Préhistoires Méditerranéennes

10-11 | 2002 Varia

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/pm/239 ISSN : 2105-2565

Éditeur Association pour la promotion de la préhistoire et de l'anthropologie méditerrannéennes

Édition imprimée Date de publication : 1 septembre 2002 ISSN : 1167-492X

Référence électronique Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 [En ligne], mis en ligne le 21 avril 2009, consulté le 18 mai 2020. URL : http://journals.openedition.org/pm/239

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Tous droits réservés 1

SOMMAIRE

Les industries lithiques de la grotte de la Terrasse à Montmaurin (Haute-Garonne) Danielle Serra-Joulin

Les pièces amincies de la Baume des Peyrards (Massif du Luberon, Vaucluse) : analyse des procédés de réalisation Guillaume Porraz

Le Moustérien tardif des Pyrénées méditerranéennes Julia Maroto, David Ortega et Dominique Sacchi

Datation au radiocarbone d’ossements de l’horizon tardomoustérien de la grotte de Belvis (Aude) Annexe de l’article « Le Moustérien tardif des Pyrénées méditerranéennes » de Julià Maroto, David Ortega et Dominique Sacchi James L. Bischoff et Austin Long

La crise finiglaciaire à Gibraltar et l’Atlantide : tradition et géologie Jacques Collina-Girard

Nomenclature et méthode de description pour l’étude des céramiques de la fin du Néolithique en Provence Jessie Cauliez, Gaëlle Delaunay et Véronique Duplan

Las hoces neolíticas del noreste de la península ibérica Juan Francisco Gibaja Bao

Étude technologique des bifaces des niveaux inférieur et moyen de Sidi Zin (Le Kef, Tunisie) Lotfi Belhouchet

La poterie du site néolithique de Kobadi dans le Sahel malien Michel Raimbault et Dominique Commelin

Proposition d’une étude stylistique de la céramique imprimée de Kobadi. Définition de classes morphométriques des vases et analyse de la composition de leurs décors Annabelle Gallin

L’industrie lithique de Kobadi (Sahel malien) : aspects techniques, socio-économiques et culturels Jean-Claude Urbain

Nouvelles données sur la faune mammalienne de Kobadi (Mali) au Néolithique Implications paléoéconomiques et paléoenvironnementales Hélène Jousse et Isabelle Chenal-Velarde

Quatre abris peints découverts au Jebel Ousselat (Tunisie centrale) Jaâfar Ben Nasr

Corniformes gravés du Sud marocain Richard Wolff

La navigation océanienne : un savoir trop longtemps méconnu Anne Di Piazza

Subsistance et mode de vie des premiers habitants de Guadeloupe (500 av. – 1500 ap. J.-C.) Sandrine Grouard

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Chronique

Les inclusions fluides, un outil pour la discrimination des quartz archéologiques. Application au problème de circulation du quartz dans les Alpes occidentales et lombardes. Réalisation d’un premier référentiel de données sur les quartz alpins Résumé de thèse par l’auteur. Université de Provence, 2001, 2 vol., illustrations, cartes Sylvie Cousseran

Le Paléolithique moyen du massif du Vercors (Préalpes du Nord) : étude des systèmes techniques en milieu de moyenne montagne Résumé de thèse par l’Auteur. Université de Provence, décembre 2001, 2 tomes, 500 p. Sébastien Bernard-Guelle

Le Campaniforme dans le sud-est de la France. De l’Archéologie à l’Histoire du troisième millénaire avant notre ère Résumé de thèse par l’auteur. Université de Provence, mars 2002, 4 vol., 1451 pages (dont 487 figures, 35 cartes) et 11 cartes hors-texte Olivier Lemercier

Les industries lithiques du Chasséen en Languedoc oriental : caractérisation par l’analyse technologique Résumé de thèse par l’auteur. Université de Provence, juin 2002, 466 p., 73 pl.h.t. Vanessa Léa

Caractérisation et gestion du silex des sites mésolithiques et néolithiques du nord-ouest de l’Arc alpin. Une approche pétrographique et géochimique Résumé de thèse par l’auteur. Université de Provence, juin 2002, t. I, 341 p. Céline Bressy

Table ronde « Céramique Imprimée du Sahara Et de ses Marges » (CISEM II), Aix-en-Provence, 3-4 avril 2003 Dominique Commelin et Annabelle Gallin

Gabriel Camps 1927- 2002 Marceau Gast

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Les industries lithiques de la grotte de la Terrasse à Montmaurin (Haute-Garonne)

Danielle Serra-Joulin

NOTE DE L’ÉDITEUR

L’article présenté ici par Mme D. SERRA-Joulin est issu d’une thèse de 3e cycle soutenue à l’Université d’Aix-Marseille 1 en 1980. Il est donc le reflet, naturellement, des questionnements et des méthodes d’études alors en vigueur, qui apparaissent aujourd’hui bien « datées » pour certains d’entre eux. Il était légitime de s’interroger sur l’opportunité de sa publication. Si la rédaction de Préhistoire Anthropologie Méditerranéennes a néanmoins choisi de publier ce travail, c’est que Montmaurin et ses différents sites : la Terrasse, Coupe Gorge et la Niche pour les principaux, est un gisement important pour la connaissance des phases anciennes du Paléolithique. Connu dès le début du XXe siècle par les travaux de Marcellin Boule, remis à l’honneur en 1949 par la découverte de plusieurs ossements appartenant à une phase archaïque de la lignée néandertalienne, il n’a hélas jamais fait l’objet d’une publication d’envergure présentant de manière détaillée les différentes catégories de vestiges. Les informations de base, en particulier pour l’industrie lithique, ne sont accessibles qu’à travers quelques travaux universitaires dont la consultation est toujours malaisée. C’est pourquoi il nous a semblé que ce travail permet, pour l’ensemble de la communauté intéressée, d’accéder à des données en grande partie inédites sur l’industrie lithique de la Terrasse et que ce fait justifie, nous le croyons, de les mettre à la disposition de nos collègues. Jean-Pierre Bracco, Directeur de la Publication.

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Introduction

1 Le site préhistorique de La Terrasse se trouve aux abords de la localité de Montmaurin, dans le département de Haute-Garonne, dans les Petites Pyrénées, à environ 80 kilomètres de Toulouse.

2 Le gisement se situe en bordure de la RN 633 (fig. 1). Il appartient à un complexe de grottes d’importances diverses, qui s’ouvrent à différents niveaux du front d’une carrière haute de 40 m et dont la plupart ont été ouvertes par les travaux des carriers. Les deux grottes les plus importantes de ce complexe sont celles dites de La Terrasse et du Coupe-Gorge. Parmi les autres, les plus connues sont les grottes Zubiate, de Montmaurin (grotte Boule), des Abeilles, Clarens, des Stalagmites, la faille de l’Éléphant et la Niche, d’où fut exhumée la mandibule humaine dite mandibule de Montmaurin. Plus loin (fig. 2), s’ouvrent en bordure de route quatre petites grottes, dites du Putois. Toutes les grottes citées correspondent à trois réseaux karstiques qui sont, du plus ancien au plus récent : • le réseau supérieur : grottes Boule et de La Terrasse, • le réseau moyen : Coupe-Gorge, la Niche ainsi qu’un vaste réseau de cavités et de ramifications, • le réseau inférieur : grottes du Putois.

Figure 1

Le site de Montmaurin.

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Figure 2

La carrière Miro (d’après G. Simonet).

Historique

3 Pendant longtemps, la grotte Boule a été la seule connue, ce qui lui a valu le nom de grotte de Montmaurin.

4 Les premières fouilles systématiques, entraînées par les découvertes de MM. Zubiate et Cammas, furent entreprises à la grotte du Coupe-Gorge sous la direction de L. Méroc. C’est au cours d’une campagne de fouilles que ce dernier repéra au sommet de la carrière un lit de galets roulés surmonté de sédiments contenant des quartzites taillés : le gisement de La Terrasse. Les fouilles y furent dès lors menées conjointement par G. Laplace et L. Méroc.

Stratigraphie de la terrasse

5 La grotte de La Terrasse s’ouvre au sommet de la falaise formée par la carrière, en direction du NO, face à la Seygouade (fig. 3). Sur le terrain elle présente l’aspect d’un gisement de plein air aux terrains fortement inclinés en direction de l’à-pic et de ce fait sa nature véritable a pendant longtemps échappé aux fouilleurs.

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Figure 3

Les réseaux karstiques de Montmaurin.

6 Parallèlement au front de la carrière, le gisement comporte les carrés A à M depuis l’entrée vers le fond. Perpendiculairement l’on peut compter 11 secteurs (fig. 4). Cependant deux parois calcaires verticales limitent les secteurs 6 et 7, seuls témoins de l’ancienne galerie dont le toit s’est effondré. Selon L. Méroc, cette partie ne serait que l’anté-grotte, le reste étant obstrué par une partie des blocs effondrés. Cependant les sondages entrepris à l’époque sous sa direction n’ont pu traverser l’épaisseur du toit présumé du reste de la grotte.

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Figure 4

Plan de la terrasse (d’après L. Méroc).

7 Les coupes stratigraphiques levées par L. Méroc révèlent quatre grands ensembles de couches reposant sur le substratum calcaire et qui sont, de bas en haut (fig. 5) :

8 Couche 4 : 0,40 m de galets roulés, témoins d’un ancien affluent de la Seygouade, correspondant à la phase de creusement de la grotte, contemporaine de celle de la grotte Boule.

9 Couche 3 : série essentiellement sableuse qui débute par des sables meubles sans stratification apparente surmontés par des sables à stratification horizontale. Elle se poursuit par d’épaisses couches argilo-limoneuses coupées par deux planchers stalagmitiques. Le tout est entrecoupé de passées manganésifères.

10 Cette série est elle-même surmontée par une couche de sable blanc couverte d’un lit de coprolithes de hyènes, puis d’épaisses concrétions sableuses surmontées enfin d’un deuxième lit de coprolithes de hyènes.

11 Couche 2 : 0 à 3 m de limon argileux brun-rouge à jaune clair interrompu par deux passées fossilifères nommées respectivement couches à os inférieure et supérieure séparées par un lit d’argile rouge stérile. Ces couches sont fortement concrétionnées et imprégnées de manganèse. On y relève par endroits la présence de nodules phosphatés.

12 Les couches 2 et 3 correspondent à un climat tempéré. La couche 2 pourrait être datée soit du Mindel-Riss, soit d’un épisode doux inter-Riss.

13 Couche 1 : 0,60 m à 1 m d’éboulis calcaires emballés dans un limon brun-rouge, surmontés parfois d’un lit de terre noire. Elle présente des caractères glaciaires et serait rissienne.

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14 Seules les couches 1 et 2 ont livré du matériel taillé, ainsi que l’extrême sommet de la couche 3 (Tableau 1).

15 Selon L. Méroc, l’évolution de la grotte aurait été la suivante : après creusement au Mindel (fait contesté par d’autres chercheurs), un premier éboulement se serait produit « avant toute sédimentation ». Celle-ci aurait démarré en climat tempéré (couches 3 puis 2), les hyènes se seraient installées, bientôt remplacées par les hommes. Un deuxième éboulement aurait eu lieu pendant l’occupation humaine, qui, selon lui, aurait pu emmurer une partie des habitants, d’où les tentatives de retrouver, par sondages, le reste supposé de la galerie. Cet accident aurait contraint les habitants contemporains de la couche 1 à ne plus s’installer que dans l’anté-grotte. D’autres chercheurs pensent au contraire que l’habitat aurait toujours eu lieu à l’intérieur de la grotte et que le dernier éboulement serait postérieur à la dernière occupation humaine.

Figure 5

Stratigraphie de la Terrasse.

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Tableau 1

Décompte du matériel.

Aperçu des industries

16 Pour confectionner les industries de la grotte de La Terrasse, les hommes ont utilisé quatre roches disponibles dans leur environnement : quartzite, lydiennes, silex et quartz.

17 Le quartzite est la matière la plus utilisée et son pourcentage n’est jamais inférieur à 75 %. Les lydiennes et le silex, dont les pourcentages respectifs varient de 9 à 13 % et de 6 à 9 %, suivent d’assez loin. Le quartz ne représente jamais plus de 2 % de l’outillage.

18 Sur le plan typologique, les industries sont mixtes. Elles comprennent d’une part un petit outillage obtenu sur éclats ou débris, d’autre part un gros outillage obtenu à partir de blocs et constitué essentiellement de galets aménagés auxquels viennent s’ajouter quelques bifaces.

19 Un peu plus de la moitié du matériel taillé, soit 52 %, se compose d’éclats non retouchés.

Les éclats

20 Les industries de La Terrasse étant composées d’objets d’assez grande dimension, ont été considérés comme éclats de taille ceux dont la longueur orientée atteint ou dépasse 40 mm. Dans la couche 2, considérée comme la plus représentative en raison de l’abondance du matériel, cette longueur est en moyenne de 54 mm. Les éclats sont larges et il n’est pas rare que la largeur excède la longueur orientée. Ils sont enfin généralement épais.

21 Reflétant le profil général de l’industrie, la matière choisie est essentiellement le quartzite : 75 % des éclats de la couche 2, 85 % de ceux de la couche 1. C’est probablement ce choix de la matière qui en explique partiellement les dimensions car les galets de la Seygouade sont volumineux. Les lydiennes par ailleurs sont toujours

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plus abondantes que le silex, avec les pourcentages indiqués ci-dessus. L’emploi du quartz est exceptionnel.

22 A l’époque où l’étude de ce matériel a été menée, ont été utilisées pour la détermination des caractères des méthodes mises au point par le Laboratoire de Préhistoire de Marseille. S’inspirant de celle mise au point par H. de Lumley, A. Fournier et R. Brandi, A. Tavoso avait mis au point pour l’étude de ses industries tarnaises une classification qui a été reprise à Montmaurin, en raison de la ressemblance des deux industries sur certains points. Le principe en est le suivant : deux séries de neuf types chacune sont envisagées, en se basant sur la nature corticale ou non du talon. Les principaux types sont : • Amorces, • Éclats à surface entièrement corticale, ou presque, • Éclats de première exploitation de la face considérée du nucleus, • Éclats à dos en cortex, • Éclats à talon et extrémité corticaux ou non, • Éclats provenant d’une zone déjà utilisée du nucleus et ne comportant que des plages résiduelles isolées de cortex, • Éclats totalement dépourvus de cortex.

23 À La Terrasse, cette étude ne pouvait se faire qu’en considérant les éclats matière par matière. Les quartzites et lydiennes sont toujours beaucoup moins « décortiquées » que le silex, les talons en particulier étant le plus souvent corticaux (Tableau 2 ; fig. 6.A, B).

Tableau 2

Éclats.

24 Le fait que les quartzites et lydiennes se présentent sous forme de galets dont les surfaces corticales offrent d’excellents plans de frappe n’est pas étranger à ce phénomène.

25 Par ailleurs, de précieux renseignements sont fournis par l’étude du nombre et des directions des facettes dorsales des éclats, correspondant aux enlèvements antérieurs et pouvant renseigner sur le nombre et la disposition des plans de frappe du nucléus (méthode de H. de Lumley). Ainsi le nombre de facettes dorsales visible est le plus souvent compris entre 1 et 3 et dépasse rarement 4. Il est cependant généralement plus

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élevé dans la couche 1 que dans la couche 2, ce qui pourrait traduire une exploitation un peu plus poussée du nucleus (fig. 7a). Cinq directions peuvent être observées : • Longitudinale unipolaire Lu : la facette a un axe parallèle à celui de l’éclat et de même sens. Le point d’impact se situait donc sur le même plan de frappe. • Longitudinale bipolaire Lb : l’axe de la facette est parallèle à celui de l’éclat mais le plan de frappe était l’extrémité distale. • Oblique Ob : l’axe de la facette est quelconque par rapport à celui de l’éclat. • Transversale Tr : l’axe et le plan de frappe de la facette sont respectivement perpendiculaires à l’axe et au plan de frappe de l’éclat. Sans exclure d’autres origines, cela fait penser à un nucleus prismatique. • Entrecroisée E : les facettes doivent se recouper et le nombre doit être supérieur à 2. L’on aurait là une exploitation plus poussée du nucleus, suggérant pour ce type d’industrie des nucleus discoïdes.

26 Pour ces caractères, les deux couches de La Terrasse présentent d’assez grandes différences : alors que dans la couche 2 les directions les plus fréquentes sont les longitudinales unipolaires et les transversales, dans la couche 1 prédominent les éclats à facettes entrecroisées, tous les autres types manifestant une nette régression, ce qui semble confirmer l’idée d’une exploitation plus poussée des nucleus dans l’ensemble supérieur (fig. 7b).

Figure 6

Types d’éclats par matière dans les couches 1 (A) et 2 (B).

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Figure 7a-b

Nombre de facettes dorsales des éclats (a). Orientation des facettes dorsales des éclats (b).

Les nucleus

27 L’on rencontre cinq types de nucleus : discoïdes, prismatiques, polyédriques, globuleux et divers ou inclassables. Seuls les nucleus discoïdes (près de la moitié des nucleus) et les divers sont assez nombreux pour autoriser une étude.

28 Les nucleus discoïdes sont peu caractéristiques, presque toujours irréguliers et allongés. La disposition de leurs enlèvements permet néanmoins de les reconnaître comme tels. Le plan de frappe est de nature variable : calotte corticale, dièdre quelconque ou semi-cortical, plaquette. Ils sont les seuls à présenter parfois un plan de frappe partiellement aménagé (fig. 8A, 9A).

29 Les nucleus prismatiques sont toujours élaborés avec soin et leur allure est caractéristique (fig. 9B).

30 Les nucleus polyédriques sont de dimensions et d’allures diverses (fig. 8C).

31 Les nucleus divers enfin (fig. 8D) sont de dimensions variables. Ils comptent les plus gros spécimens mais peuvent être très petits à l’occasion. Ils sont le plus souvent exploités selon plusieurs plans de frappe mais portent un nombre d’enlèvement réduit et il est assez rare que les éclats issus de deux plans de frappe différents se recoupent. En général, l’homme les a abandonnés très vite, peut-être en raison de l’abondance de la matière première mais aussi, dans le cas du quartzite, matière toujours prédominante, à cause de la présence de filons de quartz grossier venant perturber les ondes de choc.

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Figure 8

Nucléus de la Terrasse.

Figure 9

Nucléus. A : discoïde, plan de frappe aménagé ; B : prismatique.

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Mode de débitage

32 Il n’existe pas de débitage de type Levallois à La Terrasse et aucun nucleus de ce type n’a été retrouvé.

33 Par commodité cependant, ont été qualifiés de Levallois des éclats de petites dimensions, dont les caractères sont très différents des autres. Leur forme les rapproche beaucoup de celle des éclats Levallois vrais ; bien que de dimensions réduites, ils présentent un grand nombre de facettes dorsales, entrecroisées ; de plus leur épaisseur est très faible, contrairement aux autres éclats, même ceux classés comme petits éclats. Enfin ils sont pratiquement les seuls à présenter des talons facettés. Ils proviennent probablement de nucleus discoïdes.

Étude typologique

Le petit outillage

34 Le terme d’outils sur éclats pour désigner cette fraction de l’outillage n’est pas adéquat car une grande partie d’entre eux ont été obtenus à partir de débris, probablement par concassage volontaire grossier. L’influence de la matière n’est pas non plus à exclure : dans le cas des quartzites, la présence de filons de quartz est à l’origine d’éclats mal venus ou de débris ; les lydiennes, quant à elles, présentent une variété à forte schistosité donnant à la taille des plaquettes dont les caractères de débitage ne sont pas toujours décelables ; de ce fait il n’est pas toujours possible de dire avec certitude si l’objet provient d’un débitage volontaire ou d’une action mécanique naturelle.

35 Le fait notable dans le petit outillage est le choix très large de lydiennes et surtout de silex, le quartzite n’étant plus guère représenté.

36 A quelques exceptions près, les mêmes outils se retrouvent dans les deux couches archéologiques, aussi est-il préférable de les décrire sans distinction stratigraphique, tout en signalant le cas échéant quelques particularités.

37 Trois groupes dominent très nettement à l’intérieur du petit outillage : les encoches, les racloirs et les denticulés.

Les racloirs (fig. 10)

38 81 racloirs ont été recensés au total, dont vingt dans la couche 1. L’homme a attaché un soin particulier à leur confection puisque la matière et le support font l’objet d’un choix très net. En ce qui concerne le support, 65 % des racloirs de la couche 2 et 62 % des racloirs de la couche 1 sont obtenus sur éclat. Les types rencontrés sont à talon et dos en cortex ou totalement décortiqués, ce dernier cas étant dû à l’emploi préférentiel du silex. Pour ce qui est de la matière, on rencontre 47,5 % de silex et 39 % de lydiennes. Il convient cependant de noter que dans la couche 1 le quartzite est relativement mieux représenté que dans la couche 2, son pourcentage passant de 6,6 % à 15 %.

39 Les dimensions sont celles des éclats bruts dans la couche 2 : 53 mm de longueur en moyenne, légèrement plus réduites dans la couche 1 : 54 mm pour les racloirs contre 59 mm pour les éclats bruts.

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40 Typologiquement, la plupart des racloirs sont simples : rectilignes (22 %), convexes (26 %) ou concaves (16 %). La qualité de leurs retouches dépend essentiellement de la matière utilisée : les exemplaires en silex sont presque toujours d’excellente facture alors que ceux en lydienne sont beaucoup plus grossiers. Les retouches sont également plus épaisses chez les racloirs convexes que chez les racloirs rectilignes, passant parfois au type surélevé. Se rencontrent également des retouches scalariformes, Quina ou semi-Quina. Les racloirs concaves sont obtenus par retouches plus épaisses que les précédents. Leur pourcentage augmente dans la couche 1 alors que celui des racloirs convexes reste constant et que celui des racloirs rectilignes diminue.

41 Les racloirs convexes et concaves sont en général peu arqués et leur courbure est un caractère assez constant témoignant d’une certaine homogénéité, vérifiée par des études quantitatives. Cette homogénéité est attestée par celle du bord retouché dont la corde (ligne droite joignant les extrémités du tranchant de l’outil), mesurée, a été divisée en classes dont la traduction graphique est une courbe unimodale dont la valeur maximale correspond à des outils dont la longueur est comprise entre 36 et 45 mm.

42 Les autres types de racloirs comptent peu de représentants. La plupart sont d’un travail soigné et obtenus par retouches épaisses ou scalariformes. On remarque que : • les racloirs transversaux sont très légèrement convexes, • les racloirs doubles présentent les associations rectiligne-convexe, rectiligne-concave, convexe-concave et biconvexe, • les racloirs sur face plane sont parmi les mieux représentés tant en quantité qu’en qualité, • les racloirs à retouches alternes sont rares et atypiques, de même que les racloirs à retouches abruptes, • les deux seuls racloirs déjetés représentés présentent toujours un racloir plus petit que l’autre, • enfin que le pourcentage des racloirs diminue de la couche 2 à la couche 1.

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Figure 10

Racloirs. 1, 3 : rectilignes ; 5, 6 : convexes ; 3 : concave ; 4 : sur face plane ; 7 : à retouches alternes ; 8 : double.

Les denticulés (fig. 11-3 à 6)

43 Ce groupe est le plus représentatif du petit outillage de La Terrasse avec un indice moyen de 40 %. Son importance se maintient dans les deux couches archéologiques.

44 Comme les racloirs, le choix de leur support a fait l’objet d’un soin tout particulier : 69 % d’éclats dans la couche 2, cependant ceux de la couche 1 témoignent d’une légère désaffection : 55 % seulement. Les types d’éclats sont les mêmes que précédemment.

45 Le choix de la matière, quoique manifeste, est un peu moins net que pour les racloirs : 35 % seulement de silex, autant de lydiennes. Le quartzite est toujours faiblement représenté mais davantage que pour les racloirs ; il est possible que le type de retouches ait une influence : les denticulés sont obtenus par une série d’encoches clactoniennes contiguës et le quartzite se prête bien mieux à celles-ci que les lydiennes, alors que le silex est également un bon support pour les encoches.

46 Les dimensions du support des denticulés sont légèrement plus réduites que celles des racloirs : 49,5 % pour 50 mm.

47 Il n’est pas rare que les denticulés soient associés à un autre outil. Il s’agit alors presque toujours d’une encoche clactonienne située soit sur le bord opposé, soit sur le bord adjacent. L’encoche peut être directe ou inverse. Il existe enfin un cas d’association avec une encoche et un racloir.

48 Les retouches sont assez soignées. On peut en réalité distinguer trois types de denticulés : des denticulés « normaux », d’allure analogue à celle des racloirs sauf en ce qui concerne le type de retouches ; des denticulés grossiers obtenus sur de gros débris

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ou fragments de calotte corticale ; de très petits outils enfin classés dans une catégorie « micro denticulés ». L’un des plus remarquables est obtenu par la combinaison de deux micro denticulés, latéral et transversal, dont la convergence dégage latéralement une sorte de museau.

49 Les denticulés de type courant sont rectilignes ou convexes, exceptionnellement concaves. La plupart sont situés latéralement sans préférence de côté : 34 % sur le bord gauche, 38 % sur le bord droit. Le quart seulement est obtenu sur extrémité distale. Les retouches sont le plus souvent directes : 89 %.

50 Pour ce qui est de la partie utile du denticulé, l’homogénéité est certaine, bien que les mesures traduisent des valeurs quelque peu plus étalées que celles des racloirs. La courbure par contre dans le cas des denticulés convexes est très hétérogène. Trois groupes se dégagent : l’un à très faible convexité, un autre à convexité moyenne et qui, pour ce caractère, se rapproche des racloirs convexes, le dernier à convexité très marquée.

51 A ce groupe de denticulés, il convient de rattacher quelques becs, qui peuvent être de deux types, mousses ou pointus. Les premiers forment un museau bien dégagé par deux encoches clactoniennes, déjeté vers la gauche ou la droite. L’un d’entre eux est assez grossier, en quartzite. Leur support peut être un éclat ou un débris. Les seconds ne comptent que trois exemplaires, respectivement deux en lydienne et un en silex. Le premier est naviforme, double et très épais, associé à un racloir. Les deux autres sont remarquablement retouchés et à la limite du perçoir. Les encoches qui les dégagent sont finement retouchées, ce qui est exceptionnel sur ce site.

Figure 11

Encoches (1, 2) et denticulés (3 à 6).

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Les encoches (fig. 11.1, 2)

52 À La Terrasse, elles sont toutes de type clactonien. Leur nombre (39 au total) est réduit par rapport à celui des deux groupes précédents. Il s’agit d’encoches simples, non associées à un autre outil.

53 Les exigences concernant la matière et le support sont assez lâches. Bien que les éclats dominent sur les débris, ce n’est que de très peu (58 à 55 %). Ce sont les lydiennes qui dominent (42 %), silex et quartzite se partageant également les 58 % restants.

54 Les dimensions sont faibles : 43 à 51 mm et assez variables. Dans le cas où le support est un débris notamment elles peuvent être particulièrement réduites.

55 Trois profondeurs d’encoches pouvant être distinguées par l’observation et le calcul, nous en avons recherché la cause. Il semble que celle-ci en soit la matière employée : si le silex peut donner toutes les profondeurs désirées, les lydiennes ne donnent jamais d’encoches profondes alors que l’inverse se produit pour le quartzite. Ce fait pourrait expliquer l’importance prise par le quartzite dans la confection des denticulés par rapport aux racloirs.

56 La largeur des encoches est, contrairement à leur profondeur, un caractère très homogène : elle est le plus souvent comprise entre 16 et 20 mm.

57 La position de l’outil sur le support est le plus souvent latérale (67 %) et directe (79 %). Dans la moitié des cas un dos abrupt, cortical ou non, est opposé à l’encoche.

Les pointes

58 Une seule pointe moustérienne a été trouvée, en silex, dans le sommet de la couche 2 (fig. 12.1). Cette très jolie pièce a été aménagée sur talon par retouches épaisses ; le côté droit est retouché en dos.

Figure 12

Image14 Pointes. 1 : moustérienne ; 4, 5, 6 : de Tayac ; 2,3 : limaces.

Les limaces (fig. 12.2, 3)

59 Il en existe cinq, dont quatre en silex et une en quartzite. Le support semble avoir été indifférent pour les artisans : une seule est obtenue indubitablement sur éclat et le talon est à peine entamé. Parmi les autres on peut noter un éclat probable, les autres supports étant tous des débris. Les dimensions des limaces sont moyennes, la longueur peut atteindre 73 mm. L’allongement est variable.

60 Deux sont obtenues sur dièdre, ce qui leur donne une section triangulaire.

61 Ces outils sont la plupart du temps très convexes, obtenus par retouches denticulées abruptes et très épaisses. Leur angle d’inclinaison sur la face inférieure est toujours au moins égal à 80°.

62 Il convient enfin de préciser qu’il ne s’agit pas de limaces typiques mais bien plutôt de « protolimaces » dans le sens que leur attribue F. Bordes.

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Les pointes de Tayac (fig. 12.4 à 6)

63 Six pointes de Tayac ont été recensées, toutes très typiques.

64 Une seule est faite sur débris. La matière a fait l’objet d’un choix net : quatre en silex, une en lydienne et la dernière en quartz assez fin. Le support a été retouché en respectant sa morphologie initiale, ce qui fait que la plupart de ces outils sont déjetés à droite ou à gauche.

65 Les retouches, souvent très épaisses, sont abruptes, ainsi que le support. L’outil est souvent dissymétrique : les retouches d’un bord entament une portion plus courte que l’autre, ou sont plus marginales.

66 Deux pièces ont leur pointe cassée obliquement, probablement par utilisation ; d’autres présentent diverses traces d’utilisation sous forme de retouches ou d’émoussé.

Les outils de type Paléolithique supérieur

67 Ce groupe est particulièrement réduit à La Terrasse et tous les types ne s’y rencontrent pas. Il existe deux grattoirs, un burin et trois perçoirs.

Les grattoirs

68 L’un est en silex, sur éclat, très typique ; il se trouve dans la couche 2. Les retouches partent du milieu du bord latéral gauche et se poursuivent sur tout l’extrémité distale, formant un museau puis une sorte d’encoche.

