COULOURS De cet ouvrage, déposé à la Bibliothèque Nationale en 1942, il a été tiré Vingt-cinq exemplaires sur Vergé de Hollande Van Gelder7 numérotés 4e 1 à 25, Cent vingt-cinq exemplaires sur Vélin des Papeteries Navarre, numérotés de 26 à 150. 119 HENRI BRISBOIS

COULOURS () Essai de Monographie communale -

Ouvrage couronné par la Société Académique de l'Aube (Prix Doé 1 940)

« C'est un pays de vieille civilisation, où la charrue retourne des outils de silex taillé, où l' avenir parait assuré, parce que le passé autorise cette confiance ». (P. Fromont, Le Pays d'Othe, p. 214)

Préface de M. Louis M OR IN

TROYES J,-L. PATON, Imprimeur 1942 A mes chers Cousins,

H enri, Jeanne, Raymond et Marguerite.

H. B. PRÉFACE

Ce m'est une tâche agréable et facile de présenter à ses lecteurs, qui l'espèrent depuis longtemps et l'attendent avec impatience, ce livre à l'élaboration duquel j'ai assisté et dont je puis dire qu'il contient, ras- semblé dans un ordre parfait, de qu'il était possible de trouver sur le passé et le présent de la localité qu'il intéresse, en utilisant toutes les sources mises par les différents dépôts publics à la disposition des travailleurs et les communications locales les plus diverses affluant à la table de travail de l'historien du pays. Historien : le mot n'est pas trop gros. M. Brisbois a su rattacher dans ce volume, par des allusions suffisamment étendues, l'histoire de Coulours à celle de la ; il a montré les répercussions au village des événe- ments qui agitaient le royaume : il servira utilement les chercheurs à venir.

Les Coulouriers, eux, y trouveront des raisons de plus d'aimer leur pays natal, de s'y plaire et, espérons-le, de lui demeurer attachés par d'autres liens que ceux de la terre : dans ces pages bourrées de noms et de faits tout personnels, pleines d'images familières, ils reconnaîtront leurs ancêtres, ils les verront vivre de la vie qui était la leur aux différents stades de la longue période étudiée ; ils verront qu'eux aussi n'ont pas été épargnés par les calamités de toutes sortes ; que la guerre, la famine, les sinistres les ont atteints plus rudement encore que nous-mêmes, parce que l'Etat n'était pas alors assez homogène pour que le jeu de la solidarité sociale, le secours de l'entr'aide, les possibilités de répartition des denrées fussent organisés comme ils le sont de nos jours. D'autre part, ils y apprendront à ne pas médire du passé ; il était ce qu'il pouvait être en un temps où la société humaine cherchait son perfectionnement — en se trompant parfois — mais tout de même, petit à petit, acquérait plus de stabilité, de confort et de sécurité. Et, dans la vie quotidienne, leur esprit sera amusé, intéressé; attendri par les souvenirs qui leur sont révélés sur les maisons, les voies, les sites du pays, qu'ils parcourront désormais comme on feuillette un album de portraits de famille : avec amour et reconnaissance, dont une bonne part. rejaillira légitimement sur leur excellent annaliste.

Louis MORIN: AVANT-PROPOS

Ce modeste ouvrage n'a d'autres prétentions que celle de faire connaître à mes amis, les habitants de Coulours, la vie de leur village depuis ses origines et les faits historiques que leurs aïeux ont vécus. Deux chroniqueurs locaux s'étaient déjà penchés sur le passé de cette commune. M. Vulfran Bourgeois, curé de la paroisse de 1878 à 1917, après avoir fouillé à fond les archives communales et compulsé un grand nombre de pièces originales conservées aux Archives nationales et départementales, avait réuni une documentation qu'il se proposait de condenser en un volume relatant, mieux que celui-ci ne saurait le faire, l'histoire de la localité dans laquelle s'écoula la plus grande partie de son existence. Pour des raisons que nous voulons ignorer, l'abbé Bourgeois ne put réaliser son projet ; seule, une minime partie du résultat de ses recherches fut publiée dans les seize bulletins paroissiaux qu'il fit paraître de 1892 à 1904, tout le reste disparut après son décès. M. Louis Marnot, instituteur à Coulours de 1875 à 1895, exerça ensuite à Villiers-Bonneux (Yonne). C'est là qu'il rédigea une petite monographie basée sur les registres conservés dans les archives communales. Ce manuscrit de 184 pages, agrémenté de vues photographiques de Coulours et des environs, appartient aujourd'hui à M. Nazaire Lajon, de Villeneuve-l'Archevêque, qui, avec une extrême obligeance, a bien voulu nous le communiquer. Nous devons rendre un cordial hommage à l'amabilité de MM. André Josserand, maire de Coulours, et Henri Millet, adjoint, lesquels, avec la plus parfaite bonne grâce, ont mis à notre disposition tout ce qui pouvait faciliter notre tâche. Nos remerciements vont également à la famille Tournelle et plus particulièrement à M. Raymond Tournelle, natif de Coulours, résidant actuellement à Saint-Ouen (Seine), qui nous a apporté sa collaboration bénévole lors de nos recherches aux Archives et à la Bibliothèque nationales. Que toutes les personnes qui nous ont aidé de leurs conseils ou de leurs critiques, ainsi que celles qui nous ont fourni d'utiles renseignements ou des photographies reçoivent ici le témoignage de notre gratitude. Nous terminerons nos remerciements par M. Louis Morin, archiviste honoraire de la Ville de Troyes, qui, après avoir été pour nous un conseiller aussi sympathique que savant, a bien voulu présenter ce livre aux lecteurs. Qu'il en soit chaleureu- sement remercié. Enfin, pouvons-nous risquer le souhait que les habitants de Coulours prennent autant d'intérêt à la lecture de cet essai que nous avons eu de plaisir à l'écrire ?

