Le trentenaire du Hommage à Jean Mabire, n°11 « Mabire — Ragache » le 27 mai au Château Gaillard Mars En pages 6, & 7. 2006

Jean Mabire est mort

otre ami Jean Mabire est décédé le 29 mars sembler tout ce qui, dans sa vie, a donné un sens à son existence, défendre sa mémoire et, finalement, prolonger Bulletin de liaison interne 2006 à l’issue d’une longue et douloureuse Dépôt légal à la parution Nmaladie. Jusqu’au bout, il a écrit ses articles, l’enchantement qu’il savait si bien créer autour de lui. Un hommage solennel sera rendu à Jean Mabire le samedi —"— ses chroniques. Jusqu’au bout, il a milité pour ses LES AMIS idéaux. Jusqu’au bout, il est resté l’ami exemplaire et 27 mai (15 heures) au Château Gaillard (Commune des Andelys — Eure), haut-lieu de l’histoire de la Normandie, DE JEAN MABIRE exigeant qu’il a toujours été. À son épouse, à ses enfants et petits-enfants, à sa famille, à ses amis, tous choisi d’ailleurs par notre ami. Que tous les amis de Jean —"— Boîte Postale n° 6 ses amis, nous exprimons nos plus vives et sincères Mabire convergent, ce jour-là, vers les ruines grandioses 27 520 Boissey-le-Châtel condoléances. de la forteresse — symbole de l’identité normande que www.amis-mabire.com L’association des Amis de Jean Mabire, à partir de Mait' Jean s’est tellement attaché à promouvoir. La vie et ce jour, prend tout son sens, celui que Mait' Jean souhai- l’œuvre de Jean Mabire sont exemplaires : gardons —"— tait d’ailleurs : diffuser l’œuvre de ce grand écrivain, ras- vivante sa mémoire. i L’HOMMAGE Témo Jean Mabire : A JEAN MABIRE e gnag un Grand Normand es courriels, les lettres, les télécopies que nous Lrecevons sont tellement nombreux, tellement émou- u es là Jean. En un autre temps, versé à pied la baie du Mont-Saint- vants à propos de la dispa- après le combat, à l’appel du Michel, alors que tu avais bientôt rition de Jean Mabire que Tnom du disparu, un ami répon- quatre fois vingt ans ! nous pourrions remplir plu- dait à haute voix : PRÉSENT. sieurs bulletins. Pour l’ins- Tu es « présent », même après le TOLÉRANT, tant, nous collectons tous voyage en cette autre VIE où tu es. très belle qualité, pas facile à vivre et ces témoignages. Il en est Nous nous retrouverons tous un jour. que tu as vécue au quotidien. de même des articles de Brosser ton portrait d’homme, presse qui sont parus, d’artiste et d’écrivain n’est pas l’objet paraissent ou vont paraître : de ces lignes, d’autant plus que tu es NORMAND, nous demandons à nos lec- un homme COMPLEXE. là, pour moi, c’est la plus belle facet- teurs, à nos amis de nous te de ta stature de commandeur. les faire parvenir, car nous MILITANT, Viking, vrai viking, je ne sais com- ne recevons pas toutes les ment tu as contracté ce virus, car tu es tu as toujours été un militant, un publications et nous souhai- né à . Mais très vite après avoir militant actif, tes amis le savent, trop terions avoir un dossier choisi la Normandie, tu es devenu au ront contourner à moins de vouloir d’entre eux ne désirent être que des rester dans l’immense réservoir des exhaustif sur l'hommage fil des années, un très grand Nor- consommateurs par égoïsme bour- ignorants. Tu as compris que le rendu à Jean Mabire. mand. Tu connais parfaitement l’His- geois. CULTUREL doit être la racine des Dans nos bulletins ulté- toire de notre très belle Province et tu forces qui guident le monde. Tu t’es rieurs, nous reprendrons l’as écrite et décrite avec AMOUR, efforcé de transmettre ces messages tous ces textes et les ferons ARTISTE, tout en restant historien. connaître aux amis. Nous à tous ceux qui refusent de baisser les tu sais créer, aussi bien le décor nous sommes bornés dans bras. d’une journée militante, que la cou- ce numéro à demander aux ÉCRIVAIN, verture d’un livre, que le cadre d’un membres du bureau de l’As- tu as écrit cent livres, des milliers d’ar- Dans ce havre de paix où tu es, LIEU de Vie. Artisan, tu sais si bien sociation de bien vouloir ticles, où ton esprit de CURIOSITÉ, où la notion du temps n’existe pas, je « fignoler » ce que tu crées, (l’exté- nous confier leur expression nous aide à découvrir ce que tu te dis « bon séjour », tous tes amis rieur du livre ou son texte). toute personnelle que leur désires nous enseigner. anciens et nouveaux te disent « à inspire cette disparition. bientôt Jean ». Jacques Saint-Pierre, au nom COURAGEUX, Par tes enrichissants Que Lire ?, tu de la rédaction, s’est joint tu as toujours vingt ans pour organi- nous donnes un « moment littéraire », André BOSCHER aux membres du bureau, ser une folle équipée ! N’as-tu pas tra- que même les plus « obtus » ne pour- ainsi que Serge de Beketch, car c’est le premier témoi- gnage que nous avons reçu. Le numéro 11 de ce bulletin était bouclé lorsque nous i avons appris le décès de émo Mes respects, Monsieur… Mait'Jean : nous l’avons T donc repris, ce qui explique age les quinze jours de retard. gn Mais nous avons conservé la commémoration du tren- ’était l’heure de l’adolescence, laquelle je ne savais alors donner de Guerre. Le parcours du Lieutenant tième anniversaire de la en déambulant dans les rayon- d’âge, me donnait un certain goût de Mabire y était dépeint. Le titre de l’ar- publication