Le nouveau -né, intérieur bas-breton par Eugène Leroux. Musée d’Orsay

L'épidémie de dysenterie dans le Poher costarmoricain en 1851857777

Jérôme CAOUËN

À la fin de l'été 1857, une épidémie de dysenterie 1 va décimer la population de 21 communes du Poher costarmoricain faisant 777 morts. Plus de 12,4% de la population sera atteinte et 2,25% de la population périra de cette terrible maladie. Nous vous livrons ici quelques transcriptions de lettres du sous- préfet et de médecins particulièrement édifiantes sur la situation sanitaire catastrophique en Basse-Bretagne. Vous remarquerez le courage et le dévouement extrême de plusieurs habitants ; certains y laisseront leur vie.

Lettre du docteur Ruellan de Créhu au Comme nous avons pu le voir ensemble le 12 et le 13 du courant, la dysenterie, qui sévit actu- sous-préfet. ellement dans les communes de Paule, Plévin et , est une maladie épidémique. Les lieux le 16/09/1857. bas et humides, les abords du canal sont les endroits où nous avons rencontré le plus grand 1 Monsieur le Sous-préfet, nombre de malades. Sans prétendre qu'il soit possible de déterminer rigoureusement les conditions atmosphériques qui donnent lieu aux 1 La dysenterie est une maladie infectieuse du côlon chez l’humain, qui peut être grave, aiguë ou chronique. Elle est épidémies dysentériques, sans invoquer la caractérisée par des selles fréquentes et aqueuses (diarrhées), présence d'un miasme particulier, il nous semble souvent mêlées de sang, de mucus ou de glaires et toutefois, d'après ce que nous avons pu voir, accompagnées de fortes crampes abdominales. Elle est provoquée par l’ingestion d’aliments contenant certains micro- organismes, qui provoquent une maladie dans laquelle l’inflammation des intestins affecte gravement le corps.