69 Le second appartient à la couche 1 ; il est peu typique. Il est fait sur débris de nucleus en quartzite et les retouches, épaisses et abruptes, sont assez grossières.

Les burins (fig. 13.8)

70 Un seul exemplaire existe, sur éclat en lydienne. Il est très atypique et probablement non intentionnel. Il porte néanmoins des traces d’utilisation et a dû être employé comme tel.

Les perçoirs (fig. 13.5, 6)

71 Les trois perçoirs proviennent des couches inférieures et sont de très belles pièces. Le support est indifférent : un seul éclat. Deux sont en silex et parmi eux l’un est associé à un racloir obtenu par retouches Quina.

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Figure 13

Éclats Levallois : 1 à 4 ; burin : 8 ; perçoirs : 5, 6 ; grattoir : 7 ; couteaux à dos naturel : 9, 10.

Les couteaux à dos naturel

72 Il n’en existe que deux. Aucun couteau à dos retouché n’a été trouvé, sans doute parce que la plupart des éclats sont tirés de galets de quartzite et que le mode de débitage permet d’obtenir des dos à peu de frais (fig. 13.9, 10).

73 Les couteaux sont en quartzite ; l’un a une forme de croissant, l’autre est rectangulaire. Leurs dimensions sont peu importantes.

74 Si l’allongement et l’épaisseur réduite de ces pièces autorisent à les classer dans la catégorie des couteaux à dos, elles se distinguent relativement peu des autres éclats dont beaucoup présentent un dos et ont dû être utilisés comme tels par l’homme, mais leur épaisseur et leur largeur sont dans ce dernier cas plus importantes.

Les becs burinants alternes

75 Il n’en existe qu’un, en lydienne, sur éclat, dégagé par deux encoches clactoniennes. La pointe en est assez bien dégagée.

Les autres outils

76 Nous avons trouvé un racloir grossier abrupt ou « rabot » au sens de F. Bordes. C’est une pièce obtenue sur débris de quartzite, très épaisse.

77 D’autres outils de type indéfini sont classés comme « divers ». Il s’agit soit d’outils à pointe, soit de museaux plus ou moins déjetés dégagés par des encoches. Les premiers

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donnent des types assez beaux. Signalons enfin un gros grattoir abrupt en lydienne dont les retouches ne partent pas de la face plane.

78 Il semble que nombre de débris de nucleus, en raison de leur forme adéquate, aient été légèrement retouchés et utilisés.

79 Un certain nombre d’éclats et de débris, enfin, ont été accommodés. Il ne s’agit pas d’outils à proprement parler mais le caractère intentionnel des retouches ne peut être mis en doute. Celles-ci sont le plus souvent épaisses ou envahissantes.

80 La figure 14 donne pour les deux couches archéologiques le diagramme cumulatif du petit outillage.

Figure 14

Diagramme cumulatif des outils de la Terrasse (essentiel) sans les outils sur galets.

Les outils sur galets

81 Ces outils ont été dénommés « nucléiformes » par A. Tavoso, qui range également les nucleus dans cette catégorie.

82 Il s’agit d’une part de galets aménagés : choppers, chopping-tools, polyèdres, d’autre part de bifaces. Ils représentent une proportion non négligeable de l’industrie de La Terrasse puisque les galets aménagés à eux seuls en constituent le quart.

83 La matière employée le plus souvent est le quartzite et dans une moindre mesure les lydiennes. Dans les choppers on retrouve un petit exemplaire en quartz.

84 Parmi tous ces outils, les choppers sont les plus nombreux : 62 au total.

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Les choppers (fig. 15)

85 Leurs dimensions sont variables et on peut les classer en deux catégories : de gros choppers, dont la longueur dépasse parfois 150 mm, et des choppers de dimensions plus réduites, comportant peu de retouches ; ils sont le plus souvent distaux et de forte épaisseur. Il convient toutefois de noter que l’on passe sans discontinuité nette d’un groupe à l’autre, les dimensions des blocs diminuant d’une façon continue. On remarque également que la plupart de ces outils sont en quartzite et qu’à mesure que les dimensions diminuent, les pièces ont tendance à s’allonger.

86 La deuxième catégorie de choppers est constituée de très petites pièces, d’allongement variable, peu épais. Leurs petites dimensions s’expliquent par la présence de quartz et de lydienne, à moins qu’inversement l’homme, désirant de petits choppers, ne les ait choisis dans des matières existant toujours sous forme de petits galets.

87 Malgré cette apparente partition en deux groupes, lorsqu’on tente de grouper les choppers en classes de longueur, on obtient une courbe unimodale qui témoigne de l’homogénéité de ce groupe malgré l’étalement évident des valeurs depuis 46 jusqu’à 180 mm, la longueur moyenne étant de 101,3 mm. D’une manière générale enfin, l’allongement et les épaisseurs des choppers sont assez forts.

88 A côté de choppers sans forme définie, plus ou moins massifs et réguliers, obtenus sur débris divers dont ils épousent les contours, il existe deux groupes dont la forme est standardisée : des choppers le plus souvent volumineux et distaux, à forme parallélépipédique, à bords sensiblement parallèles, et des choppers à base très rétrécie, dont les bords vont en s’évasant vers la partie retouchée. Dans le cas des choppers distaux, le plus souvent épais, la base présente un très faible rayon de courbure ; dans le cas des choppers latéraux, plus sinueux et moins épais, l’arrondi basal est beaucoup plus doux et le rayon de courbure plus grand.

89 En fonction de l’emplacement et de l’étendue des retouches, on peut distinguer quatre types de choppers : distaux, lorsque la corde du tranchant est perpendiculaire au grand axe du galet, latéraux, si cette corde lui est parallèle, étendus si le tranchant affecte plus de la moitié de la circonférence du support, anguleux enfin lorsque le tranchant présente une pointe ou un angle nets.

90 L’allure du tranchant est variable : les tranchants anguleux et étendus sont, contrairement aux distaux et latéraux, toujours convexes ou circulaires et dans ce cas ils peuvent être sinueux et denticulés. La plupart des tranchants cependant sont réguliers, le plus souvent rectilignes dans le cas des choppers distaux.

91 Le nombre d’enlèvements des choppers varie de 2 à 9, excepté une pièce qui compte douze enlèvements. La plupart des choppers ont entre trois et cinq enlèvements. Ce nombre ne varie pas sensiblement d’une couche à l’autre.

92 L’angle que forme le front retouché des choppers avec la face inférieure du galet varie de 31 à 85°. Deux groupes de valeurs se trouvent très bien représentés : un premier, pour un angle compris entre 51 et 60° correspond à des retouches semi-abruptes (classification de A. Fournier. T.A. 1973) ; c’est le plus important. Le second, pour un angle variant de 66 à 75°, correspond à des retouches abruptes.

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Figure 15

Choppers.

Les chopping-tools

93 Au nombre de 36, ils sont peu nombreux par rapport aux choppers.

94 La matière utilisée de préférence est toujours le quartzite, avec toutefois une proportion de 67 %, les lydiennes étant plus volontiers recherchées, notamment dans la couche 2.

95 La longueur moyenne des chopping-tools : 80,2 mm, est inférieure à celle des choppers, certainement en raison de la présence importante des lydiennes. Elle passe de 71,3 mm en moyenne dans la couche 2 à 82,5 mm dans la couche 1.

96 Cette différence nette de dimensions et de formes implique une étude séparée des chopping-tools en quartzite et de ceux en lydienne.

97 Bien que les chopping-tools apparaissent comme un groupe moins homogène que celui des choppers, leur longueur montre des valeurs beaucoup plus groupée. L’épaisseur par contre se groupe préférentiellement autour de deux valeurs : 35 à 44 mm et 55 à 74 mm, la première permettant d’individualiser la série en lydienne. L’allongement est également plus grand dans le cas des chopping-tools que dans celui des choppers.

Les chopping-tools en quartzite (fig. 16A)

98 Les formes de ces outils sont très variables et aucune ne groupe un nombre de représentants autorisant l’établissement d’une série. Trois lots peuvent néanmoins se distinguer :

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99 Le premier, regroupant des pièces obtenues sur débris, comprend des chopping-tools latéraux, relativement épais. Le profil du tranchant est obtus et sinueux, souvent convexe en vue latérale. L’impression laissée par ces pièces est d’être des outils de fortune provenant de la récupération d’un nucleus ou de toute autre pièce que l’homme a aménagés sommairement.

100 Le deuxième est formé par des chopping-tools distaux à pointe, dont le tranchant est sinueux et plus vif que dans le premier groupe.

101 Le troisième enfin groupe des formes assez diverses, dont l’angle du tranchant varie. Certaines se rapprochant de la série à dos des chopping-tools en lydienne.

102 A ces trois lots il faut ajouter un chopping-tool en quartz très petit et globuleux.

Les chopping-tools en lydienne (fig. 16B)

103 Contrairement aux précédents, ils forment une série homogène tant par l’allure que par les dimensions, beaucoup plus réduites que dans le cas précédent, et qui les apparentent aux pièces du petit outillage. Ils sont principalement situés dans la couche 2.

104 Un seul d’entre eux est distal et son tranchant forme une pointe mousse. Les autres sont latéraux et, parmi eux, deux, très plats, ont une forme semi-circulaire et présentent un tranchant très sinueux et aigu.

105 Le reste de la série forme le groupe des petits chopping-tools à dos, d’épaisseur variable et assez allongés, tous obtenus à partir de petits galets. Les retouches donnent un tranchant rectiligne en profil mais assez sinueux en plan et l’angle ainsi formé est obtus.

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Figure 16

Chopping-tools. A : quartzite ; B : série à dos en lydienne.

Les polyèdres

106 Ils sont au nombre de trois, dont deux seulement sont typiques. Tous sont en quartzite et présentent une base corticale. Le moins typique est à peine entamé, probablement à cause d’une veine de quartz qui a entravé le débitage.

107 Parmi les deux autres, l’un est massif, assez grand et presque parallélépipédique, chaque face étant grossièrement orthogonale à l’autre. Les arêtes sont très zigzagantes. Le second, provenant de la couche 1, a une forme plus élancée et de ce fait semble très petit. Ses arêtes sont encore plus zigzagantes que celles du précédent, la partie supérieure forme une arête mousse et très sinueuse.

Les bifaces

108 Ils constituent dans la couche 1 une grande nouveauté par rapport à la couche 2, leur apparition y étant brusque.

109 Leur classification ne peut se faire en fonction des caractéristiques établies par F. Bordes, ce qui reviendrait à tous les ranger dans la même catégorie (bande IV). Nous avons adopté la classification d’A. Tavoso, basée sur la nature du tranchant : convexe continu, transversal rectiligne ou à pointe ; et le caractère unifacial : à pointe, ou pic, ou à tranchant distal, ou bifacial partiel ou total des retouches. A l’exception de deux pics, tous les bifaces sont en quartzite.

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Les unifaces

110 Ces pièces, retouchées sur une seule face, sont au nombre de quatre.

111 La première a un tranchant continu. Elle est torse, assez atypique et massive. La base a été cassée en cours de taille selon un défaut de structure de la roche. Les trois autres sont des pics, dont deux en lydienne (fig. 17). Le pic en quartzite mesure 181 mm de long ; il est naviforme. Les deux autres sont plus petits. L’un d’eux présente une pointe cassée. Tous possèdent une large base corticale, envahissant la majeure partie de la pièce. Celui dont la pointe est cassée provient de la couche 2.

Figure 17

Pics.

Les bifaces (fig. 18)

112 Les bifaces à pointe sont tous situés dans la couche 1. Trois sont à retouches partielles, deux à retouches « totales », bien que même dans ce dernier cas il existe toujours une base réservée en cortex. La pointe est généralement dissymétrique et déjetée indifféremment vers la droite ou la gauche. Certains possèdent un dos cortical ou retouché.

113 Les bifaces à tranchant convexe continu sont au nombre de huit, dont la moitié obtenus par retouches partielles. L’un d’eux se trouvait dans la couche 2. Leurs dimensions et leur épaisseur sont variables. L’arrondi distal est presque toujours à grand rayon de courbure. Chez tous, ce tranchant se poursuit sur un côté, avec un angle assez vif, sauf dans un cas où il passe à un dos aménagé opposé à un autre dos, cortical cette fois.

114 Les bifaces à tranchant rectiligne sont relativement petits comparés aux autres. Le tranchant en est assez étroit, cortical dans le cas du biface partiel. Le tranchant latéral est assez vif.

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Figure 18

Bifaces à tranchant continu.

Caractères généraux

115 Tous les bifaces, excepté les quatre de la couche 2, sont de belle facture et de grandes dimensions. L’homme semble avoir apporté à leur confection un soin tout particulier.

Datation

116 J. Heinzelin avait mis au point une méthode permettant de dater approximativement les bifaces. Cette méthode consiste à mesurer les angles formés par les zigzags du tranchant et d’en établir la moyenne. De nombreuses mesures lui avaient permis de constater que cet angle moyen varie de 110° à 130° pour les bifaces abbevilliens ; il est d’environ 150° pour ceux de l’Acheuléen supérieur et de 180° pour les bifaces « parfaits ».

117 Nous avons mesuré les angles formés par les zigzags dominants des tranchants qui dépassent 10 mm. La moyenne se situe autour de 150° et permet de proposer pour les bifaces de La Terrasse un âge Acheuléen supérieur, qui s’accorde avec les autres caractères de l’industrie.

Les hachereaux sur éclat (fig. 19)

118 Ils sont au nombre de trois, tous en quartzite. Leurs dimensions sont assez grandes : 116 mm, 121 mm et 213 mm.

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119 Ils sont taillés de manière à obtenir un tranchant à la fois distal et latéral gauche, opposé à un dos pour deux d’entre eux. Tous ont un talon en cortex. L’un d’entre eux a une face dorsale entièrement corticale, l’autre porte un grand enlèvement antérieur. Aucune préparation n’a été faite pour leur débitage et ce sont des éclats « de galet » au sens de F. Bordes et F. Tixier. Le troisième hachereau est plus grand que les bifaces et constitue la pièce la plus grande de toute l’industrie. Son tranchant distal est rectiligne.

120 Les hachereaux apparaissent dans la couche 1 en même temps que les bifaces. L’apparition de ces deux catégories d’outils se fait aux dépens des chopping-tools et surtout des nucleus.

Figure 19

Hachereaux sur éclat.

Choix de la matière

121 Tout au long de l’étude du matériel de La Terrasse, il est apparu que les quatre matières employées pour la confection des éclats et des outils avaient une influence certaine sur toute la typologie et que l’homme avait su parfaitement mettre à profit les propriétés techniques de chacune d’elles en fonction du type d’objet désiré.

Les matières premières disponibles

122 Les pourcentages sont donnés par le diagramme de la figure 20A.

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Figure 20

Pourcentages des matières premières utilisées à la Terrasse dans chaque couche pour la confection des divers types d’objets.

Le quartzite

123 C’est la matière la plus abondante aux abords du site et l’homme l’a utilisée très largement puisqu’elle forme en moyenne 75 % de l’outillage de La Terrasse. Le quartzite se présente sous forme de galets volumineux et épais. D’âge siluro-ordovicien, il provient du plateau de Lannemezan ; il se retrouve dans les alluvions de la Garonne et il tapisse le lit de la Seygouade. Son grain est assez fort, sa couleur varie du vert sombre au vert-jaune pâle, avec une prédominance du vert moyen. La zone corticale varie de 0,5 à 10 mm et elle est comprise le plus souvent entre 3 et 5 mm.

124 Cette roche est presque toujours dans un état de grande fraîcheur mais elle est souvent parcourue par des veines de quartz qui gênent considérablement le débitage.

Les lydiennes

125 Ce sont les « roches bleues » de L. Méroc. Les galets sont nettement plus petits que ceux de quartzite ; la roche est presque toujours fraîche, le cortex pelliculaire. On doit distinguer deux sortes de lydiennes : celles à forte schistosité, qui se taillent très mal et souvent en plaquettes où les caractères de débitage sont parfois bien difficiles à reconnaître et les retouches informes ; celles sans schistosité apparente et dont les propriétés mécaniques les apparentent au silex.

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Le silex

126 Il faut distinguer des silex à texture fine dont les qualités mécaniques sont excellentes mais qui s’altèrent très vite et des silex à texture plus grossière, ne s’altérant pas mais creusés d’alvéoles et de très mauvaise qualité.

Le quartz

127 Certaines variétés de quartz sont à grain grossier et ne peuvent fournir que des éclats. D’autres, proches du quartz hyalin, ont pu être finement retouchées.

Choix des matières pour les différents matériels

128 Le matériel non taillé comprend un pourcentage de quartzite prépondérant qui varie de 46 à 75 % ; les autres matières sont moins bien représentées et leurs proportions respectives varient d’une couche à l’autre. Pour le matériel taillé, le choix s’opère de deux façons opposées, selon le type d’outil désiré ; il y aura enrichissement sélectif, soit en quartzite, soit en silex.

Les éclats de taille

129 Le pourcentage de quartzite est très fort : 75 % dans la couche 2 et 85 % dans la couche 1. Dans les deux couches les lydiennes sont mieux représentées que le silex. Quant au quartz, il n’est représenté qu’à 2 % (fig. 20B).

130 Le quartzite, grâce à son aspect rugueux, permet d’obtenir des tranchants utilisables sans retouches. Il donne des éclats plus grands que les autres matières et le mode de débitage, permettant d’obtenir des dos corticaux, en facilite la préhension, ce qui peut expliquer la préférence accordée à cette matière.

Les outils sur galets (fig. 20F)

131 La matière prédominante est toujours le quartzite, d’une façon encore plus absolue que pour les éclats, surtout en ce qui concerne les choppers (90,5 %) et les bifaces (totalité sauf trois pièces).

132 Il est à remarquer qu’aucun outil sur galet n’a été obtenu à partir de silex, probablement en raison de la fragilité de ce dernier sur le site de Montmaurin. Le quartz n’a pas non plus attiré l’homme de Montmaurin, probablement parce qu’il se présente en petits galets et que les artisans de La Terrasse fabriquaient de préférence un matériel de grandes dimensions et d’épaisseur appréciable. De fait le quartzite, matière lourde et rugueuse, convient pour les gros outils dont l’allure et les dimensions donnent l’impression qu’ils étaient utilisés pour des travaux exigeant l’usage d’objets massifs, ce qui semble parfois confirmé par l’allure de certaines retouches secondaires.

133 Pour les petits outils l’homme utilisait un débris de quartzite ou le plus souvent un galet de lydienne. L’exemple des chopping-tools est assez significatif à cet égard. De toute évidence, l’homme recherchait un support relativement plat et de petites dimensions, que seuls les galets de lydienne pouvaient fournir. Ils étaient de plus mis en forme grâce à un petit nombre de retouches.

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Le petit outillage

134 Pour l’outillage dit « sur éclat », le choix de la matière première s’est cette fois effectué en sens inverse. Le silex prend une importance remarquable, de même que les lydiennes, à un degré moindre il est vrai. Le quartzite par contre y est en très nette régression. Ce choix se rencontre tous outils confondus (fig. 20D). Si l’on compare les pourcentages de chaque matière rencontrés chez les nucleus, les éclats bruts et les outils sur éclat, on constate que les éclats de quartzite ont presque tous été destinés à être utilisés tels quels alors que ceux de lydienne et surtout de silex étaient réservés à la confection d’outils à retouches fines. Ce choix ne peut surprendre, les silex et les lydiennes sans schistosité apparente se prêtant particulièrement bien à ce traitement tandis que le quartzite supporte plus facilement les encoches, d’où la plus forte proportion de quartzite dans les groupes d’encoches et de denticulés, ces derniers étant obtenus par encoches clactoniennes.

Les nucleus

135 Le quartzite domine mais, dans la couche 2, le silex se trouve en proportion non négligeable ; c’est ce qui a été mis en évidence plus haut : quartzite pour les éclats bruts, silex pour les éclats retouchés (fig. 20E).

Les petits éclats

136 Leur cas est particulièrement intéressant à étudier, en raison du caractère mixte de l’industrie et des variations énormes de pourcentage de quartzite entre les deux couches.

137 Ces éclats sont considérés comme provenant de la mise en forme des outils sur galets ou de la retouche des outils sur éclats. Dans la couche 2, les lydiennes sont peu représentées tandis que le quartzite et le silex sont importants. Si les petits éclats de quartzite ont une origine indéterminée, ceux de silex ne peuvent provenir que des éclats retouchés, puisqu’il n’existe pas d’outils sur galets en silex. Dans la couche 1, la proportion de quartzite augmente très brutalement au détriment des autres matières. Or les pourcentages de galets aménagés n’ont pas varié et l’augmentation du quartzite chez les outils sur éclats est trop faible pour expliquer un bond aussi spectaculaire. Par contre l’apparition brutale des bifaces dont les dimensions sont imposantes et dont la mise en forme a dû entraîner un certain nombre de déchets est certainement à l’origine de ce phénomène, d’autant que le matériel de la couche 1 est moins abondant que celui de la couche 2 (fig. 20C).

Remarques

138 Quel que soit le groupe envisagé (nucleus, éclats, outils sur éclats, etc.) le pourcentage de quartzite est beaucoup plus important dans la couche 1 que dans la couche 2. Le silex suit une évolution inverse et identique à celui des lydiennes.

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Évolution de l’industrie

139 D’une façon générale et en considérant l’industrie dans son ensemble, il n’est pas possible a priori d’établir une distinction nette entre le matériel des deux couches archéologiques. Globalement nous retrouvons, à quelques détails près, les mêmes types d’outils, apparemment obtenus par les mêmes méthodes de débitage. L’on ressent une impression d’homogénéité semblant témoigner de la présence sur ce site d’une même civilisation, et ceci pendant un laps de temps assez long.

140 En y regardant de plus près cependant, il est possible de remarquer certaines variations ; c’est dans ce sens restreint que l’on peut parler d’évolution.

Variations d’ordre technique

141 Elles s’observent essentiellement sur les éclats de taille, dont la longueur orientée est légèrement plus grande dans la couche 1 que dans la couche 2.

142 Les principales variations s’observent néanmoins sur les facettes dorsales des éclats. Nous avons vérifié par des tests de X2 les variations concernant leur nombre et leur orientation. Dans les deux cas ils ont été positifs et ont démontré l’intervention d’un facteur différent du hasard.

143 Les éclats de la couche 1 comportent le plus souvent deux ou trois facettes dorsales alors que ceux de la couche 2 en comportent une ou deux. En liaison indirecte avec ce fait l’orientation des facettes dorsales est le plus souvent longitudinale unipolaire, rarement entrecroisée dans la couche 2, contrairement à ce qui se passe dans la couche 1. Le mode d’exploitation des galets n’était donc pas le même : taille monodirectionnelle et abandon du nucleus après débitage de quelques éclats dans la couche 2, exploitation plus poussée et à partir de plusieurs plans de frappe dans la couche 1. Peut-être également tous les éclats de la couche 1 n’ont-ils pas la même origine, dans la mesure où les nucleus, eux, ne traduisent aucune évolution typologique. Des études plus poussées seraient nécessaires pour éclaircir le problème.

144 De la même façon, les bulbes de percussion sont plus accusés dans la couche 1, ce qui implique des techniques de taille plus énergiques.

145 Tout se passe en fait comme si dans la couche 1 les méthodes visaient à obtenir un outillage de grandes dimensions. Les outils « sur éclats » eux-mêmes sont légèrement plus grands, sans parler des bifaces.

Variations d’ordre typologique

146 Si dans l’ensemble les outils sont les mêmes dans les couches 1 et 2, il est possible de noter quelques variations de pourcentages : les racloirs diminuent tandis que les denticulés prennent un peu plus d’importance dans la couche 1. De même, par rapport aux chopping-tools, les choppers y sont plus nombreux et le rapport Ch/CT passe de 1,56 à 1,84. La plus grande valeur de ce rapport est considérée en général comme caractéristique des industries plus évoluées.

147 La plus grande différence entre les deux couches archéologiques réside cependant dans l’apparition des grands bifaces et des hachereaux sur éclats dans la couche 1. Les bifaces, bien que présents dans la couche 2 sous forme de quatre spécimens, petits et

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assez laids, prennent un grand développement dans l’ensemble supérieur où ils sont de grandes dimensions et de belle facture. Les hachereaux sur éclats constituent, eux, une nouveauté absolue.

Variations de matières premières

148 Quel que soit le groupe considéré, dans la couche 1 le quartzite est toujours beaucoup plus utilisé que dans la couche 2. Les outils pour lesquels la préférence avait été donnée au silex, eux-mêmes, traduisent cette évolution. Cette augmentation des proportions de quartzite se fait au détriment des lydiennes mais surtout du silex.

Interprétations

149 Toutes les variations observées ci-dessus font que lorsqu’on regarde les outillages des couches 1 et 2, ceux de l’ensemble supérieur ont un aspect beaucoup plus fruste : grands outils de quartzite à retouches grossières et obtenus plus souvent à partir de débris, augmentation des denticulés par rapport aux racloirs, grands éclats souvent fracturés. Tous ces caractères correspondent certainement à un même but : production d’un outillage plus volumineux et pouvant résister à des actions énergiques, d’où utilisation de techniques adéquates pour l’obtenir et fabrication d’autres outils propres à l’usage requis. Le quartzite convenant bien à ceux-ci est plus employé, mais les retouches étant plus difficiles à obtenir dans cette matière paraissent plus grossières.

150 Cet outillage traduit une adaptation à des besoins différents, alimentaires et autres, peut-être partiellement liés au changement de climat. Il serait intéressant de comparer ces résultats avec les études effectuées sur la faune de La Terrasse.

Diagnose et comparaison

Diagnose

151 Les industries des couches archéologiques de La Terrasse appartiennent à une même grande civilisation. Elles sont pauvres en bifaces, très riches en encoches et surtout en denticulés ce qui, dans ces régions, est caractéristique des industries rissiennes. Les galets aménagés : choppers et chopping-tools, forment une part importante de l’outillage. Le débitage Levallois enfin y est inconnu et les outils de type Paléolithique supérieur exceptionnels (fig. 21).

152 Tous ces caractères, joints à des études effectuées sur les bifaces, permettent d’attribuer les outillages à l’Acheuléen supérieur.

153 Il est possible d’établir des comparaisons avec des industries proches géographiquement ou par les matières premières utilisées, en premier lieu bien entendu avec celles des autres sites du complexe de Montmaurin.

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Figure 21

Diagramme cumulatif essentiel des outils de la Terrasse avec les outils sur galets.

Comparaison avec les industries du coupe-gorge

154 La grotte du Coupe-Gorge est plus récente que celle de La Terrasse, aussi les seules industries de ce site que l’on puisse comparer sont celles de la couche 3.

155 Comme à La Terrasse, le débitage Levallois est inconnu et l’outillage est le même. Cependant les racloirs y sont toujours plus abondants que les denticulés et le silex y est plus largement représenté, ce qui entraîne un décorticage plus important des éclats. Les bifaces du Coupe-Gorge sont plus petits et de types différents de ceux de La Terrasse, les hachereaux sur éclats y sont inconnus. Les nucleus enfin y sont plus abondants.

Comparaison avec les industries du plateau de Lannemezan

156 Seuls des renseignements fragmentaires ont pu être obtenus, mais presque toutes les industries décrites sont postérieures à celles de La Terrasse. MM. Laplace et Méroc ont récolté à l’Est de Lannemezan une industrie rissienne qu’ils ont attribuée au Tayacien. De même la série récente du Plateau de Lannemezan mise en évidence par L. Méroc, bien que moustérienne, comporte des galets aménagés ressemblant fortement selon lui à ceux de La Terrasse.

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Comparaison avec les industries du Tarn

157 Les industries récoltées par A. Tavoso sur les terrasses du Tarn se caractérisent comme celles de La Terrasse par une absence de débitage Levallois et une large place accordée au quartzite.

158 Celles qui offrent le plus de ressemblances avec celles de La Terrasse sont celles de la Barraque dont les outils « nucléiformes » se rapprochent de ceux de la couche 2 de notre gisement et sont datées de l’Acheuléen final, ainsi que celles du Pech de Jonquières et En Régis, datées de l’Acheuléen évolué.

Conclusion

159 Dans l’esprit de L. Méroc, le site de La Terrasse offrait un double intérêt. D’une part il formait un élément important du Paléolithique inférieur pyrénéen, d’autre part c’est là qu’il a pu avec son équipe mettre au point les premières méthodes modernes de fouille, avec un véritable travail d’équipe, mené dans la pratique par G. Laplace.

160 Pour dater les sédiments il faut tenir compte des observations de L. Méroc pour qui le site n’est pas postérieur au Riss et non antérieur à la terrasse de 60 m de la Garonne. Les caractères climatiques de la couche 2 sont interglaciaires, soit Mindel-Riss, soit plus vraisemblablement inter-Riss. La couche 1, glaciaire, est rissienne. Tous ces caractères montrent une grande concordance avec ceux des industries étudiées.

161 Ce qui a conditionné l’ensemble de l’outillage est la matière première. La roche la plus abondante à Montmaurin est le quartzite, dont le grain assez grossier et la dureté l’ont fait préférer aux autres. Elle permet d’obtenir des tranchants parfaitement utilisables sans la moindre retouche et d’assez grandes dimensions, grâce à ses galets volumineux. Ces derniers en outre permettent à peu de frais la confection d’un gros outillage résistant. En contrepartie, ces galets massifs imposent des techniques de débitage au percuteur dur et parfois l’emploi de la taille bipolaire. D’autre part les retouches fines s’y font malaisément et la présence de veines de quartz est souvent gênante. De ce fait les lydiennes ont été utilisées bien que leurs qualités techniques soient parfois médiocres, d’autant que leurs dimensions plus réduites peuvent s’avérer plus intéressantes selon le type d’outil recherché ; l’on pense en particulier à la série des petits chopping-tools de la couche 2. Le petit outillage quant à lui a principalement été obtenu à partir de silex, que l’homme allait recueillir dans les calcaires daniens environnants. Il se compose essentiellement de racloirs, denticulés et encoches clactoniennes ; les pointes et les outils de type Paléolithique supérieur sont quasi inexistants, ce qui ne saurait surprendre pour cette industrie. C’est par ailleurs probablement en raison de la prédominance du quartzite que le débitage Levallois est absent. Une large place est accordée aux galets aménagés : choppers et chopping-tools, les premiers souvent assez grands. Tout ceci permet de rattacher ces industries à l’Acheuléen supérieur.