de « L’histoire de nages d’une bibliothèque la vie et tendait à révolutionner une ticle était sans équivoque et m’inter- la Normandie » (le fameux C municipale, qu’il m’a été donné de jeunesse, sclérosée par l’ennui que pella : Choc ou Alpin ? Je devais choi- Mabire — Ragache) : c’était connaître celui que j’appellerais plus m’inspirait le corps professoral. Avec sir. Lionel Terray m’avait communiqué le dernier souhait de notre tard Maît’Jean. Je n’ai donc d’abord Mabire, j’étais libre — et surtout de l’amour de la montagne ; mon grand- ami Jean Mabire lorsque pas connu l’Homme — cela viendra penser ! père, ancien de la seconde boucherie nous le vîmes pour la der- bien des années après — mais l’au- fratricide, celui de l’honneur et des nière fois, à Saint — Malo, teur au travers de ses livres. À Puis la révolte vint. Ce n’était armes, et Jean Mabire enfin, celui de le 11 mars dernier…. l’époque, il n’était donc pour moi que qu’une question de temps — elle som- la liberté et des parcours aussi auda-

Le trentenaire du 11 meillait ! Mon dégoût pour ces dis- Hommage à Jean Mabire, n° Monsieur Mabire : avec deux «grand cieux qu’exemplaires. Je serai Chas- « Mabire — Ragache » le 27 mai au Château Gaillard Mars En pages 6, & 7. 2006 M». cours trop entendus sur la réussite par seur Alpin ! J’entreprenais alors toutes un certain intellectualisme me pous- les démarches auprès de l’armée pour Je me rappelle que Monsieur sait, bien que j’en eusse les capacités, entrer comme élève sous-officier à l’É- Mabire a su accompagner mes trop à refuser de rejoindre quelque faculté. cole Militaire de Haute Montagne de longues et ennuyeuses soirées dans De l’action ! J’avais besoin d’action ! Chamonix-Mont-Blanc. Le concours Jean cette salle d’études sordide d’un lycée Lionel Terray, ce « conquérant de l’in- d’admission se passa sans ambages. Mabire virois. Non satisfait de ne m’accom- utile », m’avait transmis l’amour de la Et je revois encore l’air « amusé », dis- est mort pagner que le soir, il me tenait égale- montagne. Avec lui, j’eus volontiers simulé derrière un sourire approba- ment compagnie les longs après-midi embrassé la carrière de guide tant il teur de l’officier qui me reçut en entre- du mercredi où je me retrouvais à me passionna par ses récits. Puis, un tien afin de connaître mes motiva- otre ami Jean Mabire est décédé le 29 mars sembler tout ce qui, dans sa vie, a donné un sens à son existence, défendre sa mémoire et, finalement, prolonger Bulletin de liaison interne 2006 à l’issue d’une longue et douloureuse Dépôt légal à la parution Nmaladie. Jusqu’au bout, il a écrit ses articles, l’enchantement qu’il savait si bien créer autour de lui. Un hommage solennel sera rendu à Jean Mabire le samedi —"— ses chroniques. Jusqu’au bout, il a milité pour ses idéaux. Jusqu’au bout, il est resté l’ami exemplaire et 27 mai (15 heures) au Château Gaillard (Commune des jour, aux confins de la « chine », j’ac- LES AMIS errer dans un parc, un de ses livres en tions. Je lui pariais alors de Terray et Andelys — Eure), haut-lieu de l’histoire de la Normandie, DE JEAN MABIRE exigeant qu’il a toujours été. À son épouse, à ses enfants et petits-enfants, à sa famille, à ses amis, tous choisi d’ailleurs par notre ami. Que tous les amis de Jean —"— Boîte Postale n°6 ses amis, nous exprimons nos plus vives et sincères Mabire convergent, ce jour-là, vers les ruines grandioses 27 520 Boissey-le-Châtel condoléances. de la forteresse — symbole de l’identité normande que www.amis-mabire.com L’association des Amis de Jean Mabire, à partir de Mait' Jean s’est tellement attaché à promouvoir. La vie et ce jour, prend tout son sens, celui que Mait' Jean souhai- l’œuvre de Jean Mabire sont exemplaires : gardons mains. Il fait dire qu’il était agréable à quis dans une triste brocante alençon- de Mabire. J’avais marqué là de bons —"— tait d’ailleurs : diffuser l’œuvre de ce grand écrivain, ras- vivante sa mémoire. vivre Monsieur Mabire. Sa sagesse, à naise des numéros reliés d’Hommes points. J’étais accepté à l’E.M.H.M. i i Témo Jean, Témo Jean Mabire : mort e e gnag familier… gnag d’un combattant

e n’est pas le militant, l’écri- (dont il aura sans doute ainsi vision- e n’ai pas écrit : « ancien com- vain, le conférencier que je né "l’intégrale"). C’est lui aussi que battant ». Il avait peu d’appé- Cveux évoquer ici. Non, c’est je retrouve ce soir, en ouvrant les Jtence pour ce style. Il ne portait l’ami de trente ans, le familier dont albums de photos, aux côtés de mon pas d’insigne ni de décorations, je veux encore parler avant que fils, comme ce dimanche à la fête même si dans son bureau figurait l’homme ne s’efface derrière foraine de Saint Malo, avec dans la en bonne place, dans un cadre, l’œuvre. bouche une de ces horribles frian- entourant sa photo en « tenue L’ami souriant, riant, toujours dises de couleur vive que l’on vend cam », son brevet para accompa- disponible pour donner le renseigne- entre les manèges. gné de la croix de la valeur militai- ment manquant, généreux, ouvrant C’est aussi Jean des baptêmes, re et de la « commémo » d’Algé- largement sa bibliothèque à qui en des mariages, des fêtes entre amis, rie. avait besoin. L’une de mes