30 ■ KAIER AR POHER N° 44 - Mars 2014

D y s e n t e r i e

qu'on ne saurait refuser une grande influence aux émanations qui s'élèvent de certains effluves, de certains marais, d'eaux stagnantes, de matières animales ou végétales en état de décomposition, et aussi un peu à la saison. Ajoutez à tout cela, l'incurie dans laquelle vivent les habitants des campagnes, qui, lorsqu'ils éprouvent une indis- position quelconque, continuent malgré tout leurs travaux et mangent, quand même, des aliments qui à eux seuls seraient capable d'occasionner des coliques, de la diarrhée ; et boivent pour se guérir des boissons alcooliques et fermentées au lieu de se mettre au lit, à l'usage de quelques tisanes et d'observer une diète de quelques jours. L'apparition de l'épidémie date de la fin d'août, ou des premiers jours de septembre. C'est-à-dire au moment où l'on faisait les récoltes, au moment où, par conséquent, le cultivateur en sueur quittait le fléau, pour aller se désaltérer à la cruche remplie d'eau fraîche et glacée. D'après les aveux mêmes des premiers malades, nous sommes portés à penser que ce pourrait bien être là, le point de départ du mal. Mais il faut bien en convenir, il existe une prédisposition générale, une influence occulte cachée qui frappe plutôt certains parages que d'autres. Aujourd'hui, le mal serait bien vite vaincu si les individus atteints observaient aussitôt qu'ils éprouvent du malaise du côté du tube digestif. La mort ne serait plus alors que l'exception. Ce qui me fait m'exprimer ainsi, ce sont des exemples que nous avons continuellement sous les yeux ; ainsi les malades traités à temps, et qui, suivent strictement nos prescriptions guérissent et malades que nous y vîmes ce jour, deux seule- guérissent promptement ; tandis que les ment l'étaient dangereusement. De même qu'à retardataires et les indociles succombent le plus Paule, des prescriptions furent faites et des souvent. médicaments déposés entre les mains d'infir- L'épidémie sévit indistinctement, sur tous les miers chargés de les administrer. Hier 15 et individus ; mais les enfants, étant très difficiles à aujourd'hui encore, j'ai pu me convaincre, qu'avec soigner, sont particulièrement décimés. les bons soins donnés à propos, et joints aux Maintenant, Monsieur le sous-préfet voici le prescriptions bien exécutées par les personnes résumé de nos courses : qui en sont chargées et aussi grâce à la docilité Dans la journée du 12 courant, nous visitâmes, des malades, il y avait une amélioration très dans la commune de Paule, une quinzaine de sensible dans cette commune. Le 14 au soir 24 villages ; dans lesquels nous vîmes environ 25 malades avaient reçu des soins ; le 15, on en malades. Sur ce nombre six au plus étaient en comptait 28. Depuis le 2 septembre jusqu'à ce danger ; et les autres susceptibles de guérison. jour il y a eu 27 décès. Les médicaments laissés par nous ont tous été Enfin, la commune de Plévin que j'ai visitée hier, administrés maintenant, et les prescriptions samedi, compte 45 malades sur lesquels, six le exécutées par les personnes chargées de ce soin. sont dangereusement. Les prescriptions, et les Aussi je pus constater à une seconde visite, qui a médicaments sont les mêmes que dans les eu lieu le 15 courant, qu'il y avait un peu communes ci-dessus ; et les personnes chargées d'amélioration dans l'état des malades dociles. Je de les exécuter s'en acquittent aussi de leur dis dociles, car les habitants de Paule ne le sont mieux. généralement pas ce qui rendra plus difficile le Je compte, dans le courant de cette semaine faire bien être de nos soins. une seconde tournée à Plévin et y voir le plus de Cette commune, compte de 14 à 15 décès, depuis malades possible. le commencement de l'épidémie et a actuelle- Tel est, Monsieur le sous-préfet le résultat de mes ment une quarantaine de malades. visites dans ces trois communes. Le 13 nous visitâmes aussi Glomel : sur les 18 Je n'ai pas encore reçu les seringues dont vous me parlez dans votre courrier du 14, je les ferai

KAIER AR POHER N° 44 - Mars 2014 ■31

gens de la campagne : Le pain de seigle laisse beaucoup à désirer, en général il est grossièrement fait, mal cuit et souvent aigre ; bouillies, crêpes et laitages, voilà la base de la nourriture. La viande est l'exception, il n'y a guère que dans les bonnes maisons où l'on en donne deux fois la semaine et encore n'est-ce que de la viande salée. L'eau vive est la seule boisson, et, ils ne s'en font pas défaut, lorsqu'ils sont au travail et en pleine transpiration. Les fruits n'ont pas atteint la maturité, dont ils consomment une grande quantité à l'époque de nos pardons ou quand ils viennent aux marchés. L’enterrement en passer à destination aussitôt qu'elles me seront Joignons à tout cela l'intempérance d'abus de Bretagne - 1897. parvenues. boissons alcooliques et fermentées à chaque fois Charles COTTET qu'ils en trouvent l'occasion et malheureusement Agréez, Monsieur le sous-préfet, l'assurance de elle est assez fréquente. ma considération distinguée. Parmi les deuxièmes, que nous appellerons

causes externes, nous rangerons en première Monsieur E. Ruellan de Créhu 2 ligne les habitations basses, enterrées dans le sol,

humides, froides, peu spacieuses, privées des Dans une autre lettre du 21/09/1857 dispositions convenables pour l'établissement le docteur Ruellan du Créhu apporte d'une facile aération et pour l'accès de la lumière, de nouvelles précisions. où les hommes et les animaux vivent, mangent, dorment, respirent ensemble dans une

