D

P. GOUEZEN

LE ROH-DU (B)

Commune de la Chapelle Neuve

AUTORISATION n°-87.C AP SOMMAIRE

1) LOCALISATION

» 2) HISTORIQUE

3) ETAT DU MONUMENT

4) LA FOUILLE

a) Travaux préliminaires "b) Fouille de la chambre c) Dégagement du oairn t 5) LE MOBILIER

6) CONCLUSIONS GENERALES

a) Descriptions architecturales de la sépulture "b) Historique du monument c) Affinités et attributions culturelles

7) ANNEXES

- Autorisation de fouille - Résultats des prélèvements palynologiques. Situation géographique Fig. n*1 I - LOCALISATION :

Distant de 25 kilomètres au Nord de la frange cêtière et en plein coeur de la magnifique Forêt Domaniale de Floranges, le groupe du Roh-Du fait partie de l'ensemble mégalithique des Landes de Lanvaux (Fig. n° I, 2 et Ce groupe se compose de trois "dolmens simples" ou "coffres" situés à environ 200 mètres les uns des autres. Le substrat rocheux est essentiellement composé d'un granité feuilleté ; principale source de matériaux utilisés pour la construction des mégalithes de la région.

Les références administratives sont les suivantes t - Commune LA CHAPELLE NEUVE - Lieu-dit Le Roh-Du Forêt de Floranges - Numéro du site... 56 039 OC - Cadastre AK n° 50 - Propriétaire.. O.N.F. - Coordonnées Lambert : X = 204 400 Y = 2328 800

2 - HISTORIQUE :

La sépulture (B) fut découverte en I984 par Monsieur Patrick NAAS lors de prospections systématiques en Forêt de Floranges et fut incluse dans une synthèse concernant le mégalithisme des Landes de Lanvaux. En effet, depuis quelques années, d'importantes prospections archéologiques sont effectuées systématiquement dans les zones sensibles affectées par des travaux forestiers, routiers, agricoles... La sépulture se trouvait dans une des zones sensibles. C'est ainsi que les travaux forestiers ont rendu urgente une intervention de sauvetage pour la sépulture (B) du Roh-Du : autorisation n° 87 07 AP délivrée par la Direction des Antiquités Préhistoriques de Bretagne que je remercie vivement. ! Situation topographique et cadastre 3 - ETAT DU MONUMENT :

La topographie des lieux laissait apparaître un léger promontoire. Pour une hauteur de 0,80 mètre la sépulture s'englobait dans un cairn d'un diamètre maximal de 8 mètres (Pig. n° 4)» Cette légère bosse était surmontée d'un chêne de 110 ans et laissait entrevoir dans sa partie-supérieure trois dalles posées sur chant (deux longitudinales et une transversale) agencées de telle manière à former un coffre sensiblement orienté Est-Ouest avec l'ouverture présumée à l'Est. La disposition architecturale des dalles est analogue aux sépultures (A) et (C), avec une dalle de couverture en plus pour la sépulture (A). L'intérieur du monument semblait intact malgré la présence de l'arbre et l'inexistence d'une dalle de couverture. Quelques autres blocs dépassaient de la surface du cairn sans que l'on puisse en définir l'utilisation dans l'immédiat. Relevé topographique illement non rattache au N.G£ 4 - LA FOUILLE :

a) Travaux préliminaires :

Avant le début des travaux, il a été procédé à l'abattage d'un chêne situé à l'emplacement présumé de l'entrée de la sépulture (Travail effectué par l'O.N.F.). Les racines ont d'ailleurs affectées et disloquées les structures internes et externes du monument. Les limites de la fouille ont été délimitées par un rectangle de 8 m x 6 m débordant légèrement de la structure externe du monument. Après le premier décapage de la couche d'humus (épaisseur : 0,10 m.) la fouille proprement dite pouvait commencer. Je remercie vivement les différentes personnes qui ont participé à ces travaux : Mme Anne-Marie DE TOC, Mr Yvon LABORDERIE, Mr Patrick NAAS, Mr GOUTH, Mr Dominique MARGUERIE (ER n° 27 du C.N.R.S.) pour les prélèvements palynologiques. Je remercie également l'O.N.P. pour son autorisation, son amabilité et son aide technique.

