Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la

(SPPEF)

Enquête publique pour le projet éolien de la SEPE La Madeleine à Ploerdut

Noyal- le 1er janvier 2019

Monsieur le Commissaire enquêteur,

Au nom de Sites et Monuments (Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France), association nationale reconnue d’utilité publique et agréée pour la protection de l’environnement, dont je suis déléguée pour le , je vous prie de trouver, ci-dessous, nos observations concernant le projet de trois aérogénérateurs et d’un poste de livraison à implanter à Ploërdut, en limite de Saint-Tugdual, présenté par la société d’exploitation du parc éolien (SEPE) La Madeleine. Cette société immatriculée au tribunal de commerce de Compiègne est associée à la société allemande Enercon IPP GmbH affiliée au groupe Enercon constructeur d’éoliennes.

Tout d’abord, on observe qu’il s’agit de machines de grande hauteur : 150 m en bout de pales. Deux fois la hauteur des éoliennes déjà implantées aux alentours qui culminent à 86 m à Langoëlan, et et à 115 m à Séglien. Ce sont aussi des machines de très grande puissance : 3,5 MW par machine, alors que dans les trois premières communes déjà citées, la puissance était de 800 kW et de 1,5 MW à Séglien. A Roudouallec, les pales balaient l’air à 33 m du sol. A Langoëlan, à 34 m. A Séglien, à 41 m. Or, à Ploërdut, elles balaieront l’air à 11,2 m du sol, car le mât ne mesure que 81 m alors que les pales atteignent 69 m. En quoi est-ce important ? - Un arbre feuillu forestier de taille moyenne atteint 15 mètres. Dès lors, on pense à leur effet répulsif pour les hôtes des espaces boisés.

Au moins, le porteur de projet aura-t-il fixé son choix sur une grande plaine agricole éloignée des haies et des talus boisés ? – Il n’en est rien, hélas ! Les plans indiquent que les pales de l’éolienne n° 1 frôleront un espace boisé. Et l’étude faune flore décrit ainsi le paysage, page 12 :

« Le projet s’inscrit dans un paysage bocager et vallonné. Ce paysage accueille de petites parcelles de prairies pâturées et de fauches plus ou moins humides et de cultures de céréales le tout bordé par de nombreuses haies et parcouru par le ruisseau Toul Fallo »

La zone n’est donc pas dépourvue d’intérêt faunistique et floristique ? – Bien au contraire, il s’agit d’une ZNIEFF de type 2.

Mais alors, pour une obscure raison, les oiseaux auraient-ils déserté cette zone ?

« D’une manière générale, le maillage bocager est très favorable pour la nidification de nombreuses espèces d’oiseaux… Ce type d’unité paysagère constitue une mosaïque d’habitats riche et est sensible à la moindre modification humaine. … Le cortège avifaunistique présent sur le site du projet éolien de la Madeleine est caractéristique des milieux bocagers et comprend un certain nombre d’espèces nicheuses patrimoniales : 2 espèces inscrites à l’annexe I de la « Directive Oiseaux », 11 espèces menacées inscrites sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de France et 7 espèces menacées inscrites sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de Bretagne ont montré des indices de nidification au sein de la ZIP. » lit-on page 126 de l’étude Faune flore

Le néophyte qui se penche sur l’étude d’impact en reste pantois… Mais il n’a pas encore tout vu.

Sans doute les chiroptères se sont-ils tous réfugiés à la maison de la chauve-souris à Kernascléden ? La ZIP de Ploërdut n’en conserverait que quelques abris désertés ? - Non, ils sont très nombreux sur la zone. On lit page 126 de l’étude faune flore :

« Sur la zone d’étude, nous disposons de données permettant d’établir une liste de 17 espèces de chiroptères sur les 22 notées en Morbihan. Il apparaît que la zone accueille 6 espèces inscrites à l’Annexe II de la Directives Habitats, et 5 particulièrement vulnérables à la mortalité par collision avec les pales d’éoliennes. La sensibilité de la faune chiroptérologique du secteur de Ploërdut vis-à-vis des éoliennes est donc importante notamment au regard des milieux naturels concernés »,

On se dit alors que l’idée d’une implantation des machines dans une zone aussi sensible n’a pu surgir que par aberration. D’ailleurs, fort heureusement, la liste des recommandations qui clôt l’étude des chiroptères, rend ce projet irréalisable. Soulagés d’avance, nous pourrions en rester là.

