec les populations riveraines. Le rières ou de l’exploitation massive. Cer- Aujourd’hui, les aires protégées du rôle social de la forêt (travail, services, tains SIBE sont des réserves de biosphère Maroc se répartissent en deux catégo- développement local) est une des carac- ou des parcs nationaux ; beaucoup sont ries principales, les parcs nationaux et téristiques essentielles qui appelle à une classés comme réserves permanentes de les réserves naturelles. Les premiers gestion durable. chasse. La répartition géographique des sont régis par le Dahir du 11 sep- aires protégées couvre toutes les régions Un nouveau projet de loi vise à ins- tembre 1934 et l’arrêté ministériel du du pays avec une représentation très taurer, en se basant sur les critères de 26 septembre de la même année, alors satisfaisante des formations végétales l’IUCN, cinq catégories d’aires protégées, à que les secondes sont fixées par arrêtés majeures et des principaux types d’habi- savoir : parc national, parc naturel, réserve ministériels. tats (Tableaux 1 et 2). L’objectif principal naturelle, réserve biologique domanial et Les Parcs nationaux du Maroc sont défi- de ce réseau s’articule autour des résul- site naturel. Cette loi constitue une mise nis, selon la législation nationale, comme tats attendus suivants : à niveau de l’arsenal juridique et un cadre des territoires ayant une valeur scientifi- – assurer la conservation d'un échantillon approprié pour la préservation de la bio- que, touristique ou, d’une manière géné- représentatif de la biodiversité, des éco- diversité, en ligne avec les conventions rale, d’utilité sociale caractérisée pouvant systèmes et des paysages naturels les internationales. assurer la pérennité de leur état existant. plus remarquables ; (Art. 1 du dahir du 11/9/1934). – gérer et aménager ces aires protégées Les aires protégées Le premier parc national du Maroc, celui de manière à harmoniser la conservation du Maroc aujourd’hui de Toubkal, fut créé 1942 sur une super- de la nature et le développement local ; (contraintes, bénéfices) ficie de 38 000 ha dans la Province de – faire de ces aires protégées un outil Le Maroc a ratifié les conventions et Marrakech. important d'aménagement du territoire accords internationaux les plus impor- Tableau 1. Les réserves de biosphères au Maroc (source, HCEFLCD) tants relatifs à la conservation de la biodiversité : Nom Date de création commentaires – la Convention de Ramsar relative aux Réserve de biosphère 1998 2,5 millions ha zones humides (Ramsar, Iran 1972) ; Arganeraie (RBA) – l'Accord sur les aires spécialement protégées en Méditerrannée (Convention de Barcelone, 1999) ; Réserve de Biosphère 2000 7 200 000 ha – la Convention sur le commerce inter- des Oasis du Sud du Maroc national des espèces de la faune et de Réserve de Biosphère 2006 la flore sauvages, (Cites, Washington, Intercontinentale 1973) ; de la Méditerranée (RBIM) – la Convention sur la diversité biologi- Réserve de Biosphère en projet 500 000 ha que (UN, 1995) ; Cédraie (RBC) Parc National d’Ifrane + Parc National – la Convention de Bonn relative aux du Haut Atlas Oriental + Parc National espèces migratrices appartenant à la de Khénifra faune sauvage (Bonn, 1989) ; Objectif : cédraie patrimoine mondial

Juillet 2010 52 66/67 Aires protégées au Maroc

– le Parc National du Haut Atlas Oriental dans les provinces de Khénifra et Errachi- dia : 55 252 ha ; – le Parc National du Bas Draa dans les Province de Tan Tan et Asse Zag : 286 163 ha ; – l’extension du Parc National de Tazekka, province de Taza pour atteindre une superficie de 13 737ha. En outre, il est proposé de créer deux autres parcs nationaux : Khénifiss, 180 000 ha et Dakhla, 1 000 000 ha. Les Aires Protégées auront un rôle témoin à jouer dans le suivi de l’impact des chan- Neige en altitude. gements climatiques sur l’évolution de la © R. Peltier biodiversité et des ressources naturelles d’une manière générale. Les Aires Protégées ont aussi pour défi pour le développement économique et National, Parc Naturel, Réserve Naturelle, majeur de soulager la pression sur les social ; Réserve biologique domaniale, Site natu- ressources naturelles tout en valorisant rel. Sans attendre la promulgation de ces ressources au profit des populations – promouvoir l'approche participative et locales. partenariale pour la cogestion des aires cette loi, le Haut commissariat aux eaux protégées ; et forêts et à la lutte contre la désertifi- cation (HCEFLCD) a lancé la procédure de – contribuer au mouvement mondial de Ifrane : un modèle de création de six parcs nationaux : conservation des espèces et des sites conciliation entre protection d'intérêt global. – le Parc National d’Al Hoceima dans la du patrimoine et gestion province d’AI Hoceima : 48 460 ha ; La stratégie nationale prévoit la création des ressources naturelles – le Parc National de Talassemtane dans de nouvelles catégories d'aires protégées D’une superficie de 125 000 ha, le la Province de Chefchaouen : 58 950 ha ; et se traduit par un projet de loi qui fixera Parc National d’Ifrane est à vocation cinq catégories d'aires protégées définies – le Parc National d’lfrane dans la Pro- essentiellement forestière et pastorale. sur la base des critères de l'UICN : Parc vince d’Ifrane : 51 800 ha ; Le parcours y occupe 44% de l’espace,

Tableau 2. Les parcs nationaux du Maroc (source : HCEFLCD) Superficie Province Date de création B.O. en ha (édition arabe) Parc national de Toubkal 36 000 El Haouz, et 19 janvier 1942 n° 1529 du 13 février 1942 Ouarzazate Parc national deTazeka 13 737 Taza 11 juillet 1950 Création : n° 1978 du 22 septembre 1950 Extension : n° 5255 du 11 octobre 2004 Parc national de Souss-Massa 33 800 Chtouka Ait Baha, Tiznit, 8 août 1991 n° 4112 du 21 août 1991 Inzegane et Ait Melloul Parc national d’Iriqui 123.000 Zagoura et Tata 11 mars 1994 n° 4249 du 6 avril 1994 Parc national d’Al Hoceïma 48 460 Al Hoceima 8 octobre 2004 n° 5255 du 11 octobre 2004 Parc national de Talassemtane 58 950 Chefchaouen 8 octobre 2004 n° 5255 du 11 octobre 2004 Parc national du Haut Atlas 55 252 Khénifra, Errachidia 8 octobre 2004 n° 5255 du 11 octobre 2004 Oriental Parc national d’Ifrane 124.150 Ifrane 08 octobre 2004 Création : n° 5255 du 11 octobre 2004 Extension : n° 5621 du 14 avril 2008 Parc national de Khénifiss 185 000 Laayoune 26 septembre 2006 n° 5461 du 2 octobre 2006

Parc National de Khénifra 93 500 Khénifra 9 avril 2008 n° 5621 du 14 avril 2008 Surface totale : 773 849 ha, soit 1,08% du territoire national

53 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES la forêt 33 % et la surface agricole utile pays dont il est le principal château systèmes du pays. Ce réseau d’aires 23 %. A l’intérieur du parc, la couverture d’eau. Les fortes pressions exercées sur protégées constitue un outil important forestière représente 60% et la zone de ce patrimoine naturel ont aussi motivé pour la conservation et la gestion dura- parcours 90%. La surface cultivée y est son classement, notamment la pression ble de la biodiversité et le maintien des extrêmement réduite. croissante sur certains types d’habi- équilibres écologiques des écosystèmes. tats utiles pour le cheptel, les usages De même, les aires protégées constituent Des points de vue climatique et bioclima- domestiques (construction, bois du feu) des lieux privilégiés pour évaluer l’im- tique, le PN d’Ifrane présente un gradient économiques (agriculture, arboriculture, pact des changements climatiques sur pluviométrique décroissant d’Ouest en pêche, chasse) sans oublier l’impact des la biodiversité. n Est de 1200 à 700 mm ; un régime pluvio- touristes nationaux et internationaux. métrique saisonnier de type HPAE avec une bonne partie des précipitations sous Le Parc National d’Ifrane a été conçu forme de neige ; deux types de biocli- pour assurer la conservation de la bio- mats : subhumide et humide à variantes diversité, des biotopes et niches écolo- fraîches aux moyennes altitudes, froides giques et pour maintenir une dynamique sur la plus grande partie du Plateau du permettant aux écosystèmes d’accomplir Parc et très froides sur les sommets des normalement leurs rôles et fonctions reliefs orientaux. biologiques, écologiques, économiques, environnementaux et socioculturels. Ce Trois étages de végétation se succèdent qui doit induire une autoprotection et de bas en haut : mésoméditerranéen une résilience soutenues vis-à-vis des (1200 – 1600 m), supraméditerranéen perturbations et des facteurs de dégra- (1600 – 2000 m) et montagnard médi- dation. terranéen (2000 – 2440 m : sommet du jbel Ij). Cette protection passe nécessairement par un certain nombre d’actions dont : Les essences forestières majeures com- – la sensibilisation des populations rive- posent de très beaux peuplements fores- raines à la conservation de « leur » tiers : cèdre, chêne vert, avec de grandes biodiversité ; zones de chêne zéen et de pin maritime – l’organisation des éleveurs ; de montagne. De manière éparse on ren- – l’interdiction des prélèvements, des contre, selon les altitudes, le genévrier ventes d’espèces sensibles ; thurifère, le frêne dimorphe et l’aubé- – le contrôle de l’introduction des ani- pine lacinié. Les nombreuses essences maux domestiques qui peuvent causer forestières secondaires, comme l’érable La cédraie. © A. Billand des dégâts aux espèces sauvages ; de Montpellier, l’if ou le genévrier oxycè- – l’obligation d’avoir un permis de cap- dre, etc. sont encore plus disséminées. ture pour tout prélèvement, même scien- Addendum (par Gilles Mille, Cirad, coor- Le paysage est complété par des mator- tifique, de spécimens d’amphibiens et de donnateur de l’AT du projet Ifrane) rals ou des steppes qui dominent le reptiles ; paysage végétal dans les clairières. La cédraie c’est un patrimoine national, une niche – la mise en place d’une signalétique ; de production d’un bois d’œuvre exceptionnel Cependant, sous l’effet de la pression – l’élaboration de dépliants et brochures de grande utilité locale, un massif essentiel pour pastorale, une grande partie de ces for- de sensibilisation ; ses services environnementaux, un écosystème mations a cédé la place aux steppes de – l’organisation rationnelle du tou- complexe avec une biodiversité variée, parfois en dégradation dominées par l’euphorbe et risme ; danger, une source de revenus, souvent en terme le thymela de survie, d’accès libre pour les populations, loca- . – les contrôles stricts par les agents des les ou non. eaux et forêts. La flore du parc compte plus de Le projet Ifrane, pilote issu du PFN, a débuté par des 1 015 espèces de plantes vasculaires, soit aménagements forestiers participatifs pour aboutir plus de 22 % de l’ensemble de la flore à la gestion d’un parc national, avec sa législation Conclusion sévèrement restrictive. marocaine. 1/4 de la flore est endémique. Le Maroc dispose d’une grande richesse Parmi celle-ci, 64 taxons, (25 %) sont La dialectique conservation-exploitation ne peut et d’une diversité de ressources natu- trouver meilleur terrain pour s’exprimer : spéciaux à la zone du Parc, et plus de relles soumises de plus en plus à des Le projet a-t-il échoué parce qu’il subsiste toujours 90 plantes (35 %) sont particulières au perturbations naturelles (sécheresse, autant de moutons en forêt ? Doit-on extermi- Maroc septentrional. parasitisme, etc.) et à des pressions ner cette belle race ovine de Timhadite et priver de protéines et d’épargne une population à qui L’installation du parc est amplement jus- anthropiques (défrichements agricoles, est promise depuis longtemps une amélioration tifiée par la présence d’un écosystème récolte de bois, récolte de plantes aro- sérieuse de leurs conditions de vie ? Quel type de d’importance mondiale (la cédraie de matiques et médicinales, surpâturage gouvernance peut officialiser une transition qui l’Atlas) et d’un massif forestier d’une etc.). Conscient des menaces qui pèsent fait coexister, assez pacifiquement, la poursuite grande diversité végétale et de ses habi- sur ses ressources, le Maroc a développé d’une exploitation de bois de feu, de bois d’œuvre, des parcours et une vigilance réglementaire pour tats (présence de sites RAMSAR), mais une stratégie de conservation de la bio- la sauvegarde d’un capital, devenu mondial, de aussi par le rôle écologique fondamental diversité reposant sur un réseau d’aires diversité biologique ? qu’il joue pour une grande partie du protégées qui couvre les principaux éco- Le débat est ouvert !

Juillet 2010 54 66/67 Mino Randrianarison Université d’Antananarivo, BP 903, Les paiements pour 101 Antananarivo, Madagascar services environnementaux au secours des aires protégées de Madagascar ?

Mots clés : Madagascar, PSE, Force est de constater que le seul statut gestion durable des forêts, les ONG de aire protégée d’aire protégée, associé aux PDCI, ne conservation, et notamment Conservation permet pas de réduire l’exploitation illi- International, ont fait appel à un nouvel cite des ressources forestières dont le outil : les PSE. bois. Le concept de gestion durable des Introduction forêts est ainsi remis en cause, surtout Un paiement pour services environne- À Madagascar, les aires protégées sont un par les organismes de conservation. mentaux à part entière doit répondre des outils de gestion des forêts. Ceci l’est à cinq conditions. Il doit être « (1) un d’autant plus que le Président Ravaloma- Pour y remédier et renforcer la protec- accord et une transaction volontaires aux nana a déclaré vouloir tripler la superficie tion de la biodiversité, les organismes termes desquels (2) un service environne- des aires protégées en 5 ans. de conservation chargés de gérer les mental bien défini (ou une pratique agri- nouvelles aires protégées ont utilisé les cole ou foncière susceptible de pérenniser Dans les zones tampons qui entourent les « paiements pour services environne- ces services) (3) est acheté par au moins aires protégées, des projets de conserva- mentaux » ou PSE comme outil de moti- un acheteur externe (4) auprès d’au tion et de développement intégré (PCDI) vation des populations en faveur de leur moins un prestataire de service local, ont été mis en place dès le milieu des environnement. (5) et ce, à condition que le prestataire années 80 (Rakotoarivony et Ratrimoa- de service continue de fournir le service Mais les PSE et le statut d’aire protégée rivony, 2006) pour réduire les pressions en question tout au long d’une période sont-ils compatibles ? Est-ce que ces humaines sur les ressources naturelles. déterminée» (Wunder, 2005). Satisfaire deux modalités de gestion des ressources Mais, à Madagascar, cet outil n’a pas été à ces cinq conditions est difficile, mais peuvent coexister et se coordonner pour plus couronné de succès que dans nom- n’empêche pas le développement de atteindre un objectif commun ? breux pays dans le monde. « Les résul- l’outil PSE. Certaines transactions que tats des PCDI sont de portée limitée. La l’on nomme PSE ne répondent qu’à une dégradation de l’environnement n’est pas Les paiements pour services partie de ces conditions : elles sont alors enrayée et la question reste très actuelle. environnementaux (PSE) considérées comme des « quasi-PSE » Les PDCI ont mal fonctionné et ont eu (Wertz et Wunder, 2007). Ces derniers des effets contraires. » (Blanc-Pamard et Fortes du constat de l’inefficacité de sont plus nombreux que les « vrais » Rakoto, 2007). la loi et des différents instruments de PSE (Landell-Mills et Porras, 2002; Wertz et Wunder, 2007), ce qui démontre la difficulté d’application du mécanisme, mais également une certaine flexibilité du concept. Pour protéger la biodiversité, les contrats PSE ont pris les noms de « Contrat de conservation » et de « suivi écologique participatif ».

Les apports des PSE pour les aires protégées À Madagascar, des contrats PSE existent et évoluent sur le même territoire que les aires protégées. Deux catégories dis- tinctes de PSE sont rencontrées : ceux

© M. Randrianarison dont la finalité est la vente de carbone

55 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES séquestré par les forêts et ceux qui ont la réalisation d’activités communautaires (CI). Ces contrats couvrent une super- comme objectif la protection de la biodi- (50%). Cette dernière part comprend les ficie totale de 37 320 ha. Ils ont été versité, sans aucune relation avec la vente activités d’intensification agricole et de conclus entre les communautés locales de carbone. diversification des sources de revenus de base (COBA) gestionnaires des forêts des communautés qui font l’objet de et Conservation International. Les contrats La première catégorie de PSE est mise en paiement direct aux communautés (WCS, de conservation de Didy sont oraux et œuvre dans la région de Makira, dans le 2009). limitent les activités des membres des Nord-Est de l’île. La seconde catégorie de COBA à la seule protection des forêts. PSE est mise en place autour du corridor Mais depuis l’obtention du financement, forestier de l’Est qui longe la partie Est de seule la mise en place de la nouvelle aire Dans la région de Maroseranana, sur la l’île et dénommé Corridor Ankeniheny- protégée est effective. Les autres activi- partie orientale du corridor, cinq contrats Zanamena (CAZ) dans sa partie nord et tés, et surtout les mesures d’accompa- de conservation ont été mis en place par corridor Fandriana-Vondrozo dans sa partie gnement, ne sont qu’à l’identification et CI. Ils couvrent une superficie totale de Sud. aux études. Nous ne pourrons donc pas 1412,7 ha. En plus des rémunérations ici nous étendre sur ce cas. Néanmoins, propres à ces contrats PSE, les commu- Quels sont les apports de ces deux types l’existence de ce cas particulier nous nautés locales gestionnaires des ressour- de PSE pour la protection des aires pro- permet de confirmer que des PSE sont ces bénéficient ponctuellement de primes tégées ? Est-ce que leur mise en place mis en œuvre dans des aires protégées pour le suivi écologique participatif (SEP), entrave ou favorise l’atteinte des objectifs en plus des cas que nous allons évoquer une sorte de concours entre les COBA. de protection des ressources naturelles ? ci-après. Dans cette région, les contrats de conser- Cas de Makira Cas de Didy et de Maroseranana vation sont des documents écrits de droit Le paysage Makira-Masoala est l’un des privé. Ils ne font pas intervenir l’État. Ils D’autres contrats de paiements pour ser- plus grands blocs de forêts humides de dictent les droits et les obligations des vices environnemntaux sont observés à l’Est malgache. Ce paysage comprend COBA et de CI. Les COBA ont pour obliga- Madagascar, notamment dans le Moyen- divers types d’écosystèmes qui, outre tion de protéger les forêts, et surtout la Est malgache dans les régions de Didy et la diversité écologique, fournissent une biodiversité ciblée dans le SEP. En contre- de Maroseranana, au sein de la future grande variété de services écosystémi- partie elles reçoivent une rémunération aire protégée du corridor Ankeniheny ques dont bénéficient les populations de la part de CI. riveraines (eau potable, produits fores- Zahamena. Dans les zones tampons des aires proté- tiers, etc.) mais qui ont aussi un impact Les contrats PSE locaux au niveau régional, national et mondial gées, les compensations sont octroyées (régulation climatique et séquestration Dans la région de Didy, la forêt est par- en nature (appui au contrôle forestier de carbone). tiellement gérée par des contrats pour et achat de matériels divers comme des paiements pour services environnemen- sarcleuses, des charrues, des matériaux La nouvelle aire protégée de Makira a taux. Huit contrats de conservation ont de construction, etc.) en fonction des été créée en 2007. Elle est gérée par la été initiés par Conservation International efforts que la COBA aura déployés. Wildlife Conservation Society avec l’appui technique de l’administration forestière malgache. Son objectif est de protéger la biodiversité endémique, caractéristi- que de la forêt humide de l’Est malga- che. Les financements pour gérer cette aire protégée proviennent des ventes de carbone sur des marchés volontaires internationaux. Pour la période 2008- 2010, le projet Makira a vendu, avec l’accord du ministère de l’environnement et des eaux et forêts malgache, près de 84 000 tonnes de carbone à $7,1 la tonne. Le montant total de la transaction s’élève de 595 000 US$. L’acheteur des crédits carbone est le Groupe Mitsubishi. L’argent obtenu de cette vente de carbone est théoriquement destiné à la mise en place de la nouvelle aire protégée et à sa gouvernance (10% du montant total), à la mise en place de la zone de conservation, une «ceinture verte» entourant l’aire protégée (30%), la réalisation des travaux d’inventaires pour la connaissance phy-