162 Chronologiquement, il semble que deux vagues, appartenant à la même civilisation, se soient succédées sur le site. La première occupation se serait faite au cours d’un épisode climatique tempéré et, d’après l’abondance du matériel recueilli dans la couche 2, d’une façon continue. Selon L. Méroc, un effondrement du toit de la grotte se serait produit au cours de cette période. La seconde installation, du fait de l’obstruction de la galerie,

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se serait faite sur la partie nommée anté-grotte. Le climat étant devenu glaciaire, cette mauvaise exposition en aurait fait un endroit peu recherché lors de l’occupation correspondant à la couche 1 et l’homme n’y aurait fait que de courtes haltes. Son outillage, en apparence plus grossier que celui de ses prédécesseurs, est plus volumineux et comprend de nouveaux outils en rapport avec des besoins nouveaux. Puis le creusement progressif du lit de la Seygouade a fait abandonner le site de La Terrasse pour celui du Coupe-Gorge.

163 Les comparaisons effectuées montrent que les industries de La Terrasse se rapprochent de toutes celles qui sont présentes dans la région et qui ont fait une large part à l’utilisation du quartzite. Il semble y avoir un ensemble homogène du Paléolithique inférieur dans lequel le complexe de Montmaurin s’inscrit harmonieusement.

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RÉSUMÉS

Le site préhistorique dit de « La Terrasse » fait partie du complexe des grottes de Montmaurin (Haute-Garonne) ayant livré des industries du Paléolithique inférieur. Il a été fouillé sous la direction de L. Méroc de 1946 à 1961 avec les premières techniques « modernes » de fouille. Le site comporte deux couches archéologiques principales, datables de l’Acheuléen supérieur. L’outillage, obtenu essentiellement à partir de quartzite local, fait une large place aux galets aménagés s.l. : choppers et chopping-tools, ainsi qu’aux bifaces. La couche 2, la plus ancienne, serait datable du Mindel-Riss ou plus probablement d’un inter-Riss, la couche 1 pourrait témoigner du retour de conditions climatiques plus rigoureuses ayant marqué le choix des outils.

The prehistoric site of “La Terrasse” belongs to the complex of Montmaurin (Haute-Garonne, France). Industries from lower Palaeolithic were found and diggings carried out by L. Méroc from1946 to 1961, with “modern” methods. The site shows two main archaeological beds, dated from higher Acheulean. The tools, mainly made of local quartzite, shows a great quantity of choppers, chopping-tools and bifaces. The bed 2, the older, could belong to Mindel-Riss or more probably to inter-Riss. The bed 1 could correspond to a new cold episode which guides the choice of tools.

AUTEUR

DANIELLE SERRA-JOULIN

Le Roy d’Espagne, 1 bd Velasquez, 13008 Marseille

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Les pièces amincies de la Baume des Peyrards (Massif du Luberon, Vaucluse) : analyse des procédés de réalisation

Guillaume Porraz

Présentation générale

La Baume des Peyrards : localisation, historique

1 Le gisement de la Baume des Peyrards (commune de Buoux, Vaucluse) est un abri sous roche situé dans le massif du Luberon, à une altitude absolue de 430 m. Au pied du plateau des Claparèdes, cet abri, qui s’étend aujourd’hui sur 50 m de long, est à proximité immédiate de l’Aiguebrun, cours d’eau qui traverse le massif du nord au sud, facilitant ainsi la communication entre la vallée de la Durance (au sud) et celle du Coulon (fig. 1).

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Figure 1

Localisation du gisement de la Baume des Peyrards (Vaucluse), et des principaux sites moustériens voisins.

2 Ce gisement a été fouillé en 1901 et 1902 par M. Deydier et F. Lazard (Deydier & Lazard 1909-1910) puis, en 1955 et 1956, par H. de Lumley (de Lumley 1956, 1957). Plusieurs niveaux d’occupations moustériennes ont été mis en évidence (de Lumley-Woodyear 1969). L’ensemble lithique des couches 9 à 5 (couche 4 des fouilles Deydier/Lazard), qui font l’objet de cette étude, sont numériquement les ensembles les plus importants. Selon les critères discriminants à cette époque, elles seraient attribuables à un Moustérien Charentien de type Ferrassie (de Lumley-Woodyear 1969). Elles se caractérisent par des phases de production essentiellement Levallois, au sein desquelles semblent prédominer les méthodes récurrentes bipolaire et surtout unipolaire (Fleury 2000).

3 Le fait le plus original de cette industrie est la présence en nombre important de pièces dites « amincies ». Cette originalité, parmi d’autres critères, a contribué à isoler cette industrie sous le qualificatif « Ferrassie oriental » (de Lumley 1962). L’étude de ces pièces fait l’objet de ce travail.

Les pièces étudiées

4 L’ensemble étudié est composé de 353 pièces, toutes actuellement conservées au musée Calvet à Avignon1 (fouilles Deydier/Lazard, fouilles de Lumley). Compte tenu de l’ancienneté des fouilles (la majorité du matériel étudié provient des travaux de M. Deydier et F. Lazard), ces pièces seront étudiées sans apporter de précisions stratigraphiques (de Lumley 1969).

5 Ont été retenues dans cet ensemble les pièces répondant à la définition suivante : éclat – retouché ou non – sur lequel un ou plusieurs enlèvements ont été détachés sur la face

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inférieure et/ou supérieure et ce, sans que ceux-ci n’aient affecté l’ensemble des bords fonctionnels.

6 Dans les décomptes publiés par H. de Lumley (1969), les racloirs à dos aminci représentent 13 % de sa liste typo-logique. Il semble d’ailleurs que ce gisement soit à l’origine de la conservation de ce type au sein de la liste de F. Bordes (1961).

7 En considérant la totalité de l’outillage, 7 % des pièces retouchées sont concernées par un amincissement de la base. Même si la présence de pièces amincies dans des gisements moustériens n’est en soi pas surprenante, l’ensemble de la Baume des Peyrards, par un numerus quantitativement et qualitativement très important, se prête particulièrement bien à une nouvelle approche de cette opération technique.

8 Cet ensemble témoigne d’un état de conservation relativement bon, mis à part la présence fréquente de pièces brûlées (7 %), et surtout le fort pourcentage de pièces cassées (53 %). En raison de l’ancienneté des fouilles et des conditions dans lesquelles ces pièces ont été conservées, toute étude tracéologique paraît difficilement envisageable.

Les matières premières lithiques

9 L’environnement géologique proche de l’abri des Peyrards (Buisson-Catil 1994) offre plusieurs sources de silex, bien souvent de bonne qualité. Les occupants de l’abri semblent avoir surtout utilisé ces gîtes locaux. Des précisions sur l’économie des matières premières, non-traitée dans ce travail, mériteraient cependant d’être apportées. Seules deux pièces (parmi les pièces amincies) ne sont pas en silex : l’une est en quartzite, l’autre probablement en grès.

10 Sans pouvoir préciser – en l’absence de remontages – le lieu où ont été réalisés ces amincissements, la présence de pièces amincies cassées lors de leur retouche suggère que certaines d’entre elles (fig. 2.5) ont clairement été réaffûtées au sein même de l’abri.

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Figure 2

Pièces à amincissement latéral (la Baume des Peyrards, Vaucluse).

Étude des pièces amincies

Quels supports ?

11 La première opération effectuée par le tailleur concerne la sélection des supports. Ceux-ci peuvent soit faire l’objet d’une production -spécifique ou non- auquel cas la sélection des supports est conçue lors de la phase de débitage à proprement parler, soit faire l’objet d’une sélection plus souple réalisée au sein d’un ensemble d’éclats aux caractéristiques plus ou moins variées. Les implications quant à la définition de ces comportements sont bien évidemment d’inégales valeurs, nous tâcherons de les mettre en évidence.

12 La première remarque que l’on peut faire concerne la diversité des supports sélectionnés (fig. 3). Si la forte représentation des supports indéterminés – du fait de l’importante transformation de ceux-ci – était prévisible, la variété des éclats sélectionnés nous amène à soulever deux remarques principales : • soit la souplesse du procédé n’a pas nécessité une sélection rigide des supports ; • soit notre outil d’étude n’est pas adapté pour mettre en évidence les choix suivis par les tailleurs (les critères de sélection n’ont pas pu être mis en évidence).

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Figure 3

Types de supports sélectionnés et amincis2.

13 Quoi qu’il en soit, au vu de ce graphique, il semble bien que la sélection des supports n’ait pas répondu à une phase de production spécifique, orientée vers l’obtention de supports destinés à être amincis. Ces considérations peuvent être confortées par la forte représentation des supports à double patine (N = 31, soit env. 9 % de l’ensemble étudié) (fig. 4.3 et6.1). La sélection d’éclats anciennement débités laisse entrevoir un comportement plutôt opportuniste : récupération d’éclats offrant de bonnes caractéristiques (épaisseur ?) pour être amincis.

14 Les propriétés qui ont pu conduire à la sélection de tel ou tel éclat ne sont donc pas propres à une catégorie technologique. Des particularités morphologiques semblent dans certains cas avoir été recherchées par les tailleurs. Concernant les racloirs à dos aminci par exemple, les supports sélectionnés sont souvent des éclats latéralisés, présentant donc une dissymétrie en surface mais aussi en volume. Enfin, les critères dimensionnels (cf infra) semblent avoir été un élément déterminant.

La réalisation du plan de frappe

15 Nous pouvons noter la sélection particulière de supports cassés (fig. 5.4). Ceux-ci présentaient l’intérêt d’offrir un plan de frappe adéquat pour le dégagement d’enlèvements. À ce titre, cette cassure devait être considérée comme un raccourci non-négligeable au sein de l’opération technique (gain de temps).

16 Contrairement au gisement de Champlost (Yonne) (Lhomme 1993), les cassures semblent ici toutes d’origine accidentelle. Même si la fracturation volontaire est attestée dans ce gisement (exemple d’un racloir convergent épais fracturé transversalement), il ne semble pas qu’elle ait été une pratique adoptée par les tailleurs lors de la réalisation d’un amincissement.

17 Un plan de frappe a été réalisé dans près de 70 % des cas, il est très majoritairement direct, d’angle semi-abrupt. 30 % des supports n’ont pas nécessité une telle réalisation. La sélection des supports s’est peut-être préférentiellement tournée vers ceux

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présentant des caractéristiques propices au détachement d’enlèvements, sans qu’une préparation ne soit nécessaire.

18 Les plans de frappe ont dans certains cas été aménagés au fur et à mesure du détachement des enlèvements. Cette préparation soignée des plans de frappe, dont la nature et la fréquence restent ici difficiles à préciser, entraînait un meilleur contrôle des opérations. La lecture diacritique nous montre en effet que certains points d’impact se sont plutôt portés sur l’intersection de deux enlèvements, conférant ainsi un talon dièdre aux éclats obtenus.

19 Notons que si nous avons l’exemple de pièces amincies sans plan de frappe, nous n’avons aucun exemple de pièces dont seule une troncature serait présente (pièce à reprise simple, Débenath 1983) (l’industrie n’a cependant pas pu être regardée dans sa totalité). Il semble bien que la finalité de l’opération ait nécessité le détachement de ces enlèvements.

Les enlèvements

20 Les enlèvements ont majoritairement été retirés sur la face inférieure. Cette dernière est concernée dans 93 % des cas, et dans 70 % exclusivement. En moyenne, en nous limitant malheureusement à une lecture diacritique, 4 à 5 enlèvements ont été détachés. De façon générale, ceux-ci sont retirés de manière géométrique (1, 2, 4,…), utilisant ainsi les nervures-guides laissées par les précédents. Le premier enlèvement est détaché soit au centre de la zone à amincir, soit sur un de ses bords ; ils sont très rarement de direction cordale mais bien plutôt de direction centripète ou longitudinale. Il semble enfin que la percussion directe à la pierre dure ait été la technique couramment employée (contre-bulbes marqués, arrachements fréquents). L’utilisation d’un percuteur tendre ne peut toutefois être exclue.

21 Notons l’exemple d’une pièce amincie sur la face supérieure sans qu’un plan de frappe n’ait été préalablement réalisé (fig. 6.1). C’est dans ce cas la différence de patine qui nous a permis de mettre en évidence cette pratique. En l’absence de remontages, il ne nous est pas possible de préciser la fréquence de ce genre d’opération. Certaines pièces, mises à l’écart de cette étude, présentent en effet plusieurs négatifs d’enlèvements sur la face supérieure. Il conviendrait de prendre en compte avec plus de précision les phases de production afin de savoir si ces enlèvements appartiennent à une phase de préparation du débitage (Boëda et al. 1990), s’il s’agit d’amincissement réalisé antérieurement au détachement de l’éclat (Bourguignon 2000), ou s’il s’agit d’enlèvements détachés postérieurement au débitage de l’éclat (ex. fig. 6.1). En l’absence de ces infor-mations, c’est la première hypothèse qui a été privilégiée.

22 Si un procédé de réalisation "standard" semble se dégager (préparation d’un plan de frappe, enlèvements sur la face inférieure), nous voyons qu’il n’est en aucun cas exclusif. La souplesse de ces opérations peut tout autant s’expliquer par les différentes morphologies des supports sélectionnés que par la diversité des schémas d’intention suivis par les tailleurs. Il nous importe alors, en élargissant nos cadres d’étude, de déterminer et de saisir la nature de ces variations.

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Approche typologique

23 Les pièces amincies de ce gisement sont très majoritairement des pièces retouchées (Tableau 1). Seulement 11 % d’entre elles sont sur support brut.

24 La diversité typologique n’est que faiblement représentée (Tableau 1). Ce sont essentiellement les outils convergents et surtout les racloirs simples qui prédominent.

25 Il est intéressant de noter que dans plus de 85 % des cas déterminables (N = 104/122), la retouche est postérieure à l’amincissement. Ce sont donc des supports bruts de débitage qui ont été sélectionnés. Ceci signifie que la morphologie finale de l’outil était définitivement mise en place par les tailleurs lors de la retouche et non lors de l’amincissement.

26 L’ordre de succession des opérations était donc : réalisation d’un plan de frappe, détachement d’enlèvements amincissants, retouche des bords.

Tableau 1

Inventaire typologique des pièces amincies.

Les amincissements : quelle variabilité ?

27 Les pièces amincies de la Baume des Peyrards présentent une variabilité apparente d’un point de vue descriptif (Tableau 2). Celle-ci a trait à la localisation de l’amincissement qui, suivant l’axe morphologique de l’outil, peut être soit latéral, soit latéro/proximal,

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soit enfin proximal (fig. 4). La pertinence de ces distinctions sera discutée par la suite (cf. infra). • une pièce à amincissement latéral (racloir à dos aminci) est un éclat dont le bord aminci est opposé au bord retouché (ou plus généralement au bord supposé fonctionnel) (fig. 2). Dans ce cas de figure, les racloirs transversaux à base amincie ont donc été décomptés comme racloirs à dos aminci ; • une pièce à amincissement latéro/proximal est un éclat dont le premier tiers proximal a été aminci obliquement et ce, sans que la partie proximale ne soit impliquée dans sa totalité. Cet ensemble comprend certains exemples de pièces à cran typiques (amincissement latéro/ proximal de délinéation concave) (fig. 5) ; • une pièce à amincissement proximal est un éclat dont la partie amincie est contiguë au(x) bord(s) retouché(s), ou fonctionnel(s) (fig. 6).

Tableau 2

Représentation numérique des 3 types d’amincissements identifiés.

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Figure 4

Présentation des 3 types d’amincissements identifiés à la Baume des Peyrards (Vaucluse) (n° 1, amincissement latéral ; n° 2, amincissement latéro/proximal ; n° 3, amincissement proximal)

28 Ces dénominations ne sont en aucun cas exclusives, il se peut donc que certains de ces types soient associés sur une même pièce. C’est dans ce cas le caractère prédominant, dans le cadre d’une approche descriptive, qui est pris en compte.

29 Cette variabilité n’entretient de rapports directs ni avec les types de supports sélectionnés, ni avec les modalités de réalisation des amincissements (Porraz 2001). Si d’un point de vue typologique quelques différences ressortent (prédominance nette des racloirs simples pour les pièces à amincissement latéral, égale représentation des racloirs simples et des outils convergents pour les deux autres ensembles), la distinction de ces trois groupements reste essentiellement fondée sur des critères descriptifs. De plus, la délinéation des amincissements (oblique ou droit) peut quelquefois rendre floue les limites entretenues entre ces trois types. Nous pouvons donc nous demander quelle valeur, autre que morpho-descriptive, peut venir expliciter ces distinctions ; des raisons fonctionnelles - sans toutefois pouvoir le confirmer - seraient peut-être à considérer ?

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Figure 5

Pièces à amincissement latéro/proximal (la Baume des Peyrards, Vaucluse) (n° 1 et n° 2, dessins originaux de Lumley-Woodyear, 1969)

Figure 6

Pièces à amincissement proximal (la Baume des Peyrards, Vaucluse).

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Comparaisons des outils amincis et des outils non- amincis : approche dynamique

30 Notre travail sur les pièces non-amincies va concerner un échantillon de 203 outils typologiques, tous issus des fouilles de M. Deydier et F. Lazard. Cet échantillon sera donc envisagé avec les précautions nécessaires et sera confronté aux données issues de la littérature (de Lumley-Woodyear 1969).

31 Cette étude a pour but de mettre en évidence d’éventuelles différences de traitement, quelles que soient leurs natures. La question posée sera de voir dans quelles mesures les pièces amincies se différencient - ou non - des pièces non-amincies.

La sélection des supports : des choix différents ?

32 La diversité des supports sélectionnés pour être amincis tranche avec la nette orientation concernant la sélection des outils non-amincis (Tableau 3). En effet, pour ces derniers, si nous prenons en compte les supports déterminables, nous voyons que près d’un support sur deux est de type Levallois. Ce pourcentage, vue l’ancienneté des fouilles et donc du « tri » probablement réalisé, mérite certainement d’être revu à la baisse. Cependant, il constitue incontestablement une tendance à partir de laquelle il est possible de travailler. La sélection des supports destinés à être amincis a donc consisté en une mise à l’écart des produits Levallois.

Tableau 3

Comparaison des types de supports amincis et non-amincis.

33 Si nous prenons en compte les modalités d’organisation des négatifs présents sur les faces des éclats (lecture diacritique) (fig. 7), nous voyons que les traitements sont relativement semblables avec la nette prédominance de la gestion unipolaire. Ainsi, quel que soit le traitement subi par le support (amincissement ou non), ce dernier ne semble pas relever de conceptions de production différentes.

34 Si nous considérons maintenant le nombre des négatifs présents sur les faces supérieures (les pièces fortement transformées ne sont pas prises en compte) (fig. 8), nous voyons que ceux-ci sont ≤ à 2 dans 70 % des cas pour les pièces amincies, alors qu’ils sont ≥ à 2 dans 74 % des cas pour les pièces non-amincies. Nous pouvons expliquer cette différence, avec les précautions nécessaires, par le fait que les supports non-amincis sont peut-être issus de séquences de débitage plus avancées.

35 Les caractéristiques métriques des pièces amincies et des pièces non-amincies sont relativement proches mis à part une épaisseur moyenne toujours plus importante pour les supports amincis (1 cm de différence approximativement) (Tableau 4).

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Tableau 4

Comparaisons métriques des pièces amincies et des pièces non-amincies.

36 En raison d’une plus grande transformation, d’un net raccourcissement entraîné lors de la réalisation du plan de frappe, ceci implique que ce sont les supports de plus grandes dimensions qui ont été sélectionnés pour être amincis.

37 Compte tenu des remarques précédentes, nous pouvons supposer que la sélection des supports destinés à être amincis est effectuée aux dépens des pièces issues du stade d’initialisation du débitage, ou des premiers temps du plein débitage. Nous devons cependant rester prudents puisqu’en l’absence d’une connaissance approfondie de l’ensemble de la chaîne opératoire de débitage, d’autres cas de figure peuvent effectivement être envisagés.

Figure 7

Comparaison des sens des négatifs entre pièces amincies et pièces non-amincies.

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Figure 8

Comparaison sur le nombre de négatifs présents entre pièces amincies et pièces non-amincies.

Considérations typologiques

38 D’un point de vue typologique, il est intéressant de noter une différence entre les pièces amincies et les pièces non-amincies. En effet, alors que le groupe des outils convergents est relativement faible au sein de l’ensemble des outils non-amincis (environ 7 %, de Lumley-Woodyear 1969), il est par contre particulièrement bien représenté dans l’ensemble « aminci » (15 % des outils convergents sont associés à un amincissement, contre seulement 3 % pour les racloirs simples). Nous voyons donc que le traitement par la retouche, selon que les supports ont été ou non amincis, n’a pas suivi des règles identiques.

39 Enfin, il a précédemment été noté que les pièces amincies présentaient très fréquemment une cassure (53 % de l’ensemble). Près de 60 % d’entre elles semblent être la conséquence d’une utilisation (cassure en flexion). Nous pouvons nous demander si le fait que ces pièces aient été amincies a pu être la cause (support fragilisé ? utilisation particulière ?) de ce pourcentage important de pièces cassées. Dans de nombreux cas, la cassure suit l’axe de détachement des enlèvements amincissants. Elle suit plus particulièrement les contre-bulbes de ceux-ci qui, bien souvent marqués, représentent alors autant de zones de « faiblesse » lors d’une utilisation.

40 Remarquons, même si elles sont là encore bien représentées (env. 35 %), que les cassures sont moins fréquentes pour les supports non-amincis.

Hypothèse sur les amincissements de la baume des Peyrards : des aménagements de préhension ?

41 Les hypothèses communément avancées dans la littérature attribuent aux amincissements – suivant les ensembles pris en compte (Newcommer & Hivernel- Guerre 1974 ; Delagnes 1992 ; Slimak & Lucas à paraître), mais aussi suivant les choix

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d’étude mis en place par les chercheurs (Dibble & Mc Pherron 2000) –, soit le rôle d’un aménagement de préhension, soit le rôle d’un débitage.

L’hypothèse du débitage sur éclat

42 L’hypothèse du débitage sur éclat, pour des raisons que nous allons soumettre, ne nous semble pas valable pour les pièces de notre étude. Il convient tout d’abord de préciser – dans cette hypothèse –qu’il s’agirait alors d’une forme particulière de débitage sur éclat puisque les tailleurs, tout en exploitant les capacités des supports, auraient sciemment cherché à conserver les caractéristiques fonctionnelles de ceux-ci. Nous ne parlerions donc pas de nucléus sur éclat repris en outil (le terme « repris » relève davantage de comportements opportunistes) mais de supports relevant d’une double intention (support pour un débitage et pour une utilisation). Si d’un point de vue comportemental l’hypothèse ne nous paraît pas incongrue, elle nous semble cependant relativement complexe. Elle témoignerait d’économies relativement poussées et originales que seules pourraient expliquer des contraintes particulières (environnementales ? économiques ?), contraintes qui n’auraient alors eu que peu d’influence sur le reste de l’industrie lithique.

43 Même si de nombreux travaux ont montré qu’il était difficile de présumer des capacités fonctionnelles d’un support suivant ses caractéristiques métriques (Bordes 1975 ; Moncel 1996 ; Bernard-Guelle 2001), il ressort tout de même que les enlèvements issus d’un amincissement sont très fréquemment de petite taille (≤ à 15 mm dans 70 % des cas). Ces dimensions tranchant ici nettement avec celles plus importantes de l’industrie étudiée (produits retouchés ou non). De plus, les tailleurs ont souvent poursuivi les opérations jusqu’à obtenir de très petits éclats fréquemment rebroussés. Dans de nombreux cas, de très petits enlèvements ont été détachés sur des supports de grande taille. De même, l’éclat-support n’aurait pas toujours été exploité dans ses parties les plus propices à un débitage (partie latéro/proximale ?).

44 Enfin, le traitement particulier subi par les pièces amincies lors des phases de retouche (réalisation préférentielle d’outils convergents) nous semble peu compatible avec la gestion d’éclats initialement destinés à servir de supports à un débitage.

45 Ces différents points nous poussent à croire que ce sont plutôt les supports débités, et non les produits du débitage, qui ont été recherchés.

Un aménagement de préhension ?

46 Nous n’avons malheureusement aucune trace évidente étayant l’hypothèse de l’emmanchement. Seule la fréquence des cassures, sans qu’aucun « standard » métrique n’ait cependant été dégagé, semblerait confirmer ces dires.

47 Certaines pièces amincies du gisement ne peuvent en aucun cas être considérées comme des nucléus sur éclat. L’exemple le plus démonstratif reste celui des pièces à cran (fig. 5.1, 2) qui, dans cette industrie, ne représentent à nos yeux qu’un exemple de la variabilité du procédé d’amincissement.

48 Le matériel pris en compte représente – dans son ensemble – une entité relativement homogène (procédé de réalisation, ordre des opérations, retouche des supports,…). Il se peut bien évidemment, que certaines pièces considérées ne constituent en fait que des

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nucléus sur éclat aux caractéristiques proches des pièces amincies. Certaines pièces d’ailleurs (fig. 4.6), si elles n’avaient été retrouvées au sein de cet ensemble, auraient très certainement été considérées comme des nucléus sur éclat repris en outil.

49 De même, il est tout à fait envisageable que certaines pièces débitées aient été reconsidérées en tant que supports amincis, et inversement (les enlèvements issus d’un amincissement devant représenter des produits « attendus »). Cependant, ces considérations ne font que se greffer sur une intention première qui, pour le gisement de la Baume des Peyrards, consistait vraisemblablement à aménager le support.

50 Rappelons enfin, sans que ceci ne constitue cependant un argument supplémentaire à part entière, que dans le gisement voisin de la Combette a été retrouvé un racloir dont l’analyse tracéologique a établi un lien entre l’amincissement sur la face inférieure et les traces d’emmanchement observées (Texier et al. 1997).

Conclusions et perspectives

51 La difficulté pour définir le rôle des amincissements au sein de la chaîne opératoire lithique, s’explique par le fait que cette étude ne peut déterminer si les pièces amincies sont des outils distincts (concernant le mode d’emmanchement, d’utilisation, etc.…) des outils non-amincis. En d’autres termes, la pratique des amincissements vise-t-elle à standardiser des pièces aux caractéristiques métriques inadaptées à l’intention des utilisateurs (correction, adaptation au débitage) ? ou s’agit-il de supports aux propriétés particulières et recherchés en tant que tels ?

52 Nous voyons – à la Baume des Peyrards – que la sélection des supports destinés à être amincis s’est tournée vers ceux de plus grande taille. Ces mêmes supports sont ceux présentant le nombre de négatifs le plus faible, tandis que la lecture diacritique ne nous a pas montré de distinctions majeures concernant le sens des négatifs. Ceci peut nous laisser croire que les supports amincis et non-amincis pourraient appartenir à une même production. Les supports amincis appartiendraient alors aux premiers stades de la production (phase de préparation du débitage Levallois et, éventuellement, début du plein débitage). Il convient toutefois de rester prudents en l’absence de meilleures connaissances des chaînes opératoires.

53 Pour les pièces amincies – de ce gisement ou d’ailleurs – il est important de définir précisément la place tenue par celles-ci au sein de la chaîne opératoire lithique. Ainsi, en déterminant et en comparant les industries, il s’agit de savoir où s’est préférentiellement porté l’investissement des tailleurs (lors des phases de production ? ou lors des phases d’aménagement des supports ?) (Delagnes 1990). Ce sera alors la diversité des ensembles lithiques qui pourra, en partie, être reconsidérée.

54 En dernier point, il est intéressant de noter que contrairement à la grande majorité des études ayant traité de cette question (Turq & Marcillaud 1976 ; Boutié 1981 ; Meignen & Bar-Yosef 1991 ; Primault 1998), les amincissements ont dans ce gisement été réalisés sur la face inférieure (pièce à troncature directe et enlèvements inverses) (cas de figure que nous retrouvons dans certains gisements de Grèce, Papaconstantinou 1989). Ce choix (face inférieure ou supérieure – l’amincissement bifacial, quels que soient les gisements, est fréquent mais n’est jamais la pratique dominante –) ne semble pas dépendre de contraintes fonctionnelles (à la Baume des Peyrards, les réalisations techniques témoignent d’une certaine élasticité). De même, dans ce gisement, cette

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pratique n’est pas liée au type de support. Il se peut par contre, lors de comparaisons inter-sites, que ces considérations technologiques constituent une donnée pertinente. Enfin, il se peut aussi que cette diversité dans le choix de la face à amincir reflète dans certains cas – suivant les gisements considérés – des finalités différentes.

55 Si nous comparons ces pièces amincies aux gisements voisins (fig.1) de la Combette (Vaucluse, Texier et al. 1997), et surtout à la grotte de l’Hortus (Hérault) (de Lumley 1972), nous voyons que, de la même façon, les amincissements ont préférentiellement été réalisés sur la face inférieure. Par contre, si nous les comparons aux pièces du gisement de Jiboui (Drôme) pour lesquelles l’hypothèse d’un aménagement a là aussi été privilégiée (Bernard-Guelle & Porraz 2001), ou à celles du Bau de l’Aubesier (Vaucluse) (de Lumley-Woodyear 1969), ces dernières ont majoritairement été amincies sur la face supérieure. Sans apporter d’éléments d’explications discriminants, les pièces amincies, à échelle régionale, contribuent certainement, et avec raison, à la détermination de ces ensembles lithiques moustériens.

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NOTES

1. Je remercie Mr Provoyeur, Conservateur au musée Calvet, ainsi que les personnes de son service ayant facilité mes séjours à Avignon. 2. L’attribution d’un support à l’un ou à l’autre des types considérés, s’est établi selon un ordre de priorité qui se calque ici sur l’ordre de présentation des descripteurs technologiques suivants : Levallois, Kombewa, cortical, à dos cortical, débordant, indifférencié. La présence d’une cassure, pour des raisons propres aux types de pièces étudiés, a cependant été un critère jugé prédominant sur les autres (ainsi, un support Levallois cassé et sélectionné par les tailleurs, a été décompté dans la catégorie des « cassés »). Enfin, sans revenir sur la définition de ces descripteurs technologiques (cf. Delagnes 1992), précisons que les "indéterminés" (supports cassés, brûlés, ou fortement transformés) sont des produits qui n’ont pu faire l’objet d’un classement.

