A Propos De Sougères En Puisaye
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A propos de Sougères en Puisaye Impossible d’évoquer un tant soit peu Sougères en Puisaye sans présenter la Forterre. De la Puisaye il n’en sera pas question, car Sougères est un village situé en Forterre et cela se voit, se lit sur le paysage et les cultures. Les villages, les hameaux, les sols et le bâti ancien en témoignent. Le doute n’est pas permis. Sougères c’est avant tout le pays de la pierre, la belle pierre calcaire qui permet la réalisation de bâtiments solides, aux fortes dimensions. Ici on est au pays des puits profonds et des citernes nombreuses, associées aux maisons dont elles recueillent l’eau des toits. Des mares maçonnées alimentées par les eaux de ruissellement, permettaient aux animaux de s’abreuver. Le bourg de Sougères est bâti dans une vallée sèche, il faut peut-être attribuer cette solitude à l’itinéraire tracé au centre d’une vaste contrée par la voie romaine. Peu de maisons isolées, il y a le village et quelques hameaux, les habitations et leurs bâtiments annexes sont regroupées. Il s’agit là d’une caractéristique que partagent quelques villages alentours comme Thury, Lain, Lainsecq, Etais la Sauvin. L’eau doit être puisée dans le sol et emmagasinée dans des citernes quand elle tombe du ciel. L’eau élément précieux, utilisé avec parcimonie. Hommes, bétails et jardins consomment de l’eau, alors on y a mis le paquet. Située au Sud-Ouest du département de l’Yonne, la Forterre est bordée à l’ouest par la Puisaye et à l’est par les plateaux de Bourgogne. La Forterre forme un pays, facilement identifiable car très différent de la Puisaye et assez différent des autres pays qui la bordent. On a choisi marier la Puisaye avec la Forterre pour former le « Pays de Puisaye-Forterre », certes il ne s’agit pas d’une mésalliance, toutefois les anciens savent, oh combien, l’antagonisme autrefois était fortement ancré dans les mentalités. Aujourd’hui pour en finir pourrait-on dire ceci : le bâti ancien appartient au sol, il est sorti du sol même sur lequel d’habiles maçons, charpentiers, menuisiers l’ont édifié, pour les femmes et les hommes d’ici. Le bâti ancien est du sol, c'est-à-dire : d’où il vient. Toutefois l’histoire de Sougères appartient sans doute en propre à la Puisaye. C’est ainsi qu’il faut, peut-être, l’exprimer maintenant « ass’t’heure, c’est-y pas vrai » ? Un savant du 19e siècle le Dr Robineau-Desvoidy (1799-1857) s’était évertué de montrer et de démontrer les différences entre Puisaye et Forterre. Le cher homme, établi médecin à Saint- Sauveur, avait consacré un chapitre, de son ouvrage (« essai statistique sur le canton de Saint- Sauveur en Puisaye »), à la comparaison de la durée moyenne de vie, respectivement dans les communes des deux pays. Il poussa la rigueur scientifique jusqu’à scinder, dans son observation des faits, les communes mixtes, comme Perreuse, Sainte-Colombe et Thury. On vivait mieux en forterre. Lorsque les commis de ferme se louaient, de la Saint-Jean à la Saint-Martin, ceux de Forterre étaient mieux payés car réputés plus forts, plus résistants. La Forterre, origine du nom : La Forterre est une terre forte qui résiste au travail de l’homme. Cette terre d’argile est difficile à travailler, dure lorsqu’elle est sèche, parsemée de cailloux, elle use les outils aratoires. Le calcaire et l’argile associés ont formé un sol ingrat que le travail acharné des hommes, sur une longue période, aura rendu fertile. Les 17 communes de Forterre : Ouanne : 5327 hectares, Merry le Sec : 1417 hectares, Mouffy : 489 hectares Fontenailles : 276 hectares, Molesmes : 950 hectares, Taingy : 2081 hectares Lain : 1018 hectares, Courson : 3416 hectares, Druyes les Belles Fontaines : 3958 hectares, Escamps : 2221 hectares, Coulangeron : 852 hectares, Etais la Sauvin : 4479 hectares, Andryes : 2979 hectares, Thury : 2322 hectares, Sougères en Puisaye ; 2650 hectares, Lainsecq : 2500 hectares, Sainpuits : 2284 hectares, Total Forterre : 25600 hectares. (Total Puisaye : 60600 hectares) L’hydrographie de surface est très limitée, toutefois les terrains calcaires de ce « pays » recèlent des rivières souterraines. Ainsi de nombreuses sources font résurgence et s’écoulent vers l’Yonne comme les très visibles et spectaculaires sources de Druyes Les Belles Fontaines. Le climat est tempéré, il fait quand même plus froid en Forterre : la température moyenne y est inférieure de 1,5 degré à la température moyenne du département de l’Yonne et les précipitations supérieures à la moyenne départementale, 700 mm pour l’Yonne et jusqu’à 900 mm pour la Forterre. Le paysage s’est transformé, au fil du temps à mesure que les progrès de l’agriculture faisaient croître la production. Les avancées des