ê>alcscf)cs

par OLIVIER VERCHAIN Maire de Salesches

Dimanche 18 Mai 1969

En souvenir de mon père Olivier Verchain qui avait tant aimé Salesches

PRÉFACES

LE PRÉFET DE LA RÉGION DU

Lille, le 5 décembre 1968

Faire œuvre d'historien n'est jamais chose aisée, le faire avec modestie est plus difficile encore. M. Olivier VERCHAIN se défend d'être historien. En toute humilité il se retranche derrière les grimoires et les archives, et cependant, au fil des pages, le miracle s'accomplit, nous voyons Salesches vivre sous nos yeux. Nous voyons ce petit village naître, grandir, se développer, lutter jours après jours, d'abord pour son existence ensuite pour accroître son bien- être. Ici pas de grands mots, pas d'actions éclatantes ou de faits héroïques, mais la réalité quoditienne, les peines et les joies d'une population humble, laborieuse, qui, à force de courage a su façonner un pays. A une époque où tout change de plus en plus vite, où l'on se donne des buts sans cesse plus ambitieux, il est récon- fortant de constater que l'un des plus jeunes maires de n'hésite pas à célébrer les discrètes, mais solides, ver- tus du terroir. L'ouvrage de M. VERCHAIN est digne de figurer dans les meilleures bibliothèques d'histoire locale. Sa documentation est vaste, la méthode qui a présidé à son élaboration est rigoureuse, mais, au-delà de l'intérêt scientifique, pourtant certain qu'il présente, ce livre peut être compris comme la chronique des générations successives de Saleschois qui, par un travail tenace et souvent obscur, ont su créer une véritable communauté, faire d'un simple rassemblement d'hommes un village, une « petite patrie ». Au-delà de l'édification matérielle de la commune, c'est son âme que le lecteur voit se former au fil des siècles. Chaque progrès ne fait que renforcer l'unité du petit groupe, chaque génération cimente un peu plus la cohésion, les familles s'en- racinent comme celle de l'auteur dont on retrouve la trace pendant onze générations consécutives. M. Verchain avait donc, plus que nul autre, le droit et le devoir d'écrire l'histoire de son village. Il s'en est acquitté avec conscience et talent. Par ailleurs, il n'a pas voulu entre- prendre cette œuvre à des fins personnelles : désirant lui aussi travailler pour sa communauté, il a décidé de consacrer les fruits de nombreuses heures d'études pour réunir les fonds nécessaires à la reconstruction de ce qui est le symbole même du village : son clocher. Tant de patience, de courage, de talent ne doivent pas avoir été dépensés en vain et c'est pour cela que nous souhaitons à l'ouvrage de M. Verchain l'audience qu'il mérite : la plus large.

P. DUMONT ARCHEVÊCHÉ DE

Monsieur le Maire,

J'ai lu avec intérêt les pages que vous avec écrites avec une grande conscience et une large érudition sur l'histoire de Salesches dont vous êtes aujourd'hui le maire. Cette histoire est liée à celle de l'abbaye de Maroilles dont jadis dépendait Salesches ; elle est liée aussi à celle des évêques de Cambrai qui furent longtemps protecteurs de cette abbaye. Le lecteur de votre ouvrage est dans l'admiration devant la somme de travaux que vous avez accomplis, en consultant livres et archives, devant le nombre de détails de tous genres que vous avez pu trouver sur les événements, les lieux et les hommes de cette longue histoire dont il importe que nous gardions la mémoire. Nous sommes trop ignorants de tout ce passé, dont nous dépendons nous-mêmes, et je suis sûr que beaucoup de vos concitoyens auront plaisir à connaître bon nombre de ceux qui nous ont précédés en notre région. En bon administrateur, vous vous êtes intéressé aussi aux impôts de ces temps anciens et vous avez pu constater que la dîme abbatiale ou épiscopale pesait moins lourd que les redevances actuelles... Nous vous remercions, Monsieur le Maire, de contribuer, non seulement par votre charge, mais aussi par votre culture intellectuelle et historique, à resserrer les liens entre le passé et le présent, entre l'Eglise et notre monde d'aujourd'hui. SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE DE L'ARRONDISSEMENT D'AVESNES Fondée le 21 Août 1831 Autorisée 16 22 Novembre 1851 Déclarée le 23 Novembre 1904

Reconnue d'Utilité Publique par Décret d. 19 Décembre 1926 Avesnes, le 7 novembre 1968

Monsieur le Maire,

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les premiers chapitres de votre monographie de Salesches, et souhaite vivement connaî- tre les suivants. C'est un travail très sérieux, qu'il faut abso- lument publier : car il s'agit là d'une contribution importante à l'étude du passé de nos villages. Je vous félicite très sincè- rement et voudrais que tous les maires de notre arrondisse- ment s'intéressent comme vous à l'histoire de leur commune. S'il pouvait être suivi J... J'ai confronté vos documents avec mes fiches : ils sont venus les compléter utilement. Voici quelques idées que je vous soumets : En ce qui concerne l'étymologie, je crois qu'il faut abandonner toutes les anciennes explications, qui sont aujour- d'hui périmées, pour ne retenir que l'origine des « saules ». S'il m'est permis de me citer moi-même, voici ce que j'écris dans mon glossaire toponymique de l'arrondissement. « Dom Grenier, dont l'hypothèse a été reprise par Mannier, fait un gros effort pour tirer Salesches de Senani, nom donné aux druides par les Romains. La forme qui justifierait cette éty- mologie un peu volutée, serait celle de Senlecis qu'on trouve en effet dans un texte de 1133. Mais il n'y pas lieu de s'ar- rêter à cette forme bizarre, et bien déformée. Avant le XIIe siècle, Salesches avec quelques variantes d'orthographe avait sa forme actuelle. Les actes du VIlle siècle mentionnent Senlèche ; d'autres, de la fin du même siècle, orthographient Saleiges. L'étymologie n'est pas tellement difficile à trouver. C'est un des dérivés du latin salix, saule, qui a donné dans le latin de la décadence la forme Salicium, concurremment avec celle de Salicetum. Salicium a donné Salesches, comme Maricium (le marais) a donné . Un lieudit qui fut le berceau du village, confirme cette étymologie. Le prieuré de l'abbaye de Maroilles où mourut en 882 saint Quinibert, fut bâti au lieudit Saussoy. Saussoy est la forme romanisée de Salesches, parente de Saulcy, Sauchy, Saussay, Saulchoy, Sauzet, Saulx, Sausseux, Sausseuzemare, la dernière représen- tant un bas-latin « Saliceosa mara... ». A propos de la brasserie, je trouve dans mes fiches un état de la régie pour 1750 où Salesches est indiqué, avec une brasserie, 3 cabarets à bière, 1 débit d'eau-de-vie et 45 mai- sons. Avez-vous exploré aux Archives départementales la série H ? On y trouve sous le n° 59 H 136 un plan de la cense du Maisnil. Il y a encore d'autres documents que je trouve dans le répertoire : 4-49-86 ( biens de sainte Elisabeth du Quesnoy, 59.4.67.68.135.136, biens de l'abbaye de Vicoigne), des docu- ments sur les dîmes et la mention d'un « Jean d'Esclaibes, seigneur de Salesches »... Tout cela pour vous montrer que j'ai lu votre ouvrage la plume à la main, ce qui est la bonne méthode pour s'ins- truire, et on n'a jamais fini de le faire. Croyez, Monsieur le Maire, à mes sentiments tout dévoués.