sique et biologique de la région (10%) et © M. Randrianarison

Juillet 2010 56 66/67 Paiements pour services environnementaux

Les contreparties financières du concours de suivi écologique partici- munautaires (adduction d’eau potable, patif. Le montant de ces primes est varia- école publique, maison communautaire, En tant que signataires des contrats PSE, ble et est fonction de l’effort fourni par etc.), soit elles achètent des matériels et les COBA gestionnaires des forêts bénéfi- les COBA. Les compensations et primes des intrants agricoles. L’intensification de cient de contreparties financières prévues doivent être utilisées pour réaliser le la production agricole et la diversification dans les contrats de conservation et ceux contrôle forestier local (par les membres des sources de revenus ont ainsi pu être de suivi écologique participatif. de la COBA) et, également, la création mises en place afin de détourner - pro La particularité de Didy réside dans le d’activités permettant à ces COBA de gressivement les communautés locales fait que le montant des financements compenser la réduction d’utilisation des de l’utilisation et de l’exploitation des des contrats PSE n’est pas préalable- ressources forestières. ressources forestières. ment connu et que les rétributions sont Le montant de ces contreparties n’est pas données sous forme de formations ponc- Les compensations investies dans la mise fondé sur des méthodes de calcul déter- tuelles aux COBA dispensées par CI qui en place des actions communautaires ne minées mais dépend du financement a initié les contrats. Ces formations doi- permettent pas de cibler la protection des disponible, or la durabilité du système vent répondre aux besoins des membres ressources naturelles. Les membres de dépend de la durabilité de ce finance- des communautés riveraines telles que la communauté riveraine des ressources ment. Les compensations sont utilisées formations aux méthodes de culture res- l’admettent. Mais pour eux, pouvoir les en fonction des demandes et des besoins pectueuses des ressources forestières, utiliser à des fins communautaires leur des communautés locales. Néanmoins, agroforesterie et cultures sous couver- permettrait de montrer que la protec- cette utilisation des fonds n’est pas tota- tures végétales. Ces formations visent tion des ressources naturelles peut être lement libre car les communautés locales à améliorer les pratiques agricoles des bénéfique à la communauté. Ceci pourrait doivent avoir l’autorisation de l’orga- communautés riveraines des forêts et ainsi servir de levier pour sensibiliser nisme de conservation pour engager les l’abandon progressif des cultures sur les personnes non encore convaincues dépenses relatives à leurs choix. brûlis. des bénéfices découlant des pratiques Utilisation des compensations conservatrices des ressources. Par contre, dans la région de Marose- ranana, chaque contrat est rémunéré Les compensations sont utilisées de deux Mais les compensations ne sont pas à hauteur de 8,5 millions d’ariary manières : soit les COBA investissent pour seulement utilisées pour la mise en place (3 400 €) auxquels s’ajoutent les primes la mise en place d’infrastructures com- d’actions communautaires. D’autres acti- © M. Randrianarison

57 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES vités sont réalisées qui touchent l’amé- organismes de conservation n’est plus efficaces et équitables. De même, il est lioration du bien-être des membres de la unique : il vise aussi, par des actions actuellement impossible d’étendre les communauté comme l’achat de matériels concrètes, l’amélioration du niveau de zones sous contrats PSE. Mais force est agricoles (charrue, zébus, herse, etc.) ou vie et du bien-être de la COBA. L’argent de constater que les PSE et le statut d’intrants agricoles (engrais, produits est alors converti en matériels, selon les d’AP se complètent s’ils coïncident avec phytosanitaires, etc.). Mais actuellement, demandes de ces COBA. Les patrouilles le schéma d’aménagement de l’aire pro- tous les membres de la communauté en forêt, en lieu et place de l’adminis- tégée. locale ne peuvent pas jouir de ces achats tration forestière qui manque de moyens Les bénéfices obtenus des PSE ne sont réalisés avec le montant des compensa- humains et financiers, permettent aussi pas uniquement écologiques. Les PSE tions. Seuls les «élites» en bénéficient. d’obtenir un salaire journalier. permettent d’aider à lutter contre la Il en est de même des salaires issus pauvreté des populations riveraines des des contrôles forestiers réalisés dans Bouclier de conservation autour de l’aire AP comme on a pu le voir à Didy et Maro- ces contrats PSE. Seule une frange de la protégée seranana. Ils ne sont plus considérés COBA bénéficie des salaires du contrôle Les territoires des communautés ayant comme un outil dont la finalité est seu- forestier. On assiste ainsi à une «privati- conclus des contrats PSE se trouvent dans lement la protection des forêts. Ils parti- sation de la COBA». De ce point de vue, la zone tampon de la nouvelle aire proté- cipent à l’atteinte d’un objectif plus noble le contrat ne serait ainsi pas équitable si gée du Corridor Ankeniheny Zahamena. qui est le développement durable. l’équité est assimilée à un partage égal Didy se trouve dans la zone occidentale des compensations. de cette AP CAZ et Maroseranana dans sa Nous avons constaté les effets de l’in- troduction des paiements pour services Ceci démontre alors que le comporte- partie orientale. Les territoires protégés ont un noyau dur, c’est-à-dire une zone environnementaux pour la gestion des AP. ment des membres de la COBA peut être PSE et AP sont complémentaires, mais les influencé par la compensation octroyée dans laquelle aucune exploitation ni utili- sation des forêts ne sont admises. Autour PSE ne constituent pas une alternative dans le cadre des contrats PSE. Les primes aux anciens instruments de gestion des et les compensations permettent ainsi de de ces zones de protection, des zones de production sont instaurées dans la forêts, mais un complément dont la per- mettre en place des activités pouvant tinence est actuellement observée. n satisfaire en partie leurs besoins. Tant zone tampon, respectant ainsi le schéma que ces besoins ne sont pas satisfaits, les d’aménagement de l’AP. Les contrats PSE dégradations des forêts continuent. permettent ainsi d’éviter que les COBA ne portent atteinte au noyau dur de l’aire Les principaux apports des PSE protégée. Bibliographie Les contrats PSE sont appropriés par les communautés locales. Certes, les objec- Conclusion Blanc-Pamard, C. et H. R. Ramiarantsoa, tifs locaux de protection des ressources 2007. Normes environnementales, transferts de gestion et recompositions territoriales en forestières n’ont pas pu être atteints car Si le statut d’aires protégées n’a pas suffi à protéger les forêts de Madagascar, de pays betsileo (Madagascar). Natures Sciences les pratiques de culture sur brûlis conti- Sociétés 15: 253-268. nuent. Mais les contrats, même s’ils n’en nouveaux instruments ont permis un sont qu’à leur début, contribuent à la léger mieux dans les actions de conser- Durbin, J., A. Andrianarimisa et P. DeCosse, 2001. Le potentiel des contrats de conservation protection des forêts locales et renforcent vation. En effet, entre 2000 et 2005, le taux de déforestation des aires protégées pour contribuer à la conservation de la biodi- le statut de protection du territoire. Ceci versité à Madagascar. Antananarivo. peut se manifester de différentes maniè- a été de 0,12% par an, contre 0,65% par res : par le renforcement de la présence an pour les forêts non protégées. Ceci Landell-Mills, N. et I. Porras,2002. Silver de l’administration forestière, par les résulte surtout de la mobilisation de bullet or fool’s gold? A global review of markets plusieurs outils de gestion des ressources for forest environmental services and their apports en fonds mobilisés par les popu- impact on the poor. London, IIED. lations riveraines des AP, par une prise de complémentaires à la gestion des aires protégées. Les PSE font partie de ces ins- conscience générale sur l’importance des Rakotoarivony, C. B. et M. Ratrimoarivony, forêts et enfin par le renforcement de la truments qui ont permis d’avancer dans 2006. Terre ancestrale ou parc national ? Entre la protection des forêts malgaches. légitimité sociale et légalité à Madagascar. délimitation des AP. VertigO 7(2). Apport de fonds pour les AP Les paiements pour services environne- mentaux, lorsqu’ils sont efficaces locale- WCS, 2009. Aire Protégée Makira. Partage des Même si les contrats PSE sont payés ment, permettent de protéger les forêts. revenus issus de la vente des crédits de car- bone. Octobre 2009, Atelier sur les PSE, Anta- tout au plus au niveau de leur coût Les PSE permettent le renforcement de nanarivo, Madagascar. d’opportunité (le coût du renoncement la présence de l’administration forestière à l’utilisation des forêts), et même en et le renforcement de la limite de l’aire Wertz-Kanounnikoff, S. et S. Wunder, 2007. deçà, cet apport au niveau local est protégée, mais surtout l’apport de fonds Les paiements des services environnementaux, in L. Tubiana et P. Jacquet (Ed.), Regards sur la important pour les communautés qui pour la mise en place des activités d’ac- terre 2008. L’annuel du développement durable. ont peu d’autres sources de revenus compagnement nécessaires pour que les Paris, Presses de Sciences Po. (agricoles ou non). Les compensations actions de conservation soient effectives. prévues dans les contrats PSE arrivent Certes, les fonds actuellement disponi- Wunder, S., 2005. Payments for environmental aux COBA sous la forme d’investissement bles ne sont pas suffisants et pérennes services: some nuts and bolts. CIFOR Occasional Paper 42. divers (surtout agricole). L’objectif des pour rendre les contrats PSE totalement

Juillet 2010 58 66/67 Pierre KAKULE VWIRASIHIKYA, Coordonnateur et Représentant Légal UGADEC et TCCB/UCNDK. Email : [email protected] Désiré KHASIRIKANI, Enseignant à l’Université de Kasugho Innovations (UCNDK/TCCB). Email : [email protected] Omer Paluku MBUSA, Firmin Mbusa MAHUKA Enseignants à l’Université de Kasugho (UCNDK/TCCB), membres de commission chargée du marketing du TCCB. communautaires Email : [email protected] et [email protected] Patrick MEHLMAN, Coordonnateur ONG Conservation Interna- tional en RD du Congo. Email : [email protected] en République Jean-Pierre PROFIZI, Consultant. Email : [email protected] Démocratique du Congo : l’Université communautaire de conservation de la Nature et de Développement ans le contexte difficile de l’est de la République Démocratique du Congo, la protection des écosystèmes et de la biodiversité fait l’objet de plusieurs programmes et projets dans le cadre du Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC). DPour mener de front le développement des territoires et la conservation de la nature, des chefs traditionnels du Kivu ont décidé de créer une association locale pour assurer de meilleures conditions de vie aux populations et bénéficier, le moment venu, des revenus de la biodiversité. Afin de former les futurs cadres du pays, l’Université de la Conservation de la Nature et du Développement a été créée et installée à Kasugho dans la Province du Nord-Kivu. Habilitée par le gouvernement congolais, elle a, depuis 2006, délivré 288 diplômes de graduat et de licence. En 2008/2009 elle comptait 371 étudiants, dont 350 étaient boursiers de leurs communautés.

Bassin du Congo (PFBC) a été lancé pour Questions aux responsables Le Kivu et ses communautés rationaliser les efforts : développement de communautés Les forêts montagnardes du rift Albertin économique, lutte contre la pauvreté sont reconnues pour leur forte endé- et amélioration de la gouvernance et Les chefs de communautés rurales des micité et font partie d’un « archipel » conservation des ressources naturelles pays intertropicaux sont soumis à une beaucoup plus vaste qui englobe les à travers un réseau de parcs nationaux, pression permanente : comment amélio- montagnes d’Éthiopie, d’Afrique orientale de réserves et de concessions forestiè- rer les conditions de vie des populations, et d’Angola. Cet ensemble discontinu res bien gérées, et grâce à l’assistance comment conserver les écosystèmes, abrite environ 4 000 espèces de plantes aux communautés qui dépendent des surtout quand ils sont riches et fragiles, dont 75% au moins sont endémiques. ressources de la forêt et de la faune. Le comment former les cadres de demain, Ainsi, le rift Albertin, qui s’étend sur PFBC a défini 11 « Paysages » ou « Lands- surtout quand le système éducatif est 800 km du nord au sud reste, bien que cape » jugés essentiels sur le plan écolo- déficient. Est-il possible de répondre morcelé, l’îlot afromontagnard le plus gique (Figure 1, page suivante). à tous ces enjeux en même temps à riche et homogène d’Afrique1. A cette travers une politique concertée de déve- Les communautés du Nord Kivu sont diversité végétale s’ajoute un rôle fon- loppement durable basée sur la conser- au sein du Paysage (Lanscape) numéro damental dans la régulation du climat vation des écosystèmes forestiers ? Est-il 10 : Maiko-Tayna – Kahuzi Biega (MTKB). car la forêt est une réserve de carbone imaginable d’allier conservation de la Dans ces régions densément peuplées de d’importance mondiale. nature, développement économique et l’est de la RD Congo, la dégradation des social et création d’une Université ? Une En 2002, au Sommet de la Terre sur le écosystèmes est d’autant plus marquée démarche innovante de chefs tradition- Développement Durable de Johannes- que les formations végétales d’altitude et nels de l’est de la RD Congo pourrait burg, le Partenariat pour les Forêts du la biodiversité animale sont fragiles et se bien donner des idées à d’autres com- 1. J.P Vande weghe – Forêts d’Afrique centrale, la nature reconstituent lentement après l’abandon munautés. et l’homme. Ecofac-Lannoo, 2004 des cultures. Côté forêt, la production de

59 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

reconnus par l’État congolais. Plusieurs munautaires sur une surface de plus de chefs coutumiers ont réussi à rassem- 10 000 km2 et de créer un corridor écolo- bler les communautés autour de projets gique entre les parcs nationaux de Maiko de conservation de la nature dans l’es- et de Kahuzi-Biega (Figure 2, ci-contre). poir de revenus potentiels du tourisme Une radio communautaire a également de vision lié aux grands primates. La été installée à Kasugho ; elle diffuse des volonté des chefs des communautés, la messages de conservation, d’agronomie compétence d’un animateur et le volon- adaptée et de santé, en plus d’émissions tarisme des bailleurs de fonds a permis culturelles et d’informations locales et un ensemble d’innovations : la Réserve nationales. des Gorilles de Tayna (RGT), l’Union des Associations de Conservation des Gorilles pour le Développement Communautaire à Figure 1. carte des Paysages prioritaires du Parte- l’Est de la RD Congo (UGADEC) et, enfin, la nariat pour les Forêts du Bassin du Congo LA MONUC va transférer création de l’Université de Conservation Paysages prioritaires pour le PFBC (CARPE 2005) des jeunes gorilles près de la Nature et de Développement de 1. Monts de Cristal ; 2. Gamba-Mayumba-Conkouati ; de la réserve naturelle de Tayna 3. Lope-du Chaillu-Louesse ; Kasugho. L’UGADEC développe également 4. Dja-Minkebe-Odzala-Trinational ; 5. Sanga-trinational ; 6. Lekoni-Batéké-Léfini ; 7. Lac Télé- lac Tumba ; des programmes d’élevage, de santé et par Jean-Charles BATENBAUM 8. Salonga-Lukenie-Sankuru ; 9. Maringa-Lopori-Wamba ; d’éducation au profit des populations, 10. Maiko-Tayna – Kahuzi Biega ; 11. Ituri-Epulu-Aru Suite à la demande de l’Institut congolais notamment en direction des veuves et pour la conservation de la nature (ICCN), des orphelins. charbon de bois est largement pratiquée les Casques bleus de la Mission de l’Orga- et quelques scieurs de long produisent nisation des Nations Unies en République Depuis 2003, un Consortium dirigé par démocratique du Congo (MONUC) vont des avivés pour la consommation locale Conservation international (CI) en asso- transporter par hélicoptère neuf gorilles et pour l’exportation informelle vers les ciation avec Dian Fossey Gorilla Fund orphelins de la région de Goma (RDC) et du pays limitrophes. La déforestation est International (DFGFI), World Wildlife Fund Rwanda vers Kasugho, près de la réserve concentrée aux abords des villages et (WWF) et Jane Goodall Institute (JGI). naturelle de Tayna… des axes de circulation mais est aggravée travaille pour améliorer la gestion des « On estime qu’il ne reste plus que localement par l’afflux de réfugiés qui ressources naturelles et la conservation 750 gorilles qui vivent dans les montagnes surexploitent les écoystèmes. Les espèces dans le cadre du programme Landscape et 5 000 dans les plaines de l’est de la RDC, emblématiques comme les gorilles sont 10 (CARPE-USAID). au Rwanda et en Ouganda », a déclaré souvent confinées dans des zones escar- le PNUE. « Aussi, transférer ces animaux pées volcaniques, à proximité immédiate va aider à augmenter la population des des zones cultivées et des villages. Des Aires Protégées gorilles du pays et va contribuer à amélio- communautaires rer l’écosystème qui a souffert, comme les Des troubles ont longtemps agité les hommes, de la guerre et de la violence », Provinces de l’Est du Congo et porté de Les chefs traditionnels ont mis en place a ajouté Mr Doss. graves atteintes aux droits de l’homme, la Réserve de Gorilles de Tayna (RGT), Extrait du site Actu-environnement.com du 31.03.2010 alors que l’économie informelle, notam- pendant la guerre civile. Leur initiative ment celle de l’or, des diamants, du était centrée sur un plan d’utilisation des coltan2 et de la cassitérite3 etc. a généré terres pour leur chefferies (populations Actuellement, sous l’impulsion du Consor- insécurité et banditisme. Malgré ces Batangi et Bamate) conciliant conserva- tium : crises et le nombre important de dépla- tion et développement. Une cartographie – un plan d’occupation des sols est cés et de réfugiés, le monitoring des participative a permis de délimiter une en cours de réalisation après plusieurs écosystèmes a été maintenue a minima. réserve naturelle communautaire et une études biologiques et socio-économiques Les espèces emblématiques de la faune zone de développement économique. En établissant les premières bases de zonage ont été protégées par les populations, les 2001, 13 chefs de villages ratifièrent ce pour la gestion des ressources naturelles agents des Parcs Nationaux et les person- plan alors que la réforme du code fores- et la conservation des paysages ; nels des ONG de conservation restées sur tier de RD Congo autorisait la création – la réhabilitation des deux Parcs Natio- place malgré les risques. de réserves privées. En 2002, le gouver- naux a débuté ; – des Réserves Naturelles basées sur la Les structures traditionnelles communau- nement congolais reconnaissait officiel- gestion communautaire sont reconnues taires ont résisté aux soubresauts politi- lement la Réserve des Gorilles de Tayna 2 par l’Etat ; ques intérieurs. Les systèmes fonciers et (RGT) qui comprend 900 km de protection – les capacités de l’UGADEC pour la de justice de proximité sont restés large- intégrale. Un décret du Ministère de l’En- conservation, le développement et la ment aux mains des Mwami, un système vironnement l’a confirmée en 2006. Suite gestion des ressources naturelles sont hiérarchisé de chefs de terre traditionnels à ce succès, six autres associations com- munautaires indépendantes rejoignirent renforcées ;

2. Coltan : minerai de colombite (source de Nobium - Nb), Tayna pour créer l’UGADEC (Union des – l’Université à Kasugho a été créée, et de tantalite (source de Tantale - Ta), dont le Kivu recèle Associations de Conservation des Gorilles comme incitation à la conservation pour entre 60 et 80 % des réserves mondiales. pour le Développement Communautaire les propriétaires fonciers qui ont cédé 3. Cassitérite : minerai composé d’oxyde d’étain (SnO2) et de traces de nombreux éléments simples (Fe, Ta, Nb, Zn, à l’Est de la R.D.Congo) avec l’objectif leurs droits sur les forêts classées comme W, Mn, Sc, Ge, In, Sc, Ga). d’établir un ensemble de réserves com- réserves ;

Juillet 2010 60 66/67 Innovations communautaires en RDC

(agriculture, élevage, braconnage, mines, ressources en eau et en électricité) et la situation des populations s’aggrave- rait. Les opportunités d’accroissement des revenus comme l’écotourisme ou le marché du carbone par le processus REDD ne seraient pas saisies. Enfin, l’autorité communautaire serait entamée par l’arrêt d’une initiative qui a néces- sité beaucoup d’investissements de la part des populations qui en tirent une grande fierté.