b) Fouille de la chambre :

Juste sous la couche d'humus (épaisseur : 0,10 m.) un ensemble de pierraille (niveau I) apparaissait, laissant supposer un remplissage récent de la tombe. Quelques tessons d'une poterie récente (l8ième siècle) furent récupérés en surface. Après avoir dégagé minutieusement ce massif de pierre, un semblant d'assemblage se faisait ressentir. Une première oouche de pierre fut donc relevée sur une épaisseur de 0,20 m. (niveau II). -(Fig. n° 5)— Ce niveau II était plus où moins structuré avec un enchevêtrement de racines. Quelques tessons de l'âge du Fer furent dégagés. Le nettoyage de la couche suivante (niveau III) laissait également apparaître un remplissage intentionnel avec des assemblages à plat et un semblant d'effondrement au milieu (malgré les dégâts des racines) laissant supposer l'édification d'un petit coffre en pierre sèche à l'intérieur de la sépulture. Quelques tessons de l'âge du fer furent recueillis dans cette couche ainsi que des fragments d'une poterie ligitée de l'Age du Bronze (Fig. n° II).

Le démontage du niveau III laissa apparaître une dalle de fond sur toute la surface de la chambre (niveau IV - fig. n° 6). La base des supports longitudinaux fut également dégagée ain3i qu'un muret en pierre sèche délimitant le fond de la chambre à l'Ouest. La paroi a d'ailleurs été surélevée de 0,40 m. par une racine et a légèrement basculae vers l'extérieur de la chambre. Une légère couche de limon brun (épaisseur i I cm.) couvrait la dalle de fond sur laquelle quelques tessons de deux vases "Campani forme" furent recueillis (fig n° II) ; pour la plupart, à l'extrémité Est de la chambre.

c) Dégagement du Cairn (Fig n° 7>8,9) s

Façade Est : Le démontage de la façade Est nous a montré une surface très perturbée : d'une part, par la présence d'un chêne qui a complètement démentelé le cairn et d'autre part, par la présence d'un forgeron qui a creusé quelques petites fosses. Nous avons pu cependant retrouver les restes de la limite du cairn avec un ensemble assez bien structuré au Sud Est venant s'appuyer sur un bloc naturel. Quelques assemblages de dalles plates ont été dégagés parmi les racines. Un certain nombre de tessons de poteries ont été retrouvés dans le secteur N.E. à la limite du Cairn.

Façade Nord : Cette façade Nord est la mieux conservée. La limite du parement est très nette et rectiligne. Au N.E., nous trouvons une grosse dalle posée sur la limite du parement, bloquant le bourrage interne du cairn. D'autres gros blocs ayant basculés à l'extérieur du cairn venaient également reposer sur le parement et formaient une ceinture sur pratiquement toute la longueur de la façade Nord. L'extrémité N.O. de oette façade présente un petit angle à 45° rejoignant la façade Ouest. Cet angle est formé de deux ou trois assises légèrement inclinées vers l'intérieur du cairn pour bien bloquer le bourrage interne.

Façade Ouest t Elle est aussi assez bien conservée malgré la faible épaisseur de cairn encore existente. Cette façade est rectiligne aveo également à son extrémité S.O. un petit angle à 45° rejoignant la façade Sud. Aucun gros bloc n'est présent sur ce parement. L'angle S.O. nous montre,par contre, une grosse dalle ayant basculée et qui semble avoir fait partie de la ceinture p 1M

Arbre BS3 Zones perturbées BU Socle granitique

Plan du monument Fii$ nA7

déjà rencontrée sur la façade Nord.

