V. Histoire Et Histoires Des Répercussions Du Coup D'état En
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79 V. Histoire et histoires des répercussions du coup d’État en Ardèche Histoire et histoires du 2 Décembre en Ardèche : l’histoire anonyme Eugène Ténot, La Province en décembre 1851, Paris, Armand Le Chevalier, 1868, page 187 à 188. « La contrée montagneuse, et naguère encore un peu sauvage, qui forme le département de l’Ardèche, avait été singulièrement travaillée par les sociétés secrètes. Bien avant le 2 décembre, la réaction s’y sentait débordée et impuissance à arrêter, par les moyens ordinaires, la propagande révolutionnaire. Le département avait été mis en état de siège sans que la situation se fût sensiblement modifiée. Il s’y produisit en décembre des mouvements nombreux, mais sur lesquels il n’existe que fort peu de documents. Notre récit en sera forcément très-succinct (sic). L’insurrection éclata, dès le 4, dans l’arrondissement de Privas. Des bandes qui paraissaient avoir été fort nombreuses, venues surtout de Saint-Vincent, Barrès (sic), Saint-Léger (sic), Bressac, Baix, Cruas, Saint-Symphorien, se portèrent sur Privas. Le général Faivre les repoussa après un combat assez vif, livré à l’entrée de la nuit, à quelque distance de la ville. Cependant ces bandes ne se dispersèrent pas. Elles tinrent la montagne pendant plusieurs jours vers Aubenas, Vals, Bourg-Saint-Andéol. Le général Faivre s’était empressé de demander des secours à Valence. Le général Lapène lui envoya de cette ville deux pièces de canon avec une escorte suffisante. Elles descendirent par la rive gauche du Rhône, pour éviter La Voulte, les Charmes, etc, communes qui venaient de s’insurger. Le détachement traversa sans encombre le défilé du Pouzin, très-mauvaise (sic) localité, dit le général Lapène, et arriva sans incident à Privas. (Note 1. Rapports du général Lapène). Toute la partie du département qui avoisine Valence se mit aussi en insurrection, notamment à Saint- Péray, Guilleraud (sic), etc. Largentière, chef-lieu d’arrondissement, fut attaqué par des bandes nombreuses. La garnison se défendit vigoureusement. Le sous-préfet, Nau de Bauregard, fit une sortie à la tête d’une compagnie de grenadiers, et fit des prisonniers aux insurgés qui battirent en retraite. Ils ne paraissent cependant s’être entièrement dispersés que vers le 10 ou le 11, lorsque la résistance parut complètement inutile ». 80 L’histoire au regard d’Élie Reynier 1948, Élie Reynier, « Le coup d’État. Les rébellions ». La Seconde République dans l’Ardèche, page 153 à 170 dans la réédition de 1998. II- Affaire de Privas Mais – coup de tonnerre ? -, voici, dans la nuit du 4 au 5, le premier « complot » ! Le 5 à quatre heures du matin, le préfet résume ainsi l’événement : « Aux habitants de Privas. Un odieux complot, machiné depuis deux jours, a éclaté hier soir. Des bandes armées ont tenté d’envahir votre ville pour y organiser le pillage. Accueillies à coups de feu par la gendarmerie et la troupe de ligne, elles se sont dispersées. Plusieurs insurgés ont payé leur crime de leur liberté ou de leur vie. Vous n’avez rien à redouter des tentatives des factieux, tous ceux sur lesquels planaient des soupçons ont été arrêtés dans la nuit […] ». Cette terrible insurrection va se réduire, en réalité, presque à rien. Ce récit est fait d’après les multiples interrogatoires du juge d’instruction de Privas, Napoléon Valladier, à Saint-Vincent-de-Durfort le 11 décembre, à Privas le 27 (gendarmes de Privas) et en février (témoignage de Coux, Creysseilles), des juges de paix : Théoule, de Chomérac (treize témoins de Saint-Lager), Lantouzet, de Rochemaure (gendarmerie de Baix, 30 témoins de Saint-Vincent, dont le curé de Cruas, Marquet, venu à Saint-Vincent pour y prêcher le jubilé, et qui ne sait rien), Salhens de Saint-Pierreville, Fournery de Viviers, Barrier de Vernoux, pour les brigades de gendarmerie 1ogées à Privas le 4, comme celle de Baix ; de nouveau, en février, Théoule. Amédée Champanhet, pour Chomérac et les environs. En règle générale, les inculpés ne savent rien, pas même ce que c’est qu’une société secrète ; et les témoins, dans la nuit, en ont profité pour ne rien voir, ne reconnaître personne, ou presque. La région de Chomérac, Saint-Svmphorien et Brune, Saint-Lager, Saint-Vincent, s’est ébranlée. Environ 450 individus se seraient réunis à Chomérac à la Croix de la Mission, sous les ordres de Fialon maître d’école à Saint- Vincent, de Marchier propriétaire à Chomérac, de Coste ancien huissier, de Planet garde-champêtre destitué. C’est Fialon qui, à cheval, amène le renfort rassemblé à Saint-Vincent sur la place de la Tournelle. À la descente du Couraillou, il a désigné comme le chef de ce renfort Auguste Vignal, parce que capitaine de la garde nationale ; mais plusieurs de Saint-Vincent ont vu aussi un (ou