Jean MOSSAY SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DE L'ARRONDISSEMENT D'AVESNES Avesnes, le 6 décembre 1968

Monsieur le Maire,

Je continue à lire avec beaucoup d'intérêt votre histoire de Salesches, et je souhaite beaucoup de succès à votre excel- lente initiative. Evidemment, votre histoire se confond avec celle de l'ab- baye de Maroilles ; et sur les premiers seigneurs de Salesches, il est difficile d'ajouter quelque chose au beau travail de Michaux. Vous avez bien fait de le résumer. Comme d'usage, il vous suffira d'indiquer les références : « L'abbaye de Maroilles par Michaux — Mémoires de la Société Archéolo- giques d'Avesnes, tome IV ». Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l'expression de mes sentiments dévoués.

Jean MOSSAY LES ORIGINES DE SALESCHES

ETYMOLOGIE

1. On écrivait autrefois « Senle- ches », c'est le même nom que Senlecques, village du Pas-de-Ca- lais, appelé Sénélecke dans le cartulaire de l'abbaye de Saint- Bertin. Dom Grenier fait venir Senle- ches et Senlecques de Sénani, nom donné aux Druides ou grands prêtres des Gaulois sous la domination romaine. « Les Druides, pour ne pas faire ombrage aux Romains, leurs maî- tres, qui voulaient proscrire et leur nom et leur religion, chan- gèrent leur ancien nom en celui de Sénani, du mot Séna, île voisine des Gaules, habitée par des espèces de Vestales, ce qui a donné lieu d'appelé Sénante les lieux habités par les ministres de la religion gauloise, d'où nemeto senarum, temple des Senes, Senlecques et sans doute Seninghem. (Dom Grenier, Introduction à l'Histoire de Picardie.) »

2. On a appelé aussi Senes les Saxons, et ce nom de peuple peut aussi bien que celui de Senantes se trouver dans Seninghem, Senelecke, Senleches. (E. Mannier, Etymologie des noms de villes...)

3. Senelecke, Senleches pourraient encore être comparés à Senlis, Sylvanectum qui rappelle une situation dans un bois, dans une forêt.

4. Pour beaucoup, Salesches évoque l'idée de saule (du latin salix). La saulaie ou saussaie est un lieu planté de saules. En notre patois, le nom de Salinque est donné à une espèce particulière de saules qui croît abondamment le long du rio Saint-Georges. D'après M" Mossay : « Salesches vient de saule... un lieu- dit, qui fut le berceau du village, confirme cette étymologie. Le prieuré de Maroilles où mourut en 882 saint Quinibert, fut bâti au lieudit Saussoy. Saussoy est la forme romanisée de Salesches. » Ce lieudit Saussoy où fut bâti le prieuré se trouvait à l'emplacement actuel de l'église, en retrait du village qui était alors au Viterland. N'est-ce pas tout simple- ment la première orthographe de Salesches ? Saussoy (la saussaie) que Michaux traduit par « », serait alors le premier nom de Salesches. FORMES DIVERSES DU NOM DE SALESCHES

SAUSSOY, 882, Où mourut saint Quinibert (Me MOSSAY). SINELICIA, 1131, Charte de l'évêque LIÉTARD. SENLECIS, 1133, Cartulaire de l'Abbaye de Vicogne. SENLECIE, 1164, Titre de l'Abbaye de Honnecourt. SENLECES, 1186, Cartulaire de l'Abbaye de Vicogne. SENLESCHES, 1186, Jacques de GUYSE, Ann. du Hainaut. SENLESCES, 1203, Cartulaire de l'Abbaye de Maroilles. SAINLECHES, 1349, Cartulaire de l'Abbaye de Maroilles. SANLECCES, 1349, POUILLE DE CAMBRAI. SANLECHIES, xive siècle, Statistiques archéologiques du Nord.

SANLEICHE, 1455, Cartulaire de l'Abbaye de Maroilles. SANLEICES, 1456, Cartulaire de l'Abbaye de Maroilles. SALEISCHES, 1484, Jacques de GUYSE, manuscrit de .

SAILESCHES, 1485, Cartulaire de l'Abbaye de Maroilles. SENLEISCHE, 1678, Ciboire découvert en 1956 par l'au- teur. LES ORIGINES DU VILLAGE

