BULLETIN DE LA SO CIETE

DES ANTIQUAIRES DE L'OUEST

ET DES MUSEES DE POITIERS

5e serie - tonic XII 3e et 4e triniestres de 1998

SOD4MAIRE

Charles HEBRAS. - Stations acheuleennes et mousteriennes entre Thouet Dive du 163 moyen et nord ......

Soline KUAMAOKA. Autour des dveques de Poitiers 185 - au vile siecle ...

Georges PoN. - La devastation de I'abbaye de Maillezais (v. 1225- 1232) Geoffroy II de Lusignan, dit Geoffroy 4 la Grand'Dent 223 par ...

Proces-verbaux 313 ......

PUBLICATION TRIMESTRIELLE

POITIERS AU SIEGE DE LA SOCIETE Hbtel dc I'Echcvinagc ct des Grandcs-Ecoles 7. RUE PAUL-GUILLON B. P. 179 86004 POITIERS CEDEX AUTOUR DES EVEQUES DE POITIERS AU VIIe SIECLE

par Soline KUMAOKA

Depuis la mort dc Dagobert I" (janvier 639), le royaume des Francs ne cesse d'etre agile par des luttes successives entre la Neustrie, la Burgondie et l'Austrasiel. Au sud de 1'Aquitaine se developpe le mou- vement d'independance des Aquitains2. Se situant loin des scenes actives, le Poitou n'apparait pas tres souvent dans les chroniques qui relatent les evenements du vtt` siecle. En effet, le siege de Hilaire n'est pas vacant : au concile de Paris en 614,1'eveque Ennoaldus figu- re parmi les quatrc-vingts eveques qui souscrivent3; en 626 ou 627, 1'eveque Jean se presente parmi les quarante-deux eveques qui se ä Clichy4 Les hagiograpllies de reunissent . mentionnent nombreux mis- sionnaires originaires du PoitouS. Pourtant, apres la disparition des nombreux temoins du siecle precedent, Gregoire de Tours6, Venance Fortunat7 et la moniale Baudonivie8, les informations s'eteignent brus-

* Je remercie vivement M' Monique Gouliet ct M. Georges Pon pour I'aide qu'ils m'ont apportee dans la preparation du present article. 1. LEVILLAIN (L. ), « La succession d'Austrasie », daps Revue historique, t. 112,1913, p. 62-93 et « Encore la succession d'Austrasic », daps Bibliothcque de I'Ecole des chartcs, t. 106,1945-1946, p. 296-306 ; DUPRAZ (L. ), Contribution ä l'histoire du Regnum Francorum pendant le lroisirme quart du rir siccle (656-680). Fribourg, 1948 ; MARTIN (P. -E. ), Etudes critiques sur la Suisse a 1'epoque mcrovingienne, 534-715, Genevc-Paris, 1910. p. 225-295. 2. RouCIIE (M. ), L'Aquiraine des Wisigoths our Arabes, 418-781, Paris, 1979, p. 87- 96. 3. DE CLERCQ(Ch. ), Concilia Galliac, A 511-A 695, Turnhout, 1963 (Corpus christia- norum, series latina, 148 A) [= Concilia], p. 281,1.167. 4. DECLERcQ (Ch. ). Concilia (ibid. ), p. 297J. 217. 5. RoUCHE (M. ), L'Aquitaine, p. 430-334 (op. cit. supra n. 2). 6. GRI`QOIREDETOURS, llistoria Franconun, Libor in gloria martyrtnn, Liber in gloria confessorum. ed. 1i'. ARNDT et B. KRUSCH,d1. G. H., Scriptores rerun bferovingicarunt [= Script. rer. meroti. ), t. Ill, Hanovrc, 1885. 7. VENANCE FORTUNAT,Opera pedestria, ed. B. KRUSCH,M. G. H., Auctores antiquis- sinti [= A. A. ], 1.4/2, Berlin, 1885. 8. BAUDONIVIE, Vita Radegundis, (Bibliotheca hagiographica latina [= B. H. L. ], 7049), dd. B. KRUSCH,31. G. H., Script. rer. ntcroti., t. 2. p. 377-395. - 186 - quement au debut du v11` siecle. Dans cette obscurite, deux eveques de Poitiers nous laissent des traces assez nettes : Didon (626/vers 629- juillet apres 673) et Ansoald, son successeur (avant le 1" 677-apres le 14 mars 697)9. En outre, nous pouvons y ajouter deux autres personnes dites parents de ces eveques : Guerin, comte de Paris ou de Poitiers (mort vers 675)10 et Leger, eveque d'Autun (661-678)11. C'est autour de ces personnages que se trouvent les temoins qui nous permettent de connaltre 1'etat du Poitou, ou du moins des environs de la cite de Poitiers, au vII° siecle. II nous faudra suivre ces personnages grace aux informations que nous fournissent les documents subsistants, en cher- chant 1'echo de leurs activites en Poitou.

Didon, eveque de Poitiers Didon est devenu eveque vers 629. La Vita poitevine de saint Leger dit que 1'eveque Didon a pris aupres de lui son neveu Leger, qui etait au palais du roi Clotaire II (mort en 629). C'est pourquoi nous situons le debut de son episcopat vers 6291`. Son origine n'est pas connue. 11 semble bien que Didon n'ait pas ete originaire du Poitou. Nous n'avons aucune trace de ses donations ou de ses fondations dans cette region. Comme Eloi, originaire de la region de Limoges, porte ii 1'eveche de Noyon, comme Ouen, ne d'une famille de la region parisienne, promu eveque de Rouen, Didon doit etre un de ces eveques de la periode merovingienne qui, ä cause de leur designation par le pouvoir central, sont venus de regions eloignees de leur eveche. Aussi chercherons- nous ä retrouver les traces de Didon dans I'histoire agitee du regnum Francorum et les luttes qui opposent au vile siecle Neustrie, Burgondie et Austrasie.

1. La succession d'Austrasie Selon 1'Additamentuni Nivialense de Fuilano13, le 16 janvier 656, Didon se trouvait ä Nivellesla. L'abbaye double de Nivelles avait ete

9. Sur Ansoald, voir TARDIF (J. ), Les chartes mcrovingiennes dc l'abbaye de Noir- moutier, Paris, 1899, p. 10-13. 10. Sur Guerin, voir EBLING (H. ), Prosopographie der Amtsträger des Merox'inger- reiches, Munich, 1974, n° 179, p. 153-155. 11. Sur saint Leger, voir B. H. L., 4849 b-4856. 12. Vita vel passio Leodegarii, par Ursin, moine en Poitou (B. H. L. 4851) [= Vita Leo- degarii 2], c. 1, ed. B. KRUSCH et W. LEVtsoN, b!. G. If.. Script. rer. ºnerov., t. 5, Hanovre, 1910, p. 324. 13. Additamenttun Nivialense de Foilano, B. H. L., 3211, ed. B. KRUSCII,M. G. H., Script. rer. merov., t. 4, Hanovre, 1902, p. 449-451 et variancesdann t. 7, Hanovrc, 1920, p. 837-842. Cf. HOEBANX (J. J. 14. Nivelles, Brabant, Belgique. ), L'abbaye de Nivelles, des ori- de Belgique, gin es act xiv' siecle (publ. Academie royale Classe des lettres et des Memoire, 46. fasc. 4), Bruxelles. sciences morales et politiques, t. 1952. - 187 - fondse vers 640, par les Pippinides, futurs Carolingiens, sur 1'emplace- ment de leur demeure, donnde par Itta (morte en 652), 1'6pouse de Pdpin Ief, maire du palais d'Austrasie (mort en 640). La premiere abbesse fut Gertrude15, fille de Pdpin Ie` et d'Itta, et sour de Grimoald, maire du palais sous le roi Sigebert III, ä qui a succdds Vulfetrude, fille de Grimoald en ddcembre 658. Par 1'influence de saint Amand16 trans- mise ä Itta, cette abbaye s'appuyait sur le monachisme irlandais, et a joue un role important pour 1'6tablissement de la communautd des Scotti, les moines itindrants irlandais, et pour la fondation de Fossesl7 par saint Foillan18 et Ultain, freres de saint Fursayl9. Foillan, peu apres la fondation de Fosses, a std assassins dans la foret pres de Nivelles. Son corps n'a dts retrouvs que plus de deux mois plus tard. L'auteur de sa Vie dit que les restes ont dts apportds solennellement jusqu'ä Nivelles, escortds par Didon, dveque de Poitiers et Grimoald, maire du palais d'Austrasie'-0. Dix-sept jours apres cet evdnement, le 1er fsvrier, mourut Sigebert III, roi d'Austrasie. Selon un moine de Saint-Denis qui a scrit le Liber historiae Francorum vers 720, Grimoald, peu apres la mort de Sigebert III, fit tondre le tout jeune fils de ce prince, nomms Dagobert ; il l'en-

15. Sainte Gertrude, abbessede Nivelles (avant 652-decembre658), morte le 17 mars 659 (B.N. L., 3490-3504). Concernant la date de sa mort, voir GROSIEAN(P. ), « Notes d'hagiographie celtique », dans Analecta bollandiana, t. 75,1957, p. 387-393. 16. Saint Amand, eveque de Tongres-Maastricht, originaire d'Herbauge en Aquitaine, mort le 2 fevrier 675 ou 676 (B. H. L., 332-348). Une des Vies de sainte Gertrude dit que, sur le conseil de I'homme de Dieu, Amand, Itta a decide de fonder une abbaye pour sa fille, Gertrude (c. 2, B. H. L., 3490, dd. B. KRUSCH, M. G. H., Script. rer. nterov., t. 2, Hanovre, 1888, p. 455 ). 17. Fosses, province de Namur, Belgique. 18. Saint Foillan, venant d'Irlande vets 650, apres avoir visitd le tombeau de Fursay (voir n. suivante), son frere, fonda 1'abbaye de Fosses avec I'aide des Pippinides et de I'abbaye de Nivelles. Mort assassinele 31 octobre, probablement en 655 (B. H. L., 3070- 3078). Concernant la date de sa mort, voir P. GROSJEAN,« Notes d'hagiographie p. 387-393 (op. cit. supra n. 15). 19. Saint Fursay, abbe irlandais du monastere anglo-saxon de Cnobheresburg, venant du continent, fonda vets 645 le monastcre de Lagny-sur-Marne avec une contribution du roi de Neustrie, Clovis II (639-657). II est mort le 16 janvier 649-650, et a ¬te enterre ii Peronne, ce qui a entrainrs la fondation d'un monast6re par Erchinoald, maire du palais (B. H. L., 3209-3221). Cf. DIERKENS (A. ), « La diffusion de la culture insulaire sur le Continent », dans La Neustrie, lcs pays au nord de la Loire de 650 ä 850, publ. par H. ATSMA, Sigmaringen, 1989, t. 2, p. 371-394, notamment p. 385-386. 20. Additamentwn :« Suscepta veto corpora cum cereis ac facellarum luminibus, cum antiphonis et canticis spiritalibus a clero et populo per totam noctem ad monasterium Nivialcham honorifice humeris deportata sunt Cumque ibidem vir venerabilis Dido Pic- tavensis episcopus atque inluster vir Grimaldus maiorum domus locorum sanctorum visitandi gratia ipso adventantes die, uterque eorum de adventantibus a Domino ammo- netur corporibus » (Ed. B. KRUSCH, p. 451). - 188 - voya ä 1'6veque de Poitiers, Didon, qui partait pour un voyage en Irlande et dleva son propre fits ä la royaute.

La date et les consequences de cc « coup d'etat » varient selon les documents et les historiens qui les interpretent. Pour ceux qui suivent le Liber historiae Francor un, le « coup d'etat »a eu lieu en 656, juste apr6s la mort du roi d'Austrasie, mais Grimoald, le traitre, fut livre a Clovis II, roi de Neustrie, et mis ä mors dans d'horribles tourments21. Quant a Childebert, le fils de Grimoald, il est reste sur le träne d'Austrasie jusqu'en 662 ; en effet, suivant la Vie du roi Sigebert, ecri- te par Sigebert de Gembloux vers 1063, le Pils de Grimoald avait ete adopt6 par le roi Sigebert comme son successeur, avant la naissance de son fils 16gitime, Dagobert22. Autre version des dvdnements chez ceux qui tiennent compte des documents du v111` siecle - les catalogues la III, Pils Dagobert II royaux23 -, apres mori de Sigebert son regna jus- qu'en 661, assiste par Grimoald a titre de maire du palais du jeune roi, et c'est apres cette annee que Grimoald fit placer son fils sur le träne d'Austrasie, en faisant conduire le roi legitime outre mer, et ce premier regne du futur Carolingien dura jusqu en 662224.Dans les deux cas, soit

21. Liber Historiae Francorunt, c. 43 :« Defuncto Sighiberto rege, Grimoaldus filium ejus parvolum, nomine Daygobertum, totondit Didoncmque Pectavensemurbis episco- pum in Scocia peregrinandurncum direxit, ilium suum in rcgno constituens... » (ed. B. KRUSCH,M. G. If. Script. 2,1888, 316). , rer. inerov., t. p. 22. Vita Sigiberti (B. H. L., 7711) :« Quia vcro Sigibertus rex Grimoaldum, majorem domus sibi in omnibus fidelem, morigerum et coopcratorem eatenus Brat expertus, filium ejus Childebertum regni Austrasiorum haeredem delegat, hoc tarnen proposito conditionis tenore si ipsum contingeret sine iiberis obire. Rex quidem, utpote futurorum nescius, quod tune sibi videbatur ex temporis convenientia fecit ; postea vero filium genuit, quem nomine patris sui Dagobertum vocavit. Et priori testamento ad irritum tracto, hunt nutriendum commisit majori domus Grimoaldo, ut ejus potentia contra omnes tutus sublimaretur in Austrasiorum rcgno » (ed. abbe MIONE, Patrologie latine [= Pair. lat. ], t. 160, col. 729). Une autre Vita Sigiberti, (B. H. L., 7712), dd. Pair. lat., t. 87, col. 312 donne ä peu pros les mimes informations mais dc manii re plus succincte. Cette position a Etc adopter, entre autres, par LEV1t.L. Aix (L. ), « La succession », p. 62- 68 et « Encore la succession », p. 296-306 (op. cit. supra n. 1) : P. GROSJEAN,« Notes d'hagiographie )>, p. 391 (op. cit. supra n. 15) ; GAUTIHER (N. ), L'evangilisation des pays de la Moselle, Paris, 1980, p. 263-265 ; DIERKESS(A. ). « La diffusion », p. 388 (op. cit. supra n. 19) et RtcuE (P.), Les Carolingiens, rate fantille qui frr l'Ertrope, Paris, 1993, p. 33-34. 23. Ed. B. KRUSCH,Al. G. If., Script. rer. n:crov., t. 7,1919, p. 471-482,850-855. 24. Ceci est l'avis, entre autres, de B. KRUSCH, « Zur Chronologie der h1erowingi- dans Forschungen deutschen Geschichte, 22,1882, sehen Könige », zur t. p. 45, n° 22 ; DUPRAZ (L. ), Contribution, p. 157-173 (op. cit. supra n. I) (en supposant le regne de Clothaire III en Austrasic avant le 1" aoüt 659-662) ; IIOEBANX (J. J. ), L'abbaye de Nivelles, p. 62 (op. cit. supra n. 14) et RoucttE (h1. ), LAquitaine, Paris, 1979, p. 97 (op. cit. supra n. 2). -189- en 656, soit en 661, it est certain que le fils de Sigebert III a ete envoye en Irlande'S, et ya sejourne jusqu'au jour de son retour entre le 2 avril et le 1e` juillet 67626. La participation de l'eveque de Poitiers ä cette affaire est vraisemblable. Comment pouvons-nous comprendre cette serie d'evenements ? En raison de ]a concordance des donnees chronologiques, la rencontre de Grimoald et de Didon a Nivelles au mois de janvier 656 est consideree par la plupart des historiens comme un entretien preparatoire au projet de detröner le successeur legitime du roi d'Austrasie. En effet, la sour- ce qui nous relate cette rencontre, l'Additamentunr Nivialense de Foilano a ete redige it Nivelles avant la mort de Gertrude (659). L'auteur de cc rech est donc contemporain de ces personnages, et peut- etre temoin oculaire de cet evenement. Si nous lui accordons une cer- taine confiance, se pose alors une question : pourquoi 1'eveque de Poitiers devait-il se trouver en tete de la procession solennelle du corps d'un saint moine irlandais, qui a eu lieu en Brabant, avec Grimoald, le puissant d'Austrasie, alors que, suivant la division pastorale, Didon n'avait absolument pas de rapport avec Nivelles ni avec la demeure principale des Pippinides, . Par cc passage, 1'auteur de 1'Additamentum Nü, ialense semble nous renseigner sur le lien person- nel entre Didon et 1'abbaye de Nivelles, et egalement les Pippinides. De sa presence ä la procession qui a eu lieu autour des abbayes pippi- nides, nous pouvons deduire qu'il venait de 1'aristocratie du palais d'Austrasie, proche des Pippinides, cc qui pouvait expliquer la raison de sa participation au « coup d'etat ». Nous pouvons egalement rattacher Didon, ä ýartir de sa liaison avec Nivelles et Grimoald, au monachisme irlandais-. Les fondations pippi- nides, Stavelot-Malmedy, Fosses et Nivelles sont differentes de celles des « Hiberno-Francs » de Luxeuil par leur caractere purement irlan-