deux…) individus en burnous qui paraissaient être les chefs (hallucination ? ou vestige de la guerre d’Algérie)… A Chomérac, le rappel a été battu le soir ; Labeille, dans le noir n’a reconnu personne de cette foule, armée (il a vu cela) de fusils, de haches et de faux, et qui vociférait : « Qu’un sang impur […],et aussi : « Marchons sur Privas, mettons le feu au Bureau des hypothèques (témoignage du 8 ; maire depuis le 6), à la Recette générale, chassons le préfet et mettons Coste à sa place » (Labeille ne sait pas s’il s’agit de l’ex-huissier, ou de Volsi Arnaud-Coste l’ancien commissaire du Gouvernement ; d’autres précisent, qu’il s’agit de celui-ci, et de nommer l’huissier maire de Privas). Plusieurs attestent qu’on leur a dit d’aller à Privas où le préfet les attendait « pour donner leurs voix » ( !). D’après Régis Puaux, Fialon aurait dit qu’il fallait s’emparer de la préfecture, du tribunal, de la recette générale ; et des casernes de la gendarmerie et de la troupe. Pour faire marcher, les quatre chefs disaient : « Allons, mes amis, ce que nous allons faire à Privas est dans l’intérêt du pauvre ouvrier, nous aurons du moins du travail ». Le chômage et la misère, la haine de l’usure et du fisc, ont donc été parmi les causes de mécontentement et de rébellion. Presque tous les témoins déclarent que, arrivés dans la plaine du Lac et aux Trois Chemins ou à la Tuilerie au- dessus d’Ouvèze, l’ordre a été donné de se disperser en tirailleurs dans les vignes ; et à les entendre, beaucoup en ont profité pour s’éclipser et rentrer chez eux. Planet, avec 25 hommes descend au Pont d’Ouvèze, mais remonte bientôt au pas de course, « poursuivi par les gendarmes » ; une fusillade part des vignes. Voyant qu’il n’y avait rien à faire (ils escomptaient donc la surprise ?), les assaillants battent en retraite. De Creysseilles, d’Ajoux, de Pranles, du Gua, devaient venir aussi des bandes ; on a dit à Vincent, de Creysseilles, que le Président de la République était arrêté et le préfet aussi ; que 30 000 hommes allaient cerner Privas. 17 hommes de Creysseilles, avec l’instituteur Marcon, ceux de Pranles avec Bourgeas, de Franchassis, d’Ajoux et du Gua, Espic du Bouchet, Féougier de la Pervenche, devaient se réunir « aux Trois Chemins au-dessus de Privas » ; mais un peu plus tard Féougier et Espic leur disent : fini, les chefs de Privas nous ont trahis. À Lacombe (Bas-Pranles), H. Lacourt déclare que, consulté par plusieurs le 4 au soir, il les envoya coucher, ce qu’ils firent. Si les insurgés ont été (selon eux) des moutons timides, les gendarmes cependant ne s’en font pas accroire. Ils étaient trente-cinq descendant vers le pont, suivis du général Faivre en personne, à la tête d’une compagnie de voltigeurs du 12ème léger. Ceux qui sont allés à Ouvèze ont reçu 20 à 25 coups de fusil ; se voyant peu nombreux devant plusieurs communes rebelles (comment le savaient-ils ?), ils se sont repliés au galop ; le brigadier Challier a reçu deux blessures ; en face du café Tranchat ils ont arrêté Pierre Terrasse menuisier à Chomérac, blessé au ventre d’un coup de sabre dont il succombera ; François Terrasse, de Pranles, a reçu deux balles au bras et un coup de baïonnette au sein droit ; il en meurt également. Fabien Palhayre, de Privas, Michelon fils, entrepreneur, sont arrêtés. Quelques gendarmes sont allés rue Croix-du-Roure pour empêcher d’entrer par là et sont descendus de la maison Clauzel par le chemin (de la Maladrerie) tombant sur la grand route. Tout un groupe, parti de Genestelle et Saint-Andéol-de-Bourlenc, aurait parcouru en armes les communes de Vesseaux, Saint-Étienne et Saint-Michel-de-Boulogne, fait feu sur la gendarmerie, « avouant le projet criminel de marcher sur Privas ». Il est reproché aux inculpés d’avoir « fait partie d’une bande armée, le 4 décembre, se dirigeant sur Privas pour se livrer au meurtre et au pillage, et renverser les autorités du gouvernement ». Quelques- uns avouent (ou affirment) qu’ils ont été entraînés dans cette bande sans y connaître personne ou à peu près, sans 81 savoir quel était son but. Si Duchamp de Genestelle, était armé d’un grand couteau, c’était pour tuer un cochon chez « François » ; Casimir Dusserre, de Saint-Andéol, « n’a qu’à rire de l’accusation », Devès avait son long compas de charpentier. Cependant, Jean Doux, porteur d’un fusil a coups chargé, dit : « Je fis partie de cette bande de mon autorité : Nous voulions maintenir les droits du peuple – Qu’entendez-vous par droit du peuple ? – Je n’en sais rien » ( ?). Et François-Jean : « nous marchions pour faire diminuer les contributions et les patentes ». Le curé de Saint-Andéol, Fraysse, n’est pas bien convaincu de la perversité des inculpés ; il témoigne, le 22 janvier : « ce sont de braves gens, et d’abord jusqu’au jour de leur arrestation il n’avait eu que des louanges à leur faire ».