atmosphère viciée. Les émanations fétides des Comme l'année dernière, nous avons pu fumiers amassés sur la voie publique devant constater que l'épidémie a commencé à sévir à la l'ouverture unique des maisons, celles des mares fin des grandes chaleurs pendant et à la suite des d'eau corrompues existant au milieu ou autour rudes et pénibles travaux de la récolte. des bourgs et des villages sont autant de Nous rangerons d'abord en deux classes les conditions fâcheuses bien propres à produire une causes les plus probables de cette affection détérioration toujours croissante de la constitu- épidémique : tion des gens de la campagne, livrés d'ailleurs à 1° celles qui agissent directement sur le canal des travaux excessifs pendant une grande partie intestinal. de l'année et forcement réduits à l'inaction 2° Celles qui de loin comme de près, que nous pendant une grande partie de l'hiver, et, par suite, appellerons extérieures, peuvent aussi déterminer à rendre des corps déjà affaiblis, plus susceptibles l'explosion de cette affection, chez les personnes de ressentir l'influence des causes le plus souvent prédisposées. inconnues, mais réelles des épidémies. Les soins Dans les premières nous rangerons les aliments de propreté, ainsi que les vêtements laissent aussi de mauvaise qualité dont se nourrissent ici les beaucoup à désirer. Enfin la température excessi- vement élevée que nous avons éprouvée cet été 2 Édouard-Jean-Marie Ruellan de Créhu né le 27/10/1817 à doit être prise aussi en considération. Plounévez-, fils de René-Emmanuel Ruellan du Créhu et Ajoutons à tout cela, comme nous avons eu de Marie-Alexandrine du Leslay. Il épouse le 6/08/1848 à Andel, Marie-Joséphine Le Saulnier de la Cour. Il décède à Rostrenen le l'honneur de vous dire l'année dernière, l'incurie 10/01/1862. dans laquelle vivent les gens de campagne, qui Il fait de brillantes études secondaires et est titulaire des lorsqu'ils éprouvent un mal quelconque, baccalauréats de lettres et de sciences. Il fait sa médecine à continuent quoique cela leurs travaux, mangent Paris et soutient sa thèse de doctorat le 2 juin 1846 : " Du rétrécissement de l'urètre ". Il a pour président de thèse Antoine- bon gré mal gré des aliments qui à eux seuls Joseph Jobert de Lamballe (médecin de Napoléon III), son seraient capables d'occasionner des coliques, de compatriote et maître qui, maintes fois, le sollicite de rester à la diarrhée, et boivent pour guérir des boissons Paris. Mais toujours, il refuse. A quelqu'un qui lui demande les alcooliques, de l'eau fraîche, au lieu de se mettre raisons de son refus, il répond que toutes les vies humaines ont de suite au lit, à l'usage de quelques tisanes une valeur et que ce n'est pas une raison parce qu'on le croit médecin, de vouloir l'enlever aux paysans de Rostrenen (22) qui mucilagineuses et d'observer la diète pendant ont autant de droit aux soins que les gens de Paris. Il s'installe quelques jours seulement. donc à Rostrenen au plus tard en 1848. Il meurt d'une crise Aussitôt la réception de votre lettre je me suis cardiaque au retour d'une consultation à domicile faite à cheval rendu à Plévin où j'ai visité dans le bourg même dans les campagnes autour de la ville. Il est inhumé provisoirement à Rostrenen, où les gens, qui le vénèrent comme dix malades atteints de dysenterie. Les autres un saint, vont porter des enfants malades sur sa tombe. Il est étaient disséminés dans la commune et sont au exhumé quelques années plus tard et transporté à Andel (22). nombre de cinq ou six ; ce qui donnerait un total Source : http://www.bellabre.com/genealogie