La prise en charge de la formation de ses futurs cadres par une association de communautés rurales de l’est de la RD Congo était un défi de grande taille. Le complexe universitaire a été bâti manuellement par les membres de la communauté qui ont pressé et cuit les briques et par des artisans locaux qui ont fabriqué les meubles, les portes et les fenêtres. En plus des locaux destinés à l’enseignement, l’Université abrite une station de radio, un orphelinat de jour, une école primaire et une clinique de 28 lits dotée d’un laboratoire d’analyse et d’une salle d’opération.

L’Université est construite sur une colline face au village de Kasugho (voir la photo 1, page suivante). Elle se compose Figure 2. L’UGADEC : collectivités parties prenantes, réserves naturelles communautaires existantes de quatre corps de bâtiments : salles de et en projet. cours et salle informatique, bureaux de l’administration, dortoirs, bloc cafétéria- bibliothèque qui abritera également de – un premier programme de gestion des niture de médicaments, un programme de petites salles de classe. Il existe en outre ressources et de conservation est basé sur planning familial, le tout touchant environ un bâtiment d’hébergement pour les le développement communautaire dans le 40 000 personnes. professeurs permanents et deux autres massif d’Itombwe ; pour les professeurs visiteurs. Les étu- – on a constaté en quatre ans, dans la L’Université de Kasugho diants vivent sur le campus (dortoirs) ou RGT, le succès des efforts de conserva- à proximité chez l’habitant, la clinique tion communautaire (augmentation du Dans ce contexte, la formation des futurs se situe à mi-chemin entre le village et nombre de grands singes - chimpanzés, cadres est essentielle. C’est un souci le campus et la radio au sommet d’une gorilles - et multiplication par dix des majeur des chefs de terre car l’offre de colline voisine. traces d’éléphants) et la décroissance des formation étatique et privée est mal dégradations anthropiques ; adaptée à leurs préoccupations d’avenir. Depuis l’année universitaire 2005-2006 – le fonds fiduciaire destiné à assurer le La solution qu’ils ont retenue a été de (Tableaux 1 et 2), 267 étudiants ont financement durable de la partie nord du prendre eux même en charge cette for- reçu leur diplôme de graduat (3 années paysage a reçu un premier abondement. mation en créant une Université commu- d’études supérieures) et 21 de licence nautaire : l’Université de Conservation (5 années). Les cursus enseignés, parfois Plusieurs projets d’accompagnement ont de la Nature et de Développement rural précédés d’une année supplémentaire été développés : pisciculture, ferme avi- de Kasugho (UCNDK), appelée aussi le de mise à niveau scientifique, sont mul- cole, élevage de porcs et création d’une « Tayna Center for Conservation Bio- tiples et prennent leur légitimité dans micro-centrale hydroélectrique pour logy » (TCCB). Celle-ci a reçu l’appui de les besoins exprimés par les acteurs : fournir l’électricité à l’Université et aux partenaires locaux et internationaux qui conservation (biologie animale et végé- villages environnants ; un volet santé ressentaient le besoin urgent de former tale, économie et gestion des aires incluant l’approvisionnement en eau des cadres de la conservation. protégées, formation des formateurs, potable, la construction/réhabilitation de journalisme), mais aussi conditions de dispensaires avec l’aide de la population, Sans cette Université communautaire, il vie et de développement économique la formation et le salariat d‘infirmières et y aurait pénurie de cadres : la gestion (médecine dentaire, alimentation élec- de médecins, les soins de santé et la four- non durable des ressources s’étendrait trique, mines, élevage). Ces étudiants,

61 Juillet 2010 66/67 Dossier spécial AIRES PROTÉGÉES

Pour compléter son effectif d’ensei- gnants et de gestionnaires, les respon- Salles sables de l’Université proposent à leurs de cours Informatique Bâtiment Cafétéria meilleurs étudiants d’intégrer le corps administratif Bibliothèque professoral en entamant une carrière Dortoirs d’enseignants-chercheurs selon la pro- cédure nationale. Ils assurent alors une activité d’enseignement et de recher- che sous la direction des enseignants permanents ou invités, et la gestion de la conservation, notamment en étant employés par l’UGADEC. Les populations locales ont accès au médecin, aux infirmières et aux services du centre de santé, au programme local d’appui aux agriculteurs. Les enfants ont accès à l’enseignement primaire et secondaire (un collège est en construc- tion près de l’école primaire destinée aux orphelins). La station de radio locale diffuse des messages aux communautés concernant la conservation, la politique, L’Université de Kasugho depuis la colline de la radio communautaire. © J.P Profizi, juillet 2009 la musique, la culture et des communi- qués à destination des femmes et des issus pour la plupart des familles de les soins médicaux, les fournitures scolai- familles. Cependant, la véritable valeur chefs de terre, prendront plus tard leurs res et le transport sont pris entièrement de l’Université reste ses étudiants qui responsabilités traditionnelles de gestion en charge. Les autres sont financés par les constituent la nouvelle génération des des terres en ayant à l’esprit la nécessité familles ou les communautés qui ont les chefs de terres de l’ensemble de la zone d’allier conservation et développement. capacités de le faire. de conservation de l’UGADEC entre les Des étudiants venant d’autres régions ou PN de Maiko et de Kahuzi-Biega et, plus envoyés par l’Institut Congolais pour la En 2009, 30 enseignants étaient des largement, les futurs gestionnaires de la Conservation de la Nature (ICCN), profitent permanents et 51 des visiteurs venant nature en RD Congo. de cette université pour se former à la d’autres universités du pays, de Kisangani L’Université de Kasugho s’inscrit bien dans gestion des aires protégées nationales, pour la plupart. Certains enseignements, la politique actuelle de l’État congolais en puisque cette Université est la seule struc- notamment les travaux pratiques, sont matière de conservation et d’enseigne- ture de ce niveau à exister actuellement exécutés à l’extérieur, dans des Établisse- ment supérieur. Car l’attention portée à en RD Congo. ments supérieurs reconnus par l’État, qui la protection de la diversité biologique et mettent en commun une partie de leurs au développement des communautés ne Durant l’année 2008/09, l’Université comp- infrastructures pédagogiques, ou auprès peut se concrétiser que par l’action de tait 371 étudiants dont 20 % d’étudiantes. de professionnels reconnus (sciences cadres nationaux nombreux, bien formés 350 sont des boursiers dont le logement, bucco-dentaires par exemple). et attentifs aux réalités du terrain. Il en est de même pour le déve- Tableau 1. Diplômes délivrés de 2005/06 à 2008/2009 (estimation) à l’Université de Kasugho loppement qui manque de cadres dans de nombreux Facultés Options 2005/06 2006/07 2007/08 2008/09 Totaux secteurs techniques et Sciences Biologie/ 26 13 29 + 13* 17 85+13* de gestion, alors que les Conservation populations expriment des Géologie 4 11 10 25 besoins bien identifiés en Médecine Bucco-dentaire 7 6 9 22 termes d’infrastructures, de Sciences de Édition 21 56 21 98 + 8* santé et de développement l’information et multi-média, + 8* agricole. de la communication Communication sociale Le système éducatif congo- Sciences appliquées Génie électrique 8 5 13 lais reflète l’état général socio-économique du pays. Sciences Gestion 24 24 économiques Si l’enseignement primaire et de gestion est assuré tant bien que Totaux 47 24 110 86 267 mal sur l’ensemble du ter- +21* + 21* ritoire, les établissements privés prolifèrent. Pour Nombres de graduats (bac+3 ans) et de *licences (bac + 5 ans) décernés.

Juillet 2010 62 66/67 Innovations communautaires en RDC

Tableau 2. Effectif des différentes facultés de l’Université de Kasugho (2008/2009) L’innovation réside également dans le fait que toutes les disciplines enseignées Facultés Options Etudiants Etudiantes Totaux sont croisées avec la conservation de la Sciences Biologie/Conservation 63 16 79 nature dans le but ultime de générer des revenus durables issus de la biodiversité. Géologie 52 5 57 L’Université deviendrait alors un centre Médecine Bucco-dentaire 14 5 19 de référence pour promouvoir d’autres Sciences Édition multimédia, 85 32 117 expériences similaires en RD Congo et de l’information et Communication partout dans le monde. de la communication sociale L’initiative est également innovante par Sciences appliquées Génie électrique 22 1 23 le fait qu’elle s’est déroulée dans une Sciences économiques Gestion 55 21 76 région sortant d’une situation de guerre. et de gestion Elle a montré l’impact que peut avoir un Totaux 291 80 371 pouvoir traditionnel fort quand il combine conservation, développement et forma- tion des cadres. contrôler ces derniers, l’État congolais loppement (station SIG). Un accent est vérifie leur conformité à la législation en mis également sur la mise en relation Un risque majeur pour l’Université serait vigueur. Le 12 juin 2006, un décret prési- avec les autres universités nationales la remise en cause de l’accréditation des dentiel « portant agrément des quelques et du Bassin du Congo, des réseaux de Établissements privés d’enseignement Établissements privés d’enseignement la Francophonie et, plus largement, des supérieur, mais les moyens financiers de supérieur et universitaires » a été publié, établissements et centres de recherche- l’État et la pression de la société civile et l’Université de Kasugho fait partie des développement qui montrent de l’intérêt qui ne manquerait pas de s’exercer, ne établissements reconnus officiellement pour les initiatives venues du terrain et permettent pas, au moins dans un avenir par l’Etat congolais. pouvant être dupliquées par des com- proche, d’envisager une telle modification munautés très différentes. L’Université, de politique éducative nationale. située à proximité de Parcs Nationaux et Appuis nationaux Le financement de l’Université pourrait de Réserves communautaires riches en poser des difficultés à l’avenir si les et extérieurs biodiversité, pourrait générer des revenus revenus (frais de scolarité et d’entretien Malgré les efforts des communautés les complémentaires en devenant un lieu des étudiants non boursiers, les revenus moyens sont encore insuffisants pour d’accueil d’enseignants, de stagiaires et du fonds fiduciaire en cours de constitu- terminer les bâtiments, acheter les équi- de chercheurs étrangers. tion, les revenus générés par le proces- pements pédagogiques, assurer le fonc- sus REDD, etc.) ne permettaient pas de tionnement quotidien de l’administration Perspectives prendre le relais des financements des et l’entretien des étudiants boursiers. et reproductibilité partenaires. Le consortium gérant le projet Landscape L’Université communautaire consacrée à Enfin, l’attractivité de l’Université pour- 10 s‘est attelé à la constitution d’un la gestion de la conservation de la nature rait diminuer si d’autres établissements, fonds fiduciaire destiné à pérenniser le est la première de ce genre en Afrique. privés ou publics, venaient en concur- fonctionnement de l’Université. Ce fonds Elle constitue une innovation qui a attiré rence. Ce n’est pas le cas actuellement, sera alimenté par les futurs royalties l’attention de tous les secteurs du pays mais il est nécessaire que l’Université se issus de la conservation et des projets et son succès depuis cinq ans démontre développe pour diversifier son offre, élar- basés sur le processus REDD+ en cours sa viabilité et sa vigueur. Les soutiens, gir son bassin de recrutement d’étudiants de définition. dont celui du FFEM, lui permettent de et rester leader de son secteur. C’est pour Pour soutenir cette initiative innovante poursuivre ses activités mais elle n’at- cette raison qu’une équipe marketing est et sans doute reproductible au sein de teindra ses objectifs que si elle peut prévue pour développer les activités et communautés structurées et dynami- générer des revenus propres afin de le rayonnement de l’Université commu- ques, le Fonds Français pour l’Environne- garantir un fonctionnement indépendant nautaire. n ment Mondial (FFEM) s’est engagé, pour et pérenne. Les appuis extérieurs seront Cet article s’inspire de l’étude de faisabilité les années 2010 et 2011, à financer les surtout destinés à améliorer les infras- réalisée pour le FFEM (Ministère français de coûts d’exploitation de l’établissement tructures et développer les activités de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement (enseignants permanents et visiteurs, recherche. Durable et de la Mer) par le bureau d’études BRLI, que les auteurs remercient. administration, étudiants boursiers), au L’idée qu’il était possible pour une financement des infrastructures (fini- communauté de prendre en charge la Bibliographie tion de plusieurs bâtiments destinés à formation supérieure de ses futurs ges- l’enseignement, à l’administration, aux tionnaires était déjà une innovation car, Collectif – L’Atlas pour la conservation des professeurs et à la vie étudiante), des issue de la réflexion des chefs terriens, forêts tropicales d’Afrique. Editions Jean- équipements pédagogiques (reprographie l’Université a été complètement conçue et Pierre de Monza / UICN, Paris, 1992 notamment), de communication (Inter- développée par les communautés locales Vande weghe J-P – Forêts d’Afrique centrale, net satellitaire) et de recherche-déve- à partir des besoins exprimés par elles. la nature et l’homme. Ecofac-Lannoo, 2004

63 Juillet 2010 66/67 Paroles croisées / Palabras cruzadas

Cette nouvelle rubrique donne la parole à différents acteurs au sud. Elle leur permet l’échange d’idées et d’expériences sur les ressources forestières tropicales. Pour cette première rubrique, à l’occasion du XIIIème Congrès Forestier Mondial qui s’est tenu à Buenos Aires du 18 au 23 octobre 2009, Stéphane Person de Silva France a interviewé Cléto Ndikumagenge de Silva Cameroun et Alejandro D. Brown et Lucio R. Malizia de l’ONG Proyungas en Argentine.

Cléto Ndikumagenge nity (EAC)1. Au Libéria nous faisons versité du bassin du Congo reste Entrevue avec la promotion de réformes forestiè- dans les concessions forestières. de Silva Cameroun res pour promouvoir le droit des Nous favorisons le dialogue entre communautés à l’accès à la terre, les gestionnaires de concessions dans le contexte historique parti- forestières et ceux des aires pro- Cléto Ndikumagenge est coordinateur culièrement difficile de ce pays. tégées car les concessions consti- adjoint de Silva Cameroun et également • La troisième initiative concerne tuent des sortes de zone tampon responsable du programme forêt la promotion d’accords de partena- où les animaux se réfugient. Par de l’Union internationale pour riats volontaires dans le bassin du exemple dans le parc Tri National la conservation de la nature (Uicn) – Congo et en Afrique de l’Ouest. de la Sangha (Cameroun, Congo et Programme Afrique centrale • La quatrième est la lutte contre RCA), nous travaillons avec la CIB et occidentale. les feux de brousse par l’impli- (Congolaise Industrielle du Bois) Email : [email protected] cation des communautés au à l’application des directives de Ghana. gestion durable. • La cinquième initiative est le « Pro-Poor REDD » qui, au Came- Nous travaillons également au niveau des grand lacs, autour du Stéphane Person : Pouvez-vous essaye d‘intégrer dans ses priori- roun, Ghana et Libéria, promeut parc des Virunga. vous présenter à nos lecteurs ? tés la gouvernance et le renforce- des initiatives innovatrices en ment de l’implication de la société matière de REDD (Réduction des Enfin, je peux citer les initiati- Cléto Ndikumagenge : Je coor- civile dans la conservation de la Emissions liées à la Déforestation ves Small Grand (petites subven- donne le programme forestier de nature. et à la Dégradation des forêts) l’Uicn en Afrique centrale et de et fait le lien entre pauvreté et tions) de Carpe. Chaque année l’ouest. Cet important programme • Initiatives, paysages et moyens gouvernance pour une meilleure nous avons une enveloppe de concerne 47 % des forêts afri- d’existence : programme qui reconnaissance des droits des 600 000 dollars pour des actions caines. Nous sommes basés au œuvre, avec l’implication de la communautés. de développement novatrices et Cameroun, au cœur du Bassin du société civile et du secteur privé, de conservation dans le pourtour Nous avons aussi beaucoup d’ac- Congo, le second massif forestier en Afrique centrale et en Afrique des aires protégées. Au niveau de tions transversales traitant des tropical après l’Amazonie. A l’Uicn, de l’ouest, notamment dans le parc chaque pays cela représente au questions de tenure foncière et la gestion des questions fores- national de la Sangha entre la Cen- moins cinq projets par an. « de restauration des milieux. Dans tières s’opère en collaboration trafrique, le Congo et le Cameroun ce cadre, « Radio Environnement » avec d’autres programmes thé- pour la sécurisation des droits des au Cameroun, est un outil de com- Comment favorisez-vous le dia- matiques : « Eau », « Aires proté- populations Baka et l’améliora- munication important et stratégi- logue entre acteurs forestiers et gées », « Ecosystèmes côtiers et tion de leurs moyens d’existence. que pour ces différents projets. gestionnaires d’aires protégées ? marins » et « Droit politique et Beaucoup d’outils novateurs sont Gouvernance ». mis en oeuvre pour la visualisa- La forêt est au cœur de ce pro- Nous avons plusieurs approches. tion, la modélisation, la définition gramme large et ambitieux ! Com- D’abord inciter les acteurs à se Les forêts servent à la restaura- d’indicateurs de suivi et d’évalua- ment se fait la connexion entre la mettre autour d’une table pour tion des écosystèmes et à la lutte tion. Dans la région des grands gestion forestière et celle des aires discuter des questions clés de contre la pauvreté et pour cela lacs, entre le Burundi, le Rwanda protégées ? protection ou de développement cinq programmes ont été déve- et la RDC nous travaillons sur d’infrastructures sociales. Ensuite, loppés : les questions de gestion d’aires Notre vision, à travers le paysage, parce que les cadres de concerta- • Gestion des paysages dans le protégées transfrontalières, en intègre les aires protégées, les tion existent déjà dans certaines Bassin du Congo : ce programme terme de gouvernance au niveau concessions forestières et les aires protégées, nous les accom- étudie de façon globale les national et international. Au niveau autres écosystèmes. L’Uicn a mis pagnons pour mettre en place le 11 paysages nationaux et trans- national, nous essayons par exem- en place avec l’Oibt les directives plan d’action qu’ils ont eux même frontaliers définis par le partena- ple de promouvoir de nouvelles sur la protection de la biodiversité élaboré. Enfin, dans le parc natio- riat pour les forêts du bassin du lois adaptées au contexte actuel dans les forêts de production car nal du Virunga à Goma nous avons Congo (PFBC). Nous appuyons les du Rwanda. Au niveau transfron- la plus grande part de la biodi- mis en place une task force sur la grandes ONG qui travaillent dans talier, nous faisons la promotion L’East African Community (EAC) est l’orga- gouvernance forestière qui oblige ces paysages : WWF, Conservation du processus FLEGT (Forest Law nisation intergouvernementale régionale à un dialogue entre les autorités, International (CI), Africa Wildlife Enforcement, Governance and des Républiques du Kenya, l’Ouganda, la les acteurs du parc et les autres République-Unie de Tanzanie, République Fondation (AWF). L’Uicn gère les Trade). Ce processus est bien sûr du Rwanda et la République du Burundi. partenaires et à définir des prio- bureaux du programme CARPE, et connecté à East African Commu- Elle a son siège à Arusha, en Tanzanie. rités.

