Wong Kar-Wai
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u début des années 1990, Wong Kar-wai L’ADRC présente s’impose comme un cinéaste singulier, alliant en partenariat avec Ala modernité de la forme – découpage éclaté, ARP Sélection image stylisée – à une réflexion mélancolique sur la à l’occasion du uérin g mémoire et le désir. Incarnant le renouveau du ciné- festival Lumière ma de Hong Kong, son style va susciter une cohorte © Nicolas © Nicolas d’admirateurs et d’imitateurs. D’abord apprécié par un public de cinéphiles et de festivaliers qui accla- ment Nos années sauvages (1991) ou Chungking express (1994), récompensé par le prix de la Mise en scène au Festival de Cannes en 1997 pour Happy Together, il accède à une reconnaissance interna- tionale avec le succès public d’In the Mood for Love (2000). Cette rétrospective des films des premières années est proposée par ARP Sélection, avec le soutien de l’ADRC, à l’occasion de la remise du Prix Lumière à Wong Kar-wai dans le cadre du festival Lumière 2017. WoNg KAR-wai LA RÉVoLUTIoN 王家衛 Les Cendres du temps NoS ANNÉeS SAUVAGES LeS CeNDReS DU TeMPS AH feI zHeng zHuan onçu à l’origine comme une fresque en deux parties Dung che sai DuK our son troisième film, Wong Kar-wai décide de Hong Kong • 1990 • 1h34 • sur les années 1960, Nos années sauvages affiche Hong Kong • Taiwan • 1994 • donner sa vision du wuxiapian, le film de sabre couleurs • Visa n° 88.746 Ctrois grandes stars du cinéma hongkongais et un 1h33 • couleurs • Pchinois en s’inspirant d’un classique de la litté- Réalisation : Wong Kar-wai budget conséquent. Mais le film est un échec commercial, Visa n° 88.117 rature, La Légende du héros chasseur d’aigles, de Jin Scénario : Wong Kar-wai, il n’y aura donc pas de seconde partie. Réalisation : Wong Kar-wai yong. Le cinéaste conte ici la jeunesse de deux person- Jeffrey Lau Wong Kar-wai se joue ici de toutes les conventions narra- Réalisation & scénario : nages vieillissants. Photo : Christopher Doyle tives. Avec dextérité, il délaisse yuddy pour s’attarder sur Photo : Christopher Doyle Les Cendres du temps interroge les questions du double, Musique : Terry Chan; les autres personnages, il joue avec le rythme (scène de Musique : frankie Chan, de l’identité, du temps, des amours lointaines, du rejet et Xavier Cugat, Anita Mui violence après des moments contemplatifs), il insère des Yo-Yo Ma surtout de la mémoire comme « source de tourment ». Montage : Kai Kit-wai, plans de forêts luxuriantes, une fin elliptique, un person- Montage : Patrick Tam, Continuant son entreprise de déconstruction des codes Patrick Tam nage inexpliqué… Cela pourrait égarer le spectateur, et William Chang, Kai Kit-wai, narratifs, Wong Kar-wai écrit un film fragmenté, où Décors : William Chang pourtant l’envoûtement est total. Kwong Chi-leung chaque pièce voit pourtant sa cohérence progressive- ment révélée. Les retours en arrière sont labyrinthiques, Interprètes : Wong Kar-wai n’a pas reconstitué les années 1960, il a Décors & costumes : Leslie Cheung, filmé ses souvenirs fantasmés d’une époque. Dans ce William Chang la logique onirique, mais le charme est hypnotique. Maggie Cheung, Yuddy (Leslie Cheung), jeune homme au charme insolent, Hong Kong imaginaire, il entremêle les histoires et les Interprètes : Feng (Leslie Cheung), élevé par son frère, a toujours eu Visuellement, Les Cendres du temps relève de la pein- Andy Lau, enchaîne les conquêtes. Il séduit Su Li-zhen (Maggie destins de quelques Leslie Cheung, pour ambition de devenir maître dans l’art de manier ture figurative. La photo signée Christopher Doyle est Carina Lau, Cheung), serveuse dans un stade. Quand celle-ci lui parle personnages qui se Tony Leung Ka-fai, le sabre. Entre la femme qu’il aime (Maggie Cheung) et d’une audace extraordinaire : éclats de couleurs, grain, Rebecca Pan, mariage, il met un terme à leur relation et séduit alors cherchent, se croisent, Brigitte Lin, les arts martiaux, il choisit ces derniers. Elle choisira texture, contrastes… Joignant la recherche formelle Jacky Cheung, Charlie Young, une danseuse, Mimi (Carina Lau). Mais la seule femme se manquent et qui sont d’épouser son frère. Feng s’exile alors dans le désert, où (travail sur le cadre, les plans - non sans référence aux Tony Leung Chiu-wai Tony Leung Chiu-wai, qu’il souhaite réellement revoir est sa mère biologique infiniment seuls. entre Maggie Cheung, depuis son auberge, il engage des tueurs afin d’exécuter westerns de Leone) à une puissance d’évocation remar- dont il ne sait pratiquement rien. présent et passé, Nos Jacky Cheung des contrats. quable, Wong réinvente le film de sabre et signe une années sauvages est élégie de l’amour perdu. un film de sensations. PReMIÈReS ANNÉeS La chaleur, le mambo, vec Nos années sauvages, Wong Kar-wai lâche une véritable bombe, brisant tout la peau, la pluie, les Le GeNRe RÉINVeNTÉ sons d’horloge, la lan- Aà la fois les stars, la mémoire et le rythme d’habitude acceptés