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RÉSUMÉS

L’industrie moustérienne de la Baume des Peyrards (couches 9 à 5) comprend un nombre de pièces amincies particulièrement important et, pour la plupart, d’étude technologique inédite. Les amincissements sont majoritairement réalisés sur la face inférieure, bien souvent à partir d’un plan de frappe préalablement réalisé. Ces pièces amincies sont très fréquemment des pièces retouchées. Les racloirs simples sont numériquement les mieux représentés, mais ce sont proportionnellement les outils convergents qui sont les plus fréquemment associés à un amincissement (15 % des outils convergents sont amincis, contre 3 % des racloirs simples). Ces amincissements – suivant l’axe morphologique de la pièce - sont soit latéraux (racloirs à dos aminci), soit proximaux (amincissement de base), soit, fait plus original, latéro/proximaux (exemples de pièces à cran typiques). Ces opérations semblent correspondre à un aménagement de préhension.

The Mousterian industry of the Baume des Peyrards (rock shelter, levels 9 to 5) contains an important number of thined pieces which are, for the majority, of unpublished research. The thinnings are realized on the ventral face, often after the realisation of a striking platform. These pieces are frequently retouched. There are proportionally convergent typological tools which are the most concerned (15% of the convergent tools are thinning, against 3% for the lateral scrapers). These thinnings are either lateral, or proximal, or, original fact, latero/proximal (examples of notch pieces). These operations seem to correspond to an amenagement of prehension.

AUTEUR

GUILLAUME PORRAZ

ESEP – UMR 6636, Institut Dolomieu, 15 rue Maurice Gignoux, 38031 Grenoble, [email protected]

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Le Moustérien tardif des Pyrénées méditerranéennes

Julia Maroto, David Ortega et Dominique Sacchi

Introduction

1 Les dernières occupations moustériennes dans les Pyrénées méditerranéennes sont remarquables en raison de leur très récente chronologie. Les industries lithiques qui y sont attachées comportent quelques caractéristiques qui les différencient des occupations moustériennes antérieures et des régions voisines. Compte tenu des datations obtenues dans la grotte des Ermitons et dans celle de Belvis, on peut considérer que le Moustérien tardif s’est développé entre 36 000 et 33 000 BP selon la chronologie radiométrique. La limite antérieure de cette période pourrait même être repoussée à 38 000 BP si l’on tient compte de la mesure d’âge moyen de l’Aurignacien initial de l’Arbreda inscrit dans la même phase climato-sédimentaire que l’ultime occupation moustérienne directement sous-jacente. Bien que la validité des ces hautes datations ait récemment été mise en doute (d’Errico et al., 1998 ; Zilhão & d’Errico 2000), nous considérons, jusqu’à preuve du contraire, qu’elles permettent de situer chronologiquement les débuts du Paléolithique supérieur régional1.

2 Les Pyrénées orientales, particulièrement bien documentées, constituent un excellent territoire d’étude pour appréhender la question du passage du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur en Europe occidentale. Il est ainsi possible d’approcher les comportements culturels et économiques des dernières communautés néandertaliennes qui furent pendant plusieurs millénaires confrontées à de nouvelles populations humaines avant de disparaître. On peut également se demander si cette coexistence ne fut pas génératrice de changements dans le comportement des populations en présence.

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Contexte géographique et géologique

3 Les Pyrénées méditerranéennes s’étendent entre les vallées d’Andorre, à l’ouest, et la côte méditerranéenne, à l’est. Dans cette partie de la chaîne, l’altitude varie de 2500 m à 0 m. De nombreux cols, facilement accessibles, permettent le passage entre les versants nord et sud (fig. 1). Du point de vue géologique et géomorphologique, ces montagnes présentent une structure assez symétrique d’un versant à l’autre. Une section transversale type permet de distinguer de part et d’autre de la zone axiale, où se situent les plus hauts sommets au relief arrondi et peu escarpé, les zones prépyrénéennes, elles-mêmes bordées par une zone sous-pyrénéenne. Alors que la zone axiale est constituée de matériaux cristallins et de roches métamorphiques d’âge primaire (Paléozoïque), les zones prépyrénéennes au relief escarpé, sont formées de matériaux carbonatés, principalement des calcaires et des marnes d’âge secondaire (Crétacé et Jurassique). La zone sous-pyrénénne est formée de matériaux carbonatés, essentiellement des calcaires, des marnes et des gypses, et pour une moindre part de conglomérats et de grès d’âge tertiaire (Paléocène et Eocène).

4 Les Pyrénées largo sensu renferment plusieurs dépressions (Cerdagne, Roussillon, Ampurdan), au relief aplati ou faiblement vallonné, d’amplitude relativement restreinte. Elles se superposent aux unités précédemment décrites. Ces bassins, d’âge néogène, contiennent des matériaux détritiques : conglomérats, sables et limons d’âge tertiaire (Néogène) et quaternaire (Pliocène et Pléistocène).

5 Le réseau hydrographique s’enchâsse dans les structures tectoniques. Ses principaux tributaires, l’Aude, l’Agli, la Têt, le Tech, le Fluvià, le Ter, le Llobregat et le Segre, orientés vers le rivage méditerranéen, forment un réseau de voies d’accès au sein de la chaîne.

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Figure 1

Carte des sites du Moustérien final et tardif des Pyrénées méditerranéennes et des régions voisines.

Contexte paléoclimatique et paléoenvironnemental

6 La période comprise entre 40 000 BP et 30 000 BP, qui correspond à la partie supérieure du stade isotopique 3, se caractérise globalement, dans les Pyrénées méditerranéennes, par des conditions climatiques relativement froides et sèches marquées par des fluctuations tempérées et humides de type interstadiaire.

7 Sur le versant méridional, la grotte des Ermitons n’a livré que des informations déduites des analyses sédimento-logiques et micromorphologiques (Maroto 1993 ; Oujenha 1998). En revanche, on bénéficie des analyses palynolo-giques et micropaléontologiques de la grotte de l’Arbreda (Burjachs 1993 ; Burjachs & Renault- Miskovsky 1992 ; Alcalde 1986). Les ultimes occupations néandertaliennes de ce second site (niveau I), datées des environs de 40 000 ans BP, seraient contemporaines d’une oscillation légèrement tempérée et humide (augmentation d’AP, Pinus et Olea-Phillyrea), rattachée à l’interstade d’Hengelo. Quant aux premières occupations attribuées aux populations anatomiquement modernes, elles s’identifient à l’Aurignacien archaïque (niveau H), vers 38 300 ans BP d’après la moyenne des dates et débutent, toujours d’après les palynologues, dans un contexte plus froid et aride marqué par une extension des Poaceae. Cette phase est suivie par une amélioration climatique caractérisée par une augmentation relative de la courbe AP dominée par Pinus, mais qui montre la présence de plusieurs taxons mésothermo-philes tels que Tilia, et Corylus. Cette oscillation climatique correspondrait à l’interstade des Cottés. Cependant, M.-F. Sánchez Goñi (1999) conteste l’identification de ces interstades, mettant en cause la

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méthodologie et les critères palynologiques employés pour leur identification dans les sites éponymes.

8 Sur le versant septentrional on manque de données de portée générale. Dans la grotte de Belvis les informations paléobotaniques demeurent insuffisantes (Jalut & Vernet 1979), toutefois l’avifaune (Vilette 1983) et plus encore les micromammifères (Mistrot, à paraître) indiquent des conditions climatiques rigoureuses. Il faut se déplacer vers les Pyrénées centrales pour obtenir des données palynologiques plus substantielles. Dans les niveaux non datés du Coupe-Gorge et du Portel ouest attribuables respectivement au Châtelperronien et au Moustérien tardif lato sensu, le faible pourcentage de l’indice AP indique un paysage très ouvert comportant toutefois quelques taxons thermophiles comme Juniperus et Betula. Cette période, qui reflète des conditions froides et arides, a été rapportée a un stade imprécis de la fin de IOS 3 ou du début de IOS 2 (Renault- Miskovsky & Girard 1998).

9 Dans la grotte de la Tuto de Camalhot, occupée à l’Aurignacien ancien, on remarque la faiblesse de l’indice AP mis à part Pinus, et on note la présence de plusieurs taxons mésothermophiles tel que Quercus, Corylus, Alnus , Tilia et Crataegus. Ces espèces indiqueraient une relative amélioration climatique qu’on a tout d’abord rapportée à l’interstade d’Arcy (Renault-Miskovsky & Girard 1998), puis à l’interstade des Cottés en raison de la datation (34 750 ans BP) récemment obtenue (Bon 2000). Il faut toutefois rappeler que les données paléoclimatiques observées en grotte sont toujours difficiles à interpréter.

La grotte des Ermitons

10 Elle se situe à l’intérieur du massif montagneux de l’Alta Garrotxa, sur le versant sud des Pyrénées orientales, à une altitude de 400 m. Il s’agit d’une galerie unique, d’une longueur de 63 m, orientée E-W, légèrement inclinée vers l’extérieur. Dans sa dernière partie, sa largeur varie de 8 à 15 m. L’entrée actuelle se trouve à environ 10 m en retrait de l’entrée paléolithique.

11 L’environnement immédiat, très escarpé, est marqué par des différences d’altitude passant brutalement de la cote 800-1000 m à la cote 300 m. De hautes falaises et des vallées étroites et encaissées composent le paysage. L’accès à l’intérieur du massif, depuis la vallée du Fluvià, ne peut se faire qu’en parcourant des vallées de direction nord-sud. Le substrat géologique est constitué en majorité de calcaires éocènes, très fracturés et karstifiés, de marnocalcaires et de grès de même âge et, dans une moindre mesure, de granits et de schistes paléozoïques.

12 En 1970 et 1971 Ana M. Muñoz et M. Lluïsa Pericot y pratiquèrent des recherches sur une surface de 14 m2 de l’espace intérieur de la grotte. Depuis 1996 deux d’entre nous (J. M. et D. O.) en poursuivent la fouille.

13 Le remplissage, de plus de 3 m de puissance, contient 6 couches archéologiques d’une épaisseur globale de 1,5 m. L’ensemble inférieur ne comporte que des couches stériles. La stratigraphie est constituée par l’alternance de couches essentiellement argileuses, sableuses et graveleuses incluant d’abondants blocs de calcaire. Tous les sédiments des couches archéologiques proviennent de l’intérieur de la grotte (Maroto 1993). L’ensemble stratigraphique pléistocène des Ermitons, d’après les données de la sédimentologie et l’archéologie, révèle l’alternance d’oscillations climatiques très

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brèves, tempérées et humides pour la couche IV, plutôt sèches et froides pour la couche V et intermédiaires pour la couche VI (Maroto 1993 ; Oujenha 1998).

14 Les couches IV, V et VI, contiennent de l’industrie lithique et des restes fauniques abondants attribués au Paléolithique moyen final. Il faut exclure de ce travail la couche V, très riche en industrie lithique d’après les dernières recherches, mais qui n’a pas été bien distinguée des autres niveaux pendant les premières fouilles. Il faut insister aussi sur son caractère détritique et sur le fait qu’à ses propres matériaux se mêlent des matériaux qui proviennent du démantèlement érosif du sommet de la couche VI.

15 Les mesures d’âge ne concernent pour l’instant que la couche IV, datée de 36 430 ± 1800 ans BP (CSIC-197) par la méthode 14C conventionnelle (Almagro et al., 1978) et de 33 190 ± 660 ans BP (OxA-3725) par la méthode SMA (Maroto 1993). Cette deuxième datation peut être considérée comme la plus fiable, tant par la méthode utilisée que par le mode de prélèvement de l’échantillon (Maroto et al., 1996).

16 Comme nous l’avons déjà dit, les analyses paléoécologiques n’ont pas permis de préciser le contexte des occupations humaines. Cependant, d’après les données sédimentologiques, on peut situer la couche IV dans une oscillation climatique de type interstadiaire. Les conditions dans lesquelles se sont déposés les niveaux pléistocènes correspondent bien aux fluctuations climatiques de la dernière phase de IOS 3.

17 D’après les données fauniques et les observations géomorphologiques des alentours de la grotte, les occupations anthropiques correspondent à des séjours de courte durée, par des groupes néandertaliens venus à l’intérieur du massif pour chasser le bouquetin (Capra pyrenaica). Les données archéozoologiques permettent d’envisager des occupations humaines alternant avec celles des carnivores, notamment des ours (Maroto 1993 ; Maroto et al., 1996).

La faune

18 La faune provenant des fouilles des années soixante-dix est très abondante, mais relativement peu variée. Deux espèces dominent toute la séquence des niveaux moustériens : le bouquetin (Capra pyrenaica) et l’ours (Ursus spelæus).

19 Dans le niveau IV, les carnivores dominent. L’ours (Ursus spelæus), le mieux représenté (59,1-54,4 %) devance très largement l’hyène (Crocuta crocuta) (0,4-0,3 %), le loup (Canis lupus) (0,4-0,9 %), le renard (Vulpes vulpes) (0,4-0,3 %), la panthère (Panthera pardus) (0,4-0,3 %) et le lynx (Lynx pardina) (0-0,6 %). Chez les ongulés, le bouquetin (Capra pyrenaica) est omniprésent (35-40 %). Un reste de rhinocéros (Dicerorhinus sp.) provient du niveau V. Les intervalles des pourcentages de la faune, calculés dans chaque niveau à partir du nombre de restes (NR) sont dus aux difficultés pour attribuer à chacun des niveaux de la stratigraphie l’ensemble des restes retrouvés au cours des fouilles des années 70-71.

20 Dans le niveau VI, les ongulés viennent en tête avec le bouquetin (86,7-84,1 %) ; on note également la présence du chamois (Rupicapra rupicapra) (0-0,6 %) et d’un grand boviné (Bos/Bison). L’ours (6,0-10,6 %), le loup (4,8-2,4 %), la panthère (1,2 %) et le lynx (0-0,6 %) confirment la présence des carnivores (Maroto 1993).

21 Le spectre faunique de l’ensemble des niveaux moustériens reflète les caractéristiques géomorphologiques de l’environnement de la grotte et des biotopes du massif de l’Alta Garrotxa. Les ongulés comme le bouquetin et, pour une moindre part le chamois,

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caractéristiques du contexte montagneux, viennent en tête. Les espèces familières des espaces ouverts ou forestiers, comme les bovinés ou le rhinocéros, sont très peu représentées. En revanche, les carnivores, probablement en grande partie responsables de l’apport des restes d’ongulés dans la grotte, surtout dans la couche IV, abondent.

L’industrie lithique

22 Des fouilles de A. M. Muñoz et M. L. Pericot on ne possède, en position stratigraphique certaine, qu’une série restreinte de 102 objets provenant de la couche IV et 286 de la couche VI. Dans ces deux couches on distingue respectivement 40% et 44% d’outils retouchés, peu différents du point de vue lithologique et technologique (fig. 2). Ils offrent une même similitude au niveau de la typologie et appartiennent à une industrie moustérienne riche en racloirs (55,6 %) et denticulés (33,6 %), contenant un fort contingent d’outils de type Paléolithique supérieur (10,8 %). On note en outre la présence de pièces tronquées, d’éclats à retouche abrupte, auxquels s’ajoutent quelques grattoirs et burins peu typiques, ainsi qu’une pointe de Châtelperron particulièrement significative (Maroto et al., 1996) (fig. 3.9). Bien que nous ne prenions pas en compte ici les données des fouilles récentes, signalons la découverte d’une seconde pointe de Châtelperron dans la couche V.

Figure 2

Grotte des Ermitons, industrie lithique du Moustérien final. 1, 2 : racloirs ; 3, 4, 5 : denticulés ; 6 :grattoir ; 7, 8 : éclats à retouche abrupte marginale.

23 Par les caractéristiques de son industrie les Ermitons occupe une place quelque peu originale au sein des sites moustériens du N-E. de la Péninsule ibérique. Les matières minérales utilisées, silex (27,5 % et 26,6 %), cornéenne (22,6 % et 23,1 %), quartz (17,7 %

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et 20 %), quartzite à grain grossier (7,8 % et 9,8 %), roches filoniennes - essentiellement des microgranites - (4,9 % et 7 %), granite, schiste, quartz hyalin (4,9 % et 3,9 %), se trouvent localement, en position secondaire. Dans les alluvions du petit ruisseau de Sant Aniol qui coule au pied de la grotte, il est possible de récolter des blocs de cornéenne, de quartz et de quartzite à grain fin et grossier. Les galets de silex y sont peu abondants, mais on en récolte régulièrement dans des éboulis et dépôts de pente au pied des falaises. La composition et la représentation de ces différentes matières premières au sein des couches IV et VI traduisent une stabilité diachronique des stratégies d’approvisionnement et une constance des choix préférentiels.

24 Sur le plan technologique l’objectif des auteurs de l’industrie des Ermitons visait à produire des éclats. Ces éclats, techniquement et morphométriquement très variés, sont obtenus par adaptation de plusieurs méthodes de débitage - levallois et discoïdal - aux propriétés lithologiques des matériaux, selon une économie des matières premières assez poussée (Ortega & Maroto 2001). Ainsi, les blocs de silex qui présentent de nombreux plans de fissures internes, furent exploités selon une méthode de débitage très simple et peu élaborée. Les blocs, de forme plus ou moins parallélépipédique, ont été débités au percuteur dur à partir des surfaces corticales et des plans de fissure, employés alternativement comme surfaces de percussion et de débitage, sans configuration d’un volume préconçu. Des séries d’éclats courts étaient obtenues selon une direction de taille unipolaire. La présence de fissures provoquait couramment la fragmentation et l’apparition de nouvelles surfaces qui obligeaient à réorienter le nucleus. Les éclats ainsi produits revêtent, pour la plupart, une morphologie quadrangulaire très courte et tendent à une isométrie malgré la réduction métrique progressive des nucleus.

25 La cornéenne, le quartzite à grain fin et le quartzite à grain grossier ont été exploités par débitage levallois centripète récurrent. Le décorticage des galets fut probablement exécuté partiellement à l’extérieur de la grotte. La configuration du volume bifacial asymétrique des nucleus provient d’enlèvements centripètes très profonds et l’entretien des convexités latéro-distales résulte d’enlèvements marginaux. Le détachement d’éclats débordants constitue un recours technique relativement peu utilisé. Les éclats levallois, larges et ovales, ont été détachés en courtes séries selon des directions de taille centripètes.

26 On note une exploitation préférentielle du quartz par des systèmes de débitage discoïdal. Pour cette matière première, le décorticage des galets de départ et la configuration du volume bifacial symétrique des nucleus, préalables à son exploitation, ont été très probablement réalisés à un même stade technique. Le débitage se poursuit ensuite avec la production de séries récurrentes d’éclats, détachées selon des directions centripètes.

27 Malgré le faible nombre des produits lithiques, notamment dans la couche IV, presque tous les éléments des différentes chaînes opératoires sont attestés. On remarque quelques petits galets bruts ou testés, de silex, de cornéenne et de quartz, ainsi que des produits corticaux, bien qu’en faible pourcentage. Dans l’ensemble des niveaux, y compris le niveau V, on identifie ponctuellement des objets qui ont été introduits de manière individuelle dans l’ensemble lithique. Ces objets sont également taillés dans des roches locales et ils se rattachent toujours au contexte technique décrit.

28 Dans les deux niveaux moustériens de la grotte, on n’observe pas de changements dans le choix des matières premières, leur origine ou leur gestion technique, non plus que

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dans la typologie des outillages. Le système de débitage levallois centripète récurrent, bien qu’il ne soit pas majoritaire, caractérise l’ensemble de l’industrie.

La Caune de Belvis

29 Elle est localisée sur le versant nord-pyrénéen, aux confins de ses parties orientale et centrale, dans une contrée de moyenne altitude, le Pays de Sault, dans le département de l’Aude.

30 Largement ouverte au Midi, elle domine, à 960 m d’altitude, la plaine d’Espezel face à un grandiose paysage montagneux au premier plan duquel se détache le pic de l’Ourtiset. Précédé d’un talus abrupt, le site archéologique occupe l’espace compris entre l’avant-porche et la salle qui le prolonge. Le tout représente une surface d’environ 65 m2 aux deux-tiers protégée par une haute voûte laissant abondamment pénétrer la lumière du jour.

31 Le plateau-de-Sault se raccorde au rivage méditerranéen par un réseau de vallées et de couloirs alignés vers l’est. Il communique également avec le bassin de l’Ariège par quelques petits affluents de sa rive gauche. Il se subdivise en trois sous-unités séparées, du nord au sud, par la vallée du Rébenty, puis celle de l’Aude, en amont de son confluent avec l’Ayguette. La sous-unité septentrionale, où s’inscrit le site archéologique qui nous occupe, forme un vaste poljé d’une étendue supérieure à 200 km2 pour une altitude moyenne de 950 m.

32 Du point de vue géologique elle se rattache, comme la majeure partie du Pays de Sault, à l’exception de sa partie méridionale, dépendante de la zone pyrénéenne axiale, aux faciès calcaires et marneux du Crétacé inférieur nord-pyrénéen.

33 Le remplissage sédimentaire de la grotte, décrit par ailleurs (Hubschman & Sacchi 1982 ; Sacchi 1986), atteint 3 m de puissance au point de sondage. Il renferme deux horizons archéologiques. Les plus anciennes traces du séjour des hommes dans la grotte, qui correspondent à la couche 7, gisent au sein de poches limoneuses qui furent affectées par des phénomènes cryogéniques intenses et pénétrèrent en coin dans l’argile karstique azoïque (couche 6). Un horizon magdalénien (couches 4 et 3), remanié à son sommet (couches 2 et 1) surmonte l’ensemble inférieur.

34 Les vestiges recueillis dans la couche 7 proviennent d’un sondage de 4 m2. Ils comptent une soixantaine de pièces lithiques, relevant d’un technocomplexe moustérien et des ossements animaux fragmentés et peu nombreux, dont un échantillon a été daté de 35 424 ± 1140 ans BP, par la méthode 14C SMA (Bischoff & Long, en annexe).

La faune

35 Bien que peu abondante, la faune de la couche 7 est relativement diversifiée. Le lièvre variable (Lepus timidus) représente 30 % de l’ensemble. Le cheval (Equus caballus) vient en tête des ongulés (11,82 %), suivi du cerf (Cervus elaphus - 12,73 %), du chamois (Rupicapra rupicapra -11,82 %), du bouquetin (Capra ibex - 8,18 %) et du renne (Rangifer tarandus - 6,36 %). La présence d’un boviné, aurochs (Bos) ou bison (Bison) (5,45 %), et du chevreuil (Capreolus capreolus - 1,82 %) est également attestée. Quelques restes d’ours (Ursus sp. - 4,55 %), de renard (Vulpes/Alopex - 4,55 %) fournissent la part des carnivores. On constate également l’existence de la marmotte (Marmota marmota) (Fontana 1999).

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La faible proportion des carnivores permet de penser à une origine essentiellement anthropique de la plupart des ongulés et autres gibiers dont la diversification traduit une exploitation des différents biotopes composant l’environnement du site. Les restes de carnivores pourraient indiquer une occupation alternée de la cavité. Toutefois, il convient de noter que certains ossements d’ours, roulés et patinés, sont ici en position secondaire et attestent une fréquentation largement antérieure.

L’industrie lithique

36 56 objets taillés en roches dures ne permettent qu’une approximation très générale des caractéristiques techniques et typologiques de l’industrie.

37 Il faut souligner le fort contingent d’outils retouchés (41,4 %) composé essentiellement de denticulés (47,8 %) et de racloirs (40,4 %) (fig. 4). Les outils de type paléolithique supérieur sont représentés uniquement par une pointe à dos sur éclat laminaire en quartzite à grain fin, brisée à sa partie proximale. La retouche abrupte verticale délimite un dos droit différent de celui d’une pointe de Châtelperron typique, mais à laquelle elle s’apparente cependant. Sur la partie convexe de son bord tranchant on observe une retouche simple (fig. 3.8).

38 Les quartzites (76,8 %), à grain fin ou grossier, le quartz (16,1 %), la cornéenne (5,3 %), la lydienne (1,7 %) et le trachyte (1,7 %) constituent la liste des matériaux utilisés. A l’exception du trachyte dont la présence est attestée dans le massif de Mouthoumet, distant de 40 km à vol d’oiseau (Grégoire 2000), toutes ces matières premières, largement utilisées par les Moustériens pyrénéens, pourraient provenir des alentours de Belvis, par exemple des alluvions du Rébenty. Ce comportement à l’égard du choix des matériaux minéraux s’inscrit bien dans la tradition moustérienne qui privilégie les ressources locales. La présence de variétés lithologiques d’origine plus lointaine et isolée de leur chaîne opératoire étant par ailleurs fréquemment attestée (Geneste 1988, 1990).

39 L’industrie lithique de la couche 7 de Belvis, exclusivement composée d’éclats et de débris de taille, ne comporte aucun nucleus. Dans la majorité des cas il s’agit d’éclats subtriangulaires et quadrangulaires, de dimensions assez variables, parmi lesquels quelques pointes pseudo-levallois, éclats débordants et éclats levallois. Les produits dont on dispose permettent uniquement de conclure à la mise en œuvre du débitage levallois pour la production d’éclats, tout spécialement ceux en quartzite. Parmi les éclats de quartzite à grain fin on rencontre quelques produits morphologiquement proches des lames, mais ils échappent aux méthodes de débitage proprement laminaire. Les produits de débitage des autres matières premières, le quartz, la cornéenne et la lydienne, peuvent se rapporter sans problème aux méthodes de débitage levallois ou discoïdal, les plus répandues au Moustérien.

40 D’après les données exposées, l’industrie lithique de la couche 7 de la Caune de Belvis est attribuable à un Moustérien tardif lato sensu, très peu ou pas influencé par les complexes technologiques de type paléolithique supérieur et très éloigné des industries châtelperroniennes classiques. En effet, en dépit de la présence de la pointe à dos, cette industrie ne peut être identifiée à ce faciès culturel comme cela avait été dit naguère (Sacchi 1986 ; Sacchi et al., 1994).

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Figure 3

Pointes cf. Châtelperron des sites du Reclau Viver : 1 à 3 ; Arbreda : 4 à 7 ; Belvis : 8 ; Ermitons : 9.

Figure 4

Caune de Belvis. Industrie lithique du Moustérien final. 1, 4, racloirs ; 2, éclat ; 3, denticulé.

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Le paléolithique moyen tardif des Pyrénées méditerranéennes dans son contexte régional

41 Dans les Pyrénées méditerranéennes et les régions proches, plusieurs sites contiennent des niveaux du Paléolithique moyen attribuables au Moustérien final et tardif. Ce sont, sur le versant sud des Pyrénées et au-delà, l’abri de La Roca dels Bous (Camarasa, Lleida), la grotte de l’Arbreda (Serinyà, Girona) et l’abri Romaní (Capellades, Barcelona). Sur le versant nord et au-delà, la grotte du Mig (Villefranche-de-Conflent, Pyrénées- Orientales), la grotte des Ramandils (Port-la-Nouvelle, Aude), et la Grande Grotte de Bize (Bize-Minervois, Aude). À cet ensemble, il faut ajouter la grotte du Reclau Viver (Serinyà, Girona) qui contenait une longue séquence du Paléolithique supérieur et quelques éléments épars (3 pointes de Châtelperron lato sensu) (Sonneville-Bordes 1973 ; Soler 1999), sans contexte stratigraphique clair, qu’on pourrait peut-être attribuer au Moustérien tardif (fig. 3.1 à 3). Le même cas se présente dans la grotte voisine de Pau qui a livré une pointe de Châtelperron lato sensu (Soler 1986).

42 Dans la grotte de l’Arbreda (niveau I) et l’abri Romaní (couche B), les dernières occupations moustériennes sont respectivement datées de 39 900 BP et 43 000 ans BP (Maroto et al., 1996 ; Bischoff et al., 1988, 1989, 1994) et dans l’abri de la Roca dels Bous (niveau R3) de 38 800 ± 1 200 ans BP (Terradas et al., 1993) (14C SMA). Dans la grotte de Ramandils, les occupations du Paléolithique moyen les plus récentes (ensemble sédimentaire I) sont datées de 40 000 ans BP (U-Th et ESR) (Ajaja 1994) et dans la grotte de Bize (couche 7) de 34 000 ans BP (analyse 14C conventionnelle) (Tavoso 1987a). Pour la grotte du Mig, on ne dispose pas pour l’instant de datations radiométriques.

43 La première occupation attribuable à l’homme moderne dans la région considérée est illustrée par le complexe technologique de l’Aurignacien initial. A l’Arbreda (niveau H) elle est datée de 38 300 ± 500 ans BP (moyenne de plusieurs dates 14C SMA) (Maroto et al., 1996 ; Soler & Maroto 1993 ; Soler 1999), au Reclau Viver de 40 000 ± 1 400 ans BP (14C SMA) (Maroto et al., 1996 ; Soler 1999) et à l’abri Romaní (couche A) de 37 000 ± 1000 ans BP (moyenne des datations 14C SMA) ou bien 42 600 ± 1100 ans BP par des séries d’Uranium (Bischoff et al., 1994). Dans la Grande grotte de Bize, la première occupation aurignacienne remonte à >33 000 BP (3 dates 14C équivalentes) (Tavoso 1987a).

44 La confrontation des datations disponibles pour le Moustérien final et tardif et le premier Aurignacien permettent de valider l’hypothèse, soutenue dans de précédents travaux (Maroto & Soler 1990 ; Maroto et al., 1996), d’une longue contemporanéité, dans un même cadre géographique, des dernières populations néandertaliennes et des nouvelles populations humaines anatomiquement modernes. Cette période peut être évaluée à 6 ou 7 millénaires (fig. 5).