Juillet 2010 64 66/67 Paroles croisées / Palabras cruzadas

Quels sont les acteurs de l’ex- aires protégées et dans les conces- en associations, à défendre leurs car ils n’ont pas pu avoir de visa. ploitation forestière en Afrique sions forestières. Le Cameroun a intérêts.....L’expérience sud amé- C’est vraiment symptomatique centrale ? organisé récemment avec l’OIBT ricaine peut donner beaucoup de la situation actuelle. Dans les une grande conférence interna- d’idées pour mobiliser les com- services forestiers africains c’est La typologie des acteurs de l’ex- tionale sur la tenure foncière qui munautés africaines sur ces ques- un peu comme dans certaines ploitation forestière en Afrique est a mis en exergue la nécessité de tions stratégiques. armées, il y a plus de généraux assez claire. Très peu de nationaux promouvoir la gestion communau- que de troupes, ce qui est une sont impliqués en Centrafrique, au taire mais aussi, à l’exemple de A la clôture du congrès, j’ai été grande faiblesse. Ce ne sont pas Gabon ou au Congo. Par contre il y l’Amérique latine, d’impulser une frappé par l’importante participa- les seuls ingénieurs mais les tech- a une forte exploitation artisanale. véritable reforme foncière basée tion des étudiants. En Afrique, les niciens qui développent un pays. Je suis assez fâché quand mes col- sur l’accès des communautés à étudiants sont coupés des struc- L’Afrique ne semble pas l’avoir lègues parlent d’exploitation illé- la terre. On s’est, en effet, rendu tures professionnelles, déconnec- compris. Souvent les techniciens gale car ils confondent exploitation compte qu’il existe une corrélation tés des réalités de terrain. Nous ne trouvent pas de travail et cela artisanale et exploitation illégale. positive entre sécurisation foncière devons réfléchir à comment mieux pose de graves problèmes et des En réalité le tiers du volume de et gestion durable des ressources les impliquer en partenariat avec questions importantes. bois qui circule au Gabon provient forestières. Actuellement le Came- les universités. L’Amérique du sud de l’exploitation artisanale. Le Réseau Riat peut jouer un rôle roun revoit la loi forestière pour y a semble-t-il beaucoup d’expérien- fédérateur entre le niveau global intégrer toutes ces questions de ces à partager ! Au niveau du Cameroun c’est très et le niveau local parce que la foresterie communautaire et de différent car les « forêts commu- J’ai aussi vu des paysans chinois plupart de ses membres sont sur droits des communautés. nautaires » sont une légitimation impliqués dans la recherche, et le terrain. Je pense que relayer les de l’exploitation des forêts par les ceux d’Amérique du Sud aussi. messages du CFM au niveau local communautés. Il y a des conflits Les exemples sud américain peu- Cela manque en Afrique et c’est vent-ils susciter des initiatives de est très important. Le deuxième énormes, que le gouvernement peut être pourquoi le travail n’est message que je voudrais rappeler doit arbitrer, car les gens qui tra- gestion transfrontalière en Afri- pas durable, parce que l’on n’a que ? c’est l’importance d’arrimer les vaillent dans l’exploitation arti- pas su impliquer les principaux priorités du réseau aux priorités sanale ne sont pas soumis aux Une initiative transfrontalière entre acteurs. …. mondiales. Il est fondamental de mêmes obligations que les gran- la Bolivie et le Brésil a permis un prendre en compte les questions des sociétés d’exploitation géné- dialogue qui a contribué à amener Quel est le futur des échanges du changement climatique, la ralement étrangères. la paix dans la sous région. Une sud-sud ? question du REDD, des bioéner- autre expérience est celle réalisée Je crois que le contexte actuel gies, mais aussi les questions de Quel est le dialogue entre ces dans le Pantanal, la plus grande est favorable, notamment la lutte la restauration forestière et celle grandes concessions et les exploi- zone humide d’Amérique, dans contre le changement climatique des paysages. Cependant, la ques- tations artisanales ? le cadre des initiatives Nature et et le rôle des forêts. On observe tion du financement est essen- pauvreté. Ce projet se base sur le Les concertations se font à des des tendances sud-sud assez tielle car il n’y a pas de réseau constat que tous les pays ne sont occasions précises, notamment à novatrices notamment entre le sans financement durable. pas au même niveau de conser- travers le processus de certifica- Brésil et le Cameroun. Malheu- vation et de développement. Les Tu te seras rendu compte que tion. On essaie d’inviter tout le reusement dans certains groupes plus forts entraînent les plus fai- Silva/Riat est une des rares organi- monde à participer. L’UICN pousse de concertation tels que l’OIBT ou bles. sations à diffuser une revue fran- le gouvernement à la mise en le Forum des nations unies sur cophone au congrès. C’est une place d’un décret pour régle- Il y a huit ans la Fao a organisé les forêts il n’y a pas de position triste réalité car je pense que le menter un peu cette exploitation un dialogue entre le bassin ama- commune entre les plus grands réseau a un grand rôle à jouer au artisanale. Réglementer veut dire zonien et le bassin du Congo. gestionnaires des forêts tropicales. niveau mondial. Je pense qu’il faut d’abord la reconnaissance des Je pense que l’on pourrait bâtir Je pense que cela est en train de maintenant voir comment posi- petits exploitants et mettre un peu un dialogue stratégique entre les changer et que les pays africains tionner le réseau non seulement d’ordre dans leur mode de fonc- deux bassins et je crois que le sont de plus en plus impliqués au niveau africain mais aussi au tionnement pour qu’ils puissent Riat peut être un moteur dans ce dans ces procédures. Dans les niveau international pour en faire contribuer à la gestion durable des domaine et accélérer les échan- prochaines années, le dialogue un véritable réseau de communi- forêts du bassin du Congo. ges d’expériences entre les deux sud-sud va s’imposer. cation et d’échanges. bassins. Concilier conservation et exploita- Ne pensez vous pas que l’acteur Et en ce qui concerne Silva Came- tion sur un même territoire est un Alexandro Brown le directeur de de terrain, le technicien forestier, roun ? problème récurrent. Où en est la la fondation Proyungas citait jus- le gestionnaire d’aires protégées… On est en train d’appliquer les gestion communautaire des aires tement l’intérêt que peuvent avoir est un des grands absents du recommandations faites lors des protégées ? ces échanges d’expériences sud- Congrès forestier mondial ? rencontres de mars 2009 pour sud. D’après vous quels échanges Il y a une évolution importante. C’est surtout vrai au niveau africain rapidement mettre en place les expériences avec l’Amérique du Il y a 10 ans on mettait des aires et montre que l’Afrique fonctionne nouvelles structures. La meilleure sud seraient les plus utiles ? protégées sous cloche. Au Came- encore comme il y a une quinzaine manière de faire fonctionner roun, la tendance actuelle est la Je crois en un processus RRI (Right d’années. Si l’information avait les réseaux c’est à travers leurs reconnaissance droits d’usages Ressources Initiatives). Cela peut pu circuler il y aurait eu plus de activités. Il y a des projets en des communautés dans ces aires nous faire avancer sur deux techniciens. Ceux qui étaient pré- cours avec Silva France, mais il protégées, à travers des zones points : la reconnaissance des sents avaient un accès à Internet nous reste beaucoup d’efforts à cynégétiques ou zones de chasse droits de communautés, qui est et donc accès à l’information. J’ai faire pour mieux nous structurer communautaires. On cartogra- presque nulle en Afrique centrale incité sans succès des collègues à et mettre en place nos activités phie les droits des communautés et l’habilitation des communautés présenter des communications au qui pourront servir de modèle à notamment des pygmées dans les à négocier des droits, à travailler congrès. D’autres n’étaient pas là d’autres réseaux. p

65 Juillet 2010 66/67 Paroles croisées / Palabras cruzadas

Beaucoup de communautés vivent Exactement. En plus, cette acti- Entrevue avec Alejandro D. Brown du commerce de l’artisanat en vité permet de garder une rela- et Lucio R. Malizia de l’ONG Proyungas bois et font aussi des prélève- tion privilégiée à la forêt et de ments sur les plantes tinctoriales renforcer ce lien. Cependant la Alejandro Diego Brown est le directeur et médicinales. tenure foncière crée toujours exécutif de l’ONG ProYungas, il est docteur des conflits importants qui doi- en sciences naturelles à la Faculté des vent être résolus afin que les Comment se fait la concertation Sciences naturelles (Universidad Nacional communautés puissent contrôler avec les communautés ? de La Plata) et membre du conseil leurs terres. Aujourd’hui, quel- scientifique de l’association Vida Silvestre ques communautés possèdent Argentina Dans les espaces du domaine leurs terres, mais il reste encore public que sont les forêts étati- de nombreux territoires où les Email : [email protected] ques, la décision est prise par conflits sur la tenure foncière ne l’Etat, mais en Argentine ces forêts sont pas résolus légalement : cela sont minoritaires, à la différence peut concerner plusieurs millions d’autres pays. Dans les espaces d’hectares entre la région des privés, ce sont les propriétaires Yungas et du Chaco. L’état a la Lucio Ricardo Malizia est responsable qui prennent la décision d’ex- responsabilité de gérer les conflits du bureau de Proyungas à Jujuy. ploitation. Ils proposent un plan sur la tenure foncière, générale- Docteur en écologie à l’Université d’exploitation ou de gestion aux ment entre propriétaires privés de Missouri-St.Louis, il enseigne l’écologie services de l’Etat qui le vérifient et et communautés autochtones. La dans différentes universités. le font respecter, ou le font modi- valeur de la propriété privée est fier s’il est inapproprié. Parfois il Email : [email protected] très fortement ancrée et réclamée y a des problèmes à cause de la par la communauté car une fois capacité réelle de l’Etat à contrôler les titres acquis, la tenure foncière Une interview réalisée par Stéphane Person en octobre 2009 lors du les initiatives du secteur privé. est garantie. XIIIème Congrès forestier mondial à Buenos Aires. Le domaine privé communautaire Que fait-on pour la gestion com- (des communautés autochtones) munautaire des aires protégées Stéphane Person : Pouvez-vous comprise car, ici, un permis de est représenté par quelques pro- en Argentine et en Amérique du présenter aux lecteurs de Flam- coupe est juste un formulaire qui priétés importantes où la décision Sud ? boyant l’association Proyungas ? indique quels volumes de quelles de gestion est prise par la com- espèces peuvent être exploitées, Il existe, en Argentine, une admi- L’association Proyungas est une munauté. Certains espaces com- sans préciser le contexte. Or, dans nistration des parcs nationaux organisation sans but lucratif munautaires indigènes sont très la majorité des cas, les forêts qui a en charge les aires proté- créée en 1999. Elle est basée à bien organisés. La communauté d’ici sont déjà dégradées. Notre gées et a pris le leadership pour Tucumán et mène des actions au travers de ses autorités, avec manuel de bonnes pratiques se « articuler » la participation des pour la gestion et la conservation un accompagnement de l’Etat ou base sur la distribution spatiale communautés autochtones à la de l’écorégion des Yungas et des de la société civile, propose un des espèces, intègre l’inventaire gestion des aires protégées. En forêts subtropicales de monta- mode de gestion qui doit être de la ressource, son taux de crois- 1984, l’Argentine a réformé sa gne du nord-est de l’Argentine. présenté à l’Etat pour validation. sance, l’ouverture des pistes, le constitution avec des change- Elle s’oriente vers la conservation En théorie, cela doit fonctionner volume réellement exploité et le ments importants. Le premier est environnementale et la produc- ainsi mais, en réalité, les initia- « temps nécessaire à la reconstitu- une reconnaissance plus explicite tion durable. Elle travaille entre tives des communautés autoch- tion des volumes initiaux de la des communautés indigènes dans autres sur le projet Alto Bermejo tones en matière forestière sont forêt. Par exemple la propriété le pays. Aujourd’hui la reconnais- initié en 2005 avec le soutien du encore balbutiantes et génèrent de 12 000 ha sur laquelle nous sance de la tenure foncière est FFEM (Fond français pour l’envi- des conflits pour savoir comment sommes en train de mettre en une question centrale, elle impli- ronnement mondial) et le suivi va se faire l’exploitation ou com- application ces bonnes pratiques que la prise en compte de la d’Onfi (ONF international). Proyun- ment vont se répartir les bénéfi- est exploitée depuis plus de 80 gestion des ressources naturelles gas travaille avec les producteurs ces ? Nous croyons que se doter ans et nous essayons d’améliorer de ces territoires. S’il y a quelques forestiers pour améliorer leurs d’un système de gestion devient les pratiques d’exploitation et, expériences concrètes initiées pratiques courantes en proposant une nécessité et un élément stra- en même temps, de régénérer et dans le pays, elles sont encore des modèles de gestion forestière tégique essentiel pour la com- restaurer la forêt. très nouvelles et datent seule- qui cherchent à concilier conser- munauté. Il faudra certainement ment des dix dernières années. vation et exploitation forestière, encore beaucoup de discussions Historiquement, en Patagonie, la biodiversité et services rendus Je suppose que vous tenez compte internes pour améliorer les prati- communauté indigène a un lien par la forêt. des usages autres que le bois ? ques de gestion forestière, l’orga- nisation du travail, la répartition plus étroit avec la gestion des Naturellement mais les usages dif- aires protégées, alors que dans Quels outils de gestion utilisez- des bénéfices… Ces décisions très fèrent suivant les zones. L’élevage le nord ouest argentin, ce thème vous pour améliorer la gestion importantes doivent être prises au est couramment pratiqué en forêt est encore peu développé. Les forestière ? sein de la communauté. et rentre en concurrence avec quelques initiatives proposées Nous avons un protocole de ges- le travail des forestiers à cause sont principalement les nôtres tion qui précise les conditions des dégâts sur la régénération L’exploitation forestière est-elle un qui ont la volonté d’essayer de fondamentales pour l’élaboration des espèces forestières de valeur. moyen de développement pour mettre en place des instances de d’un plan de gestion durable L’utilisation du bois de feu pour la la communauté et une source gestion auxquelles participent les mais, dans la région, sa néces- cuisine, et du bois pour l’artisa- importante de revenus pour les communautés indigènes. Afin de sité n’est pas toujours admise ou nat posent aussi des problèmes. familles ? renforcer les décisions de gestion

Juillet 2010 66 66/67 Paroles croisées / Palabras cruzadas de la communauté, nous prenons qui incluent aussi la chasse, la avons le sentiment que les initiati- cussions sur la vie quotidienne en compte deux aspects : le rôle culture itinérante et l’élevage. ves sur la gestion communautaire de ces populations et ce qui est que peut jouer une communauté Dans la pratique de la chasse il de la chasse et les programmes en train de se passer dans la dans la gestion de l’aire proté- y a une connaissance assez pro- qui ont été développés en Afrique région. De plus un des problè- gée et les effets induits par cette fonde du milieu et des animaux, pourraient inspirer nos actions mes majeurs actuel est l’avancée même aire protégée à l’extérieur tout comme ils ont une connais- ici. Nous avons donc encadré un du front pionnier agricole sur la du territoire protégé . sance des plantes alimentaires étudiant anglais qui a réalisé une forêt dans la région chaqueña, où et médicinales... En Argentine, il étude comparative sur la manière l’on constate une déforestation de Il semble qu’il existe ici un aspect existe plus d’une trentaine d’eth- dont sont gérés, en Namibie et plus de 70 %. politique qui semble moins impor- nies ou groupes ethniques, et en Argentine, les questions com- tant en Afrique... plus ou moins la moitié d’entre munautaires, les éléments de eux vit en lien très étroit avec la définition du territoire et les res- Lucio R. Malizia : J’ajoute un com- En Argentine, la propriété privée forêt. L’étendue du territoire qu’ils sources. mentaire sur l’aspect d’échange est une institution très fortement revendiquent dépend beaucoup entre continents. Les échanges ancrée et la question indigène est de son usage : par exemple dans Nous pensons que ces échanges nord-sud sont ceux qui dominent actuellement en discussion parce les yungas, on réclame de grands d’expérience peuvent être très actuellement. Il serait intéressant que de nombreuses communau- espaces à cause de l’élevage utiles pour trouver des solutions qu’une revue comme le Flam- tés sont en train de réclamer des transhumant et dans le chaco à dans la région chaqueña qui est boyant puisse stimuler un peu territoires non seulement sur le cause de la chasse et de la col- immense et où réside la plus plus les échanges sud-sud car domaine public de l’état, mais lecte de produits forestiers non grande concentration de popula- de tels échanges n’existent pas aussi sur des espaces privés. ligneux pour l’artisanat. tion indigène d’Argentine, et où réellement. Il est clair que la res- Aujourd’hui, ce débat atteint un l’économie est basée sur la chasse ponsabilité de l’échange sud-sud tel niveau politique qu’il se traduit et la chasse de collection. Avez-vous pu comparer votre doit être portée par ceux du sud, en lois et en appuis de l’état pour mais il me semble quand même approche avec ce qui se passe Un aspect que nous n’avons résoudre les conflits mais avec que les échanges nord-sud peu- en Afrique ? pas encore évoqué, mais qui une forte prise en compte des vent aussi renforcer, et stimuler paraît important dans la région demandes indigènes. Les com- Il y a très peu d’échanges d’ex- ces échanges sud-sud. munautés s’emparent du concept périences avec l’Afrique. Les liens chaqueña, est l’étroite relation de la propriété privée, consciente qui existent au niveau politique ou dépendance de nombreuses Le Flamboyant est une revue mais du caractère stratégique de cette restent encore faibles et sont communautés avec la dynami- en même temps le bulletin du reconnaissance. On cherche un quasi nuls au niveau technique. que fluviale. Plus d’un millier de réseau international arbres tropi- concept de propriété privée com- En revanche, il existe beaucoup communautés (villages) vivent sur caux dont la majorité des mem- munautaire qui est fondamental d’échanges au sein de l’Améri- les rives du fleuve. Une grande bres sont en Afrique. pour le mode de vie, et l‘avenir que latine où des pays comme la partie de leur économie est cen- social, économique et politique Bolivie ou le Chili ont une gestion trée sur la pêche et dépendante de la dynamique du fleuve. Il y des communautés. des territoires indigènes beaucoup LM : Envisagez-vous de vous éten- a quelques conflits entre pêche plus étendue qu’en Argentine, dre à l’Amérique du sud ? Les pratiques traditionnelles, les bien qu’évidement il existe des industrielle et pêche artisanale et savoirs traditionnels jouent-ils un éléments contextuels très diffé- on ne peut occulter le problème Ce n’est pas à exclure, mais rôle important dans les réclama- rents pour pouvoir comparer les préoccupant de la contamination cela pose la question du finan- tions du droit de propriété ? diverses expériences entre elles. du fleuve Pilcomayo, notamment celle au mercure il y a quelques cement. p Fondamentalement les demandes Bien que les liens actuels avec années. Il serait intéressant de se basent sur les usages ances- l’Afrique soient quasi nuls, nous voir quelles ont été les réper- Merci à tous les deux ! traux. Quand une communauté réclame un espace, le principal argument avancé est une forte utilisation de cet espace depuis très longtemps, et très « long- temps » peut être des décades ou des siècles. Les utilisations aux- Gnou. © D. Louppe quelles on se réfère sont rarement forestières mais plutôt agricoles ou d’élevage. Pourtant les produits forestiers non ligneux peuvent être un argu- ment important pour la recon- naissance du lien qui existe entre communautés et milieu naturel ? Oui évidemment, ces communau- tés ont vécu pendant des siècles en lien étroit avec les ressour- ces naturelles et l’utilisation des forêts. Il y a un réel savoir et savoir faire sur la forêt et sur les produits forestiers non ligneux

67 Juillet 2010 66/67 Echo des Tropiques

RISEAL, un réseau humain pour le développement d’alternatives énergétiques africaines locales

