interview tiré du livret du CD-audio «Rétrospective» french version page 1-4 english version page 5-8

Armand Amar, à la croisée des cultures

Amen, réquisitoire puissant et sensible signé Costa-Gavras, insuffle en 2002 une nouvelle impulsion au parcours atypique dʼArmand Amar : à quarante-sept ans, ce magicien des percussions, passionné par le rapport musique / chorégraphie, auteur de nombreuses musiques de ballet, sʼimpose comme lʼun des ambassadeurs de la nouvelle génération de compositeurs pour lʼimage. Né en Israël, ayant passé son enfance au Maroc, son adolescence à Paris, Armand Amar revendique volontiers son statut de funambule, en équilibre entre différentes influences et langages, son goût pour les voyages, réels ou imaginaires, son attraction pour les ailleurs. Rencontre avec un autodidacte inspiré qui, à travers le cinéma, a trouvé le support idéal pour faire la synthèse de ses multiples cultures.

Comment définiriez-vous votre Où et comment sʼest produit la bascule itinéraire jusquʼà votre rencontre avec vers lʼécriture ? lʼimage ? Lors des cours de danse contemporaine, Ma vie musicale nʼa pas débuté avec le vraiment. Parfois, je passais une heure et cinéma, loin de là. Celui-ci est apparu sur demie à improviser. Peu à peu, jʼai ressenti le tard, au détour du chemin. Jʼai débuté lʼenvie de fixer sur du papier à musique par lʼapprentissage des percussions, en les idées qui jaillissaient spontanément particulier les congas, point de départ sous mes doigts. Tout sʼest passé dans dʼune passion pour les instruments une sorte dʼenchaînement logique. Du ethniques et, par-là même, pour toutes statut dʼaccompagnateur, je suis passé au les musiques du monde. Jʼai longtemps statut de compositeur. De toute façon, la vécu comme un nomade de la musique, musique indienne est bâtie sur des cellules sans point dʼattache, passant de longs dont vous gérez la forme, lʼordre. Cʼest mois à étudier la musique indienne. Dans déjà une gymnastique qui se rapproche les années soixante-dix, le hasard mʼa de la composition... Un autre paramètre, fait rencontrer le chorégraphe Peter Goss : totalement fortuit, a été déterminant. Un grâce à lui, jʼai commencé à jouer pour des jour, dans un théâtre où je travaillais, jʼai cours de danse. En fait, mes trente années poussé la porte de la grande salle, où de musique, je les ai toujours partagées répétait un artiste qui allait se produire le avec un autre créateur. Jʼaime le vis-à- soir même. Sa musique mʼa hypnotisé. Jʼy vis, la confrontation. Quʼil sʼagisse dʼun trouvais un savant tressage dʼinfluences, chorégraphe, dʼun cinéaste, dʼun metteur qui étaient également les miennes, en scène de théâtre. Jʼai rarement écrit digérées pour forger un langage propre, seul, face à moi-même. Les œuvres de totalement personnel. Cet artiste, cʼétait solitaire mʼintéressent peu. Terry Riley.