Façade Sud : Cette façade est la plus bouleversée en raison de la présence importante de racines et de fosses remplies de scories et de cendres. Aucune trace d'un assemblage en pierre sèche n'a été décelé. Par contre, quelques "paquets" de belles dalles plates semblent avoir basculés d'un bloc naturel émergant du sol. La hauteur de ce bloc est suffisamment importante à son extrémité S.E. pour remplacer un parement en pierre sèche. La partie Sud de cet élément naturel, beaucoup plus basse, devait être surmontée d'un petit muret. Le parement Est venait également s'appuyer sur l'extrémité N.O. de ce bloc. Cet élément naturel devait être également la continuité de la ceinture de gros blocs.

En conclusion, malgré sa dégradation importante, le cairn présentait une forme sub rectangulaire avec ses coins formés d'angles à 45° d'une longueur variant de 0,50 m. à 0,80 m (angles retrouvées au N.O j S.O. 5 S.E.). Ce cairn était limité au N. et au S. par une ceinture de gros blocs posés sur la dernière assise du parement. L'utilisation de blocs naturels a servi d'une part, à former au Sud la limite du cairn et d'autre part, à servir de dalle de fond à la sépulture. Nous pouvons même comparer cette ceinture de blocs aux nombreuses ceintures externes délimitant les cairns des allées couvertes. Cè cairn était essentiellement constitué de petites dalles de granité probablement ramassées aux alentours du monument. Environ 5 °h de quartz ont été également utilisés. Un certain nombre de petites dalles du bourrage interne du cairn ont été fichées verticalement pour une mèilleure homogénéité et stabilité du oaira. GOUPE E.O.

COUPE N.S.

Fi Ff&c/e Mord dangle 5 - LE MOBILIER (Fig n° II) :

Le matériel archéologique découvert sur 1'ensemble du site est très pauvre, mais les éléments sont très caractéristiques. Il se compôse de t

A) Quelques fragments d'un très beau vase Campaniforme de couleur brun très foncé avec un très beau brillant. Cette poterie est très bien cuite. Son épaisseur varie entre 3 et 4 œm. Le décor se compose de lignes parallèles groupées en bandes de 3 ou 5 lignes, séparées par des espaces non décorés de I cm. Ce vase ne semble pas très grand et son profil correspond vraisemblablement au type Maritime. Après examen rapproché du décor, il apparaît que les lignes furent d'abord réalisées au peigne ; le vase a été relissé avant cuisson pour sa finition et le décor au peigne a pratiquement disparu.

B) Cinq fragments d'un vase campaniforme de couleur rouge-brun. Cette poterie est très friable avec une plus mauvaise texture que la précédente (épaisseur : 0,4 cm.). Ce vase ne semble pas avoir de décor.

C) Fragments d'une poterie grossière de l'Age du Bronze à impression digitale. De couleur noire, elle a une épaisseur de 0,8 cm et est constituée de gros dégraissants (quartz, micas, feldspath).

D) Fragment"de fond d'un grand récipient probablement de l'Age du Fer La pâte est très épaisse (l,4 cm) de couleur rouge et à gros dégraissant.

E) Quelques éléments très fragmentés de poteries de l'Age du Fer. Nous avons simplement représenté les profils les plus caractéristiques.

F) l'ensemble du site nous a livré des tessons de plusieurs poteries médiévales. Aucune reconstitution n'était possible, aussi nous avons représenté quelques éléments de rebords. A noter sur certains tessons la présence de spicules.