H. B. Coulours et Sainte-Savine (Aube). 1941 COULOURS

CHAPITRE 1 TOPOGRAPHIE En consultant la carte physique de la France, on remarque vers le sud du bassin parisien, entre la Seine et l'Yonne, une région nettement distincte des contrées environnantes. C'iest le plateau d'Othe, vaste quadrilatère couvrant une superficie de 1.727 kil.2 58 et couronné au sud par les restes de l'antique Otha Sylva, forêt qui a donné son nom au pays qu'elle recouvrait entièrement. autrefois. Ce plateau est entaillé par de nombreux vallons, naissant sur les hauteurs boisées et venant rejoindre la riante vallée de la Vanne qui, au nord, sépare le plateau d'Othe de la Champagne crayeuse. Le voyageur allant de Troyes à par la route nationale n° 60 qui longe cette vallée, n'aperçoit, au sud, qu'une suite de collines abruptes bordant le plateau et semblant vouloir en interdire l'accès. Mais si, arrivé à Vulaines, au lieu d'entrer directement dans le département de l'Yonne, on prend à gauche, la route de Nogent- sur-Seine à Saint-Florentin, on pénètre alors au cœur de ce pays d'un caractère particulier, dont les sites pittoresques mériteraient d'être .mieux connus. Traversant d'abord le vieux bourg de Rigny- le-Ferron (la ville aux trois châteaux), on passe ensuite devant Gerbeaux, ancien fief des commandeurs de Coulours, et, quittant le département de l'Aube, on arrive à Cérilly, village encaissé au fond de la vallée de S'évy ; là se trouve le Bîme, une des sources impor- tantes qui, par un aqueduc de 157 kilomètres, alimentent en partie la ville de Paris. Mlais les regards seront surtout attirés par un curieux manoir, célèbre pour avoir vu naître l'éminent cardinal de Bérulle, président 'du conseil du roi 'Louis XIII. En prenant à droite, le chemin qui traverse le village et passe devant le Bîme et le château, on trouve bientôt urne petite source : c'est Fontaine- Jardin, là commence Coulours. Après une montée de 2.500 mètres, on atteint le centre du village. Le Sol Le territoire de Coulours, situé au nord-est du département de l'Yonne, a une configuration vaguement piriforme qui rappelle celle du département lui-même. La longueur du finage, en direction nord-ouest-sud-est, atteint 6.500 mètres ; du nord-est au sud-ouest, sa plus grande largeur est de 4.100 mètres. Son périmètre est de . 19.100 mètres et sa superficie de 1.739 hectares, soit environ la 100 partie du pays d'Othe et la 427 partie du département de l'Yonne. Il est borné du côté nord, par le territoire de , sur une longueur de 500 mètres, et par celui de Rigny-le-Ferron (Aube), sur 1.900 mètres ; à l'est, par les finages de Cérilly, sur 3.700 mètres, de , sur 2.600 mètres, et d'Arces, sur 3.700 mètres ; au sud, par la commune de sur 3.500 mètres, et à l'ouest par celle des Sièges, sur 5.200 mètres. Comme toute la zone nord du plateau d'Othe, le territoire de Coulours présente un aspect très varié : au sud se trouvent des plateaux légèrement onduleux, la partie centrale présente une succession de larges coteaux séparés par de petites vallées ; celles-ci se transforment bientôt en ravins sinueux s'approfondissant de plus en plus à mesure qu'ils approchent des limites nord et est du finage. Des croupes mamelonnée:s de plus ou moins grande étendue séparent ces ravins généralement boisés. La plus importante dépression du sol, la haute vallée du rû de la Fontaine-Jardin, s'étend du sud-est au nord-est, séparant le finage en deux parties à peu près égales ; elle atteint la limite de Cérilly à l'altitude de 172 mètres, c'est le point le plus bas du territoire qui au sud se relève sensiblement pour atteindre 245 mètres d'altitude près de la Croix-Saint-Jean et 250 mètres sur la route de , là la limite des Sièges. Çà et là, quelques boqueteaux et boulinières garnissent les pentes nord des vallons. Les deux bois Les plus importants de la commune, la Vieille-Forêt et la Garenne, sont situés dans la partie sud-est du territoire que, non loin de là, les grands bois communaux des Sièges et de Vaudeurs approchent a tel point qu'ils semblent le border, comme le limite effectivement, sur les confins d'Arces, le bois du Chapitre, canton de la grande forêt de Rageuse. Aux environs du village et des hameaux, de nombreux champs sont plantés d'arbres fruitiers. Le sol, à base de craie, est recouvert par une épaisse couche de terre argilo-calcaire, légèrement ferrugineuse et chargée de silex. Elle contient en certains endroits des poches d'argile et de sable. Les silex qu'on y trouve affectent souvent la forme de différents PANORAMAS DE COULOURS VUS DE L'ÉGLISE

CÔTÉ NORD. — Les quartiers de la Poterne et du Bout-d'En-Haut. (Au loin, de gauche à droite : la route de Villeneuve-l'Archevêque, les Rosiers, le Boissy). 0 Coulours, ton sol roux sous les pommiers ondule De l'Othe forestier vers la Vanne qui dort ; On dirait une mer houleuse au crépuscule, Et ton antique bourg semble en être le port.

CÔTÉ SUD. — Les Enclos, la Grande Rue et le Bout-d'En-Bas. (Au loin, de gauche à droite : les bois de Vauluisant, Les Loges, la Haute-Borne, la route de Vaudeurs). (Clichés de Pierre Rousseau). PANORAMAS DE COULOURS VUS DE L'ÉGLISE

CÔTÉ SUD -EST. La rue de l'Eglise et la rue de Beauchêne. (Au loin, de gauche à droite : la route de Beauchêne, les plateaux de Vauluisant et de Champ-Meneau).

Du haut de ton clocher, l 'œil étonné contemple Les arbres, les guérets recouvrant tes plateaux, Les enclos, les maisons d'où monte vers le temple L'hymne virgilien des rustiques travaux.