dernières proche de tous, petits et grands avec conversations avec lui a porté sur simplicité. Il aimait la vie, la jeunes- Il n’était certes pas repentant André Rostand, personnalité man- se, le mouvement et n’avait pas son pour avoir fait cette guerre en ser- choise sur laquelle je cherchais des pareil pour décorer un endroit aussi vant les couleurs de la République informations. Jean me les a données triste qu’une salle des fêtes, et lui française avec « honneur et fidéli- avec des précisions puisées dans donner une ambiance. té », mais ce n’était pas la sienne. son immense savoir normand. Avec Bref, un Jean familier et simple. Il s’en est expliqué dans un Lorsque j’entendais crépiter sa lui, c’est tout un pan de la mémoire C’est sa voix que l’on entendra plus, ouvrage largement autobiogra- machine à écrire électrique, je normande qui a disparu. son rire qui s’est éteint et que l’on phique intitulé tantôt Commando pensais irrésistiblement à un fusil- Il aimait rire, raconter des "plai- garde au fond de soi avec les souve- de chasse, tantôt Les hors-la-loi, mitrailleur tirant « par courtes santeries de garçon de bain" (c’est nirs des jours heureux. plus proche de la réalité que rafales ». de lui que je tiens l’expression) avec Adieu Jean, les arbres fleuris- nombre de publications réputées Il aurait aimé servir une MG, il une malice dans le regard qui ajou- sent, le printemps est là après un si « historiques » mais qui relèvent a du se résigner à se servir d’une tait encore au propos. Il aimait s’es- long hiver et tu nous manques déjà. soit de l’hagiographie, soit de la « Underwood ». claffer avec Adèle, sa petite fille, démonologie. Il m’a même confir- Mais l’esprit était le même. devant les films de Laurel et Hardy Nicole BOYER-VILLEROUX mé l’authenticité de l’anecdote du « colonel aux bonbons ». Si ma C’est ainsi qu’il menait son mémoire est fidèle, ceci avait combat, et il l’a mené jusqu’au entraîné un commentaire réproba- bout. teur dans une publication « militai- rement correcte », dans le genre Qu’il me pardonne, même si « un officier français n’a pas le dans les troupes d‘élite on ne droit d’écrire cela ». s‘excuse pas, de citer le « docu- Mais justement, comme mon ment confidentiel » rédigé il y a un vieux capitaine suisse, ce Nor- mois pour satisfaire à ma deman- mand se considérait plutôt « offi- de d’un « ordre initial » pour ses cier étranger au service de la Fran- obsèques : ce ». « J’ai toujours souhaité depuis mon plus jeune âge mourir bruta- Ceci dit, je suis allé le voir à lement et si possible les armes à la Paris à la dédicace des « écrivains main, ce que je considère comme combattants » — où il ne se trou- un grand don du Destin. La balle vait pas toujours en bonne compa- en plein front, lors des combats du gnie — et lorsque nous avons bois des Caures devant Verdun en J’aurais pu sans doute faire carrière, qu’il m’ait fait, ainsi qu’aux miens), « pitonné » autour de Narvik, de février 1916, du lieutenant-colonel mais l’autorité paternelle mit un frein à c’est lorsqu’il se joignit à notre veillée même que j’avais ressorti mon Driant (capitaine Danrit en littératu- mes aspirations en m’interdisant d’inté- solsticiale, un soir de juin 2004, date béret vert, il arborait fièrement la re) m’a toujours semblé exemplai- grer ce corps, tout en me contraignant anniversaire de la mort de feu Louis « tarte » des Alpins : rien n’est re, dès ma dixième année. » à poursuivre des études Carpe Diem ? Beuve. Il a, en homme libre et modeste simple. qu’il était, contribué à tous les efforts Mais voici où je voulais en « Chasseur un jour, Chasseur Bien des années ont passé depuis nécessaires à la réussite d’un tel événe- arriver : Jean Mabire fut toujours toujours », ajouterais-je. cette adolescence fade et révoltée. ment. Manches de chemise retrous- un combattant. Mais l’empreinte de Mabire toujours sées, poignard au flanc, gros croque- Il poursuivait : « Mais ceci n’est est restée ! nots et culottes courtes, il allait tel un Son rêve d’adolescent était de pas donné à tout le monde. Il faut jeunot de soixante ans son cadet. Je « faire Saint-Cyr » et d’être offi- donc se contenter de ce que le Mon modeste militantisme au sein pensais alors « j’aimerais tant pouvoir, cier à la Légion étrangère : une hasard nous réserve. » du Mouvement Normand m’aura per- un jour, insuffler autant de force et soixantaine d’années plus tard, il Si je le qualifie de philosophe mis de rencontrer l’Homme. Et aujour- d’énergie aux autres ! ». Il était ainsi. Et conservait encore pieusement les stoïcien, il va s’esclaffer de là-bas, d’hui plus que jamais, je me souviens aujourd’hui qu’il est parti, je sais que deux vignettes représentant l’une où il ne peut qu’avoir rejoint cette première rencontre. Je crois qu’il jamais je ne pourrais lui ressembler un « Cyrard » en Grand U, l’autre comme il le souhaitait la « Grande me semblait alors être face à un aïeul mais que, pour autant, je ferai toujours un Légionnaire coiffé du légendai- Armée ». de qui j’aurais tout appris ! de mon mieux pour ne pas trahir son re képi blanc. Aussi je dirai seulement « au enseignement. revoir Mon Capitaine ancien ». La plus belle image que je garde Les évènements en ont décidé de lui (c’est aussi le plus grand honneur Ulrich Marchand autrement. LC GAUTIER i Témo Le grand scalde gnage