G) Eclat de silex qui a peut-être été utilisé comme perçoir. Arbre Zeies perturbée» Socle granitique A Chacolithique «Pretohistorique A Médiéval *Stltl ® Prélèvement palynotogique Répartition du mobilier Fiçide Es/ 6 - CONCLUSIONS GENERALES :

a) Descriptions architecturales de la sépulture (Fig. n° 10) :

La sépulture du Roh-Du est orientée E.O. et s'inscrit dans un rectangle de 1,80 m x 0,80 m limité : - au Nord et au Sud par deux dalles longitudinales posées sur chant et bien assises sur un dépôt de terres et cailloutis, - à l'Ouest par un muret en perre sèche surmonté d'un "bloc mégalithique qui rattrape le niveau des deux dalles longitudinales. Malgré sa dégradation importante, l'Est de la sépulture semble correspondre à l'entrée fermée par un muret en pierre sèche que nous avons retrouvé à sa base. L'affleurement du socle granitique a été aménagé et utilisé comme dalle de fond : il est légèrement incliné vers l'Ouest. La hauteur de la chambre varie entre 0,60 m et 0,70 m. Aucune trace de couverture du monument : il est très probable qu'une dalle de couverture ait recouvert la tombe comme la sépulture (A) du Roh-Du (Fig. n° 10 bis). Une couverture en encorbellement ou en bois est également possible. Les sépultures (A) et (C) du Roh-Du présentent la même architecture. Il faut noter également celle de Kerallant, Commune de Saint Jean Brevelay, fouillée en 1886 par F. de Cussé et Lallement qui livra un matériel campaniforme très typique et offra les mêmes caractéristiques architecturales deux dalles longitudinales, une transversale à l'Est, une fermeture à l'Ouest par un muret en pierre sèche et un dallage au sol. Nous sommes donc en présence d'une sépulture individuelle que l'on peut attribuer à la civilisation campanifcnrme s période charnière entre la fin du Néolithique final et le Bronze anoien. Il oonvient d'abord de déterminer la typologie architecturale de ces petites tombes t transition entre les dernières sépultures mégalithiques et les premières tombes en coffre de l'Age du Bronze. Définies comme sépultures individuelles, tombes en coffre, dolmens simples ou sépultures chalcolithique, il me semble plus adéquat d'opter pour la définition de "Dolmens simples" et de réserver l'appellation de "coffres" pour les sépultures de l'Age du Bronze. En effet, l'influence de la tradition mégalithique reste encore très importante dans •~1

G^L Arbre

OnnU.StcU granitique 1a _Terre, cïilloatis de la séonlture Fitf n*io LE ROH - DU (A) LE ROH-DU (C)

KERALLANT

Fig-. rv 10bis cjêûérâU de. La châmire b) Historique du monument :