Au temps de la Gaule indépendante, notre région était occupée par diverses peuplades dépendant des Belges : les Ner- viens étaient de beaucoup les plus nom- breux : ils étaient installés à l'est de l'Es- caut, leur capitale était . Entre l'Es- caut et la Lys vivaient les Atrébates, et de la Lys à la mer, les Morins et quelques Ménapiens, avec Cassel comme capitale. La région offrait l'aspect d'une contrée triste, couverte de bruyères et de forêts. Les familles se groupaient près des cours d'eau et s'abritaient dans des huttes de bois ou de terre ; des peaux étendues à terre ou une couche de feuillages leur servaient à la fois de siège et de lit. Les habitants étaient courtois et hospitaliers ; l'hydromel tenait lieu de vin et la même coupe servait à tous ; on fabriquait déjà des toiles de lin et on exploitait des mines. Quand César entreprit la conquête de la Gaule (61 à 59 avant Jésus-Christ), les populations du Nord résistèrent cou- rageusement. Il faut citer en particulier les Nerviens qui se firent tuer sur place. Les Morins, eux, se retirèrent dans les bois et il fallut plusieurs campagnes pour en venir à bout. Rome apporta à la Belgique sa civilisation dont on a retrouvé des traces intéressantes (musées de , , Bavay et Mons). La région était alors traversée par une route d'importance capitale allant de Trèves et Cologne vers Bavay, Arras, Thérouanne et la Grande-Bretagne. M. Boulangé, maire de Salesches, conseiller général du Nord, en faisant des fouilles vers 1900, sans doute à la recher- che du « veau d'or » qu'on a cherché longtemps dans notre région, a découvert sur ses propriétés du Mesnil des vases anciens et une statuette de Mars, dieu de la guerre ; il aurait voulu en faire don au musée de Valenciennes, mais ils tom- bèrent en poussière dans les mains des ouvriers. Sur les « Dix », on a découvert aussi diverses poteries, sta- tuettes qui rappelleraient la domination romaine. Le Mesnil et le Viterland ont sans doute été les premiers endroits habités du village ; en effet c'est auprès de ces deux seules sources de la région, sur le bord de la rivière que nos ancêtres durent s'établir. Le sanctuaire actuel de N.-D. des Prés dont l'origine qui remonte à la nuit des temps, nous est inconnue, a vraisemblablement été dédié à la Vierge Marie par les premiers missionnaires pour remplacer un culte aux divinités païennes établi au bord de la fontaine en ce lieu prédestiné. Il nous est facile d'imaginer dans cet endroit qui a gardé son caractère sauvage et primitif la cueillette du gui par les druides aux serpes d'or... Le chemin du Cateau qui franchit le rio Saint-Georges au gué du Viterland est incontestablement le plus vieux chemin de Salesches, sinon le premier. En ligne droite, il relie au Cateau-Cambrésis. Les légions romaines ont sûre- ment remonté ce chemin pittoresque lors de la conquête, quand les Nerviens furent anéantis en 57 avant J.-C., dans la région de -Bavay. D'aucuns ont voulu situer le lieu de cette bataille à Maroilles à cause de l'étymologie de ce nom, « Maro Ialo » en gaulois, la vaste clairière, dont a parlé Jules César dans le « Commentaire de la Guerre des Gaules ». Puis le Nord fut envahi par les Francs ; à l'avènement de Clovis, ils occupaient toute la région et la totalité de la Belgique. Dans la partie flamande du département du Nord, ils absor- bèrent la population. Dans notre région qui avait une population romanisée très importante, ils se plièrent aux coutumes des indigènes et parlèrent leur langue, qui devint par la suite une langue romane. Le pays traversa ensuite une longue période calme pendant laquelle il fut évangélisé. Si en 346, l'évêque des Nerviens, Supérior, y annonçait l'Evangile, ce n'est vraiment que vers 652, lors de la fondation de l'abbaye de Maroilles par saint Humbert, premier abbé de Maroilles et premier Seigneur de Salesches, que l'on peut être sûr de l'évangélisation de notre village. A cette époque si l'agglomération du village se trouvait au Viterland, au bord du seul chemin de l'époque, près de la fontaine et de la rivière, les premiers moines envoyés chez nous avant saint Quinibert, se retirèrent à l'écart du village, vers l'endroit où se trouve actuellement l'église de Salesches. On peut penser que peu à peu au cours des siècles les maisons se construisirent autour de l'église et du prieuré des moines, et le village qui se trouvait sans doute à l'origine au Viterland se reforma à sa place actuelle. Cela expliquerait l'étymologie de Viterland : le pays du père (en allemand : Vaterland : la patrie). D'autres préfèrent Witerland : le pays de l'eau (en anglais : Waterland), à cause de l'ancienne ortho- graphe Witerland que nous avons retrouvée dans les nom- breux écrits anciens. Quand les calvaires furent édifiés à l'entrée des villages, c'est sur le bord du chemin du Cateau, la seule grande route de l'époque, qu'ils furent bâtis, celui de Salesches, ceux de Neuville, de Vendegies attestent bien de l'authenticité du chemin du Cateau. On trouve à Salesches deux souterrains qu'on ne peut visiter que prudemment, et quelques traces d'anciennes cons- tructions, d'ossuaires, etc... sans qu'il soit possible de fixer l'époque à laquelle cela remonte : Deux souterrains s'ouvrent dans la ferme Delcroix, située sur la place, autrefois propriété des moines de Maroilles, seigneurs de Salesches. L'un va vers le moulin, traverse la rue Jonas, passe sous la cave d'Eugène Tanis, charron, grand-père des propriétaires actuels Ch. et F. Roland, longe la ruelle du Moulin et aboutit aux vastes caves de cet établissement (les meuniers en ont muraillé l'accès de ce côté). L'autre a son entrée au-dessous du pignon qui forme la face principale de l'habitation et se dirige vers le presbytère actuel situé sur l'emplacement de l'ancien fort. Lors donc qu'au temps des hostilités, qui furent si funestes à la commune, les habitants se réfugiaient dans le fort ; ils pouvaient, grâce à ces souterrains, se ravitailler, renouveler leurs munitions de guerre, recevoir du renfort ou faire une sortie pour mettre entre deux feux l'ennemi occupé au siège de la place fortifiée. Anciennement, et bien avant la construction du fort, Sales- ches, frontière du Hainaut, était protégé contre l'invasion de l'ennemi par un « camp ». Ce camp gardait l'entrée du vil- lage, au Viterland, sur la seule route praticable de ce temps-là, la route du Cateau-Cambrésis au Quesnoy. Les pâtures qui se trouvent à gauche, au-delà de la rivière Saint-Georges en entrant sur le territoire (aujourd'hui) de Neuville, s'appellent encore « Le Camp ». Il devint, on ne sait pourquoi, la pro- priété des seigneurs de Haucourt (canton de Clary)... « Regnault, sire de Haucourt, possédait le « Camp de Sen- léces », qu'il vendit en 1412 à l'abbaye de Saint-Aubert. » Sur le « Fief » on voyait encore il y a cent ans les ruines d'une maison, où durant la Terreur les fidèles, selon le récit des gens du temps, se rassemblèrent plusieurs fois nuitam- ment pour assister à la messe et recevoir les sacrements. En face du portail de l'église, en creusant les fondations de la maison sise contre le cimetière, on a mis au jour des ossements humains en si grande quantité que deux tombe- reaux n'ont pas suffit à les emporter. On a retrouvé encore de ces ossements, en moindre quan- tité mais avec des armes anciennes, au Viterland et dans les terrains qui avoisinent la place... Salesches a tant de fois reçu les armées belligérantes, qu'il est même étonnant qu'on n'y trouve pas davantage de ces fosses communes où l'on jetait pêle-mêle les morts relevés sur les champs de bataille ! Dans la cour de la maison, anciennement Moguet-Lhussiez sur la place, sur l'emplacement d'anciens bâtiments, un affais- sement de terrain s'est produit, une voûte s'était effondrée. On se trouva en présence d'une cave, en forme d'entonnoir renversé, ayant 2 m 50 de diamètre à la base et 3 à 4 mètres de profondeur. Dans le fond, sur le côté, une ouverture donnait communication à une seconde cave semblable à la première, sa partie supérieure débouchait dans la cheminée de la maison qui vient de disparaître. On pouvait donc y faire du feu sans attirer l'attention du dehors. De fait, cela eut lieu, car il y avait des traces de fumée sur les pierres et des cendres. On croit ici que ces caves ont servi de refuge au temps des guerres ou de la Révolution. LES SEIGNEURS DE SALESCHES

LES SEIGNEURS DE SALESCHES

Le miracle de Saint Humbert

CHRONOLOGIE HISTORIQUE DES ABBÉS DE MAROILLES EN H AIN AU T, SEIGNEURS DE SALESCHES (1)