’était au 2 bis, rue de l’Abbé aujourd’hui « La torche et le glaive » ce parlementaire, qui m’était incon- Cochet, à Rouen, des lieux — m’avaient profondément fasciné nu, annonçait la création d’une Cmaintenant transformés et au point qu’inconsciemment j’avais Union pour la Région Normande, réhabilités. Nous étions en élevé leur auteur au rang d’un j’avais envoyé une lettre de soutien, décembre 1968. L’ambiance plutôt mythe, et Jean Mabire était là, faisant savoir d’ailleurs que notre surchauffée d’une association étu- devant moi, curieux et rigolard, organisation étudiante consultée par diante, la Fédération des Etudiants étonné peut-être de voir ces gars et les Autorités dans le cadre du futur de Rouen, alors en pleine cam- ces filles entrer et sortir qui, avec referendum sur la régionalisation, pagne électorale puisque la Réfor- des tracts, qui, avec des journaux. s’était prononcée pour la constitu- me Edgar Faure permettait aux étu- « L’Œuf » qu’il s’appelait ce canard tion d’une grande région Norman- diants de participer à la gestion des et Jean Mabire me raconta plus tard die… Pierre Godefroy, Jean Mabi- Facultés au sein de conseils dont on combien il avait été surpris d’en- re, anciens collègues de la Presse ne savait pas trop quels pouvaient tendre les uns et les autres réclamer de la Manche, anciens rédacteurs être leurs véritables pouvoirs. « des œufs, il nous faut des œufs de la revue Viking, à l’âme norman- Depuis les événements de Mai, la pour Pharma ou pour Droit »… Sous de chevillée au corps, avaient perçu Presse s’intéressait à nous, que nous son pseudo de Frédéric Sorel, Mait' le signal faible d’un simple courrier parla de Louis Beuve, de Fernand soyons du camp de l’anti-contesta- Jean a raconté dans son et cherchaient à transmettre leur foi Lechanteur, de CotisCapel — des tion ou de celui d’en face. Aussi ne escapade rouennaise. Il s’était fait normande. Jean Mabire avait saisi fus-je pas surpris quand on me dit envoyer à Rouen afin de rencontrer l’occasion. Cette rencontre devait noms inconnus de nous, Rouennais qu’un journaliste de Paris voulait me des étudiants non-gauchistes et, changer le cours de ma vie militan- —, mais aussi d’un tas d’écrivains voir… C’était Jean Mabire. C’était consciencieusement, il fit son repor- te. dont nous ignorions la dimension moi qu’il voulait rencontrer. tage… Un morceau d’anthologie… Evidemment, je l’ignorais, ce normande. Il n’était nullement ponti- jour-là. Mais tout de suite le courant fiant, d’un enthousiasme juvénile, Jean Mabire, Jean Mabire… Le Mais, là, n’était pas la véritable passa. Venu pour nous écouter, c’est chaleureux, plein d’humour. nom me disait quelque chose… Ah raison de sa venue à Rouen. Jean lui qui, au cours d’une très longue Nous étions médusés et oui ! L’éditorialiste de « l’Esprit Mabire voulait me voir parce que, — et pourtant si courte ! — soirée conquis. Public ». Cela faisait des années quelques jours auparavant, à la nous raconta la Normandie, sa Nor- Nous le sommes restés jusqu’au que ses phrases brûlantes — que je suite d’un article de Paris-Norman- mandie, notre Normandie. De par 29 mars 2006. relirais plus tard dans « L’écrivain, la die d’un certain Pierre Godefroy, mes études d’histoire, j’en avais une politique et l’espérance », devenu député de la Manche, dans lequel connaissance parcellaire… Il nous Didier PATTE

i Témo Jean MABIRE : e gnag un grand écrivain identitaire

u-delà de la tristesse de sa nuer à vivre et à porter ses fruits. Le famille et de ses amis les plus message de MABIRE est clair. La Afidèles, le décès de Jean civilisation n’a pu naître et s’épa- MABIRE est un événement qui nouir que par le sacrifice des guer- concerne tous les Français et les riers, l’énergie des penseurs et des Européens attachés à la défense de hommes d’action. Courage, audace leur identité et d’une certaine et esprit de sacrifice sont les seules Le message de MABIRE est clair. conception de l’homme. Pour ceux- qualités susceptibles d’assurer la La civilisation n’a pu naître et là, Jean MABIRE est un auteur sauvegarde de nos identités. Jean important. MABIRE voulait des peuples euro- s’épanouir que par le sacrifice péens debout et capables d’assu- des guerriers, l’énergie des Drieu parmi nous, La torche et le mer leur destin sans renier leur penseurs et des hommes d’action. glaive, Patrick Pearse, Les éveilleurs passé. de peuples, Commando de chasse, De telles idées ne semblent plus Courage, audace et esprit de l’Eté rouge de Pékin, et bien à la mode, mais elles ne sont pas sacrifice sont les seules qualités d’autres encore, sont des ouvrages mortes et nombreux sont aujour- qui donnent tout son sens à une d’hui, de la Norvège à l’Espagne, susceptibles d’assurer la sauvegarde œuvre exceptionnelle. et de la France à la Russie, ceux qui de nos identités. L’œuvre de Jean MABIRE est les partagent. Jean MABIRE demeu- forte par son message. On n’oublie rera présent parmi eux. pas un de ses livres après l’avoir lu. Jacques SAINT-PIERRE Aujourd’hui, le créateur nous a Chroniqueur à « Monde et Vie » quittés mais son