32 ■ KAIER AR POHER N° 44 - Mars 2014

D y s e n t e r i e

de quinze ou seize indigents atteints et en y Lettre du Docteur Delafargue comprenant les gens aisés, il peut y en avoir en tout à peu près une vingtaine. Je suis allé à Plévin au sous-préfet le 19 du courant. Dès la veille Monsieur le maire le 9/11/1857 avait désigné une infirmière qui prodiguait les premiers soins en attendant les médicaments et la Monsieur le sous-préfet seringue que je leur ai fait passer hier. Sur les 15 A la réception de la lettre que vous m'avez fait indigents, deux offrent des craintes sérieuses, l'honneur de m'adresser, je me suis empressé de c'est une petite fille de 12 à 13 ans et l'autre est me rendre à Maël-Carhaix. Accompagné de un vieillard débilité depuis longtemps par la Monsieur le maire, j'ai parcouru tous les villages fièvre intermittente. Les médicaments seront atteints de la maladie régnante, j'ai reconnu une administrés selon les cas et les prescriptions dysenterie épidémique très grave sévissant exécutées par l'infirmière. Tous les malades surtout dans la classe malheureuse et occupant étaient à la tisane de riz. J'ai remis à Monsieur tout le coté sud-ouest de la commune. Sur 17 cas l'instituteur de la commune l'ordonnance qui de cette maladie, j'ai constaté que deux sont indique le traitement à suivre. Le 11 septembre le compliqués de variole très confluente ; il est à premier décès a eu lieu, on en compte 5 autres craindre que ces deux maladies ne sévissent à la depuis ; ce qui donne un total de 14 décès du 11 fois dans beaucoup de maisons où la misère au 19. Jusqu'à nouvel ordre, j'irai deux fois la oblige de faire coucher plusieurs malades dans le semaine à Plévin. J'ai passé par Paule et Glomel ; même lit. Il était 7 heures du soir quand je ces deux communes ont aussi quelques cas. Paule terminai mes visites dans la commune de Maël- et Glomel comptent chacun un décès. Kergrist- Carhaix. Moëlou offre aussi plusieurs cas. Dans les Ce matin je me suis rendu dans la commune de derniers jours d'août et les commencements de Trébrivan, j'y ai trouvé la même épidémie avec les septembre j'ai été appelé à donner des soins à mêmes caractères, mais ici il n'y a pas de plusieurs personnes de cette commune, complications de variole. instamment dans une maison où sur 4 atteints du 15 personnes sont atteintes de dysenterie, le fléau, 3 y ont succombé. Messieurs les maires de maire lui même en est frappé depuis deux jours. ces trois dernières communes ne m'ont donné Monsieur le juge de paix se trouvait près de aucun avis à ce sujet Madame Le Follezou qui est grièvement malade, Agréez, Monsieur, le Sous-préfet, l'assurance de je n'ai pu trouver personne pour m'accompagner. ma considération distinguée. Dans le village de Loconan, seul endroit où un médecin ait été appelé et où les malades sont en E. Ruellan du Créhu. voie de guérison, j'ai trouvé une zone d'eau Rostrenen le 21 septembre 1857. stagnante d'une grande étendue et située en face d'une maison où se trouvent 3 malades. Voici les renseignements que j'ai pu obtenir : l'eau n'a pas changé de nature, les grains sont de bonne qualité, la misère est moindre que les années précédentes, les habitations, comme toutes les habitations de ce pays, sont mal aérées et plusieurs sont situées dans le voisinage d'eaux