CÔTÉ NORD- OU ES T. —La rue Saint-Abdon et la Commanderie. (Au loin, d e gauche à droite : la Garenne, la route des Sièges, le V ieux-Cimetière, la route de Villeneuve-l'Archevêque). (Clichés de Pierre R ouss eau). genres d'oursins. En divers points du finage, la terre, argileuse à l'excès, retient souvent l'eau et devient ce que l'on appelle froide ou mouilleuse. On emploie avec succès la partie superficielle de la craie pour la marner (1). Ces terres, dites fortes, sont difficiles à cultiver, mais assez pro- ductives dans les années sèches. Une statistique de 1831 désigne ainsi les dlifférents terrains de C oul ours : crayon, 900 arpeints ; pierreux, 970 arpents ; sablonneux, 1.800 arpeints. iL'eau est assez rare à Coulours. Des quatre petites sources situées sur son territoire, la Fontaine de Coulours est la seule qui, de mémoire d'homme, n'ait jamais tari. Située en bordure sud du village, elle donne naissance à un ruisseau au cours très limité (500 mètres environ), s'écoulant dans les fossés du bourg, où il alimente deux lavoirs et deux abreuvoirs, puis se perd bientôt dans le sol. Lia seconde source, la Fontaine-Jardin, ne tarit qu'en période de très grande sécheresse ; en raison de sa situation aux confins de Cérilly, elle n'est d'aucune utilité pour les habitants de Coulours, d'ailleurs elle appartient à la ville de Paris, ainsi que 14 ares 60 du terrain qui l'entoure en amont. Depuis le XVIII siècle, sous l'effet de causes naturelles ou artificielles diverses, le niveau des eaux a baissé d'une façon importante (2 à 4 mètres) (2) ; ainsi, drs deux autres sources qui ne coulent plus qu'en période humide, sortaient autrefois des petites rivières qui alimentaient les anciens étangs de Coulours. Ce sont : la source du Vivier de la Commanderie, située à 300 mètres au nord du village, et la Fontaine Saint-Edme au sud. Il existe dans la commune 33 puits dont 9 sont communs, ils donnent une eau limpide, mais légèrement calcaire. Ceux du chef- lieu ont une profondeur de 5 m. 80 à 14 mètres. Dans les hameaux, ils atteignent : 28 mètres à Villefroide, 35 mètres à Beauchêne et 410 mètres à Ville sabot. iLes deux anciens étangs de Coulours, le Grandi-Etang (3 arpents) et le Petit-Etang (1 arpent), ont disparu au XVII siècle. A Coulours comme dans toute la région, les vents d'ouest dominent et amènent généralement la pluie. Sur ce point du plateau, la plu- viosité moyenne est de 700 mill alors qu'à Paris et à Troyes elle n'atteint que 600 mill La température moyenne de janvier est, à Coulours, de 1°8 (elle est de 2°6 à Paris). La moyenne d'août est de 18°6, dépassant de

(1) Leymerie et Raulin, Statistique géologique de l'Yonne, p. 187 et 706. (2) Augusta Hure, Bulletin de la Société des Sciences de l'Yonne 1921, ip. 115. 0°5 la moyenne de Paris. Par conséquent, si ce climat présente des hivers un peu rudes, par contre ses étés chauds favorisent la végétation. Les Lieux habités Le village proprement dit de Coulours est avantageusement situé dans la partie centrale du territoire de la commune, sur le bord du plateau qui domine, vers l'ouest, la vallée de Fontaine-Jardin1. Sa position géographique est de : 53° 51' 20" de latitude nord, par 1° 36' 10" de longitude est. L'altitude, prise au niveau du seuil de l'église, est de 220 mètres. Situé à 10 kilomètres au nord-est de Cerisiers, chef-lieu du canton ; à 32 kilomètres à l'est de Sens, chef-lieu de l'arrondissement, 'et à 45 kilomètres au nord d', le clocher de Coulours est, à vol d'oiseau, distant de 114 kilomètres de Notre-Dame de Paris. Les gares les plus proches sont celtes de Vulaines-Rigny-le-Ferron, Villeneuve-l'Archevêque et Chigy-Sièges, situées chacune à environ 11 kilomètres du centre de la commune (3). Outre l'agglomération principale, Coulours comprend trois hameaux et quatre écarts : à l'est, les hameaux de Beauchêne, situé à 1.800 mètres du village, Villesabot, à 2.900 mètres ; au sud-est, Villefroidie, à 3.300 mètres ; au nord, trois fermes isolées : la Commanderie, à 300 mètres des fossés du bourg, les Rosiers, à 2.100 mètres, et Champs-Cléris à 2.400 mètres ; au sud, l'ancienne tuilerie composée de quelques bâtiments en voie de disparition. On compte actuellement, dans la commune, 106 maisons dont 73 à Coulours, 17 à Villefroide, 8 à Villesabot et 4 à Beauchêne. En 1831, leur nombre était de 121, dont 72 à Coulours, 25 à Villefroide, 14 à Villesabot et 6 à Beauchêne. En 1776, il y avait 101 maisons habitées dont 62 en propre et 39 à loyer (4). La plupart des maisons, d'une coupe particulière à la région, sont construites en rognons de silex noyés dans un mortier de sable et de chaux ; les angles sont faits de briques ou de grès du pays. On a employé la brique pour les portes et les fenêtres. Il n'existe plus aucune couverture en paille dans la commune, partout la tuile et l'ardoise l'ont remplacée. Les habitations anciennes s'élèvent généralement au fond; d'une cour fermée sur la rue par un mur