En Afrique 80% de l’énergie consommée provient • Les informations sont disponibles « hors ligne» sur une clé de la biomasse ce qui engendre d’importants problèmes USB, la clé RISEAL que des tournées régulières, les tournées environnementaux et sociaux. Dans les pays sahéliens, RISEAL réalisées par les antennes relais auprès des structures en Afrique centrale et australe, la gestion du bois porteuses de projets permettront de diffuser, mais aussi de récolter de nouvelles informations ou de les mettre à jour. énergie est un problème quotidien au même titre que la gestion de l’eau ou l’alimentation. • les maisons des énergies implantées dans différents pays seront des pôles de référence destinés à informer et faire connaî- « Au Rythme Pendant plus de 18 mois, l’association tre les acteurs et les alternatives énergétiques africaines, à de l’Afrique » a rencontré dans 12 pays africains plus diffuser et récolter l’information sur le terrain et à accompagner de 200 structures du développement énergétique. les porteurs de projets impliqués dans le développement des Elle a dressé un état des lieux des nombreuses solutions énergies renouvelables ou des bonnes pratiques énergétiques. énergétiques locales, durables, très dispersées et mal connues. Ce travail a donné naissance au Réseau Pertinence énergétique : des exemples d’Information sur les Solutions Énergétiques Africaines concrets d’alternatives reproductibles Locales, RISEAL. et durables Ex : Les foyers améliorés Grâce à leur mise en œuvre simple et leur compatibilité avec les habitudes socio-culturelles des utilisateurs, les foyers améliorés sont bien souvent la solution la plus pertinente pour réduire la consommation de bois dans les ménages africains. Du Maroc à Madagascar, RISEAL a recensé plus de 80 modèles de foyers amé- liorés qui se différencient par la taille, les matériaux, les com- bustibles et la manière de les utiliser. Créés par des ONG locales, des centres de recherche ou des artisans, ils se distinguent par leur innovation et leur pertinence. Les doubles foyers en terre de Ouarzazate au Maroc permettent de faire chauffer l’eau du thé en même tant que le tajine ou le couscous et divisent par 2 la consommation de bois libérant du temps pour les femmes qui collectent le bois. Les Foyers Sewa de Bamako au Mali sont © Au rythme de l’Afrique faites d’un mélange de terre cuite et de métal pour en réduire le prix. Le FEB développé par un artisan de Réo au Burkina Faso permet d’économiser près de 80% de bois. Beaucoup d’autres Les objectifs sont adaptés au contexte local car développés par les acteurs Par la mise en relation des acteurs, le recensement d’actions du quotidien. pertinentes innovantes et pérennes, l’accompagnement et le A côté des foyers améliorés, on trouve d’autres solutions : renforcement des capacités des porteurs de projets, RISEAL biodigesteurs, combustibles alternatifs, biocarburants, solaire veut valoriser les savoir-faire et les expériences des nombreu- thermique et photovoltaïque, hydraulique, etc... Plus de 150 ses structures africaines de terrain, faciliter la communication techniques et technologies différentes, autant de solutions entre elles et les accompagner dans le développement de leurs adaptées et développées localement, qui utilisent des ressources initiatives. locales et qui préservent les forêts, améliorent les conditions de La finalité est de faire émerger des projets énergétiques dura- vie, réduisent les émissions de gaz à effet de serre, etc. bles issus de la base en s’appuyant sur des solutions déjà Aujourd’hui avec le projet RISEAL, l’association a l’ambition d’ac- éprouvées sur le continent et, ainsi, faciliter l’accès des popu- compagner, en Afrique, les acteurs locaux et de faire émerger de lations africaines à des alternatives énergétiques économique- nouveaux systèmes énergétiques locaux durables. p ment viables, préservant l’environnement proche (limitation des pressions sur les ressources naturelles) et globale (changement climatique, désertification, déforestation). Nathalie LANIER et Fabien PERROT, membres fondateurs Les moyens www.riseal.info Les actions de RISEAL en Afrique s’articulent autour de plusieurs www.aurythmedelafrique.org, outils adaptés au continent africain : [email protected]

Juillet 2010 68 66/67 L’arbre à palabres Daniassan et la forêt magique conte africain

n ces temps là, dans un village « Eh toi n’as-tu rien pour moi ? » du Burkina, Bankony, près du Et l’arbre de lui répondre : « Connais-tu mes fruits ? Ils ont Efleuve Tuy, le chef Bêwagouan bon goût ! ». vivait tranquille, sans querelle avec les villages voisins : Sara, Béréba Tout en parlant, il en fit tomber à ses pieds. Danias- et Ouaky. Les femmes et les hommes san ne se fit pas prier et en suça plusieurs : « Quel étaient paisibles. Les champs près des délice ! » Et le Néré d’ajouter : « Tu ne le sais sûrement pas, tu concessions et en brousse leur procuraient as sucé la poudre et rejeté les graines : mais sais-tu qu’avec ces suffisamment de quoi manger, et ils trouvaient graines on peut faire un excellent condiment pour les sauces ? ». dans le fleuve du poisson en abondance... Elle repartit, non sans avoir fait encore grande provision de ces nouveaux fruits. Ils produisaient du maïs, du mil à foison, des arachides,... On cultivait aussi des ignames, des C’était déjà le troisième jour qu’elle errait ainsi, s’enfonçant patates et du manioc. de plus en plus profondément dans la forêt. Elle commençait à être désespérée : « Jamais je ne reverrai mon village et les Quand les travaux champêtres finissaient, enfants ! ». venaient les récoltes, puis c’était le temps des fêtes : initiation au Dô pour les jeunes qui allaient Elle s’était arrêtée, ne sachant plus vers où diriger ses pas, devenir adultes, les mariages, les baptêmes... quand elle reçut quelque chose sur la tête : c’était encore un fruit, un nouveau fruit qu’elle ne connaissait pas, venant de Les villages voisins Sara et Bereba jalousaient l’arbre au dessus d’elle. la paix et la joie de vivre de chez Bêwagnouan. Le nombre important de petites filles et de petits Elle le prit, le caressa « Ces fruits sont bien beaux, bien doux! »

© Illustrations :Oloops, S. Lopez garçons qui gazouillaient partout faisaient la joie des villageois. « Mes fruits ne sont pas seulement doux, ils sont aussi bons à Mais vint une année de mauvaises récoltes. On invoqua manger ! » s’exclama le Karité. le nazoun, qui n’était pas content, l’initiation au Dô mal accom- Elle les goûta, les trouva effectivement très bons et l’arbre lui plie ; on fit des sacrifices... en vain ! Les années qui suivirent ne dit : « Ne jette pas les noix de mes fruits, avec elles tu peux faire furent pas meilleures, et même cela empira, au grand désespoir du beurre, dans quelques jours tu m’en diras des nouvelles ! » des Bankonouma, habitants de Bankony.... Pendant tout ce temps, le chef du village, Bêwagouan, s’in- Que faire ? quiétait énormément de l’absence prolongée de Daniassan. C’est alors qu’un jour Daniassan, une femme du village, déses- Il convoqua les hommes du village, et il fut décidé que vingt pérée devant la maigreur de ses enfants, s’arma de courage et d’entre eux partiraient à sa recherche. Ils partirent immédia- partit à la recherche de nourriture. Elle marcha, marcha dans tement, marchèrent vers la forêt, hésitèrent à sa lisière puis la savane toute la journée sans rien trouver. Au crépuscule, s’enfoncèrent résolument. elle n’avait encore rien trouvé. Très fatiguée, elle s’assit sur En fin de journée, ils commençaient à désespérer de la retrou- une pierre et se mit à pleurer. ver, quand l’un d’entre eux s’écria; « je l’ai retrouvée, je l’ai Tout à coup elle entendit une voix : « Femme, femme ! Pourquoi retrouvée, venez, venez, venez ! ». Elle était là devant lui, pai- es-tu triste ? Pourquoi pleures-tu ? » siblement endormie au pied du grand Karité, de nombreuses Elle relève alors la tête : « Un baobab qui parle ? Je n’ai jamais provisions de fruits divers à côté d’elle. Tous étaient accourus, vu ça. Mais d’où vient cette voix ? » l’entouraient maintenant, pressés de savoir ce qui lui était arrivé. « C’est moi, le baobab, le grand baobab ! Femme, dis moi ce qui te peine ? Regarde, mes fruits sont bons à manger, avec Toutes ces clameurs avaient réveillé Daniassan qui reconnut mes feuilles tu peux faire de la sauce ! » et lui disant cela il les gens de Bankony ! Elle leur esquissa un léger sourire malgré laisse tomber un de ses fruits, un pain de singe. Daniassan sa fatigue, témoignant ainsi de sa joie de les revoir. le ramasse. Ils reprirent ensemble le chemin du retour, ne manquant pas de « La poudre qui est dedans est très bonne à sucer, elle est très s’arrêter auprès de chaque arbre nourricier que leur indiquait nourrissante et fortifiante ». Daniassan qui leur faisait goûter leurs fruits. Ils ne manquè- A ces mots Daniassan goûta et trouva cela fort bon ; elle en rent pas d’en faire de grandes provisions. redemanda. Elle en mangea avec voracité et bien repue s’en- Sans voir le temps passer ils parcoururent ainsi le trajet qui dormit au pied de l’arbre jusqu’au petit matin. A son réveil les séparait du village. elle fit provision de nombreux pains de singe et repartit pour Bêwagouan organisa une fête pour le retour de Daniassan au rentrer à son village, où le chef et les villageois commençaient cours de laquelle furent présentés les bienfaits de la forêt. d’ailleurs à s’inquiéter de son absence car ce n’était pas ses habitudes de partir longtemps. Les jours suivants de nombreux villageois vinrent auprès d’elle pour écouter le récit de son aventure et pour qu’elle leur vante Elle prit un sentier, puis un autre ..., elle ne retouvait pas son les bienfaits des arbres de la forêt magique. Son histoire se chemin. Elle commençait à se lamenter quand son pied heurta répandit dans toute la région du Tuy, et c’est de plus en plus quelque chose... Elle se pencha, et découvrit à ses pieds un loin que des gens vinrent écouter son histoire. magnifique fruit charnu. C’était une liane. Elle le goûta, il était succulent ! Elle en fit grande provision et continua sa route. On raconte que depuis, de plus en plus d’habitants de la région prirent l’habitude de s’enfoncer dans la forêt pour se ravitailler, Mais elle n’avait toujours pas retrouvé son chemin, et dut leur crainte légendaire s’étant muté en un profond respect. passer une deuxième nuit à la belle étoile, près de la forêt. Au matin, elle aperçut un Néré; Irénée Karfazo DOMBOUE, Montpellier, le 11 mai 2010

69 Juillet 2010 66/67 Nouvelles des réseaux

Silva Bénin Création de Silva Bénin L’assemblée générale constitutive de Silva Bénin qui s’inscrit dans les décisions prises lors de rencontres régionales de mars 2009 à Cotonou s’est tenue le 1er Octobre 2009 dans les locaux de ACFD (ONG), à Porto- Novo. Les membres du bureau de Silva Bénin ont été élus (Ginette Dossavi, Marcelin Djato, Claudine Kéké, Mouïnatou Sanni) et Appolinaire Zohoun a été élu président. Silva Bénin se donne comme objectifs de : - développer avec les collectivités locales, notamment les communes forestières, et avec les ONG nationales une plate-forme d’échanges et d’appui relative à l’environnement ; - développer des méthodes et des outils de sensibilisation à la consom- mation de feuilles de moringa pour les populations rurales ; - développer les compétences de groupes cibles à travers des chantiers de jeunes en vue de préparer les décideurs de demain, Réunion de SILVA Bénin. © Silva Bénin - multiplier les pratiques d’animation des antennes locales pour l’envi- ronnement et la foresterie en s’appuyant notamment sur les techniques mises en place par l’association SILVA ; Lors d’une conférence organisée par la mairie d’Akpro-Missérété sur - susciter, auprès des enfants, adolescents et jeunes des établissements « les atouts et potentialités du Bénin », Appolinaire Zohoun, président scolaires et universitaires, la prise de conscience de l’importance de de Silva Bénin et Irénée Domboué, de Silva France, ont présenté le projet l’arbre et de la forêt ; sous régional de promotion du Moringa oleifera (Bénin, Togo, Niger et - renforcer les principes de développement des pharmacopées tradi- Burkina-Faso) dont la Commune de Clapiers est chef de file. Ils ont tionnelles émis par l’OMS, en vue d’améliorer les soins de santé des insisté sur le potentiel agricole que représente la culture de cet arbuste populations. maraîcher, qualifié d’« Arbre du paradis » pour ses vertus environne- mentales, médicinales et alimentaires. Les maires d’Akpro-Missérété et de Lokossa ont montré une franche adhésion aux objectifs de l’action. Accueil de la délégation de la commune de Clapiers Dans une première phase du projet, les producteurs pourront être (France) soutenus par un encadrement technique de Silva Bénin en partenariat avec Silva Togo. Suite à la visite d’une quinzaine de jours à Clapiers, en avril 2009, d’une délégation béninoise de 14 membres de la Commune d’Akpro-Missérété, La délégation, par la visite du centre de Songhai, a pu se rendre compte une délégation Clapiéroise s’est rendue au Bénin, du 9 au 20 avril 2010, de l’importance croissante du moringa et en découvrir d’autres utilisa- à l’invitation de la Commune d’Akpro-Missérété. tions par les agriculteurs notamment pour la fabrication de compost. La délégation a également été reçue par les autorités locales (directeur de la La délégation de Clapiers était composée de : coopération décentralisée au Ministère des Affaires étrangères, le Préfet - Nathalie Grondin, conseillère municipale déléguée aux jumelages, de l’Oueme, etc.) qui ont accueilli favorablement le projet Moringa. - Irénée Domboué, franco-burkinabé, universitaire montpelliérain, repré- sentant l’association Silva-France, - Eric Gbaguidi, franco-béninois, Prince de la lignée des rois de Savalou, Projet de promotion du Moringa oleifera en Afrique habitant Montpellier, initiateur du rapprochement entre les deux com- de l’ouest munes, - Et de Michel Chastaing, Maire-adjoint de la Commune de Clapiers, Rencontre avec les participants au voyage d’étude Président de l’association Terres Vivantes. Une réunion a eu lieu au centre CODIAM à Cotonou le vendredi 9 octo- bre 2009. Il a réuni des membres de Silva Bénin et les participants au Des membres de la délégation de Clapiers (Hérault, France) reçus par les voyage d’études. Jacques Plan, président de Silva France, a présenté autorités béninoises. © N. Grondin les grandes lignes du projet sous régional que Silva souhaite mettre en place. Il a rappelé l’importance stratégique d’une telle démarche pour entériner les décisions prises lors de rencontres régionales, quand à l’autonomisation des coordinations nationales et la mise en place de partenariats. René Billaz (président d’Agronomes et vétérinaires sans frontières) a présenté les participants et l’objet de ce voyage d’études. Claudine Kéké (Silva Bénin) a fait une présentation du potentiel théra- peutique des racines de moringa comme antiseptique et des principaux résultats de son stage de recherche sur le sujet. Appui au Centre de Récupération et d’Education Nutritionnelle (Cren) Sans attendre le démarrage de ce projet, SILVA-Bénin a mis en route au Cren de Sakété une pépinière de plants de Moringa oleifera. Cette pépinière servira à : - mettre des plants de Moringa oleifera à la disposition de 5 écoles dans les deux communes de Missérété et de Sakété, - développer au Cren une unité de séchage et de production de poudre de feuilles de Moringa oleifera pour l’alimentation des enfants déficients de moins de 5 ans accueillis dans ce CREN. p

Juillet 2010 70 66/67 Nouvelles des réseaux

ont été présentés par l’équipe organisatrice. Les perspectives et axes d’intervention d’un futur projet sous régional en partenariat ont été Silva Burkina discutés. Ce fut aussi l’occasion d’une présentation du Réseau Moringa Burkina et du projet de Moringanews mené à Moutila en collaboration Orientations et perspectives pour Silva Burkina avec la Fondation Occitane. Les travaux de recherche récents sur les Les membres du bureau de Silva Burkina et le chargé de mission qualités nutritionnelles et sur l’utilisation potentielle du moringa dans de Silva France, Stéphane Person, ont échangé sur les orientations des produits transformés ont aussi été présentés. Des représentants prises suite aux rencontres régionales de mars 2009. La coordination institutionnels, des chercheurs, des productrices, des responsables du Riat Burkina s’est montrée très réactive en créant Silva Burkina d’ONG ont participé à cette journée à laquelle ont aussi assisté des dès juin 2009. journalistes qui ont donné un écho national à l’évènement. p Les membres de la nouvelle équipe de Silva Burkina ont réaffirmé leur volonté de porter en propre des projets au niveau du Burkina Faso et de renforcer les partenariats actuels existants notamment avec l’Amicale des Forestières du Burkina (Amifob). Le problème de la disponibilité des membres et plus généralement l’opérationnalité de l’équipe actuelle a été évoqué car le suivi d’une composante nationale d’un projet sous régional tel que le Projet de promotion du Moringa oleifera nécessite le renforcement des moyens humains de l’équipe nationale avec, dans l’idéal, une personne ressource permanente.

Rencontre avec les participants au voyage d’étude Le 4 octobre 2009, l’équipe de Silva Burkina a accueilli à Ouagadougou les participants au voyage d’étude sur Moringa oleifera. Les objectifs généraux et les résultats attendus de ce voyage d’étude ont été présentés. Des échanges ont eu lieu sur l’opportunité d’un projet de promotion du Moringa oleifera dans la sous région. Silva Burkina était représenté lors de ce voyage d’étude par Karim Kaboré.

Accueil à l’école de Nanoro. © Silva Burkina Promotion du Moringa oleifera à Nanoro Les principaux axes d’intervention et les activités pressenties concer- nant le projet au Burkina ont été abordés. Une visite de terrain sur les sites potentiels de Nanoro a été organisée avec l’équipe locale de Res Publica et en compagnie du coordinateur. D’autres réunions ont eu lieu entre les équipes de Silva Burkina et de Res publica, pour le suivi technique du projet et les premières opérations initiées dès mai 2010.

Journée Moringa Le mercredi 14 Octobre 2009, Silva Burkina et Silva France ont coor- ganisé la « Journée régionale sur le Moringa (Arzentiga), un aliment riche et sain pour tous » en partenariat avec Moringa news, le réseau Moringa Burkina, Agronomes et Vétérinaires sans Frontières, Res Publica. Cette journée s’est déroulée à la Salle de Conférence du Parc Bangre-wéogo. Après une présentation d’Armelle de Saint Sau- veur sur la culture et l’utilisation du Moringa oleifera, les principaux résultats et conclusions du voyage d’études sur le Moringa oleifera Journée moringa. © Silva Burkina

Participants à la journée Moringa. © Silva Burkina

71 Juillet 2010 66/67 Nouvelles des réseaux

Silva Centrafrique SILVA, Arbres, forêts > Sortie écologique et sociétés Les 27 et 28 mars 2009, une sortie écologique a été organisée grâce L’année 2009 fût, pour SILVA, riche en projets et actions, tant en France à un mini projet du Riat-Silva. Deux groupes de cinquante élèves de qu’à l’étranger. l’école Sainte Thérèse, accompagnés de trois enseignants, se sont rendus à la pépinière nationale de N’Dres à 10 km de Bangui afin de mettre en pratique les enseignements magistraux reçus sur les arbres Assemblée générale et l’environnement. Le responsable du site a expliqué le rôle ou le bien La 24 ème Assemblée générale de Silva s’est tenue le jeudi 20 mai 2010 fondé de cette pépinière qui prépare des plants qui seront utilisés lors dans les locaux d’Agroparistech-Engref à Montpellier. Etaient invités les de la journée nationale de l’arbre ou pour reboiser les espaces nus. représentants d’associations partenaires : Agronomes et vétérinaires Ces arbres sont des espèces qui grandissent vite et sont d’une grande sans frontières (AVSF), Au rythme de l’Afrique, CARI (Centre d’actions utilité. Par petits groupes de dix, les activités pédagogiques ont été et de réalisations internationales qui assure la coordination du GTD menées sous la direction des pépiniéristes : ou Groupe de travail sur la désertification), Forest Stewardship Council (FSC France), et l’association Fruits oubliés. Comment faire germer les graines Les facilitateurs ont présenté aux enfants les semences d’Eucalyptus camaldulensis et d’Eucalyptus torreliana qui sont comme de la poussière tout en leur disant que ce sont ces poussières qui deviendront plus tard des arbres. Après une démonstration sur la technique de semis, les élèves ont à leur tour procédé à des séances de semis à la volée et arrosé ce qui venait d’être semé. Il faut six semaines pour que les jeunes plants soient prêts à être repiqués. Remplissage des sachets Assemblée générale de Silva à Montpellier. © D. Louppe Ensuite, les techniciens ont fait une démonstration de remplissage des sachets avec de la terre noire. Les élèves ont aussi rempli chacun un Les bilans moral et financier des différentes activités de l’association sachet destiné au repiquage. en 2009 ont été exposés et approuvés par l’assemblée générale. Le trésorier Clovis Derlyn a rappelé la situation financière difficile de l’as- sociation. Les recherches de financement ont été discutées : réalisation Sortie écologique à la pépinière de N’Dres. © Sr P. Petit d’un numéro spécial du Flamboyant « Forêt et aires protégées », projet sous-régional de promotion du Moringa oleifera en Afrique de l’ouest, projet d’étude sur le bois énergie en Afrique subsaharienne, itinérance de l’exposition « La forêt qui nourrit ». Le changement de nom de « SILVA, Arbres, forêts et sociétés » en « SILVA-France » n’a pas été adopté par l’Assemblée générale. Cependant, il a été décidé de faire évoluer le RIAT en un réseau des Associations Silva nationales reconnues. L’assemblée générale a jugé qu’il était prioritaire de créer une association faîtière internationale regroupant au moins l’ensemble des Silva nationaux. Cette association, qui s’appellerait Silva International, bénéficierait d’une réelle dimen- sion et d’une légitimité internationales. Pourraient y adhérer, sous réserve d’acceptation, d’autres associations ou organisations ayant des mandats et objectifs similaires.