http://www.armandamar.com Comment avez-vous accédé à la cours, nous étions dans le présent, pas musique de film ? Avez-vous saisi une dans lʼévocation du passé. Jʼavais surtout opportunité ou, au contraire, était-ce envie de lui prouver que jʼétais capable une volonté délibérée de votre part ? de mener à bien ma mission, que jʼétais digne de la confiance quʼil avait placée Non, cʼétait une opportunité absolue. en moi. Lʼexpérience a été dure mais Pendant des années, mon idéal était pas douloureuse. Très vite, jʼai oublié uniquement de composer pour la danse, lʼépoque, jʼai plutôt cherché à exprimer pas pour lʼimage. Mais le cinéma mʼa quelque chose dʼinexorable, le mouvement rattrapé. Lʼhistoire est la suivante : à de lʼinéluctable. En règle générale, les travers mon label discographique Long films de Costa-Gavras sont construits sur Distance, jʼai été conseiller musical sur des personnages qui prennent en charge Latcho Drom de Tony Gatlif. Ce qui mʼa un combat, qui sʼimpliquent dans une permis de faire connaissance avec la action dévorante, sinon obsessionnelle. productrice Michèle Ray-Gavras et son Cʼest à la fois vrai pour Amen et Le mari, le cinéaste Costa-Gavras. Sans Couperet. Ces deux partitions fonctionnent arrière pensée, je leur ai confié des comme un portrait intérieur et extérieur de enregistrements de mes musiques de personnages en marche, déterminés, dʼun ballets. Neuf ans plus tard, Costa mʼa côté Mathieu Kassovitz, de lʼautre José appelé pour me proposer de mettre en Garcia... Je suis forcément reconnaissant musique Amen car, en réalité, il avait à Costa : il est mon père de cinéma, cʼest partiellement monté le film sur les avec lui que jʼai appris à dialoguer avec un musiques en question. Pendant plusieurs cinéaste. Il mʼa permis de résoudre une jours, après avoir visionné différentes équation fragile, spécifique à lʼécriture séquences, jʼai élaboré des maquettes pour lʼimage : comment parvenir à offrir pour donner une direction possible à au metteur en scène ce quʼil espère sans Costa. Sa réaction a été sans appel : être forcément consensuel, sans renoncer «Désolé mais ce nʼest absolument pas ce à ses propres ambitions ? Comment le que jʼattends !» (rires) Après coup, jʼai surprendre avec ce quʼil attend ? Cette compris pourquoi : dʼabord, il voulait peu, question capitale mʼa également guidé sinon très peu de musique, il souhaitait face à Radu Mihaileanu, Rachid Bouchareb jouer la carte de lʼéconomie. Ensuite, il ou Eric Valli, trois autres rencontres tenait impérativement à éviter le pathos, déterminantes. les grands déploiements de lyrisme. En fait, il fallait prendre de la distance. Le Quels avantages offrent votre statut vrai sujet du film, cʼest la responsabilité dʼautodidacte ? et non le mécanisme de la Shoah. En tenant compte de cette indication, jʼai Dès Amen, jʼai pris conscience dʼune entièrement repensé la partition, son donnée essentielle : je ne suis pas intention, son esthétique. prisonnier dʼun savoir académique, dʼune technique dʼécriture conventionnelle, dʼune esthétique pré-établie. Je réagis Costa-Gavras avait collaboré avec des selon mon oreille, en fonction de ce que compositeurs comme Michel Magne, jʼai envie dʼentendre. Ce que jʼapprends, Mikis Theodorakis, Vangelis, Georges je lʼapprends sur lʼinstant, au fil des Delerue, Bill Conti, Philippe Sarde, expériences. Néanmoins, que vous Thomas Newman... Ses antécédents soyez autodidacte ou doté dʼun grand musicaux vous ont-il impressionné ? niveau technique, le plus important, cʼest lʼoriginalité, la curiosité, la capacité Je nʼy ai pas pensé. Plongés dans le travail, dʼécoute, lʼenvie de se confronter aux nous évoquions exclusivement le film en autres.