KAIER AR POHER N° 44 - Mars 2014 ■33

L’enterrement par Olivier Perrin

stagnantes. Il règne depuis longtemps des Lettre du sous-préfet rendant son brouillards qui semblent suivre le canal de Nantes à Brest et tous les endroits bas et rapport au préfet sur l'épidémie de marécageux des communes que j'ai visitées. Cette dysenterie. épidémie avant d'arriver dans les Côtes-du-Nord sévissait dans les environs de Carhaix et sévissait le 11/12/1857. d'une façon si funeste que l'un de mes confrères me disait il y a huit jours que lorsque la maladie Monsieur le préfet ; datait de quelques temps et était grave, les res- sources de la médecine devenaient impuissantes. L'épidémie dysentérique, qui depuis deux mois Je ne sais, Monsieur le sous préfet, si tous ces désole plusieurs cantons de nos arrondis- malheureux se conformeront à mes ordon- sements disparaissant enfin, je viens vous faire nances, ils me l'ont tous promis étant parus très connaître, sa marche, les moyens que j'ai satisfaits de la mesure que vous venez de employés pour la combattre, les ravages qu'elle a prendre ; je me retourne demain sur les lieux et néanmoins exercés, les dévouements et les quand j'aurai pu suivre le cours de la maladie, je indifférences que j'ai rencontrés. vous adresserai le rapport que vous devriez avoir. Elle a envahi les communes de Plévin, et Saint- Je tâcherai de me transporter mardi dans la Nicolas et de Kergrist, dans la dernière quinzaine commune de Paule, il paraît que l'épidémie y du mois de septembre. sévit avec une grande intensité et que Le Les communes de Sainte-Tréphine, de , Moustoir commence aussi à s'en ressentir. de Peumerit-Quintin, de Trémargat, de Plouné- Voici, Monsieur le sous-préfet, le nom des vez-Quintin, de Plouguernével, de Glomel et villages que j'ai parcourus et le nombre des toutes celles du canton de Maël-Carhaix autres personnes atteintes : que Plévin, l'ont vu commencer pendant le mois d'octobre. Maël-Carhaix Celles de Carnoët, de et de Maël- Bourg : 2 malades (un en convalescence) Pestivien n'ont été atteintes qu'à partir des K/ogiou : 8 malades (tous grièvement) premiers jours de novembre. Rescouat : 1 malade Dès le début de la maladie, voulant me rendre K/bourou : 3 malades (un a la petite vérole) compte de ses caractères et de l'effet qu'elle Pont-Dervel : 3 malades (un a la petite vérole) produisait sur la population, je me suis, Vieux manoir : 2 malades accompagné du docteur Benoist de Guingamp, K/leau : 1 dysenterie, 1 variole seule. rendu dans toutes les communes, Monsieur Trébrivan Guillaume Le Louarn ancien conseiller général Ladien : 8 malades pensait que je ne trouverais personne pour faire Loconan : 4 malades soigner les malades indigents à cause disait-il du Reuneven : 3 malades danger qu'il y avait à le faire. Monsieur le maire L'épidémie attaque également les personnes de de Maël-Carhaix disait enterrer les morts avant tout sexe et de tout âge. l'expiration du délai légal pour empêcher le mal Veuillez, Monsieur le sous préfet, agréer, … de se communiquer. Monsieur Bahezre de Lanlay Delafargue 3, docteur médecin.

9/06/1899 à Callac, médecin, époux de Françoise Leguen. Il est 3 Jules-Benoit Delafargue, né le 29/11/1823 à Pleurtuit, décédé le le fils de Julien-Marie Delafargue, chirurgien, et de Coralie Martel.

34 ■ KAIER AR POHER N° 44 - Mars 2014

D y s e n t e r i e

était lui même vivement affligé de la gravité de l'épidémie et pourtant sa commune n'était par l'une des plus malheureuses. La gendarmerie me signalait les craintes que la population éprouvait, plusieurs morts très prompts expliquant cette frayeur. Sentant tous que cette situation empirait, je me suis plusieurs fois transporté dans toutes les communes pour y rassurer par moi-même les malades, leur famille, et tous les habitants et aussi pour diriger les infirmiers, en augmenter ou en diminuer le nombre et stimuler le zèle des autorités. Ma présence sur tous les points affligés, l'activité que j'ai imprimée et les exemples que j'ai donnés, ont produit l'effet que j'en attendais. Le moral des populations s'est amélioré ; elles ont manifesté une confiance de plus en plus grande dans les secours qui leur étaient prodigués. Les mesures prises par l'administration les ont touchées et si j'en crois le langage que tiennent beaucoup de personnes, les témoignages et reconnaissance qui me sont adressés pour vous Monsieur le préfet et pour moi-même, nous avons sauvé de la mort plus de malades que l'épidémie n'en a emporté. Nos communs efforts laissèrent, j'en reçois chaque Messieurs les maires se sont généralement jour l'assurance, chez tous nos administrés un Tableau fourni dans la montrés empressés à venir au secours de leurs lettre de 1857 des présent sentiment de reconnaissance pour le administrés. Tous se sont conformés à mes victimes de l'épidémie gouvernement de l'empereur et pour nous- instructions. Parmi ceux qui ont le mieux de dysenterie dans le mêmes. Poher costarmoricain. compris leur mission et qui l'ont rempli avec le Je résume ainsi par commune les résultats de plus d'intelligence et de dévouement je citerai l'épidémie qui s'est montré plus affreuse que le dans l'ordre du mérite, Messieurs les adminis- choléra surtout à Plévin, à Kergrist, à Trémargat trateurs des communes de Saint-Nicolas, de et à Plounévez-Quintin. Kergrist, de Trémargat, de Trébrivan, de Paule et