Repiquage On a utilisé la méthode de repiquage direct avec des jeunes plants récupérés sur place dans la nature. Ce sont des plants de Acacia auriculiformis et de Tectona grandis appelé communément « Teck » dont les feuilles servent d’emballage. Chaque élève a eu le privilège de repiquer un plant. Ces plants nouvellement repiqués sont arrosés par les élèves eux-même. Ils ont ensuite disposé ces sachets à l’endroit (ombre) prévu pour être comptabilisés. Cette sortie écologique a été très bénéfique pour nos élèves. Dans l’ensemble, ils ont émis le vœu de voir cette visite se renouveler plusieurs fois pour leur permettre de Présentation de l’exposition la forêt qui nourrit aux membres de Silva. découvrir d’avantage l’utilité de l’arbre dans la vie de l’homme. Pour © D. Louppe que ce souhait soit réalisable, nous demandons que le Riat continue Le nouveau conseil d’administration de 15 membres a été élu. Il à nous soutenir dans ce sens. Nous en profitons pour le remercier de compte six nouveaux membres : René Billaz, Aurélie Binot, Stéphanie nous avoir facilité cette visite par le financement de notre mini projet. Carrière, Sabine Nguyen Ba, Jean Pierre Profizi et Minoarivelo Ran- Qu’il trouve ici l’expression de toute notre reconnaissance. p drianarison. Ont été réélus : Michel Arbonnier, Clovis Derlyn, Charles Pour le Point Focal Riat, Ecole Ste Thérèse, BP 478, Bangui Doumenge, Jean Estève, Dominique Louppe, Gilles Mille, Régis Peltier, Tél. 21 61 38 54. La Directrice, Sr Paulette PETIT Jacques Plan et Georges Smektela.

Juillet 2010 72 66/67 Nouvelles des réseaux

Manifestations grand public Silva a participé à différents évènements régionaux et nationaux et à des actions de communication dans les médias locaux (presse et radio) qui ont permis de dynamiser la vie associative et de mieux faire connaître l’association et le réseau au public de Montpellier et de sa région. Plusieurs conférences ont été organisées dans le cadre de l’exposition « La forêt qui nourrit». Edmond Dounias a traité du « devenir des peuples forestiers dans le monde », Régis Peltier des « pratiques traditionnelles de restauration agroforestière en RDC », Aurélie Binot et Christian Far- geot de l’« impact et pérennité du prélèvement en viande de brousse en Afrique centrale », René Billaz, Mélanie Drouin et Stéphane Person du « potentiel de Moringa oleifera pour lutter contre la malnutrition en Afrique de l’Ouest » et Pierre Poilecot et Michel Arbonnier de l’« importance des savanes pour les populations africaines ».

L’exposition présentée à la Mairie de Paris lors d’un événement organisé par FSC France, mai 2010. © S. Person Développement de partenariats A l’image d’autres coordinations nationales et en accord avec les déci- sions prises lors des rencontres régionales, de nombreux partenariats ont été développés avec différentes structures régionales et nationales (ASI, ONG, Collectivités,..) : Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF), CARI (dans le cadre du Groupe de Travail Désertification), l’interprofession Arfobois, le collectif DAG+ Burkina, la commune de Clapiers, FSC France, le GIP Ecofor, les associations Microfel, Moringa- news, et Res Publica.

Participation aux évènements internationaux L’équipe de Silva a également participé à deux événements interna- tionaux majeurs : • Le Congrès forestier mondial de Buenos Aires, 18 - 23 octobre 2009, où Silva a participé à l’animation du stand de la France et a diffusé le numéro spécial du Flamboyant « Forêt énergie climat » édité en partenariat avec l’IEPF. • La COP 15 (Sommet mondial sur le climat) de Copenhague, à laquelle a participé une délégation de Silva.

Animation sur la forêt à l’attention des enfants. © S. Person Silva au Congrès forestier mondial à Buenos Aires. © S. Person

Valorisation de l’exposition « La forêt qui nourrit » L’exposition « La forêt qui nourrit » réalisée en partenariat avec Agro- polis-Museum (et avec le soutien financier de la Région Languedoc- Roussillon et du Conseil Général de l’Hérault) connaît un grand succès. Elle a été présentée lors de différents évènements auxquels Silva a participé : les journées Primavera au Jardin de plantes de Montpellier le 21 mars 2010, la Semaine du bois en Languedoc-Roussillon du 4 au 7 mai 2010 (avec présentation d’un conte et organisation d’anima- tions pour le jeune public), la fête de la Biodiversité à Montpellier les 21-22 mai avec animations et conférence sur les savanes. L’exposition a aussi été présentée à la mairie de Paris à l’occasion d’un évènement organisé par FSC France sur la certification forestière. De début juillet à fin août 2010 l’exposition sera déménagée d’Agropolis-Museum à la Maison Départementale de l’Environnement au Domaine de Restin- clières au nord de Montpellier avant d’être accueillie à la rentrée pro- chaine par d’autres coordinations nationales du réseau en Afrique.

73 Juillet 2010 66/67 Nouvelles des réseaux

Projet Moringa oleifera Kokou a rappelé le rôle traditionnel très important joué par les plantes pérennes à feuilles alimentaires tels que le Moringa oleifera. pour la En septembre 2009, Silva a coorganisé le voyage d’études sur le sécurité alimentaire des populations rurales et urbaines africaines et le Moringa oleifera dans quatre pays d’Afrique de l’ouest (Bénin, Bur- potentiel de développement de ce type de produits dans le futur. Mme kina, Niger et Togo) en collaboration avec les coordinations nationales Dakey, présidente du Réseau des promotrices d’industries agro alimen- concernées. En réponse à l’appel à projets lancé par le MAEE, Silva a taires au Togo (Repromat) qui regroupe les femmes transformatrices de coordonné l’élaboration du projet de promotion du Moringa oelifera produits agricoles, a rappelé les perspectives prometteuses de collabo- en Afrique de l’ouest présenté en partenariat avec Silva Bénin, Silva ration entre les transformatrices et les producteurs de moringa. Elle a Burkina, Silva Togo, différentes collectivités territoriales françaises et les rappelé qu’il existe une réelle demande de farines infantiles enrichies. ONG partenaires du projet (Agronomes et Vétérinaires sans frontières, M. Kokou Claude, de l’Association nationale des producteurs avicoles Res Publica et Microfel). p du Togo (Anpat), a exprimé le souhait des aviculteurs togolais de voir promue l’utilisation du moringa en aviculture comme complément alimentaire en remplacement des feuilles de Leucaena leucocephala dont l’utilisation est limitée par la toxicité relative. Enfin, M. René Billaz, président d’Avsf, a présenté l’objet de ce voyage d’études. La rencontre s’est terminée de manière conviviale par une collation autour de la présentation des produits commercialisés par le Repromat. Visite sur le terrain Le dimanche 11 octobre, M. Kokou Sogbo, président de l’Association pour la promotion des planteurs d’essences forestières (Appef), et des membres de l’association ont accueilli une sortie sur le terrain au centre de Tabligbo. Les parcelles de production de moringa ont été visitées et suivies de discussions sur les perspectives de projets futurs. Une rencontre a été ensuite organisée avec des représentants de groupements de producteurs de la préfecture de Yoto partenaires du projet d’ Appui à la sécurité alimentaire au Togo (Asato) mené par Avsf et avec des responsables techniques des agences de l’Icat/Yoto. Ce fut l’occasion d’évoquer les possibilités de partenariats entre Avsf Togo, Silva Togo et l’Icat pour la promotion de la culture villageoise du Moringa oleifera dans la région. Un dîner convivial a ensuite réuni les producteurs et productrices de l’Appef, les représentants de Silva Les participants au voyage d’étude au Bénin. © A. Ragounandea Togo et les participants au voyage d’étude.

SILVA Togo Evolution statutaire et perspectives Stéphane Person, chargé de mission de Silva France a rencontré l’équipe du Riat Togo le samedi 10 octobre 2009. Le point a été fait sur l’avancée de la création de Silva Togo. Les statuts sont rédigés et sont en attente de validation par l’assemblée constitutive. Kouami Kokou (coordinateur de Silva Togo) a exprimé son souhait de faire coïncider la réunion constitutive avec la réunion du groupe national de travail sur la gestion durable des ressources naturelles mis en place et animé par le Riat Togo.

Projet de promotion du Moringa oleifera en Afrique de l’ouest Rencontre avec les participants au voyage d’étude au Togo. © Silva L’équipe de Silva Togo a activement collaboré à la préparation du voyage d’étude auquel Gilles Etsé, animateur de Silva Togo, a participé. Rencontre Silva-Avsf Des réunions préparatoires ont eu lieu avec la coordination d’Agrono- mes et vétérinaires sans frontières (Avsf) au Togo, dont Myriam Mac- Les équipes Avsf/Togo et Silva/Togo ont tenu une de leurs rencontres kiwicz Hounge (coordinatrice nationale) et Essonana Assih (assistant périodiques le 28 mai 2010 dans les locaux du Ministère de l’Environ- technique national). nement à Lomé. Les trois composantes du projet « appui à la culture de Moringa oleifera » ont été le principal sujet abordé bien que ce Rencontre avec les participants au voyage d’étude projet n’a pas encore démarré au Togo. Avsf propose de former les et journée thématique groupements partenaires au projet Asato et dans un souci de pérennité de cette action, de renforcer les capacités techniques des formateurs Les participants du voyage d’étude ont rencontré les responsables de l’Icat (Institut de conseil et d’appui technique). Ces formateurs d’organisation de producteurs, des transformatrices et des membres pourront alors initier les groupements de petits producteurs à la culture du Riat Togo, (cf photo) dans les locaux de l’Organisation Démocratique du Moringa oleifera avec comme objectif l’introduction du moringa Syndicale des Travailleurs Africains (ODSTA) à Agoènyivé. M. Kouami dans chaque poulailler traditionnel amélioré. p

Juillet 2010 74 66/67 Nouvelles des réseaux

Voyage d’études sur le Moringa oleifera Bénin, Burkina Faso, Niger et Togo - 5 au 12 octobre 2009

Historique et objectifs Le voyage d’études « Arbre du paradis », « Arbre miracle », les qualificatifs ne manquent Douze personnes représentant les quatre structures organisatrices pas pour ce petit arbre originaire de l’Inde que l’on rencontre cou- (Avsf, Microfel, Res Publica et Silva-Riat) et regroupant diverses com- ramment dans les jardins de case ou en haies-vives dans les villages pétences (ingénieurs agronomes, forestiers, chercheurs en économie, des savanes africaines. Cette espèce est traditionnellement utilisée spécialiste en traction animale, spécialiste en développement) ont en cuisine en Afrique de l’ouest pour ses qualités nutritionnelles participé à ce voyage d’études qui s’est déroulé du 5 et 12 octobre scientifiquement prouvées. 2009. Quatre pays et 12 sites ont été visités. Une trentaine d’acteurs de la filière moringa ont été rencontrés : représentants d’organisations L’utilisation du moringa comme complément alimentaire dans le cadre paysannes, responsables de projets, équipes de CREN, responsables de la lutte contre la malnutrition, notamment pour une population d’orphelinats, chercheurs, enseignants, productrices, etc. Tous ont urbaine de plus en plus demandeuse, a suscité un regain d’intérêt souligné l’intérêt et le potentiel que représente le développement du pour sa culture. Produit naturel à fort potentiel économique, il pourrait moringa dans la sous-région. représenter une perspective intéressante de développement rural dans les pays de la sous région. Dans chaque pays visité, une rencontre a été organisée avec les coor- dinations des Silva nationaux et avec des chercheurs, des responsables Silva et le Réseau International Arbres Tropicaux ont déjà réalisé diver- de projets et d’organisation de producteurs, des responsables en ses actions de promotion du Moringa oleifera : atelier international à communication et des représentants institutionnels. Ce fut l’occasion Dar es Salam (Tanzanie) en 2001, publication d’articles dans le Flam- de faire le point sur les projets en cours et de confirmer, s’il en était boyant et participation à la fondation du réseau Moringanews. Des besoin, le dynamisme et l’implication de chaque coordination nationale coordinations du Riat ont aussi entrepris de promouvoir le moringa dans le projet Moringa. dans le village de Sakété (Silva Bénin) et la commune de Tabligbo (Silva Togo). Les participants Pour mieux connaître la grande diversité, tant au niveau des condi- Essonana Assih (Avsf, Togo) ; René Billaz (Président Avsf, France) ; Florent tions de production que des pratiques et des savoirs faire paysans, Diendere (Res Publica, Burkina Faso) ; Gilles Etse (Riat, Togo) ; Karim un voyage d’études sur le moringa a été organisé au Burkina Faso, au Kaboré (Silva-Burkina Faso) ; Jean Lichou (Président de Microfel, France) ; Bénin, au Niger et au Togo. Stéphane Person (Silva-France) ; Alfred Ouedraogo (CTAA Imasgo, Burkina Faso) ; Nassé Ouedraogo (Réseau MARP, Burkina Faso) ; Julien Paredes (Res Publica, France) ; Apollinaire Ragounandea (Avsf, Niger) ; Mesmin Sovi Moringa oleifera. © P. Poilecot (Silva-Bénin)

Rencontre avec des poducteurs de l’association A3E près de Kara, Togo. © S. Person

Principaux résultats et conclusions : Un marché bien présent et en développement Dans les quatre pays, la demande de feuilles fraîches ou sèches pour les usages culinaires croît rapidement. Elle est propre à cer- tains groupes ethniques (les Haoussas par exemple), mais elle ne s’y limite pas. Une meilleure connaissance de cette demande, ainsi qu’une action promotionnelle seraient souhaitables. La demande urbaine pour les produits alimentaires de longue conservation croît rapidement dans les pays côtiers. Le Ghana est très en avance sur

75 Juillet 2010 66/67 Nouvelles des réseaux ce point. Une meilleure connaissance des produits et des processus Projet sous-régional de promotion de conservation permettrait d’ouvrir des voies originales de déve- loppement de la filière au Bénin et au Togo. du Moringa oleifera en Afrique de l’Ouest Les différents éléments et informations récoltés pendant le voyage La croissance soutenue de la demande urbaine assurera probable- d’étude voyage ont permis l’élaboration d’un projet sous régional de ment un débouché satisfaisant pour les feuilles fraîches et sèches en promotion du Moringa oleifera concernant les 4 pays visités. Quatre provenance des villages voisins. Par contre, pour les villages isolés, le composantes principales et stratégiques ont été retenues répondants moringa offrira des revenus complémentaires en servant de fourrage aux principaux besoins et demandes exprimés : d’embouche pour les volailles et les petits ruminants. • Composante 1 : Diffusion de l’information et communication. Le Des conditions agroécologiques moringa s’il est connu presque partout en Afrique, souffre encore plus ou moins favorables d’une méconnaissance des ses vertus nutritionnelles. La promotion de celles-ci pourrait se faire à destination du grand public et du public Les contextes agro-écologiques sont relativement favorables dans les scolaire à travers différents médias adaptés : jardins scolaires, écrits, pays côtiers visités. Les sols profonds et la pluviométrie importante images, radio locale, télévision, rencontre régionale, etc permettent de généraliser des techniques de culture relativement Une meilleure connais- simples. En zone sahélienne, les sols moins épais et souvent cui- • Composante 2 : Mise au point technique. sance des solutions techniques adaptées à chaque contexte agro rassés et la pluviométrie plus faible offrent des conditions moins écologique et socioéconomique reste à acquérir afin d’améliorer les favorables. Des conditions idéales ne sont réunies que dans des conditions de production, de transformation et de commercialisation. espaces limités comme les concessions, les jardins de case, jardins Les référentiels techniques ainsi acquis pourront être vulgarisés dans maraîchers et jardins scolaires dont beaucoup bénéficient d’apports la sous région. réguliers de fumier, d’irrigation et d’une protection contre le bétail. Ces contraintes restreignent le potentiel de production sur de grandes • Composante 3 : Renforcement des capacités techniques. De nom- surfaces et privilégient la culture familiale du moringa. Il convient breux progrès restent à faire pour la transformation et l’amélioration donc de mieux connaître les pratiques actuelles et d’identifier celles de qualité des produits. Des moyens originaux d’échange d’expérience qui sont les mieux adaptées pour les répliquer et les diffuser. entre producteurs pourraient être envisagés. L’élaboration et la diffu- sion d’outils pédagogiques et de supports techniques, existants ou Une production familiale paysanne potentiellement à créer (affiches, livrets de vulgarisation,..), viendront appuyer des importante sessions de formation. C’est au sein des systèmes de production traditionnels comme les • Composante 4 : Appui aux initiatives locales et réalisations pra- jardins maraîchers et les jardins de case et au sein de systèmes tiques. De nombreuses initiatives existent dans les différents pays agroforestiers que le moringa montre un réel potentiel de déve- visités mais restent encore marginales ou ponctuelles et généralement loppement. Cette intégration semble être « la clef » de la réussite ne concernant qu’un aspect de la filière. Cet existant mériterait d’être de cette culture qui permettra de lutter favorablement contre la conforté, dans le cadre d’un programme plus vaste, par des appuis malnutrition et de développer un marché local, régional ou national complémentaires (petit équipement..) générateur de revenus pour une agriculture paysanne souvent en Pour initier un réelle dynamique de coopération décentralisée sur voie de paupérisation. ces aspects de lutte contre la malnutrition et développement rural, le projet s’appuie sur l’implication forte et le soutien de collectivités Journée régionale sur le Moringa (Arzentiga), territoriales du sud et du nord : commune de Clapiers (Hérault, France), Conseil Général de l’Hérault et Conseil Général du Gard au nord et un aliment riche et sain pour tous communes d’Akpromissérété (Bénin) et de Pella (Burkina Faso) au sud. Le mardi 13 octobre les participants se sont réunis pour faire une L’encadrement technique sera assuré par les quatre ONG partenaires première synthèse des différents éléments recueillis lors de ce réunissant des compétences techniques dans chacune des aspects voyage d’étude. Le lendemain, les organisateurs du voyage d’étude, du projet (agroforesterie, agriculture paysanne, maraîchage, santé et en partenariat avec Moringa news et le réseau Moringa Burkina ont éducation.). organisé une journée dédiée au Moringa à la Salle de Conférence du Le projet souhaite mutualiser les moyens pour renforcer les initiati- Parc Bangre-wéogo au cours de laquelle ont été présentés les princi- ves existantes et l’actuelle dynamique, notamment par l’implication paux résultats et conclusions du voyage d’études. Les perspectives et actives des ASI du nord et du sud. Des initiatives sont déjà encours, axes d’intervention d’un futur projet Moringa oleifera ont été discutés au Burkina Faso menées par Res Publica avec l’appui de Silva Bukina et sont présentés ci-après. (jardins scolaires, promotion auprès de familles pionnières...), sur les communes d’Akpromissérété et de Sakété au Bénin avec Silva Bénin. Pour finaliser ce projet une recherche de financements complémen- Bandeau Moringa, l’arbre qui nourrit. (Photo : Productrice à Tchekpo. © J. Lichou) taires est en cours. p