25. EDDIUS STEPHANUS,l rta 11'ilfridi (B. H. L., 8889), 28 ed. B. KRusctt c. , par et \V. LEVISON, Al. G. If., Script. rer. inerov., t. 6,1913, p. 221 :« veniens ad Francorum regem nomine Daegoberht, qui eum cum honore mansuetissime pro meritis ejus anteac- tis in eum suscepit. Nam supradictus rex in juventute sua ab inimicis regnantibus in exi- lium perditionis, pulsus navigando ab Hiberniam insulam, Deo adjuvante, pervenit ». Saint Wilfrid, dvcque d'York, est mon en 709 (B. H. L., 8889-8896). 26. Date du retour de Dagobert 11 d'apres la copie d'un acre conserve au prieure de Cunault, fac-simile et ed. L. MAITRE, « Cunauld, son prieure et ses archives, » dans Biblotheque de I'Ecole des chartes. t. 59,1898, p. 239-245, et dd. Joseph TARDIF, Les charles ntcroringiennes de Noirmoutier (op. cit. supra n. 9), p. 25-30. 27. BRUNTERCH(J: P.), L'crtension du ressort politique et religieur du Nantais all slid de In Loire. Essai sur les origines dc la dislocation du pays d'Herbauge, 1x° siccle - 987, these de I'Ecole des chartes, 1981, p. 66, resumee dans Ecole nationale des chartes, Positions des theses, 1981, p. 39-49. -190- dais28. Quant au Poitou, it avait des liens economiques et religieux de Hilaire les avec 1'Irlande au vI1° siecle229.Le pays saint attire pele- la famille de Grimoald, le rins irlandais. Didon a-t-il joue, comme role dans diocese ? Les fonda- de protecteur de ces Scotti qui arrivaient son tions de Didon ne sont pas connues. Seul ce voyage de Didon en Irlande implique qu'il ait eu un rapport avec ce pays. Son voyage nous d'Austrasie, confirme les liens tisses entre l'Aquitaine et les pays puis d'Irlande. Didon monte vers le Nord-Est pour visiter l'abbaye de Nivelles. Depuis le v1° siecle, l'Aquitaine a fourni des missionnaires aux sieges episcopaux des pays rheno-mosellans et aux confins des le pays evangelises30. Avec le jeune Dagobert, it prend chemin du pays des Scotti, route qui dtait deji tracee et frequentee par de nombreux commercants, missionnaires et pelerins31. Selon le Liber historiae Francorunt, Grimoald, son infidelite ayant eta denoncee par les Francs de Neustrie, se fait tuer au cours de 1'annee 656, et, son fils Childebert, le roi adopte, restant sur le tröne d'Austrasie jusqu'en 662, les Pippinides subissent une periode de declin jusqu'ä l'avenement de Pepin II de Hersta1322.Pour les partisans de la fiabilite des catalogues royaux, les Pippinides gardent leur pouvoir en Austrasie jusqu'en 662, puis disparaissent provisoirement de la scene. Si le comportement de Grimoald vis-i -vis du successeur legitime a bien ete puni de cette maniere, Didon, quant ä lui, resta solidement sur son siege episcopal. 11 semble meme que Didon ait renforce son influence sur le regnunz Francorum. Si nous acceptons le lien familial que les hagiographes nous apportent, c'est ä cette epoque en effet que Guerin, un de ses neveux supposes, commence a apparaitre comme comte de Paris dans les actes du roi de Neustrie Clovis II (654 sans

28. DIERKENS(A. ), « La diffusion », p. 385-388 (op. cit. supra n. 19). 29. RoucHE (M. ), L'Aquitaine, p. 320,322-323 (op. cit. supra n. 2) ; PoN (G. ), « Le monachisme en Poitou avant l'epoque carolingienne »,dans Bull. Soc. Antiq. Quest, 4e ser., t. 17,1983, p. 116-117. 30. Ewio (E. ), « L'Aquitaine et les pays rhenans au haut moyen age », dans Cahiers de Civilisation mcdievale, x'-xu' sii Iles, t. 1,1958, p. 37-54 ; RoUCHE (M. ), L'Aquitaine, p. 423-439 (op. cit. supra n. 2). 31. BOISSONNADE(P. ), « Les relations entre l'Aquitaine, le Poitou et l'Irlande du vK au ix, si'cle )>, dans Bull. Soc. Antiq. Quest, 3` sdr., t. 4.1917, p. 181-202 ; JAMES (E. ), « Irland and western Gaul in the Merovingian Period », dans Irland in Early Mediaeval Europe, Studies in Memory of K. Hughes (publ. D. WHITELOCK, et al. ), Cambridge, 1982, p. 362-386. 32. Liber Historiae Francorttnt, c. 43 :« Franci itaque hoc valde indignantes, Gri- moaldo insidias preparant, eumque exementes, ad condempnandum rege Francorum Chlodoveo deferunt. In Parisius civitate in carcere mancipatus, vinculorum cruciatu in domino ipsius constrictus, ut erat morte dignus, quod suo cxercuit, mors valido cru- KRUSCH, 316). ciatu finivit » (ed. B. p. - 191 - Clotaire III (658 le de titre)33 et de avec titre comtal)34 , et qu'un autre ses neveux, Leger, eleve aupres de son oncle et place ä la tete de 1'ab- baye de Saint-A4aixent en Poitou, a ete appele ä la cour de Neustrie, puis promu sur le siege d'Autun (vers 661)35. Le palais de Neustrie, apres 1'echec de Grimoald, semble avoir interet ä compter sur le sou- tien de la famille de Didon, ce qui permet de supposer qu'elle faisait partie de ]a haute aristocratie d'Austrasie, apparue sur le devant de la scene et que, ä la faveur du declin momentane des Pippinides, eile se montra capable d'assurer le regne suivant de Childeric II (662-675), assiste par Vulfoaldus, un noble d'Austrasie. C'est dans ces circonstances que Didon pouvait etre identifie ä un certain <(papa Dydo »a qui a ete dediee la Vie de saint Amatus36, fon- dateur de l'abbaye d'Habendum, futur Remiremont37. Le monastere d'Habendtmt, mixte au debut, puis feminin, a ete fonde vers 620, par Romaricus, un pieux noble austrasien, inspire et assiste par un moine de Luxeuil, Amatus3S. Les Vies de ces deux fondateurs et d'un abbe successeur, Adelphius, semblent avoir ete redigees par un seul auteur 9. peu apres 670, date a laquelle est mort ce dernier Nous lisons au debut de la Vita sancti Antati : Incipit vita sancti Anzati confessori. Intperiis utis, beatissime papa Dvdo, eloquio quidem exiguo, sed voto dispostti (... J"ý uberrittto pat-ere .

33. Original aux Arch. nat., K 2. n° 3, fac-simile et ed. H. ATSMMAet J. VEZIN, Clºartae Latinae Antiquiores [= Clº. LA. 1, t. 13,1981,558: prdcepte de Clovis II par lequel le roi tonfirme le privilege, accorda par Landry, evcque de Paris ä l'abbaye de Saint-Denis (22 juin, 654). Voir infra it. 78. 34. L. BonnieR (H: L. ), Du recueil des chartes mcrovingiennes, Paris, 1850, p. 49- 52. Acte de Clotaire Ill adressd a Guerin, comic de Paris. concernant les possessions de l'abbaye des Fosses (le I`f mai 658). Voir infra n. 80. 35. Vita Leodegarii I c. 2, ed. p. 283 ; Vita Leodegarii 2, c. 3, ed. p. 326. Concernant les Vies de Lager, voir infra n. 91,93 et 94. 36. Woon (I. ), « The vita Colºunbani and Merovingian Hagiography », dans Pertia (Journal of the Mediaeval Academy of Irland), vol. 1,1982, p. 70 ; DIERKENS(A. ), « La diffusion », p. 388 (op. cit. supra n. 19). Concernant la fondation et les textes hagiogra- phiques de Remiremont : GAMIER (N. ), L; cvangclisation, p. 274-280 (op. cit. supra n. 22). 37. Remiremont, Vosges, ch. -1. c., arr. Epinal. 38. Saint Amalus, ne ä Grenoble, moine de Saint-Maurice d'Agaune, puls de Luxcuil, mors vers 625 (B. H. L., 358). 39. DoNY (E. ), « Etude sur l'auteur unique des vies de saint Adalphe, de saint Amat, de saint Romaric et de saint Arnulf », dans Dissertations academiques, publ. par G. KURTII, Liege, 1888, p. 120. Cc travail a ate partiellement corrige par BESSON(M. ) dann Monasteriºun Acaunense. Etudes critiques sur les origines de 1'abbaye de Saint- Maurice en Valais. Fribourg, 1913, p. 173-176 ; voir GAUTHIER (N. ), L'evangelisation, p. 275-276 (op. cit. supra n. 22). 40. Vita Amati (B. H. L., 358), ad. B. Knuscu W. LEVtSON, M. G. H. Script. sancti ct , rer. nºerov., t. 4,1902, p. 215 ; BESSON(M. ) (op. cit. supra n. 39), p. 184. f -192-

Mais, en l'absence de toute autre trace temoignant d'un rapport entre Didon et l'abbaye de Remiremont ou saint Amatus, l'identification de ce a 1'etat d'hypothese41. « papa Dydo » avec l'eveque de Poitiers restera

2. Acte de Childeric II, adresse ä Didon (ler mars 669) Une copie d'un acte du roi Childeric II nous met aussi sur la piste de Didon. Ce document a ete conserve dans les Actus pontificum Cenomannis in tube degentium4`, oeuvre consacree a la vie des eveques du Mans, accompagnee par une masse de transcriptions de titres, redi- gee entre 832 et 835 sous la direction de 1'eveque Aldric43, en vue de revendiquer la restitution des possessions de son eglise. En tote d'une serie d'actes ayant trait au domaine d'Ardin, sis dans le diocese de Poitiers44, nous voyons Childeric 11, alors roi d'Austrasie (662-675), s'adresser a 1'eveque de Poitiers pour faire savoir qu'il a accorde a 1'eglise du Mans le tribut (tributum) que le fisc tirait de la curtis d'Ardin au pages de Poitou. Le roi ordonne aussi de garder I'immunitd sur ce domaine de sorte qu'aucun judex n'y fasse lever le tribut. Ce document est date du le` mars 669, et souscrit par le roi. Nous voyons enfin, en bas de facie, les souscriptions de quatre abbes, trois per- sonnes non qualifiees et un clerc-scribe's.

41. L'abbaye de Remiremont possi:de un document commemoratif, le Liber memoria- lis, qui contient depuis sa fondation, les noms des personnesqui sont I'objet du rite de la commemoration des morts. En effet, nous dechiffrons le nom Dido sur le fol. 40 v°, I. 12 en ecriture du tx° siýcle. Pourtant, cc nom etant isole et non qualifie, il est difficile de retirer une information de cette source : ed. E. HLA%4"tTSCHt:A. K. SctMtD et G. TELLEN- BACH,M. G. H., Libri memoriales, t. 1, Dublin-Zurich, 1970, pl. 40 v° et p. 88,196. 42. Actus pontificum Cenomannis in urbe degentirun, cd. G. BUSSONet A. LEDRU (Archives historiques du Maine, 2), Lc Mans, 1901. 43. Alderic, eveque du Mans, 832-857 ; cf. G. Bussox et A. LEDRU, Actus (op. cit. supra n. 42), P. 295. 44. Ardin, Deux-Sevres, c. de Coulangcs. Les numismates supposent qu'il s'y trouvait un atelier monetaire ä 1'epoque merovingienne : FILLOJ (B. ), K Attribution de quelques tiers de sol d'or au Poitou, Aredunum, Curciacmn, b dans iUem. Soc. Antiq. Quest, t. 10, 1843, p. 379-385. 45. « Childericus, rex Francorum, vir illuster (sic), apostolice patri Didone, Pictavensi episcopo. Cognoscat sanctitas vestra quia nos tributo illo, quicquid de curie cognomi- nante Arduno, sitam in pago Pictavense, in luminaribus ad basilicam sancti Gervasii cedo, inspecto, absque inpedimento, pro mercedis nostris augmentum, omnia quod ad fiscum nostrum exigitur, visi fuimus concessisse. Propterca, per praesentem praeceptio- nem, pro amore sanctitatis, jussimus emunirc ; ut superius conscripto tributo quod ad fiscum nostrum de Arduno sperabatur, nullus nostri judex exactare facial ad fiscum nos- trum ; debent et jam dictam basilicam sancti Gervasii, ut prius concessimus pro merce- dis nostri augmento habeat concessum atque indultum. Et ut hec auctoritas pleniorem obtineat vigorem, manu nostra subterfirmavimus, et adfirmare rogavimus. Signum glo- rioso domno Hilderici regis. Kalendis manii, anno VII regni ipsius. Signum domni Ghi- Allo, Christomerus, silo, abbati, - abbas, subscripsi, - abbas, subscripsi, - Gedcon, Eionus, Auttenti abbas, subscripsi, - subscripsi. - ego vidi et subscripsi. - Auticdem vidi et subscripsi. - Teutsindus, clericus, explevit, scripsit et subscripsit ),, ed. G. BUSSONet A. LEDRU, op. cit. supra n. 42, p. 219-220. - 193 - Cet acte est connu par une transcription tres peu fidele de l'auteur des Actus au debut du Ix` siecle, probablement d'apres une transcrip- tion anterieure executee et conservde a la cathddrale du Mans. Cette concession de Childeric II a ere confirmee plusieurs fois jusqu'au debut du vint siecle. Mais I'dglise du Mans a ere depouillde de ses droits par le roi Pepin au milieu du v111°siecle et, au moment de la redaction des Actus, le revenu fiscal d'Ardin ne Iui appartenait plus46. La transcription contient plusieurs anomalies par rapport au formu- laire des acres merovingiens authentiques qui ont fait longtemps douter de l'authenticite de 1'acte. Celle-ci a ere cependant affirmee par Julien Havet, mais sans que nous puissions malheureusement connaitre les raisons de son choix47. Bien que ]'opinion d'Havet ait ete suivie par les historians qui ont travailld sur ce documents, nous devons reprendre ]'examen de I'acte.

Le plus dtonnant ii premiere vue est que les souscriptions de quatre abbes et de trois personnes sans qualification suivent le signum du roi et la date. Un autre acte conserve dans les Actus peut nous donner une solution. 11s'agit d'un acte de confirmation de Childeric II concernant la concession d'Ardin, date de 673 ou 674'19 qui comporte egalement les souscriptions, mais avec des informations plus precises. La sous- cription royale est datee du 27 aoüt de la I I` annee du regne, et quator- ze souscriptions - un dveque, quatre abbes, deux pretres et sept per- sonnes non qualifiees, sont apposdes au moil d'octobre de la meme annee50 dans la cite du Mans. En outre, tour ceux qui souscrivent affir-

46. Ed. BUSSON(G. ) ct LEDRU (A. ), Actus pontificunt (op. cit. supra n. 42), p. 254- 256. Une transcription d'un acre atteste, en mars 756, que deux vassaux du roi Pepin tenaient le domaine d'Ardin de 1'eveque du Mans ä titre prccaire. 47. HAUET (J. ), Euvres de Julien Hatet. Questions tuerovingienties, 1, Paris, 1885-90, p. 271. « Les actes des dveques du Mans », ibid., p. 271-445. L'acte a did classe parmi ceux qui sont u reconnus authentiques, ou en favour desquels pourra eire invoque le benefice du doute >. (ibid., p. 275) daps la preparation pour los pieces justificatives de son dernier travail inachevd. 48. LOT (F. ), « Un grand domainc a l'dpoque franque, Ardin en Poitou, contribution ä l'dtude de I'impöt », dans Cinquantenairc dc 1'Ecole pratique des hautes etudes (Biblio- theque de i'Ecole pratique des hauzes etudes, fasc. 230,1921) p. 109-129, notamment p. 112 et « Conqucte du pays d'entre Seine et Loire par les Francs », dans Rebate histo- rique, 165,1930, p. 241-253 (= Recueil des travauv hisioriques dc Ferdinand Lot, t. 2, Harnes etudes ntcdievales ei modernes. 9, Geneve, 1970, p. 191-211 et 113-125) ; GOFFART(\Y. ), The le Alans forgeries, (Harvard Historical Studies, 76), Cambridge- Massachusetts, 1966. p. 259 ; MAGNOU-NORTIER (E. ), « La Bestion publique en Neustrie : les moyens et les hommes (vu°ax- siccles) », dans La Neustrie, t. 1, p. 301. 49. Ed. BISSON (G. ) et LEDRU (A. ), Actus, (op. cit. supra n. 42), p. 220-222, date de 673 ou 674,27 aoüt et octobre. Document authentique, par HAVEL'(J. ). Questions ntero- vingicnnes, I (op. cit. supra n. 47), p. 271. 50. « Sub die XVl decimo l: alcndas novembris (sic) ». -194- ment, apres leurs noms, 1'authenticite d'un « exemplaire »: autentico vidi exemplar et subscripsi. L'acte original a done ete redige dans la chancel- lerie royale, souscrit par le roi le 27 aoüt, expedie au siege episcopal du Mans. 11 a ete ensuite transcrit, pour eire conserve par un certain Siggolenus, qui souscrit en disantfacta e_templaria ; c'est sur cette copie de 1'acte que le clerge et les laks de la region ont appose leurs souscrip- tions en octobre, pour en certifier 1'authenticite. En comparant ce docu- ment et 1'acte de 669, nous pouvons estimer que, malgre 1'absence de date et de lieu, les souscriptions figurant apres celle du roi et la date ont ete apposees apres 1'expedition de I'acte royal; parmi les huit personnes qui souscrivent, deux affirment « avoir vu (vidi) » 1'acte, ce qui peut Eire interprete comme un fragment de la formule autentico vidi exemplar. Enfin, la derniere personne qui souscrit I'acte, le clerc Teutsindus, preci- se qu'il « 1'a acheve (eaplevit) », entendons qu'il en a acheve la trans- cription. Nous pouvons penser, avec Ferdinand Lot, que les souscriptions qui figurent sur 1'acte de 669 ont ete, comme pour celles de 673/674, tra- cees posterieurement, en dehors de la chancellerie royale, sans doute lors de la transcription de 1'acte original ä Poitiers ou au Mans, et que les personnes qui ont souscrit sont des membres du clerge local, le dernier souscripteur pouvant eire aussi le copiste51. Ces souscriptions ne figu- raient done pas sur l'original de la chancellerie royale. Et ce West pas cet original qui a servi au copiste des Actus, mais une transcription poste- rieure. Pour lire la premiere ligne, il nous faudrait rappeler le travail de J. Havet sur les abreviations v. in!. La correction concernant la leqon de v. inl. faite par J. Havet resulte d'un rapprochement entre les preceptes et les lettres dans ]a typologie des actes merovingiens. L'abreviation i% inl. qui suit le titre du roi, rex Francorum, ne peut pas, ä cette epoque, s'appliquer au roi ; nous ne la trouvons en effet que chez les premiers rois Carolingiens : Pepin le Bref, Carloman et Charlemagne jusqu'en 775. Il faut done lire viris inlustributs, formule qui designe les fonction- naires royaux ä qui 1'acte est adresse et qui sont charges d'en assurer