(3) Ces trois stations sont située*, sur la ligne de Sens à Saint-Dizier par Troyes, qui fut ouverte à la circulation des voyageurs, de 1873 à 1938, année où ce trafic fut remplacé par un service d'autocars. (4) Archives de l'Yonne, C 231. percé d'une porte charretière ouverte en plein cintre. Seules les maisons de construction relativement récente ont toutes leurs ouvertures sur la rue. Sauf la ferme des Rosiers et l'ancienne Commanderie, aucune maison ne se distingue par son architecture. Les rues des hameaux ont le même aspect que celles du bourg, de longs murs dissimulent aux regards du passant les vastes cours entourées des bâtiments de ferme. Le village de Coulours, qui formait autrefois un bourg fortifié, est entouré de larges fossés dont le développement atteint une longueur de 1900 mètres. 'Les anciennes portes, au nombre de quatre, furent désignées successivement sous les noms suivants : Au nord : la porte de Villeneuve (1460), du Vivier (1532), la porte Brûlée (1628). Au nord-èst : la porte de Cérilly (1560), de Rigny (1663), la porte à la Dame (1770). Au sud : la porte du Tureau (1460), du Turot (1770) ; on l'appelle encore, par déformation, la porte des Sureaux. Au nord-ouest : la poterne de l'Hospital (1460), la porte de la Poterne (17414). Voies de communication La longueur totale des huit rues du village est d'environ 2.000 mètres. La Grande-Rue de Coulours traverse le bourg dans toute sa longueur (700 mètres), de la porte à la Dame à la porte du Turot ; vers son milieu, elle s'élargit pour former ce que l'on appelle la place de Coulours. Cette place, jadis occupée par la halle et la maison d'école, est aujourd'hui entièrement dégagée. Au nord, la rue de Villeneuve, autrefois rue du Poncelot, puis rue d'Egypte (210 mètres), va de la porte Brûlée à la Grande-Rue. A l'ouest, la rue de la Poterne, anciennement rue Neufve, puis rue Moyenne (320 mètres), commence à la rue de Villeneuve et se termine aux Fossés-Laurent. Au centre, la rue de l'Eglise, anciennement rue des Quatre-Vents (140 mètres), relie l,a Grande-Rue à la rue de la Poterne. La rue Saint-Abdon, ancienne rue de la Poterne (75 mètres), fait suite à la rue de l'Eglise, elle se termine aux fossés, en face de la Commanderie, à l'endroit où se trouvait autrefois la Poterne (petite porte). A l'est, la rue de Beauchêne (120 mètres), commence à la Grande- Rue et aboutit aux fossés. Les rues de Villefroide, au nombre de cinq, présentent une longueur totale de 1.3100 mètres ; les trois rues de Villesabot, 350 mètres, et les deux rues de Beauchêne, 500 mètres. Deux ruelles relient l'église à la partie sud de la Grande Rue : la ruelle des Amours (200 mètres) et la ruelle du Cimetière (175 mètres). Avant les guerres du xvie siècle, en raison de l'importance du bourg, les rues étaient plus nombreuses que de nos jours. Nous avons relevé, dans les terriers antérieurs à 15,67 (5), les noms de celles qui ont disparu. Deux rues, parallèles à la Grande Rue, traversaient les enclos actuels : la rue d'Entre-deux-Villes à l'ouest, et la rue de Bourgogne à l'est. La rue « allant à le Muraille », au lieudit Coquille. Dans l'ancien quartier des Faubourgs, se trouvaient la rue Armée, la rue de la Thuillerie, la rue du Tertre, les rues du Clergeat, des Buissons, des Buttes, du Turot et plusieurs ruelles. Le territoire de Coulours encore limité, sur les deux tiers de sa périphérie, par les anciens chemins finagers, est sillonné par deux chemins de grande communication, cinq chemins vicinaux et quarante chemins ruraux. Le chemin de Cerisiers à Rigny-le-Ferron (G. c. n° 54), classé en 1843, a une longueur de 3.900 mètres dans la traversée de Coulours. Le chemin de Villeneuve-l'Archevêque à Arces (G. c. n° 41), construit en 1864, traverse la commune sur une iongueur de 5.500 mètres. Ces deux chemins se rejoignent près de l'entrée nord-est du village, dont ils empruntent la Grande-Rue, et se séparent à la sortie sud. Le plus ancien chemin vicinal, le c.v.o. n° 3, de Coulours à Villesabot et aux Cormiers, fut construit de 1864 à 1883. Le c.v.o. n° 4, de Coulours aux Sièges, fut terminé en 1886. Le c.v.o. n° 6, de Villefroide à Villesabot, fut établi en 1895. Le c.v.o. n° 4, des Sièges à Rigny-le-Ferron, était terminé en 1899. Le c.v.o. n° 5, de Beauchêne aux Vallées de Cérilly, fuit construit en 1901, et le c.v.o. n° 8, de Coulours aux Loges, fut établi en 1916. Trois chemins de Coulours sont mentionnés dans une charte de 1193 : le chemin de Villemaur à , celui de Coulours à Arces et « le sentier qu'i va de la maison des lépreux de Coulours jusqu'au bois (6) ». Dès 1326, ce sentier est nommé : le chemin de

(5) Arch. nat., S 5.327 et Bulletin paroissial 1895. (6) Arch. Yonne, H 675,

PLAN DE COULOURS (Yonne) Flacy (7). En 1215, le chemin de Siant (8) fut construit par les habitants de C oul ours, depuis la Commanderie jusqu'à la chapelle Sainte-Reine, dans le bois de Bérulle ; d'après la charte, ce chemin devait avoir 15 toises de largeur (9). Parmi les anciens noms de chemins, signalons : le chemin des Six-Frères (1206), le chemin du Moustier, le chemin de Sens, la Voye du Molin, la ruelle du Grand-Estang, la ruelle du Petit-Estang, le chemin de la Haye (1460) ; le chemin d'Auxerre, le grand chemin de Rageuse (1528) ; la route des Noyers, le chemin Croisé (1668), ces dieux derniers sur le finage de Vauluisant ; le chemin de la Herbelotte (1711), près de Villesabot (10). Division du territoire Avant la Révolution, le territoire de Coulours était divisé en dieux finages. Au nord, le finage proprement dit de Couleurs, comprenant le village et les fermes des Rosiers et de Champ-Cléris, s'étendait jusqu'aux lieux dits : la Jourdine, le Pré Boucher, la Vallée de Vauzémat, le Buisson Godier, le Pré Courrouge et la Haute-Borne. Au-delà de ces climats, la partie sud-est du territoire, où se trouvent les trois hameaux, formait le finage d'e Vauluisant, appelé « Dixmerie de Coulours (11) ». En 1788, la superficie totale de la paroisse était de 3.360 arpents 87 perches à la mesure du roi, soit environ 1.715 hectares (12). Pour se conformer au décret de l'Assemblée constituante des 20, 22 et 23 novembre 1790, la municipalité de Coulours fit procéder au bornage et à la division du territoire de la commune. Ce travail, achevé le 16 janvier 1791, se trouve résumé en une sorte de rôle contenant 251 articles, répartis en vingt-deux sections cadastrales. Ces matrices, conservées dans les archives communales, ne sont accompagnées d'aucun plan, aussi est-il difficile aujourd'hui d'y trouver des renseignements exacts. Une nouvelle délimitation du territoire eut lien en 1832. Des bornes furent plantées entre le finage de Coulours et ceux des sept communes limitrophes. Les vingt-deux sections de 1791 furent

(7)1 Arch. nat., J. J. 65b, n° 95. (8) L'ancien nom de Bérulle : Céant ou Séant-en-Othe, s'est toujours prononcé Siant à Coulours et dans la région. (9) Arch. nat., S 4.967. (10) Arch. nat.. Terriers de Coulours. (11) Un tertre, encore visible, séparait les deux flnages. Il était planté d'une haie vive. (12) Arch. Yonne, C 231. ramenées à six en 1837, lors de la confection des nouvelles matrices et du plan cadastral. Un siècle plus tard, par suite de nombreuses divisions ou réunions de parcelles et de la construction de nou- velles routes, ce plan ne .correspondait plus à la réalité, quand il fut revisé en 1938. Le nouveau cadastre conserve les mêmes divisions que le précédent. Les six section s du plan comprennent 160 lieux- dits ; en voici la liste complète :