45 Les sites aurignaciens très anciens se situent dans des régions prélittorales (Arbreda, Reclau Viver, Bize) et dans des secteurs de passage vers l’intérieur (Romaní, La Tuto-de- Camalhot). La répartition des sites du Moustérien tardif concerne plutôt le domaine pyrénéen de basse à moyenne altitude (Ermitons, Belvis, Roca dels Bous), à l’exception de la Grande grotte de Bize (fig. 1). Cette distribution laisse entrevoir un repliement des populations néandertaliennes vers les espaces montagneux alors que les nouveaux arrivants s’établissent dans les plaines fluviatiles et la zone littorale (Maroto et al., 1996 ; Vaquero & Carbonell 2000).

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46 Dans les sites comportant des niveaux moustériens et aurignaciens inclus dans une même séquence climato-sédimentaire (Romaní, Arbreda et Bize), il apparaît que, à l’échelle d’une petite région, la substitution des groupes néandertaliens par les nouvelles communautés correspond à un phénomène d’une grande rapidité (Sacchi 1986 ; Tavoso 1987b ; Bischoff et al., 1989 ; Maroto & Soler 1990 ; Maroto et al., 1996 ; Vaquero 1992 ; Vaquero & Carbonell 2000).

47 Sans nier la possibilité de vraisemblables interactions entre ces communautés, il convient de noter que l’on ne constate pas de changements significatifs au niveau des comportements techniques et économiques des derniers groupes néandertaliens.

48 Dans tous les sites du Moustérien final et tardif mentionnés, les stratégies d’approvisionnement en matières premières sont comparables à celles que nous avons décrites à Ermitons et Belvis. Dans tous les cas l’ensemble des matériaux provient de l’environnement des sites. Les roches d’origine plus lointaine restent rares et se limitent à quelques objets isolés (Maroto et al., 1996 ; Grégoire 2000).

49 Dans un cadre régional plus large, la Roca dels Bous et l’abri Romaní, localisés dans des régions où l’on rencontre des silex de bonne qualité, on note une croissance progressive de l’exploitation du silex au détriment des autres matières premières (Terradas et al., 1993 ; Vaquero 1999). En revanche, dans les sites localisés dans des régions dépourvues de silex, comme la grotte de l’Arbreda, on n’observe pas de changement significatif dans les choix des matières premières qui possèdent toujours un large spectre (Just 1980 ; Mora 1992 ; Maroto et al., 1996).

50 D’un point de vue technologique, les modes de débitage levallois, presque toujours centripète récurrent, et discoïdal sont les plus répandus (Tavoso 1987b ; Mora 1992 ; Terradas et al., 1993 ; Maroto et al., 1996 ; Vaquero 1999). Dans l’abri Romaní on note une tendance diachronique vers une sélection préférentielle des systèmes de débitage levallois au détriment des autres modes de débitage. Cette tendance s’accompagne de changements dans la typologie et le choix des matières premières (Vaquero 1999 ; Vaquero & Carbonell 2000).

51 Dans ce cadre régional de la fin du Paléolithique moyen, mis à part la présence de quelques produits de débitage allongés, on ne constate aucune tendance vers la leptolithisation ni l’adoption de systèmes de débitage laminaire comparables à ceux du Paléolithique supérieur. L’utilisation des matières premières ne montre pas non plus d’élargissement de la zone de collecte ni de changement dans la stratégie d’approvisionnement. Du point de vue typologique, à l’exception de quelques pointes à dos plus ou moins apparentées aux pointes de Châtelperron, rencontrées dans quelques sites et un faible taux d’outils de type paléolithique supérieur, dans la seule grotte des Ermitons, le fond commun de l’outillage retouché, constitué pour l’essentiel de racloirs et de denticulés, ne marque pas davantage de changements significatifs. On ne décèle aucune trace d’éléments caractéristiques des complexes technologiques aurignaciens.

52 Tous les changements notés dans le Moustérien final ou tardif régional relèvent de la variabilité des stratégies de production lithique propres aux ensembles technologiques moustériens. La seule caractéristique, commune aux sites de Belvis et des Ermitons et qui nous permet de les distinguer des autres sites moustériens de chronologie comparable, réside dans la présence de pointes à dos ou pointes de Châtelperron lato sensu.

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Figure 5

Tableau des datations des sites du Moustérien final et tardif des Pyrénées méditerranéennes (d’après Almagro et al., 1978 ; Bischoff et al., 1989, 1994 ; Bischoff & Long, , en annexe ; Maroto et al., 1996 ; Soler & Maroto 1993 ; Tavoso 1987a ; Terradas et al., 1993).

La présence des pointes à dos de type Châtelperron dans les Pyrénées méditerranéennes

53 Ce type d’outil est absent du Moustérien tardif de la grotte du Mig et de l’abri de la Roca dels Bous (Blaize 1986 ; 1987; Terradas et al., 1993). Sur le versant sud des Pyrénées centrales, la grotte de Gabasa et l’abri de Fuentes de Sant Cristobal, qu’on peut attribuer au Moustérien tardif à partir des informations chronologiques, n’en ont pas livré davantage (Blasco et al., 1996 ; Rosell et al., 2000). En dehors de la région strictement pyrénéenne, aux Ramandils, à Bize et Romaní, gisements ayant livré d’abondantes séries lithiques, les pointes à dos demeurent absentes (Lumley 1969-1971 ; Tavoso 1987b ; Vaquero 1999). Ce morphotype ne se retrouve qu’à la limite orientale de la chaîne pyrénéenne, dans les grottes du Reclau (Serinyà): à l’Arbreda, dans le niveau du Paléolithique moyen le plus récent (niveau I), daté de 39 900 BP ± 600 (moyenne de quatre datations 14C SMA) (fig. 3.4 à 7) (Maroto et al., 1996), au Reclau Viver (fig. 3.1 à 3) et à Pau, dans des contextes stratigraphiques difficiles à interpréter, mais que nous (J. M. et D. O.) attribuons au Paléolithique moyen final.

54 Dans la grotte de l’Arbreda, les fouilles récentes ont livré 4 pointes de Châtelperron. Deux d’entre elles (fig. 3.3, 4) sont manufacturées dans un silex de très bonne qualité, d’origine lointaine, et sur des supports laminaires issus, très probablement, d’un mode de débitage de type paléolithique supérieur. Ces artefacts isolés de leur chaîne opératoire ont été transportés en tant qu’outils élaborés, probablement à cause de leur caractère fonctionnel très spécifique (projectiles ?). Les deux autres pointes (fig. 3.6, 7), confectionnées sur des éclats allongés en roches locales, ont vraisemblablement été réalisées sur place à partir de produits de débitage levallois ou discoïdal (Maroto et al., 1996). Deux autres pointes de Châtelperron proviennent des fouilles de J. M. Corominas

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à l’Arbreda ; comme celles du Reclau Viver et de Pau elles sont manufacturées dans un silex étranger à la région (Soler 1986, 1999). Celles du niveau I de l’Arbreda permettent de soutenir l’hypothèse que ce type d’objet a été intégré à l’équipement des communautés néandertaliennes du Moustérien final avant 39 000 BP, soit avant l’arrivée dans la région de l’homme moderne. Sa présence, en l’absence d’autres variations significatives tant au niveau typologique que technologique, est le seul élément que l’on peut qualifier d’étranger ou de nouveau du point de vue de la dynamique de changement des complexes technologiques du Paléolithique moyen régional.

55 En dépit du fait que les niveaux mentionnés comportent quelques pointes de Châtelperron, ils ne peuvent être considérés comme châtelperroniens en raison des caractéristiques techniques et typologiques de l’ensemble de l’industrie, comme cela a été avancé il y a plusieurs années (Sonneville-Bordes 1973) et tout récemment (d’Errico et al., 1998 ; d’Errico & Zilhão 2000).

56 Les pointes de Châtelperron lato sensu des Ermitons (fig. 3.9) et de Belvis (fig. 3.8) sont manufacturées dans des matières premières locales et sur supports allongés technologiquement non laminaires. Elles se raccordent très bien au contexte technique et lithologique de chacun de ces sites comme celà a déjà été dit. Si l’on accepte l’idée que ce type de pointe tire son origine en dehors du cadre régional étudié, il apparaît possible d’envisager sa diffusion à partir de la région centrale nord-pyrénéenne où se développe le véritable complexe technologique châtelperronien bien connu aux Tambourets et à Rachat (Harrold 1986).

Conclusions

57 À la suite de l’exposé et du commentaire des données dont nous disposons sur le Moustérien final et tardif des Pyrénées orientales quelques conclusions s’imposent.

58 1. Les datations radiométriques des niveaux moustériens des principaux sites analysés ici permettent de soutenir l’hypothèse d’une survivance tardive des populations néandertaliennes dans les Pyrénées méditerranéennes. Ces mêmes datations, confrontées à celles du plus vieil Aurignacien régional, apparemment localisé en dehors du secteur strictement montagneux, permettent d’envisager une période de coexistence, durant 5 à 6 millénaires, des communautés néandertaliennes et des populations d’hommes modernes.

59 2. Cette coexistence n’a pas conduit à des modifications significatives dans les stratégies de production des Néandertaliens. Dans presque tous les domaines elles demeurent conformes à celles du Moustérien lato sensu.

60 3. Dans l’outillage du Moustérien final et tardif on note la présence d’un nouveau morphotype : la pointe à dos, plus ou moins apparentée à la pointe de Châtelperron. La diffusion de ce type dans les Pyrénées orientales permet de soutenir que les communautés néandertaliennes concernées ne représentaient pas des groupes géographiquement isolés, au moins avant l’arrivée des populations des hommes modernes.

61 4. Les pointes de Châtelperron lato sensu et quelques outils de type paléolithique supérieur sont les seules données typologiques qui permettent de distinguer le Moustérien tardif des Pyrénées méditerranéennes d’avec le Moustérien d’avant 39 000

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ans BP. On ne note aucune autre innovation technique. Les industries en question ne peuvent donc pas être attribuées au Châtelperronien caractérisé par de forts changements techniques et typologiques (Pellegrin 1995).

62 5. La présence des pointes de Châtelperron tient sans doute à la position géographique des sites analysés ainsi qu’à leur chronologie tardive. Cette interprétation pourrait être l’indice d’une différenciation régionale des complexes technologiques moustériens, antérieure et contemporaine de l’arrivée de l’homme moderne.

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NOTES

1. L’un des auteurs (D. S.) considère, que cette question trouvera son règlement définitif après que des artefacts spécifiquement aurignaciens (pointe de sagaie à base fendue) auront directement été soumis à datation.

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RÉSUMÉS

À partir de la documentation fournie par la grotte des Ermitons (Garrotxa) et celle de Belvis (Aude), le lecteur trouvera dans cet article une évocation des principales caractéristiques de l’ultime phase de l’occupation moustérienne dans les Pyrénées méditerranéennes. Ce stade tardif du Paléolithique moyen, postérieur aux plus anciennes manifestations du Paléolithique supérieur attestées dans la région, produit une industrie lithique comportant des pointes de Châtelperron dont la signification est présentement discutée.

We have studied the most recent Mousterian settlements known in the Mediterranean Pyrenees, which were found in caves known as Ermitons (in Garrotxa, Catalonia) and Belvis (in Aude, France). These sites are dated as later than the first settlements of the Upper Palaeolithic in the region. We analyse this late Middle Palaeolithic within its regional context and discuss the significance of the presence of Chatelperronian points or knives, as a characteristic element of this period.

Se estudian las ocupaciones musterienses más recientes conocidas de los Pirineos mediterráneos, que se encuentran en las cuevas de los Ermitons (Garrotxa) y de Belvis (Aude), y que son posteriores a las primeras ocupaciones del Paleolítico superior de la región. Se analiza este Paleolítico medio tardío dentro de su contexto regional y se discute el significado de la presencia de puntas de Chatelperron, como un elemento que lo caracteriza.

AUTEURS

JULIA MAROTO

Àrea de Prehistòria, Universitat de Girona, pl. Ferrater i Mora, 1, 17071 Girona, [email protected]

DAVID ORTEGA

Àrea de Prehistòria, Universitat de Girona, pl. Ferrater i Mora, 1, 17071 Girona, [email protected]

DOMINIQUE SACCHI

UMR 5590 du CNRS et Laboratoire de Préhistoire, 5 rue de l’Olivier, F-11000 Carcassonne, [email protected]

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Datation au radiocarbone d’ossements de l’horizon tardomoustérien de la grotte de Belvis (Aude) Annexe de l’article « Le Moustérien tardif des Pyrénées méditerranéennes » de Julià Maroto, David Ortega et Dominique Sacchi

James L. Bischoff et Austin Long

Introduction

1 Les trois échantillons d’os qui nous ont été soumis par Dominique Sacchi, responsable des fouilles de la grotte de Belvis, ont été datés par spectrométrie de masse avec accélérateur (SMA). Selon cette méthode, le 14C des échantillons est directement mesuré par un spectromètre de masse couplé à un accélérateur de deux millions de volts, fournissant la source d’ions. Cette technique permet d’analyser des quantités beaucoup plus faibles de carbone (20 g à 1 mg) que la méthode traditionnelle par comptage, il est possible d’effectuer une purification, par chromatographie sur colonne, pour éliminer les agents de contamination des protéines dans les os fossiles à dater.

Protocole analytique

2 Après élimination de la zone superficielle de chaque échantillon d’os à l’aide d’une fraiseuse électrique manuelle, un petit morceau (5 mg) d’os, ainsi nettoyé, est hydrolysé dans HCl 6M à 105°C durant une nuit. L’hydrolyse dissocie la protéine en ses composants acides aminés. Après adjonction d’une « pointe » de norleucine, on procède alors au dosage en acides animés de la solution, 1,6 à 1,8 g d’os nettoyé ayant été

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prélevé aux fins de préparation à la datation. Le reste de chaque échantillon est mis en réserve au cas où il conviendrait de renouveler l’opération.

3 L’analyse des acides aminés donne de précieux renseignements. Premièrement, elle fournit une estimation quantitative du degré de conservation en protéine indigène de l’os par addition préalable d’une quantité connue d’acide aminé non biologique (norleucine). Deuxièmement, le spectre chromatographique des acides aminés montre s’il s’agit bien d’une protéine osseuse. Dans le cas d’une mauvaise conservation ou d’un chromatogramme différent de celui d’une protéine osseuse, l’échantillon est rejeté sans être daté.

4 Les prélèvements de 1,6 et 1,8 g sont ensuite broyés dans un mortier et réduits en particules de la taille de grain de sable fin ; une solution HCl 0,6M y est ajoutée afin d’éliminer les carbonates et autres substances solubles dans les acides et mise au repos

une nuit. Tous les échantillons dégagèrent des quantités considérables de CO2 au cours de cette phase. Le HCl à 0,6M fut changé à trois reprises au cours des 5 jours suivants, les échantillons étant à leur tour hydrolysés dans HCl 6M à 105°C pendant une nuit. On procède ensuite à l’évaporation de la solution par séchage sous vide, avant que de dissoudre le résidu sec d’acides aminés dans de l’eau distillée. La solution obtenue est alors passée dans une colonne d’échange d’ions XAD. On élue enfin les acides aminés

avec une solution NH4OH 1,5M, séchée sous vide dans un appareil de congélation. Les échantillons d’acides aminés purifiés sont ainsi prêts pour le dosage du 14C. Pour plus d’information le lecteur se reportera à Long et al. (1989).

5 Environ 15 mg de chaque échantillon furent transformés par combustion en CO2, pendant la nuit, dans des tubes scellés, en présence de CuO comme oxydant. Une partie

du CO2 servit à doser le rapport des isotopes stables (13C) par spectrométrie de masse. Le

reste du CO2 fut réduit en graphite en présence de Zn et Fe métalliques comme réducteurs (Slota et al., 1987) et le graphite ainsi obtenu analysé pour le 14C par la méthode AMS (Donahue et al., 1984).

Résultats et discussions

6 Les résultats obtenus sont figurés dans le tableau ci-dessous.

Référence Laboratoire Référence archéologique Age 14C, BP D 13C

AA-7390 Belvis C7-E12-2 35 425 ± 1140 -19.5

AA-7391 Belvis C7-E12-3 24 840 ± 320 -19.5

AA-7392 Belvis C7-E12-4 28 840 ± 510 -20.1

7 Les analyses d’acides aminés indiquent, pour AA-7390 et AA-7391, un reste de 15 % de protéine d’origine et environ 4 % pour AA-7392. On peut admettre le bon état de conservation de AA-7390 et AA-7391, AA-7392 étant modérément conservé. Les agents de contamination sont vraisemblablement plus jeunes (ils contiennent plus de 14C) que l’échantillon. Les échantillons plus anciens renferment moins de 14C et sont ainsi plus sensibles aux modifications d’âge par les agents de contamination que les échantillons

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plus jeunes. Moins l’échantillon est bien conservé plus l’effet de la contamination influe sur son âge. Sur cette base on peut considérer que la datation de AA-7392 est moins fiable que celle des deux autres échantillons. Une évaluation plus poussée de l’effet d’une éventuelle contamination demeure impossible1.

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NOTES

1. Nous sommes redevables à Mme M.-Th. Dimon de la traduction de ce texte.

AUTEURS

JAMES L. BISCHOFF

U.S. Geological Survey 345 Middlefield Road, MS 999 Menlo Park, California 94025

AUSTIN LONG

Department of Geosciences University of Arizona Tucson, AZ

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La crise finiglaciaire à Gibraltar et l’Atlantide : tradition et géologie

Jacques Collina-Girard

Le détroit de Gibraltar du dernier maximum glaciaire

1 Les côtes du Détroit de Gibraltar, en légère surrection à la fin de l’Eemien peuvent êtres considérées comme stables au cours des derniers 20 000 ans. (Zazzo et al, 1999). Le facteur eustatique est donc la seule cause des changements de paysages dans cette zone archéologiquement importante, passage obligé entre l’Afrique et l’Europe.

2 Le littoral du dernier maximum glaciaire (21-19 ka BP, 1 Ka=1000 ans calendaires) se trouvait à -130/135m (Yokohama et al, 2000). À l’ouest du Detroit, un horst NE-SW dans les flyschs crétacés (Acosta et al., 1983 ; Acosta et al, 1983 ; Herranz et al, 1983) formait alors une île (14 km de long sur 5 km de large) actuellement engloutie à –56 m (fig. 1.1). Cette île, située à 8-10 km des côtes était certainement occupée par les populations paléolithiques dont la présence est abondamment attestée sur les côtes marocaines, espagnoles et portugaises (Debenath et al, 1986 ; Strauss 2001). Trois petits îlots constituaient autant de relais vers le continent ibérique (fig. 1.2, 3, 4). La passe entre Méditerranée et Atlantique, très rétrécie, était considérablement prolongée vers l’ouest par l’émersion des plateaux continentaux européen et africain. L’île du Cap Spartel faisait face à ce goulet élargi à l’ouest en un havre protégé de la houle de l’Océan par trois îles barrant l’accès au grand large (fig. 1.5, 6, 7). Au total le paléo-détroit du dernier maximum glaciaire (fig. 1) se prolongeait par une mer intérieure. Ce sas vers l’Océan Atlantique s’étendait sur 77 km d’ouest en est et de 20 à 10 km du nord au sud).

3 Entre les deux continents, les échanges et les déplacements étaient faciles. Le passage d’île en île était évident pour passer d’un continent à l’autre : en période de bas niveau marin, même avec des moyens de navigation très limités, toute dérive accidentelle se terminait inéluctablement sur une côte. Ces techniques de navigation, peut-être plus élaborées que ce que l’on pense habituellement, sont archéologiquement démontrées dans les îles grecques à 11 Ka BP (Straus 2001). Elles sont vraisemblablement plus anciennes puisqu’on a évoqué pour l’Extrême-Orient des traversées maritimes dès le

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Paléolithique inférieur (Straus 2001). Des arguments archéologiques suggèrent, dans la zone qui nous concerne directement ici, la pratique de la navigation au Paléolithique supérieur entre l’Europe et l’Afrique (pêche aux poissons du large) et sans doute des contacts (harpons identiques) de part et d’autre de la mer d’Alboran et du Détroit de Gibraltar, au moins, entre 12 Ka et 10 Ka (Straus 2001, p. 92).

4 La paléogéographie révélée par la dernière baisse du niveau marin était très favorable à un apprentissage du cabotage : mer intérieure et chapelet d’îles entre deux continents permettaient des déplacements toujours à vue. On peut imaginer le développement d’une culture spécifique que seule l’analyse des sites côtiers, actuellement submergés pourrait nous révéler : peut-être faut-il chercher là l’origine de la culture ibéromaurusienne qui envahit brutalement les côtes nord africaines vers 20 000 ans BP ?

Figure 1

Paléogéographie du Détroit de Gibraltar à 19-21Ka BP (zones émergées en hachures). 1 à 7 : îles et îlots. 1 : île du Cap Spartel ; 7 : île submergée à 19 000 BP ; 2 , 3, 4, 6 : îles submergées à 14 000 BP ; 1 et 5 : îles submergées à 11 000 BP. Collina-Girard 2001.

Les données de l’archéologie entre 19 000 BP et 11 400 BP

5 L’émersion de l’Archipeldu Cap Spartel (entre 19 Ka BP et 11 Ka BP) coïncide avec des remplacements majeurs de populations (Debenath et al, 1986).

6 En Afrique du Nord, Le maximum glaciaire, voit l’élimination des homo sapiens archaïques (Culture « Atérienne ») par les hommes modernes du Paléolithique supérieur (Culture « Iberomaurusienne »). Sur le continent ibérique le Moustérien

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terminal tardif du sud de la péninsule est remplacé par des industries peu connues, « Aurignacien final » ou « Gravettien » (Straus 2001, p. 96) qui témoignent de l’arrivée des hommes modernes sur les côtes européennes.

7 Sur les littoraux du Maroc et de l’Algérie, l’Ibéromaurusien s’étend rapidement à partir de 22 Ka BP. L’origine de cette culture préhistorique (industrie lamellaire à retouche abrupte et sépultures d’hommes modernes) est toujours discutée (Ferembach 1985 ; Debenath et al, 1986 ; Straus 2001). En général on lui suppose une origine orientale. Elle se serait développée à partir d’un Épigravettien italien via le Détroit Siculo-Tunisien (Debenath et al, 1986) ou à partir de la Cyrénaïque (Camps 1974 ; Otte, Communication verbale) région encore peu connue où on a mis en évidence des cultures pratiquant la retouche abrupte typique de l’Ibéromaurusien. Contradictoirement à ces hypothèses les sites ibéromaurusiens, toujours littoraux sont plus abondants au Maroc et en Algérie occidentale qu’en Tunisie où ils sont rarissimes.Les récentes prospections sur les rives marocaines du Détroit de Gibraltar ont confirmé dans cette zone la présence de nombreux sites ibéromaurusiens (communication verbale A. Bouzouggar). Au-delà, on retrouve cette industrie sur toute la côte atlantique marocaine, ce que prouvent les sites reconnus dans la région de Rabat-Casablanca (Debenath et al, 1986 ; Souville 1974) mais aussi la présence de ce matériel en surface sur toute la côte atlantique marocaine (observations personnelles). L’origine autochtone de cette industrie est à exclure car il n’y a aucune parenté anthropologique ni d’industries avec l’Atérien sous-jacent dans les sites archéologiques. Pourquoi ne pas envisager de faire provenir cette culture des zones actuellement ennoyées du détroit ? ou des industries ibériques ? Il est vrai que, pour l’instant, aucun argument archéologique effectif n’existe en faveur d’un peuplement des rives du Maghreb dans le sens nord-sud au Paléolithique supérieur (Zilhao, communication verbale) mais nos connaissances de la préhistoire de ces régions est totalement amputée des sites côtiers actuellement immergés …

La submersion du paléodétroit entre 19 000 et 11 400 BP

8 La transgression finiglaciaire est maintenant assez bien connue (Pirazzoli 1996). Ses étapes ont été précisées par trois forages sur les récifs coralliens de la Barbade, de Tahiti et de Nouvelle-Guinée (Bard et al, 1996) (fig. 2). Au maximum glaciaire (21-19 Ka BP) la mer, à -130/-135 m laisse totalement émergé l’archipeldu Cap Spartel (fig. 1). La transgression s’amorce ensuite (fig. 2) pour atteindre le niveau des - 100 m à 14 Ka BP, période où elle s’accélère brutalement (Melt Water Pulse 1A), (Bard et al, 1990 ; Bard et al, 1996). La mer remonte ensuite plus lentement jusqu’à la cote -55 m à 11,3 Ka BP date d’une nouvelle accélération (Melt Water Pulse 1B), (Bard et al, 1990 ; Bard et al, 1996 et fig 2). Cette transgression accélérée submerge définitivement l’île du Cap Spartel (-56 m) et l’île nord de la passe ouest (fig. 1.5) seuls témoins résiduels d’un archipel dont les autres îles (entre -80 m et -130 m) ont disparu lors de l’accélération de 14 Ka BP (fig. 2).

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Figure 2

Courbes de remontée du niveau marin depuis 19 Ka BP. Dates calendaires d'après trois forages en récifs coralliens (A : Tahiti ; B : Barbades ; C : Nouvelle Guinée ; MWP-1A et B : phases de débâcles glaciaires (Meltwater pulse 1A et B) ; V : vitesses de remontée par siècle. Bard et al., 1990-1996.

Platon et l’Atlantide

9 Quand la géologie évoque une île submergée à 11 Ka BP au large des « Colonnes d’Hercule », il devient difficile de ne pas évoquer Platon et le mythe de l’Atlantide (IVe siècle avant notre ère), origine depuis deux mille ans, d’inépuisables spéculations pseudoscientifiques ou franchement délirantes. On trouvera une liste actualisée de ces spéculations dans l’ouvrage de Deloux et Guillaud (2001).

10 Platon présente l’origine de son propos comme une tradition orale recueillie par Solon dans la ville de Saïs en Egypte. Il retranscrit dans le Timée les propos de son informateur :

11 « C’est donc de vos concitoyens d’il y a neuf mille ans que je vais vous découvrir brièvement les lois, et parmi leurs hauts faits, je vous dirai le plus beau qu’ils aient accompli ». (Rivaud 1956, 23e)

12 « En effet, nos écrits rapportent comment votre cité anéantit jadis une puissance insolente qui envahissait à la fois toute l’Europe et toute l’Asie et se jetait sur elles du fond de la mer Atlantique ». (Rivaud 1956, 24e)

13 « En effet, en ce temps-là, on pouvait traverser cette mer. Elle avait une île, devant ce passage que vous appelez, dites-vous, les colonnes d’Hercule. Cette île était plus grande que la Libye et l’Asie réunies. Et les voyageurs de ce temps-là pouvaient passer de cette île sur les autres îles, et de ces îles, ils pouvaient gagner tout le continent, sur le rivage

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opposé de cette mer qui méritait vraiment son nom. Car d’un côté, en dedans de ce détroit dont nous parlons, il semble qu’il n’y ait qu’un havre au goulet resserré et, de l’autre, au-dehors, il y a cette mer véritable et la terre qui l’entoure et que l’on peut appeler véritablement, au sens propre du terme, un continent » (Rivaud 1956, 25b).

14 « Mais, dans le temps qui suivit, il y eut des tremblements de terre effroyables et des cataclysmes. Dans l’espace d’un seul jour et d’une nuit terribles, toute votre armée fut engloutie d’un seul coup sous la terre, et de même l’île Atlantide s’abîma dans la mer et disparut. Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, cet océan de là-bas est difficile et inexplorable, par l’obstacle des fonds vaseux et très bas que l’île, en s’engloutissant, a déposé » (Rivaud 1956, 25d).

15 Sur cette tradition présentée comme authentique, Platon, à la manière d’un romancier, développe une fiction, celle d’une République Idéale, opposée victorieusement à l’envahisseur en avertissant explicitement son lecteur du caractère imaginaire de cette utopie : « Les citoyens et la cité qu’hier vous nous avez représentés comme une fiction, nous les transposerons maintenant dans l’ordre du réel : nous supposerons qu’il s’agit de la cité que voici : les citoyens que vous aviez imaginés, nous dirons que ce sont ceux- ci, les vrais, nos ancêtres, ceux dont avait parlé le prêtre. Il y aura concordance complète, et nous n’errerons point si nous affirmons qu’ils sont bien ceux qui existèrent en ce temps-là » (Rivaud 1956, 26d).

16 La complexe société atlantidienne du Critias est donc, de l’aveu même de son auteur, imaginaire. Le but de ce texte est d’illustrer un « modèle » philosophique de société « idéale » à travers un conte moral. C’est l’avis des spécialistes, familiers des textes grecs, qui y retrouvent, transposées et idéalisées, les cités états contemporaines de Platon. La tendance actuelle chez ces spécialistes est encore plus radicale (Vidal-Naquet 2000) puisqu’elle généralisecette opinion à l’ensemble du récit de Platon avec pour conséquence de refuser tout net la seule évocation d’un noyau de réel à la source de l’histoire de l’Atlantide. Un autre helléniste, Luc Brisson, remarque prudemment, que cette position tranchée est difficilement défendable puisqu’elle ne tient pas compte de l’insistance de Platon à rappeler qu’il raconte « une histoire vraie » (Brisson 1999). Les tenants de l’hypothèse opposée interprètent a contrario, cette insistance comme un artifice littéraire du narrateur.

17 Cette conviction, tirée de l’étude des textes, n’envisage jamais les faits géologiques et culturels de la période antéhistorique et méconnaît l’efficacité de la transmission orale à long terme des sociétés sans écriture, efficacité maintes fois relevée (Mahé & Sourdat 1972 ; Blong 1982 ; Capart 1986 ; Podlewski 1993 ; Cauvin 1994 ; Harris 1997 ; Wiessner 1998 ; Ballard 1998 ; etc.). Il est vrai que la plupart des interprétations avancées jusqu’ici sont pseudo scientifiques (Donnely 1882) ou franchement délirantes (Deloux & Guillaud 2001). Ces élucubrations souvent ésotériques ont eu pour effet de totalement déconsidérer la recherche d’une Atlantide réelle. Les auteurs des quelques tentatives à volonté scientifique (Termier 1913 ; Moreux 1924 ; Gidon 1949 ; Poisson 1954) ne disposaient pas des acquis récents de la Géologie et de la Préhistoire. Théorie des « ponts continentaux », préhistoire non datée et courbes de remontées de la mer mal cernées rendaient en effet impossible, jusqu’à une époque récente, toute approche scientifiquement fondée. Contrairement à ces hypothèses antérieures on peut affirmer qu’une « Atlantide réelle » scientifiquement fondée a bien existé dans le Detroit de Gibraltar. La relation de cause à effet entre la disparition de cette « Atlantide réelle »

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avec celle de l’Atlantide imaginaire ou partiellement imaginaire évoquée par Platon est une hypothèse que nous soumettons à l’appréciation de chacun.