Poursuivons néanmoins. Qu’en est-il du sol ? Est-il adapté à l’artificialisation : empierrement des chemins et aire de grutage, socle de béton, câblage à enfouir ? – Stupéfaction ! Il vaudrait mieux être aveugle et sourd et passer son chemin en ignorant l’ignominie : on a osé choisir une ZIP dont plus de la moitié se situe en zone humide et le câblage traversera le ruisseau… !

Et que dire au vu de notre merveilleux Schéma de Cohérence Ecologique (SRCE) de Bretagne ? - La ZIP se trouve précisément en plein corridor écologique régional (nous l’avons indiquée par la flèche noire sur le document ci-dessous) !

Là où le passage de la faune terrestre, de l’avifaune et des chiroptères doit être préservé et facilité, on installe des machines qui les chassent ! Le bon sens est mis à trop rude épreuve. Le choix de la ZIP est injustifiable. Comment peut-on autoriser un tel projet ?

L’impact environnemental de ce projet est tellement fort qu’il est stupéfiant de le voir soumis à l’enquête publique, alors qu’il n’aurait jamais dû franchir le cap de l’instruction.

Mais on se souvient que Jean François Savy, préfet du Morbihan, avait déclaré au journal Ouest-France relatant l’inauguration du parc éolien de qu’il soutenait les projets éoliens contre l’avis de ses propres services. « L'État facilite les projets éoliens dans le Morbihan », OF le 28 avril 2014. https://www.ouest- france.fr/bretagne/letat-facilite-les-projets-eoliens-dans-le-morbihan-2448443

Et que dire du dysfonctionnement de la Mission Régionale d’autorité environnementale (MRAe) de Bretagne qui « n’a pas pu étudier dans le délai de deux mois imparti le dossier mentionné ci-dessus reçu le 10 août 2018 » ? Cet avis manquait aussi lors de l’enquête publique de Brignac qui s’est achevée le 22 décembre 2018.

Consterné, le citoyen morbihannais aura compris que les règles et les protections existent mais qu’elles ne sont pas respectées. Et sans doute sont-ils nombreux ceux qui ont décidé depuis longtemps qu’il est vain de participer à une enquête publique dans un territoire dont l’avenir, de toute façon, se jouera sans eux, entre les sociétés du busines vert, les intérêts privés de quelques propriétaires de terrains et des élus de communes appauvries du fait de la baisse des dotations de l’état. Dans tout cela, l’écologie n’est qu’un alibi.

***

S’il est permis de bafouer impunément toutes les protections de biodiversité, en sera-t-il de même des documents de cadrage de l’éolien et des décisions de justice ?

 « La commune de Ploërdut est située dans une zone favorable au développement de l’énergie éolienne selon le volet éolien du Schéma Régional Climat Air Energie (SRCAE) de la région Bretagne, adopté par arrêté préfectoral le 28 septembre 2012 (cf.Figure 4) » lit-on page 20 de l’étude faune flore réalisée par ADEV environnement datée de juin 2018.

La figure 4 dont il est question est la carte du Schéma Régional Eolien (SRE) annulé par le tribunal administratif de Rennes le 23-10-2015, jugement confirmé par la cour d’appel de Nantes et par le Conseil d’Etat.

Son utilisation est illégale. Or elle a figuré sur le premier panneau, lors de la présentation du projet en mairie et apparaît à plusieurs reprises dans l’étude d’impact.

Les professionnels de l’éolien savent pertinemment que c’est une cartographie non aboutie : une carte blanche, en dehors des zones de contraintes techniques : radars, aéroport etc. Aussi, le fait de la présenter comme référence pour les zones autorisées pour l’éolien est une escroquerie. Les élus et le public ont été abusés.