Section A, dite de la Garenne Bois-Baron. Entre-la-Garenne-et-la-Forêt. La Longue-Raie. Derrière-la-Garenne. Les Pièces-de-Chaudron. La Garenne. La Tête-de-Chaudron. Sur-la-Garenne. Le Noyer-Midi. La Mouillère. Sur-le-Chemin-de-Villeneuve. La Croix-Fouet. Dady. Le Vieux-Cimetière. Bas-de-Dady. Les Prés-du-Vivier. Sur-le-Ravin-de-Dady. Sur-les-Prés-du-Vivier. Entre - les - deux - Chemins - de - La Commanderie. Chaudron. Le Grand-Pré. Le Long-Rayage. Le Fond-du-Grand-Pré. L'Epine. Le Chemin-Vert. Le Grand-Chemin. Coquille. Le Poirier-à-la-Guiège. Section B, dite des Rosiers Bois-Baron. S ur-l e s -Fo s s é s- d ' E n f e r . Les Champs-Cléris. Les Gallois. Les Rosiers. La Fontaine-Jardin. Le Châtaigner-aux-Haies. Chemi n- de-C érilly. Le Boissy. Les Grandes-Vignes. La Vallée-de-Maître-Jean. Les Prés-de-la-Noue. Les Fossés-d'Enfer. Les Plantes. Chemin-de-Flacy. Prés de la Porte-Brûlée. Vieux-Chemin-de-Villeneuve. Le Courtis. Le Cortis. La Ruelle-Méry. Section C, dite de Vauluisant Le Village. Sur-les-Prés-de-l'Etang. Sur-les-Fossés. Les Petites-Luzernes. Enclos-du-Bas-des-Prés. . Pré-à-la-Dame. Bas-des-Prés. Margotteries. Pré-des-Sureaux. Torcou. Courtis-aux-Lièvres. Pré-Marteau. L'Etang. Vallée-de-Vauzémat. Queue-de-l'Etang. Plaine-de-Champ-Meneau. Le Grand-Vauluisant. Au-dessus-de-la-Fontaine-Jardin. Vallée-Caillat. Le Clocher. La Marnière-Champenois. 1 La Petite-Jourdaine. Derrière-Beauchène. Le Chemin-de-Siant. Les Bouillates. Les Prés-Bouchés. Les Rogésiaux. Sur-le-Ravin-des-Prés-Bouchés. Les Longs-Boyaux. Les Plantes. Section D, dite de Villesabol Le Caillou-Blanc. L'Arpent-aux-Lièvres. Devant-Beauchêne. Le Bois-Verrier. Beauchêne. Le Fossé-de-Villesabot. Le Pisserat. La Côte-à-Caillé. Les Sablons. La Côte-de-la-Garenne. La Croix-de-Saint-Jean. Le Purgatoire. Le Sentier-de-Beauchéne. Les Plantes. Brûle-Dos. Le Fossé-Rouge. Le Clos-Bouron. La Roblotte. La Crayère. Le Buisson-Terré. Leurreleurre. Villesabot. Le Poirier-Blanc. Section E, dite de Villefroide Les Vignes. Le Four-à-Chaux. Sous-les-Vignes. La Haie-Gabrielle. Le Loup-Gris. La Croix-Gauthier. La Fouette. Les Hougeriots. Les Belles-Vallées. Les Gennenets. Champmeneau. Les Grands-Genêts. N La Marnière-Calin. Pente-des-Gennenets. La Croix-Rouge. Les Plants-de-la-Vallée-Creuse. Les Tuileries-Bezançon. La Laiderie. Les Trais-Poiriers. Les Frayés. Les Boulonneries. Le Haut-des-Frayés. Les Roches. Derrière-le-Clos-Bezançon. L'Arpent-Blanc. Vers-la-Sablonnière. Les Charmes. Villefroide. Les Carons. Les Joncs. Le Mâchefer. Le Crot-à-Pigeon. Les Arbres-des-Genêts. Le Petit-ChevaJ-Doux. La Fontaine-Nicot. Le Crot-à-Foulon. Section F, dite de la Haute-Borne Le Petit-Vauluisant. Clos-des-Faubourgs. Le Buisson-Goguet. Les Faubourgs. La Cuisinière-et-Hotiot. Le Pré-Pignon. L'Ancienne-Sablonnière, . L'Abreuvoir. Prés-des-Roises. Le Chemin-Vert. La Jeune-Forêt. Sur-la-Fontaine-Saint-Edme. Le Champ-Dollent. L'Erable. Terre-de-la-Cure. La Tête-Rouge. S ur-l e s-P ré s -d e-l a - F o r êt. 1 Le Pré-Couroge. Prés-de-la-Forêt. Haut-de-la-Haute-Borne. Fontaine-Saint-Edme. La Haute-Borne. A ces noms actuels, nous ajoutons ceux d'anciens lieuxdits, relevés dans les documents que nous avons consultés : De 1206 à 1255 (Arch. Yonne, H 675, 7.06) Laviéres. Les Boys-de-Boceys. Fontaine-Jourdain. La Terre-à-Jean-Huilant. Le Pré-des-Templiers. Le Courtil-du-Vieil-Prévost. De 1460 à 1528 (Arch. nat., S 5327 à 5335) Le Champ-Marie-de-Troyes. Le Pré-de-la-Cure. Le Champ-Dentu. Derrière-la -Mal a d r e r i e. Derrière-les-Murs. La Vallée-à-la-Lombarde. Les Champs-sans Esclave. Le Champ-des-Rosiers. En-Val-Raoul. Les C h a m p s - d e s -Cl é r y s. Le Champ-du-Cymetière. La Borne-de-la-Martelle. Le Closeau-de-la-Bergerie. Le Val-d e-l' H o m m e -M o r t. Le Champ-de-la-Gontière. En Besart. Au-Bout-des-Arpents. Les Champs-Benost. Les Fossés-Valyez. Le Buis s o n -M a l v i e n. Le Trouot-au-Lievre. La Haye-du-Charmot. Les Courtils-Coquille. La Vallée-Marteau. Le Champ-de-Choron. Le Buisson-Rout. En Roquisson. Le Pré-Machaut. Le Vivier-de-la-Thuillerie. La Vigne-Rouvrol. La Vallée-de-Boussy. Le Pré-de-la-Bonne. Le Buisson-Naudin. La Pièce-Royer. Les Fossés-de-la-Haie-Coquart. Le Pré-de-Céans. Le Mineroy. La Roise-de-la-Thuillerie. Le Corbier-Maître-Jean. L'Estang-de-la-Noe. Le Pré-au-Rousseau. Le Grand-Estang-de-l'Hospital. La Fontaine-de-Roquisson. Le Petit-Estang-de-l'Hospital. Les Fossez-de-la-Maladrerie. Vauflacy. De 1532 à 1790 (Arch. nat., S 5336 à 5342 et N iv n° 4) La Mardelle-Cazin. Le Haut-du-Bas-des-Prés. Le Puits-aux-Ladres. Fontaine-Baizard. La Mardelle-à-la-Grosse-Martine. Le Poirier-Jaune. Le Noyer-à-la-Contine. La Bourronnerie. La Terre-de-l'Egl i se. Le Châtaigner-au-Gay. La Vign e-à-l a-Col a d e. Le Buisson-Godicr. Hanoteau. La Croix-Pélerin. La Marmite-au-Noyé. Le Pré-Coup-Rouge. La Marnière-à-Bourasson. Le Grand-Arbre. Les Enclos. Le Poirier-de-Sauge. Sources diverses : Le Champ-du-Beurie r. La Charmée. La Bécassière. Le Poirier-Brûlé. La Chardonnière. En Carrat. Les Petites-Vignes. Le Grand-Cheval-Doux. Les Noyers-au-Capitaine. La Salle-à-Bled. La Forèt-de-Rajeuse. Le Buisson-de-la-Chaux. Le Poiratier-à-la-Conlœuvre. Le Pommier-à-Cartegueux. Voici, suivis de la date de leur mention dans divers documents, les noms de personnes auxquels se rapportent ceux de certains lieux- dits : Bois des barons de Séant (1600). Gaulthier dit le Questeur, Symon Midy, laboureur (1395). à Villesabot (1625). Félizot le Gay, id. (1460). Jehan Godier, laboureur (1528). Jehan Fouet, id. (1532). Jehan Hanotteau, abbé Coquille, marchand à de Vauluisant (1500). Rigny (1500). Pignon ou Pignart dit Maître Jean Poney, prévôt (165.2 1. l'Auvergnat (1620). Gallois, fermier à Boissy (1700). Martin Courrouge, labou- Jehan de la Noe (1528). reur (1532). Nicolas des Sureaux, La Comtesse Marie de écuver - (1621). Troyes (1186). Jacques Marteau, laboureur (1513). Naudin, verrier à la Mou- Pierre Caillat, boucher (1550). tonnerie, aujourd'hui : Edme Bouillat, lieutenant (1789). Fournaudin (1460). Martin Boucher, l'aboureur (1679). Estienne Rousseau, la- Isaac Verrier, marchand à boureur (1460). Villefroide (1680). Thibaut Royer, laboureur (1257 ). Louis Bezançon, prévôt (1695). Gasnier dit Bourrasson, Massey le Noble, sieur marchand (1625) des Genêts (1627).