La géologie du Détroit de Gibraltar : source du mythe ou coincidence ?

18 Le texte de Platon a fait rechercher cette Atlantide « abîmée dans la mer » en Amérique, aux Açores, aux Canaries, à Madère, en Islande, en Crète, en Tunisie, en Suède, en Afrique occidentale, au Sahara, etc. (Besmertny 1949) Curieusement, personne ne semble avoir tenu compte de l’indication la plus claire de Platon : celle d’une île située immédiatement devant les colonnes d’Hercule… L’histoire reconstituée par la géologie de l’archipel du Cap Spartel entre 19 ka BP et 11,4 Ka BP a-t-elle quelque chose à voir avec l’histoire racontée par Platon ?

19 Timée : « En effet, en ce temps-là, on pouvait traverser cette mer. Elle avait une île, devant ce passage que vous appelez, dites-vous, les colonnes d’Hercule » (Rivaud 26b).

20 Géologie : A l’ouest du Détroit de Gibraltar une mer intérieure précédait l’Océan Atlantique. On pouvait facilement traverser cette mer pour atteindre les continents africains et européens Une île, actuellement immergée faisait face aux « colonnes d’Hercule » (fig.1).

21 Timée : « Car d’un côté, en dedans de ce détroit dont nous parlons, il semble qu’il n’y ait qu’un havre au goulet resserré et, de l’autre, au-dehors, il y a cette mer véritable et la terre qui l’entoure et que l’on peut appeler véritablement, au sens propre du terme, un continent. » (Rivaud 1956, 25b).

22 Géologie : La description de Platon pourrait s’appliquer sans modifications à la conformation du Détroit lors du dernier pléniglaciaire (fig. 1). La passe Est (en dedans par rapport à la Méditerranée) se présente comme couloir très étroit (« un havre au goulet resserré »). La partie ouest est une véritable mer intérieure (77 km de long pour une largeur de 10 km à 20 km). Cette Méditerranée en miniature, était entourée par les continents africains et européens élargis par l’émersion de leurs plateaux continentaux respectifs.

23 Timée : « Et les voyageurs de ce temps-là pouvaient passer de cette île sur les autres îles, et de ces îles, ils pouvaient gagner tout le continent, sur le rivage opposé de cette mer qui méritait vraiment son nom. » (Rivaud 1956, 25b).

24 Géologie : A partir de cette île, on pouvait passer sur les autres (fig. 1.5, 6, 7) et gagner ensuite le continent au nord ou au sud après avoir traversé une mer quasi fermée (à l’ouest par une barrière d’îles) de 77 km sur 20 km (mer « qui mérite vraiment son nom »). Une confirmation pourrait venir d’un philosophe néo-platonicien nommé Proclus (Ve siècle de notre ère) qui fait état d’un géographe nommé Marcellus. Ce dernier fait mention d’une dizaine d’îles disparues devant le Détroit de Gibraltar (Proclus, commentaires sur le Timée, tome premier, livre 1, traduction Festugière, 1966, p. 233).

25 Timée : « Cette île était plus grande que la Libye et l’Asie réunies » (Rivaud 1956, 25b).

26 Géologie :A première vue, il s’agit du seul point dissonant dans la correspondance entre le texte de Platon et la réalité reconstituée par la Géologie. La dimension donnée par Platon est sans commune mesure avec les dimensions de l’île du Cap Spartel et des

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autres îles de l’Archipel. On peut invoquer ici le territoire total et effectif des Ibéromaurusiens qui de fait avaient envahi très rapidement les côtes du Maghreb des Colonnes d’Hercule à la Tunisie.

27 Sur ce point on peut relever dans le Critias une indication contradictoire au Timée puisque ce n’est plus la dimension de l’île Atlantide qui est indiquée mais celle du territoire des atlantes étendu de la Libye jusqu’à la Thyrénnie : « … non seulement étaient-ils maîtres de plusieurs autres îles dans la mer mais encore, comme il a été dit antérieurement, leur pouvoir s’étendait sur les régions qui se trouvent en deçà des colonnes d’Héraclès, jusqu’en Égypte et à la Tyrrhénie » (Brisson 1999, p. 364).

28 On peut aussi évoquer le fait que les navigateurs et historiens antiques ne disposent d’aucun moyen sûr de mesure et de relevé de positions et surestiment toujours distances et surfaces : la mer Noire d’Hérodote est trois fois trop grande, Néarque exagère considérablement son itinéraire dans l’Océan Indien, Pythéas les dimensions de la Grande-Bretagne (Foex 1964). Peut-être faut-il, plus simplement, supposer une certaine dérive magnifiante, au cours de 9000 ans de transmission orale ? L’a priori de Platon voulant magnifier la puissance qu’il oppose aux anciens grecs dans sa fiction n’est peut-être pas étrangère à cette exagération (Vidal Naquet 2000).

29 Les commentateurs antiques eux-mêmes ne semblaient pas prendre au sérieux les dimensions que Platon attribuait à l’île Atlantide. Proclus en particulier, (Ve siècle) nous indique explicitement le point suivant : « il faut ici se rappeler les principes fondamentaux de Platon sur la terre, à savoir qu’il n’en mesure pas la grandeur de la même manière que les mathématiciens, mais a estimé qu’elle a plus grande étendue, comme le dit Socrate dans le Phédon, et pose qu’il y a bien d’autres lieux de séjour à peu près égaux à notre terre habitée. C’est pourquoi il rapporte l’existence dans la mer extérieure, d’une île et d’un continent d’une telle ampleur » (Proclus, commentaires sur le Timée, tome premier, livre 1, traduction Festugière, 1966, p. 236-237).

30 Timée : « C’est donc de vos concitoyens d’il y a neuf mille ans que je vais vous découvrir brièvement les lois » (Rivaud 1956, 23e).

31 Géologie : Cette date (11 Ka BP) coïncide exactement avec celle de la submersion des deux îles majeures. La mer atteint la cote -55 m vers 11 Ka BP (fig. 2) : c’est, curieusement, la date exacte indiquée par Solon qui n’avait pourtant aucune connaissance des étapes de la remontée de la mer fini glaciaire ! Cette exactitude troublante peut être pure coïncidence mais il faut rappeler que, dans les sociétés sans écriture, le décompte des généalogies est très pratiqué avec des exemples de lignées apprises par cœur pendant plus de mille ans dans des sociétés africaines (Podlewski 1993). Les Égyptiens enregistraient les événements et les dynasties depuis plus de 3000 ans. Ils pouvaient fort bien avoir enregistré les listes généalogiques des sociétés antérieures et une chronologie au moins approchée des événements.

32 Timée : « …Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, cet océan de là-bas est difficile et inexplorable, par l’obstacle des fonds vaseux et très bas que l’île, en s’engloutissant, a déposé » (Rivaud 1956, 25d).

33 Géologie : Au nord de l’île engloutie du Cap Spartel s’étend actuellement une zone peu profonde (ouest de Tarifa, sud et sud-est de Trafalgar) avec des écueils entre -6 et -9 m (fig. 1). En Provence occidentale et en Corse, le niveau de la mer à l’époque de Platon (2,4 Ka BP) se trouvait à un mètre sous le zéro actuel (Laborel et al, 1994). L’étude du port antique de Marseille a confirmé ces valeurs (Morhange et al, 1996). Peu avant le

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début de notre ère ces récifs affleurants rendaient encore la navigation périlleuse. Les navigateurs antiques méditerranéens, naviguant en général à vue des côtes (Pomey 1997) étaient très exposés à ces pièges sous-marins. Le sentiment de danger devait être encore accentué par l’amplitude incompréhensible des marées atlantiques rendant ces récifs imprévisibles.

34 Au total, on constate une troublante similitude entre l’histoire géologique du Détroit de Gibraltar et l’histoire racontée par Platon 9000 ans après…

Avant l’écriture : la tradition orale ?

35 Le paysage du dernier maximum glaciaire disparaît définitivement avec l’engloutissement de l’île du Cap Spartel.

36 Une élévation de la mer de deux mètres dans une vie humaine est assez spectaculaire pour marquer les mythes de peuplades confrontées simultanément à des crises culturelles majeures. Ces événements constituent certainement un véritable « traumatisme culturel » dans l’histoire de l’humanité, traumatisme qui l’a faite basculer du monde des chasseurs-cueilleurs en équilibre avec une nature suffisamment nourricière vers le monde des producteurs néolithiques (Cauvin 1994). Il n’est donc pas inenvisageable de penser que ce véritable traumatisme culturel se retrouve dans les traditions orales transcrites au seuil de l’histoire vers 500-400 ans avant notre ère. Ces traditions héritées des 10 000 ans précédents sont certainement le fond des textes de l’Antiquité classique, égyptiens, grecs ou moyen-orientaux. On y retrouve toujours, comme dans le reste du monde (Labeyrie 1985) les thèmes de déluges ou d’humanités « antédiluvienne » (Cauvin 1994 ; Capart 1986).

La tradition orale actuelle

37 La mémoire d’événements très anciens traverse les générations chez les peuples sans écriture : En Papouasie-Nouvelle-Guinée les ethnologues ont relevé la précision des généalogies remontant parfois jusqu’à 14 générations (Wiessner et al, 1998, p. 28). Dans le nord de l’île, le mythe du « temps d’obscurité » renvoie à une éruption volcanique précisément datée du début du XVIIe siècle (Brisson 1999, p. 193 ; Ballard 1998, p. 32).

38 Les Antandroy (sud-ouest de Madagascar) ont gardé, sur un millénaire, le souvenir des vertébrés disparus (Aepyornis ? et lémuriens géants) qui vivaient encore lors de la première occupation de Madagascar vers 1000 ans BP. C’est probablement cette occupation qui a accéléré la disparition totale de ces espèces dont le déclin était déjà effectif entre 2300 et 2000 années BP (Mahé & Sourdat 1972).

39 Au Cameroun, on a relevé des listes généalogiques qui s’étendent sur plus d’un millénaire (Podlewski 1993).

40 Un océanographe, André Capart nous rapporte, que lors d’une campagne limnologique sur le lac Tanganyika un pêcheur indigène lui avait confié une légende locale. À une époque très ancienne, il y aurait eu trois lacs à la place du lac actuel…. Les études géologiques et géophysiques confirmèrent par la suite que le lac Tanganyika, à une époque très ancienne, comportait bien trois cuvettes distinctes reliées par des détroits aujourd’hui noyés. Le souvenir très précis de cette paléogéographie avait donc traversé sans faiblir plus de trois millénaires ! (Capart 1986, p. 10).

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41 Au Canada les histoires racontées par les indiens Gitksans renvoient à la fin du Pléistocène et au début de l’Holocène. Les événements rapportés ont pu, en effet, être datés et corrélés avec des faits géologiques attestés : glissements de terrains, éruptions volcaniques, assèchements de lacs. Ces événements ont été vérifiés et datés entre 6000 BP et 10 000 BP. Les Indiens renvoient couramment dans ces mythes à un temps avant ou après le déluge (« Before the flood » ou « Soon after the flood ») (Harris 1997). La déglaciation a été dans leur histoire une période charnière puisqu’elle a marqué le moment où le peuplement de leur territoire, enfin libre de glace, a pu être possible.

Les traditions orales de l’Antiquité

42 La Bible a enregistré des événements d’il y a 7000 ans dont on a, peut-être, trouvé récemment la trace en Mer Noire (Fortney 2000). Ces mythes du Déluge existent aussi chez les peuples sans écriture de Micronésie (Labeyrie 1985) : ils renvoient certainement à des événements mondiaux et synchrones.

43 Jacques Cauvin, spécialiste de la néolithisation au Moyen-orient, retrouve dans le livre de la Genèse les principaux événements objectifs du passage de l’économie de cueillette à l’économie de subsistance (agriculture et élevage) Pour cet auteur, il est « difficile de ne pas envisager que c’est d’elle (la Révolution néolithique) qu’il puisse s’agir. Si c’est bien le cas, cela impliquerait une transmission orale de plus de 6000 ans dans des textes compilés 900 ans avant J.-C, pour la Bible (Capart 1986 : « peut-on solliciter les mythes », p. 264-265).

La préhistoire des chasseurs cueilleurs

44 La préhistoire des chasseurs-cueilleurs met en évidence des conservatismes culturels qui impliquent la transmission de traditions quasi immuables pendant des millénaires. L’art préhistorique européen en est un excellent exemple puisque transmis (avec la vision du monde qu’il véhiculait) sans changements majeurs pendant plus de 20 000 ans. Dans la grotte du Parpallo près de Valence (Espagne) Jean Clottes (communication verbale) a relevé la permanence de rites identiques (offrandes de plaquettes gravées ou peintes) pendant 10 000 ans (4500 plaquettes dans des couches allant du Gravettien au Magdalénien final inclus). Comme le constate ce spécialiste de l’art pariétal : « ces comportements témoignent de façon indiscutable de la persistance de la même tradition religieuse sur dix millénaires » (Clottes, communication verbale).

45 Si l’ethnographie et la préhistoire nous montrent l’efficacité de la tradition orale chez les peuples sans écriture et l’aptitude à transmettre sur des millénaires le souvenir d’événements naturels catastrophiques, pourquoi refuser cette possibilité aux peuples antiques ? Les Egyptiens, au début de l’invention de l’écriture, ont transcrit pour la première fois les traditions antérieures à l’apparition de l’écriture. Pourquoi une tradition de ce type n’aurait-elle pas pu parvenir à Solon pour être ensuite transmise à Platon ?

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La fin de la glaciation : un traumatisme culturel majeur dans l’histoire de l’humanité ?

46 Dans le Détroit de Gibraltar, l’histoire géologique de l’île du Cap Spartel et de son archipel s’ajuste à la tradition rapportée 9000 ans après par Platon dans le Timée : lieu, date de submersion et géographie coïncident. La transcription par les scribes égyptiens, après 5000 ans de transmission orale, a pu être possible dès 4236 BC. Cette date est celle du premier calendrier basé sur le levé héliaque de Sirius, (astronomiquement daté) et celle du début de l’écriture hiéroglyphique (Lefort 1998).

47 Le « mythe » de l’Atlantide pourrait donc renvoyer en partie à des traditions orales, seuls témoins vers 9000 BC de l’écroulement d’un monde en pleine apogée : celui des chasseurs de la fin du Paléolithique et de leur univers glaciaire.

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RÉSUMÉS

Une île faisant face au Détroit de Gibraltar et une géographie proche de celle évoquée par Platon dans le Timée ont disparu, engloutis 9000 ans avant notre ère par une accélération de la transgression finiglaciaire (Collina-Girard 2001). Dans un temps géologiquement très bref et humainement perceptible, l’humanité a dû subir l’un des derniers cataclysmes majeurs à l’aube de son histoire : réduction des territoires, réchauffement climatique et redistribution des espèces animales. L’ethnographie, la préhistoire et les textes antiques témoignent que la tradition orale peut transmettre sur des millénaires le souvenir d’événements majeurs. Le mythe de l’Atlantide, construit sur une tradition orale enregistrée par les premiers scribes égyptiens est certainement un cas particulier et régional des mythes de déluges universels. Il faut relier ces traditions à la dernière transgression finiglaciaire et au basculement du monde des chasseurs paléolithiques vers celui des producteurs néolithiques.

An archipelago, facing Gibraltar Strait was submerged 9000 years BC. This history fits exactly with the egyptian tradition, basis of the history of Atlantis in the text of Plato: Timaeus (Collina- Girard 2001). During late glacial period prehistoric hunter-gatherers were constraint to adapt rapidly to a main reduction of their territories, to an important global warming and to compose with the redistribution of hunted animal species. Ethnography, Prehistory, and classical texts prooves that verbal traditions could keep in memory such exceptional events during a long period of time. Plato myth of “Atlantis” is quite certainly builded on a local prehistoric tradition of flooding transmitted during 5000 years to the first egyptian scribes around 3000-4000 BC.

AUTEUR

JACQUES COLLINA-GIRARD

UMR 6636 – ESEP, 5 rue du Château de l’Horloge, BP 647, F-13094 Aix-en-Provence Cedex 2, [email protected]

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Nomenclature et méthode de description pour l’étude des céramiques de la fin du Néolithique en Provence

Jessie Cauliez, Gaëlle Delaunay et Véronique Duplan

Nous tenons à remercier vivement MM. D’Anna, Lemercier, Durrenmath, Chenorkian et Convertini (UMR 6636, Aix-en-Provence) pour leurs conseils et discussions enrichissantes.

1 Ces dernières années, de nombreux travaux concernant le Néolithique final en Provence ont été effectués, à l’occasion de fouilles programmées et préventives et de nouvelles analyses de collections anciennes. Ces recherches s’articulent depuis 1998 autour du PCR « Le Couronnien en Basse Provence Occidentale. État des connaissances et nouvelles perspectives de recherches » dirigé par O. Lemercier (Lemercier et al. 2000), et mis en place au sein de l’équipe « fonctionnements et processus de mutation des sociétés méditerranéennes holocènes » (UMR 6636).

2 Dans ce cadre, l’étude de plusieurs séries céramiques dont les ensembles chronoculturels se complètent et se recoupent sont en cours. Pour faciliter les comparaisons entre les séries, il était nécessaire d’harmoniser la description des céramiques.

3 Des ouvrages proposant vocabulaire et méthode de classification ( Arnal 1989 ; Balfet et al. 1989 ; Camps 1990 ; Schiefferdecker 1982 ; Séronie-Vivien 1987...) pour la céramique préhistorique ont déjà été publiés. Néanmoins, il manque une certaine unité dans le vocabulaire employé (par exemple, pour G. Camps, boutons et mamelons sont deux éléments différents par la forme alors que M.-R. Séronie-Vivien ne les différencie pas). Par ailleurs, les systèmes proposés sont le plus souvent restreints et partiels, puisqu’ils correspondent en général à certaines civilisations et ne comprennent pas un vaste champ de variabilité incluant l’ensemble des manifestations culturelles envisageables (Gallay 1977, p. 34).

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4 C’est en fondant notre réflexion autour de ces références que nous avons pu définir une terminologie et une méthode de classification adaptée à la céramique du Néolithique final en Provence.

5 Ce travail a été effectué au cours de travaux universitaires - maîtrises et DEA - à partir de séries suivantes : un éventuel faciès Rhône-Ouvèze pour la céramique de La Fare à Forcalquier en Haute-Provence (04) (Cauliez 2001), de la céramique couronnienne, Rhône-Ouvèze et du Bronze ancien barbelé pour le mobilier des Lauzières à Lourmarin (84) en Moyenne-Provence (Delaunay 2001) et différentes phases du Couronnien, du Campaniforme, du Bronze ancien barbelé et du Bronze moyen pour la série du Collet- Redon à la Couronne en Basse-Provence (13) (Duplan, en préparation).

6 Cette nomenclature constitue une première étape de réflexion ; la poursuite de nos travaux sur des séries du Néolithique final du Sud-Est de la France permettra d’affiner et de développer ce système descriptif.

7 Précisons enfin que l’ensemble des critères définis dans la nomenclature a été intégré dans une fiche descriptive regroupant toutes les caractéristiques morphométriques et technologiques du tesson. C’est un outil de traitement des données informatisé qui permet d’effectuer un inventaire précis du mobilier et de faciliter la lecture et l’interprétation du corpus.

La nomenclature

Approches morphologiques

Description des formes

La classification morphologique

8 Pour la classification morphologique des récipients, nous nous sommes appuyées sur celle énoncée dans l’ouvrage de M.-R. Séronie-Vivien (1982, p. 64-73). Cette dernière a utilisé le travail de A. Shepard (1961), qui présente l’intérêt de classifier morphologiquement le vase à partir des critères descriptifs et métriques les plus discriminants. Son travail est donc basé sur les notions mêmes de forme et de rapport de proportion.

9 Par ce procédé, M.-R. Séronie-Vivien élimine les classifications basées sur la fonction des récipients, qui pour ces périodes nous échappent le plus souvent.

10 Shepard introduit cinq critères descriptifs du vase : la symétrie, les proportions, la structure, le contour et la forme géométrique. Nous avons choisi d’utiliser les trois derniers pour les raisons suivantes.

11 La symétrie consiste à séparer les vases en deux groupes : d’une part, les objets possédant un axe vertical de révolution et donc présentant toujours le même profil, d’autre part, les objets ne disposant pas d’axe vertical de révolution (comme les récipients ovales ou les vases zoomorphes). Nous n’avons pas retenu ce critère, considérant qu’il n’était pas pertinent pour l’étude des céramiques de l’aire chrono- culturelle envisagée. En effet, nous retrouvant le plus souvent dans le cas premier, il n’est pas nécessaire d’établir une classification particulière à partir de la présence ou non d’un axe vertical de révolution.

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12 Au sujet de la classification morphologique à partir des rapports de proportions relevés sur le récipient, nous avons préféré à M.-R. Séronie-Vivien le système de classification défini par F. Schifferdecker (1982, p. 17-22). Celui-ci nous semble plus simple et plus facile d’utilisation.

13 La structure correspond à la nature de l’ouverture et à sa relation avec le corps de la poterie. D’après M.-R. Séronie-Vivien, le récipient peut être à ouverture rétrécie, évasée ou à ouverture en col. Cependant, nous considérons qu’elle peut réellement se décliner en deux cas fondamentaux : les récipients ouverts (le diamètre à la panse est inférieur au diamètre à l’ouverture) et fermés (le diamètre à la panse est supérieur au diamètre à l’ouverture). Le col est alors décrit comme une partie du récipient.

14 Lorsque que le diamètre à la panse est égal au diamètre à l’ouverture, nous ne décrivons pas la structure du récipient : la mise en évidence du volume géométrique (exemple : dérivé du cylindre) suffit à décrire le profil du vase.

15 La détermination du contour d’un récipient consiste à mettre en évidence le nombre de volumes géométriques élémentaires composant le vase et les changements de courbures du profil en reconnaissant les points d’inflexion (PI) et/ou les points de rupture (PR).

16 Le point d’inflexion existe lorsque à une partie concave du profil fait suite une partie convexe ou inversement. Il se trouve au point d’intersection de ces deux parties.

17 Le point de rupture existe lorsque le raccord entre deux courbures se fait par l’intermédiaire d’une arête appelée aussi carène.

18 Nous avons néanmoins décidé d’apporter quelques modifications aux méthodes de détermination des contours. M.-R. Séronie-Vivien envisage en effet dans son ouvrage une distinction entre les profils sur trois niveaux : les vases à contour simple (un volume élémentaire et aucun point d’inflexion ou de rupture), composite (deux volumes élémentaires et un point d’inflexion ou un point de rupture) et complexe (plus de deux volumes élémentaires et un ou plusieurs points d’inflexion et/ou un ou plusieurs points de rupture). Toutefois, considérant que les rapports d’oppositions entre les vases composites et complexes sont incorrects : la différence entre les vases composés de deux volumes et ceux composés de plus de deux volumes est illusoire, nous avons jugé que la distinction fondamentale entre les profils se place entre les vases à contour simple et les vases à contour complexe.

19 Ces catégories se définissent ainsi (fig. 1) : • les vases à contour simple sont composés d’un volume géométrique élémentaire et ne comportent pas de points d’inflexion ou de rupture. • les vases à contour complexe sont composés d’au moins deux volumes élémentaires dont la liaison s’effectue par l’intermédiaire d’un ou plusieurs points de rupture et/ou d’un ou plusieurs points d’inflexion. • Par ailleurs, la modalité des changements d’inflexion permet de caractériser de manière plus précise le contour en reconnaissant la plus ou moins rupture : • si le raccord entre les volumes s’effectue par l’intermédiaire d’un point d’inflexion (PI) et est caractérisé par une inversion graduelle des courbures, nous parlons de galbe. • si le raccord entre les volumes s’effectue par l’intermédiaire d’un point de rupture (PR) et est caractérisé par une séparation brutale et anguleuse du profil, nous parlons de carène.

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Figure 1

Classification morphologique du récipient à partir de la structure et du contour.

20 Enfin, la caractérisation morphologique du récipient fait référence à des volumes géométriques (fig. 2) qui peuvent être : dérivés de la sphère, de l’ellipse à grand axe vertical ou horizontal, du cylindre, du cône, de l’hyperbole, de l’ove dont le diamètre maximal se trouve dans la partie supérieure ou inférieure.

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Figure 2

Classification morphologique du récipient à partir des volumes géométriques (d’après Séronie-Vivien 1982, p. 69).

21 L’utilisation de termes géométriques présente l’avantage de ne pas se référer à un vocabulaire d’ordre fonctionnel dont l’emploi hasardeux relève souvent de la subjectivité. Nous avons toutefois émis la possibilité d’utiliser un vocabulaire de ce type dans le cas où nous soumettons les assemblages à une classification identique à celle de F. Schifferdecker. Il faut préciser dès maintenant que l’usage de ces termes ne fait pas référence à une fonction particulière chez F. Schifferdecker, mais il permet de faciliter le discours et « d’imaginer » de manière plus concrète la forme du vase.

22 Pour élaborer une classification morphologique des récipients la plus complète possible, nous pouvons également nous appuyer sur celle énoncée dans l’ouvrage de F. Schifferdecker (1982, p. 17-22). Ce dernier a adapté à la céramique du Néolithique moyen d’Auvernier le système de classification élaboré par A. Gallay pour la céramique du Néolthique moyen du Jura et des plaines de la Saône (1977). Il présente l’avantage de classer les pièces et de comparer « la fréquence de chaque type défini » à partir de données essentiellement métriques : les proportions et les dimensions, mais également à partir des formes. Son travail se base donc sur des notions de forme et de format. De plus, il peut être adapté en fonction des séries étudiées.

23 Néanmoins, il n’est possible d’avoir recours à cette classification que lorsque les récipients sont entiers ou reconstituables graphiquement pour pouvoir relever ou évaluer les rapports de proportions, les dimensions et les formes nécessaires.

24 En premier lieu, F. Schifferdecker classe tous les récipients en fonction de leurs proportions (rapport hauteur maximum/diamètre à l’embouchure), à partir desquelles il établit des catégories : les récipients plus hauts que larges, aussi hauts que larges,

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moins hauts que larges, bas et larges. Ces quatre catégories englobent largement la variabilité des ensembles céramiques du Néolithique final, sauf exception.

25 Ensuite, après avoir effectué une subdivision entre les pièces segmentées et non segmentées, il établit, à l’intérieur de chacune des catégories, des familles en fonction des dimensions (hauteur ou diamètre à l’embouchure du récipient). Prenons l’exemple de la deuxième catégorie « les récipients plus hauts que larges » qui peut se décliner en plusieurs familles : les marmites dont la hauteur ou l’embouchure est supérieure à 14 cm et les gobelets dont la hauteur ou l’embouchure est inférieure à 14 cm. Il distingue onze familles selon ce procédé : • Catégorie 1 jarres : hauteur > 12 cm • Catégorie 2 marmites : hauteur ou diamètre à l’ouverture > 14 cm gobelets : hauteur ou diamètre à l’ouverture < 14 cm • Catégorie 3 grandes jattes : diamètre à l’ouverture >18.5 cm jattes : 14 cm < diamètre à l’ouverture < 15.5 cm bols : 7 cm < diamètre à l’ouverture < 14 cm • Catégorie 4 plats : diamètre à l’ouverture > 24.5 cm assiettes : 18.5 cm < diamètre à l’ouverture < 24.5 cm écuelles : 14 cm < diamètre à l’ouverture < 18.5 cm coupes : 7 cm < diamètre à l’ouverture < 14 cm • Catégorie 5 : godets : diamètre à l’ouverture et hauteur < 7 cm

26 Si lors des prises de mesures – diamètre à l’embouchure et hauteur – les récipients se concentrent dans des classes de mesures différentes de celles définies par F. Schifferdecker pour la caractérisation d’un récipient dans une famille, les classes de mesures sont susceptibles d’être modifiées et adaptées en fonction des séries étudiées.

27 Enfin, à l’intérieur de chacune des familles, la forme du profil, ainsi que le diamètre à l’embouchure, du col, le diamètre maximum mesurable de la panse servent à définir des types. Prenons l’exemple de la famille « jarre » qui peut se décliner en plusieurs types : les jarres à profil en S et à embouchure étroite évasée, les jarres à profil en S et à panse large, les jarres à bord vertical et à panse assez large ou large, etc. Les données concernant la forme des récipients participent à la caractérisation culturelle des assemblages céramiques.

28 Ce critère ne sera pas utilisé systématiquement car certains types se recoupent avec la méthode descriptive que nous avons choisie (classification morphologique de A. Shepard, description de la morphologie des éléments constituant le vase). Nous gardons cependant la possibilité d’employer certains de ces termes lorsque ces derniers sembleront plus à même de décrire le récipient (exemple : profil en S…).

29 Pour mener à bien ce type de recherche, il est donc obligatoire de relever un certain nombre de mensurations : diamètre de l’embouchure, du col, diamètre maximum mesurable de la panse, hauteur maximum.

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Parties du récipient

30 Afin de décrire les parties constituant le récipient, nous nous sommes référées aux ouvrages suivants : Arnal1989; Balfet et al. 1989 ; Camps 1990 ; Gutherz 1975 ; Schifferdecker 1982 ; Séronie-Vivien 1982.

31 Nous avons décidé de diviser le vase en plusieurs parties distinctes (fig. 3) : la lèvre, le bord, le col, la panse, la carène, le fond, le pied, la base.

Figure 3

Les différentes parties constituant un récipient.

32 La lèvre, le col, le bord, la carène, le fond, le pied, la base, les éléments de préhension, décoratifs et plastiques sont appelés les « éléments diagnostiques » dans la mesure où ils participent à l’interprétation morphologique, décorative et à l’attribution chronoculturelle.

33 Les tessons informes (exemple : fragments de panse) sont les éléments non diagnostiques. Ils peuvent cependant être utilisés dans l’analyse technologique (dégraissant…).