51. LOT (F. ), « Un grand domainc », p. 112 (op. cit. supra n. 48). F. Lot, puis L. Dupraz DUPRAZ (L. ) « Une mission donnee a I'evi que Didon de Poitiers par le roi Child6ric 11 [1" mars 669] », dans Etudes meroringennes. Poitiers, 1953, p. 85-91, notamment p. 88-90. ) considerent que ('original de cc document a 6t6 copi6 dans la cath6drale de Poitiers par Teutsindus, un clcrc de cette cite 6piscopale, et souscrit par 1'entourage de Didon. Pourtant, vu que cet acre, qui noun prdscnte la formule tout ä fait habituelle d'un pr6cepte m6rovingien lots de la concession royale d'un fisc (voir infra), est adress6 ä I'6v8que et aux officicrs de Poitiers et que la copie de cet acre avec les souscriptions, a did conserv6e ä I'eglisc du Mans, noun prCfdrons chcrcher Ies auteurs de du Mans. ces souscriptions d'abord dans la cath6drale -195-

1'executions`. « Tout diplöme mdrovinaien est expedie dans la forme d'une lettre aux fonctionnaires royaux, viris inlustribus » ecrit J. Havetss

Si nous jetons un coup d'o: il sur les actes de Childeric II, nous constatons que la concession du roi et de la reine en faveur de 1'eveque Amand est connue par un acte adresse au come Bertuinus vir inlustris et au vicarius Bertlandus, qui sont tenus de respecter la decision royale54. La donation du roi en faveur de I'abbaye de Saint-Gregoire de Munster est conservee par un fragment d'acte adresse au duc Bonifacius55 ; 1'acte de concession pour Dragobodus, eveque de Spire est adresse aux viris illustribus, dues et comtes56. Une autre concession pour le monastere de Saint-Gregoire de Munster, faite le 4 mars 674, est connue par un acte adresse au duc Chadicus et au comte Rodbertus57. L'acte de Childeric 11 est done conforme au style du temps : la concession royale du fisc d'Ardin est annoncee par un acte du roi en forme epistolaire aux fonctionnaires de la region et ä 1'eveque du diocese de Poitiers, ca se trouvait la terre cedee : viris illustribus, apostolice patri Didone. Le roi s'adresse aux fonctionnaires dont les noms Iui echappent et a 1'eveque Didon. En effet, dans les actes merovingiens, la majorite des destinataires des preceptes de concession sont des fonctionnaires laks, ducs, comtes, etc. II en existe pourtant qui s'adressent ä la fois aux fonctionnaires et a 1'eveque58. Sans doute pouvons-nous supposer que le souverain voulait notifier sa concession ä tous ceux qui exerqaient le pouvoir sur le territoire dans lequel se situait le bien cede. Mais comme il n'avait pas d'information precise sur les fonctionnaires de cc territoire, il adressait sa decision de fagon anonyme « aux fonctionnaires, viris illustribus », alors qu'il pou-

52. HAVET (J. ), « La formule : N. REX FANCORU, II V. INL. », Questions mcrovin- giennes, I (op. cit. supra n. 47), p. 1-18. 53. HAUET(J. ), « Les chanes do Saint-Calais u, Questions merovingiennes, 4 (op. cit. supra n. 47), p. 121. 54. Ed. PERTZ(G. H. ), Al. G. H., Diplomatunn imperii, t. 1, Hanovre, 1872, p. 25-26, n° 25, cet acre est date du 1" aoüt, deuxii: me annee du ri: gne de Childeric, soit en 663 ; cf. saint Amand. eveque alors sans diocese ; voir supra, n. 16 ; comte Bertuinus : EBLING (H. ), Prosopographie (op. cit. supra n. 10), p. 83-84, n° 81 ; Bertlandus : ibid., p. 79-80, n° 73. 55. Ed. PERTZ (G. H. ), ibid., p. 26, n° 26 (s. d. ). Munster ou Gregorienmunster, ch. -l. de c., arr. Colmar, Haut-Rhin, cf. due Bonifacius : EBUNG (H. ), Prosopographie (op. cit. supra n. 10), p. 87-89, n° 88. 56. Ed. PERTZ(G. H.), ibid., p. 27-28, n° 28 (s. d. ). 57. Ed. PERTZ(G. H. ), ibid.. p. 26, n° 26 (date du 4 mars 13` annee de son regne, soit 674). 58. Ed. PERTZ(G. li. ), ibid., p. 15, n° 13 (acte de Dagobert 1", 8 avril 629) ; p. 16-18, no 15 (acre de Dagobert 1", 1" oct. 635) ; p. 46-47, n° 52 (acre de Thierry III, vers 681) ; p. 84, n° 95 (acte de Thierry I\, 12juillct 727). -196- vait citer le nom de l'eveque Didon. Quant au qualificatif d'apostolice applique ä un eveque, il est tout ä fait dans le style du vtt° siecle. Ce texte ne contient pas de preambule : sans doute a-t-il ete omis au moment de ]a transcription. Le werbe cognoscat en tote de ]'expose est la formule du precepte. Mais le sujet sanctitas vestra s'eloigne des for- mules en vigueur au temps de Childeric II59. L'expose qui suit a une forme tres proche d'un autre acte authentique de ce roi, concernant la concession des perceptions du fist sur les hommes d'un domaine en Alsace G0.Le verbe cognoscatlcog; utscat est suivi immediatement par le contenu et la localisation du bien cede, puls par le nom du beneficiai- re61. Le debut et ]a fin du dispositif, propterea, per praesentem prae-

59. TESSIER(G. ), Diplomatique royale fransaise. Paris, 1962, p. 35-36. La formule la plus courante des actes de Childeric est :« cognoscat magnitudo scu utilitas vestra » (Ed. G. H. PERTZ,M. G. H., Diplomara imperii. n° 25,28, et 30). Nous nous demandons s'il n'y avail pas, dans cette transcription, d'omission pour «magnitudo» et de fautes de lecture pour « seu utilitas ». 60. Acte conserve en copie du viii' siccle, ed. et facsimile par H. ATSMAet J. VEZIN, Ch. L.A., t. 19, n° 676 ; ed. PEt1TZ,ibid., n° 30 (673.4 mars). 61. Sur noire acte, le nom du benef iciaire, I'eveque du Mans n'apparait pas mais, dans l'hypotltese des omissions posterieures, noun pouvons proposer dc le restituer ä cet endroit. Acte enfaveur chi monasrere de Munster (673) Acte des eveques du Mans (669) Ideo cognuscat magnitudo seu utilitas vestra Cognoscat sanctitas vestra (sic) quia nos homines illos, quia nos tributo illo, qui conmanuit in Monifensishaim ct Ohnenhaim, quicquid de curie cognominante Arduno, sitam in pago Pictavense, quantumcum que ipsi ad parti fisco nostro retebant.

Valedio abbatc ad monasterio Confluentis (nom de l'eveque benlfciaire ?) hoc plena et integra voluntate in luminaribus ad basilicam Sancti Gervasii cedo, inspecto, absque inpedimento, pro mercedis nostris augmentum, omnia quod ad fiscum nostrum exigitur, visi fuimus concessisse. visi fuimus concessisse. Le mot tributum pout eire suspect, car on ne trouve pas un scul exemple d'actc conserve en original qui contienne cc mot : Concordance formes. Chartae Latinae Antiquiores (H. ATSMA et J. VEZIN), U. C. L. CETEDOC, 1990 (je remercie M. Atsma et I'Institut historique allemand de m'avoir permis do disposer de cet instrument fort utile), alors qu'il figure dans les formulaires et les capitulaires du debut de ix' siccle (ed. ZEUMEtt, M. G. H., Formulae merotivingici e1 karolini aevi, Hanovrc, 1886. Formulae imperiales, 28, p. 306,817 ; 29, p. 308,816 ; 40, p. 318 ; Collectio Sangallensis, additamenta. 3, p. 435 ; ed. BoETlus, M. G. H., Leges sectio 11, Capitulare. 1.1, p. 272,817, juillet p. 287,818/819 ; p. 289,819 ; p. 313,826,827 ?: t. 2, p. 17,829, aoüt). Faut-il imaginer une interpolation de l'auteur des Actus, soucieux de rccupercr les revenus fiscaux d'Ardin, qui semblent Eire Tres importants, d'apres la seric des actes de confirmation de cette (F. Un domaine concession en 669 : LOT ), « grand >, (op. cit. supra n. 48). -197- ceptionem6', habeas concessum, argue indulttmt, et le debut du protö- cole final et ut hec auctoritas pleniorem obtineat vigorent sont parfaite- ment reguliers. Lorsque la cession porte sur une terre fiscale qui est, par definition, dejä immunises, le roi ordonne de conserver le meme privilege d'immunite63, c'est-ä-dire l'exemption des impöts et des charges publiques64. II interdit donc aux judices, fonctionnaires royaux, d'y exercer leurs pouvoirs. Le dispositif de ce document contient taus ces elements : le roi ordonne aux fonctionnaires (jussimus enumire)65 de ne pas exercer leur droit sur ce domaine (nullos nostri judexb6 exactare facial ad fisctmt nostrum). Dans la souscription royale, glorioso domno est une addition ana- chronique, car c'est une qualification pour les rois carolingiens67. Pour la date, it faudrait data sub die ei lire a la fin anno VII regni nostri ii la place de regni ipsius. 11 est done clair que taus ces emplois de tournures appartenant au style des actes merovingiens noes conduisent Ii affirmer 1'existence d'un acre original authentique. Le document ne peut donc pas etre dans sa totalite une fabrication fictive de l'auteur des Actus pontificum. Ce scribe du ix siecle avait sürement un document original, ou plutöt une transcription d'un acre authentique merovingien sous les yeux. La pre- sence d'un acre merovingien concernant ce sujet dans la documentation du copiste du Mans est done vraisemblable. Cet acre adresse ä Didon peut nous donner quelques renseignements implicites sur l'etat du Poitou sous Childeric II : possession du roi d'Austrasie, le Poitou ne semble pas avoir ete 1'objet d'interventions directes de la part de Childeric 11, par l'entremise de ses fonctionnaires : it se contentait de le diriger indirectement, ii travers

62. Louis Dupraz, en prenant cc document comme une lettre et non un precepte, sup- pose qu'il y avail un autre acre expedic avec celui adresse 4 Didon, qui sera le precepte d'immunite sous forme de copie. DuPRAZ (L. ), « Une mission », p. 88, op. cit. supra n. 51). D'apri: s cc quc nous avons examine plus haut, per praesentem praeceptionent qui se trouve en tote du dispositif ne parail pas si anormal. Les formules epistolaires peu- vent bicn eire appliquees aux acres de pnceptes. 11s'agit, ici, de cet acre lui meme. 63. TESSIEtt(G. ). Diplontatiquc, p. 8 (op. cit. supra n. 59). 64. LEVILLAIN (L. ), « Note sur l'imntunite merovingienne », dans Revue historique de droll fransais et ctranger. 4` ser., 6` ann., 1927, p. 3S-67. 65. « Jussimus emunire » parait insolite. Nc pouvons-nous pas le lire, comme un autre acte de cc roi (Pnn-z, n° 28. p. 28) « jussintus eumnare a? 66. Nous ne trouvons pas cctte tournure « nullus nostri judex » dans les autres acres merovingiens. La forme habituelle cst « nullus judex publicus »; cf. PEaTZ, n° 28, etc. 67. Concordance forms. Ch. L. A.. U. C. L. CETEDOC, 1990. - 198 -

1'autorite de l'eveyue68, originaire de la haute aristocratie, peut-etre austrasienne. 3. Ses dernieres annees Suivant les annales tardives de Marbach (XIII` siecle), nous trouvons encore Didon autour du bouleversement successoral consdcutif ä la mort de Childeric II en 675, parmi les partisans de Thierry III avec Leger, eveque d'Autun et Guerin, frere de ce dernier69. Pourtant, Didon n'aparait pas au concile de Saint-Pierre-de-Granon, tenu entre 673 et 675 °. Son successeur Ansoald apparait pour la premiere fois le l` juillet 67771. Didon doit donc avoir termine son long episcopat entre 669, probablement apres 673, et le 1" juillet 677. Enfin, c'est sans doute notre eveque Didon que Baronte72, moine de l'abbaye de Saint-Cyran73, rencontre dans sa vision de l'enfer7a, du 25 mars 678 ou 679 : il y vit, entre autres, 1'eveque de Bourges, Vulfrede75, en vetements crasseux, accable, pareil ä un mendiant, et un autre eveque, Didon76. Ce rdcit est compose au v111°siecle, dpoque oü,

68. Suivant les lois romaines, l'autorit6 de 1'6veque sur les officiers est contestable : VIOLLET (P.), Droit public, histoire des institutions politiques et administratives dc la France, t. 1, Paris, 1890, p. 385-387. Sous los rois merovingiens, nous avons quelques mentions qui noes permettent de supposer cede autorit6 chez les 6veques de Tours : GREGOIRE DE TOURS, Histoire des Francs, lib. 5, c. 47 et Vie de saint Eloi. 6d. B. KRUSCH,M. G. H. Script. 4,1902, 688. L'eglise du Mans de , rer. merov., t. p. possi; une transcription d'un acte dans les Actus, par lequel Clothaire III et Bathilde accordent it 1'eveque du Mans le privilege de designer le comte ou Ic due du Maine (c. 660, men- tionn6 daps l'acte de confirmation ci-dessous) ; cello concession a et6 confirmee par Childebert III (698/699) (Actus pontificum, ed. G. BUSSONet A. LEDRU, op. cit. supra n. 42, p. 235) ; l'authenticite de cot acre a ere confirm6c par HAUET (J. ) et par LOT (F. ) (« Nomination des comtes it 1'epoque m6rovingienne ct la Novella 149 de Justinien 11 », dans Revue historique de droit fransaie et etranger, 1924, p. 272-284) ; cf. BRUNTERC'H de (J. -P.), Annales France, 1.1, « Le moyen äge », Paris, 1994, p. 172-176. 69. Annales Marbacenses, 6d. WILMANS, M. G. H., Scriptores, t. 17,1866, p. 146, voir infra n. 106. 70. Concile de Saint-Pierre-de-Granon, CLERCQ,Concilia, (op. cit. supra, n. 3), p. 312-313. 71. Acre de donation en favour de Philibert. Voir infra n. 166. 72. Saint Baronte, moine de I'abbaye de Saint-Cyran, puis ermite, mort le 25 mars vers 700 (B. H. L., 996-997). 73. Saint-Cyran, Indre, c. M6zieres, comm. Saint-Michel-en-Brenne ; abbaye de Saint-Cyran ou Lonrey, fond6e vets 640 par saint Cyran, dans le diocese de Bourges. 74. Visio Baronti monachi Longorelensis (B. H. L.. 997a), 6d. B. KRUSCIICt W. LEVI- G. H. Script. 377-394. Indique SON,M. , rer. nterov.. 1.5,1910, p. par LAUGARDIERE (M. DE),L'eglise de Bourges avant Charlemagne, Paris-Bourges, 1951, p. 188-198. 75. Vulfrede, 6v6quede Bourges, mort en 672. 76. Visio Baronti, c. 17 :« Deinde iter agentes pervcnimus ad infernum, Ibi et lassus damnatus, ... Vulfoleodus episcopus, deceptione cum turpissima veste similitudinem men- dici sedebat, ibi et Dido episcopus, et aliquos ex parcntibus nostri ibi recognovimus >>. -199- apparemment, Didon n'avait pas bonne reputation. C'est egalement au debut de ce siecle qu'un moine de Saint-Denis relate, dans le Liber his- toriae Francornin, la participation de l'eveque Didon au « coup d'etat » de Grimoald77.

En effet, durant plus de quarante ans d'dpiscopat, Didon se comporte plutöt comme l'un des acteurs de la scene politique que comme un bon berger du troupeau qui lui est confie dans son diocese. Seul l'acte de Childeric fait allusion ä son autofite quasiment exclusive sur sa cite. Sur le plan politique, proche des Pippinides jusqu'au milieu du VII` siecle, it dtablit un bon rapport avec la cour de Neustrie aupres de Bathilde et de ses fils avant ('apparition d'Ebroin, puis avec Childeric II, le roi d'Austrasie. Ses neveux supposes, Guerin et Leger maintien- dront ce lien, qui les menera finalement a la revolte contre Ebroin.