Claude de Bérulle, Jehan de la Noe Baron de Séant CHAPITRE II

ARCHÉOLOGIE

Préhistoire

Coulours est mentionné comme station quaternaire des hauts plateaux sur la carte de la France préhistorique (13). Les premiers hommes qui ont peuplé la contrée d'Othe, où ils ont laissé tant de témoignages de leur activité, exploitaient, en de nombreux ateliers, le silex de Coulours et des environs. Des objets en silex taillés : haches, couteaux, perçoirs, grattoirs, pointes de flèches, etc., ont été trouvés par milliers, depuis un siècle, sur le territoire de la commune. Tous les habitants en ont recueilli plus ou moins, et ce dans tous les climats du finage. Les haches polies s'y trouvaient en moins grand nombre (14). Plusieurs grands polissoirs existaient encore au siècle dernier à proximité de Coulours, dans la commune de Cérilly. Le plus remarquable d'entre eux, connu sous le nom de « Pierre au Sabre, Pierre aux Fées », appartient aujourd'hui à la ville de Paris qui Je fit transférer au Musée Carnavalet en 1868. M. Laurent Prestat, de Beauchêne, se chargea du transport jusqu'à la gare de Vulaines. Il ne fallut pas moins de 11 chevaux pour descendre jusqu'à la route (400 mètres environ) ce bloc de grès dont le poids atteint 7.000 kilogrammes. Ses dimensions correspondent à 2 m. 45 environ de

. (13) Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-cn-Laye. (.14) Bulletin paroissial 1892. PLAN ET COUPE DU POLISSOIR DE CÉRILLY (près Coulours) (D'après F. Lenoir, Mêm. Sec. Acad. de l'Aube 1867, p. 154). TYPES D'INSTRUMENTS EN SILEX TROUVÉS A COULOURS ET AUX ENVIRONS Age paléolithique : 1, coup de poing chelléen ; 2, coupe. de poing acheuléen ; 3, hach moustérienne. Age néolithique : 4, hache brute ; 5, hache commencée à polir ; 6, hache polie. : (Dessins de F. Lenoir, Mém. Soc. Acad. de l'Aube 1867, p. 15 4 longueur et 1 m. 40 de largeur ; sa partie supérieure, à peu près plane quoique brute, porte onze rainures die dimensions variées (15). Cette énorme roche est classée comme monument historique. D'autres polissoirs ont été découverts près de la ferme de Chaudron (limite de Coulours et des Sièges) et à la Fontaine-Jardin. Un de ceux-ci, de petites dimensions, ramassé au lieudit Entre-les-Deux- Chemins-de-Chaudron, a été donné au Musée de Troyes, en 1892, par M. J.-B. Rousseau (16). A cette époque, plus de 800 haches en silex avaient été données ou vendues par M. L. Prestat. Plusieurs de ces objets ont figuré aux expositions universelles. L'abbé Bourgeois, curé de Coulours de 1873 à 1917, en avait réuni une importante collection qu'il légua au Musée d'Auxerre. Les silex taillés de Coulours sont aujourd'hui dispersés aux quatre coins de la France et même à l'étranger. Les Musées de Saint-Germain- en-iLaye, d'Auxerre, de Sens et de Troyes en possèdent. Il n'en reste presque plus dans la commune ; mais, non loin de Coulours, ils figurent en bonne place parmi l'importante collection que contient le cabinet archéologique de M. Nazaire Lajon, le fervent préhistorien de Villeneuve-l'Archevêque, auteur de plusieurs ouvrages sur les antiquités de la région. Les restes d'un foyer préhistorique ont été reconnus par M. Philippe Salmon, en 1880, dans le haut du ravin des Longs-Boyaux. M. L. Prestat avait déjà fait des constatations semblables sur d'autres points du territoire, notamment aux Fossés-d'Enfer. Ces ravins et leurs ramifications à proximité du grand polissoir de Cérilly, ont dû longtemps fournir la matière première des instruments de l'âge de pierre dans la localité (17). Selon M. Salmon, plusieurs lieuxdits de Coulours rappellent l'époque celtique, ce sont : Le Champ-Dollent, Les Gallois, La Haute- Borne, La Margotterie, Le Pré-à-la-Dame, Les Roches, ainsi que de nombreux crots ou mardelles. Les objets en bronze anté-historique sont assez rares à Coulours, où l'absence de minerai de cuivre a prolongé l'industrie de la pierre jusqu'à l'âge du fer (18).