LES ORIGINES Au commencement de la seconde moitié du vu6 siècle, on voyait dans une profonde solitude, à gauche et à proximité de la Petite Helpe, non loin de l'endroit où cette rivière se jette dans la Sambre, un petit monastère que le fondateur avait fait bâtir en ce lieu isolé, vers l'an 652, et qu'il avait doté de quelques biens productifs. On attribue l'origine de cet établissement religieux à Cone- bert, Chonebert ou Chômbert, ou Robert, ou Rodobert, comte de , qui l'avait établi dans une localité de son comté, et qui était nommée Mariliae, Mareliae, Mariliacum, Mari- colae, Marigilum, selon d'anciennes chartes, et en romain Marolles ou Maroilles. Le comté de Famars ou Pays de Famars comprenait au VIle siècle Valenciennes et ses dépendances, et s'étendait au

(1) D'après « l'Abbaye de Maroilles » par Michaux, Mémoires de la Société Archéologique d'Avesnes. Tome IV. sud-est jusque vers le lieu où fut bâtie plus tard la ville d'Avesnes... Salesches était compris dans ce comté, et Maroil- les aussi. Mais on ignore quels étaient les domaines dont Chonebert avait disposé en faveur de sa Maison, ni même si parmi ceux de sa fondation se trouvait l'« alleu » de Maroilles, dont Sales- ches faisait vraisemblablement partie. Si l'on s'en tenait au nom de cet alleu, qui au Moyen-Age était appelé la « terre de Monsieur Saint-Humbert de Maroilles », il faudrait bien admettre qu'il provient de l'héritage de ce saint personnage devenu le patron, le premier abbé et le bienfaiteur de l'abbaye de Maroilles. C'est que, avant lui, on ne connut jamais ni abbé, ni admi- nistrateur quelconque, institué par le fondateur pour diriger cet établissement. Par un acte du 15 des calendes d'avril (18 mars 671), Cho- nebert dota généreusement le monastère de Maroilles et déclara les moines maîtres et seigneurs en leurs terres... On croit que Salesches fut compris dans cette dot, et qu'il fit partie des domaines primitifs de l'abbaye de Maroilles. Notre dépendance de l'abbaye de Maroilles est confirmée par un jugement de 1202 : « Senlesces appartenant à Jehan, abbé de Maroilles, lequel avait présenté Claing à ceux dudit lieu, pour se transporter au chef-lieu, et illec est ung apointement en latin en dat de l'an XIICII (1202): Comment Wautier de Volzies recognust ledit villaige appertenir audit abbé, duquel il est advocat, et furent présens : Gossuin de avec sa femme Ada : et y estoit le seel de la Comtesse et de Guillaume, bailli du Haynaut. » (Archives de l'Etat de Mons. Mémoires de la ville de Valenciennes par Jean Cocqueau, t. III, fol. 83.)

