PONTIGNY À VÉZ E LAY Par ABEL MOREAU
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Collection " Plaisir du Voyage DIRIGÉE PAR HENRI LARTILLEUX De PONTIGNY à VÉZ E LAY par ABEL MOREAU Le Centurion OUVRAGES DU MÊME AUTEUR POEMES : PRIMAVERA (épuisé); LE CALVAIRE DU SOLDAT (épuisé) ; LA VIERGE D'AUXERRE (épuisé). ROMANS : LE FOU (épuisé) ; TU NE MOURRAS PAS... (épuisé) ; LA NUIT SYRIENNE (épuisé); PHARAMOND (épuisé); L'ILE DU PARADIS (Flammarion); SAINT FRANÇOIS A QUITTE LE PARADIS (Editions Franciscaines); LA LUMIERE DES HOMMES (Nouvelles éditions latines) ; LE CHATEAU DE LA POULE BLANCHE (épuisé); DU SANG SUR MON AMOUR (épuisé); LAISSE LES MORTS... (épuisé); LE RETOUR (Bonne Presse); LE JARDIN FERME (Bonne Presse); DRAMES DE GOSSES (Bonne Pressse) ; LE REGRET DES FONTAINES (Plon); LE FILS DE L'AURORE (Aubier). VOYAGES : SUR LES ROUTES DE SYRIE (épuisé) ; DE PRAGUE A JASINA (épuisé). ESSAIS ET CRITIQUES : JEAN LARONZE, SA VIE, SON ŒUVRE (épuisé); RENE BAZIN ET SON ŒUVRE ROMANESQUE. THESE POUR LE DOCTORAT ES LETTRES (épuisé); LA VIE DE SAINT GERMAIN D'AUXERRE (Imprimerie moderne, Auxerre); LE FRONT A LA VITRE (Nouvelles éditions latines) ; PON- TIGNY, DE L'ABBAYE CISTERCIENNE AU COLLEGE FRANCO- AMERICAIN (Nouvelles éditions latines); FRANCIS JAMMES (Convertis du XX siècle. Foyer Notre-Dame Bruxelles) ; CHARLES PEGUY (Convertis du XX siècle. Foyer Notre-Dame, Bruxelles); GUSTAVE COHEN (Convertis du XX siècle. Foyer Notre-Dame, Bruxelles) ; LA CATHEDRALE D'AUXERRE (Nou- velles éditions latines) ; PIE X, LE PAPE AU CŒUR ARDENT (Bonne Presse); SAINT JEAN BOSCO, LE GRAND AMI DES JEUNES (Eise, Lyon); MONSEIGNEUR HENRI VILLETARD (Imprimerie de la Nièvre, Clamecy). THEATRE RADIOPHONIQUE : « PAUVRE SOLDAT REVIENT DE GUERRE » (Paris); LE JARDIN FERME (Alger); LE POIDS DE L'ŒUVRE (Alger). EN COLLABORATION AVEC PIERRE ROLLAND : DRAMES DE GOSSES (Paris). LE BEAU VOYAGE LIMINAIRE DES TROIS VALLÉES Amis lecteurs, je ne vous entraînerai pas dans un grand voyage. Assez d'autres vous diront le charme des pays lointains. C'est chez vous que je veux vous conduire, dans une vieille région de France, à moins de 200 kilomètres de Paris. Les paysages que vous y verrez vaudront celui de l'archipel dalmate, et la beauté des églises surpassera celle de Sainte- Sophie, d'Istanbul, ou des petites églises de Macédoine, perdues dans les montagnes ou dans les gorges des torrents. Voici : de Pontigny (en Basse-Bourgogne), qui est un vil- lage de quelques centaines d'habitants, je veux vous faire remonter la vallée du Serein jusqu'à Montréal, où vécut la reine Brunehaut. Le Serein est bien la plus jolie rivière qui soit. Des bou- quets d'arbres couronnent des collines mesurées, des routes blanches semblent en promenade, et la petite 4 CV y joue à cache-cache avec des peupliers et des saules. Au Nord, l'église du Mont-Saint-Sulpice, haut dressée sur son éperon, surveille comme un phare la basse vallée, et la longue nef de Pontigny, amarrée à son île verte, regarde l'Orient et ne se décide jamais à gagner le large. Au fur et à mesure que nous remontons le Serein, la vallée se rétrécit, les tuiles rouges de Bourgogne cèdent la place à l'ardoise ou même à la lave morvandelle ; des pâtures entourées de haies épaisses remplacent les champs de blé et les vignes des côteaux, et le sourire se fige un peu sur les visages aux lèvres minces. De Montréal, nous descendrons par des lacets en forêt, dans la vallée de la Cure aux eaux brunes. Nous sommes désormais loin des grèves du Serein, dans le granit où cascade la rivière riche en truites. Tantôt enfoncée dans un lit qui semble inaccessible comme à Chastellux, tantôt étalée sur les roches plates et luisantes comme à Saint- Père, la Cure dessine de curieux méandres, presque tou- jours cachée sous les vieux arbres, glacée et miroitante, rivière du pays celte, divine évidemment dans ce Morvan aux vieilles légendes que peuplent encore des fées por- teuses de prestiges. A Saint-Père, nous laisserons la Cure continuer sa route dansante vers les roches de Saint-Moré et les grottes d'Arcy- sur-Cure, et nous gravirons la colline où nous accueillera, près de la Cordelle de saint François, le souvenir des cent mille chevaliers que saint Bernard lança à la Croisade. Notre pèlerinage achevé auprès des reliques de sainte Madeleine, nous redescendrons vers la plaine et entrerons, à Pontaubert, dans la vallée du Cousin. Nous serons, jusqu'à Avallon, dans « la petite Suisse ». Nous reprendrons, à 10 kilomètres d'A vallon, la vallée de la Cure jusqu'à Cra- vant. Là, s'ouvrira devant nous la large vallée de l'Yonne, la belle rivière majestueuse et lente qui arrose Auxerre et qui, après avoir reçu l'affluent de la Seine à Montereau, descend arroser