La découverte d'éléments Campaniforme sur la dalle de fond, dans une légère couche de limon jaune non solidaire du remplissage intentionnel de pierrailles, nous permet d'attribuer cette sépulture à cette civilisation malgré le peu d'éléments retrouvés. La poterie découverte s'apparente au groupe II 3b défini par J. L'HELGOUACH (1963) dont deux exemplaires proviennent des dolmens à couloir de Beg—er—Lann et du Kourégan, Commune de . Peu d'exemplaires donc connus. Mr J. L'HELGOUACH signale également : "Il est toujours difficile de distinguer une véritable incision d'un pointillé mal exécuté" ; ce qui est le cas: de la poterie A du Roh-Du. La réutilisation intentionnelle du monument à l'Age du Bronze ne fait aucun doute en raison de la présence d'une poterie grossière digitée dans l'assemblage d'un semblant de coffre en pierre sèche à l'intérieur même de la sépulture. Cette réoccupation a pu être effectuée peu de temps après l'édification de la sépulture après le vidage de la tombe ce qui attesterait le peu d'éléments Campaniforme retrouvés. La souche du chêne n'ayant pas été enlevée pour le moment, nous avons peut-être l'espoir d'y retrouver dessous quelques pièces archéologiques. La sépulture a été utilisée une troisième fois à l'époque de la Tène, ancienne semble t—il, avec encore un bouleversement de la tombe. Des éléments de poteries ont été découverts presque au même niveau que celles de l'Age du Bronze. D'autres tessons ont été ramassés autour du cairn Il faut attendre le l8ième siècle pour voir l'arrivée d'un forgeron sur le site avec semble t-il un travail intensif vu l'importance de couches de cendres et scories dégagées par endroit. Des fragments de deux ou trois vases étaient éparpillés sur l'ensemble du site. Ce site qui semblait relativement intact a dont été très boulevers au cours des âges, chacun ayant fait le ménage avant de s'y installer. La pauvreté du mobilier en découle malheureusement. ce groupe de sépultures et la découverte récente de nombreuses petites tombes à l'intérieur du département viendront, je pense, confirmer ce choix. Les prospections récentes nous apportent de nouvelles découvertes ainsi que la réactualisation d'anciens inventaires ayant classas comme dolmens à couloir des sépultures individuelles vraiseinbablement Campaniformes. Nous pouvons dénombrer quelques spécimens bien typiques de sépultures individuelles: - Le groupe homogène des trois sépultures du Roh-Du. - Celle de Kerallant à Saint Jean Brévelay. - La réutilisation du dolmen en équerre de Goërem à Gavres. - Le monument de Kérouaren à Plouhinec. - La sépulture de la Guette à Paimpont (Briard I983). - Le coffre de Lost er Lenn à Grand-Champ,(Le Cornée I969). - Le coffre de Penker à Plozévet (29). etc..... D'autres régions possèdent également quelques éléments avec une- dif- férence architecturale : hors de la Bretagne, la plupart des tombes Campaniformes sont en fosses : - Tumulus du Paradis aux Anes à Jard sur Mer ("Centre Ouest, Jous- sauae 1967-1972). - Tumulus de Thorus à Chateau-Larcher (Vienne). - Tumulus de Russel à Saint Saviol (Deux-Sèvres).

Nous disposons à l'heure actuelle d'un échantillon assez important de ce type de sépulture et nous espérons en effectuer prochainement une étude comparative. 3cm

Fig:11 £iêf du &/tc âprc$> Là tempête o) Affinités et attributions culturelles t

L'attribution de ce coffre à la civilisation Gampaniforme relanoe les éternels problèmes concernant d'une part, la chronologie des styles Campaniformes dans l'Ouest de la et d'autre part, la cohabitation des rites d'inhumations individuelles et collectives. Leurs relations et assimila- tions aveo les populationsautochtones sont également difficiles à déterminer. Nous avons soit des groupes Campaniformes ayant poursuivis les rites d'inhumations oollectives des populations néolithiques réutilisant les mêmes dolmens à plusieurs reprises (à moins que ces mêmes populations aient utilisé par endroit le style Campaniforme comme une mode)} soit des groupes non assimi- lés aux traditions locales à caractère nettement intrusif. Les changements culturels et cultuels ont du s'effectuer très rapide- ment; malheureusement le manque de datation radiooarbone, d'éléments anthropo- logiques, de découvertes d'habitats ne facilitent pas les recherches ainsi qu'une définition précise de la chronologie Campaniforme. Les données paléobotaniques consécutives aux prélèvements palynolo- giques éffectués sur la sépulture du Roh-Du nous apportent cependant de précieux éléments sur l'environnement des Campaniformes,(voir rapport ci-joint)

La fouille de sauvetage du Roh-Du (B) nous apporte des éléments nouveaux (après celle de GoSrem à Gavres) concernant les rites d'inhumations et l'évolution des Campaniformes dans l'Ouest de la France, Les données actuelles étant insuffisantes pour effectuer une synthèse, j'espère vivement que de nou- veaux travaux seront réalisés dans cette direction. ANNEXES | Sous-Direction de l'Archéologie MINISTERE DE LA CULTURE