http://www.armandamar.com Dʼoù vient votre goût pour le métissage portent en eux une part dʼuniversalité des cultures ? dont la partition tient compte. Toujours cette idée dʼouverture... Idem pour les Dès mon retour dʼInde, jʼai ressenti séquences de combat : la musique est une envie de mélanges, de brassages, davantage présente avant le début des un appel de ce que Bartok appelait le hostilités. Pas pendant. Je préférais «folklore imaginaire». Les timbres et leurs envelopper de lyrisme triste ces moments combinaisons me passionnent. Associer dʼattente, de tension, de temps suspendu tel instrument à tel autre, cʼest mettre plutôt que souligner lʼaction pure, la au point une couleur précise, si possible brutalité des affrontements. inédite, comme en peinture. De plus, jʼaime sortir les instruments folkloriques de leur emploi supposé, les déraciner. Comment vivez-vous la réaction du Utiliser des tambours japonais dans La cinéaste à lʼenregistrement ? Piste, des mandolines dans La Faute à Fidel, du shakuhachi dans Indigènes, Pour mʼéviter lʼinquiétude, je préfère lui alors que le naï apparaissait comme une faire entendre la musique en amont, à évidence. A ce sujet, je me suis battu avec lʼaide dʼinstruments virtuels. Cʼest une Costa-Gavras pour imposer le doudouk manière de se sécuriser. Cʼest là que jʼai soliste dans Amen, quand Kassovitz monte vraiment le trac, quand le metteur en dans le train avec son étoile jaune. Alors scène découvre mes propositions sous que le doudouk nʼest pas un instrument forme de maquettes. Bien sûr, auparavant, du folklore juif. Mais quʼimporte : je on a parlé, on a échangé, on a cerné ne lʼutilise pas pour ses racines mais une direction. Mais ça ne remplace pas pour son expressivité. Ce serait stupide le moment où il appréhende le résultat. de sʼimposer des barrières du type : A cette étape, les choses deviennent «Jʼemploierai uniquement le doudouk pour concrètes. Comme par un subtil jeu de des sujets liés à la culture arménienne...» miroirs : jʼapporte mon regard sur son Le timbre unique et profond du doudouk travail, jʼattends en retour sa réaction sur nous ramène à la nuit des temps, pas à le mien. Souvent, à travers la musique, lʼArménie de manière exclusive. De la le cinéaste redécouvre son film. Pour même manière, dans Va, vis et deviens, lui, le montage et lʼélaboration de la au lieu de travailler avec une chanteuse partition sont des étapes plus calmes israélienne, je suis allé vers une interprète où il prend du recul sur son propre arménienne, dont le timbre et le phrasé me travail. Paradoxalement, lʼune de mes semblaient davantage en adéquation avec partitions fétiches a été élaborée sans le sujet du film et son traitement. lʼimplication du metteur en scène. Cʼétait pour Mon colonel de Laurent Herbiet. Pour des raisons complexes, jʼai travaillé Cette idée est-elle également valable entièrement seul, livré à moi-même, privé pour la bande originale dʼIndigènes ? du cinéaste et de son producteur, Costa- Gavras. La responsabilité était écrasante. Exactement car, au départ, lʼidée de Tous les choix mʼincombaient : fallait-il Rachid Bouchareb était de concevoir une une formation grande, petite ou moyenne partition raï, avec des musiciens algériens. ? Un instrument soliste particulier ? Lâcher Or, dʼévidence, cʼétait une fausse piste. le lyrisme ou le retenir ? Jʼai écrit une Je nʼai pas eu de difficulté à le convaincre partition très minimaliste, pour piano et que la musique devait élargir le propos quatuor à cordes. Qui a reçu lʼapprobation du film et non lʼenfermer dans une sorte successive dʼHerbiet et de Costa. Jʼaime de communautarisme. Les personnages le résultat mais ce parcours de création dʼIndigènes pourraient tout aussi bien en solitaire mʼa donné quelques sueurs être américains, japonais ou chiliens : ils froides.

http://www.armandamar.com Quel bilan tirez-vous de ces premières années au service de lʼimage ?

Dʼabord, je mesure ma chance dʼavoir fait réfléchir sur le caractère éphémère, travaillé sur des films dont la musique est précaire de nos métiers. Rien nʼest jamais lʼun des éléments clés de la narration : La joué définitivement... Personnellement, Piste, Le Premier cri, La Terre vue du ciel. jʼespère surtout entreprendre ce que je Mais je suis aussi conscient de la fragilité nʼai pas déjà fait ou traité. Par exemple, des choses : dans les années soixante- je me sentirais à lʼaise dans lʼunivers dix, jʼai pu rencontrer de grandes figures du polar ou du néo-polar. Mais une de la musique de film comme François image sʼest forgée. Elle ne correspond de Roubaix ou encore Michel Magne, pas forcément à la vraie palette de mes quelques années avant sa disparition. Avec possibilités. Cela dit, quand vous écoutez Magne, nous avions vraiment sympathisé, Amen puis Va, vis et deviens, ce sont à cause dʼune passion commune pour vraiment deux partitions représentatives les machines. Il traversait une période de mon inspiration. Dʼun côté, une écriture éprouvante. Ses droits dʼauteur étaient minimaliste et répétitive, de lʼautre un bloqués, il vivait uniquement de concerts, rapport presque charnel aux musiques du de tressages de bandes magnétiques. En monde. Si jʼignore ce que jʼai vais écrire à trois ans, il avait basculé dʼune position lʼavenir, je mesure en revanche mon envie de compositeur star à celle de proscrit, ou dʻapprendre, de progresser, de défricher presque. Cette vision cruelle et injuste mʼa des territoires encore vierges.

Propos recueillis par Stéphane Lerouge

http://www.armandamar.com Armand Amar at the crossroads of many cultures

Amen, Costa-Gavrasʼ powerful and sensitive film of indictment, breathed new life into Armand Amarʼs unusual career. At 47 years of age, this magical percussionist, who is passionate about the relations between music and choreography and the composer of numerous pieces of music for ballet, came to the forefront as one of the ambassadors of a new generation of film music composers. Having been born in Paris, grown up in Morocco and spent his teenage years in Paris, Armand Amar asserts his position as a tightrope- walker balancing between various influences and languages, his taste for both real and imaginary journeys, and his attraction to foreign places. A meeting with an inspired self- taught man who has found, in the cinema, an ideal medium to bring together his many cultures.