Juillet 2010 76 66/67 Nouvelles des réseaux

Pour en savoir plus sur les autres structures partenaires du projet Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF). AVSF est une ONG qui Contacts > Au Burkina Faso : Florent Diendere [email protected] ; accompagne depuis 30 ans les familles paysannes les plus menacées par en France : Julien Paredes [email protected] l’exclusion et la précarité dans les pays en développement, en Afrique, en Site internet : http://www.respublica.asso.fr/ Asie, en Amérique Centrale et du Sud. AVSF s’intéresse au développement Les autres structures ayant participé au voyage d’étude de Moringa oleifera à l’échelle sous régionale, particulièrement pour l’ali- CTAA Imasgo : Le Centre Technique de l’Amélioration de la Traction Animale est mentation animale. un centre de vulgarisation, de démonstration, de formation, d’appui-conseil Contacts > au Togo Essonana Assih [email protected] ; au Niger Appolinaire aux paysans et aux artisans et d’innovations techniques dans le domaine de Ragounandea [email protected] ; http://www.avsf.org la traction asine. Il apporte des aides pour faciliter l’accès aux équipements Association Microfel. Microfel est une ONG qui appuie des projets de maraî- et aux ânes. chage au Mali, au Niger et à Madagascar. Elle a des compétences en arbori- Réseau MARP : Le Réseau MARP du Burkina Faso, créée en 1992, développe culture fruitière appropriées à l’ « arbre maraîcher » qu’est le moringa. la promotion des méthodes actives de recherche et de planification partici- Contact > En France : Jean Lichou, [email protected] patives. En plus d’être une institution de formation et d’accompagnement http://microfel.blogspot.com des acteurs du développement, il est opérateur de projets de développement Association Res Publica œuvre pour le développement rural au Burkina Faso, sur le terrain. notamment en appui aux plantations familiales dans les villages. Contact > Nassé Ouedraogo [email protected]

Participation du RIAT-Congo au processus FLEGT au Congo Depuis 2007, le Congo s’est lancé dans le processus FLEGT (Forest Le paraphe de l’Accord de Partenariat Volontaire (APV) entre le Congo Law Enforcement, Gouvernance and Trade). Il s’agit de négociations et l’Union européenne a été signé en mai 2009 à Brazzaville. Ensuite, en vue d’aboutir à un Accord de Partenariat Volontaire entre l’Union du côté congolais, un Secrétariat technique chargé du suivi et de la européenne et la République du Congo sur l’Application des réglemen- mise en œuvre de cet accord a été mis en place. Sur proposition de la tations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux des Plateforme des Organisations de la Société civile ci-dessus mentionnée, bois et produits dérivés vers l’Union européenne. Pour cela, plusieurs le Coordonnateur national du RIAT a été désigné Deuxième Vice- Pré- rencontres ont été organisées à Brazzaville pour préparer les différents sident de cette structure. acteurs à ces discussions, notamment : – Premier Forum régional sur le FLEGT. Brazzaville, 03-04 juillet 2007 ; Dans le cadre des échanges entre les membres de la « Plateforme » – Atelier préparatoire des Organisations Non Gouvernementales sur le et l’organisation de leur meilleure contribution au processus FLEGT, processus FLEGT. Brazzaville, 30 novembre – 01 décembre 2007 ; lors de certaines rencontres, nous avons fait des communications sur - Atelier national sur le processus FLEGT au Congo. Brazzaville, 03-04 les thèmes suivants : décembre 2007 ; – Autorisation FLEGT et mise en œuvre de l’APV au Congo ; – Atelier national d’élaboration d’une grille d’évaluation de la légalité – Rôle du Secrétariat technique dans le suivi et la mise en œuvre de des bois produits au Congo. Brazzaville, 26-28 mai 2008 ; l’APV Congo/UE. Par son Coordonnateur national, le RIAT-Congo a régulièrement pris Par ailleurs, le Coordonnateur national du RIAT a pris part à l’atelier de part à ces rencontres. Pendant la période de négociation entre le sensibilisation des parlementaires du Congo organisée en février 2010 Congo et la Commission européenne, le Réseau congolais a appartenu par le Ministère congolais en charge des forêts avec l’appui de l’IUCN, au Secrétariat technique du Congo ayant comme mission essentielle de même qu’à la réunion ayant concerné les exploitants forestiers à d’assister le Négociateur congolais, en l’occurrence le Ministre de l’Eco- Pointe-Noire en 2009 pendant la phase de négociation de l’APV. nomie Forestière, en qualité de Représentant de la Société civile. Il a aussi occupé le poste de Deuxième Rapporteur du Groupe Consultatif Autre activité national qui devait valider les documents du Congo utilisés lors des discussions avec la partie européenne. De même, il a pris une part Le RIAT-Congo participe au « Projet Appui à la restauration des zones active aux travaux de groupes chargé d’élaborer les différents textes naturelles dégradées autour de Brazzaville » du Ministère congolais à insérer dans l’Accord, parmi lesquels les grilles d’évaluation de la en charge des forêts financé par la FAO, en qualité de « Consultant au légalité des bois du Congo. Projet, Facilitateur, Responsable de la sensibilisation ». Depuis l’année dernière, Il organise des réunions de sensibilisation dans des arron- Une « Plateforme des Organisations de la Société civile pour la ges- dissements de Brazzaville (exemples : Talangaï et Mfilou) très touchés tion durable des forêts du Congo » a été créée pour cela. Le réseau par l’érosion afin de conscientiser les différentes parties prenantes congolais est parmi les organisations fondatrices de cette structure de sur le phénomène « Erosion », et organiser des initiatives de lutte concertation. Celle-ci a contribué très fortement à la préparation des anti-érosive parmi lesquelles l’utilisation des plantes pour stabiliser documents du Congo. En tant que membre du Secrétariat technique les sols ou les bassins versants. p du Congo, le Coordonnateur national du RIAT-Congo a participé aux sessions formelles de négociations tenues à Brazzaville et à Bruxelles, Joël LOUMETO, Coordonnateur national du RIAT-Congo ainsi qu’aux sessions techniques par vidéo-conférence. Email : [email protected] / [email protected]

Relance des anciennes coordinations : Niger, Mali et Tchad… Suite aux décisions prises lors des rencontres régionales de mars 2009, la villageoise sont et ont été menées. En mars dernier la représentante de Silva relance des anciennes coordinations a été initiée. En octobre 2009, suite Burkina Delphine OUEDRAOGO a pu rencontrer des membres du Riat au Tchad aux contacts pris préalablement avec des membres du Riat au Niger, une désireux de participer à la création d’une coordination nationale au Tchad. rencontre a été organisée qui a confirmé l’intérêt de la relance d’une Plus récemment d’autres contacts ont été pris au Mali. D’autres sollicitations coordination dans ce pays où les questions forestières ont une importance des membres du réseau en Côte d’ivoire et au Sénégal pourraient permettre toute particulière notamment au regard des enjeux climatiques et de de renforcer cette dynamique dans ces pays. lutte contre la désertification et où des initiatives pionnières en foresterie

77 Juillet 2010 66/67 Pour votre bibliothèque

Produire et transformer les feuilles de moringa bly, interrelated. Diffusion: Dunstan House, 14a St Debating climate change: pathways through argu- Les feuilles de Moringa oleifera, Cross St, London EC1N 8XA, Royaume-Uni www. ment to agreement / Malone fraîches ou transformées en earthscan.co.uk E.L. Londres, Earthscan Publica- poudre séchée, constituent un tions (2009), XV-143 p. (Science véritable concentré de protéines, Biodiversity in environmental assessment : enhan- in Society Series) vitamines et minéraux. Ce guide, cing ecosystems services for Each participant in the climate abondamment illustré, présente human well-being / Slootweg R., change debate seems to have a pour la première fois les techni- Rajvanshi A., Mathur V.B., Kolhoff different agenda, from protec- ques de production agricole et A. Cambridge, Cambridge Univer- ting economic growth in deve- de transformation des feuilles sity Press (2010), XVIII-437 p. loping countries to protecting pour un usage alimentaire. Il donne également des (Ecology, Biodiversity and Conser- the energy industry in industrialized countries, from indications précises sur les valeurs nutritionnelles vation those aghast at the damage done to the Earth to des feuilles fraîches et sèches, et indique les Human induced development optimists who think we just need to adjust our meilleurs modes de préparation pour bénéficier de activities are introduced with technological approach. This book sorts through the ces nutriments. insufficient attention to their consequences for our tangle of arguments surrounding climate change to Auteurs : A. de Saint Sauveur et Mélanie Broin living environment, even in cases where environ- find paths to unexpected sites of agreement. Using (Moringanews) en collaboration avec la Moringa mental assessments have been carried out. This an innovative sociological approach - combined Association of Ghana apparent lack of attention to biodiversity in environ- discourse and social network analyses - Elizabeth L. 67 p. Editeur : CTA. Commandes: par abonnement mental assessment is rooted in the difficulties we Malone analyzes 100 documents representing a au service des publications du CTA (www.cta.int) ou have in adequately addressing biodiversity within range of players in this high-stakes debate. Through auprès de Moringanews ([email protected])» the scope, time frame and budget allocated for this she shows how even the most implacable assessments. This book provides a conceptual bac- adversaries can find common ground - and how this Examen annuel et évaluation de la situation mon- kground and practical approaches to overcome these common ground can be used to build agreement. diale des bois 2008/OIBT. Yoko- difficulties. It integrates the objectives of the This original research and insightful use of commu- hama, ITTO (2009), Convention on Biological Diversity, its ecosystem nication analysis will help advance understanding X-210p www.itto.int/fr/annual_ approach, and the conceptual framework of the and negotiation on climate change throughout the review/ Millennium Ecosystem Assessment into a compre- pivotal times to come. Diffusion : Earthscan Ltd, Dans le document intitulé hensive approach to biodiversity in environmental Dunstan House, 14a St Cross Street, London, EC1N «Examen annuel et évaluation assessment. It highlights the need to consider the 8XA. Site www.earthscan.co.uk de la situation mondiale des value of biodiversity based on its use by each sta- bois», l’OIBT rassemble les sta- keholder, addresses the importance of both social Durabilité naturelle et préservation des bois tropi- tistiques internationales les plus and economic development to reach the Millennium caux / Fouquet D. Versailles, Ed. à jour et les plus fiables disponibles sur la produc- Development Goals, and provides insights into ways Quae (2009), 127 p. (Guide prati- tion et le commerce de bois dans le monde, l’accent to balance present and future needs. Provides the que) étant mis sur les pays tropicaux. Il fournit également scientific basis of the Environmental Assessment Comment utiliser les bois tropicaux des informations sur les tendances dans le secteur Guidelines of the Convention on Biological Diversity provenant de forêts gérées durable- des forêts, l’aménagement forestier et l’économie (CBD), adopted by 189 countries. Throughout the ment ? Comment envisager leur des pays membres de l’OIBT. Ce document est basé book, boxes appear with real life examples from very emploi dans de nombreux domai- sur l’information soumise par les pays membres de different regions of the world; an annex provides 10 nes, tout en respectant les normes l’OIBT en réponse au Questionnaire commun sur les elaborate cases plus 10 additional example cases. et règlementations en vigueur ? Ce produits forestiers, complétée au besoin à partir Biodiversity is presented from a need for social and guide, abondamment illustré, propose des réponses d’autres sources. Ce document est produit par le economic development perspective, and not from simples et pratiques. Il aborde les différents aspects secrétariat de l’OIBT pour aider le Conseil internatio- the conventional western conservation-oriented de la conservation des bois tropicaux, de l’abattage nal des bois tropicaux à établir son rapport annuel perspective. Diffusion : Cambridge University Press, en forêts tropicales naturelles ou plantées jusqu’à sur la situation internationale des bois, conformé- The Edinburgh Building, Shaftesbury Road, Cam- l’utilisation finale de ces essences, en zones tropi- ment à l’article 30 de l’AIBT de 1994. Diffusion : OIBT, bridge CB2 8RU, Royaume-Uni www.cambridge.org cales comme en zones tempérées. Les éléments liés International Organizations Center, 5th Floor, Paci- à la biologie des agents pathogènes et aux utilisa- fico-Yokohama, 1-1-1, Minato-Mirai, Nishi-ku, Yoko- Coping with a changing climate: considerations for tions de ces bois en milieu maritime sont également hama 220-0012, Japon. Site www.itto.int adaption and mitigation in agri- développés. En Annexe 1 : Synoptique des normes culture / Glantz M.H., Gommes et directives en vigueur en 2008 et en annexe 2 : Biocultural diversity conservation : a global source- R., Ramasamy S. Rome, FAO Durabilité naturelle, imprégnabilité et classes d’em- book / Maffi L., Woodley E. Lon- (2009), XIII-100 p. (Environment ploi pour l’Europe tempérée de 305 essences tropi- dres, Earthscan Publications and Natural Resources Manage- cales (bois parfait). Diffusion : Editions Quae, c/o (2010), XXII-282 p. ment Series, 15) Inra, RD 10, 78026 Versailles cedex. http://www.quae. The field of biocultural diversity Over a billion people around the com is emerging as a dynamic, inte- world are undernourished today grative approach to understan- because they lack easy, consist- Évaluation économique de la biodiversité : méthodes ding the links between nature ent and reliable access to affordable source of food. et exemples pour les forêts tempé- and culture and the interrela- Changing climatic conditions and unsustainable rées / Brahic E., Terreaux J.P. Ver- tionships between humans and bioenergy development are projected to affect food sailles, Ed. Quae (2009), 197 p. the environment at scales from the global to the security through their impact on food systems at all (Savoir-faire) local. Its multifaceted contributions have ranged scales, from single household to global. This book Cet ouvrage propose des réponses from theoretical elaborations, to mappings of the presents some fundamental issues, challenges and simples et opérationnelles au pro- overlapping distributions of biological and cultural concepts in order to improve policy-makers under- priétaire ou gestionnaire de forêts diversity, to the development of indicators as tools standings of and preparations for coping with both qui s’intéresse à la biodiversité. Il a to measure, assess, and monitor the state and the causes and the impacts of climate change on pour objectif de l’orienter vers le choix de la méthode trends of biocultural diversity, to on-the-ground food security. The book elaborates on the critical d’évaluation la plus adaptée à l’élément de biodiver- implementation in field projects. This book is a considerations including basic ecological principles, sité qu’il cherche à évaluer et de lui fournir différents unique compendium and analysis of projects from assessment of impacts, vulnerabilities, invisible outils adaptés. Il aborde successivement les concepts all around the world that take an integrated biocul- boundaries and suggestions for short-term and long- clés tels que la biodiversité ou la valeur économique tural approach to sustaining cultures and biodiver- term policy options, as well as policy-driven strate- et regroupe une synthèse de la littérature sur les sity. The 45 projects reviewed exemplify a new focus gic thinking for adaptation to and mitigation of évaluations économiques de la biodiversité précé- in conservation: this is based on the emerging rea- climate change. Diffusion : FAO Communication Divi- demment réalisées dans différents pays. Différentes lization that protecting and restoring biodiversity sion, Viale delle Terme di Caracalla, 00153 Rome méthodes d’évaluation sont présentées avec leurs and maintaining and revitalizing cultural diversity www.fao.org avantages et inconvénients. Cet ouvrage est destiné and cultural vitality are intimately, indeed inextrica- en priorité aux ingénieurs et techniciens en charge

Juillet 2010 78 66/67 Pour votre bibliothèque de la gestion des forêts publiques ou privées, ou experiences to date on the extent and nature of Incentives to sustain forest ecosystem services : a travaillant sur l’évaluation de la biodiversité. Diffu- decentralization and its outcomes - most of which review and lessons for REDD / sion : Editions Quae, c/o Inra, RD 10, 78026 Versailles suggest an underperformance of governance reforms Bond I., Grieg-Gran M., Wertz- cedex. http://www.quae.com - and explores the viability of different governance Kanounnikoff S., et al. Londres, instruments in the context of weak governance and IIED (2009), X-47 p. (Natural Face aux arbres : apprendre à les observer pour les expanding commercial pressures over forests. Fin- Resource Issues, 16). comprendre. Drénou C., Feter- dings are grouped into two thematic areas: decen- Approximately 17 per cent of man G. (Photographe). 2009. tralization, livelihoods and sustainable forest global greenhouse gas emis- Paris, E. Ulmer, 155 p. management; and international trade, finance and sions are caused by land-use Face aux arbres, le premier forest sector governance reforms. The authors exa- change and, in particular, the réflexe est le plus souvent de mine diverse forces shaping the forest sector, inclu- destruction of tropical forests. déterminer leurs noms : est-ce ding the theory and practice of decentralization, Reducing land-use change and forest degradation un chêne, un cèdre, un ginkgo ? usurpation of authority, corruption and illegality, has been shown as a cost-effective way of slowing Et pour cela il existe de nom- inequitable patterns of benefits capture and expan- carbon emissions compared to other mitigation breux manuels. Après ces premières présentations, sion of international trade in timber and carbon strategies such as curbing emissions from power l’observateur souhaite généralement en savoir un credits, and discuss related outcomes on livelihoods, stations. Decisions taken at the Conference of the peu plus : cet arbre a-t-il fini sa croissance ? Est-il forest condition and equity. The book builds on Parties to the UNFCCC in Bali, 2007 opened the pos- en bonne santé ? Quelle est son espérance de vie ? earlier volumes exploring different dimensions of sibility for reduced emissions from deforestation and C’est alors la forme générale des arbres, leur mor- decentralization and perspectives from other world degradation (REDD) payments to become part of the phologie, qui devient intéressante. Savoir interpréter regions, and distills dimensions of forest governance post-Kyoto framework agreement, and for short-term la présence de branches mortes, lire les écorces ou that are both unique to Africa and representative of pilot projects. Consequently, the governments of deviner la présence des racines permet de compren- broader global patterns. The authors ground their many industrialised countries are announcing signi- dre les arbres, c’est-à-dire retracer leur histoire, analysis in relevant theory while drawing out impli- ficant new funds to tackle climate change. The connaître leur état actuel et surtout leur évolution cations of their findings for policy and practice. Government of Norway, through its International prévisible. Il devient alors nécessaire de ne plus Diffusion : Earthscan Ltd, Dunstan House, 14a St Climate and Forest Initiative, will allocate up to NOK3 simplement voir les arbres, mais de les regarder. Cross Street, London, EC1N 8XA. Site www.earthscan. billion a year between 2009 and 2012 to mitigate Diffusion : Editions Ulmer, 8 rue Blanche, 75009 Paris. co.uk greenhouse gases produced by land-use change. An www.editions-ulmer.fr assessment of the utility of payments for ecosystem Human-wildlife conflict in Africa : causes, conse- services as a tool for REDD was commissioned by Global review of forest pests and diseases : a the- quences and management strat- the Norwegian Minister for the Environment and matic study prepared in the fra- egies / Lamarque F., Anderson J., International Development to inform the Internatio- mework of the Global Forest Fergusson R. Rome, FAO (2009), nal Climate and Forest Initiative. This document Resources Assessment 2005 / 98 p. (FAO Forestry Paper, 157). represents a summary of ten papers which made up Allard G., Moore B.A. Rome, FAO Conflicts between humans and the assessment. Diffusion : IIED’s Head Office, (2009), IX-222 p. (FAO Forestry wildlife have occurred since the 3 Endsleigh Street, Londres WC1H 0DD, Royaume-Uni Paper, 156) dawn of humanity. They occur on www.iied.org Forests are complex ecosystems all continents, in developed as that provide valuable products well as developing countries, yet the problems vary Invasive plants and forest ecosystems / Kohli R.K., and services, have important aesthetic, social and according to the particular environment and people’s Jose S., Singh H.P., Batish D.R. cultural value and contribute to the livelihoods of way of life. This publication concentrates on Africa, (Eds.). Boca Raton, CRC Press rural communities. It is therefore critical to protect where problems are particularly common and pro- (2009), XV-437 p. these resources from disturbances by insects and nounced. Rural and peri-urban communities are Examining invasion ecology other pests and diseases. Pests and diseases can affected all over the continent.The aim is to facilitate through both synthesis and adversely affect tree growth, vigour and survival, the the coexistence of humans and wildlife and assist original research chapters, this yield and quality of wood and non-wood products, affected communities in applying best management compilation gives a bird’s eye wildlife habitat, recreation and the aesthetic appeal practices. Different circumstances, beliefs and values view of the ecological impact and cultural value of forests. They may also impede are to be taken into account in evaluating which alien invaders have both in tem- forest plantation programmes and make it necessary approaches are best. The publication was developed perate and tropical climates. With internationally to abandon certain tree species or to clear cut large through a writing workshop organized by FAO and recognized contributors, this text explores the soci- areas dominated by infested trees. Effective pest the International Foundation for the Conservation of oeconomic and policy aspects of adaptive collabora- management requires reliable information about the Wildlife (Fondation IGF) in Paris, France, in January tive management strategies that are crucial to biology, ecology and distribution of the pests, their 2008. Diffusion : FAO, Office of Knowledge Exchange, controlling alien invasive plants. This book success- impacts on forest ecosystems and possible methods Research and Extension, Viale delle Terme di Cara- fully captures the current state of knowledge sur- of control; it also often requires international coo- calla, 00153 Rome, Italie www.fao.org rounding this fast-growing ecological issue, making peration. This publication represents a rare effort to it an indispensable resource for those committed to address forest pests and diseases comprehensively Identification des bois : esthétique et singularités/ the protection of global forestry and natural at the global level. Part I summarizes the results of Corbineau P., Flandin J.M. Dour- resources. Diffusion : Taylor and Francis, 2 Park a thematic study reviewing forest pests in 25 coun- dan, Vial (2009), 335 p. Square, Milton Park, Abingdon, Oxon OX14 4RN, tries. Part II presents profiles of some globally Ce livre présente plus de 400 Royaume-Uni www.taylorandfrancis.com important forest pest species, and Part III discusses essences d’arbres issus de bois select forest trees species and their associated d’oeuvre, de parcs et de jardins, Jatropha: a smallholder bioenergy crop. The potential pests. Diffusion : FAO, Viale delle Terme di Caracalla, d’ici et d’ailleurs. Deux collec- for pro-poor development / Brit- 00153 Rome, Italie www.fao.org tions, l’une en bois de fil l’autre taine R., Lutaladio N. Rome, FAO en bois de bout, se complètent (2010), 96 p. (Integrated crop Governing Africa’s forests in a globalized world / dans une approche originale management, août-10). This German L.A. (ed.), Karsenty A. fondée sur la botanique. Les bois se dévoilent sous publication presents a compila- (ed.), Tiani A.M. (ed.). Londres, leur plus joli aspect. Ce livre offre un autre regard tion of information on key prac- Earthscan Publications (2009), sur le bois, une invitation à mieux le connaître et à tical issues affecting jatropha XXIX-413 p. s’inspirer de son veinage, de ses couleurs de ses for pro-poor development. It Many countries around the singularités en mémoire de l’arbre. Diffusion : Edi- provides a brief overview of world are engaged in decentra- tions Vial, 8, rue des Moines, 91410 Dourdan. Site biofuels, their growth drivers and their potential lization processes, and most www.editionsvial.com impacts on poor societies. It also summarizes the African countries face serious most recent data on the cultivation, seed harvesting, problems with forest gover- processing, uses and genetic improvement of jat- nance, from benefits sharing to illegality and sustai- ropha, and gives an overview of experiences with nable forest management. This book summarizes jatropha production from case studies in sub-Saha-