34 La lèvre est l’extrémité supérieure du vase, c’est à dire la partie terminale du bord (Gutherz 1975, p. 13). C’est aussi le point de rencontre entre la face externe et interne du récipient. La surface de la lèvre peut se présenter sous la forme arrondie, aplanie ou plate (fig. 4).

35 Ces paramètres descriptifs non associables entre eux peuvent néanmoins être cumulés aux paramètres suivants concernant la description de la lèvre en épaisseur (fig. 5) : elle peut être amincie, ourlée vers l’intérieur, ourlée vers l’extérieur, débordante extérieure, éversée, en biseau interne, externe ou des deux côtés, épaissie (par ajout de

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pâte ou modelage) vers l’extérieur, vers l’intérieur ou épaissie des deux côtés. Ces derniers critères peuvent se combiner entre eux (exemple : une lèvre éversée et amincie).

Figure 4

Morphologie de la lèvre en surface.

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Figure 5

Morphologie de la lèvre en épaisseur.

36 Nous avons également choisi de relever la régularité de la lèvre en surface et/ou en épaisseur. En effet, cette information est importante pour mesurer la fiabilité du résultat lors de l’orientation du tesson. Elle est également nécessaire pour la mise en évidence d’un traitement particulier accordé au vase.

37 Le bord est la partie supérieure du col ou de la panse en l’absence de col, se terminant par une lèvre (Gutherz 1975, p. 13). Le bord existe lorsqu’il y a un changement d’inflexion marqué en partie supérieure du vase.

38 Dans le cas où nous pourrions évaluer la forme du bord, il est possible de distinguer trois types : redressé, éversé ou parfois rentrant. Si le bord n’est pas orientable, nous avons décidé de relever la morphologie du tesson par rapport à lui-même : il pourra être concave, convexe ou droit.

39 Il arrive souvent que l’on ait à décrire une lèvre et une portion de paroi assez réduite ne présentant pas de changement d’inflexion. Dans ce cas, nous décrivons la morphologie (concave, convexe ou droit) et/ou l’orientation du tesson (convergent, divergent ou rectiligne). Cette manière de procéder présente l’avantage de prendre en compte dans l’inventaire le plus d’éléments possibles.

40 Le col est une partie distincte du corps du récipient par l’intermédiaire d’un changement d’inflexion ou une rupture. Il est positionné en partie supérieure du vase (Balfet et al.. 1989, p. 31-32). Le diamètre à la base du col est inférieur au diamètre maximum mesurable de la panse. Nous le décrirons comme un volume géométrique.

41 La lèvre, le bord et le col constituent la zone orificielle du récipient.

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42 La panse est la partie principale du récipient située entre le bord et le fond, entre le col et le fond ou entre la lèvre et le fond (quand il n’y a pas de bord ou de col).

43 La carène constitue un angle saillant vif ou doux, qui divise le profil du récipient en plusieurs parties distinctes (Schifferdecker 1982, p. 16). Elle peut être basse, médiane ou haute selon sa position sur le vase.

44 Le fond constitue la portion inférieure du vase (Arnal 1989, p. 26). Il peut se présenter sous quatre formes : aplani, plat, arrondi, ombiliqué.

45 Lorsque le fond est plat, l’orientation du départ de la panse doit être décrite : elle pourra être rentrante, verticale ou évasée. Dans ces cas là, il faut aussi noter si le fond est débordant, c’est-à-dire s’il dépasse les limites de la panse et crée des bourrelets latéraux de pâte. Un fond peut être ombiliqué, c’est-à-dire présenter au centre de son point de pose une concavité. De manière générale, la morphologie du fond peut être un indicateur chronologique et culturel.

46 Si le récipient est surélevé par un aménagement du fond qui lui sert d’appui, nous parlons de pied (Balfet et al. 1989, p. 32). Le fond peut être à pied unique (annulaire ou non) ou multiple. Dans ce cas, nous parlons de fond polypode.

47 Dans certains cas rares, et notamment en ce qui concerne les vases à fond polypodes, le pied peut reposer sur un ajout de pâte qui lui sert d’assise et qui se présente sous une forme pleine ou annulaire, nous parlons alors de base. Il existe, par exemple, dans le Gard à la grotte des Frères à Sainte Anastasie des coupes polypodes « chalcolithiques » munies d’une base (Coularou et al.. 1982).

Les mensurations

48 Un certain nombre de mensurations concernant la morphologie générale du récipient sont à relever. Il s’agit de la hauteur maximum, du diamètre de l’ouverture, du diamètre maximum mesurable depuis la panse, du diamètre à la carène et du diamètre du fond (lorsque le fond est plat, car le diamètre des fonds ronds n’est pas déterminable : où prendre la mesure, où commence le fond ?)

49 La prise de mensurations est nécessaire car elle permet de se référer au système de classification de F. Schifferdecker et d’évaluer la taille des récipients.

50 D’autres mensurations sont également utiles afin d’observer un soin particulier et de reconnaître des procédés techniques mis en œuvre pour le façonnage. Nous relevons l’épaisseur à l’ouverture, l’épaisseur de la panse et l’épaisseur du fond.

Description des préhensions

51 Les éléments de préhension sont des éléments en relief perforés ou non, généralement appliqués sur la paroi du vase et dont la forme permet de prendre (par arrêt et/ou introduction de doigts) ou de suspendre (au moyen d’un lien introduit dans les perforations) les récipients (Camps 1990, p. 229 ; Schifferdecker 1982, p. 16 ; Séronie- Vivien 1982, p. 20-31).

52 Le terme « préhension » fait référence à des notions fonctionnelles. Toutefois, nous sommes tout à fait conscientes qu’il est difficile et hasardeux pour ces périodes de prendre parti en ce qui concerne la signification d’un élément. Dès lors, nous précisons

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qu’un élément de préhension peut aussi avoir vocation de décor. C’est le cas avec le mamelon à ensellement médian dont la forme n’a pas, au premier abord, d’utilité.

53 Le mamelon est une protubérance de base généralement ovalaire. Il peut se présenter sous une forme allongée, prismatique et à ensellement médian. Sa hauteur est inférieure ou égale à la longueur maximum.

54 La préhension en demi-bobine est un élément en relief de la forme d’un cylindre coupé longitudinalement, présentant des bourrelets latéraux et un ensellement médian. Sa morphologie évoque une demi-bobine.

55 La préhension en demi-cylindre est un élément en relief de la forme d’un cylindre coupé longitudinalement et ne présentant pas d’ensellement médian.

56 La préhension en H est un élément en relief dont la morphologie évoque la lettre alphabétique H.

57 La préhension en X est un élément en relief dont la morphologie évoque la lettre alphabétique X.

58 La prise plate est un élément en relief présentant sur au moins une des deux faces une surface plane et dont la hauteur et la longueur sont supérieures à la largeur.

59 L’anse est un moyen de préhension formé par une masse de pâte en arc cintré, coudé ou à angle droit et qui adhère à la paroi par ses deux extrémités (Arnal 1989, p. 28). Elle permet l’introduction d’au moins un doigt ou l’arrêt du doigt (Séronie-Vivien 1982, p. 29).

60 Il existe différents types d’anses. Seules seront retenues les anses suceptibles d’être rencontrées dans les séries étudiées

61 L’anse en boudin est formée par l’application d’une masse de pâte en forme de « boudin » plus ou moins cylindrique sur la paroi du récipient (Séronie-Vivien 1982, p. 29).

62 L’anse en ruban est formée par l’application d’une masse de pâte en forme de « ruban » sur la paroi du récipient (Séronie-Vivien 1982, p. 29).

63 L’anse en demi-bobine correspond à une variante de l’anse en ruban constituée de légers bourrelets latéraux et d’un ensellement médian du ruban (Séronie-Vivien 1982, p. 29).

64 L’anse « ad ascia ». Certaines anses présentent un pédoncule dans la partie supérieure qui détermine la position du pouce (anse à poucier). Dans le cas de l’anse « ad ascia », ce pédoncule est formé par une languette d’argile assez plate (Séronie-Vivien 1982, p. 30).

65 L’ensellement médian correspond à une dépression plus ou moins prononcée située au milieu du dos d’un élément en relief (Arnal 1989, p. 28). C’est le cas par exemple du mamelon double.

Description des décors

66 Le décor correspond à toute modification de la surface du récipient par ajout (élément plastique, engobe, barbotine, incrustation, peinture), enlèvement, déplacement de matière ou traitement de surface. Les décors sont considérés comme d’excellents indices culturels, mais également chronologiques.

67 Le terme « décor » fait référence à des notions esthétiques et/ou symboliques. Cependant, tout comme une préhension peut participer au décor d’un vase, un décor

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peut aussi avoir vocation de préhension. Prenons l’exemple du pastillage qui peut fonctionner comme une préhension, dans le sens où ces différents éléments en relief permettent une meilleure adhérence des mains sur le vase.

68 Par ailleurs, le caractère fragmentaire du décor observé sur un tesson est à prendre en compte, puisqu’il peut jouer sur la possibilité de mener une analyse descriptive complète.

Les éléments décoratifs en relief

69 La pastille est une protubérance de base circulaire ou ovalaire aplanie, dont la hauteur est inférieure ou égale au diamètre ou à la longueur maximum. Dans le cas où plusieurs pastilles sont associées, nous parlons de pastillage. La pastille ou le pastillage peut être appliqué ou repoussé depuis l’intérieur du vase.

70 Le cordon court est une bande de pâte en relief dont la longueur est au moins trois fois supérieure à la largeur et dont la largeur est supérieure ou égale à la hauteur. Sa section peut être demi-circulaire, triangulaire, trapézoïdale ou rectangulaire.

71 Le cordon court peut être unique ou multiple (jointif ou non). Il n’est pas toujours rectiligne : il peut être en arc, en V, en U ou ondulé. Il peut alors dessiner des motifs de chevrons, de vagues, de formes géométriques ou autres.

72 Qu’il soit en arc, en V ou en U, il est important de noter la direction d’ouverture : ouvert en haut, en bas, à droite, à gauche.

73 Le cordon court peut également participer à la composition de certains éléments de préhension comme ceux en H ou en X.

74 Les incrustations sont des éléments plastiques (pâte, poudre...) ou des éléments non plastiques (métal, bois, écorce, coquille) fixés généralement après cuisson sur une paroi ou sur un décor en creux préalablement aménagé (Balfet et al. 1989, p. 139). Elles sont rarement conservées et peuvent également être confondues avec des dépôts naturels de carbonate ou autres.

Les éléments décoratifs en creux

75 L’analyse d’un décor en creux et sa caractérisation culturelle est très ambiguë. En effet, la difficulté réside dans le fait que nous ne savons pas à quel niveau de la conception d’un décor, le groupe a marqué culturellement le récipient. La culture se traduit-elle dans le geste, dans la séquence de gestes, dans le fait d’utiliser tel ou tel outil, dans le motif, la figure ou le thème qui composent le décor, etc. ? Même si nous ne sommes pas en mesure de développer une méthode descriptive suffisamment puissante pour répondre à ces questions, il nous a semblé nécessaire d’adopter un système d’analyse pour pouvoir recueillir un maximum de données et émettre des interprétations.

76 Devant la multitude de décors envisageables, nous avons donc employé un système très synthétique pour décrire un décor. Pour cela, nous nous sommes référées aux ouvrages suivants : Balfet et al.. 1989, p. 85-109 ; Giligny et Salanova 1997 ; Gutherz 1975, p. 21-25 ; Salanova 2000, 392 p. ; Van Berg 1994, 196 p. et avons suivi les conseils de O. Lemercier (UMR 6636, Aix-en-Provence). En ce qui concerne la référence à P. Van Berg, il ne s’agit pas de reprendre ses travaux, mais simplement d’utiliser le concept, l’idée générale de l’emploi même d’une « grammaire » permettant une description rationnelle des décors.

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77 Sont donc pris en considération pour une description complète du décor deux aspects principaux : les aspects techniques et les aspects stylistiques.

78 En ce qui concerne les aspects techniques, nous observons d’une part, la technique utilisée pour créer un décor en creux. Trois techniques s’individualisent :

79 L’incision consiste à entailler par un tracé linéaire la pâte avec un outil à l’extrémité pointue (section en V) ou à pointe mousse pour la cannelure (section en U). Nous parlons de gravure quand l’entaille se fait sur une pâte sèche ou cuite. La gravure entame la partie superficielle de la pâte. Le tracé est donc moins profond et moins régulier que dans un décor incisé.

80 L’excision consiste à enlever de la matière par un arrachement ou un découpage à l’aide d’un outil tranchant sur un récipient dont la pâte est raffermie.

81 L’impression consiste à imprimer par une pression perpendiculaire ou oblique la surface du récipient encore plastique. Nous parlons de ponctuation pour définir l’impression d’un point rond ou carré, d’estampage pour définir l’impression de formes géométriques ou autres (impression cordiforme du Campaniforme rhodano-provençal sur le site du Collet-Redon à la Couronne, Martigues) et d’impression en ligne, segment et cannelure pour définir l’impression par un objet allongé.

82 L’excision et l’incision font appel nécessairement au mouvement. En général, lors de l’impression, l’outil n’est pas mis en mouvement sur la pâte sauf dans certains cas comme l’impression par basculement de l’outil (un coquillage sur la céramique du Cardial par exemple).

83 Il est également important d’observer la section en U ou en V, la profondeur et la largeur de la ligne en creux, ainsi que la régularité du tracé, de la profondeur et des bords. Ces paramètres peuvent indiquer quelles techniques et outils ont été employés.

84 D’autre part, nous déterminons le type d’outil utilisé pour réaliser la technique. Nous présentons une liste non exhaustive des outils éventuellement utilisés par les préhistoriques puisque tous les objets, de préférence petits, souples, mous ou durs peuvent être employés pour décorer une céramique. Il peut donc s’agir d’un poinçon, d’une pointe mousse, d’un peigne denté ou fileté, d’une baguette évidée, d’une lame, d’un ongle, d’un doigt, etc.

85 En ce qui concerne les aspects stylistiques (fig. 6), il faut au préalable reconnaître le motif de base, qui correspond à la plus petite unité du décor. Le motif peut être ponctuel (point, estampage d’une forme géométrique ou autres…) ou linéaire (droit, courbe) sous la forme de segment ou de ligne.

86 Ensuite, il faut définir la figure que les motifs de base dessinent. Il existe deux cas. S’il s’agit de motifs ponctuels, la figure peut se présenter en segment, en ligne continue, en chevron, en forme géométrique ou autre. S’il s’agit de segments, la figure peut se présenter en ligne continue, en chevron, en forme géométrique ou en hachure.

87 Enfin, ces figures peuvent s’organiser en ligne, en bande horizontale, verticale, oblique, en méandres, en métopes, en damiers, etc. Elles forment alors un thème. Ce thème peut aussi être encadré (limité de part et d’autre) et se disposer en bandes jointives, séparées, alternées, répétées, en damiers ou de manière complexe (disposition par rapport aux préhensions), se répéter et/ou se combiner…

88 Lors de la description du décor, la notion de symétrie peut intervenir au niveau de la composition de la figure ou du thème (Shepard 1968).

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89 L’illustration jointe (fig. 6) ne couvre en aucun cas toutes les occurrences envisageables et existantes : elle permet par l’intermédiaire d’éléments choisis, le point et le trait, d’expliquer le système descriptif utilisé pour l’analyse stylistique des décors en creux.

90 D’autres indications extrinsèques au décor sont importantes, telles que la régularité et le soin apporté à la réalisation du décor ou la position du décor sur le vase : sur tout le vase, sur une partie du vase (la moitié supérieure, la moitié inférieure…), sur la lèvre, sur le bord, etc.

Figure 6

Illustration du système des décors en creux (éléments choisis : le point et le trait).

Description des éléments plastiques

91 Ne sachant pas avec certitude quelle est la valeur décorative et/ou fonctionnelle de certains éléments plastiques comme le bouton et le cordon continu, nous avons préféré ne pas les intégrer directement dans la description des préhensions ou des décors. Dès lors, cette partie nous permet de les incorporer aux éléments éventuellement observables dans un corpus céramique et donc dans un inventaire.

92 Néanmoins, il faut noter que dans certains cas rares, les boutons peuvent être classés dans la catégorie « préhension » ou « décor » à partir de critères bien définis : sa plus ou moins proéminence, sa morphologie, la position qu’il occupe sur le récipient, le fait qu’il soit associé ou non à d’autres éléments de préhension ou de décor et leur nombre.

93 Le bouton est une protubérance de base plus ou moins circulaire et dont la hauteur est inférieure ou égale au diamètre. Son développement peut être conique, prismatique ou hémisphérique. Le bouton peut disposer d’un ensellement médian.

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94 Le cordon est une bande continue de pâte en relief dont la largeur est supérieure ou égale à la hauteur, de section triangulaire, rectangulaire, trapézoïdale ou demi- circulaire. Il peut être disposé horizontalement, verticalement, ou de manière ondulée sur le récipient et composer des motifs complexes (orthogonaux, horizontaux avec des arceaux en dessous). À ces cordons peuvent être associés d’autres éléments en relief, des préhensions telles que les mamelons ou les anses. C’est également un support de prédilection pour les décors digités, encochés, incisés à l’ongle, impressionnés, excisés. En l’absence de décor, les cordons sont appelés cordons lisses. Par ailleurs, il convient de différencier une lèvre épaissie vers l’extérieur d’un cordon continu appliqué sous la lèvre. Dans ce cas, nous parlons de cordon pré-oral.

95 Il faut prendre soin pour chaque type d’éléments de préhension, de décors en relief et d’autres éléments plastiques de noter son orientation sur le vase : horizontale, verticale, oblique ou indéterminable (dans le cas d’élément isolé), ainsi que leur localisation : sous la lèvre, sur la lèvre, à prise directe sur la lèvre, sur le bord, sur le col, sur la panse, en haut de la panse, au milieu de la panse, en bas de la panse, à cheval sur la lèvre et le bord, à cheval sur la lèvre et le col, à cheval sur la lèvre et la panse, à cheval sur le col et la panse, à cheval sur le bord et la panse (exemple : l’anse), au- dessus de la carène, au-dessous de la carène, sur le fond, sur le pied, sur la base. Dans certains cas où ces éléments sont rattachés à la carène, leur localisation pourra alors être au-dessus, au-dessous, ou sur la carène.

96 Il est également important de noter si ces différents éléments en relief ont été appliqués sur la paroi, parfois à l’aide d’un tenon d’insertion, ou bien repoussés depuis l’intérieur du récipient et d’observer les éventuelles associations entre les éléments.

Les perforations

Affectant un élément en relief

97 Certains éléments de préhension (mamelon, prise plate, anse, etc.), éléments de décor (cordon, etc.) et autres éléments plastiques (bouton, cordon continu) peuvent présenter une ou plusieurs perforations. Nous parlons alors respectivement de perforationunique ou de perforations multiples. Dans ce cas, il est important de mentionner le nombre de perforations.

98 Nous avons également choisi de relever l’orientation de la perforation par rapport au vase : elle peut se positionner de manière oblique, horizontale ou verticale sur le récipient. Nous relevons également l’orientation de la perforation par rapport à l’élément en relief : elle peut se positionner de manière transversale ou longitudinale sur l’élément en relief ou être indéterminable dans le cas d’élément circulaire.

99 Enfin, elles peuvent affecter en partie la paroi du récipient et en partie les éléments en relief : il s’agit alors de perforations sous-cutanées (Séronie-Vivien 1982, p. 22).

Affectant une partie du récipient

100 Une partie du récipient (la panse, le bord, la lèvre, le fond...) peut présenter une ou plusieurs perforations réalisées avant cuisson, nous parlons alors respectivement de perforation unique ou de perforations multiples.

101 De plus, associées, ces perforations peuvent dessiner un motif, c’est le cas avec les perforations en ligne pré-orale. Dans le cadre d’une analyse descriptive, il faudra alors

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préciser la place que les perforations occupent sur le vase : toute la surface du vase, la moitié inférieure, supérieure, sur le bord, sur la lèvre, etc. C’est le cas sur les vases interprétés comme des « faisselles », ou des « écumoires »qui sont des récipientsen terre cuitepercés en partie inférieure pour faire passer des liquides (Balfet et al.. 1989, p. 19).

102 Les trous de réparation sont groupés par deux sur le récipient. Ils permettent par l’intermédiaire d’un lien de consolider une cassure du vase après cuisson. Le trou peut être foré depuis l’extérieur ou l’intérieur du récipient ou les deux (Séronie-Vivien 1982, p. 20).

103 Hormis les trous de réparation, qu’il s’agisse des perforations affectant un élément plastique ou une partie du vase, elles peuvent avoir une valeur fonctionnelle (suspendre le récipient, prendre le récipient, permettre le passage de liquide) et/ou décorative.

Les autres objets en terre cuite

104 La céramique ne concerne pas seulement les récipients, d’autres productions en terre cuite doivent être intégrées dans l’interprétation des données du corpus céramique. C’est le cas avec les figurines, les trompettes, les couvercles, les cuillères, les louches, les fusaïoles, les jetons, les tuyères, les perles, etc.

105 Les couvercles sont des ustensiles en terre cuite dont la morphologie peut varier. Ils servent à couvrir le récipient pour le fermer. Ils sont posés sur l’ouverture, emboîtés ou emboîtants. Ils peuvent également être munis d’un ou de plusieurs éléments de préhension (Balfet et al. 1989, p. 35).

106 Les cuillères et les louches sont des ustensiles en terre cuite dont la morphologie peut varier. Elles sont constituées d’un cuilléron ou coupelle destiné à contenir un liquide ou autre et d’un manche plus ou moins long. Il est rare de les retrouver entières. Elles peuvent présenter un décor. C’est notamment le cas dans les séries fontbuxiennes, avec la présence d’incisions sur la lèvre sur le site de la Rouquette à Saint-Hillaire-de- Brethmas (Gard), ou avec la présence de pastilles sur le site de Boucoiran (Gard). Les cuillères ou les louches peuvent être perforées sur l’extrémité proximale soit pour la suspension, soit pour la fixation d’un manche à l’aide de chevilles (Gutherz 1975, p. 19). Comme nous décrivons de manière particulière ces éléments, nous avons choisi de les intégrer dans cette catégorie, bien que ces objets soient aussi des contenants.

107 Nous nous référons à l’ouvrage de H. Camps-Fabrer (1988, p. 11-46), qui a mis en place un code analytique pour la description des cuillères et louches.

108 Les fusaïoles sont constituées d’une petite masse en terre cuite dont la morphologie peut varier et d’un trou central, généralement cylindrique et plus rarement quadrangulaire. Elles sont utilisées pour lester les fuseaux lors du filage du lin ou de la laine. Elles peuvent également présenter un décor (Gutherz 1975, p. 19 ; Demoule 1988, p. 408).

109 Les jetons sont constitués d’une petite masse en terre cuite de forme circulaire et aplanie. La fonction des jetons est inconnue.

110 Les perles sont constituées d’une petite masse en terre cuite de forme variée percée.

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111 Les tuyères se présentent sous la forme d’un fragment de tube en terre cuite à extrémité évasée en trompette. Elles peuvent servir dans le cadre de l’utilisation de four (Gutherz 1975, p. 19).

Approches technologiques

112 Il est certain qu’une analyse technologique, pour être fiable, doit être accompagnée d’un examen microscopique du tesson. Dans le cadre de nos recherches, nous avons choisi d’étudier essentiellement les données observables à l’œil nu pour une question de temps disponible à la réalisation du travail et afin de pouvoir traiter un maximum de données.

113 Trois observations sont individualisées dans cette partie : le traitement de surface, le dégraissant et la coloration. Elles permettent de manière générale de caractériser un traitement ou une technique particulière accordés à la fabrication du récipient et d’apprécier si son état de conservation est correct. Il ne faut pas en effet omettre les problèmes taphonomiques (érosion, action des végétaux, des animaux fouisseurs...) qui peuvent influencer la fiabilité des résultats.

Le traitement de surface

114 En ce qui concerne le traitement de surface, deux critères sont pris en considération.

115 En premier lieu, il s’agit de la topographie du tesson. Son observation consiste à relever la régularité ou l’irrégularité de la surface externe et interne et à évaluer les variations de l’épaisseur des parties du récipient. Ces indications permettent notamment d’observer un soin particulier et de reconnaître des procédés techniques mis en œuvre pour le façonnage du récipient. Ces indications donnent également la possibilité de déterminer si le vase a été régularisé, en partie ou entièrement. Un vase peut être à la fois poli et bosselé par endroits par exemple (Séronie-Vivien 1982, p. 77).

116 En second lieu, l’étude de la finition consiste à déterminer si la surface externe et/ou interne du récipient a été lissée, polie, grattée. Cette action donne un aspect plus ou moins soigné au vase et peut participer au décor comme par exemple avec la présence sur la surface d’une alternance de bandes rugueuses et lisses. C’est le cas sur un vase chalcolithique du Liban au bord lissé et au reste de la surface brute (Balfet et al. 1989, p. 76).

117 Pour cette catégorie, nous avons choisi de nous référer aux définitions employées par H. Balfet et al. (1989, p. 77-83) et G.-B. Arnal (1989, p. 193-198) dans leurs ouvrages. Celles-ci s’avèrent être les plus simples et les plus accessibles.

118 Le lissage s’effectue sur une pâte encore humide à l’aide de végétaux, de doigts mouillés, de cuir, de tissu ou de peau. Il donne un aspect uni et mat à la surface.

119 Comme H. Balfet (1989, p. 81), nous avons préféré employer le terme « polissage », là où certains utilisent le terme « lustrage » (lorsque la surface du vase est après cuisson frottée avec un chiffon pour en augmenter la brillance). En effet, la différence entre les deux traitements étant plus facilement observable à l’aide d’un matériel approprié et considérant que les modalités d’enfouissement ont pu altérer le tesson, une étude macroscopique des traitements de surface ne nous permet pas concrètement de les distinguer.

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120 Le polissage s’effectue sur une pâte sèche par frottements répétés à la fin du séchage à l’aide d’un corps dur (galet, coquille) et mousse. Il donne un aspect lisse et brillant à la surface.

121 Le grattage s’effectue sur une pâte plus ou moins sèche, lissée ou polie, à l’aide d’un corps dur (doigts, ongles, outils tranchants). Il donne un aspect rugueux et grenu à la surface. Eventuellement, des traces de l’outil utilisé peuvent être observées.

122 Il est donc important de noter la présence ou non de traces d’outils (mains mouillées, pointe mousse…) ou de traces techniques (stries, méplats…) qui peuvent nous informer sur une technique particulière (Timsit 1995, p. 55).

123 L’aspect général de la finition (peu soigné, soigné, très soigné) est également une information intéressante à noter.

Le dégraissant

124 Il s’agit d’éléments non plastiques rajoutés à l’argile lors de la fabrication de la pâte. Son adjonction rend la pâte plus souple, moins grasse et plus facilement modelable. Elle permet également à la poterie de ne pas se fendre pendant la cuisson. L’examen du dégraissant peut conforter l’attribution chronologique et culturelle de certains récipients. Il donne également de nombreuses informations sur les sources d’approvisionnement en matière première (Convertini 1996, p. 97-119). Dans la mesure où certains éléments peuvent être présents naturellement dans l’argile, il faut rester prudent quant à leur attribution en tant que dégraissant.

125 Deux paramètres descriptifs ont été pris en considération. D’une part, sa nature : le dégraissant peut être minéral : calcaire, micas, calcite pilée, feldspath ou pisolithes (qui sont des inclusions sous forme de petites boules lisses d’oxyde de fer ou autres), végétal (algues…), animal (coquilles ou os pilés) ou constitué de chamotte.

126 D’autre part, l’homogénéité (éléments de taille sensiblement identique) ou l’ hétérogénéité (dégraissants grossiers mêlés à des éléments plus fins) de la dimension des dégraissants : cette dernière catégorie a été définie suivant les conseils de G. Durrenmath comme étant la seule susceptible d’être déterminable macroscopiquement. Les informations relatives au calibrage, à la densité ou à la taille du dégraissant ne sont en effet, reconnaissables qu’à l’issue d’une observation microscopique du tesson (Durrenmath 1998 et 2001). L’homogénéité de la taille du dégraissant permet aussi de reconnaître un traitement particulier tel que la mise en évidence d’un tamisage.

La coloration

127 Enfin, nous avons choisi d’évaluer la coloration interne, externe et du cœur du tesson.

128 Plusieurs teintes peuvent être présentes sur une même poterie, résultant des modalités de cuisson, de la taphonomie, des caractéristiques de l’argile ou de l’usage du récipient. L’observation de « coups de feu » est fréquente (le contact des flammes a bruni partiellement la paroi).

129 Sur la tranche, nous relevons la monochromie, la bichromie ou la trichromie des couleurs de la tranche, considérant que cette information peut être importante pour la caractérisation chronologique ou culturelle du tesson. Il s’agit, en effet, d’un critère statistiquement discriminant dans la distinction entre les productions du Néolithique

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final Campaniforme et du Bronze ancien, dans le cadre de recherches menées par J. Vital (CNRS, Valence). Par conséquent, il mérite d’être testé.

130 La ou les couleurs qui composent la tranche du tesson permettent également de retranscrire les processus de cuisson.

131 Comme l’expliquent R. Martineau et P. Pétrequin (Martineau & Pétrequin 2000, p. 344), l’atmosphère est oxydante lorsque au cours de la descente en température (juste après le pallier de cuisson), une importante quantité d’oxygène n’est plus consommée par la combustion et est disponible pour la pâte. Les oxydes de fer contenus dans la pâte prennent l’atmosphère et se forment les oxydes ferriques qui sont rouges : l’atmosphère est oxydante, la couleur est rouge ou dérivée du rouge.

132 L’atmosphère est réductrice, lorsque dans un feu, au cours de la montée en température, la combustion du bois nécessite une importante quantité d’oxygène, ce qui entraîne un déficit pour la céramique. Les oxydes de fer contenus dans la pâte cèdent de l’oxygène et se forment les oxydes ferreux qui sont noirs : l’atmosphère est réductrice, la couleur est noire ou dérivée du noir.