How would you define your career up Where and how did you get into writing? until the moment you discovered the world of film? During contemporary dance lessons, that was really when it happened. Sometimes My musical life didnʼt begin with cinema, Iʼd spend an hour and a half improvising. far from it. Films appeared late, from Gradually, I felt a desire to put down on around a corner. I began by learning to paper the ideas that came spontaneously play percussion, especially the congas, pouring out of my fingers. Everything and that was the starting point for my seemed to happen in a kind of logical passion for ethnic instruments and, sequence. From being an accompanist, I through them, for all kinds of world music. became a composer. In any case, Indian For a long time I lived like a musical music is made up of cells and itʼs up nomad, with no real attachments; I spent to you to decide how to shape them many months studying Indian music. In and which order to put them in. The the 70s, completely by chance, I met the gymnastics involved are fairly close to choreographer Peter Gross: thanks to those of composing... There was one him, I started giving dance lessons. In other decisive parameter, a completely fact, I have always shared my time over accidental one. One day, in a theatre the last thirty years with another creative where I was working, I pushed open the person. I like working face-to-face, I door of the main hall where an artist like confrontations, whether itʼs with a was rehearsing for a performance the choreographer, a film-maker or a theatre same evening. His music bewitched me. I director. I have hardly ever written on my recognised in it a skilful interweaving of own, with no one but myself to talk to. Iʼm influences, the same as my own, that he not really that interested in working as a had digested and then forged into his own loner. language, a completely personal language. That artist was Terry Riley.

http://www.armandamar.com How did you become involved in film aim was to prove to him that I was capable music? Did you seize on an opportunity of carrying out my assignment, that I was or was it a deliberate choice of yours? worthy of the trust he had placed in me. It was a tough experience, but not a painful No, it really was just opportunity. For one. Very quickly, I forgot the period, years, my ideal had simply been to I tried instead to express something compose for dance, not for film. But inexorable, an unavoidable process. In cinema caught up with me. The story goes general, Costa-Gavrasʼ films are based like this: through my record label, Long on characters who embark on a struggle, Distance, I had been musical adviser on who get involved in actions that are all- Tony Gatlifʼs Latcho Drom. Iʼd been able consuming, obsessional even. That is true to get to know the producer, Michèle of both Amen and The Ax. The two scores Ray-Gavras, and her husband, the film- work as a inner and an outer portrait of the maker Costa-Gavras. Without any ulterior characters as they act, with determination, motive, I had given them some recordings Mathieu Kassovitz in the one and José of my music for ballet. Nine years later, Garcia in the other... Of course Iʼm Costa rang me up to ask me to put Amen grateful to Costa; heʼs my cinematic to music because he had in fact already father, it was with him that I learnt how edited part of the film using the music to discuss with a film-maker. He enabled I had given him. For several days after me to solve a fragile equation that is very seeing the film, I worked on some drafts to specific to writing music for films: how provide Costa with a possible direction to do you manage to give the director what go in. His reaction was irrevocable: “Sorry, he is hoping for without having to be but thatʼs not at all what Iʼm looking for!” consensual, without renouncing oneʼs own (he laughs) Later on, I realised why; firstly ambitions? How can you surprise him with he didnʼt want very much music, not much what heʼs expecting? This crucial question at all, he wanted to use it very sparingly was of great help when I was faced with and, secondly, he definitely wanted to Radu Mihaileanu, Rachid Bouchareb and avoid any pathos, any sweeping lyrical Eric Valli, three other decisive encounters passages. What he needed was some for me. distance. The real subject of the film is responsability, not how the Holocaust What advantages are there in your being happened. Taking his advice on board, a self-taught composer? I completely rethought the score, the intention behind it, its aesthetics. After Amen, I became aware of one essential fact: I am not the prisoner Costa-Gavras had worked with of any academic knowledge, of any composers like Michel Magne, Mikis conventional writing techniques, of any Theodorakis, Vangelis, Georges Delerue, preordained aesthetics. I respond to my Bill Conti, Philippe Sarde and Thomas ear according to what I feel like hearing. Newman. Were you overawed by his The things I learn, I learn at one particular previous musical work? moment, during my various experiences. Nevertheless, whether you are self-taught I didnʼt think about it. We were absorbed or have the greatest technical proficiency, in our work, we only ever talked about the the most important thing is to be original, work in progress, we were in the present, curious, capable of listening and willing to not thinking back to the past. My main confront your ideas with those of others.