(15) F. Lenoir, Mém. Soc. Acad. de l'Aube, 1867, p. p. 154 à 164. (16) Mém. Soc. Acad. de l'Aube, 1893. (17) Ph. Salmon, Dict. archéologique de l'Yonne, p. 57. (18) Augusta Hure, Origine et formation du fer dans le Sénonais, Bull. Soc. Se. de l'Yonne, 1919, p. 1 à 73. Epoque gallo-romaine Les quelques bronzes trouvés dans la région y furent sans doute apportés par les Romains. En 1898. M. A. Millet en découvrit un éclat, mêlé à des ossements humains, près de la porte Brûlée, et un autre à la porte du Turot. Une bague antique, en bronze, fut trouvée, en 1899, dans l'enclos de la Commanderie, par M. J.-B. Rousseau. Vers la même époque, deux agrafes de ceinturon ou de manteau furent ramassées, l'une dans du mâchefer, à Villefroide, et l'autre au Chemin-Vert. De nombreux éclats de poteries antiques existent sur le finage de Coulours. M. Bourgeois les signale en quantité entre la Garenne et le Long-Rayage, dans la région qu'il appelle : « la contrée aux mâchefers et aux poteries ». On y trouva, en 1898, un morceau de poterie gallo-romaine rouge, poli, portant une fleur et un homme en course (19). Le minerai de fer fut exploité dans la région pendant une longue période. Dans plusieurs contrées du territoire de Coulours, on rencontre des champs de scories d'une haute teneur en minerai. A Villefroide, il en est resté des amas considérables dans lesquels on a trouvé, outre des objets divers, des poteries gallo-romaines et des .monnaies en bronze : de Néron (1er siècle), d'Antonin le Pieux et de Probus (2e siècle), une autre de Sévère (196 à 201) et plusieurs de Maximin et Constantin (5e siècle) (20). En 1899, une taupe ramena des ossements dans le Vieux-Cimetière, nom porté par tout un climat. L'abbé Bourgeois, qui rapporte ce fait, dit, avec raison, qu'on ne connaîtra réellement l'antique passé de Coulours qu'après des fouilles sérieuses en ce cimetière, qu'on peut supposer gallo-romain d'après le cadre environnant (21).

Moyen âge Le seul édifice de Coulours datant du moyen âge est l'ancienne chapelle de la Commanderie. Ce bâtiment vétusté, aujourd'hui transformé en étable, a 25 mètres de longueur sur 8 mètres de largeur ; ses dimensions étaient autrefois plus vastes : au XVIII siècle,

(19) Bulletin paroissial 1898. (20) Bull. paroissial 1904, (21) Bull, paroissial 1899. les commandeurs l'ont réduit de moitié, en supprimant les bas-côtés et une partie de la nef (22). Celle-ci, voûtée en bois. au xve siècle, est percée de fenêtres ogivales annonçant le XIII siècle (23). Depuis 1900, année de leur démolition, il ne reste que quelques vestiges de la Commanderie et de sa grande cave voûtée en ogives (15 mètres de longueur sur 6 mètres de largeur), qui dataient de la même époque. Les fossés, de 10 mètres de large, ceinturant le village, existaient dès 14&0 (24) ; ils furent probablement creusés pendant la deuxième moitié du xiv" siècle, pour la défense du bourg. A l'ouest de la chapelle, en dehors des murs d'enceinte de la Commanderie (lesquels datent en partie de 1456), en creusant une mare, on a trouvé des squelettes humains ; à cet endroit se trouvait au moyen âge le cimetière de cette chapelle, alors église parois- siale (25). Des anciennes tours d'angle de l'enceinte, il ne subsiste que le rez-de-chaussée de la tour ouest, massive construction dont les murs en pierre de taille ont une épaisseur de 0 m. 75. A l'intérieur se trouvait l'ancienne prison seigneuriale, sorte de silo dans lequel on pénètre par une porte basse et étroite ; ce réduit ne reçoit qu'un mince filet de jour par une unique ouverture de 0 m. 32 sur 0 m. 25. Dans les bâtiments de la ferme de la Commanderie, on remarque encore quelques portes et fenêtres du xve siècle.

Eglise

L'église paroissiale de Coulours, dédiée sous le vocable de saint Jean-Baptiste, est située au centre du village, elle est orientée vers le nord-est. On ignore totalement la date de construction d'une ancienne église mentionnée à Coulours dès 1103 (26). Un document, datant de 1458, relate qu'à Coulours « y a grande « église parroc'hiale et y est curé Anthoine d'Aubencourt, secrétaire -

(22) Arch. nat., S 5.567. (23) Victor Petit, Annuaire de l'Yonne 1844. (24) Arch. nat., S 5.327. (25) Bibl. Troyes, manuscrit n" 2.254. (26) Arch. Yonne, H 758, « du grand-prieur (27) ». On ne peut que conjecturer qu'il s'agit là de l'église actuelle, dont les substructures datent du moyen âge et les parties hautes de la première moitié du xvie siècle. En 1567, les huguenots, passant à Coulours, pillèrent et incendièrent l'église, qui dans ces circonstances servait probablement de refuge aux habitants. A la suite de ce désastre, l'église, à demi démolie, resta abandonnée pendant 66 ans ; elle fut restaurée de 1633 à 1636 par les soins des: paroissiens et du commandeur, lequel participa pour une somme de 1.000 livres au paiement des artisans de Coulours et des paroisses environnantes (28). Ceux-ci se bornèrent à consolider ce qui restait du bâtiment ruiné. La nef et les collatéraux furent ainsi réduits de plus de moitié, aussi la principale caractéristique de cet édifice est-elle son manque de proportion. Son plan est celui de l'ancienne basilique : une nef principale et deux collatéraux, sans transept, un chœur d'une travée et un sanctuaire à cinq pans. La nef, avec ses bas-côtés, n'a qu'une longueur de 11 mètres pour une largeur de 20 m. 90 ; le chœur a 10 mètres de longueur sur 9 mètres de largeur ; la hauteur générale est de 20 mètres. La largeur de la façade, prise au sol (28 mètres), est égale à la hauteur du petit clocher qui la domine. Quoiqu'il paraisse grêle, ce clocheton abrite pourtant une cloche d;e 1 m. 14 de diamètre, fondue en 1568 ; c'est la seule que l'église possède aujourd'hui. Elle porte, sur son pourtour, cette inscription en caractères gothiques :