CIRCONSCRIPTION

|ANTIQUITES PR HISTORIQUES E DE BRETAGNE

AUTORISATION TEMPORAIRE DE SAUVETAGE n°87-07 AP- valable du 1er mai au 30 Novembre 1987

Le Directeur des Antiquités de Bretagne confie à M. GOUEZIN prénom : Philippe

demeurant à La Rivière - 56850 CAUDAN la réalisation d'une fouille de sauvetage archéologique à

I Département : Commune : LA CHAPELLE NEUVE

Lieu-dit : Forêt de Floranges, N° de site : 56-039-0003 Le Roh-Du Cadastre année : Section, parcelles : AK 50

, Coordonnées Lambert Zone : 2 Ax: 204,4 Ay: 2 328,9 Altitude Bx : By : sur un terrain appartenant à BIX Office National des demeurant à Direction Départementale de l'Agri- Forêts culture du Morbihan - Cité Administrative - 56000

jvTURE DU GISEMENT ET PERIODES :

Sépulture mégalithique en coffre (Néolithique?)

jeu de dépôt pour étude : Dépôt C0LP0 Lieu de conservation : Dépôt C0LP0

lAISONS DE L'URGENCE (très explicite) ■ Travaux forestiers en cours et risques de fouilles clandestines, I I RIGINE ET MONTANT DES CREDITS EVENTUELLEMENT ATTRIBUES : I Fonctionnement sur provision pour sauvetage de l'A.F.A.N. I- En fin de travaux, un rapport en deux exemplaires devra être remis à la Direction, comprenant plan de situation, photos, etc.

^ÏNATAIRES : Fait à RFNNFS , le 73 Avril 1987 Intéressé Le Directeur, Bous direction de l'Archéologie préfecture Mairie Gendarmerie n irecteur Régional des Affaires Culturelles C.-T. LE ROUX. frchives de la circonscription. LABORATOIRE D'ANTHR0P0L08IE, F HISTOIRE, PROTOHISTOIRE ET QUATERNAIRE ARMORICAINS E.R. n'27 du C.N.R.S. Université de Rennes I Caipus de Beaulieu 35042 RENNES CEDEX Tél. t 99 28 61 09

LE COFFRE DU ROH DU B

(LA CHAPELLE NEUVE, MORBIHAN)

Rapport d'études palynologiques

Dominique Marguerie

Mars 1988 RAPPORT D'ETUDES POLLINIQUES SUR LE COFFRE DU ROH DU B (LA CHAPELLE NEUVE, MORBIHAN)

Durant l'été 1987, Ph- Gouezin et son équipe ont fouillé un coffre méga- lithique en forêt de Floranges, au lieu dit le Roh'du, sur la commune de La Chapelle Neuve. Situé sur la bordure occidentale des Landes de Lan- vaux, ce monument compte parmi les nombreuses sépultures mégalithiques et tertres tumulaires que Ph. Gouezin a inventorié dans le cadre d'un mémoire de D-E.S. de l'Université de Rennes 1 sur les Landes de Lanvaux. Le coffre du Roh'du B n'est d'ailleurs pas isolé, mais fait partie d'un ensemble de trois tombes de même type. L'architecture, puis le matériel archéologique rencontré dans le coffre B rapportent ces sépultures à la civilisation campaniforme.

Nous nous sommes rendus sur le site à deux reprises (en juin puis en septembre) afin d'y effectuer, à différents stades d'évolution de la fouille, des prélèvements en vue d'analyses poil iniques et pédologiques.

1 - LOCALISATION DES PRELEVEMENTS

Les prélèvements effectués sont portés sur le plan général du monument réalisé par l'archéologue (fig.1).