PREMIER SEIGNEUR DE SALESCHES : SAINT HUMBERT (652-682), ABBE DE MAROILLES

Humbert naquit dans l'intervalle de 629 à 630 au château du Hamel à Mézières-sur-Oise, de parents nobles et vertueux. Son père qu'on gratifia souvent du titre de bienheureux, avait pour nom Evrard et sa mère Popitte. Destiné de bonne heure au service de l'Eglise, il fit ses études à Laon, où il prit l'habit ecclésiastique et reçut la tonsure. Il était alors au monastère de Saint-Vincent, en cette ville. C'était une école célèbre, où il se fortifia dans la piété et les sciences théologiques. Ses progrès lui valurent le sacerdoce, et quoi- que jeune encore, il fut ordonné prêtre. La mort de son père et de sa mère, survenue peu de temps après, vint inopiné- ment décider de sa vocation. Etant retourné, avec la per- mission de ses supérieurs, dans son lieu natal, pour mettre ordre à ses affaires de famille, il y menait une vie austère et retirée, et se faisait surtout remarquer par sa grande charité envers les pauvres, quand vers 650 ou 652, Saint- Amand, fondateur de l'abbaye d'Elnone, qui s'appela plus tard Saint-Amand (Saint-Amand-les-Eaux), qui venait de se démettre de l'évêché de Maestrickt et le vénérable Nicaise, religieux d'Elnone, passèrent chez lui en allant à Rome, pour visiter les tombeaux des apôtres Pierre et Paul. Il accueillit fort bien les voyageurs et leur donna l'hospitalité, avec autant d'empressement que de bonté. Excité par ses hôtes, il se décida à les accompagner. Il fut même si satisfait de ce pre- mier voyage, que à peine rentré, il eut le courage et la dévo- tion d'en entreprendre, seul, un second. Il fut reçu, à Rome, avec une grande déférence par le pape Martin I", à qui il offrit tout son patrimoine pour l'Eglise et pour les pauvres. Mais le souverain pontife, tout en applaudissant à son zèle et à sa charité, refusa son offre et lui conseilla d'employer plutôt lui-même ses biens à la fondation d'un établissement pieux dans son pays. En vue de l'encourager dans ses bonnes dispositions, le pape donna à Humbert, avec de grands pri- vilèges, les reliques de saint Pierre et de saint Paul et une image de la Vierge Marie pour orner et enrichir l'église qu'il se proposerait d'ériger. Le Saint Père lui conféra alors le titre d'évêque missionnaire. A son retour, Humbert se rendit auprès de l'évêque Amand et alla ensuite prêcher l'Evangile dans toute la contrée arrosée par les Helpes. On croit même qu'il se rendit à Anvers, dont il est regardé comme l'apôtre. Il ne tarda pas toutefois, sur le conseil d'Amand, à se fixer sur le bord de la Petite Helpe. Il s'arrêta sur la rive gauche de cette rivière, en un petit cloître qu'avait fait construire en 652 Chonebert ou Chombert, comte de Famars. Cependant par des motifs que l'on ignore, il abandonna bientôt cette retraite pour aller occuper un autre lieu sur le même cours d'eau, mais à une demi-lieue plus haut, et sur la rive oppo- sée. Ce fut là, en effet, que, avec l'agrément de Saint-Aubert, évêque de Cambrai, Humbert fit ériger une petite église, à laquelle il adjoignit un cloître destiné à devenir le centre de l'établissement, dont il prit la direction comme abbé, et où il comptait mettre autant de religieux bénédictins que ses revenus lui permettraient d'y entretenir. Ce lieu qui était mieux situé que l'autre était encore sur le territoire de Maroilles. Il dédia cette retraite à saint Pierre et à saint Paul, et y rassembla trente clercs qu'il gouverna avec beaucoup de sagesse et de régularité. Il s'appliqua à régler l'économie des dépenses, avec le travail de ses frères. Il y établit une discipline très sévère et régla de la manière suivante l'em- ploi du temps : les moines se levaient, hiver et été, à trois heures du matin, pour chanter Matines et autres prières pendant une heure et demie. A six heures, ils retournaient à l'église continuer les prières du jour jusqu'à sept heures. A la sortie de l'église, l'abbé et tous les religieux se réunis- saient au chapitre. A neuf heures et demie, ils disaient chacun leur messe et déjeunaient ensuite avec du pain et du beurre. Après on chantait la grand-messe, None, Tierce, jusqu'à onze heures. Pendant une demi-heure, on se promenait en silence. On dînait en observant un silence absolu, sauf les jours de colloque et de récréation. Pendant les repas, tous les moines étaient rangés sur un des côtés de la table, du bout de laquelle l'abbé avait les yeux sur tous ; en face de la table se trouvait la tribune où l'un des novices lisait la vie des saints pendant le cours du dîner. A deux heures et demie, les moines avaient le droit d'aller boire un verre de bière pour ensuite chanter les Vêpres. Le souper ou collation avait lieu à six heures, immédiatement après on chantait Complies. Un jour que saint Humbert était occupé avec ses frères à défricher une terre, il arriva que les chiens d'un seigneur fort distingué et très riche, qui chassait dans une forêt voi- sine avec une troupe de chasseurs, poursuivirent un cerf avec beaucoup de chaleur jusqu'où travaillait le saint abbé avec ses moines. Le pauvre cerf, pressé et environné de tous côtés, vint se réfugier sous son manteau, que saint Humbert avait placé par terre, comme sous un asile impénétrable aux insultes des chiens. Le seigneur, frappé d'étonnement et d'ad- miration et pénétré de vénération, descendit de son cheval, se jeta aux pieds du saint et lui offrit tout son patrimoine pour servir à l'entretien et à l'augmentation de son nouveau monastère. L'abbé s'empressa de relever ce noble seigneur avec beaucoup de douceur, et n'accepta qu'une ferme. Le chevalier fut si touché qu'il lui en fit sur le champ expédier la donation en toutes les formes juridiques, sans en exiger autre tribut de reconnaissance que les prières du saint et celles de ses frères. Le fruit de ce miracle fut la conversion de ce noble chasseur et de toute sa suite. Les vertus d'Humbert n'étaient pas seulement enfermées dans le cloître ; il annonçait aussi aux peuples des alentours la parole de Dieu et se livrait avec autant de zèle que d'ac- tivité, aux grands travaux de défrichement et de dessèche- ment entrepris, sous sa direction, dans le voisinage de sa demeure. Sa réputation de sainteté lui procura la visite de plusieurs personnages célèbres pour leur piété, entre autres : Etton, qui s'était fixé à Fusciau, et Aldegonde. abbesse de Maubeuge. Tout occupé de l'avenir du monastère de Maroilles dont il voulait assurer la prospérité, l'abbé Humbert donna à per- pétuité à cette abbaye qui est sur l'Helpe, dans le pays de Famars, la plus grande partie des biens qu'il possédait dans le village de Mézières (Macerie) en Laonnois. sur l'Oise, et qu'il avait jadis obtenus de son aïeule Audeliane, en lui payant un prix convenu pour avoir, de suite, le droit d'en disposer à son gré. Cette donation consistait spécialement dans les manses (1) seigneuriaux qu'Audeliane avait habités, et où, depuis, il avait lui-même fait bâtir, avec les maisons, édifices, meubles, terres labourables, vignes, bois, prés, pâtu- rages, eaux, cours d'eau, ainsi que les serfs en dépendant des deux sexes. L'acte de cette donation fait à Maroilles (Maricolis) en pré- sence de l'évêque Vindicien et de Saint-Fulbert, frère de Humbert, le 15 des calendes d'avril dans la XIIe année du règne du roi Childéric II, date qui paraît répondre au 18 mars 671, contient une formule d'imprécations qui mérite d'être citée : « Si quelqu'un après nous, disait le bienfaiteur, osait violer les dispositions de notre donation, qu'il encoure la colère de la Sainte-Trinité, qu'il soit excommunié, que son nom soit rayé du livre céleste des vivants, qu'il ne soit pas compté au nombre des justes, qu'il soit assimilé à Judas Iscariote, qui a trahi le Seigneur ; et s'il ne veut s'amender, que Dieu change son esprit, et qu'il reçoive sur le champ ce qu'ont reçu Anani et Saphire ; qu'il soit contraint de payer au fisc, dix livres d'or, et dix livres d'argent ; enfin, s'il veut revendiquer quelque chose, qu'il n'obtienne rien, et que notre donation ne profite point pour son salut. » Humbert mourut, entouré de ses disciples, vers l'an 682, le 25 mars, après avoir recommandé son abbaye aux soins et à la piété de ses parents. Son corps fut inhumé et déposé dans une chapelle qu'il avait fait bâtir en l'honneur de saint Pierre ; il y resta jusqu'en l'an 835, époque où il fut levé de terre par l'abbé Rodin.

ASCULPHE - GRIMOLD - ASPECT - JUSTIN 682-749

Après la mort de saint Humbert, l'administration de l'ab- baye passa à quatre de ses parents : Asculphe, Grimold, Aspect et Justin. On ne sait pas s'ils la tinrent ensemble, ou un à la fois et successivement. Il ne paraît pas qu'ils furent dans les ordres sacrés ; ils sont seulement désignés, dans les ancien écrits, comme de simples administrateurs. On sait seulement que, occupant des postes importants à la cour du roi de France, ils mirent à leur place des préposés qui gérèrent le monastère avec beaucoup de sagesse. On cite par-

(1) Le Manse était une ferme ou habitation, avec toutes ses dépen- dances : terres labourables, prés, bois, etc... « M. Leglay, notes sur la chronique de Balderic ». Il prenait le nom de « manse seigneurial, dominicatus indominicatus » quand il formait le manoir propre et spécial du seigneur, qui culti- vait lui-même et dont il percevait les fruits (même auteur, Camer. Christ. 19, note). Selon Ducange, le manse, qu'il évalue 12 arpents, était la mesure de terre jugée nécessaire et suffisante pour faire vivre un homme et sa famille (Univers pittor. Allemagne) (de man- sio, habitation) ticulièrement, parmi ces mandataires, Chonebert, qui aug- menta de ses biens propres ceux de l'abbaye ; et Hormungus dont il va être parlé, et qui devint abbé vers le milieu du VIne siècle.