GUERIN ET LEGER

1. Guerin, comte de Paris

Le nom de Guerin figure d'abord parmi 1'entourage du roi de Neustrie. Guerin semble se presenter ä 1'assemblee de Clichy au mois de juin 654 et marquer son nom en bas de 1'acte de Clovis II en faveur de l'abbaye de Saint-Denis, date du 22 juin 65475. Sur cet acte qui contient quarante-quatre souscriptions, le nom « Gaerinus » est le dix- huitieme dans la colonne de gauche, sans qualification. En 658, Guerin apparait avec le titre de comte. Le roi Clotaire III, en s'adressant ä Guerin, comte, confirnie pour le monastere des Fosses au bord de la Marne79, les flotations et les concessions de biens, faites par ses ancetres, et donne I'ordre qu'aucun agent public ni eveque n'y

(ed. B. KRuscII W. LEvIso 390-391). Le le diocese de Ber- et , p. texte ne precise pas cc nier. Dom J. B. Pitra I'idcntific avcc Diddo, dveque de Chalon-sur-Saone, un des perse- cuteurs de saint Leger PtrttA (J: B. ), Ifistoire dc saint Leger. Paris, 1846, p. 361-362). Nous suivons plutöt I'intcrpntation de B. Krusch et de M. de Laugardiere : scion eux, il s'agit dc Didon, 6vequc dc Poitiers, car, ä la date de la Visio, mars 678/679,1'eveque de Chalon n'dtait sans doutc pas mors, et il faut encore attendre queiques annees pour la rehabilitation definitive dc Leger, cnnemi de Diddo, dveque de Chalon. 77. Voir supra n. 21. 78. Original aux Arch. nat., K 2, n° 3, fac-simile et 6d. H. ATS MAet J. VEZIN,Ch. L. A., t. 13,1981,558. Acte de Clovis II pour I'abbayc de Saint-Denis, par lequel le roi confir- me le privilege accord6 par Landry, 6rcque de Paris (22 juin 654) « Signum + Gaerinus jusu subscripsi. H Cet acre nous fournit 6galement la premiere souscription d'EbroIn, futur cnnemi de Guerin. 79. Abbaye des Fosses, plus Lard Saint-Maur-des-Fosses, Vat-de-Marne, c. de Charen- ton. - 200 - entre pour exercer le pouvoirSO. Le comte est un des agents royaux impöts il charge du pouvoir judiciaire et du recouvrement des ; est designe ou destitue par le roi81. Guerin etait charge du pouvoir comtal sur la region parisienne, par la nomination de Clovis II (mors en 657) ou de Clotaire III et Bathilde, la regente. 11etait donc proche de la cour de la reine Bathilde. C'est sans doute ce Guerin qui a possedd un domaine ä Noisy-sur-Oise82. Une de ses activites du temps oü il etait comte de Paris, est connue par un diplöme de Childebert III83. II s'agit du tonlieu de la foire de la Saint-Denis. La basilique de Saint-Denis avail obtenu de Dagobert I" tout le tonlieu et les revenus de la foire de la Saint-Denis pendant la duree du marche84. Cette generosite excessive et exceptionnelle causa des conflits avec les percepteurs habituels de ce lieu, les comtes de Paris. Dans un acte posterieur, le roi Childebert III declara que Guerin, en abusant de son pouvoir comtal, avail entrepris de lever, au nom du fisc, la moitie du revenu du tonlieu de la foire de la Saint-Denisss Leon Levillain situe cette tentative du comte de Paris entre 673 et 67586. Les documents ci-dessus ne mentionnent pas le fait que le comte de Paris etait frere de Leger, eveque d'Autun.

Apres la mort de Clotaire III en 673, eclate la guerre successorale entre ses freres Thierry III et Childeric II. Guerin apparaIt comme l'un des partisans de ce dernier, et c'est seulement a ce Guerin que les auteurs de chroniques et de recits hagiographiques attribuent la qualite de frere de Leger d'Autun, qui etait un des personnages les plus impor-

80. Copie conserve dans le cartulaire des Fosses, Arch. nat., LL 49, fol. 31 v° (STEIN, Bibliographie gen6rale des cartulaire fransais. Paris, 1907, n° 3490) (Ic 1" mai 658), 6d. H. -L. BORDIER,Du recueil des chartes merocingiennes (op. cit. supra n. 34), p. 49- 52. Nous retrouvons ici un autre exemple du pr&cepte r6digd en forme 6pistolaire. 8 1. TARDIF (Jules), Etudes stir les institutions politiques et administratives de la Fran- ce, Etudes stir les institutions nterovingiennes, Paris, 1881, p. 112. 82. Noisy-sur-Oise, Seine-et-Oise, c. Luzarche. Original aux Arch. nat., K 3, n° 12, fac-simil6 et 6d. H. ATSMAet J. VEZIN,Ch. L. A., 1.14,1982,581. acre du jugement royal sur un litige entre le monasterede Tussonval et les particulicrs concernant le domaine sis ä Noisy (.14 mars 697), voir infra, n. 106. 83. Original aux Arch. nat.. K 3, n° 15, fac-simile et ed. H. ATSMA et J. VEZIN, Ch. L. A., t. 14,586. Acne du jugement dc Childebert III par Icqucl Ic roi ordonne que 1'abbaye de Saint-Denis regoive sous les droits pcrqus sur les marchands qui participent lt la foire de la Saint-Denis (13 d6cembrc 709/710). 84. LEVILLAIN(L. ), « Etudes sur l'abbaye dc Saint-Denis ä I'6poque merovingienne, IV», dans Bibliothcque de l'Ecole des Charles, 1.91.1930, p. 10-14. 85. «Intendibant contra agentes sancti Dionisii, quasi hoc Gairinus quondam, loco ipsius Parisiace comis, per forcia hunc consuetudinem ibydem misissit, ct aliquando ipsa medietatem de ipso teleneu cisdem exinde tullissit. » (Ch.L. A., t. 14, p. 50-51,1.12- 13). 86. LEVILLAIN(L. ), ibid., p. 38-40. -201- tants de En le jamais de cc cams7 . revanche, ces auteurs ne qualifient comic de Pariss ý.A partir de lä, jusqu'ä son dernier jour, Guerin parta- gera le sort de Leger, cc qui nous permet de suivre sa piste ä travers les textes hagiographiques concernant saint Leger.

2. Leger, eveque d'Autun

La Vie de saint LegerS9 est un des textes hagiographiques les plus copies du Moyen Age ; eile a meme dtd traduite tres tot, durant la deuxieme moitie du xe siecle, en langue vulgaire90. Les versions pro- viennent de nombreux manuscrits et sont classees en gros suivant deux sources : une Vie redigee peu apres sa mort par un moine anonyme de Saint-Symphorien d'Autun, perdue, connue par un fragment conserve dans un manuscrit du Xe siecle provenant de Moissac91 ; une Vie ecrite, suivant son prologue, ä la dernande d'Audulfus, abbe de Saint-Maixent (vers 660-apres 683), dediee a 1'evzque de Poitiers Ansoald (avant juillet Ursin92 la 676 - apres 699) par un moine poitevin nomme vers fin du vile siecle, dont le manuscrit le plus ancien est date des ville-

87. Vita Laniberti abbatis Fontanefensis et episcopi Lugdunensis, c. 3, ed. B. Kauscu et W. LEVISON, At. G. H., Script. rer. nºerov., t. 5,1910, p. 610, voir infra n. 102 et 103. 88. Guerin, « frcre de Leger »a ete qualifie, une fois, de conite de Poitiers : voir Annales Aiarbacenses,cd. \\ht..MANS, At. G. H., Scriptores, t. 17,1866, p. 146, voir infra n. 106. Comme ces annales sont une o:uvre du xm' siecle, In confiance 1 accorder 'acette mention est faible. 89. Concernant les Vies de Leger, POULIN (J: Cl. ), « Saint Leger d'Autun et ses pre- miers biographer (fin vu'-milieu t. '' siccles) », dans Bull. Soc. Antiq. Ouest, 4° sec., t. 14,1977, p. 167-200. 90. Vie cn roman, texte d'apres 1ra Lcodegarii 2 (voir infra n. 93) redigee ü Autun, en Limousin ou en Poitou, destinee'a eire chantee, ed. P. MEYER, Recueil d'anciens textes bas-latin, provenfaur ct fransais, Paris, 1874, part I, p. 194-198. 91. B.H. L., 4850 (= \ ita Lcodegarii 1), ed. B. Kausets, Al. G. H., Script. res: merov., t. 5. Hanovre, 1910, p. 302-320. 92. Vita Leodegarii 2 (voir note suivante), preface Domino meo sanctoque pontifi- cc Ansoaldo praesole Pectavense Ursinus peccator. Jussioni obtemperans vestre parue, beatissime papa, insisicnic maxima ex parse Audulfo parre monasteri beati Maxenti, ut de vita passionc beati Lcudegarii pauca dc multis ejusdem bonis scribendum narrarem » (ed. B. KausCtt, At. G. If., Script. rer. nteror., t. 5, p. 323). Au I'll, siecle en Poitou, il ya trois traces d' « Ursin »: l'autcur de la Vie dc saint Leger, un moine poitevin ; le nutri- tor de Defensor, moine de Liguge ct autcur du Liber scintillarutu (redigd entre 732 et 750) ; I'abbe de Liguge dons Ic nom figure daps l'inscription dune pierce tumulaire decouverie ä Liguge, datce de la fin du vu' siecle. Que ces trois Ursin soient la meme personae roste une hypothese. Rocums Livre d'etincelles, t. 1, Sources chre- tiennes, n° 77, Paris, 1961, p. 16-21 ; dom COQUET(J. ), « L'inscription tumulaire de Liguge, fin du %,u' siecle », dans Revue 3fabillon, 44° ann., 1954, p. 97-104. J. -Cl. Pou- lin pense qu'il s'agit d'un scut ct meme personnage : Romains et barbares entre Loire et Gironde, iv'. xx siccles, catalogue de l'exposition au mused Sainte-Croix (Poitiers), 6 octobre 1989 - 28 fcvricr 1990, Poitiers, 1989, p. 30-31. - 202 -

Ixe siecles93. Il existe encore une compilation de ces deux Vies, redigee fournir vers la fin du vine siecle ou au debut du ixe siecle pour une Vie plus complete, ce qui nous permet de completer la Vie d'Autun ci-des- sus dont nous ne connaissons qu'un fragment9a. L'hagiographe poitevin dit que Leger etait ä 1'ecole du palais sous Clotaire II avant d'etre appele par son oncle Didon, eveque de Poitiers95. Les deux hagiographes sont d'accord sur le fait qu'il ait ete eleve dans la cite episcopale de Poitiers, pour succeder ä son oncle sur le siege episcopal. Suivant 1'auteur poitevin, il a ete consacre diacre tres jeune et, peu apres, ä 1'äge de vingt ans, il est devenu archidiacre, puis ä la mort de 1'abbe de Saint-Maixent, apres 651, it a ete place ä la tete de ce monastere96. Pourtant le projet de Didon pour s'assurer un successeur fut interrompu par une sollicitation de Bathilde, la reine- mere. Elle demanda i3 Didon d'envoyer son neveu Leger ä la cour du palais de Neustrie. Didon accepta immediatement, et Leger, apres six ans d'abbatiat, quitta son monastere et le diocese de son oncle97. Ainsi, vers 66098, Leger a sejourne au palais de Neustrie, oü gouver- nait la regente Bathilde avec le conseil, entre autres, de Chrodobert, eveque de Paris, d'Ouen, eveque de Rouen, et d'Ebroºn, devenu maire du palais en 65899 ; il a cötoye les jeunes princes et tous ceux qui

93. Vita vel passio Leodegarii, par Ursin, moine en Poitou, (B. H. L., 4851), (Vita Leo- degarii 2), 6d. B. KRUSCH,61. G. H., Script. rer. merov., t. 5, p. 323-356. 94. B. Krusch a reconstitu6 la Vie anonyme d'Autun dans ses Gesta et passio Leode- garii (B.H. L., 4849b) [= Vita Leodegarii 3], ibid., p. 282-322, en se servant de cette Vie compil6e. Cette oeuvrecontient dans ses chapitres 23-37 une ddition complete du frag- ment ci-dessusB. H. L. 4850, (Vita Leodegarii 1). 95. Vita Leodegarii 2, c. 1, dd. B. KRUSCit,p. 324. 96. Ibid., c. 2-3,6d. B. KRUSCit,p. 325-326. Saint-Maixent, Deux-Sevres, arr. Niort, monasteresans doute issu d'une communaut6d'ermites rdunis par Agapit It la fin du v° siecle, puis illustr6 par Adjutor-Maixent. L'abbatiat de Leger aurait durd six ans (vets 651-657, selon dom PITRA(J. -B. ), op. cit. supra n. 76, p. 93.) 97. Vita Leodegarii 2, c. 3: « Erat enim codem tempore minor Chlothacharius cum Baldechilde matre rex regens Francorum rcgnum. Agnita ejus prudcntia, cupientis cum secum habere in aula regia, petierunt pontifici, ut suam daret licentiam secum habitare in palatium. Qui statim jussa conplens, magnis rebus ditatum et sapientiae floribus ador- natum, obtemperans corum voluntati, nisus est destinarc virum » (6d. B. KRUSCH, p. 326). 98. Suivant la chronologie 6tablie par dom Pitra (op. cit. supra n. 76), Ia venue de Leger au palais daterait de 657. II a did promu au siege d'Autun en 663. 99. Vita sanctae Balthildis, (B. H. L., 905), c. 5: K tunc etenim precellentibus principi- bus Chrodoberto episcopo Parisiaco et domno Audoeno scu et Ebroino majore domus cum reliquis senioribus vel ceteris quam pluribus, et regno quidem Francorum in pace consistenti » (6d. B. KRUSCH,Al. G. U., Script. rer. nterov:, t. 2, Hanovre, 1888, p. 487- 488). Chrodebert, dvcque de Paris, 23 juin 654/657 - apres le 8 sept. 663/664 ; Ouen, dveque de Rouen, 13 mai 641 - 24 aoüt 684 (datation par DuPRAZ (L. ), Contribution, p. 353, op. cit. supra n. 1). Parmi cet entourage, Dupraz suppose un ddsaccord entre les deux partis : celui de Bathilde avec Chrodebert, I'6veque dc Paris, It qui succede Sige- - 203 - seront les prota; onistes des luttes qui vont suivre, jusqu'au jour oü il fut designe sur le siege episcopal d'Autun en 663. C'est dgalement a cette epoque que Guerin exerqait le pouvoir comtal sur la region pari- sienne. Cette periode coincide, en Austrasie, avec 1'execution du projet de Grimoald, qui voulait placer son fils sur le tröne et detröner le succes- seur legitime du royaume d'Austrasie, Dagobert II, avec une participa- tion de Didon en 656 ou en 661, et I'installation d'un des fils de Bathilde, Childeric Il, sur le tröne d'Austrasie en 662. La tentative de Grimoald ayant echoue, Ia disparition momentanee des Pippinides assure le succes de la famille de Vulfoaldus100, et sans doute d'autres families d'Austrasie, qui etaient restees jusqu'alors dans 1'ombre des Pippinides, et qui ne sont pas mentionnees dans nos sources redigees par les auteurs de I'dpoque carolinýienne, dpoque glorieuse des descen- dants des Pippinides. Nous avons vu ci-dessus la possibilite de compter la famille de Didon parmi les aristocrates austrasiens. Durant ces troubles autour du tröne d'Austrasie, la regente du palais de Neustrie semble avoir cherclte a consolider son pouvoir en se rapprochant de la famille de Leger et de Guerin, qui dtait proche de Grimoald, et qui avait, sans doute, une certaine influence sur les aristocraties austra- siennes.

3. Leur lutte contre Ebrän Apres la mors de Clotaire III entre le 10 mars et le 15 mai 673, Thierry 111, soutenu par Ebrofn, monte sur le träne de Neustrie et Burgondie. Cette succession provoque une vehemente contestation de la part de 1'entourage du roi d'Austrasie et des ennemis d'Ebrofn. La meme annee, Childeric II, qui etait dejä roi d'Austrasie depuis 662, soutenu par Vulfoaldus, maire du palais d'Austrasie, occupe le träne de Neustrie-Burgondie, et Thierry et Ebrofn sont relegues l'un a Saint- Denis et I'autre h Luxeuil101. Guerin et Leger apparaissent tous les deux comme les partisans eminents de ce roi unique du royaume des Francs.

brand qui provoquera. en 664, la retraite de la reine-mere ; celui d'Ebrofn avec Ouen ; Leger et Guerin appartenaient a celui de Bathilde comme nous pouvons le deduire de leur r6volte contre Ebroºn et contre la centralisation du royaume des Francs entreprise par cc demier (ibid.. p. 359.) 100. Vulfoaldus, maim du palais d'Austrasie (662-673), du royaume des Francs (673- 675) : E©LING(H. ), Prosopographie (op. cit. supra n. 10), n° 313, p. 241-243. 101. Liber historiae Francorunt. c. 45, ed. B. KRUSCH, it. G. H., Script. rer. nterov., t. 2, p. 317 ; Fredegarii Chronicorum liber quartus, continuationes, c. 2, ed. B. KRUSCH, ibid., p. 168. - 204 -

Its figurent dans un acte de donation de Childeric II pour le monaste- re de Fontenelle, date de la onzieme annee du regne d'Austrasie et pre- miere annee de Neustrie (apres aoüt 673 - avant le 14 septembre 674)1Ö2: le roi decide cette concession ä la demande de la reine et de venerables eveques, Leger, qui finira plus Lard martyr glorieux, Nivard, Ermonius, et d'autres agents du roi (viri illustres), Fulcoaldus, Amalricus, Vulfoaldus, maire du palais, Bavon, Vaneng ou Vaningue, Adalbert, Guerin, frere de l'eveque Legertos.