par le public. Le es films d’arts martiaux traditionnels ont pour but de stimuler les sens du specta- gueur, la mélancolie, la film est un chef-d’oeuvre, peut-être le plus important de la décennie à Hong Kong. teur. Je voulais qu’ils soient davantage un moyen pour exprimer les émotions des sensualité, la fuite du L Wong portera l’échec cuisant du film durant près de trois ans. C’est désormais un personnages. Tsui Hark avait repris la tradition des arts martiaux à l’écran, si bien temps se ressentent. cinéaste maudit, une image qui lui sied à merveille et qui va le pousser à s’engager illustrée auparavant par King Hu avec d’extraordinaires ballets dans les airs, les comé- Avec un soin infini porté dans la mise au point d’une œuvre définitive sur le cinéma chinois : un wuxia pian diens étant suspendus à des fils. Lorsque j’ai décidé de tournerLes Cendres du temps, au cadre et à la couleur, (film de « chevaliers errants »). en s’immergeant totalement dans la tradition, Wong j’étais résolu à ne pas suivre ce filon qui me paraissait mort. À l’exception de Brigitte Wong Kar-wai réussit sera toujours déchiré entre le cinéma européen et celui de ses origines, entre la fas- Lin, dont les actions sont exagérées, je voulais que les autres comédiens combattent au à filmer l’infilmable : cination et le refus. Cette démarche courageuse va exploser avec deux films tournés sol, que leurs duels donnent une impression de réalité, et non d’artifice. coup sur coup : Les Cendres du temps et Chungking Express l’attraction de deux Wong Kar-wai, entretien avec Michel Ciment, Positif, n° 410, avril 1995. Julien Carbon, Positif, n° 410 avril, 1995. peaux. Chungking exPRess LeS ANgeS déchus CHONGQING SeNLIN ubmergé par les contraintes des Cendres du temps DuoluO Tianshi hungking Express devait raconter trois histoires : Hong Kong • 1994 • 1h42 • dont le tournage est alors arrêté, Wong Kar-wai Hong Kong • 1995 • 1h36 • celle de la femme à la perruque blonde, celle de la couleurs • Visa n° 87.620 Sest en profonde crise créatrice. Ayant besoin de couleurs • Visa n° 91.340 Cfemme brune et celle du tueur. Wong Kar-wai choi- Réalisation & scénario : retrouver énergie et instinct, il décide de se lancer dans Réalisation & scénario : sit, afin de réduire la durée du film, de retirer l’histoire Wong Kar-wai la réalisation d’un film court, rapide, contemporain, sans Wong Kar-wai du tueur qui devient le point de départ des Anges déchus. Photo : Christopher Doyle, moyens : il écrit le jour et tourne la nuit, dans une quasi- Photo : Christopher Doyle Les Anges déchus a une structure narrative éclatée, où Jeffrey Lau immédiateté. Musique : frankie Chan, les histoires parallèles finissent par s’entrecroiser. Le Musique : frankie Chan, « Un garçon aime une fille, une fille aime un garçon. ». Roel A. Garcia, cinéaste saisit ici la désintégration des liens humains. Roel A. Garcia ; The Mamas Chungking Express est construit sur un diptyque deux his- Massive Attack, Plus qu’il ne conte une histoire, il capte des moments, and the Papas, faye Wong toires de flics malheureux en amour, deux récits indépen- Marianne faithfull, des instants. Dennis Brown, dants et complémentaires, liés entre eux par des person- Laurie Anderson, Dinah Washington, The flying Pickets Wong Kar-wai pousse plus loin encore sa recherche nages et des lieux communs. Une histoire se termine par Michael Galasso. Montage : William Chang visuelle et graphique et joue avec le temps : mouvements une rencontre, laissant place à la seconde, qui elle débute décomposés, accélérés ou ralentis, objectif grand angle, Montage : William Chang, Décors & costumes : par une autre déformation, montage cut… L’ambiance est claustro- Kai Kit-wai, William Chang Kwong Chi-Leung Un jeune flic, matricule 223 (Takeshi Kaneshiro), ne se rencontre. Un tueur professionnel (Leon Lai) veut raccrocher. Son phobe et l’atmosphère oppressante. remet pas de sa rupture avec May. Noyant son chagrin Chungking Interprètes : associée (Michelle Reis) rêve qu’il tombe amoureux Décors & costumes : Leon Lai, Les Anges déchus est un film mystérieux, excitant, dans un bar, il décide de tomber amoureux de la pre- d’elle. L’homme décide de s’installer avec Punkie (Karen William Chang Express est Takeshi Kaneshiro poignant, particulièrement ambitieux et d’une extrême Interprètes : mière femme qui entrera dans l’établissement (Brigitte un film léger, Charlie Young, Mok), jeune fille qu’il rencontre dans un bar. Parallèle- modernité. Une fantasmagorie macabre à la beauté Brigitte Lin Lin). De son côté, un autre flic, matricule 663 (Tony Leung rapide, émou- Michelle Reis, ment, Ho (Takeshi Kaneshiro), jeune homme muet, vit mélancolique. Tony Leung Chiu-wai Chiu-wai), se rend tous les jours au Midnight Express vant et fataliste, Karen Mok d’arnaques et tombe amoureux de Cherry (Charlie Young) faye Wang pour acheter une chief salad pour sa petite amie hôtesse sous le signe qui, elle, ne pense qu’à celui qui l’a quittée.