 Quant au seul document de cadrage valide depuis l’annulation du SRE : la charte départementale d’implantation des éoliennes dans le Morbihan, sa lecture est fausse (page 103 de l’étude d’impact partie 2). Il ne s’agit pas d’une carte des contraintes liées aux seules ZNIEFF comme le prétend l’auteur de l’étude. (La carte des contraintes liées au patrimoine naturel apparaît page 19 de la charte et la carte des contraintes liées au patrimoine et au paysage page 23.) Cette carte qui apparaît sans son titre dans l’étude d’impact est en fait une carte de croisement des contraintes réglementaires et du potentiel éolien (ci-dessous)

C’est sur plusieurs critères que cette partie du territoire a été estimé devoir figurer en « secteurs potentiellement assez peu favorables à l’implantation d’éoliennes », voire en partie en « secteurs potentiellement très peu favorable ou interdits à l’implantation d’éoliennes ». En effet, le rond violet censé désigner le projet est TROMPEUR. En fait il se trouve plus au sud et plus près de St Tugdual, comme nous le désignons par la flèche noire ci-dessous.

Localisation dans le dossier d’enquête La localisation telle que nous l’avons repérée

La richesse patrimoniale de Cornouaille intérieure

Dans l’atlas des paysages du Morbihan (créé par l’Etat, le Conseil général, l’Association des maires et présidents des EPCI du Morbihan et le Conseil Régional de Bretagne) le patrimoine de Cornouaille intérieure, où se situe Ploërdut, est ainsi décrit :

« Un important patrimoine archéologique et historique. Le patrimoine nombreux et remarquable crée une réelle émotion qui naît souvent de l’union entre les formes architecturales et les sites d’implantation. On citera par exemple la chapelle Sainte Barbe au Faouët, unie à la vallée de l’Ellé par une succession d’édifices établis comme une théâtralisation du lieu… L’ensemble regorge d’un « petit patrimoine » de chapelles, oratoires, calvaires, fontaines votives qui viennent le scander et contribuent à son caractère intime. »

La liste du patrimoine de Ploerdut est en effet impressionnante : église Saint-Pierre MH , église de Locuon, calvaire du cimetière de Locuon, chapelle Notre Dame de la Fosse (Locuon), chapelle Notre Dame de Crénénan MH, fontaine Notre Dame (Crénénan), chapelle de La Trinité au village de Lochrist ISMH , chapelle de La Madeleine, chapelle Saint Michel, croix de la chapelle de la Trinité, manoir de Kerservant, château de Launay, château de Palévart , manoir de Barach, manoir de Kerfandol, manoir de Kerlagadec, mairie (1675), manoir de Porh Maner, moulin de La Lande, moulin de Barach , 4 tumulus situés près de Kerfandol, site du Lannic (néolithique), allée couverte de Lannic, voie romaine, éperon barré de Bellost. Par ailleurs, la DRAC a repéré 75 maisons et fermes des 16e, 17e, 18e et 19e siècles, parmi lesquelles 8 ont été étudiées : une maison du 18e à Quénépozen, une étable dont le premier bâti date du 17e à Poulmarvezen, une ferme de 1700 à le Portz, autre ferme à Kermarquer, une maison du 17e à Kermarec, une ferme de 1619 à Kermapucano, une ferme du 18e au Faouédic et une ferme de 1866 à Boterff.

La vraie richesse de Ploërdut est là. Est-elle compatible avec des éoliennes de 150 m en bout de pales, de longues pales qui donnent à ces objets étrangers au paysage une silhouette encore plus disgracieuse ?

– Nous pensons que non.

Comme le montre le dossier d’enquête, l’impact du projet éolien sera très fort à Ploerdut, à moins de 3 km, sur le bourg, l’église Saint Pierre et la chapelle de La Madeleine, et loin d’être négligeable à Locuon, à moins de 5 km, et sur la plus grande partie de la commune.

A titre d’exemple, parmi les quatre sentiers de randonnée qui parcourent la commune de Ploerdut, nous retiendrons le circuit des sources du Scorff. D’après la carte de visibilité dans l’aire d’étude éloignée, nous constatons que les éoliennes seront visibles au départ de Saint Auny. Elles seront très prégnantes au nord de Locuon ainsi qu’en rejoignant Le Launay. A cela s’ajoutera la covisibilité avec les éoliennes autorisées à Botsay (Glomel).