Pourtant, ce lien entre Childeric, Vulfoaldus et Leger s'est rompu avant la fin du regne. A la Päques 675, Leger tombe en disgrace, et est emmene ä Luxeuil, oü se trouvait Ebroin depuis 1'avenement de Childeric en Neustrie. Nous n'avons aucune trace de Guerin pendant cette periode. A la fin de 675, le roi Childeric etant assassine, Leger et Ebroin sortent de leur prison, et \'ulfoaldus s'enfuit en Austrasie. Le royaume des Francs subit encore une fois une guerre successorale. Les nobles francs, avec le conseil de Leger et de Guerin qui se trouvent 4

102. Diplome perdu, cite dans ]a Vita Lantbdrti abbatis Fontanellensis et cpiscopi Lugduncnsis, 3, dd. B. KRUSCtt W. LEVisO::, M. G. H. Script. 5, c. et . rer. mcror., t. 1910, p. 610. Cite dans les Gcsta sanctonon patrunt Fontandlldnsis cocnobii, VI, 2 (rddigds vets 845), ed. dom F. LOtnER et Ic R. P. J. LAPORTE,Rouen-Paris, 1936, p. 49. Pour la date de cet acte perdu, voir LEVILL.AIN(L. ). * La succession U, p. 73 -74 (op. cit. supra n. 1). A part cet acte perdu, nous navons pas d'autre trace de Leger dans les actes royaux ou conciliaires. 11figure sur un acte de donation de saint Berchaire, abbe d'Haut- villiers (30 aoüt 673), ed. PARDESSUS,Diplanata, t. 2, no 369, p. 159-160 et sur un autre acte de donation de saint Vindicien, dvcque d'Artois et de Cambrai (8 mai 680) dont 1'authenticite est fortement doutcuse (ed. PARDESSUS,ibid., no 392, p. 182-184). 103. Elevatio in Hilderico, Quod largitionibus « namquc sede regni ... etiam ex qua- rundam possessionum, quas cidem venerabili patri et isti coenobio contulit, liquidem fore constat. Denique ad peticionem reginae suac Bilhildae atque vencrabilium episco- porum, id est bonae recordationis Leodegarii cpiscopii, qui postea gloriosissimus effec- tus est martyr, Nivonis et etiam episcopi et Ermonii, atque illustrium virorum, quorum haec sunt nomina : Fulcoaldi, Amalrici, Vulfoaldi majoris domus regiae, Bavonis, Waningi, Adalbertus, Gerini, fratris clari prefati Leodegarii episcopi.... Edita est autem haec regia largitio Arlauno jocundo palatio, undecimo anno prefati regis Austria, qui fuerat in , (dd. B. KRUSCtt W. LEVISON, 610-611). Saint Nivard, primus ... » et p. dveque de Reims (B. H. L., 6243) ; Ermonius, dvcque de Sens ; Fulcaldus, due (de Cham- pagne ?), EBLING, Prosopographie (op. cit. supra n. 10), no 77, p. 152 ; Amalricus, duc, ibid., no 29, p. 51 ; Bavon, ami dc saint Nivard, Vrta i1'ironii, dd. B. KRUSCII et W. LEvI- M. G. H. Script. t. 5,1910, 167 Vaneng Vaninge, SGN, , rer. merov., p. ; saint ou comic du pays de Caux (B. H. L., 8811-8814) ; Adalben, frere de Vaninge. Cf. LOIIIER et LAPORTE (op. cit. supra n. 102), p. 49, n. 177. Parini ces pcrsonnagcs dc 1'entourage royal, nous pouvons deja remarquer trois groupes, qui sc battront apri: s la mort dc Childdric : Vulfoaldus, qui, apres sa fuite en Austrasic, soutiendra Dagobert II, le Ills du roi Sige- bert III ; saint Lager, Gudrin et saint Nivard, qui se Ii: vcront contre Ebroºn ; et saint Vaneng, partisan d'Ebröin par amitid avec saint Ouen ; c'est lui qui gardera, a la demande d'Ebroin, saint Leger pcrsdcutc, dans son ch:itcau ou/et dans le monastere qu'il a fonde a Fecamp. Vita Leodegarii, 1, c. 30, dd. B. KRUSCtt. p. 311, Vita Lcodcgarii 2, c, 15, ed. B. KRUSCII, p. 336-337. -205- Autun, designent comme maire du palais Leudesius, le fils d'Erchinoald, maire du palais sous Clovis 11104.Les nobles burgondes avec Genesius, eveque de Lyon10S, se reunissent autour de Leger. Le parti neustrien et burgonde reuni pousse Thierry III, dernier fils de Clovis II et Bathilde, vers le träne. Un chroniqueur de Marbach au XIII` siecle enumere parmi les partisans de Thierry, « Didon, eveque de Poitiers, Leger, eveque d'Autun et Guerin, comte de Poitiers »106 Quant ä Ebroin, soutenu par un parti d'Austrasiens hostiles ä Vulfoaldus et a Leger, il se precipite sur le nouveau maire du palais, et le tue. Ce meurtre mene Leger et Guerin a la fin de leur carriere. Les partisans d'Ebroin se multiplient, proclament roi un enfant, Clovis, qui passe pour le Pils de Clotaire III, et font courir le bruit de la mort de Thierry III107. Its courent ä la persecution de leurs ennemis. Guerin s'enfuit en Gascogne, mail il est livre ä ses ennemis et meurt lapide vers 675108. Leger, pris ä Autun en 676109, est soumis par Ebroin, a des persecutions extremes comparables ä la passion du Christ. Mutile,

104. Liber historiae Francorunt, c. 45 :« Franci autem Leudesio, filio Erchonolodo, in majorem domato palacii clegunt. Eratque ex Burgundia in hoc consilio beatus Leude- garius Augustudunensis episcopus et Gaerinus, frater ejus, consentientes » (dd. B. KRUSCH, p. 318) ; Frcdegarü Chronicorunt libcr quartus, continuationes, c. 2: « Franci vero Leudesio filio Erchinoaldi nobile in majorem domaturn statuunt per consilium beati Leudegarii et consorciorum ejus » (6d. B. KRUSCII, p. 169). 105. Genesius, dvi: que de Lyon, av. 664-678, dlevd ä la cour de Neustrie, aupres de Bathilde, a participd a la rdforme du monastere de Chelles. Cf. COVILLE (A. ), Recherche sur l'histoirc dc Lyon du 11sicclc tnt taT sieclc (450-800 ), Paris, 1928, p. 416-421. 106. Annalcs dfarbacenses, dd. WILVANS, M. G. H. Scriptores, t. 17,1866, 146 , p. « Rex igitur Hyldcricus cum per aliquot annos regnasset, a pestiferis conspiratoribus in aula cum uxore sua pregnante, peremptus est. Leudesius veto qui et Luothericus cum Francie et Germanic principibus fratrem ejus Theodericum regem constituit, suffraganti- bus sibi Didone Pictavensi episcopo, Leodegario Augustudensi episcopo et Gerino Pic- tavensi comite fratre ejus ». 107. Vita Lcodcgarii 3, c. 19, dd. B. KRUSCII, p. 300-301. 108. Vita Lcodcgarii 1, c. 29, dd. B. KRUSCII, p. 310 ; Vita Leodegarii 2, c. 12-13, dd. B. KRUSCtt, p. 334-335. Ursin, I'auteur dc cette \ ºe, relate une scene glorieuse du dernier 6change entrc Leger et Gudrin en insistant sur le lien fraternel :«... Ebroinus, furore magna replctus, jussit ministris Gaireno abstrai et a gemmano separate, ut separatim viderentur punire, ne simul eis delectaret talia verba fari. Cum autem duceretur, beatus Leudegarius cum adloquitur, dicens : "Acquo animo esto, frater karissime, gttoniant oporict nos hacc paii, quia non stint condigni passionis hujtts tentporis ad futttrant glo- riatn, quae revclabiptr in nobis. Peccata etenim nostra multa sunt ; sed miscricordia omnipolentis Dei supereminens magna, qui ad abluenda dilecta Sc laudantium semper est parata. Hacc ad tempus patimur, quia motte debitores sumus, sed illa nos expectat vita, si patienter ferimus ista poena, ubi sine fine letabinmur in caelesti gloria". Tune ministri ad stipitem ligatum Gaerinum lapidibus obruere coeperunt. Ille veto deprecabat Domino, dicens : "Domine Jesu bone, quia non venisti vocare justos sed peccatores, sus- cipe spiritum semi tui, ut qui dignatus es similitudinem martyrum lapidibus vita ista mortale auferre, jubeas clemcntissime veniam scelerum meorum tribuere". Hec dicens, orando ultimum cfflavit spiritum » (19ta Lcodegarii 2, c. 13, dd. B. KRUSCH, p. 334-335). 109. Vita Lcodcgarii 1/3, c. 23-25,6d. B. KRUSCH, p. 305-307. - 205 - enferme ä Fecamp sous la garde de Vaneng, comic du pays de Caux'10, it continue d'endurer son calvaire jusqu'au mois d'octobre 678, et finit par etre degrade puis assassins dans la foret en Artois". Ebroiin, deve- nant ainsi le maitre de ]a Neustrie et de la Burgondie, retablit Thierry III, et it occupe ]a place de maire du palais jusqu'ä son assassinat vers 680. Les partisans de Leger sont sous tues ou disperses, condamnes ä la 12. prison ou prives de leur fortune' Un diplöme de Childebert 111113nous apprend, ä propos du domaine de Noisy-sur-Oise, qu'un certain « Gaerinus » I'avait possede, et qu'il fut confisc ue par la suite, et conce- III de Tussonvalll Comme la de par Thierry au monastere . confiscation etait, ii 1'epoque franque, un moyen de punir l'infidelite115, ce « Gaerinus » peut eire identifie ä Guerin, frere et partisan de Leger, 1'ennemi d'Ebroin. D'autre part, it est bien possible que ce proprietaire qui se situe au nord de Paris soit le comic de Paris Guerin. C'est en effet la seule donnee solide qui nous permette d'avancer I'hypothese identifiant Guerin, comic de Paris avec Guerin, frere de Leger.

4. Le testament de saint Leger

11 n'est pas possible de saisir la totalize des possessions de Leger, mais it nous reste un document qui nous montre une partie de ses biens. Le cartulaire de 1'eglise d'Autun116 a conserve un acte de dona-

110. Voir supra n. 103. 111. Vita Leodegarii 1, c. 35,6d. B. KRUSCH,p. 316-317. Vita Leodegarii 2, c. 19-20, 6d. B. KRUSCH,p. 341-343. - 112. Liber historiae Francortuu, c. 45 :« Reliqui vero Franci corum socii per fugam vix evaserunt ; nonnulli vero in exilio pervagati, a propriis facultatibus privati sunt » (6d. B. KRUSCH,p. 319). 113. Original aux Arch. nat., K 3, n° 12_, fac-simil6 et 6d. H. ATSmAet J. VEZIN, Ch.L. A., t. 14,1982,581, acte du jugement royal sur un litige entre le monastere de Tus- sonval et des particuliers concernant le domaine sis a Noisy (14 mars 697) :« curie basi- leci sui, nuncipanti Nocito, que ponetur in pago Camiliacinse, qui fuerat Gacrino condam, et de fisco per precepcionedomno et geneture nostro, Theuderico, condam rige ad ipso monasterio fuerat concessa,...» (Ch.L. A., t. 14, p. 33, I. 7-9). Ansoald, 6veque de Poitiers figure sur cet acte. 114. Tussonval, lieu non identifi6. Alonastere d6pcndant de I'abbaye de Saint-Denis, fond6 avant ou pendant le regne de Thierry 111(675-690/691). Concernant la date de fondation, voir 1'acte 6dit6 par PARDESSUS Diplontara, chartae, epistolae leges..., t. 2, n° 436. 115. DUMAS(A. ), « Quelques observations sur In grande ct In petite propri6t6 ä 1'6poquecarolingienne », dans Revue historique de droit fransais et etranger, 4` s6r., 5° ann., 1926, p. 237. (vets 116. Cartulaire de 1'6glise d'Autun 1140) perdu (STEIN,Bibliographie..., op. cit. supra n. 80, n° 276), copie fragmentaire du xvtt, siecle, B. N. F., coil. Baluze, vol. 71, fol. 50. -207- tion etabli au nom de l'eveque Leger en faveur de la cathedrale Saint- Nazaire d'Autun pour s'occuper des pauvres"7. L'authenticite de ce document est discutde. Leger, la septieme annee de son episcopal (vers 670), en priant pour le salut du roi Clotaire (mort en 662), pour Bathilde (qui a fait retraite ä Chelles vers 665) et pour la paix du royaume de Thierry III (mars/mai 673, et 675-691), donne ä la cathedrale Saint-Nazaire d'Autun ses proprietes, pour que quarante fratres11 S soient nourris, chaque jour, par le prevöt de la matricule'39. En protocole final, cinquante-quatre eveques, qui se sont reunis a Christiacum'20, approuvent cette donation. L'acte est etabli ä Christiacum, la troisii me annee du regne de Thierry III (apres sep- tembre 677 - avant decembre 678). L'origine de ces institutions de charite remonte ä 1'epoque de I'Empire chretien et l'Eglise d'Occident les a perpetuees. L'obligation faite aux eveques de s'occuper des pauvres apparait au chapitre du concile de Tours de 567121. Un des hagiographes de Leger parle de ('existence d'une matricule ecclesiastique dans la cite d'Autun pour distribuer les aumbnes aux pauvres'22. Cette concession de Leger est mentionnce posterieurement ä plusieurs reprises : en 879, le pape Jean VIII confirme le droit de possession d'un des biens cedes par Leger123,

117. «Testament de saint Leger », ed. A. DE CHARMASSE,Cartulaire de l'eglise d'Att- tun. I" et 2` partie, Paris-Autun, 1865, n° 50, p. 80-82 ; dom LECLERCQ(H. ), Diction- naire d'arcitcologie chrctienne et dc liatrgie, t. 8-2, cal. 2482-2485 ; Corpus christiano- rum, series latina, t. 117, Tumholt, 1957, p. 513-516. 118. Les formulaires d'Angcrs contiennent un exemple d'emploi du mot fratres au sens de ceux qui sont inscrits sur 1a liste des pauvres, ed. K. ZEUAIER, Formulae (op. cit. supra n. 61), Formulae Andccavenses, 49, p. 21 Cum in Dei nomen nos vero fratris, qui ad matricola sancti illius resedire videmur,... » 119. « Ea ratione ut tam a praeposito ejusdem matriculae Bercario quam a successori- bus ejus, quos nosiri succcssores pontifices ordinaverint, quadraginta fratres quotidiana diaria et stipendia omni tempore accipiant, ut liberius pro salute regni et principum ac totius orbis Deum deprecari possint. » (Corpus christianorum, t. 117, p. 514 ). 120. Cressy-sur-Somme, c. lssy-l'Eveque, Saone-et-Loire (? ) (CHARMASSE, op. cit, supra n. 117, p. 81) : Christiaco = Christi civitas, surnom d'Autun (? ) (PITRA, op. Cit. supra n. 76, p. 185). 121. RouCHE (M. ), « La matricule des pauvn: s, evolution d'une institution de charite du Bas Empire jusqu'ä la fin du Haut Mayen Age », Etudes sur l'histoire de in pauvrete (dir. Michel Mollat), Paris, 1974, t. 1, p. 83-110, notamntent p. 87-89. 122. Vita Leodegarii 3, c. 2: «... Sed nobis ista tacentibus ejus testantur opera vel matricola, quae ab codem inslituta residet ad ecclesiae januam... » (ed. B. KRUSCtI, p. 285). 123. Cartulairc de I'Eglise d'Autun, n° 25 :« Constat siquidem villam quandam Tilio- nacum proprietatis jure sancti fuisse quondam Leodegarii Augustidunensis episcopi et ab co sancto collam Nazario, cujus vocabulo ipse honoratur » (ed. A. DE CHARMASSE, op. cit. supra n. 117, p. 41). - 208 - dans en 1277, Girard de Beauvais, eveque d'Autun en parle son testa- ment124. Pourtant, meme en admettant les erreurs et les modifications de l'au- teur du cartulaire au XII siecle, ce desaccord des deux elements chro- dtudie nologiques vaut quelques explications. Depuis Mabillon qui a ce texte le premier, les historiens en ont fourni ('interpretation suivante : le texte du cartulaire a ete compose a partir de deux actes concernant ce sujet, l'acte de donation et celui de sa confirmation ; la premiere date, septieme annee de 1'episcopat de Leger, est cello provenant de l'acte de la donation ; la deuxieme, sous le regne de Thierry III est celle de l'acte de la confirmation. La confirmation de cinquante-quatre eveques ä Christiacum appartiendrait ä la deuxieme date. Qu'en est t-il de cette reunion d'eveques ? Nous comptons deux reunions des eveques autour de Leger : l'une, sous l'dpiscopat de Leger (663-675), dont 1'existence est supposee ä cause des canons dits «canons d'Autun» conserves dans la Collectio veins Gallica125, qui ont ete attribuds faus- sement ä ce concile, alors qu'en realize il s'agit d'une legislation extra- conciliaire visant ä promouvoir la reforme monastique par la generali- sation de la regle de saint Benoit ; I'autre, attestde par les deux Vies de Leger126, tenue peu avant octobre 678, en vue de decider la degradation de Leger qui dtait, depuis quelques annees, soumis aux persecutions d'Ebrofn. A travers les etudes consacreees ä la Collectio fetus Gallica, 1'existence de la premiere reunion a Autun est fortement mise en doute127. D'ailleurs, l'episcopat de Leger prend fin avant le commence- ment du regne de Thierry III. 11est raisonnable d'attribuer cette confir- mation de cinquante-quatre eveques au deuxieme concile tenu peu avant sa mort. La donation de Leger est done faite vers 670, et confir- mee au moment de sa degradation, sous le regne de Thierry III. L'auteur du cartulaire d'Autun, ayant deviant les yeux un acte de dona- tion et un acte de confirmation, on plutöt un acte de confirmation qui contient, dans son texte, la copie de 1'acte de donation de Leger, en rai- son de 1'etat de conservation mediocre du document ou it cause de la