SECOND SEIGNEUR DE SALESCHES, HORMUNGUS ABBE DE MAROILLES 749-775

La plupart des auteurs qui ont écrit sur l'abbaye de Maroil- les ne comptent pas Hormungus comme abbé de ce lieu ; mais seulement comme un simple préposé de cette maison, gérant pour les parents de saint Humbert. Cependant, en présence des actes de 749 et 751, dont il va être parlé, on ne peut pas disconvenir qu'il tenait la chaire abbatiale de Maroilles. Peut-être même l'occupait-il auparavant, mais rien n'autorisant à admettre cette opinion, on va se borner à citer les faits historiques connus qui se rapportent à ce per- sonnage. 749. — Tandis que le 17 jour d'août de la VIne année du règne de Childéric III, roi de France, date répondant à l'an 749 de l'ère vulgaire, Pépin, maire du palais, tenant les plaids à Attigny, avec les principaux seigneurs de la cour : évêques, ducs et comtes, Fultrade, abbé de Saint-Denis en France, se présenta devant ce prince avec Hormungus, abbé de Maroil- les, faisant appel à sa justice. Fultrade réclamait à ce dernier, l'oratoire dit de Croix, établi au pays de Famars, en l'honneur de Saint-Martin, ainsi que toutes les dépendances situées au territoire de « Vuassoniaco » (Wagnonville, ham. de Poix), « Vertino » (Vertin), « Sancta Albuniaco, Farrinaria ». Pour justifier de ses prétentions, Fultrade produisit des diplômes de Childeber et de Clotaire, signés de leur main et constatant la donation de cet oratoire à l'abbaye de Saint-Denis. Il exhiba, en même temps, un jugement obtenu devant le roi Dagobert, qui en assurait la possession à cette abbaye. Hor- mungus, de son côté, soutenait devant Pépin avoir droit sur cet oratoire et ses dépendances, compris dans le fisc de Solesmes, il allégua qu'un riche personnage du nom de Robert avait donné et légué l'oratoire en question à la cha- pelle de Saint-Pierre, érigée au monastère de Maroilles, et que, ensuite, le roi Clotaire, après avoir pris connaissance du testament, avait confirmé la donation. Pour corroborer ses assertions, Hormungus remit à Pépin pour qu'il les exa- minât, le testament de Robert et la confirmation royale. Mais ce prince ayant pris conseil des personnages de sa cour, trouva que les prétentions d'Hormungus n'étaient pas fon- dées. Cet abbé reconnut lui-même l'authenticité des titres présentés par Fultrade, sans pouvoir rien leur opposer. Pépin, en conséquence, déclara alors nul et non avenu le testament invoqué par Hormungus, et débouta de sa demande cet abbé, ainsi que ses successeurs, ordonnant que l'oratoire de Croix et ses dépendances resteraient la propriété de l'abbaye de Saint-Denis, dans la personne de l'abbé Fultrade et de ses successeurs, voulant que, de cette façon, l'affaire fut assou- pie à jamais. 751. — On peut admettre que bien que motivé, ce juge- ment rencontra néanmoins des difficultés d'exécution, car, à peine deux années s'étaient écoulées, qu'une nouvelle déci- sion rendue par le même Pépin confirma, sous son seing, la possession, par l'abbaye de Saint-Denis, de divers biens, dont l'oratoire de Croix, qui est indiqué au pays de Famars, dans le fisc de Solesmes. Il est dit dans ce diplôme, qui fut signé de la main du prince et scellé de son anneau, en 751, que ces biens devaient servir à l'avantage des religieux de Saint-Denis : à leurs vêtements, au luminaire, au soulage- ment et à l'hospitalité des pauvres et des pèlerins, aussi à prier pour le monarque et la stabilité du royaume des Francs. 775. — Plus tard, afin d'affermir et consolider davantage encore les droits de l'abbaye de Saint-Denis sur les biens en question, Charlemagne maintint et confirma la restitu- tion, ordonnée par son père, des mêmes biens. Le diplôme donné à ce sujet a été signé de la main et scellé de l'anneau du grand roi, sous la date du 6 des calendes de juillet, 7e année de son règne (25 juin 775). Ce diplôme de confirmation de Charlemagne de l'an 775 doit être considéré comme la suite des actes de 749 à 751 ; mais parce qu'il ne fait aucune mention d'Hormungus, on est incertain si cet abbé était encore à la tête du couvent de Maroilles lorsque ce diplôme confirmatif fut accordé.

775-800

On ne connaît pas quels sont les abbés qui gouvernèrent le monastère entre Hormungus et Rodin, ni aucun fait pou- vant figurer dans ses annales durant ce laps de temps. Seule- ment on rapporte que les religieux qui y vécurent se main- tinrent dans une rigoureuse discipline et se firent toujours remarquer par leur union et la régularité de leurs mœurs.

IIIe SEIGNEUR DE SALESCHES, RODIN, ABBE DE MAROILLES 800-840

800. — Vers l'an 800, un prêtre fervent, nommé Rodin, aussi prudent que pieux, attiré par dévotion à Maroilles, s'y arrêta pour prier sur le tombeau de saint Humbert. Les moines lui donnèrent l'hospitalité et bientôt, appréciant son grand mérite, ils le supplièrent de prendre comme abbé la direction de leur couvent. Il refusa de prime abord le poste avec persistance, mais à la fin, vaincu par les instances des religieux, il accepta cette charge, qui lui fut conférée par Charlemagne. Ce nouvel abbé restaura le monastère avec le secours actif du comte Arnoul. 818. — Là ne se borna pas le concours du comte. Il obtint encore de Louis-le-Pieux, le 1er mai de la 5e année du règne de ce monarque (818), pour l'abbaye de Maroilles, le village de (Sassigniacas), situé en Hainaut sur la Sambre et comprenant 22 manses, avec l'église, les édifices, les terres, les prés, les bois, les serfs et toutes leurs appendances. 835. — L'abbé Rodin leva de terre, le 6 septembre 835, le corps de saint Humbert, qui fut trouvé en parfait état de conservation ; le fit transporter, en grande pompe, dans une chapelle qu'il avait fait bâtir exprès. 840. — Ce digne prélat ne survécut que cinq ans à cette translation. Sa mort doit donc être rapportée à l'an 840.

840-870

On ignore quel est l'abbé qui a remplacé Rodin à Maroilles, mais on sait que le monastère, mal dirigé, mal gouverné, ne tarda pas à déchoir. Cependant on prétend que Lothaire I" lui portait un cer- tain intérêt, sans pourtant que l'on puisse produire de lui d'actes de sa munificence.