de Duault. Messieurs les maires de Plounévez- Le tableau qui précède ne comprend que les cas Quintin et de Glomel sont restés très indiffé- de dysenterie qui m'ont été successivement rents, le premier surtout. Les administrateurs de signalés par les bulletins journaliers et par les Maël-Carhaix et de Carnoët ont été fort tièdes. rapports hebdomadaires et mensuels de Les instituteurs de Duault, de Plévin, de Glomel Messieurs les maires, les instituteurs et de la et de Trébrivan ont avec intelligence et empres- gendarmerie. Les cas ignorés puisqu'ils n'ont pas sement secondé mes efforts. Celui de Maël- été portés à la connaissance des autorités locales Carhaix a malheureusement succombé en se ou parce qu'ils étaient légers n'y figurent pas. Je dévouant à ses concitoyens. J'ai appuyé la peux donc sans crainte et me tromper affirmer demande d'un débit de tabac fermée par sa ruine. que dans les communes ravagées par l'épidémie Comme toujours la gendarmerie s'est admira- près de 6000 personnes ont été atteintes. Un blement conduite. Son zèle est digne des plus pareil chiffre explique avec les rapports des grands éloges. Je signale particulièrement le médecins que je vous ai fait parvenir avec mes brigadier de Maël-Carhaix qui non seulement appréciations personnelles, combien était grave la portait ses conseils et ses secours aux mal- maladie que nous combattions. heureux ; mais offrait même de recevoir les J'ai maintenant à vous faire connaître la conduite religieuses qu'il a constamment guidées et de toutes les personnes qui nous servaient et qui entourées d'une véritable sollicitude. nous ont prêté leur concours.

KAIER AR POHER N° 44 - Mars 2014 ■35

La mort du grand -père La mort du grand -père par Olivier Perrin par Olivier Perrin