L'église est flanquée d'énormes contreforts en grès (29), dont la couleur sombre contraste singulièrement avec la craie employée dans la partie supérieure des murs. Chaque travée du chœur et de la nef est percée d'une haute baie renaissance dont les moulures servent d'encadrement à un remplissage, fait de blocs de craie et de rognons de silex noyés dans un béton de chaux, qui la mure presqu'entière- ment. La sacristie est accotée au mur est du chevet.

(47) Areh. nat., MM 3,6, f° 251 (28) Areh. nat., S 4.967. (29) Appelé grès errant ou sauvage; c'est le grès des polissoirs de la région. La façade se compose d'un grand mur nu, épaulé par deux hauts pilastres semi-octogones, autrefois piliers intérieurs. Comme les murs du pourtour, celui-ci est fait, dans sa partie basse, d'un gros appareil irrégulier en grès du pays ; plus haut, les maçons ont employé indiffé- remment le silex, la craie et le grès, tous, matériaux qu'ils avaient sous la main. Les contreforts soutenant les collatéraux sont si larges et ont si peu d'élévation qu'ils donnent à la façade une configuration quasi- triangulaire. La porte principale est un grand cintre de pierre nue, surmonté d'un fronton trapézoïdal. Une dalle rectangulaire de 0 m. 70 sur 0 m. 90, scellée dans le tympan, porte une inscription sculptée qui rappelle les malheurs de cette église : L'AN 1567 CE TEMPLE FVT BRVSL'É ET RVYNÉ PAR LES HVGVENOTZ DE FRANCE ET DV DEPVIS RÉÉDIFIÉ EN L'AN 1633 PAR LE SOING ET ASSISTANCE DE NOBLE SEIGNEVR MESSIRE JACQVES DE ROVXEL MÉDAVY CHEVALIER DE L'ORDRE DE SAINT-JEAN-DE-JÉRVSALEM COMMANDEVR DE CE LIEV DE COVLOVRS PARTANT AMY LECTEVR PRIERAS LE RÉDEMPTEVR QV'APRÈS LA VIE MORTELLE IL LE FACE JOVIR DE LA GLOIRE ÆTERNELLE - 1639 - Deux dalles carrées, de 0 m. 70 de côté, sont scellées dans le mur de la façade, de chaque côté du fronton ; elles portent des sculptures en relief représentant les ornements de l'ordre de Malte, entourant un écu dont le champ martelé est à peu près indéchiffrable. Cependant, d'après l'emplacement des grattages, l'œil averti reconnaît sur l'écu de droite les armes du commandeur de Rouxel-Médavy : d'argent, à trois coqs de gueules crétés et becquetés d'or (30). De chaque côté du portail se irouve une petite porte, celle du côté des fonts est murée. La nef et le clocher sent couverts d'ardoise ; les couvertures des bas-côtés et de la sacristie sont faites de tuiles plates.

(30) La Chesnaye - Desbois et Badier, Dictionnaire de la Noblesse, t. XVII, col. 881. A l'intérieur, la charpente est apparente sous le vaste berceau, lam- brissé de lames de chêne, plafonnant d'un seul jet le choeur et la'nef. L'inscription ci-après est peinte sous cette voûte : f IESVS MARIA JOSEPH Fre TETV DE BALINCOVR COMМANDEVR ET CORENTIN LE CIALE CVRE ONT FAIT CE LAMBRIS 1706 (30 bis) Les collatéraux sont plafonnés horizontalement d'un parquet de sapin. De l'ancienne nef, il ne reste plus que deux travées séparées par de lourds piliers octogones de 3 m. 6,0 de pourtour, dont la base, de 1 m. 3,0 de diamètre, semble dater du XII siècle ; ils reçoivent, à une hauteur de 8 mètres, les arcs de plein cintre qui supportent les murs. On remarque, au même niveau, la naissance des anciens arcs de voûte de la nef. Les deux premiers piliers; sont à demi noyés dans le mur intérieur de la façade, lui-imême en partie masqué par une massive charpente carrée, éilevée pour consolider le clocher, qu'une forte échelle, fixée à cette charpente, permet d'atteindre. L'unique travée du chœur s'ouvre entre deux piliers auxquels sont adossées les statues de sainte Catherine, à gauche, et de saint Joseph, à droite. Le sanctuaire est séparé du chœur par des pilastres suppor- tant deux statues anciennes en bois peint ; celle de gauche, d'une hauteur de 0 m. 83, représente saint Sébastien ; celle de droite, figurant saint Bdme prêchant, a 0 m. 60 de hauteur. Le maître-autel, en bois, n'a pas de retable. Derrière le tabernacle, un tableau, peint à fresque sur le mur de fond du sanctuaire, repré- sente le baptême du Christ. Cette fresque, datée de 1636, est encadrée par un portique d'ordre ionique, figuré en relief. Au-dessus des' colonnes de ce portique étaient peintes, avant 1793, les armoiries du commandeur et celles de l'ordre de Malte (31). Une statue de 1 m. 70 de hauteur, représentant la Vierge à l'Enfant, est adossée à l'encognure gauche du chœur. Dans l'angle de droite on remarque une belle statue de saint Jean-Baptiste, en pierre peinte, du XVI siècle (hauteur : 1 m. 60). Cette œuvre, classée comme monument historique, rappelle par son caractère l'école troyenne des Dominique et des Gentil.

(30 bis) Le nom du curé fut mal reproduit dans cette inscription. Ses registres sont signés : Le Gall. (31) Arch. nat., S 4.967. 1 ACHEVÉ D'IMPRIMER LE 10 FÉVRIER 1942 CHEZ J.-L. PATON, ÉDITEUR RUE DU GÉNÉRAL- SAUSSIER, 27-29 A TROYES

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