techniques, l’utilisation de la force mécanique ont rendu nécessaire le regroupement des parcelles et du coup est né un nouveau paysage, « ouvert ». Ce qui n’a pas changé dans le paysage, les massifs forestiers et le bâti ancien qui l’humanisent et témoignent encore des savoir-faire des carriers, maçons, charpentiers et couvreurs. Ces savoirs témoignent aussi, de la vie des femmes et des hommes qui vécurent, de génération en génération, dans ces maisons solidement bâties qui sont toujours là. Les villages et les hameaux sont devenus des points de repère dans le paysage. Leur caractéristique essentielle est leur singularité, c’est-à-dire leur façon de contraster avec le contexte dans lequel ils se situent, soit par leur forme, soit par une composition différente. Leur rôle est devenu plus important dans le paysage nouveau. Fasse que l’on perpétue leur présence en valorisant les méthodes et les matériaux utilisés qui les ont menés jusqu’à nous. Nous voici parvenus au thème même de cette promenade. Le regard que nous portons sur ce qui est, demeure et fait l’Identité même de ce « Pays » car le bâti ancien porte les traces, non textuelles mais bien réelles du passé. De ce passé des « gens d’ici ». Il est le clos et le couvert, lieu d’habitation de travail aussi. Il demeure, par sa configuration donnée autrefois pour satisfaire des besoins humains, singulièrement d’actualité. Etre au sec quand çà mouille, au chaud quand il fait froid et au frais quand la canicule sévit. Mettre à l’abri bêtes et gens, sans oublier les précieuses récoltes. La maison de pays, la maison paysanne est un résumé bien compris de ces exigences. Maison que l’on dirait « ass’teure » écologique, tant elle est constituée de matériaux du lieu, pris à proximité, parfaitement compatibles entre eux. On dit maintenant, car il a fallu inventer un mot nouveau pour qualifier ce qui a toujours existé : biosourcé. Cette maison paysanne, typique de la Forterre, forme une cour fermée sur trois côtés. Le logis est intégré à l’aile droite, au fond on trouve l’étable et l’écurie, à gauche un toiton, sans doute dédié aux poules et aux lapins. Au XIXe siècle de nombreuses maisons avaient encore des toitures en chaume. Vers 1860, le préfet de l’Yonne pris un arrêté interdisant la création de toitures végétales sur les maisons à construire. Ce matériau était réputé inflammable. A partir de cette époque et progressivement disparurent les chaumières, qui furent regrettés par les amoureux de la rusticité. Victor Petit, historien de notre département, fait état de ces changements dans : « Les villages de l’Yonne » ouvrage publié en 1850. Ce changement est à rapprocher de l’obligation d’enduire les maçonneries en pan de bois des maisons de bourg, ceci après l’incendie de Londres au XVIIe siècle. L’édit de Louis XIV modifia l’aspect des villes et puis bien plus tard, on fit machine arrière et ainsi réapparut le pan de bois dans le décor urbain. Proche de nous à Troyes on entreprit vers 1980 une restauration des façades des maisons du centre de la ville, au grand bonheur des habitants et des touristes. Victor Petit écrit : « Les anciennes chaumières que les artistes aiment à reproduire par la crayon ou le pinceau, disparaissent peu à peu et deviendront une rareté ; les toits de chaume seront une chose curieuse à signaler de loin en loin. La tuile, l’ardoise et le zinc ne seront plus aimés des poêtes. Les chaumières feront place aux maisons de même que les cabarers ont fait place aux cafés et les auberges aux hôtels. » Ceci étant, reverrons-nous un jour des toits de chaume sur nos maisons du Pays de Puisaye- Forterre ? La réponse pourrait être « non », toutefois est-ce une raison pour ignorer les matériaux et la manière de les mettre en œuvre et remplacer la chaux aérienne par le ciment gris, dur et cassant, étanche au point de fragiliser la maçonnerie qu’il intègre ? Est-ce une raison pour laisser disparaître les traces d’un passé qui, à mesure qu’il s’éloigne, est ressenti comme une perte ? Le bâti ancien s’accommode mal des ajouts de produits non compatibles, l’esthétique est liée à l’authenticité, le pastiche se distingue toujours, le faux se voit. Restaurer c’est rester fidèle aux intentions du bâtisseur. Ne pas les trahir et pour cela les comprendre, les expliquer pour n’agir qu’en toute connaissance de cause. C’est l’objet même d’une association, « Maisons Paysannes de France », dont nous venons de fêter les cinquante ans d’existence. Depuis 1965 cette association étudie et valorise l’architecture des maisons rurales de France. Un véritable trésor, certainement unique au monde, par sa diversité qui épouse notre pays aux paysages multiples et aux ressources agricoles exceptionnelles variées en quantité et qualité. La France est un pays de forte culture rurale.