852. — On sait seulement que cet empereur, à la sollici- tation de sa fille Berthe, abbesse, accorda, par un diplôme de ce souverain, signé de sa main et scellé de son anneau, sous la date des nones de mai (7 mai) du règne de Lothaire : en Italie, la 32e année, et en France, la 12e année, répondant à l'an 852 de l'ère vulgaire, pour les posséder en propre, à Ossard, clerc et médecin, vingt-quatre bonniers de terres labourables, prés et bois, situés en Hainaut, aux lieuxdits : Wasviler (Wasvilarem), Fontaine-au-Bois ou Watigny (Fonta- nas sive Waudiniacas) et (Landricietas). Ces biens, alors en la possession de Rigbert, faisaient partie de ceux acquis par Aldebert, qui les avaient remis à Rodin, son fils, ont dû, plus tard, faire retour à l'abbaye de Maroilles, bien que l'acte précité n'en dise absolument rien. 858. — Continuant les bontés de son père, Lothaire II, roi de Lorraine, cédant à la prière d'Hycoïde, son ministre, donna aussi à son fidèle médecin, qu'il nomme Aussard, et qui est vraisemblablement le même personnage que celui dont il a été parlé dans l'article précédent — un bénéfice que l'abbé de Maroilles paraissait tenir et qui consistait dans les biens ci-après désignés, dont le donataire devait jouir de sa vie durant, savoir : 1) Au village de Combles (Comblas), territoire de Landre- cies, un manse dominical comprenant trente bonniers de terre arable, trois bonniers de prés, cinquante bonniers de bois, pour y engraisser des porcs et quatre autres manses ; 2) Au village de -les-Bois (Bertiloeas), deux manses ; 3) Et au village de (Vertini), un autre manse avec les serfs en dépendant. La Charte qui constate cette donation de 858 est datée d'Aix-la-Chapelle, le 3 des calendes de mai, dans la Ille année du règne de Lothaire, indiction vi, ce qui répond au 29 avril 858, et explique que le donataire aura viagèrement l'usufruit de ces manses, dont il devra jouir sans nuire aucunement aux intérêts de l'abbaye de Maroilles, à qui, au décès de ce médecin, les manses devront retourner avec ses propres biens.

IVe SEIGNEUR DE SALESCHES, INGELRAM OU INGUERRAN, ABBE DE MAROILLES 870

Le comte Ingelram était abbé de Maroilles en 870, mais évidemment cette charge lui avait été donnée en commande, sans que l'on sache aucunement à quand remontait son administration. Quoiqu'il en soit à cet égard, l'abbaye était alors dans un profond état de misère. Sa pénurie était si grande que les trente chanoines qui l'occupaient ne pouvaient pas y célé- brer convenablement l'office divin. La maison était dans une condition fâcheuse quand l'abbé Ingelram, mû de compas- sion, concéda ou plutôt affecta spécialement à ces frères les propriétés suivantes, dont l'abbaye jouissait déjà précédem- ment, savoir : Dans le Laonnais, trente-trois manses à Mézières-sur-Oise (Macherias sive Castello); cinq manses au village de Sagnières (Salrenas) ; Dans le Hainaut, dix manses à Verchain (Vercinio), au bord de la rivière ; huit manses au village de Lidunecas, sur la rivière d'Helpe (Helpra). Il y avait aussi les manses de la Hutte (in Hulten), qui payaient un cens avec la forêt y affé- rente ; la brasserie attenante au monastère, et proche du pont, le tout avec ses dépendances. De plus la forêt voisine du monastère, dans laquelle les frères avaient l'habitude de faire engraisser leurs porcs, et où personne n'avait droit de réclamer, des religieux, aucun droit de paisson quelconque. Dans le diplôme de ratification de cette donation, lequel émane de Charles-le-Chauve, sous la date de la veille des nones de février, l'an XXX de son règne (ce qui répond au 4 février 869 n. st. 870) (1), ce roi qualifie Ingelram « illuster cornes, dilectus ministerialis noster, et abbas monasterii Marillas » et déclare que les serfs et les autres dépendances de ces biens, font partie intégrante de la donation. En cons- tatant ainsi le bienfait de l'abbé Ingelram, le roi Charles explique par une disposition particulière et supplémentaire, que lui-même, ayant en vue de racheter son âme et de donner, aux frères du couvent, les moyens d'implorer sans relâche la clémence de Dieu pour lui, sa femme, ses enfants, et pour la stabilité de sa puissance, entend que, dans le dis- trict où l'abbaye est située, à deux lieues à la ronde, savoir : jusqu'à Levai (Sancti salvii), jusqu'au petit pont Ylantuini, jusqu'à Fayt (Fayt), jusqu'à Montigny (Montiniaco), de là jusqu'à Landrecies (Landriciaco) et jusqu'à Sassegnies (Saxiniaco), tout ce qui s'y trouve enfermé, tout ce qui en dépend, soit partagé par moitié entre les frères et l'abbé. Dès le règne de Charles-le-Chauve, ce monarque avait conçu le projet de réunir l'abbaye de Maroilles et tout ce qui en dépendait, à l'église N.-D. de Cambrai, pour celle-ci la possé- der et en jouir en toute liberté et franchise ; mais rien ne prouve que cette réunion ait eu lieu avant 920, du moins d'une manière officielle.

(1) n.st. : nouveau style. résulte d'une transposition des dates par les historiens modernes. l'année commençant à Pâques jusqu'en 1582- 1583. 870-920 Ce fut durant cette période que les Normands (1) exer- cèrent leurs ravages dans le pays. Dès 879 (2), ces barbares ayant pénétré dans le Hainaut, s'installèrent sur les bords de l'Escaut, d'où ils commirent, pendant plusieurs années, tou- tes sortes de cruautés. Ils rava- geaient les campagnes, pil- laient les villes, détruisaient les églises et les monastères, mas- sacraient les prêtres. Rien n'échappa à leur fureur : par- tout le feu consuma ce qu'ils ne purent emporter (3). L'abbaye de Maroilles subit le sort commun : elle fut brûlée et détruite de fond en comble en 880 ou 881 ; à l'approche de ces sauvages, les moines effrayés s'étaient dispersés dans les bois, où la plupart trouvèrent la mort. Après le départ des Normands, la contrée offrait l'aspect d'une vaste solitude couverte de ruines. Et à la place où naguère s'élevait le monastère de Maroilles, on ne voyait plus qu'un amas de décombres calcinés ou noircis par le feu.

(1) Les Normands (hommes du Nord : du saxon mann, homme et du latin Northus, Nord), peuples sortis de la Suède, de la Norvège et du Danemark, conservaient les moeurs féroces des anciens Celtes et fondaient leurs droits sur la force : aussi, ils ne respiraient que les combats et le pillage. Les travaux, les blessures, les armes étaient les jeux de leur enfance. Les femmes, autant que les hommes inaccessibles à la crainte, bravaient la mort avec intrépidité. Tous savaient, avec leurs barques légères, affronter les tempêtes de l'Océan ; ils fon- daient sur les côtes, pénétraient dans l'intérieur des provinces et y exerçaient les plus affreux ravages, ne laissant, aux peuples consternés, que la misère et les larmes. (Dewez, abr. de l'hist. gén. de la Belgique, p. 148). « Le Brigandage et la piraterie leur étaient nécessaires comme le carnage aux bêtes féroces ». (Voltaire Essai sur les mœurs, chap. 25). (2) Déjà, du temps de Charlemagne (800 et 809), les Normands avaient fait, sur les côtes de France, des incursions qu'ils avaient continuées sous ses successeurs. (Dewez, p. 148 et suiv. Depping, hist. des expéd. marit. des Normands I, 102). En 837, ils avaient dévasté Anvers et Dorestadt (d'Outreman, 56. Depping, I, 112) ; en 845, sous le règne de Charles le Chauve, prince faible, qui, au lieu de prendre les armes pour arrêter leurs brigandages ne pensait qu'à sauver les reliques des saints, et leur achetait honteusement la paix. (Dewez, 150), ils avaient remonté la Seine et avaient été jusqu'aux portes de Paris. (Art de vérifier les dates) ; en 853, ils avaient fait des courses le long de l'Escaut (Ann. de St-Bertin, Delewarde, II, 67) ; mais l'invasion de l'an 879 fut, pour la Flandre et le Hainaut, la plus horrible des calamités. (Depping. I, 229). Des bords de l'Escaut où ils se tinrent longtemps, ils ravagèrent toute la contrée avec une barbarie inconcevable. Ce fut le 5 des calendes de janvier 881, (Balderic. liv. Iftr 59, Delewarde, 2, 112. M. Leglay. Rech, sur l'égl. métrop. de Cambrai, 7) qu'ils saccagèrent SAINT QUINIBERT