Nous avions échantillonné en trois secteurs différents :

- Pal 1, sous un des piliers du coffre, au sein du paléosol

- Pal 2, sous une des dalles bordantes du cairn

Pal 3, sous une dalle de la dernière assise du parement, au N.- W- de la sépulture, dans le paléosol très peu épais à cet en- dro i t-

2 - ETUDE PALYNOLOGIQUE

Les trois échantillons prélevés pour l'analyse palyno1ogique ont été testés. Deux d'entre eux seulement se sont révélés porteurs de pollens fossiles et ont pu donner lieu à une lecture au microscope. Il s'agit de Pal 1 et Pal 3.

2.1 - Technique d'extraction utilisée

Avant d'aborder ce nouveau paragraphe, il convient de préciser que la membrane externe des pollens est parfaitement résistante aux attaques chimiques des acides ou bases.

Les sédiments bruts, récoltés sur le site archéologique, sont traités aux acides chlorhydriques et f1uorhydriques afin d'éliminer des éléments minéraux. La matière organique contenu dans les sols est détruite par traitement aux bases (potasse ou soude). Les pollens et spores sont en- suite concentrés sur une liqueur de densité égale à 2 (la densité des pollens fossiles est inférieure ou égale à 2). Le contenu poil inique des échantillons est enfin coloré à la fushine basique puis monté sur lame afin d'être observé au microscope optique voire électronique.

2.2 - Intérêt de l'étude pa1yno1ogique pour l'archéologie

La Palynologie étudie les restes végétaux que sont les pollens fossiles contenus dans le sol. Elle a comme fin la connaissance de l'environnement végétal, les rapports de l'homme avec cet environnement et la constitution d'une chronologie relative fondée sur une succession d'événements climatiques enregistrés par la flore (formation steppique froide ou association arboréenne tempérée).

Il existe une bonne relation entre le peuplement végétal et la produc- tion poil inique toujours considérable. Ainsi les analyses poil iniques livrent le type d'association végétale dans lequel évoluait l'homme- Elles peuvent aussi mettre en évidence des défrichements liés à l'agriculture et l'élevage- Ceux-ci se traduisent stratigraphiquement par une baisse brutale du pourcentage des pollens d'arbres au profit des espèces herbacées. La mise en culture apparaît grâce à la présence de quelques pollens de céréales (orge, blé) accompagnés de plantes liées à l'occupation humaine (ortie, plantain, armoise) ainsi que des plantes poussant dans les cultures céréalières tel le bleuet.

Appliquée aux sépultures, la Palynologie peut renseigner sur l'environnement floristique immédiat précédant leur installation. Ainsi, un certain aspect des pratiques funéraires archéologiques peut être abordé, c'est celui du milieu dans lequel l'homme choisissait de faire reposer ses morts : milieu ouvert à proximité des habitats ou milieu boisé, distant des zones fréquentées.

2-3 - Résultats des analyses palynologiques sur Roh'du B (fig. 2 et 3)

L'environnement floristique actuel du coffre du Roh'du est une forêt dense de Hêtres, Chênes et Châtaigniers. Cette description, valable il y a encore quelques mois, ne tient malheureusement plus aujourd'hui. La tempête d'octobre 1987 a réduit à néant la magnifique forêt de Flo- ranges.

ODeux échantillons ont livré des pollens et spores en assez grande quan- tité pour permettre une lecture fiable du spectre poil inique. Le maté- riel sporo-pol1 inique nous est apparu dans ces trois cas en assez bon état de conservation.

Les deux échantillons étudiés présentent des résultats très voisins. En effet, tous deux montrent un paysage ouvert où les arbres sont peu nom- breux. Parmi ceux-ci, le Noisetier (Corylus) domine nettement, mais il ne peut donner l'illusion d'une forêt. C'est une essence que bien des 1 2

arbres PINUS.SYLVESTR1S 0.3 - ALNUS 4.0 3.6 CORYLUS 19.8 19.3 QUERCUS 1.3 1.2 FAGUS 0.5 - TILIfl 0.5 0.3

arbustes HEDERA 0.3 0.6 herbacées GRAMINEE 10.2 11.9 C CICHORIEE 4.3 3.6 C ANTHEMIDEE 4.3 5.9 C.CARDUACEE 0.3 - ERICACEE 0.8 - CALLUNA 3.5 4.5 LABIEE 0.5 - PLANTAGO . 4.8 5.0 RUBIACEE 0.3 0.9 CEREALE 1.6 1.2

fougères EQUISETUH 0.5 - HONOLETES 2.7 3.6 POLYPODIUH 20.6 17.2 PTERIDIUH 9.4 12.5 TRILETES 2.7 2.4 TRILETES LISSES 7.0 6.5