Tous les médecins ont bien fait leur devoir ; ils Plounévez ont dignement rempli leur mission et ont déployé une grande activité. Monsieur ont mérité l'estime des autorités et la confiance Delafargue et du Créhu ont redoublé de zèle et de tous les malades. fait preuve de beaucoup d'expérience et de Monsieur le curé doyen de Maël-Carhaix s'est savoir. Le docteur Thémoin dirigé par un cœur montré charitable et excellent pour ses excellent a accepté, malgré le mauvais état de sa paroissiens, en recevant dans son presbytère les santé, la mission que Monsieur Goëlo a refusée, deux religieuses de Guingamp et en refusant il l'a remplie avec une rare intelligence. Monsieur toute indemnité pour les dépenses qu'elles lui ont Signard a été apprécié par les habitants de occasionnées. Carnoët ; il promit d'être utile à ses concitoyens. Je n'ai pas été moins satisfait de Monsieur Dans ces circonstances, en raison du concours Goëlo ; mais je constate avec regret qu'il n'a pas empressé que nous ont prêté les ci-après consenti à porter les secours dans les communes nommés et de services qu'ils ont rendus pour de Plounévez-Quintin et de Trémargat. J'aurais leurs actes et intelligent dévouement, je vous voulu aussi pouvoir faire l'éloge de Monsieur propose, Monsieur le préfet de leur accorder les Buhot Launay, mais l'irrégularité de sa conduite récompenses suivantes : s'y oppose, et a je dois le dire fait preuve de quelques inintelligences, mais il s'est selon sa - Médaille en or : fâcheuse habitude qu'il a contractée, quelquefois À Monsieur Delafargue docteur médecin à livré à la boisson et il n'a pas inspiré une entière Callac. confiance aux malades. À Monsieur de Créhu docteur médecin à Les infirmiers ont été très utiles et très dévoués. Rostrenen. Malheureusement deux ont succombé au mal qu'ils combattaient. Un troisième a été gravement - Médaille d'argent : atteint et un autre a perdu ses trois enfants ; sa À Monsieur Bahezre de Lanlay 4 maire de Saint- femme qui l'aidait a été gravement atteinte. Nicolas La sœur Marie Huen de Guingamp, la sœur À Monsieur Le Quérou de Kerizelle 5 maire de Etienne de Saint-Nicolas, l'infirmier de Kergrist Kergrist ont fait des prodiges de courage : ils ont assisté un très grand nombre de malades ; leur zèle et 4 Joachim François Marie Bahezre de Lanlay, magistrat, maire leur savoir faire ont été admirés. de Saint-Nicolas du Pélem (1852-1860) né le 12/04/1816 à Saint- La femme d'un cultivateur de Tréogan a Nicolas du Pélem fils de Jean François Baptiste Bahezre du gratuitement soigné les indigents de sa Lanlay et Pauline Marie Le Metayer de Kerdaniel. Il est l'époux de Pauline Marie Françoise Le gué. Il décède le 13/01/1874 à Saint- commune. Sa belle conduite ne saurait être trop Brieuc. louée. 5 Jean-René-Marie Le Huérou Kerisel, maire de Kergrist-Moëlou Les sœurs de Plouguernével et de Sainte- en 1857, né le 9/11/1796 et décédé le 30/06/1873 à Kergrist- Tréphine et les infirmiers de Trébrivan et Moëlou fils de Jean-Marie Le Huérou Kerisel et Marie-Josèphe Le Bail. Il est l'époux de Marie-Françoise Donniou.