Paris sans le savoir. Nous nous arrêterons longuement à Auxerre, la ville aux quatre clochers, la ville de Cadet-Roussel, de Jacques Amyot et de Marie Noël. L'Yonne nous conduira sans hâte vers Appoigny, où le Gué-de-la-Pucelle se souvient du double passage de Jeanne d'Arc. Et laissant l'Yonne continuer son majestueux voyage vers Montereau et Paris, nous reviendrons à la petite vallée du Serein, où Seignelay nous fera penser au grand Colbert. Et, revenus à Pontigny, notre point de départ, nous irons remercier le bon saint Edme d'avoir protégé notre petite ran- donnée. Combien de jours ? Trois jours si on a peu de temps ; mais il est préférable d'en consacrer quatre ou cinq à un périple où nous rencontrerons quelques-uns des plus fameux monuments de France. Nous n'écouterons pas les plaintes de Mme de Staël qui, exilée à Vincelles, à 3 lieues d'Auxerre, n'y voyait qu'un « horizon d'échalas... Une rivière qui ne sait point couler ». Bien plutôt Etienne Gilson, enfant de Vermenton, nous introduira avec vérité dans ce court et beau voyage aux trois vallées. Ecoutons-le : « Je me souviens d'un pays merveilleux... Ce n'est pas aux grandeurs d'une éloquence retentissante que nous invitent nos claires vallées et nos côteaux dépouillés. Ce que nous enseigne ce pays, c'est, m'a-t-il semblé, le goût de la droiture dans la pensée, de la simplicité dans l'expression et de cet esprit qui cache l'amitié la plus sûre et le cœur le plus affectueux sous la rudesse parfois bourrue ou l'émotion sous le rire. » En route donc, amis lecteurs, pour le beau voyage des trois vallées ! PREMIÈRE PARTIE LA VALLÉE DU SEREin CHAPITRE I PONTIGNY L'installation, il y trois ans, de la Mission de France à Pontigny, a redonné au petit village un regain d'actualité. Nous sommes ici en Auxerrois, au carrefour de trois évê- chés : Auxerre, Sens et Langres ; et de trois provinces : comté d'Auxerre, comté de Tonnerre et comté de Cham- pagne. Sur le vieux pont à trois arches, du XIII siècle, un vieux dicton voulait que trois évêques, trois comtes et un Abbé pussent dîner en restant sur leurs terres. Paysage sans violence, ciel d'un bleu clair où naviguent souvent des escadres de nuages blancs, douceur de vivre, plus de rêve que de force, plus de fantaisie que d'applica- tion. Une vallée idéale pour les vacances. Quand Hugues de Mâcon, au début de l'année 1114, vint fonder l'abbaye de Pontigny, la vallée était inhabitée et entourée de forêts ; mais le lieu répondait bien aux prescriptions de la règle de Cîteaux qui voulait que les monastères fussent construits loin des villes et des villages, en pleine solitude, près d'un point d'eau, et sur un sol assez fertile pour permettre aux moines d'y faire la culture et d'y vivre. Qu'on compare Pontigny cistercien, enraciné fortement dans la terre, vivant tout près d'elle, la couvrant de sa longue nef grise et rose, à Vézelay clunisien, couronnant la colline abrupte et dressant dans la ciel du Morvan ses deux clochers. Le parallèle est éloquent. L'architecture a choisi son paysage, celui qui convenait à un rêve précis, et l'a épousé, et maintenant, l'un ne peut se concevoir sans l'autre. Pontigny reste à jamais l'abbaye de la plaine, la longue nef terrienne sans clocher qu'enveloppent les mois- sons et les vignes, et dont le dialogue amical avec la prairie n'est jamais fini. Une longue histoire s'y déroula ; de belles pierres font rêver encore à un passé prestigieux, et de nouveaux hôtes ont peuplé récemment les restes de la vieille abbaye. La mission de Pontigny continue. Il n'est pas inutile de rappeler que c'est en 1098 que saint Robert, Abbé de Molesmes, désirant pratiquer aussi complètement que possible la Règle de saint Benoît, se retira avec quelques-uns de ses moines dans une forêt de Bourgogne, en un lieu appelé Cistercium ou Cîteaux. Son successeur, Albéric, établit les premiers règlements cister- ciens et choisit un vêtement de couleur blanche, afin de distinguer le nouvel ordre des autres fils de saint Benoît. En 1113, un prêtre du diocèse d'Auxerre, Ansius, pria l'abbé de Cîteaux, Harding, d'envoyer une colonie dans une terre qu'il possédait sur les rives du Serein, en un lieu appelé Pontigny. L'abbé Harding choisit alors douze religieux et les envoya à Pontigny sous la conduite de Hugues de Mâcon, jeune et riche seigneur qu'avait converti saint Bernard et qui, comme lui, s'était consacré tout entier à la vie religieuse. Ils arrivèrent à Pontigny au début de l'année 1114 et com- mencèrent par construire une église dédiée à l'Assomption de la Vierge. Cinq ans après sa fondation, Pontigny essai- mait à son tour, si grand était le renom de Hugues de Mâcon et si nombreux les moines qui voulaient vivre à l'ombre du monastère.