124. Ibid. :« mercurii et veneris, secundum quod fit in clemosina a beato martire Leo- degario in Eduensi ecclesia constituta » (ed. A. DE CHARMASSE.n° 137, p. 220). 125. Ed. H. MORDEK, Kirchenrecht und Reform im Frankenreich, Berlin-New York, 1975, p. 531-534. 126. Vita Leodegarii 1/3, c. 33, cd. B. KRUSCII, p. 314 et Vita Leodegarii 2, c. 16-17, dd. B. KRUSCH,p. 338-340. Cf. DE CLERCQ(Ch. ), Concilia (op. cit. supra, n. 3), p. 321. 127. Les canons d'Autun sont considerds comme des prescriptions dtablies par Ldger, se rdfdrant h d'autres collections preexistantes, en vue dc reformer l'un des monasteres ils donc issus qui se trouvent dans son diocese ; ne sons pas d'un concile. LE BRAS (G. ), Autun Bans l'histoire du droit canon », dans dfenroires dc la Sackte educnne, nouv. MORDEI: (H. ). Kirchenrecht (op. 125), sdr., t. 48,1937, p. 163-165 ; cit. supra n. p. 84-85. - 209 - difficulte de lecture des ecritures merovingiennes, nous a laisse cc texte ä 1'etat d'amalcame. Les biens cedes par Leger se situent au nord d'Autun128. Le premier est recu de la reine Bathilde, le deuxieme vient de la succession fami- liale de sa mere, le troisieme est donne par les nommes Bodilon et Sigrada129. Cc document nous fait savoir que la mere de Leger est issue d'une famille qui a des possessions en Bourgognet30 Leger a donc un oncle qui est dveque de Poitiers, originaire, peut- etre, d'Austrasie, et une mere dont les aieux ont des propridtes en Bourgogne. C'est tout cc que nous pouvons savoir de ses origines13t Cependant son corps, apres une grande discussion entre les trois eveques, retourna en Poitou, a Saint-Niaixent13'. II ya lä un indice soli- de permettant d'attester son sejour en Poitou dans sa jeunesse et son court abbatiat au monastere de Saint-AIaixent.

ANSOALD, EVEQUE DE POITIERS

1. Ses premieres annees Ansoald semble succeder ii Didon entre 673 et 677. A cette epoque, en Aquitaine, autour de la ville de Toulouse, se propage un mouvement d'indepcndance133. Felix, le duc d'Aquitaine, etant envoye par le pou- voir central de Neustrie vers 658, est devenu autonome, Loup, son fidele, lui succede en 673. Par rapport a Clotaire III, conseille par Ebroin, qui est hostile aux autorites regionales, Childeric II, avec Leger qui est lui-meme le chef de son diocese d'Autun, etait favorable au mouvement d'independance en Aquitaine ou du moins ii la forma- tion de « principautes peripheriques » 134, selon l'expression de

128. hiarigny-sur-Yonne, Nievrc, c. de Corbigny ; Tillenay-sur-Saone, Cote-d'Or, c. Auxonne ; Ouge, Cote-d'Or, arr. etc. dc Dijon ; Chendves, Ute-d'Or, arr. et c. de Dijon. Corpus christianorum, p. 513-514, n. 129. Charmasse pense que Bodilon et Sigrada sont le pere et la mere de Leger : A. DE CHARAIASSE,op. cit. supra n. 102, p. 81. L'abbc Chaunte fait de Bodilon I'oncle de Leger (Les origines du duchl de Bourgogne, Dijon, 1925, p. 22, n. 3). 130. Ricii (P.), Les Carolingicns. p. 38 (op. cit. supra n. 22). 131. Nous n'avons pas pu trouvcr dc preuvc suffisanic pour attester son origine bur- gonde que I'abbe Chaunte affirms avec certitude (CtIAUtdE, Les origines. op. cit. supra n. 129, p. 22). 132. Vita Leodegarii 2. c. 31 : "ý Ire cocpcrunt ad monasterio beati Dtaxentii, in quo prius pater fucrat cffcctus monachorum r (cd. B. Kttusctt, p. 354). Sur ce retour, voir DEZ (G. ), u Sur l'itinerairc suivi cn Poitou pour les translations des cendres de saint Leger », dans Bull. Soc. Antiq. Oucst, 4` ser., t. 13 (197511976),p. 73-76. 133. RouCHE(M. ). L'Aquitainc, p. 97-102 (op. cit. supra n. 2). 134. Vita Lcodcgarii 3. c. 7: "KInterea l= 6731 Childerico rege expetiunt, ut talia daret decreta per tria quam obtinuaret regna, ut uniuscujusque patriae legem vel consuetudi- nem dcbercnt, sicut antiquitus. judices conscrvarc, et ne de una provintia rectores in aliis introirent,... H (ed. B. KRusctt, p. 289). -210-

K. F. Werner135. Childeric ordonne la tenue d'un concile provincial a 136. Saint-Pierre-de-Granon, pros de Bordeaux Parmi les trois arche- veques et seize eveques qui souscrivent les canons de ce concile, tenu figure entre mars 673 et la fin 675, l'eveque de Poitiers ne pas. Il est fort possible que le siege episcopal de Poitiers ait ete vacant a la suite de la disparition de Didon et avant la consecration de son successeur, Ansoald. A ]a difference de son predecesseur, son episcopal commence sans intervention du pouvoir central. Ansoald semble s'etre installe a Poitiers longtemps avant son episcopal. Un document tardif indique qu'il etait, avant de monter sur le siege episcopal, le d6fenseur de l'Eglise de Poitiers137. Le role du defenseur sous les Mdrovingiens n'est connu que par les formulaires et quelques documents rediges sui- vant les exemples des formulaires. Solon cos sources, le defenseur apparait comme un officier qui dirige la curie pour la formalitd de l'in- sinuation dans les fiesta nnmicipalia des actes tels que ventes, dona- tions, testaments138 . Se montrant pout-etre plus « regionaliste » que son predecesseur, et mieux implante que lui dans son diocese, Ansoald ne reste cependant pas a l'ecart de tons les bouleversements du dernier quart du vile siecle. Apres l'assassinat du roi Childeric en 675, la guerre successorale finit par le succes d'Ebrofn et du roi Thierry III. Le parti opposant s'eteint ou se disperse. Vulfoaldus, maire du roi defunt, se refugie en Austrasie, et, entre avril et juillet 676, proclame un roi authentique d'Austrasie, 9. Dagobert II, fils de Sigebert III, revenant d'outre mere A cette nou- velle, 1'eveche de Poitiers commence ä compter les annees au nom du

135. WERNER (K. F. ), « Les principautes peripheriques dans le monde franc du viii' si'cle )>, dans Structures poliliques du monde franc (%,P-xir siccles), Londres, Variorum Reprints, 1979, article n° 11 (= I problenri dall'Occidente ne! secolo wit. xx' settimana del Centro italiano di studi sull'alto inedioevo, 1972, Spoleto. 1973, p. 483-514). 136. DE CLERCQ(Ch. ), Concilia (op. cit. supra, n. 3). p. 311-313. 137. Gesta Dagoberti, c. 44 :« Legatione turn forte illustris defensor Pictaviensis Ecclesiae Ansoaldus in partes Siciliac agebat » (cd. B. KRUSCII, M. G. If., Script. rer. merov., t. 2, p. 421). Les phrases suivantes n'indiquent rich de la mission, mais elles mentionnent une vision qu'Ansoald a cue, en chemin, concernant Ic salut du roi Dago- bert, mort en janvier 639. Pourtant lc passage ci-dessus gist considers comme liable daps la mesure oil, la fonction de defenseur n'existant plus a l'spoque de la redaction des Gesta, cc passage ne doit pas ctre une invention do I'autcur. TARDIF (Joseph), Les chartes merovingiennes de ! 'abbaye de Noiratoutier (op. cit. supra n. 9), p. 12, n. 138. CIiENON (E. ), o Etude historique sur Ie defensor civitatis », dans Revue historiquc do droit francais et etranger, nouv. ser., t. 13,1889, p. 525-53 1. 139. EDDIUSSTEPIIANUS, Vita Nilfridi, c. 28 :« Post annorum circulurn amici et proxi- mi ejus, viventem et in perfecta agitateflorcntem a navigantibus audientes, miserunt nuntios suos ad beatum Wilfrithum episcopum, petentesut cum de Scottia et Hibernia ad B. se invitasset et sibi ad regem emisisset » (6d. KRUSCIIet W. LEVISON,p. 22I). -211- regne du roi Dagobert Ill"'). La cite de Poitiers reste toujours fidele au royaume d'Austrasie, dont eile releve.

2. Fragment du testament et ses fondations

La deuxieme moitid du VII` siecle est pour le Poitou particulierement feconde en creations monastiquesl4l. Ansoald a de riches possessions en Poitou qu'il peut utiliser non seulement pour ses activites pastorales mais egalement pour ses donations aux etablissements de son diocese nouvellement fondes on restaures. Les archives de I'abbaye de Nouaille ont conserve jusqu'au debut du xv11° siecle la transcription d'un fragment de document en parchemin en denture du xi siecle, qui nous fait connaitre deux oeuvres d'Ansoaldt43.

La premiere est une fondation pour Romanus, un eveque itinerant appartenant aux Scotti. Cet eveque itinerant irlandais nest connu que par son sejour en Poitou, mail it est vraisemblable qu'il ait ete un des nombreux missionnaires irlandais arrives en Poitou au V11° siecle ä cause du souvenir glorieux de saint Hilaire et de la faveur dont its jouissaient aupres de son successeur sur to siege de Poitiers144, et plus generalement aupres des dveques aquitains145. Ansoald restaura une celle deserte, inhabitee et improductive, sise ä Mazerolle146, et fit ins taller Romanus comme rector, avec ses compagnons. Mais apres la mort de ce dernier, I'evcque de Poitiers confia cette celle a un certain abbe Chroscelme en l'unissant au monastere fonde peu avant par cet abbe. Chroscelme etait, selon L. Levillain, abbe de la basilique Saint- Hilaire de Poitiers et abbd-fondateur de l'abbaye de Nouaille147.

140. Une sdrie d'actcs d'Ansoald, dmands cn juillet 677 et en avril 678 sont dates de la deuxii me anndc du regne de Dagobert 11,voir infra n. 166. 141. Concernant Ics fondations d'Ansoald, voir PON (G. ), « Le monachisme en Poitou avant l'dpoque carolingicnne», daps Bull. Soc. Antiq. Quest, 4` sdr., t. 17,1983, p. 91- 130, notamment p. 109-114. 142. Nouailld, Vienne, c. do la Villedicu. 143. Cc document, appeld « Testament d'Ansoald » noun est connu par les transcrip- tions faires par les Nlauristcs. « Charles de I'abbaye de Nouailld, de 678 Ii 1200 », dd. dom P. DEMONSABERT, Archives historiques du Poitou, t. 49, Poitiers, 1936, n° 1, p. 2-3. 144. BOtSSONNADE(P.), a Les relations... », p. 188-197 (op. cit. supra n. 31). 145. RoUCHE(M. ), L'Aquitaine, p. 320 (op. cit. supra n. 2). 146. hiazerolle-sur-Vienne. Vienne, c. de Lussac-le-Chateau, voir Ronzains et bar- bares (op. cit. supra n. 92), p. 44, notice sur Mazerolle. 147. LEVILLAIN(L. ), - Les origines du monastcre de Nouailld », dans Bibliotheque de l'Ecole des chartes, t. 71,1910, p. 241-279. -212-

Ce fragment nous fait aussi connaitre la fondation d'un höpital (sino- doxiunt) dans l'enceinte de la cite de Poitiers, avec un oratoire dedie ä saint Luc 1'evangeliste. Comme Leger ä Autun, Ansoald execute ainsi Fobligation faite aux eveques. Cet höpital doit entretenir, d'une manie- t'S8, re permanente, douze pauvres ou malades et pour lui en dormer des moyens, il concede cinq domaines de sa propriete en Poitou et dans la Charente 149.11 confie I'administration de cet höpital ä un certain Guidobaldus, un de ses nourris et fideles (nutrito ac frdeli nostro). C'est lii un temoignage precieux sur 1'entoura; e de 1'eveque, constitue d'un groupe de fideles lies directement a 1050. Ce n'est pas un cas unique. En effet, les formulaires de Tours nous fournissent un exemple d'un acte etabli au moment de 1'entree d'un homme sous le pouvoir et la protection d'un puissant151 : un homme, par sa volonte, se place sous 1'autorite et la protection d'un grand en dormant les services domestiques et en recevant vetements et nourriture jusqu'ä la fin de sa vie. Ce lien personnel peut exister autour des eveques merovingiens puissants152. A la fin du vile siecle, 1'eveque de Poitiers disposait, autour de lui, dun groupe de fideles, clercs ou/et laics, dont certains ont ete amenes ä remplir les fonctions administratives de la cite epis- copale. L'activite fondatrice d'Ansoald ne se limite pas a la cite episcopale. Le chroniqueur de Fabbaye de Saint-Maixent parle d'une autre fonda- tion d'Ansoald, le monastere de Saint-Michel-en-1'Herm153. Ce monas- tere rural se situe sur les cotes atlantiques, aux marges du diocese, mais

148. RAMLAUD (P.), L'assistance publique d Poitiers jusqu'd lan 1', t 1, Paris, 1912, p. 32-35. 149. Asnieres, Deux-Sevres, c. de Brioux ; Orgedcuil, Charente, c. de Montbron Pranzay, Vienne, comm. de Lusignan ; Lentiaco peut-We Lansac, comm. Champniers, Charente, c. Le Gond-Pontouvrc ; Lucaniaco, Leignd-sur-Usseau, Vienne, (identifica- tions proposdes par les Charles poitevines anterieures a 900,1.2, Indices, Poitiers, C. E. S. C. M., 1992, p. 52, dossier prdsentd par E. CARPENTIERavec la collaboration de Y. CHAUVIN, R. FAVREAUCt G. PON). 150. GARAUD (M. ), « Le patronage d'Ansoald, dvcque de Poitiers, 677-679 u, dans Le Moyen Age, t. 49,1939, p. 126-130. 151. Formulae Turonenses, 43, dd. K. ZEUMER, Fornudtr (op. cit. supra n. 61), p. 158. 152. Par exemple, Prdtextat de Rouen (c. 550-586). avcc le tdmoignage de GREGOIRE TouRS, Historiae Francorum, lib. 8, c. 31, dd. B. KRUSC1I, M. G. II. Script. DE , rer. merov., 1.1/1, p. 397-398 et BERTRANDDU MANS (587-623). d'apris son testament, dd. G. BUSSONet A. LEDRU, Actus pontifican: Cenontannis (op. cit. supra n. 42), p. 102-114, notamment p. 134, citds par GARAUD (op. cit. supra n. I50). 153. Chronique de Saint-Maixent (rddigdc avant 1124), dd. J. VERDON, Les classignes de l'histoire de France all Moycn Age, Paris, 1979, p. 68 : (rclatant les destructions par les invasions A la fin du Ix' siecle), « Cenobium Sancti Mikaclis ad Heremum, quod Ansoaldus Pictavcnsis Saint-Michel-en-I'Herm, Sanctus episcopus cdificavit, ... *; Ven- dde, c. de Lucon. C'est la seule mention connuc de la canonisation d'Ansoald. -213- dans une region animee par la vie maritime, le sel et les huitres154, que 1'eveque de Poitiers veut mieux rattacher ä son diocese1ss Solon la Vie de saint Philibertt56, Philibert, abbe de Jumieges, en se refugiant en Poitou, a reforme, au passage, un monastere a Quincay157, pros de Poitiers ; un des moines, Achardi3s, devenu Pun de ses disciples favoris fut designe par Philibert comme son successeur ä Jumieges. La Vie tardive d'Achardt59, se referant a celle de Philibert, fait un recit de ]a fondation et de la reforme du monastere de Quincay. Achard, eleve ä Saint-Hilaire de Poitiers, devenu moine d'Ension16°, fonde un monastere sur la proprietd de sa famille. L'eveque Ansoald participa ä cette fonda- tion par la consecration de l'eglise et les dotations. Ce recit nest qu'une amplification compilee ä partir du texte de la Vie de Saint-Philibert. Pourtant, it n'est pas invraisemblable qu'il y ait eu en Poitou quelques fondations de nobles laics avant l'arrivee de Philibert.