http://www.armandamar.com Where do you get your taste for have something universal about them and blending cultures from? the score reflects that. There is always this idea of opening up... The same is As soon as I got back from India, I felt a true of the battle scenes; the music is desire to mix things, intermingle things, more present before hostilities start, not a call from what Bartok called “imaginary during them. I would prefer to envelop folklore”. I am passionate about tones these moments of waiting, tension, time in and the combinations that can be made suspension in a sad lyricism, rather than with them. Associating one instrument emphasise the action itself and the brutal with another involves creating a particular nature of combat. colour, if possible one that didnʼt exist before, as in painting. Whatʼs more, I love What is it like to see how the film- taking traditional instruments out of their maker reacts during the recording? original context, uprooting them. Using Japanese drums in The Trail, mandolins in To stop myself from worrying, I prefer Blame It On Fidel!, the shakuhachi in Days to play him the music beforehand, of Glory, even though the ney seemed the using virtual instruments. Itʼs a sort of logical choice. I fought with Costa-Gavras safeguard. Thatʼs when Iʼm nervous, about this, I wanted to have a solo duduk the moment the director first hears my play in Amen when Kassovitz gets on the proposals in draft form. Of course weʼve train with his yellow star, even though talked and discussed it beforehand, the duduk is not a traditional Jewish weʼve defined a general direction. But instrument. That makes no difference; that doesnʼt replace the moment when Iʼm not using it because of its roots but he discovers the result. This is the stage because of its expressiveness. It would when things become concrete. Itʼs like a be stupid to put constraints on yourself subtle play of mirrors: Iʼve brought my like “Iʼll only use the duduk for subjects ideas to bear on his work and in exchange related to Armenian culture...” The unique, I expect his reaction to mine. Often the deep tone of the duduk takes us back music causes a film-maker to looks at his into the mists of time, not just back to film in a new light. For him, editing and Armenia. In the same way, in Go, See and writing the score are calmer stages when Become, instead of working with an Israeli he can take a step back from his work. singer, I opted for an Armenian performer Paradoxically, one of my favourite ever whose timbre and phrasing seemed more scores was written without the director appropriate to the subject of the film and being involved. It was for The Colonel by its treatment. Laurent Herbiet. For complex reasons, I worked alone, completely by myself, Does this idea also hold for the without access to the director and his soundtrack to Days of Glory? producer, Costa-Gavras. It was a crushing responsibility. I had to decide everything, Absolutely, because Rachid Boucharebʼs whether we needed a large, small or original idea was to write a raï score with medium group of musicians, whether there Algerian musicians. Yet it was clear that should be a particular solo instrument, that was the wrong path to go down. I whether to let the lyricism run loose or to had no difficulty convincing him that the rein it in. I wrote a very minimalist score music was there to expand the filmʼs for piano and string quartet. Which was message and not to box it into some kind approved first by Herbiet and then by of communitarianism. The characters Costa. I like the result, but the process of in Days of Glory could just as well be creation all by myself brought me out in a Americans, Japanese or Chilians; they all cold sweat.

http://www.armandamar.com How would you judge these first few years of writing for the cinema?

First of all, I count myself fortunate to nature of our professions. Nothing is ever have worked on films where the music really established for good... Personally, I is a crucial element of the narrative: The hope to have projects that I havenʼt done Trail, Le Premier Cri, The Earth Seen From or dealt with already. For example, I would Above. But Iʼm also aware of how fragile feel at home in the world of the detective things are. In the 70s, I was lucky enough movie or the new wave of detective to meet some of the great figures in film movies. But people have a certain image of music such as François de Roubaix and me. It doesnʼt necessarily match up with Michel Magne, a few years before he the real range of what Iʼm capable of. That passed away. Magne and I got on really said, if you listen to Amen, then Go, Live well together because of a mutual passion and Become, those are really two scores for machines. He was going through a very that are representative of my inspiration: testing time. His royalties were blocked one is in a minimalist and repetitive style, and he was living only from concerts and the other has an almost carnal relationship woven tapestries of magnetic tapes. In just with world music. Even though I have no three years, he had fallen from a position idea what Iʼm going to write in the future, of a star composer to that of an outcast, I can say how eager I am to learn, to or nearly. This cruel and injust sight made progress, to venture into areas that are as me think about the fleeting, precarious yet untouched.

Interview by Stéphane Lerouge Translated by Simon Pare

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