œuvre doit conti- moi Livres de Jean Mabire Té Il y a des rencontres, dans la vie, proposés par l’AAJM ge gna Ouvrages d’inspiration nordique qui sont des rencontres décisives… • Les Vikings à travers le monde L’Ancre de Marine 22,00 e • Légendes de la Mythologie nordique L’Ancre de Marine 15,00 e a première rencontre avec en ce lieu qu’ont été écrit une bonne J’étais toujours impressionnée par partie de ses œuvres, que ce soit La l’étendue de ses connaissances, par Ouvrages d’inspiration normande Jean Mabire eut lieu à l’oc- • La Varende entre nous Mâove, Rêve d’Europe, Thulé, Les son exceptionnelle érudition, mais Mcasion d’une exposition qui P. de la Varende 15,25 e sur se tenait en la ville de Caen, inti- Poètes Normands et l’Héritage Nor- aussi par sa mémoire si précise. Il m’a • Histoire de la Normandie e tulée, « Passions Boréales » (ça ne dique, Les éveilleurs de Peuple ou intéressée à des sujets divers et je lui France Empire 20,00 • Légendes traditionnelles de Normandie encore les innombrables Que Lire?. dois beaucoup pour m’avoir fait par- s’invente pas). Il profita que l’exposi- L’Ancre de Marine 15,00 e tion soit au Conseil Régional pour se C’est de ce bureau avec une si jolie tager sa vision de la Normandie et de • Grands marins normands recueillir sur la tombe de la Reine vue sur le port que Maît’Jean trouvait ce qu’elle devait être. Jean était un L’Ancre de Marine 21,00 e Mathilde, à l’Abbaye. l’inspiration. Dans ce lieu, il a passé homme simple, généreux, loin des • Des poètes normands et de l’héritage nor- dique des milliers d’heures à travailler, sans soucis de la vie quotidienne, il vivait L’Ancre de Marine 32,00 e Ce souvenir de notre première relâche, jusqu’au tout dernier instant avant tout pour que la Culture Nor- • Les Ducs de Normandie rencontre reste à jamais gravé dans pour la Normandie qu’il aimait tant. mande ne disparaisse jamais, pour Lavauzelle 08,00 e ma mémoire. J’allais, à cette époque, faire vivre l’identité normande et euro- • Pêcheurs du Cotentin e Le temps passa et nous nous péenne. C’est dorénavant à nous de Heimdal 21,00 débuter des études de scandinave. • Jean Mabire et le Mouvement Normand Jean Mabire cultivait une passion sommes rapprochés. J’ai eu le bon- poursuivre son œuvre et, comme il L’Esnèque - tome I 4,57 e pour la Norvège et nous partagions heur d’aider Jean dans son travail aimait à le dire, « tout normand n’est L’Esnèque - tome II 4,57 e tous deux un fort intérêt pour ce pays. d’archives. C’est là que j’ai pu vrai- pas viking mais doit aspirer à le deve- L’Esnèque - tome III 4,57 e e Je crois que c’est ce qui a permis de ment le connaître et apprendre tant nir! » L’Esnèque - tome IV 4,57 L’Esnèque - tome V 4,57 e créer des liens entre nous. de choses à ces côtés. Une vie à réa- liser la collecte de plusieurs milliers de Nombreux sont ceux qui ont Ouvrages ayant pour cadre la guerre, notam- Puis vint le jour où il m’invita à coupures de presse, de brochures, de perdu un ami, d’une remarquable ment en Normandie • Les Diables Rouges attaquent la nuit Saint-Servan. Quelle ne fut pas ma photos etc. Cela n’est pas rien. humilité et plein de sagesse. Il était Jacques Grancher 23,00 e surprise en découvrant la demeure de Durant des heures, nous triâmes, clas- avant tout un être fidèle sur lequel on • Jersey sous l’Occupation Maît’Jean, des livres absolument par- sâmes, selon ses souhaits pour « que pouvait toujours compter. Fidèle à ses L’Ancre de Marine 15,00 e tout, dans toutes les pièces et même ça puisse servir à une personne qui amis, fidèle à lui-même, mais égale- • Bérets rouges en Normandie e les escaliers. Des livres rares ou pré- travaillera sur le sujet »… et il y a de ment à sa Terre Normande. Pressse de la Cité 23,00 cieux, souvent les deux. Le dernier quoi travailler ! L’archivage des Que Ouvrages d’inspiration historique et poli- étage est celui de la Normandie, des Lire ? fut également une tâche com- Maît’Jean, écrivain-guerrier est tique livres d’histoire mais également des plexe, mais tellement intéressante. désormais au Valhalla. Puissent les • La torche et le glaive Déterna 23,00 e livres sur les Grands Normands qui Jean Mabire reconnaissait un auteur Normands honorer sa mémoire. • La Traite des Noirs ont marqué l’histoire. Cet étage est à un simple portrait et avait presque L’Ancre de Marine 15,00 e celui où se trouve son bureau. Lorsque toujours une anecdote ou une référen- Virginie Binet • Patrick Pearse, une vie pour l’Irlande e je l’ai découvert, j’ai réalisé que c’est ce bibliographique à son propos. Terre & Peuple 13,00

Ouvrages d’inspirations diverses • Les évadés de la mer Dualpha 23,00 e • Du bûcher à la guillotine Dualpha 27,00 e moi • L’aquarium aux nouvelles Té Jean Mabire Maitre Jacques 17,00 e e • Que lire ? Tome I 23,00 e nag • Que lire ? Tome II 23,00 e g e • Que lire ? Tome III 23,00 • Que lire ? Tome VI 23,00 e • Que lire ? Tome VII 23,00 e