3. Les actes de la donation en favour de Philibert D'es le debut de son dpiscopat, Ansoald se manifeste comme protec- teur du parti oppose ä Ebroin, ä In fete duquel se trouvaient Leger et Guerin et dons peut-titre faisait partie son predecesseur Didon. Philibert, abbe de Jumiegcs161, persecute par Ouen, le grand conseiller d'Ebroin, arrive en Poitou et est accueilli par un « homme noble », Ansoald, evcque « tres puissant et fort riche »16-. Philibert souhaitait

154. R000IIE (M. ), L'Agººitainc, p. 202-207 (op. cit. supra n. 2). 155. BRUt.'TERCIt (J: R), L'c. rtension, p. 64 (op. cit. supra n. 27). 156. Vita Filiberti (B. H. L., 6805), c. 32-33 :e Perrexit Quinciago monasterio, qui et ipse nobili est constructus in loco, unde isdem sacer veteribus deturbatis erroribus ipsum impleverat monachis, ubi Christus jugiter per fantulis conlaudatur in sanctis. Ibique, accepto consilio, unum de discipulis suis clectum, Aichardum nomine, virum idoneum direxit Gemcdico, ut ipse pastorale officium illius subrogaretur in loco » (dd. B. KRUSCH et \'J. LEVISON, M. G. 11., Script. rer. nreror., t. 5.1910, p. 600-601). Concernant saint Philibert, voir infra n. 161. 157. Saint-Benoit-de Quinýay, Vienne, c. et arr. Poitiers. 158. Saint Achard, mon vets 687 (B. It. L., 1S1-183). cf. PoN (G. ), « Le monachisme » (op. cit. supra n. 141), p. 111. 159. Vita Aicardi. ccrite aprrs 920 (B. 11. L.. 181). c. 6-S, c'd. MABILLON, Acta sancto- nun Ordinis Sancti Benedicti ]= Acta SS. O. S. B. ], t. 2, p. 956. Cf. LECOtNTRE(E. ), « Notice sur 3'abbaye de Saint-Benoit-de-Quinqay », dans ,Win. Soc. Antiq. Ouest, t. 18,1851, p. 417-446, notammcnt p. 427-351. 160. Ension, aujourd'hui Saint-Jouin-de-Mames, Deux-Sevres, c. Airvault : cc monas- tere aurait 66 fondc vets 482 par saint Jouin, cf. BolssAVrr-CAAtus(B. ), « Saint-Jouin- de-Marnes », dans Romains ct barbares (op. cit. supra n. 92), p. 38-40. 161. Saint Philibert, fondateur des monastcres dc Jumicges (Seine-Maritime, c. Duclair) et de Noimtouticr (Vendee), mort le 20 aoilt 685 (B. H. L., 6805-68 10). 162. Vita Filiberti, 24-26.: Ansoaldo Pectavorum c. K ... adiit ad viro nobile, pontifice ob monasterii graham construendi, quia multitudo hominum, qui per praedicationem -214- fonder un monastere dann un lieu solitaire, Ansoald lui accorde l'ile d'Herio163 avec des dotations abondantes. Pour consolider cette fondation et ses possessions, 1'evech6 de Poitiers etablit trois actes, conformement a l'ancienne tradition. Ces jadis actes, connus par des copies du X1 siecle, conserves au chartrier de Cunaultl dann du prieure , et aujourd'hui une collection privee165, sont consideres comme des copies authentiquesi66. Le premier est un acte de fondation du monastere sur file d'Herio et une dotation de cinq domaines, redige au nom d'Ansoald, qui ordonne, ä la fin, de le faire enregistrer sur les registres de la curie (gesta municipalia) de Poitiers selon l'usage de la loi romaine167.11 est souscrit par Ansoald, deux autres eveques et deux abbes, et date du 1" juillet de la deuxieme annee du regne de Dagobert 11 (677). Cet acre est etabli par un certain Lando sans qualification. Le deuxieme est une procuration etablie par Ansoald pour charger le diacre Launegiselus de faire enregistrer I'acte ci-dessus sur le registre illius Dominum in loco Cumque ad confluebant, uno capere non poterant. ... cum vellet secum retinere in urbe et sanctus Filibertus semper desideraret heremi vastitatem, lar- giente Domino, Herio mans insula locavit caenubium Ansoaldus opere ct elymosinae largitate, Filibertus relegione, doctrina, opere et monachorum congeric. In quem locum de gemmato favo Gemedici divina mella perrexerunt cum animam examine. Quem apos- tolicus vir Ansoaldus de rebus propriis ditavit muneribus magnis, acta commutatione villarum cum ecclesia Pectavinse» (6d. par B. KRuscii et W. LEVISON,c. 26, p. 597- 598). 163. Aujourd'hui Noirmoutier, Vend6e. Au vii' sii cle, file dc Noirmoutier ne semble pas avoir 6t6 aussi d6serte et solitaire que I'auteur de la Vie de Philibert ! 'imagine vers 750 (concernant la date de ]a redaction de Vita, voir dom AATIN (P.), « La critique de la Vita de saint Philibert », dans Jumieges, congres scientiftque du X111` centenaire, t. 1, Rouen, 1955, p. 15-22). Sur les rapports de file avec l'Irlande et la richesse des produits de la mer, voir BOISSONNADE(P. ), « Les relations », p. 197-201 (op. cit. supra n. 31) RouCHE (M. ), L'Aquitaine, p. 202-210,308-320 (op. cit. supra n. 2). 164. Tri ves-Cunauld, Maine-et-Loire, c. Gennes. 165. Collection du comic de Varax, au chateau de Tcrrcbasse 3 Ville-sous-Anjou (Is6rc). 166. Fac-simil6 et 6d. L. MAITRE, « Cunauld, son prieur6 ct ses archives », dans Bibliotltegtte de I'Ecole des charies, t. 59,1898, p. 239-245, et 6d. Joseph TARDIF, Les chartes merovingiennes de Noirmoutier, (op. cit. supra n. 9), p. 25-30, reprise par Charles poitevines anterieures u 900, t. 1: textes, p. 4-6 ; trad. CARPENTIER(E. ), dann Romains et barbares, p. 44-45 (pour le premier acre) et ANDRIEUX (J: P.), « Observation sur la donation de 1'6veque Ansoald de 677 », dans Societe des amis des arts et des sciences de Tournits, t. 93,1994, p. 188-198. Concemant ]'authenticit6 de ces actes, voir J0HERT(Ph. ), La notion de donation, convergences, 630-750. Paris, 1977, p. 125-126 et ibid., 94,1995, 221-230. J. -P. ANDRIEUX, t. p. 167. «Et ut hec donatio a nobis pro divina retributione plenius fac[.... ]robur manus nostre subterfirmavimus, et fratrum nostrorum venerabilium sei magnificorum civium Pictavensium subscriptionibus firmare curavimus, atque gestis municipalibus inseren- dum juxta consuetudinem Romane legis I... al]ligarc decrevimus» (fac-simil6 I. 21-22, 6d. L. LEMAITRE, p. 243 ; J. TARDIF, p. 28. ) -215- de ]a curie, souscrit, comme le premier, par 1'eveque et les quatre per- sonnes, date du 1`r avril de la deuxieme annee du regne de Dagobert II (678) et etabli dgalement par Lando. Le troisieme relate la scene de 1'enregistrement ä la curie municipa- le. Le diacre Launegiselus, envoys par 1'eveque Ansoald, se prdsente devant le defenseur et les curiales de la cite pour transmettre la requete d'Ansoald. Les curiales 1'acceptent et ordonnent au greffier (amanuen- sis) Lupus, de lire d'abord la procuration d'Ansoald adressee ä Launegiselus (c'est-ä-dire le deuxieme acte ci-dessus), puis l'acte de donation (le premier). Apres ces lectures, les membres de la curie don- nent lour accord pour 1'enregistrement et ordonnent au greffier de 1'executer. Launegiselus dernande une expedition du proces-verbal en constatant que l'accomplissement des formalizes est conforme a la cou- tume. L'acte, souscrit par le greffier Lupus et sept curiales, est date du 1" avril de la deuxieme annee du regne de Dagobert 11 (678) et etabli par le meme Lando. Cette procedure d'insinuation etait-elle encore vraiment miss en pra- tique dans la cite de Poitiers ? 11 est vrai qu'Ansoald passe pour le defenseur de l'Eglise de Poitiers 168,mail nous n'avons aucun autre ele- ment pour developper cc sujet. En revanche, it n'est pas tres etonnant de voir, it la fin du vll` siecle, autour de l'eveque de Poitiers 1'etablisse- ment de ces trois actes qui contiennent routes les formalites des usages romains. Cette procedure d'attestation d'une donation par la redaction de trois actes se retrouvera au vine siecle dans les Forntulaires de Bourgest 69. Un des documents redigds suivant cette formule est meme attests au debut du ix` siecle a Angers, car le cartulaire de 1'abbaye de Prüm, le Liter aureus170, contient un exemple d'une donation datde de 804, faite par un certain Haruilic en faveur de l'abbaye de Prüm, de biens fonciers en Anjou, enrecistree sur le registre de la curie d'Angers suivant la meme procedure17l. Poitiers est done une des villes qui ont bien conserve le souvenir du systeme administratif romain, et dont le milieu episcopal etait capable d'dtablir les acres avec les solennites que les vieux usages romains y ajoutaient.

168. Moir supra. n. 137. 169. Ed. K. ZEUMER,Formulae Bituricenses, (op. cit. supra n. 61), 15,15(b), et 15(c), p. 174-176. 170. Prüm, dioc. Trcres . Liber aureus, Srtt: a, Bibliographic.... (op. cit. supra n. 80), n° 3112. 171. Ed. H. BEYER. Urkundenbuch : ur Geschichte der jet: t die Preussischen Regie- rungsbezirke Coblem: und Trier bildenden mittelrheinischen Territorien, Coblence, 1860, n° 42, p. 47-49. Je rcmcrcie intºniment M. H. Atsma de m'avoir indiqu6 ce docu- ment precieux. -216-

D'autre part, ces actes de donation d'Ansoald ne manquent pas d'in- teret pour 1'histoire du Poitou. Les actes de donation et de procuration sont souscrits par cinq personnes17` appelees fratrum nostrorum vene- rabiliunt eel magnificorum civium Pictavensium. Parmi elles, quatre sont mentionnees dans d'autres sources de cette dpoque : Ansoald, eveque de Poitiers ; Thomeneus, eveque d'Angouleme (avant 663-apres 677), qui est present au concile de Saint-Pierre-de-Granon mentionne ci-dessus (673-675) et peut-etre d'origine celtique173 ; Romanus, eveque des Scotti, mentionne dans le fragment du « testament d'Ansoald analyse ci-dessus ; Audulfus, abbe de Saint-Maixent, succes- seur de Leger, mentionne dans les deux Vies de ce saint. Nous aeons lä reunis des personnages dont ('existence est attestee par des sources de genres et de dates varies : canons de concile, copie medidvale d'un fragment de testament et Vies de la fin du vii° siecle. Cet acte fournit egalement une donnee interessante pour connaitre les possessions d'Ansoald. Un des cinq domaines concedes a la fonda- tion de Philibert, Lendoas ou Avenarias, qui etait une possession de sa famille, se situe en Bourgogne, pri s de Mäcont7i. Cette possession iso- lee provenant de sa famille sera un element favorable pour rapprocher la famille d'Ansoald et celle de Leger, qui avail, egalement, une pos- session heritde d'ancetres maternels dans la region de Dijon, en Bourgogne.

4. Eveque du royaume des Francs

Le regne de Dagobert 11 en Austrasie ne dure que trois ans et demi. Le roi se fait tuer, le 23 ddcembre 679175, soit par les partisans austra- siens d'Ebroin, soit par les Pippinides. Le maire d'Austrasie, 176. Vulfoaldus, disparait presque en meme temps Tandis que Thierry III, avec Ebro*fn, rdunit le royaume des Francs, le descendant de Grimoald, Pepin le Jeune, regagne le palais d'Austrasie. La rivalitd entre les aristocraties neustrienne et austrasienne se transforme en

172. « In Dei nomine Ansoaldus, etsi peccator episcopus subscripsi. Titomeneus epi- scoporum minimus, jubente Ansoaldo presule. subscripsi. Romanus indignus tarnen epi- scopus, subscripsi. In Christi nomine Audulfus, acsi peccator, abbas, ordinance [Ansoald]o, episcopo, subscripsi. In Dei nomine Baddo abbas subscripsi » (ed. J. TAR- Dir, p. 28). 173. BOISSONNADE(P. ), « Les relations ». p. 196 (op. cit. supra n. 31). FAVREAU(R. ), dans le fascicule Series episcoporum Ecclesiae catholicize occidentalis, , episco- pates Engolisntensis du « Nouveau Gams »ä paraitre. 174. MAITRE(L. ), « Cunauld ». p. 242, n. I. 11s'agit de Senneccy-le-Grand,Saone-et- Loire, c. Venicres. 175. LEVILLAIN (L. ), «La succession d'Austrasie ». p. 86 (op. cit. supra n. 1). 176. MARTIN (P. E. ), Etudes critiques, p. 274 (op. cit. supra n. 1). -217- guerre au debut de i'annee 680, mais se termine brusquement par l'as- sassinat d'Ebroin177. Le successeur du maire du palais de Neustrie et de Burgondie, Waratton, etablit la paix avec Pepin le Jeune d'Austrasie. Sous un roi unique, les futurs Carolingiens occupent exclusivement 1'Austrasie. C'est apres la mon d'Ebroin et le retablissement des Arnulfingiens qu'Ansoald commence ä voyager en dehors de son diocese. Son pre- mier succes est le debat autour de la possession du corps de saint Leger. Leger, persecute par Ebroin, mourut en 678 dans une foret d'Artois. Le bruit des miracles survenus autour de son tombeau entrai- ne sa rehabilitation peu apres la mort d'Ebro7 n. La Vie poitevine nous ýs, raconte une asscmblcc de nombreux Brands et d'eveques notamment le pontife d'Arras et de Cambrai1''9, lieu de l'accomplissement de la passion de Leger, celui d'Autun"a, diocese que Leger a dinge comme pasteur, et cclui de Poitiers oü it a vecu dans sa jeunesse. L'eveque Ansoald reclame avec insistance le transfer du corps dans son diocese, car Leger est de son Eglise et de sa famille. Le lien familial de Leger et d'Ansoald, que presque tous les historiens acceptent sans discussion, n'est mentionne qu'ä cette occasion et dans la seule Vie poitevine d'Ursin1b'. Apres avoir depose sur l'autel les trois cedules portant les reclamations de trois eveques, tous les participants demandent par des prieres et des jeünes la decision divine. Le lendemain, its apprennent que le choix de Dieu s'est pone sur Ansoald. Ce proces rdvele la puis- sance du pontife de Poitiers. En effet, 1'eveque de Poitiers n'a jamais ete lie au parti d'EbroIn, ce qui lui permet d'attirer la faveur de ceux qui sont au pouvoir apres la mon d'Ebroin en Neustrie, et it se montre reconnaissant, au nioins formellement, enviers l'autorite du roi et des grands d'Austrasie dont son diocese releve. Est-ce cette situation qui lui a donne la possibilitd de I'emporter ? L'evcque de Poitiers charge un membre eminent de son entourage, Audulfus, abbe de Saint-Maixent, du transfert solennel du corps saint.