1 : Roh'du Pal 1 2 : Roh'du Pal 3

FIG. 2 cooxxw

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ftttffiï uiiiiml m il 3 a. TJ r o UODUXUJD) LT a. Œ UJ _i IJJ B m s m a B GO auteurs classent d'ailleurs volontiers parmi les arbustes. A ses côtés, une demi-douzaine de taxons sont présents. Il s'agit de l'Aulne (Alnus), du Chêne (Quercus), du Hêtre (Fagus), du Tilleul (Tilia) et du Pin (Pi- nus). Ils sont les vestiges d'une ancienne forêt climacique.

Les fougères sont nombreuses. Elles aussi témoignent par leur abondance d'une certaine ambiance forestière préalable au stade que représente le cortège poil inique étudié. Elles sont variées et parmi elles la présence de la Fougère aigle (Pteridium aquilinum) en des proportions importantes est indicatrice d'un milieu nouvellement défriché.

Les Herbacées sont très nombreuses. Elles supplantent aisément la strate arboréenne. Elles sont à base de Graminées, Composées et P1antagi nées. D'autres plantes rudérales s'ajoutent à cette liste, comme les Rubia- cées. Ce sont là toutes plantes typiques des milieux défrichés, fré- quentés par l'homme-

Comme pour confirmer cette impression de milieu ouvert, la lecture de pollens de Céréales, en quantité non négligeable, atteste une mise en culture des environs immédiats avant l'édification du coffre.

Enfin, il est quelques pollens de plantes herbacées intéressants, des Bruyères et Cal lunes (famille des ERICACEES, genres Erica et Calluna). Ce sont là de premiers indices d'un paysage de landes, se développant en Bretagne à l'Age du Fer, pour devenir classique aux périodes histo- riques .

Les Aulnes et quelques Prèles (Equisetum) indiquent une certaine humi- dité du climat voire la proximité d'une mare ou d'un ruisseau.

3 - CONCLUSIONS

L'étude pa1yno1ogique de ce monument campaniforme, charnière des temps néolithiques à allées couvertes et de l'Age du Bronze à coffres, est im- portante pour parfaire notre connaissance de l'environnement en Bretagne à cette époque. De tels monuments sont rares et par voie de conséquence les données paléobotaniques quasi inexistantes.

En Morbihan intérieur, nous avons eu, ces dernières années, l'occasion d'étudier des paléo-environnements néolithiques récents et Bronze an- cien, grâce aux fouilles de J. Briard en Brocéliande et Ploermelais. Dès le néolithique final, la région de Plouermel apparaît défrichée et mise en culture. Il faut attendre le Bronze ancien en Brocéliande pour perce- voir des défrichements d'importance- Aussi, le Roh'du vient-il souligner l'importance des actions anthropiques sur le paysage à l'aube de l'Age du Bronze, à. l'Ouest de la zone considérée jusqu'alors-

Nous poursuivrons avec beaucoup d'intérêts de telles enquêtes sur les prochaines fouilles de Ph. Gouezin dans les Landes de Lanvaux sur des monuments funéraires contemporains ou antérieurs- Il sera intéressant d'apprendre si les bâtisseurs des nombreux dolmens, allées couvertes et coffres de Lanvaux Ont défriché ou non au cours du temps cette large bande granitique pour pratiquer l'élevage et l'agriculture.