Port en sus: 3,00 ean Mabire a été l’un de mes par- par mes aïeux, un membre du Mouve- Il n’était ni catholique ni de droi- € rains en journalisme. Un grand ment de la Jeunesse Normande. À te, mais il avait toutes les qualités que Bon de commande frère avec qui, voilà quarante dix-neuf ans, je fus donc un moment l’on voudrait aux gens de droite qui J Nom: ______ans, j’ai fait les quatre cents coups et régionaliste et européen et cela se prétendent catholiques et aux plus encore. Je crois être un des rares déplut fort à un maître qui allait deve- Catholiques qui se disent de droite. Prénom : ______à avoir connu de manière vraiment nir un ami : François Brigneau. Mabi- Dans les difficultés quotidiennes Adresse : ______proche et intime cet homme parfois re, nous l’appelions Balder parce comme dans les terribles épreuves ______un peu distant. À Barneville-Carteret, que, comme le dieu scandinave, il que lui ont fait traverser des deuils ______était réputé pour sa bienfaisance et sa douloureux, il a été admirable de dans son Cotentin qu’il me fit décou- Code postal : vrir et aimer, nous avions, sur la plage sagesse. dignité et de courage. Ville : ______battue par une pluie grise et froides, En lui, rien de maléfique, rien de Je ne peux pas croire que le Sei- ______de longues conversations qui m’ont faux. Silencieux, il régnait sur les gneur, ne lui ait pas accordé le bon- donné la passion de la Normandie, runes. Il était un océan de bonté, un heur de retrouver les siens. Il doit bien commande les ouvrages ci-dessus de ses paysages, de ses rivages, de gentil homme au sens le plus profond, y avoir, parmi Ses nombreuses cochés et verse un chèque global (com- ses bocages, de ses paysans, de son rigoureux mais généreux, bien- demeures, une maison qui s’appelle prenant les frais de port) de histoire et de ses écrivains. veillant, patient, prévenant et d’une Breidablikk, faite de métaux précieux, ______euros à l’ordre de où Jean boit en chantant avec Jeanne, surprenante humilité, Tout de vraie l’A.A.J.M. Flaubert, Villiers, La Varende. noblesse, bourré d’humour, fin Nordhal et tous ceux qu’il a si magni- Signature : Cela finit par faire du curieux mélan- comme l’ambre, désintéressé, il fut un fiquement défendus dans ses livres. ge de Russe, de Polonais, de Hon- artisan, un travailleur infatigable, grois, d’Alsacien, de Bourguignon de d’une extraordinaire fidélité en amitié Serge de Beketch Tourangeau et de Parisien concocté et en admirations. À lire Le trentenaire du « Mabire - Ragache »

Dans les milieux du régionalisme normand, on parle du L’histoire de « L’histoire de la Normandie » « Mabire — Ragache » comme l’on disait dans les écoles de la République le « Malet — Isaac » pour désigner LE l était une fois deux amis qui trouvaient que l’histoire de leur manuel de référence du minimum culturel historique en un pays, la Normandie, méritait d’être écrite d’une manière un temps où l’on ne dénigrait pas l’histoire. Coïncidence peu originale. Jean Mabire, chroniqueur à National Hebdo et I (1) Jean — Robert Ragache, grand maître du Grand Orient ont troublante : alors que nous nous apprêtions à faire de ce fait, il y a trente ans, un pari insolite. Ils l’ont gagné puisque leur livre le thème principal de ce numéro du Bulletin des Amis commun ouvrage se voit réédité pour la troisième fois. de Jean Mabire, nous avons appris la disparition de notre ami. A l’heure du bilan d’une œuvre profuse (Ce bilan est Jamais deux sans trois. Publié en 1976 par Hachette, réédi- té en 1986 par France-Empire, L’Histoire de la Normandie de loin d’être fait !), nous pensons que cette Histoire de la Jean Mabire et Jean — Robert Ragache vient de bénéficier d’un Normandie reste un maître livre de Mait’Jean. nouveau lancement chez ce dernier éditeur, qui a choisi pour illustrer la récente couverture quelques « esnèques » de la bro- Il convenait d’en retracer la génèse. Parce que nous en derie de Bayeux, ce qui n’est certes pas original, mais a le méri- te, sous l’égide du duc-roi Guillaume le Bâtard Conquérant fûmes le témoin. Le livre fut écrit chez moi : j’y ai apporté d’unir l’aventure viking et le destin normand. Le livre était deve- ma contribution. Avec Georges Bernage. Nous nous nu introuvable, tout en bénéficiant d’une solide réputation entre souviendrons toujours de ces immenses parties de rigolade Bresle et Couesnon. On parlait du « Mabire-Ragache » comme qui ponctuèrent les quelques mois de rédaction de cet on disait autrefois le « Malet-Isaac ». Certains ont aussi décelé ouvrage. Jean-Robert Ragache, Georges Bernage et moi dans cet ouvrage un plaidoyer autonomiste et ils n’ont pas tel- lement tort. Il s’est même trouvé un contradicteur, du nom de fournissions la documentation historique, rédigions des Roger Jouet, agrégé de l’Université et représentant notoire de la notes et Jean Mabire reprenait le tout, écrivait le premier droite parlementaire dans le Calvados, pour s’en indigner au jet. Mais auparavant, il avait découpé le bouquin en nom de l’unité nationale et consacrer tout un livre à répondre chapitres, veillé à ce qu’aucune période ne l’emportât sur aux deux compères. En publiant « Et la Normandie devint fran- çaise » (Editions Mazarine, 1983) (2), ce partisan de l’annexion les autres, en longueur, en intensité… Et, ensuite, c’était la de 1204, apportait au Mabire — Ragache et aux idées défen- lecture en commun, autour d’un plat de spaghettis, au dues par leur livre, une diabolisation qui ne pouvait qu’accroître cours