177. Frcdcgarü Chronicorunr lihcr quartus, continationi, c. 3 et 4, ed. B. KRUSCH, p. 170; LiGcr historiac Francorunr, c. 46,6d. B. KRUSCH, p. 320. 178. Vita Leudcgarü 2. c. 24, cd. B. KRUSCII, p. 346-347. La \'ie tardive de saint Vin- dicien (voir n. suivante) ri: sume cctte Vita d'Ursin, Vita lgndiciani (B. H. L., 8677n) c. 14, Ed. J. van der SrRAtT[, ý:, Les nranuscrits hagiographiqucs d'Arras et de Boulogne-sur- dfer, Bruxelles. 1971, p. 106-107. 179. Saint Vindicicn, 6%i-quc d'Arras et dc Cambrai, %,H° sieclc (B. H. L., 8677m-p. ). 180. Hermenarius, abW dc Saint-Symphoricn d'Autun, eveque d'Autun (678-apres 696). B. KRUscu U., Script. 282, ct W. LEVISON, a11.G. rer. mcrov., 1.5, p. n. 181. Vita Leudcgarü 2, c. 24 : .... tunc vir vitae sanctitatis Ansoaldus urbis Pectaven- sis anlestis verburn intulit. dicens : Utinam darentur mihi optio, quia notum est meum esse parentum et ex parrochia mihi commissa ad honoris processit graham, vel ejus cor- puscolum haberc mcruisscm mccum» (cd. B. KRUSCtI, p. 346-347). -218-

La Vie poitevine relate l'itineraire et les miracles qui se produisent en chemin ii partir de la region de Chartres18'-. Apres avoir traverse Tours et la Touraine, la procession entre en Poitou au milieu des psaumes et des hymnes. A Ingrandes, ii Antran, a Cenon et a Jaunay1S3,son passa- ge est marque par des guerisons et des miracles de multiplication du vin. En approchant de Poitiers, la foule immense des clercs et des laics le suit. L'eveque de Poitiers les rejoint. II semble que le corps saint n'ait pas penetre ii l'interieur des murs de la cite mail les ait longes184 en stationnant dans ]a basilique de Sainte-Radegonde'85 et dans celle de Saint-Hilaire186, avant de se diriger vers l'ouest. A Jazeneuil'87, les moines de Saint-Maixent accourent pour I'accueillir. Le cortege funebre, parti de la region d'Arras, arrive enfin au monastere que Leger a dirige pendant six ans : le corps saint y restera1S&jusqu'ä la fin du ix° siecle 89. Le choix du tombeau de Leger s'inscrit dans le programme

182. A Jouy, Eure-et-Loir, c. de Chartres. 183. Ingrandes, Vienne, c. de Dange ; Antran, Vienne, c. de Leigne-sur-Usseau Cenon, Vienne, c. de Vouncuil ; Jaunay-Clan,Vienne, c. dc Saint-Georges. 184. Vita Leodegarii 2, c. 29 :« tune cum canticis, et magnis laudibus perventum est urbi, et in suburbanobasilica in quod beataRadegundis requiescit introivit pontifex cum sancto corpore martyris. Ibiquc aderat quodamparaliticus, et in ejus protinus adventutn sanus factus et quodam itineris spatium secutus feretrum, remansit sanus. Sed cum ad basilica Sancti Helari dilatum fuisset beati corpus, alius paralticus jaccns in via, hujus tangens feretrum, sanus protinus factus est.... (c. 30) Igitur cum ipsum sanctum corpus amotus fuisset ab urbe et ab ipsius civitatis praesole cum suis sacerdotibus cl ministris propriis humeriis fuiset quibusdam spatiis loci dcportatum... a"(ed. B. KRUSCII,p. 353). 185. Basilique fondee par Radegonde avant 561. destindc a rccevoir sa sepultu- re et celle des religieuses de Sainte-Croix, situee hors Ies murs. Voir GARAUD (NI. ), « Note sur la cite de Poitiers ä l'dpoque mdrovingienne dans MM/langes Halphen, Paris, 1951, p. 273, «Histoire de I'abbayc Sainic-Croix de Poitiers. Quatorze siecles de vie monastique », Poitiers, 1986 (Went. Soc. Antiq. Ouest, 4` sdr., t. 19 ), p. 70 et KNEEPENS(G. H. ), «A propos de l'histoire des debuts de l'eglisc fundraire Sainte-Rade- gonde de Poitiers », dans Cahiers de Civilisation nredierale, t. 29 (1986), p. 331-338. 186. Basilique qui renferme Ic tombeau do saint Hilaire, construitc 3 environ I kilo- metre de l'enceinte de la cite, sur la route de Poitiers 3 Sainics, GARAUD (M. ), ibid., volt aussi CAMUS (M. -Th. ), « La reconstruction de Saint-Hilaire-le-Grand 3 l'dpoque romane », dans Cahiers dc Civilisation nredierale, t. XXV, 1982, p. 101-sqq. 187. Jazeneuil, Vienne, c. de Lusignan. 188. Pour abriter les reliques de saint Leger, l'abbe do Saint-Maixent Audulf, sur Fordre d'Ansoald, fit construite, non loin du sanctuaire dedie 5 Maixent, une autre dgli- se en l'honneur de saint Leger : Hess (G. R. ), The Late Carolingian Crypt of Saint Leger at Saint-Maixent-I'Ecole, Ph. D. Columbia Univ. 1981 (University Microfilm Internatio- nal, Ann Arbor MI 48106) et PON (G. ), dans Romains et barbares, (op. cit. supra n. 92) p. 37-38. 906, Ics 189. Fuyant les invasions, vers rcliqucs de saint Leger arrivent ä Ebreuil en Auvergne (Allier, ch. -1. c., arr. Montlucon )-B. N. E. ms. lat. 5361, fol. 12 v°-14 v° (xut° siecle, B. H. L., 4856), ed. d'apri s une copie du xviir siecle, conservdc dans un brd- viaire perdu, dont la transcription se trouve dans le manuscrit dc la bibl. mun. Clermont, 688, p. 4, dd. par 1'abbd BOUDANT, Histoire de la rifle, du chateau et de l'abbaye d'Ebreuil, Moulins, 1864, p. 64. En 998 (et non en 918 comme I'ddition ci-dessous I'in- dique), Bernard, abbe de Saint-Maixent, de passage 3 Ebreuil, demands le retour des -219- d'etablissement et d'enrichissement des fondations rurales monastiques du diocese qu'Ansoald a ri: alis6es ä 1\lazerolles, ä Saint-Michel-en- 1'Nerm, ä Noirmoutier et peut-etre a Quinqay et Luqon. Apres cc premier succes. Ansoald multiplie ses activites hors de son diocese. II participe au concile de Rouen tenu par 1'archeveque Ansbert190 et souscrit en cinquieme position parmi les seize dveques et archevcques191. En 686, a la veille de la bataille de Tertry, il souscrit un acte de donation faite par Reolus, dveque de Reims en faveur du monastere de Puellemontier19= et l'abbe-fondateur Berchaire193. Cet acte est dtabli ä Compiegne19'. C'est en cette meme annee que Reolus de Reims, opposant au nouveau maire du palais de Neustrie Berchaire, successeur et gendre dc son prc:d6cesseur Waratton, rallie le camp aus- trasien avec Pdpin II19-. La prc;sence d'Ansoald, 6veque d'un diocese relevant de 1'Austrasie, " ä la donation de Reolus, West peut-8tre pas sans rapport avec le ralliement politique de Reolus aux Austrasiens. Apres la victoire dc Pepin, Ansoald apparait dans les actes royaux. Le 28 fcvrier 692 ou 693, il assiste au jugement du roi Clovis III tenu ä Valenciennes19G. Le 6 mars 696, il souscrit sur un acte de confirmation du roi Childebert III, dtabli ä Chatout97.11 assiste egalement au juge- reliques, mais il n'cn recup'ercqu'unc panic, qui rcgagne Saint-Maixent le 5 mai 1011 - ed. J. MoN1CATei B. dc FOURNOUX.Cirartes du Bourbonnais, 918 (sic) -1522, Moulins, 1952, I 2, 1-5, d'apr; la dc dom EsnE. B. N. F., lat. 12745, n° ct p. -6s copic \NOT, ms. p. 581-584. Cc titre. edite cn forme de dcux actes, se prisente, sur la copie de dom Estiennot, d'unc sculc piece. La date du n° I d'c'dition, 918, est une erreur de lecture. Nous lisons, sur la copic dc dom Esticnnot, 99S. 190. Saint Ansbcn, abbe dc Fontcncllc puls archevaque de Rouen aprýs saint Ouen, 684-692.8.11. L., 519-523. 191. Concile de Rouen, mentionne dans In Vita Ansbeni episcopi Rotomagensis, B. H. L., 520, 18. ed. B. KRUSCH W. LE\75oN. M. G. N. Script. 5, c. ct , rer. inerov., t. p. 630-632. 192. Pucllemonticr, monasti"rc fonde vers 6S0 par saint Berchaire, c. de Montier-en- Der. Hauic-Mame. 193. Saint Bcrchairc, man vcrs 685. B. 11.L., 1175-1179. 194. Ed. PARDESSUS,Diplonrata, t. 2, n° 406, p. 200-202 :K Ego Ansooldus episcopus, jubentc domno Reolo cpiscopo, hanc dclibcrationent subscripsi y (il souscrit le premier, suivi par quatrc abbes, un prctrc et dcux personnes sans qualification, p. 202). 195. Frcdcgarii Cluonicorurrt, c. 5. Cd. B. KRUSCtt, p. 171. 196. Original aux Arch. nat. K 3, n° 7, fac-simile et 6d., H. ATSNtA et J. VEZIN, Ch. L. A., t. 14,576, actc du jugcrncni dc Clovis 111(28 fivricr 6921693) :K Chlodovius... Cum nos in Del nomene Valencianis in palacio nostro una cum apostolicis viris in Christo pairibus nostris Ansoaldo,... » (suivi par onzc cvequcs, douze officiers, neuf comics, huit greffiers, quatrc dorrrestici, cinq refercndaires, deux SeRechaUx, un comte du palais) (Ch. L. A., t. 14, p. 13.1.1-2. ) 197. Original aux Arch. nat. K 3, n° 11, fac-simile ct ed., H. ATS\IA et J. VEZIN,Ch. L. A., t. 14. n° 580, p. 30-31,1.36. acte par lcqucl Childeben III conf irme 1'exemption de taute juridiclion accordec par Agcrad, cvcquc dc Chartres, 3 un monastc'reconsacre ii Notre Dame, sirue sur In Loire. Ave souscrit par treize cveques (6 mars 696). -220- 697198.Ainsi, l'eveque de ment de cc roi tenu'a Compiegne, le 14 mars Poitiers est-il, jusqu'ä 1'extreme fin du Vile siecle, l'un des participants les plus actifs ä l'exercice du gouvernement du royaume des derniers Mdrovingiens, assiste par les futurs Carolingiens. Enfin, la notoriete d'Ansoald depasse non seulement les limites de son diocese mail aussi son temps. Entre 860 et 1109, les moines de Saint-Denis-en-France, inspires par un passage des Gesta Dagoberti debut du trouve informa- (rediges au Ville siecle)1 , ou ayant quelques tions dans leurs archives, reclament lour droit de possession sur des domaines qui se situent au nord de Poitiers : pour cc faire, ils vont jus- qu'ä fabriquer un faux acte de donation attribue a Dagobert I"200 et des pseudo-confirmations par Clovis 11201,Charlemagne et Charles le Chauve202. En presentant ces actes faussement solennels, les moines de Saint-Denis obtiennent finalement, en 1109, une confirmation de lours droits de la part du vicomte de Chätellerault, Aimeri I" (1101 -S nov. 1151)203. L'acte faux de Dagobert I" commence sans l'adresse merovingienne aux viris inlusiribus. Apres un court preambule, le roi dit ceder 1'eglise de Plumbata qui se trouve dans les deux vallces pros de la Vienne et ses dependances, avec le consentement d'Ansoald, eveque de Poitiers et des autres archeveques et evcques.20; Une longue

198. Original aux Arch. nat. K 3, no 12_, fac-simile ct cd., H. ATSMA ct J. V17-IN, Ch. L. A., 1.14,581, cite supra n. I11 (conccmant la possession de Guerin), actc du juge- ment rendu par Childebert Ill concernant un domaine situ6 3 Noisy-sur-Oise (14 mars 697). « Chyldeberthus... Cum nos in Dci nomine Conpendio in palacio nostro una cunt apostolicis viris in Christo patrebus nostris Ansoaido.... * (suivi par six eveques, cinq officiers, trois comics, trois domestici, deux s6n6chaux. un comic du palais) (C/t. L. A., t. 14, p. 33,1.1-2) : c'est exactement la mcme formule quc dans 1'acte du 28 ferner 692/693 (n. 196. ) 199. Gesta Dagoberti, c. 35,6d. B. KRUSCII,p. 412-413. Le chroniqucur raconte que Dagobert 1" a enrichi son monasterepr6f6r6 de Saint-Denis dc domaines confisqucs au due d'Aquitaine Sadragesile,situ6s en Poitou et en Anjou. 200. Ed. d'apr6s la copie conserv6e dans le K Cartulaire blanc dc Saint-Denis » (Arch. nat. LL 1157-1158, xtv° siecle, STEIN. Bililiographie, op. cit. supra n. 80, no 3360), G. H. PERTZ,M. G. H., Diplomatum imperii, t. 1. Hanovre. 1872, diplamata spura no 49, p. 167. Cf. REDET(L. ), « Dissertation sur une chane du roi Dagobert I". portant dona- tion il 1'abbaye de Saint-Denis de terre ct cglises en Poitou a, dans Bull. Soc. Antiq. Quest, ire s6r., vol. 1,1834-1837, p. 242-248. 201. PERTZ,ibid., no 63, p. 180-181. 202. Ed. d'apres la copie conservee dans Ic « Cartulaire blanc dc Saint-Denis (G. ) Recited des de Charles 11le Chaure. de France, 2. Paris, 1952, TESSIER , actes roi t. no 481, p. 599-603. 203. Ed. d'apres la copie conserv6e dans le A Canulairc blanc dc Saint-Denis », ano- nyme, Archives historiques du Poitou, t. 7,1878. \lisccllan6es, p. 346-348. 204. Acte faux de Dagobert I" :« nostrorum consilio optimatum et assensu domni Ansoaldi, Pictavorum episcopi, et aliorum tam archiepiscoporum quam episcoporuni » (6d. PERTZ,p. 167). -221- enumeration des dependances de cette dglise est suivie d'un tres court protocole final. L'acte est ,c validd » par un sceau. Plutöt que de criti- quer l'anachronisntc des faussaires de Saint-Denis qui placent 1'episco- pat d'Ansoald (avant 677 - apres 697) sous le rune de Dagobert I" (623-639), il faut souliener la conservation du souvenir de 1'eveque de Poitiers dans cc monastere parisien. Nous aimerions savoir par quel moyen, malgre leur erreur chronologique, les moines dionysiens ont retenu le nom de cc pontife et de son diocese. Il est possible que ce soit grace ä des actes conserves dans leur chartrier, etablis au moment oil Ansoald s'cst engage dans les affaires du royaume, ou encore par l'in- termediaire de la Vie tres repandue de saint Leger, dont la preface le mentionne comme dCdicataire do I'neuvre205. En conclusion, laissant de cöte le lien familial que nous fournit 1'ha- giographie, noun pouvons situer ainsi ces quatre personnes : Didon qui devient cvcque do Poitiers, y Cleve un enfant de sa familie, Leger, pour qu'il lui succede sur le siege episcopal, mais son projet echoue. Leger part de Poitiers, se trouve vers 660 aupres de la reine-mere Bathilde, en face d'EbroIn, maire du palais, et entre dans les luttes en faveur du roi Childeric 11 contre Ebroºn, aux cötes d'un certain Guerin, qui est sans doute la meme personne que le comic de Paris du meme nom. Didon rdussit ä designer, ä la fin de son episcopal, son successeur parmi les siens, Ansoald. Un trait commun ä ces quatre personnes est leur attitu- de hostile a Ebroin, a la politique centralisatrice que defend le maire du palais206, qualifies de tyrtnnique dans la Vie de saint Leger`07. Situes loin de cc maire du palais, les evCques de Poitiers ne peuvent pas rester insensibles au danger que represents EbroIn, car, durant le Vii siecle, 1'ev6ch6 de Poitiers continue ä renforcer l'autonomie de son adminis- tration. Didon, qui nest pas originaire du Poitou, tient le siege de saint Hilaire de la nomination du pouvoir central. Pourtant, ä la difference des autres eveques designds par la faveur royale, tell Eloi de Noyon et Ouen de Rouen, Didon nest pas un partenaire du roi, mais son interet politique le porte viers l'Austrasie. Ainsi, participe-t-il au projet d'un aristocrate austrasien, Grintoald. Son episcopal, qui dure plus de qua- rante ans, lui perntet d'etablir son pouvoir dans son diocese. L'acte de Childeric II, en 669, intplique I'autonomie du diocese de Poitiers et la

205. Vita Lcodcgarii 2. ed. B. KRUSCti,p. 323 :« Incipit prefatio. Domino meo sanc- toquc pontilice Ansoaldo praesolc Pectavcnsc...». 206. ROUpiG (NI. ), L'. 1quitainc, p. 97-95 (op. cii. supra n. 2). 207. Vita Lrodegarii 3, c. 7: « intcrca [= 6731 Childerico rege expetiunt, ut talia daret decreta per tria quam obtinuaret regna, ui uniuscujusque patriae legem vel consuetudi- nem deberent, sicut antiquitus, judices conservare, et ne de una provintia rectores in aliis introirent, neque unus ad instar Ebroini tyrannidem adsuntcret, ut postmodum sicut ille contubemales suns despiccrrt »( cd. B. KRUSCII, p. 259. Voir supra n. 134). 77" - predominance de 1'eveque sur le pouvoir royal d'Austrasie. Nous ä l'interieur n'avons pas de moyen de connaitre son administration du diocese. Mais it est Bien possible qu'Ansoald prolonge la construction de 1'« etat ecclesiastique » que Didon avait commencde. Dans la cite episcopale, nous voyons ce dernier remplir la charge pastorale par la fondation d'un höpital. Assiste de son entourage, it s'occupe du domai- ne judiciaire. 11 etend son administration, par le moyen de fondations, vers les cotes atlantiques, zone eloignee du cu: ur du diocese, mais qui a de riches possibilites economiques et qui entretient des liens commer- ciaux et spirituels avec les Scotti. Dans le royaume des Francs, il main- tient, au debut, paisiblement son attitude contre Ebroin. Apres la mon- tee en puissance des Pippinides et son succes dans le debat sur la pos- session du corps de saint Leger, ii participe aux affaires du royaume en tracant son nom aux cotes de ceux des eveques connus de son temps, sur les actes des conciles et des plaids. La derniere mention d'Ansoald sur un acte de Childebert III date du 14 mars 697. Par la suite, la cite de Poitiers et son diocese tombent dans une obscurite totale. La liste dpiscopale continue de fournir jusque vers 785 les noms des eveques, mais his ne participent plus ni aux conciles ni aux corrs du royaume franc. Avec la mort d'Ansoald, 208. c'est un monde qui finit La cite de Poitiers vers 700 entre definiti- vement dans le duche d'Aquitaine2209.

208. VIOLLET(P. ) (Droit public, p. 387 [op. cit. supra n. 681) 6mct I'hypothc sc que les 6veques du vtll' siccle sent devenus de vdritables comics 6veques, cc qui a entrain6 la laicisation do 1'6piscopat, une laicisation qui pourrait cxpliqucr I'oubli dans lequel ces 6vequesont 6t6 tenus par lours successcurs: RouCnE(M. ), LAquitaine.... p. 105 (op. cit. supra n. 2). 209. RouCIIE (M. ), ibid., p. 104, cf. PERROUD(Cl. ). Des origines du premier duchi d'Aquitaine, Paris, 1881, p. 167-169.