36 ■ KAIER AR POHER N° 44 - Mars 2014

D y s e n t e r i e

À Monsieur le docteur Thémoin 6 de Rostrenen Je ne vous porterai, Monsieur le À la sœur Marie Lucie de Guingamp préfet, que très succinctement les Au sieur Gaillard brigadier de gendarmerie à causes de l'épidémie. Les rapports Maël-Carhaix des médecins que je vous ai successivement adressés vous les - Médaille de bronze indiquent mieux que je ne saurais À la sœur Saint-Etienne de Saint-Nicolas le faire. Je vous dirai seulement À la sœur de Plouguernével d'après les observations que j'ai À la femme Marie Rouvall 7 de Tréogan qui a encore faites sur les lieux-mêmes gratuitement soigné que moins les populations étaient Au sieur Le Bras 8 instituteur de Duault éclairées plus elles s'écartaient des Au sieur 9 instituteur à Glomel prescriptions des médecins et plus Au Sieur Rolland infirmier à Kergrist elles souffraient de l'épidémie ; À la femme Duigou 10 infirmière à Trébrivan qu'elles ont conservé des habi- Une mention honorable à monsieur Signard tudes d'ivrognerie qui leur étaient docteur médecin à Callac. funestes à Plounévez-Quintin sur- tout où la civilisation paraît s'être Je vous propose aussi de vouloir bien donner à moins montrée ; que presque tous titre de secours : les cultivateurs amoncellent dans - 100 francs à la veuve Even 11 infirmier à Glomel leur cour et dans les chemins qui a été victime de son dévouement. avoisinant leur habitations pour en - 100 francs à la veuve Saint-Jean 12 infirmier à faire des engrais des matières Trémargat qui a succombé en secondant nos végétales qui en se mettant en efforts. putréfaction dégagent des émana- - 100 francs au Sieur Le Sech infirmier qui a tions morbidiques. Que les maisons, perdu 3 enfants et dont sa femme qui l'aidait a par les marais artificiels qui les été malade et qui n'a pas moins eu le courage de entourent, par leur forme-même qui ne continuer son service. permet pas à l'air de s'y renouveler, par - 50 francs au sieur Le Chevalier infirmier à l'agglomération de personnes qu'elles renferment Médaille d’honneur Plounévez-Quintin qui a été atteint de la et même par la forme des lits bas et clos qui pour acte de courage et de dévouement, dysenterie. contiennent presque toujours 2 et souvent 3 créée le 2 mars 1820. Vous voudrez peut-être adresser vous-même des personnes, sont généralement insalubres. Si Elle est décernée pour paroles bienveillantes à Monsieur le curé de j'ajoute que l'alimentation est peu substantielle et des actes de dévoue- Maël-Carhaix, à Monsieur le supérieur des filles même mauvaise vous penserez avec moi que nos ment et faits de de la paroisse de Guingamp, à la supérieure des administrés de la Cornouaille sont dans des sauvetage. dames du Saint-Esprit et Sainte-Tréphine. conditions hygiéniques au moins bien fâcheuses Outre la lettre de félicitations et la et que toute épidémie doit parmi eux se montrer mention honorable, il J'adresserai moi-même si vous le trouvez bien très meurtrière. C'est en effet ce qui est arrivé existe 5 degrés de des remerciements aux autres personnes qui ont plus spécialement à Plounévez-Quintin à récompense : bronze, été d'un concours utile. Trémargat et dans plusieurs communes du argent de 2 e classe, Je ne peux pas encore vous faire connaître les canton de Maël-Carhaix ou l'intelligence est fort argent de 1 re classe, dépenses qui ont été faites ni les secours dont les peu cultivée. Je ne vois de moyens de modifier ce vermeil et or. communes eurent besoin. J'aurai l'honneur de fâcheux état des choses qu'en continuant à Wikimedia commons vous adresser les notes, quand je les aurai réunies, propager l'instruction à faire progresser de là je formulerai les demandes que je trouverai l'agriculture et à améliorer les voies de justes. communication qui contribueront puissamment à faire pénétrer la civilisation dans cette partie de mon arrondissement. 6 Il doit s'agir de Auguste-Marie Themoin, docteur de Rostrenen, époux d’Aimée-Alexandrine-Marie Themoin. On constate plusieurs naissances de ce couple à Rostrenen de 1860 à 1871. Agréez, Monsieur le Préfet l'assurance de mon 7 Plutôt Marie Roullé. Peut-être l'épouse d’Yves Boloré. profond respect. 8 Il s'agit certainement de Nicolas-Marie Le Bras père de Signature presque illisible : Catim ? l'écrivain Anatole Le Bras. 9 Il s'agit de Jean-Marie Hillion, instituteur de Glomel au moins de 1854 à 1872. 10 Il pourrait s'agir de Marie-Catherine Coutellec décédée le Source : Cote 5M14 des AD22. 19/05/1876 à Trébrivan à l'âge de 68 ans. Elle est l'épouse de Guillaume-Louis Le Duigou. Jérôme CAOUËN 11 Il doit s'agir Pierre-Marie Even décédé le 31/10/1857 à Glomel à l'âge de 56 ans fils de Pierre et Marie-Anne Steunou. Il est l'époux de Catherine Conan qui demeure au bourg de Glomel. 12 Il doit s'agir de Noël-Marie Saintjean décédé le 17/11/1857 à Trémargat à l'âge de 58 ans fils de Pierre et Marie Thoraval. Il est l'époux de Marguerite Philippe.

KAIER AR POHER N° 44 - Mars 2014 ■37