Le temple bouddhiste (Drukpa) de ne se situerait-il pas dans une fenêtre de visibilité, à moins de 3 km ?

A Saint Tugdual, l’impact sera sensible au nord-est du bourg et très préoccupant pour la chapelle Saint Guen et son ossuaire (ISMH) à moins de 5 km.

Langoëlan sera aussi en zone de visibilité à 6 km. La DRAC a consacré une étude très détaillée à cette commune où le patrimoine ancien est remarquable (inventaire culturel du patrimoine de Bretagne). Nous retiendrons la chapelle à 7 km dans la zone de visibilité.

Très préoccupant encore : le site des Montagnes Noires et la réserve des landes de Lann et de Magoar- Penvern, dans la zone de visibilité, à seulement 8 km.

L’église Saint Jean Baptiste (ISMH) au Croisty serait aussi dans la zone de visibilité à 5,5 km.

De même pour l’église Saint Beheau (ISMH) à à 8 km.

A Séglien, la chapelle Saint Germain (ISMH) est 8,8 km en zone de visibilité, dans un hameau au patrimoine bâti ancien remarquable.

A , le site du Grand Roz (moulin à eau du 17e) à 9 km , de Pont Samuel (moulin à eau du 18e) à 10 km , gîte d’étape sur le circuit menant à la chapelle Saint Laurent (ISMH) à 12 km, seront tous en zone de visibilité. Si l’on ne feint pas d’ignorer le mât de mesure déjà installé sur la zone et la consultation publique achevée récemment pour un des projets éoliens de Séglien dont l’impact sera fort sur cette zone, on saura que la saturation visuelle est en cours. Les élus de Silfiac qui l’ont bien compris ont pris une délibération d’opposition à ce projet de Séglien. Ce n’est pas pour en voir d’autres surgir de tous côtés… !

Le château (ISMH) et les jardins du Crosco (Lignol) à 9,9 km du site, se situerait dans une fenêtre de visibilité.

A , à 11 km, la carte de visibilité dans l’aire d’étude éloignée montre un impact sensible sur tout le bourg où le patrimoine ancien a été bien préservé. Une fenêtre de visibilité est ouverte vers le château de Kerohel, popularisé par l’histoire de Marion du Faouët et une autre vers le château de Penvern (ISMH). En covisibilité avec le mât de mesure du projet éolien de Prat Merien (Persquen).

A , la chapelle de Kerlenat (ISMH) se trouvera aussi dans la zone de visibilité à 12 km.

A , le site de Locmeltro (fontaine MH, chapelle ISMH, calvaire et bornes milliaires ISMH) sera également impacté à 13 km

Cette grande richesse patrimoniale mérite d’être épargnée.

Et les riverains ?

On compte 15 hameaux à moins d’1 km : La Madeleine, Pempoul, Lestrevedan, Kerandire (St Tugdual) Kermaria (St T.) Le Gahouat (St T.) Kervro, le Moulin du Stang, Tréfléan, kerfloch, Boderhan, Kervily d’en haut, Kervily d’en bas, Le Lanniec, Toulbahado.

Parmi eux il y a 2 propriétaires : l’un d’un terrain pour 1 éolienne et l’autre pour 2 éoliennes et un poste de livraison. Pour eux, l’avantage financier sera conséquent.

Pour tous, l’impact visuel sera très fort.

L’impact acoustique et les nuisances, surtout dans les vents dominants, seront à redouter. En effet, page 36 de l’étude acoustique, on lit :

« Les calculs réalisés font apparaitre un besoin de limitation des émissions sonore de nuit afin d’obtenir une prévision des émissions présentant une émergence inférieure ou égale à 3 dB(A) sur la période nocturne. Il est donc nécessaire de mettre en place un « plan de bridage nocturne ».

Rien que pour protéger cette population, la sagesse imposerait de refuser ce projet.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, Monsieur le commissaire enquêteur, d’émettre un avis défavorable à ce projet éolien à Ploerdut.

Anne Marie Robic - [email protected] Déléguée de Sites et Monuments pour le Morbihan. Membre de la CRPA de Bretagne (Commission régionale du patrimoine et de l’architecture)

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