de laquelle la maîtresse de maison (Madame leur influence parmi de jeunes lecteurs, ravis de découvrir une Ragache ou Michèle Patte) apportait un nécessaire point histoire de leur pays peu conforme à celle qu’on leur enseignait à l’école. Comment empêcher que « nos ancêtres, les Vikings » de vue féminin… C’est là que nous prenions de soient plus exaltants que « nos ancêtres, les Gaulois »? désopilantes parties de plaisir, que nous confrontions nos parti pris évidemment caricaturés pour les besoins de la Tout commence par une rencontre chez un ami commun, cause. J’ai gardé un souvenir ébloui de cette véritable professeur d’histoire dans le secondaire et animateur depuis propédeutique, n’ayant, depuis, retrouvé cette ambiance 1968 du Mouvement Normand : Didier Patte. Mis au courant du projet d’une collection d’histoire des provinces chez Hachet- enfiévrée que lors de la rédaction de La Mâove. C’est là te par Mabire, il suggère aussitôt le nom de Ragache comme que j’ai compris ce qu’était le travail de l’écrivain. C’est là collaborateur souhaitable. Quand on a pour ambition avouée que j’ai apprécié, à la source, le talent de Jean Mabire. de rassembler tous les Normands d’aujourd’hui pour les faire Au-delà de ses facilités d’écriture (vingt à trente feuillets appareiller dans le sillage des Normands d’autrefois, on ne se soucie pas de savoir que Ragache ait milité au P.S.U. et que par jour), je ne puis celer les innombrables retouches, Mabire ait été journaliste à Minute. On pense d’abord à ce que corrections, suppressions, condensés, réécritures, car, la rencontre de deux hommes aussi différents peut représenter leitmotiv de toute l’opération, il fallait que cela eût tant de pour une Normandie souffrant de divisions qui lui sont profon- pages par chapitre, tant de chapitres sur telle période. Là dément étrangères. où nous aurions consacré moult paragraphes sur tel La Normandie exotique événement, à nos yeux, essentiel, Jean Mabire disait tout en quelques phrases, trouvait la formule-choc et nous et souterraine laissait admiratifs devant son savoir faire. Qui n’a pas vu Agrégé d’histoire; auteur d’un mémoire sur les Colonies Mait' Jean travailler ne sait pas ce qu’est l’art d’écrire. marchandes castillanes en Normandie au XVe siècle, professeur Pour commémorer ce trentenaire d’une œuvre à l’Ecole Normale de Rouen, Ragache pouvait apporter à l’opé- magistrale, nous allons publier le texte d’un article de ration tout le sérieux universitaire souhaitable. Guillaume Lenoir, paru dans « Le Choc du mois » N° 54 Ancien journaliste à La Presse de la Manche de Cherbourg, — 55, de juillet-août 1992. auteur d’un essai, Drieu parmi nous, d’un roman, Les Hors la loi, d’un récit historique consacré à Ungern, Mabire passait Avec quelques modifications pour actualiser. pour entraîner le lecteur populaire loin des sentiers battus. Qu’il finissait alors de publier les trois volumes d’un récit historique sur Didier Patte les Français engagés dans la Waffen SS importait moins pour Patte — et pour Ragache — que le fait d’avoir fondé en 1949, à 22 ans, une revue qui se nommait Viking et qui devait durer jusqu’à ce qu’il soit rappelé en 1958 comme officier de réser- ve en Algérie. La méthode de travail est vite trouvée : Le ton est donné d’une affirma- Ragache écrira, chapitre par chapitre, une sorte de résumé, tion revendicatrice qui ne va désor- un canevas, que Mabire mettra en scène. mais plus cesser. Cette Histoire de la Normandie va choisir délibéré- Comme chacun a parfois envie de faire cavalier seul, ment le point de vue normand, Ragache va évoquer la Normandie exotique et Mabire la donnant un éclairage très particu- Normandie souterraine, deux manières complémentaires lier et même particulariste sur la d’aborder le XIXe siècle, selon que l’on s’intéresse davantage Réforme, la révolte des Nu-Pieds, à l’impressionnisme ou à l’érudition. Les deux complices la création littéraire ou les loin- d’ailleurs ne vont pas dédaigner de faire appel pour leur taines expéditions maritimes. documentation à des spécialistes — et ils le signalent honnê- C’est sans doute au moment tement : ainsi Georges Bernage, animateur de la revue de la Révolution que s’exprime Heimdal pour tout ce qui se rapporte aux Vikings et Didier avec le plus d’âpreté la démarche Patte lui-même pour tout ce qui concerne Guillaume le conjointe de l’historien et du jour- Conquérant. L’équipe devrait se réunir au Val-Postel (Pronon- naliste. Tous deux se méfient des cer Pôtei plutôt que Possetele), près de BourgAchard au jacobins comme des chouans et siège du Mouvement Normand (3). célèbrent bien davantage la figu- re, girondine et fédéraliste, de Ce qui prouve que la réalité de l’influence scandinave Charlotte Corday que les extré- en Normandie était jusque-là assez dispersée. D’avoir ren- mistes, partisans de la terreur forcé les vieilles tirades romantiques sur les Vikings par une rouge ou blanche. vision plus argumentée ne pourra surprendre que ceux qui Le chapitre sur le renouveau considèrent encore les hommes du Nord du Xe siècle régionaliste, tout au long du comme des « Barbares ». Quant à l’épopée de Guillaume, XXe siècle apporte ce qui sera pour qui oserait l’amoindrir ? Tout se gâte avec les Plantagenêt. beaucoup des révélations, souvent Ce n’est pas la faute des Normands si ces souverains « hor- pittoresques et parfois émouvantes. Le Souvenir Normand, le zains » se sont révélés incapables d’empêcher la première « Bouais Jan », le Millénaire de 1911, tout cela poursuit annexion française de 1204. Si l’éclairage de ce livre l'œuvre entreprise au siècle précédent par l’Association Nor- apporte quelque chose de neuf et aussi d’utile, c’est qu’il mande et Arcisse de Caumont. refuse tout manichéisme. Mabire et Ragache montrent avec Plus important qu’une série de manifestations, apparaît objectivité ce que furent les choix de la collaboration et de peut-être le témoignage d’un indéniable inconscient collectif, la résistance au temps de la guerre de Cent Ans. Leur juge- que l’on peut déceler dans l’œuvre des écrivains et des pen- ment sur Jeanne d’Arc ne correspond en rien à l’hagiogra- seurs politiques. L’essentiel du Mabire-Ragache est sans phie chauvino-sulpicienne : « Jeanne n’appartient plus au doute considéré dans le dernier chapitre, qui montre une domaine de la raison mais à celui de la foi : envoyée par étrange permanence à travers un tempérament, dont on Dieu et ses anges pour les Français, mise sur la terre par retrouve l’expression chez des hommes aussi différents que Satan pour les Anglais. De toute façon, en cette époque où Tocqueville, Gobineau, Barbey, Le Play, Georges Sorel, Cou- les esprits s’enthousiasment et déraisonnent, elle apparaît bertin ou Alain, pour n’en citer que quelques-uns. marquée d’un « signe ». Elle devient miraculeuse ou diabo- Il est révélateur que les auteurs de cette Histoire de la lique. Elle cristallise l’amour ou la haine. Sans s’en douter, Normandie terminent leur livre en s’attachant à deux écri- le roi de France Charles VII, le gentil dauphin, vient de vains que la dernière guerre plaça dans des camps enne- déclencher la plus fantastique « arme psychologique » de mis : et Jean Prévost. Il est sans doute l 'histoire des guerres ». inconcevable hors de Normandie que Mabire et Ragache se réclament l’un comme l’autre non des idées, mais de la Notes Droits et libertés des Normands démarche de ces deux Normands, dont le premier se suici- da après avoir choisi la Collaboration et dont le second tomba dans les rangs de la Résistance. Rapprocher ces deux (1) La vérité oblige à dire qu’à Plus attirés par les Bourguignons que par les Arma- écrivains peut apparaître sacrilège et scandaleux. Comme l’époque ni Jean Mabire, gnacs, Mabire et Ragache se soucient avant tout des peut apparaître scandaleux à tous les sectaires que deux ni Didier Patte savaient « droits » et libertés des Normands. Ils dénoncent l’abso- hommes qui ne devaient rien renier de leurs engagements l’engagement de Jean- lutisme et tiennent Louis XI pour responsable de la réduc- personnels passés, présents et futurs, se soient parfaitement Robert Ragache dans cette tion de leur pays : « Louis XI reçoit donc l’anneau d’or, entendus pour nous donner, souvent avec ardeur, toujours société de pensée… Ce symbole même de l’indépendance, puis de l’autonomie, avec tendresse et parfois avec humour, une vision de leur qui, d’ailleurs, n’aurait d’une nation qui n’a jamais cessé d’être travaillée par la pays, conforme non à la sous-culture journalistique et univer- rien changé… volonté de puissance, l’esprit d’entreprise, le goût de la sitaire, mais à ce qu’ils croient être la vérité régionale et un liberté. Il semble que cet emblème de la grandeur norman- refus d’y mêler des jeux politiques étrangers. Il faut avouer (2) « Et la Normandie devint de brûle les doigts du roi. Alors, il donne un ordre. Les que la décentralisation dont on parle tant, consiste surtout à française » a été réédité Normands n’oublieront jamais cette date. Le 9 novembre décentraliser la culture parisienne et la politique partisane. récemment aux éditions 1469, en séance de l’Echiquier de Normandie à Rouen, O.R.E.P. (15, rue de Large- le connétable de Saint-Pol, au nom du roi de France, place Le refus de la « partisanerie », voilà qui peut surprendre rie — 14 480 Cully) l’anneau ducal sur une enclume. Puis, à coups de marteau quand on connaît mal Jean Mabire ou Jean — Robert rageurs, l’anneau d’or est brisé. Il n’y a plus de duché. La Ragache. Pour mieux les connaître, il faut mieux connaître (3) Depuis, le siège du Mouve- Normandie devient véritablement une « province », c’est- leur pays. La Normandie, qui commence à moins d’une ment Normand est situé au à-dire un pays vaincu. Elle passe sous la domination direc- heure de voiture de Paris, n’a pas fini de surprendre. Gab, rue de la Maison te du pouvoir central. Les régimes qui se succèderont à Forestière, Les Bruyères, Paris ne seront plus, désormais, que les héritiers de la Guillaume Lenoir 27 290 Ecaquelon. monarchie centralisatrice et absolue de Louis XI. » Appel à toutes les bonnes volontés…

… et aux Amis qui « chi- nent » dans les brocantes, chez les bouquinistes : ache- tez les ouvrages de Jean Mabire que seriez amenés à découvrir : nous sommes pre- neurs ! Écrire à l’A.A.J.M. - BP 6. 27 520 Boissey-le-Châtel.

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