79 Juillet 2010 66/67 Pour votre bibliothèque ran Africa and South Asia. The information is pro- est donc une priorité absolue dans la mesure où elle Durabilité naturelle et préservation des bois tropi- vided to increase knowledge of jatropha throughout est susceptible d’améliorer à la fois la sécurité ali- caux Daniel Fouquet. Versailles, subtropical and tropical areas. It will also contribute mentaire en diminuant les impacts négatifs de la Ed. Quae (2009), 128 p. (Guide to strengthening policies and strategies that recog- faune sur les cultures et le bétail, et la conservation pratique) nize the potential of jatropha with regard to pro-poor de la faune en modifiant l’attitude négative de Comment utiliser les bois tropi- development, sustainable rural income and improved nombreuses communautés locales à son égard. caux provenant de forêts gérées livelihoods in developing countries. Diffusion : FAO, Situés au carrefour de la conservation et du dévelop- durablement ? Comment envi- Office of Knowledge Exchange, Research and Exten- pement, les conflits homme-faune sauvage sont au sager leur emploi dans de nom- sion, Viale delle Terme di Caracalla, 00153 Rome, coeur des préoccupations de la Fondation IGF. Cette breux domaines, tout en Italie www.fao.org synthèse sur les conflits homme-lion a été réalisée respectant les normes et règle- par la Fondation IGF dans le cadre d’un contrat avec mentations en vigueur ? Ce Les principaux sols du monde : voyage à travers la FAO. Le document a été diffusé lors de la dix- guide, abondamment illustré, l’épiderme vivant de la planète septième réunion FAO de la Commission des forêts propose des réponses simples et pratiques. Il aborde Terre / Mathieu. Paris, Lavoisier et de la faune sauvage pour l’Afrique, qui s’est tenue les différents aspects de la conservation des bois Tec et Doc (2009), 233 p. à Brazzaville (République du Congo) du 22 au 26 tropicaux, de l’abattage en forêts tropicales naturel- Les situations pédologiques février 2010. Diffusion : FAO, Office of Knowledge les ou plantées jusqu’à l’utilisation finale de ces dans le monde présentent une Exchange, Research and Extension, Viale delle Terme essences, en zones tropicales comme en zones grande variété, selon le climat, di Caracalla, 00153 Rome, Italie www.fao.org tempérées. Les éléments liés à la biologie des agents le substratum des terres émer- pathogènes et aux utilisations de ces bois en milieu gées et, bien sûr, l’intervention Multifunctional rural land management : economics maritime sont également développés. En annexe, de l’homme. Fruit de quarante and policies / Brouwer F., Van un tableau récapitule la durabilité naturelle, l’impré- années de recherches à travers le monde, cet der Heide C.M. (Eds.). Londres, gnabilité et la classe d’emploi de plus de 300 essen- ouvrage en livre une présentation aussi riche que Earthscan Publications (2009), ces tropicales pour l’Europe tempérée. Diffusion : précise qui s’appuie sur des illustrations de qualité XXIII-360 p. Editions Quae, c/o Inra, RD 10, 78026 Versailles couvrant l’ensemble du domaine étudié. Sélection- The increasing demand for rural Cedex. Site http://www.quae.com/ nées selon des critères pédagogiques rigoureux, les land and its natural resources is illustrations en couleurs qui composent cet ouvrage creating competition and con- Bees and their role in forest livelihoods. A guide to (près de 400) sont présentées selon la classification flicts. Many interested parties, the services provided by bees française et resituées dans leur environnement cli- including farmers, nature con- and the sustainable harvest- matique, en mentionnant notamment la tempéra- servationists, rural residents and tourists, compete ing, processing and marketing ture moyenne et la pluviométrie annuelle. Diffusion : for the same space. Especially in densely populated of their products / Nicola Brad- Lavoisier Tec et Doc, 14 rue de Provigny, 94236 areas, agriculture, recreation, urban and suburban bear Cachan Cedex growth and infrastructure development exert a This paper discusses tradi- constant pressure on rural areas. Because land is a tional and temporary beekeep- Livestock keepers : guardians of biodiversity / FAO. finite resource, spatial policies which are formulated ing with some of the bee Rome, FAO (2009), IX-54 p. (FAO and implemented to increase the area allocated to products proposed as medi- Animal Production and Health one use imply a decrease in land available for other cines. This material is pre- Paper, 167) uses. As a result, at many locations, multi-purpose sented for information only and does not imply Smallholder farmers and pasto- land use is becoming increasingly important. This endorsement by the author or by FAO. Use of these ralists fulfill an invaluable yet notion of multi-purpose land use is reflected in the products is not recommended unless taken under undervalued role in conserving term multifunctionality. This volume provides the care and guidance of a qualified physician. biodiversity. They act as guard- insights into viable strategies of sustainable man- Transport of bee colonies and bee products (e.g. ians of locally adapted livestock agement practices allowing multiple functions sus- beeswax) across international boundaries can pose breeds that can make use of tained by agriculture and natural resources in rural a risk of accidental introduction of insects, fungi or even marginal environments under tough climatic areas. It shows how the rural economy and policies other potentially destructive agents. It is recom- conditions and therefore are a crucial resource for can balance and cope with these competing mended that anyone planning to move bee colonies food security. But in addition, by sustaining animals demands and includes numerous case studies from across international boundaries check with appropri- on natural vegetation and as part of local ecosys- Europe, North America and developing countries. ate authorities in the country from where the prod- tems, these communities also make a significant Diffusion : Earthscan Ltd, Dunstan House, 14a St ucts are to be exported and the countries into which contribution to the conservation of wild biodiversity Cross Street, Londres EC1N 8XA, Royaume-Uni www. the products are to be imported for import permit and of cultural landscapes. This publication provides earthscan.co.uk requirements, sanitary certificates or restrictions a glimpse into the often intricate knowledge systems that might apply. NON-WOOD FOREST PRODUCTS 19, that pastoralists and smallholder farmers have Utilisation des bois de Guyane dans la construction Food and Agriculture Organization of the United developed for the management of their breeds in / Vernay M., Mouras S. Ver- Nations, Rome, 2009 specific production systems and it also describes sailles, Ed. Quae (2009), 159 p. the multitude of threats and challenges these often (Guide pratique) Gouvernance des ressources naturelles au Bénin / marginalized communities have to cope with. Diffu- Cet ouvrage décrit les essences S. Gaston Akouéhou, Star Edi- sion : FAO Communication Division, Viale delle Terme les plus courantes de la forêt tions 2008 198 p. di Caracalla, 00153 Rome. Site www.fao.org guyanaise, ainsi que les parti- Le présent ouvrage essaie cularités techniques des bois de : faire un état des lieux en Managing the conflicts between people and commercialisés. La mise en matière de politique de ges- lion : review and insights from oeuvre de différentes essences tion des Ressources Naturelles ; the literature and field experi- est abordée dans le cadre nor- ressortir les normes pour une ence / Chardonnet P., Soto B., matif actuel. Leurs caractéristi- bonne gouvernance des Res- Fritz H., Crosmary W., Drouet- ques sont développées de façon à en faciliter le sources Naturelles ; proposer Hoguet N., Mésochina P., Pel- choix avec l’objectif d’améliorer et d’optimiser la des orientations stratégiques lerin M., Mallon D., Bakker L., pérennité des ouvrages en bois. Une fiche technique et un système de veille. Boulet H., Lamarque F. Rome, illustrée décrit pour chaque élément de construction, Il vise à faciliter la mise en place d’une base de FAO (2010), 65 p. (Wildlife Man- sa fonction, sa position, son intensité d’exposition bonne gouvernance des ressources naturelles au agement Working Paper, 13) aux risques biologiques, les sollicitations mécani- Bénin. Il est accompagné de deux kits qui essaient Les conflits homme-faune sauvage sont un problème ques attendues et propose les essences courantes de régler le problème de non-conformité des élé- réel sur tous les continents. Ils ont d’importantes à utiliser. Au total 66 éléments de construction sont ments de procédure forestière et de contribuer à conséquences en termes de sécurité alimentaire, de présentés. Diffusion : Editions Quae, c/o Inra, RD 10, la formation des acteurs sur le contenu des textes sécurité et bien-être des populations locales, de 78026 Versailles Cedex. Site http://www.quae.com/ réglementant le secteur forestier et sur les éléments micro et macro économie, mais aussi, de conserva- de procédure pénale dans le même secteur. tion de la faune sauvage. La réduction de ces conflits

Juillet 2010 80 66/67 Appel à proposition pour un numéro spécial « Arbres agroforestiers » La revue Le Flamboyant va produire un numéro spécial « Arbres agroforestiers » : participez-y !

e nombreuses terres forestières ont été défrichées pour faire place à l’agriculture et aux pâturages. Mais Ddans la majorité des cas, les agriculteurs ont conservé des arbres sur ces terres, ou en ont fait pousser de nouveaux à des fins bien précises. Certaines espèces autochtones sont emblématiques de cette agroforesterie : Faidherbia albida, Vitellaria paradoxa, Parkia biglobosa ou Adansonia digitata en zones dites sèches ; divers Ficus et Irvingia gabonensis dans des régions plus humides. Des espèces exotiques comme Leucaena leucocephala ou Gliricidia sepium ont été introduites pour améliorer les fourrages ou la fertilité des sols et des Acacias australiens l’ont été pour les jachères améliorées et la production de bois. Les espèces que l’on vient de citer sont bien connues et ont déjà fait l’objet de nombreux articles. Mais, il existe d’autres espèces d’arbres, nombreuses, que les agriculteurs protègent ou favorisent dans leurs terres, qui sont beaucoup moins connues. La revue Le Flamboyant souhaite publier, au cours du deuxième semestre de l’année 2010, un numéro spécial qui fera connaître ces espèces agroforestières méconnues : quelles sont leurs utilités pour les agriculteurs, comment sont-elles intégrées dans les exploitations agricoles et les pâturages, comment sont-elles installées, cultivées et soignées et comment leurs productions sont-elles récoltées, transformées et commercialisées. Enfin nous souhaiterions que soit ouvert le débat sur le potentiel que peuvent avoir ces espèces dans l’avenir. Merci de nous faire parvenir vos articles à : [email protected] avant le 30 octobre 2010. Dominique Louppe, rédacteur en chef

Le Flamboyant > Note aux auteurs

La revue Le Flamboyant privilégie les méthodes électroni- • Pour des raisons de propriété intellectuelles la source ques de production. Voici quelques informations qui nous de chaque figure, carte, graphique et photo doit être permettront d’utiliser au mieux vos fichiers. mentionnée. Si l’auteur d’une figure, graphique, carte ou photo n’est pas un des auteurs de l’article, une autorisa- articles proposés tion de reproduction du détenteur du « Copy Right » doit Les textes sont à créer avec le logiciel Word ou tout autre accompagner l’envoi. logiciel compatible. L’envoi par messagerie électronique d’un article doit comporter trois groupes distincts de Le texte est composé avec une seule police. Pas de style fichiers : ou de mise en page automatique. Éviter les notes de bas - un fichier avec le texte et les tableaux : ces derniers de page. Chaque sigle ou abréviation est développé lors de seront mis en annexe à raison de un tableau par page – ils la première citation dans le texte. Les noms latins d’espè- seront numérotés et légendés ; leur emplacement sera ces sont en italique suivis, pour leur première apparition référencé dans le texte ; dans le texte, du parrain (ex. Panda oleosa Pierre). - un fichier avecles figures (une par page) avec les fichiers sources (par exemple Excel). Les figures seront numérotées les figures et légendées et leur emplacement référencé dans le texte ; Pour les figures, les schémas ou les cartes, utilisez de préférence un - les photos sont envoyées par messagerie. Une photo doit être d’un logiciel vectoriel qui permette une ouverture du fichier par Illustrator et format minimum de 1200 x 900 pixels pour une qualité optimale d’impres- enregistrez-les de préférence dans le format .eps ou bien dans le format sion. Elles seront numérotées et légendées et leur emplacement indiqué .png. Si vous envoyez un fichier *.jpg envoyez un fichier de plus de 2 000 dans le texte. pixels de large ou de haut.

le texte et les tableaux Les photos La taille des articles est comprise entre 4 et 8 pages A4 Times new roman • Chaque photo avec son numéro d'ordre d'apparition dans le texte : il est 12 CPI, sauf indication contraire. Soit entre 1 500 et 3 000 mots ou entre souhaitable que le nom de fichier d’une photo soit conçu ainsi : « photo 9 000 et 18 000 signes (espaces compris). x titre court NOM AUTEUR.jpg » exemple « photo 1 plantation moringa au L’ordre de présentation est le suivant : Togo STEPHANE PERSON. jpg. • En haut de première page : titre (7 mots au maximum, un sous-titre • Les légendes des figures (de préférence pas plus de 6 figures, cartes court est autorisé), prénoms et noms des auteurs et adresses com- et graphiques) et les légendes des photos sont fournies sur une page plètes avec numéros de téléphone et adresse électronique. Préciser le séparée. correspondant pour les avis des relecteurs. les envois • Les références bibliographiques principales (10 au maximum). Les fichiers texte, graphiques, figures et photos sont envoyés par email à • Un résumé de 150 mots maximum et 3 à 5 mots-clés. [email protected] avec copie à [email protected]. • Les tableaux (pas plus de 5), avec chacun sa légende. SILVA à l’international Un réseau de compétences au service de la gestion durable des arbres et des forêts dans les pays du Sud depuis plus de 20 ans

Objectif global Les moyens • Faire connaître et faire valoir les différentes fonctions des arbres Communiquer. Faciliter la communication par la mise en relation et des forêts. des personnes. • Contribuer à leur utilisation respectueuse et durable, par les Informer. Améliorer la diffusion de l’information, notamment des Hommes et pour les Hommes. études et des recherches. • Contribuer à la sauvegarde du patrimoine naturel au bénéfice Former. Former et sensibiliser pour une meilleure prise en compte des générations futures. de l’arbre et de la forêt dans les actions de développement. Proposer. Jouer un rôle consultatif et de proposition auprès des pouvoirs publics. Le Réseau International Arbres Tropicaux (RIAT) Un réseau de plus de 5 400 membres avec 9 coordinations nationales en Afrique : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, RCA, RDC et Togo.

Actions Etudes et groupes de travail : participation à différents groupes de travail (écocertification, forêts tropicales humides, Information et sensibilisation du grand désertification, processus FLEGT au Congo, création et public : conférences, débats, expositions, animation d’un GNT au Togo), réalisation d’études. évènements : journée de l’arbre (Bénin), semaine du bois (France) … Riat • Voyage d’études : faune sauvage et parcs nationaux Silva Silva Cameroun Burkina (Cameroun), foresterie rurale au Sahel (Séné- Publications scientifiques et techniques. Bénin Riat Riat RCA gal), culture et utilisation du Moringa oleifera • Ateliers thématiques : produits forestiers Togo (Burkina Faso, Niger, Bénin, Togo) … non ligneux, gestion forestière durable, grands Riat Gabon Riat Burundi textes internationaux, … Riat Congo • Projets de recherche développement : promo- tion du Moringa oleifera en Afrique de l’Ouest • Publications : fiches techniques, ouvrages de syn- Riat RDC thèse… (Bénin, Burkina Faso, Niger et Togo).

Formation et éducation : formation de volontaires, projet Un bulletin de liaison : « à l’école de la forêt » (France), une action du Riat dans Le Flamboyant le Bassin du Congo (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Revue d’information technique et scientifique destinée aux RDC), projet « Arbres à palabres » (Bénin)… membres du Riat. © S. Person © Silva Bénin

http://www.silva-riat.fr/ SILVA Arbres, Forêts et Sociétés > Des informations sur le Riat et Silva c/o Cirad – TA 212/15 > Tous les numéros du Flamboyant à consulter en ligne 73, rue Jean-François Breton > L’actualité des projets : promotion du Moringa oleifera en Afrique 34398 Montpellier cedex 5 de l’Ouest, l’exposition « La forêt qui nourrit », l’annonce des prochaines parutions, etc. Email : [email protected]