« C'est alors que succomba saint Quinibert, prieur au Saul- zoir, maison qui dépendait de Maroilles » (Michaux). « Le prieuré de l'abbaye de Maroilles où mourut saint Qui- nibert en 882 fut bâti au lieu- dit « Saussoy » (Me Mossay). « Le corps de saint Quinibert ayant été retrouvé, on partagea ses ossements entre l'église du monastère de Maroilles et celle de la paroisse de Salesches, où ce saint continue à être honoré le 18 mai » (Antiq. Maricol. Gazet, 70 - Dom. N. Le loiig, p. 79). Saint Quinibert naquit à Ghyssignies, de parents fort aisés et très pieux... (on montre encore l'endroit où s'élevait la ferme de ses ancêtres). Doué des plus heureuses facultés de l'esprit et du cœur, il fit de rapides progrès dans la religion et les Lettres... Parvenu au moment critique de se choisir un état, il consulte Dieu dans l'oraison... Il fuira le monde ; il ira à Maroilles... Novice, il est un modèle d'exactitude et de ferveur... Moine, il soutient avec un zèle intrépide tout le poids de ses promesses... Choisi pour la prêtrise, il s'abîme dans la contemplation de la grandeur et la dignité du sacré ministère auquel on le destine... Prêtre, il a un soin parti- culier d'exprimer dans ses paroles et dans ses actions, tou- jours relevées par la foi et l'esprit de charité, tous les traits de la sublime dignité dont il vient d'être décoré... et incendièrent Cambrai, et ce fut vraisemblablement vers cette époque, comme le rapportent J. de Guyse, 2e vol., fol. 45, v° et Vinchant, 139 et non en 840, ainsi que l'indique Dom N. Lelong, p. 79, que fut brûlée et détruite l'abbaye de Maroilles. (3) J. de Guyse, en parlant des ravages des Normands dit que « ils n'épargnoient hommes, ne femmes, ne enfants, ne bestes mueezt, ne oyseaulz, ne maisons, ne esglises, ne villes, ne châteaux, fors ne foibles ne arbres, ne herbes, que toui comme loups enragez, ne destruisissent et missent à destruction ». (Chron, et ann. de Haynaut, trad, de Les- sabé, 2u vol., fol. 60 Ve). De son côté, Meyer (chron. Flaudrioe) assure, qu'il n'y eut pas alors une ville, un château, une église ou un monas- tère, dans les terres des comtes de Flandres et de Hainaut, qui échap- pât à la destruction et qui restât debout. (Carpentier, lre partie, 78). Il ne faut donc pas s'étonner si sous l'impulsion de la terreur dont le clergé et le peuple étaient saisis, on ajouta aux litanies des saints ce verset si connu, que l'on chanta longtemps encore après le départ de ces barbares : A furore Normannorum, libera nos Domine : de la fureur des Normands, délivrez-nous Seigneur. (Poutrain, Hist. de Tournai. Dewez, abr. de l'hist. gén. de la belg., 160 ; Fast milit. de la belg., J, 345; Depping ; 21). (1) Détail de la chasse de St Quinibert. Prieur à la maison de Salesches et chargé du ministère paroissial, il se montre affable, doux, prévenant, zélé, com- plaisant ; il porte partout la paix et la sérénité. Indulgent envers les autres, il n'est sévère que pour lui-même. Les veilles, les jeûnes, l'abstinence, le travail des mains, la prière, la lecture et la méditation sont sa nourriture ordinaire... Les habitants de Salesches et des environs ont occasion souvent d'admirer sa sainteté... Il succombe à une longue et pénible maladie : son corps est enterré à Salesches avec la plus grande solennité (18 mai 882.) « En ce temps-là, les Normands ravageaient le pays, met- tant tout à feu et à sang. Ils s'en prenaient surtout à ce qui rappelle Dieu et son culte, massacraient prêtres et moines... Cette circonstance a porté plusieurs auteurs à croire que saint Quinibert est mort martyr, victime de la fureur des barbares. Ainsi ont pensé les archivistes du Nord et M. Leglay. Ainsi Michaux dans ses notices historiques. Nous ne voyons pas que cette opinion soit sérieurement contestée. Mais l'auteur de cet abrégé de la vie du saint a consulté des auteurs que l'on apprécie de nos jours encore : Molanus, Gazet, Raissius, Canisius, Wion, Dorgan, Menard, Buzelin, Ferrarius, Sauffaye, Miroeus, Brasseur, etc. » (l'abbé Emile Dubart, curé de Salesches, 1902). D'après Guillaume Gazet, curé de Sainte-Marie-Magdeleine à Arras, saint Quinibert, confesseur, mourut en un prieuré de l'abbaye de Maroilles et est honoré en l'église d'un village nommé Senlesches, près de la ville du Quesnoy en Hainaut, où sont conservés ses ossements en une châsse de bois, devant laquelle se sont faits plusieurs miracles, le 18 mai.

Vies des saints du diocèse de Cambrai

par M. le Vicaire Général DESTOMBES 18 mai. — « Saint Quinibert », religieux patron de Sales- ches, près du Quesnoy. « La vie de saint Quinibert, patron de Salesches, près du Quesnoy, n'est presque pas connue. Les religieux de Maroilles, consultés par le docte Molanus, n'ont pu constater que son existence, sa sainteté et le culte qu'on lui rendait dans ce lieu. Il est vraisemblable qu'il appartenait à la Communauté de Maroilles, qu'il obtint de ses supérieurs la permission de mener la vie solitaire dans un petit ermitage élevé à Sales- ches et que telle fut l'origine du prieuré qui dans la suite y fut érigé. C'est là qu'il vécut dans la pratique de toutes les vertus chrétiennes et qu'il remit son âme à Dieu... Les religieux ajoutaient dans leurs dépositions que beau- coup de guérisons miraculeuses avaient été opérées dans ce lieu, à l'époque même où ils écrivaient, par l'intercession du