133 A cet effet, nous pouvons nous référer au code des couleurs de A. Cailleux.

134 La pertinence des résultats est souvent discutée. D’une part, nous ne pouvons pas toujours mesurer l’influence des conditions physico-chimiques des gisements sur l’aspect physique de la céramique. D’autre part, M.-R. Séronie-Vivien (1982, p. 79) considère que l’emploi d’un tel procédé risque de disperser l’information, dans le sens où le code est très précis. Néanmoins, il n’exclut pas ultérieurement la possibilité de regrouper les différents codes de couleurs notés pour chaque tesson dans des grandes classes de coloration afin de faciliter la lecture et la compréhension de l’assemblage. De plus, il donne la possibilité d’avoir une vision invariable et non subjective des couleurs.

La base de données 4D

135 La totalité des paramètres descriptifs déterminés dans la nomenclature a été regroupée dans une fiche permettant d’effectuer une description et un inventaire précis du mobilier. Elle est un outil de traitement des données qui a pour objectif de faciliter la lecture et l’interprétation du corpus.

136 Elle a été également conçue de manière à pouvoir être réutilisée ultérieurement pour l’étude d’une autre série céramique correspondant à une même aire géographique et chronologique.

137 Afin de concevoir la fiche d’inventaire, le logiciel de base de données Quatrième Dimension 6. 5. 5™ sous environnement Macintosh a été utilisé.

138 Ce logiciel est un outil informatique idéal à plusieurs niveaux.

139 D’une part, il permet d’effectuer l’inventaire précis d’une série archéologique à partir d’une base de données personnalisée et adaptée au corpus étudié et ce sous la forme d’un formulaire permettant la saisie rapide des informations.

140 D’autre part, il permet de traiter, d’exploiter et de visualiser facilement les données. Quatrième Dimension™ possède son propre langage de programmation permettant de contrôler toutes les données et notamment de développer des recherches multi- critères appliquées à la série.

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141 Enfin, Quatrième Dimension™ permet d’importer ou d’exporter des données en provenance ou en direction d’autres applications telles que Microsoft Excel™ ou les logiciels de statistiques (SAS Systèm™). Il n’est donc pas exclu d’effectuer à la suite de l’inventaire une série de recherches statistiques à partir des données recueillies dans la base de données. En bref, c’est un outil qui va permettre de gérer qualitativement et quantitativement l’ensemble des objets archéologiques.

142 Comment s’organise la base de données ?

143 Au préalable, il faut s’assurer de deux paramètres. D’une part, de l’existence de l’objet, qui est l’élément de base sur lequel va porter l’étude et à partir duquel seront définis tous les descripteurs (les champs). Dans le cadre de notre étude, l’objet est l’objet céramique. D’autre part, l’ensemble d’objets qui va être manipulé doit être lié par une caractéristique fondamentale commune. Il est en effet nécessaire pour que l’étude ait un sens et soit pertinente que l’ensemble soit parfaitement déterminé et cohérent.

144 La base de données s’organise sur deux niveaux : la structure et les données saisies à l’aide d’un formulaire.

145 Concevoir la structure est l’étape initiale et obligatoire pour la mise en place de la base. Comme son nom l’indique, elle est le cadre général, l’architecture qui permet de structurer la base. Elle doit s’organiser en fonction du travail spécifique que nous voulons réaliser.

146 La structure se compose d’une ou plusieurs tables. La base de données élaborée se divise en six tables : une table « générale », une table « récipient », une table «préhension», une table « décor », une table « élément plastique » et une table « autres objets en terre-cuit » .

147 Ces tables regroupent tous les descripteurs ou « champs » qui permettent de rendre compte des caractéristiques morphologiques, métriques et technologiques de l’objet céramique. Par exemple, « état de conservation » a été défini comme un champ car c’est une donnée importante qui contribue à la description de l’objet. Il est donc nécessaire de réfléchir au préalable aux champs les plus adéquats pour décrire une série. Sont également définis comme champs, les cases à cocher utilisées pour noter la présence ou non d’une caractéristique. Par exemple, la validation de la case à cocher « calcaire » dans la partie qui a trait à la nature du dégraissant rend compte de la présence ou non de calcaire dans la pâte.

148 Enfin, à chaque champ peut être associée une liste de choix appelée « énumérations », qui au moment de l’enregistrement des données donne la possibilité à l’utilisateur d’automatiser et de standardiser la saisie. En somme, il s’agit de ne pas rentrer littéralement un texte, mais de choisir dans une liste une caractéristique descriptive préalablement programmée au moment de la création de la base. Par exemple, concernant l’état de conservation du tesson, il peut être bon, moyen, altéré. « Bon, moyen, altéré » sont des énumérations.

149 A chacune des tables est associé un formulaire. Le formulaire s’appuie sur la structure de la base. Il permet de saisir, modifier et visualiser les données. C’est par conséquent la matérialisation concrète à l’écran de toutes les programmations qui ont été effectuées pendant la mise en place de la structure et ce sous la forme d’une fiche d’inventaire.

150 Quatrième Dimension™ possédant son propre langage de programmation, il nous est possible de naviguer d’un formulaire à un autre sans difficulté. Des liens entre chacune des tables ont été réalisés à cet effet.

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151 Pour des raisons de mise en page particulière et de qualité du document, nous n’avons pas pu proposer une représentation directe des différents formulaires de la base de données. C’est pourquoi, les illustrations ci-jointes (fiches 1 à 6) présentent de manière schématique et synthétique le contenu des tables, de manière à évoquer la disposition et l’organisation des formulaires.

152 Les champs sont indiqués en caractère gras. Lorsqu’ils ne possèdent pas d’énumérations, un carré blanc suggère que c’est à l’utilisateur de saisir l’information. Si le champ est associé à des énumérations, un tableau intègre l’ensemble des

F0 possibilités. Les champs de type cases à cocher sont associés au symbole 6F .

153 Les listes d’énumérations sont susceptibles d’être modifiées et complétées en fonction des caractéristiques de la série étudiée.

Conclusion

154 La méthode de description élaborée s’adapte à des récipients entiers ou fragmentés. Elle permet pour chacun la prise en compte de données précises.

155 Si cette précision dans la description des objets est à l’avantage de la qualité d’information, elle fait néanmoins apparaître le problème de la gestion du temps. Toutefois, cet aspect reste négligeable face aux résultats que l’inventaire peut apporter.

156 L’application systématique de la méthode à des collections anciennes ou à des séries de fouilles actuelles assoie une démarche comparative permanente, nécessaire à son enrichissement.

Table générale 1/3

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Table générale 2/3

Table générale 3/3

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Table récipient

Table éléments plastiques

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Table préhension

Table décor

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Table autres objets en terre cuite

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RÉSUMÉS

En l’absence d’un vocabulaire précis et d’une typologie adaptée à la céramique du Néolithique final, il était nécessaire d’élaborer une méthodologie commune aux recherches actuelles. Définie à partir des travaux de nos prédécesseurs et enrichie de l’expérience de chercheurs de l’ESEP (UMR 6636, Aix-en-Provence), elle prend en compte un maximum de critères dont l’objectif est de décrire les séries et de faciliter les comparaisons. Cet article présente la terminologie et la méthode descriptive relative à la morphologie des récipients, aux préhensions, décors et éléments plastiques. Il s’intéresse également aux objets en terre cuite autres que les récipients (fusaïoles, cuillères…) et à la technologie. Tous les critères descriptifs ont été réunis sur une base de donnée informatisée dont nous exposons ici la structure.

As the study of the ceramics of the final Neolithic lacked of both precise vocabulary and suitable typology, we found necessary to create a common methodology for the present researches. We elaborated it from our predecessor’s work and enriched it thanks to the knowledge of the researchers of the ESEP (UMR 6636, Aix-en-Provence); it is constituted with the maximum criteria in order to describe and compare ceramic assemblages. This article presents the terminology and the descriptive method relating to the morphology of the containers, gripping handles, decorations and plastic elements. It is also made to describe the terracotta artifacts different from containers (spindle-whorl, spoons ...) and the technology. All the descriptive criteria were joined in a computerized database whose structure we expose here.

AUTEURS

JESSIE CAULIEZ

ESEP – UMR 6636 – Aix-en-Provence, [email protected]

GAËLLE DELAUNAY

ESEP – UMR 6636 – Aix-en-Provence, [email protected]

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VÉRONIQUE DUPLAN

ESEP – UMR 6636 – Aix-en-Provence

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Las hoces neolíticas del noreste de la península ibérica

Juan Francisco Gibaja Bao

Querría dar las gracias a Juan José Ibáñez, Jesús Emilio González, Lydia Zapata y Leonor Peña- Chocarro por haber podido participar en su proyecto etnoarqueológico sobre Las primeras sociedades productoras. El aporte de la etnografía en Marruecos. La traducción del resumen abreviado al francés ha sido realizada gracias a la amabilidad del profesor Benzelin Martial.

Introducción

1 Los útiles líticos usados como hoces siempre han recibido una atención especial en la literatura arqueológica. La observación de lustres intensos registrados a simple vista permitieron a mediados de los años 50’ hacer las primeras apreciaciones sobre cómo debieron ser las hoces empleadas por las sociedades pretéritas (Monteagudo 1956).

2 Esos lustres tuvieron y siguen teniendo una importancia sustantiva ya que repercuten de manera significativa en la interpretación socio-económica de las comunidades estudiadas. En la Península Ibérica la ausencia o la presencia de este tipo de útiles con «presuntos» lustres de cereal es aún uno de los criterios habitualmente utilizados para negar o afirmar la práctica de la agricultura por parte de las sociedades neolíticas analizadas: Por otro lado, en contexto estratigráfico de algunos de los supuestos niveles neolíticos más antiguos faltan por completo las evidencias de utillaje ligado a la actividad agrícola, como los elementos de hoz (González Morales 1996).

3 Aunque dicha vinculación entre piezas lustradas y agricultura es empleada de manera recurrente, no ha sido denunciada y puesta en duda hasta hace bien poco (Zapata et al. 1997). Y es que no sólo hay métodos de recogida del cereal que difícilmente pueden dejar testimonio material en el registro arqueológico, caso del arrancado del tallo o de las espigas con las manos o con instrumentos de madera como las mesorias (Ibáñez et al. 2001), sino que además hay otras materias como la piel con ocre o la arcilla que pueden generar lustres intensos similares, a simple vista, al que se desarrolla por el corte de cereales (Anderson et al. 1998). En este mismo sentido, tampoco debemos olvidar los

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errores de apreciación que ciertas alteraciones como los lustres de suelo o térmico pueden llegar a provocar.

4 Precisamente, el trabajo que presentamos versa sobre el estudio de las hoces líticas neolíticas del noreste de la Península Ibérica. El análisis funcional realizado sobre el utillaje lítico de diversos yacimientos nos ha permitido conocer qué tipos de instrumentos se seleccionaban para el corte de cereales, cómo eran morfológicamente y cómo eran enmangados tales útiles. Asimismo, las características de las huellas observadas nos han facilitado saber a qué altura era segado el cereal.

5 Los instrumentos estudiados pertenecen a diversos yacimientos neolíticos catalanes. Cronológicamente fechados entre el VI y principios del IV milenio cal BC, se sitúan entre el neolítico antiguo cardial y el neolítico medio en Cataluña (fig.1). Del neolítico antiguo cardial-epicardial (5800-4900 cal BC) hemos analizado útiles del asentamiento lacustre de la Draga (Girona) y de los niveles C5 y C6 de la Cova del Frare (Barcelona). Del neolítico antiguo postcardial (4900-3800 cal BC) hemos estudiado piezas de la necrópolis de Sant Pau del Camp (Barcelona). Finalmente del neolítico medio (3800-3200 cal BC) hemos trabajado con instrumentos hallados en la necrópolis y en las fosas de desecho de la Bòbila Madurell (Barcelona), así como sobre el utillaje de las sepulturas del Camí de Can Grau (Barcelona), del asentamiento de Ca n’Isach (Girona) y de las minas 5 y 16 de Can Tintorer-Gavà (Barcelona) (Martín et al. 1985 ; Granados et al. 1991 ; Bordas et al. 1993 ; Bosch & Estrada 1994 ; Tarrús et al. 1996 ; Martí et al. 1997 ; Bosch et al. 2000).

Fig. 1

Localización de los yacimientos en los que hemos analizado hoces líticas: 1. Minas de Can Tintorer- Gavà, 2. Sant Pau del Camp, 3. Bòbila Madurell, 4. Camí de Can Grau, 5. Cova del Frare, 6. La Draga y 7. Ca n'Isach.

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6 En algunos de estos yacimientos afortunadamente tenemos información sobre las plantas cultivadas y explotadas, ya que se han realizado estudios carpológicos. En este sentido, de los análisis efectuados se desprende que desde el VI al IV milenio los grupos consumían especialmente el trigo desnudo (Triticum aestivum/durum) y la cebada vestida (Hordeum vulgare L.). En cambio, los trigos vestidos (Triticum monococcum y Triticum dicoccum) y la cebada desnuda (Hordeum vulgare var. nudum) tenían un papel minoritario.

7 Asimismo, también se consumían leguminosas como las habas (Vicia faba L.) y se recolectaban frutos, semillas y raíces de vegetales salvajes como la labrusca (Vitis vinifera var. Sylvestris), la bellota (Quercus sp.), la avellana (Corylus avellana L.), las moras (Rubus fruticosus agg.), etc. (Agustí et al. 1987 ; Bosch et al. 1997 ; Buxó 1997, 2000 ; Blasco et al. 1999).

Las hoces neolíticas. Estudio funcional del utillaje lítico

El protocolo experimental

8 El protocolo experimental realizado como marco comparativo con el que abordar el análisis del utillaje lítico arqueológico, ha tenido como objetivo reproducir las huellas de uso que se generan al trabajar distintos vegetales no leñosos que, por la información carpológica, sabemos que fueron segados en el pasado (Gibaja 2002). Así hemos recogido tanto cereales domésticos (trigo -Triticum aestivum/durum- y cebada -Hordeum sp.), como otro tipo de plantas silvestres (juncos -Scirpus sp- y avena silvestre -Avena sp.).

9 De la misma manera, hemos experimentado cortando el cereal a diversa altura: hemos segado por debajo de la espiga, por la mitad del tallo y muy cerca del suelo. Con ello, hemos tenido el referente experimental con el que poder inferir desde el análisis de las huellas de uso a qué altura segaban el cereal las sociedades que vivieron durante el neolítico.

10 En nuestros experimentos hemos empleado diferentes tipos de sílex de grano fino (Barrika, La Muela y el río Don) y de grano grueso (Sant Quintín de Mediona). Tallados por percusión y presión, se han obtenido lascas y láminas no retocadas que se han utilizado con la mano o a través de su inserción en mangos de madera y asta. Para enmangarlas hemos empleado pez o un compuesto formado por resina, cera de abeja y ocre. La disposición de los artefactos siempre ha sido paralela al mango, ya que los rastros observados en el material arqueológico así lo indicaban.

11 Entre los diferentes experimentos que hemos realizado en campos cultivados de distintas comunidades españolas (Cataluña, Aragón y Galicia), queremos destacar el llevado a cabo junto a Josep Bosch en los terrenos cercanos a las minas de Can Tintorer (Gavà, Barcelona). Y es que las diversas tareas que hemos efectuado aquí se han dirigido a reproducir lo más fielmente posible las condiciones que pudieron darse en el neolítico en relación al cultivo del cereal. En un campo de unos 100m2 se ha plantado cebada haciendo pequeños agujeros mediante un palo cavador en el que se han depositado unas pocas semillas. Esta forma de cultivo ha supuesto, por un lado, el crecimiento agrupado de varios tallos, y por otro, una separación de tales agrupaciones de acuerdo con la distancia en la que se han dejado dichas semillas. La siega se ha efectuado con

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una hoz cuya lámina estaba insertada paralela a un mango de madera y con una lámina cogida a mano desnuda.

12 La primera apreciación que hemos obtenido es que la siega con la hoz recta es mucho más efectiva que asiendo la lámina con la mano. Además, hemos comprobado que durante el neolítico pequeños campos como el que nosotros hemos trabajado podían haberse segado rápidamente.

13 Otro proceso de trabajo sobre el que hemos experimentado ha sido el corte de los tallos de cereal sobre el suelo (Clemente & Gibaja 1998 ; Gibaja 2002). Teniendo como referente unos determinados tipos de huellas que hemos registrado en útiles arqueológicos (micropulido de cereal asociado con intensas abrasiones, abundantes estrías y un redondeamiento muy acusado del filo acompañado de numerosas melladuras), hemos decidido poner en el suelo los tallos y con láminas de sílex separar la espiga de la paja y cortar los propios tallos en unas medidas determinadas. El proceso llevado a cabo lo hemos efectuado de la siguiente manera: hemos cogido aproximadamente unos 15 tallos, los hemos puesto sobre el suelo y los hemos cortado por seis o siete lugares diferentes. Con ello lo que hemos conseguido es alargar un proceso que habría sido más rápido si sólo hubiéramos cortado la espiga y/o la raíz.

14 Aunque el instrumento lítico ha entrado en contacto con una materia tan abrasiva como la tierra, se trata de un proceso muy efectivo. Así, la cuarta parte de la producción la hemos cortado en aproximadamente una hora. Ello supone que si hubiéramos cortado sólo las espigas/raíces el tiempo invertido se habría reducido considerablemente. Por otra parte, los filos de los instrumentos no han dejado de ser operativos, puesto que no se han redondeado demasiado. De hecho, continuos reavivados podrían haber alargado, paulatinamente, mucho más la vida de tales útiles. En definitiva, hemos reproducido las huellas observadas en determinados útiles arqueológicos y hemos observado qué grado de efectividad tenían tales instrumentos a la hora de extraer la espiga u obtener unos tallos sin raíces y/o con una longitud concreta.

Análisis de los instrumentos arqueológicos

15 En los yacimientos estudiados el porcentaje de piezas usadas sobre plantas no leñosas es muy variable. En este sentido, entre los yacimientos del neolítico antiguo, Sant Pau del Camp y la Draga presentan porcentajes bastantes similares de entre el 24-30% de las piezas utilizadas. Se trata de comunidades cuya economía estaba basada en la agricultura y la ganadería, y complementada con el aprovechamiento de recursos salvajes provenientes de la caza y la recolección de alimentos vegetales y/o marinos (Granados et al. 1991 ; Bosch et al. 2000). Por su parte, la Cova del Frare muestra valores porcentuales muy diferentes entre los niveles C5 y C6. Si bien en el nivel C5 la escasez de piezas utilizadas para cortar plantas puede quizás asociarse a la funcionalidad del asentamiento como lugar dedicado preferentemente a la explotación ganadera; en el nivel C6, aún teniendo en cuenta la poca cantidad de efectivos analizados, debemos preguntarnos sobre el porqué en este contexto de la presencia tan relevante de ocho (44,4%) láminas de sílex con huellas de corte de vegetales no leñosos: ¿son instrumentos usados para cortar plantas silvestres alrededor del asentamiento? ¿son útiles representativos de una ocupación dual interrelacionada, en tanto que son empleados inicialmente en otras zonas para cortar cereales y trasladados más tarde a la

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cueva junto con los distintos objetos que llevaban sus pobladores? ¿son piezas utilizadas por otros grupos y posteriormente, aún estando usadas, intercambiadas con la población de la Cova del Frare?…(Martín et al. 1985 ; Martín & Tarrús 1994) (Tabla 1).

Tabla 1

Se especifica para cada yacimiento estudiado: el número de piezas analizadas y efectivos usados, así como la cantidad y porcentaje de instrumentos con huellas de plantas no leñosas.

16 En cuanto a los sitios del neolítico medio, los yacimientos de la Bòbila Madurell y Ca n’Isach muestran un porcentaje muy alto de útiles usados para cortar plantas no leñosas. Se trata de lugares asentados en o cerca de llanuras, con fuentes de agua próximas, que pudieron constituir en el pasado parajes idóneos para las prácticas agrícolas. Por su parte, en la necrópolis del Camí de Can Grau la cantidad de piezas con huellas de corte de vegetales es menor por el peso que también tienen los instrumentos destinados a otras actividades como la ganadería y la caza (Gibaja 2002).

17 Finalmente, en las minas de Can Tintorer la escasez de piezas con huellas de plantas no leñosas se puede deber a diversas razones: 1) la actividad preferentemente llevada a cabo por la población era la explotación de las minas y secundariamente los trabajos dedicados a la agricultura, la ganadería y la recolección (Bosch & Estrada 1994); y 2) las piezas analizadas pertenecen al relleno de las minas, con lo cual es muy posible que no sean representativas del utillaje lítico global tallado empleado por dicha comunidad (Tabla 2).

Tabla 2

Morfología de los soportes empleados para trabajar plantas no leñosas.

18 Los soportes empleados sobre plantas no leñosas son tanto láminas como lascas. No obstante, las láminas, estén o no retocadas, están más presentes en las sepulturas que en los asentamientos o en las estructuras de almacenamiento/desecho. Así por ejemplo,

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mientras en la necrópolis de Sant Pau del Camp la presencia de lascas es prácticamente testimonial, en la Bòbila Madurell y en el Camí de Can Grau son inexistentes. Por su parte, son en los sitios del neolítico antiguo como la Cova del Frare (nivel C5) o la Draga donde hay un mayor número de lascas empleadas para cortar plantas no leñosas. En cambio, en los yacimientos del neolítico medio sobresalen habitualmente las láminas elaboradas a partir de sílex de grano fino de muy buena calidad (sílex melado) (Tabla 1).

19 La mayoría de los instrumentos líticos arqueológicos que sirvieron para segar, fueron enmangados de forma paralela al mango. Así lo demuestra el micropulido de cereal distribuido de manera homogénea a lo largo de todo el filo y en ambas caras de las piezas (fig. 2, 4). En alguna ocasión, sin embargo, el micropulido de una de las caras es más invasivo hacia el interior de la pieza. Ello lo atribuimos al ángulo de trabajo que se empleó durante la siega o al espacio que ocupaba el mastique en la cara dorsal y ventral (Anderson 1991 ; Calani 1996 ; Yamada 2000).

Fig. 2

Hoces analizadas de distintos yacimientos: 1-4 La Draga, 5. Cova del Frare, 6-7. Asentamiento de Ca N'Isach, 8. Necrópolis de Camí de Can Grau, 9-11. Necrópolis de la Bòbila Madurell. Por la distribución del micropulido (trama en gris) se infieren enmangamientos paralelos a los mangos (2, 3, 5, 8, 9, 10, 11), en diagonal por la parte medial (1) y ligeramente oblicuos (4, 6, 7).

20 Esta misma posición en paralelo también se ha registrado en hoces arqueológicas en las que se ha conservado todo o parte de los mangos: Burgäschisse Nord (Suiza), Chopan Tepe (Rusia), La Polada (Italia), Mehrgarh (Pakistán), Fayoum (Egipto), La Motte aux Magnins (Francia), Auvernier-Port (Suiza), Egolzwill V (Suiza), Mugharet el-Kebarah (Israel) o algunas de la cultura de Cortaillod (Suiza) (Korobkova 1978 ; Egloff 1987 ; Stordeur 1987 ; Petrequin & Petrequin 1988 ; Schlichtherle 1992) (fig. 3).

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21 Asimismo, desde el análisis funcional, otros investigadores también han registrado piezas con esta misma distribución del micropulido en los yacimientos de: Dimini, Sesklo y Franchthi Cave (Grecia), Arjoune y Tell Halula (Siria), Hayonim Terrace (Israel), Sammardenchia (Italia), Grotte de l´Eglise (Francia), la cueva de los Murciélagos (España) o Khirokitia (Chipre) (Moundrea-Agrafioti 1983 ; Perlès & Vaughan 1983 ; Unger-Hamilton 1988 ; Anderson & Valla 1996 ; Calani 1996 ; Gassin 1996 ; Ibáñez & González 1996 ; Astruc 2000 ; González & Ibáñez 2001).

Fig. 3

Hoces arqueológicas: 1. Auvernier-Port, 2. Burgäschisse-Nord, 3. Egolzwill III, 4. Egolzwill III, 5. Fayum, 6. Mugharet el-Kebarah, 7. Egolzwill II, 8. Polada y 9. Cueva de los Murciélagos de Abuñol (Schlichtherle 1992).

22 Como hemos dicho anteriormente, en los yacimientos catalanes sobresale el uso de láminas de sílex (Gibaja 2002). Aunque algunas de estas láminas se han usado enteras, lo normal ha sido encontrar láminas a las que se les ha eliminado por flexión o retoque aquellas partes (distal y/o proximal) que por su curvatura o espesor rompen con la regularidad rectilínea del filo. Si bien muchas de estas hoces rectas han estado confeccionadas con una sola lámina de una longitud considerable (superior a los 50-60 mm.), también pudieron usarse varios fragmentos de láminas alineadas (fig. 4).

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Fig. 4

Hoces neolíticas con huellas de corte de cereal en varios de los yacimientos estudiados. Fotos a 100X.

23 En nuestra opinión, esta predilección por los soportes laminares debe estar relacionada con su efectividad y versatilidad, así como por su facilidad de enmangamiento. Por nuestra experimentación sabemos que si deseamos cortar rápidamente varios tallos a la vez, este tipo de láminas con filos largos y agudos son enormemente productivas. Y es que de hecho los filos agudos sin retocar son, inicialmente, mucho más efectivos que los retocados (Van Gijn 1988 ; Molist et al. 2001).

24 Tales láminas serían fáciles de enmangar y cambiar por otras cuando aquellas habían perdido su efectividad. Un intercambio que debía ser muy sencillo, ya que se trata de soportes con perfiles a menudo rectos y con anchuras y espesores similares. Ello permitiría, en definitiva, utilizar los dos filos laterales y no modificar la ranura de los mangos con cada nueva lámina que se insertaba. La conservación de los mangos pasaría necesariamente por no modificar continuamente dicha ranura, ya que de lo contrario ésta acabaría siendo muy ancha, irregular y poco efectiva. Ello explicaría la fracturación intencionada de la curvatura distal y/o la parte proximal de las láminas.

25 Precisamente, muchas de las láminas analizadas con huellas de cereales muestran ambos filos usados. La utilización de los dos filos ha sido registrada también en Franchthi Cave, Dimini, Sesklo, Darion, la Grotte de l´Eglise o la Cueva de los Murciélagos de Zuheros (Moundrea-Agrafioti 1983 ; Perlès & Vaughan 1983 ; Caspar 1988 ; Gassin 1996 ; Ibáñez & González 1996).

26 Por otra parte, se ha observado igualmente que los filos de algunas de estas hoces líticas habían sido reavivados para salvar el redondeamiento y el mellamiento que se había producido después del continuo corte de cereales. A veces no sólo el reavivado se ha efectuado en los dos filos, sino que se ha realizado en sucesivas ocasiones sobre el

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mismo filo. Hemos llegado a tal determinación gracias a la presencia y el grado de desarrollo del micropulido en todo el filo y en especial en el interior del retoque generado por el reavivado. En definitiva, lo que se conseguía con el uso de los dos filos y el reafilado de los mismos era alargar la vida de la hoz.

27 En el asentamiento de la Draga, aparte de las piezas enmangadas en paralelo, también hemos constatado la presencia de otros tipos de hoces. Por un lado, hemos registrado láminas de sílex que estuvieron insertadas diagonalmente en los mangos de madera sólo por su parte distal o proximal (fig. 2.1, 4.5). Si bien la distribución del micropulido de algunas piezas nos daba una idea de qué morfología podían tener dichas hoces, la excepcional conservación de la madera en este yacimiento ha permitido poner al descubierto una de estas hoces.

28 Morfológicamente se trata de una hoz cuyo mango cilíndrico está elaborado sobre madera de saúco (Sambucus sp.) que termina en una protuberancia (fig. 5). A 11 cm. del extremo inferior de este mango, hay insertada en diagonal una lámina de sílex, de la cual se conserva solamente su parte proximal. Dicha lámina se encuentra, según J. Juan, enmangada mediante resina de pino (Pinus silvestris). En el lado anverso al lugar donde está insertada la lámina, hay una profunda ranura longitudinal. Finalmente, cabe destacar que de la zona distal del mango sale una rama curvada de unos 12 cm. de longitud.

Fig. 5

Hoz encontrada en el asentamiento de La Draga. Lámina fracturada insertada en diagonal al mango (Foto ofrecida por X. Nieto).

29 El análisis funcional efectuado sobre dicha lámina nos ha permitido confirmar que, efectivamente, estamos ante una hoz (Gibaja 2000 ; Gibaja et al. en prensa). Hemos observado un micropulido muy brillante, de trama compacta y aspecto liso que se

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extiende unos 4 mm. hacia el interior de la lámina. Asimismo, hemos registrado algunas estrías profundas y estrechas, situadas tanto paralelas al filo como en diagonal a éste, y algunas melladuras de pequeño tamaño. El otro filo de la lámina no ha podido analizarse porque estaba cubierto por el material que había sido empleado para conservar la madera.

30 Pensamos que la rama curvada situada en la zona distal facilitaría recoger los tallos que después iban a ser cortados con la lámina. El movimiento de muñeca (90º) necesario para efectuar ese doble trabajo (recoger y cortar), conllevaría que al cortar los tallos dicha rama curvada o la lámina (según si el sujeto era diestro o zurdo) estuviese en dirección al suelo. Este hecho supondría necesariamente que el corte no habría sido a ras de suelo, lo que explicaría porqué no hay muchas estrías en el interior del micropulido de cereales observado en el filo de tal lámina.

31 Comparativamente a otras hoces arqueológicas conservadas, estaríamos ante una morfología relativamente distinta. Aunque algunas de las hoces halladas en Egolzwill III tienen también la lámina insertada diagonalmente, el mango acaba de forma apuntada y no curvada. Asimismo, en las hoces de la Polada y de Egolzwill II la parte distal de los mangos sí presentan una rama curvada en el extremo distal, pero las láminas no están insertadas diagonalmente a los mangos sino paralelas a éstos (fig. 3.4, 7, 8).

32 Por otro lado, y de manera testimonial, también hemos registrado en los yacimientos de la Draga y Ca n’Isach unos pocos útiles que podían haber estado enmangados ligeramente en diagonal en forma de espiga. Así lo indica la distribución oblicua que ocupa el micropulido en la pieza (fig. 2.4, 6, 7). Con todo, dicha distribución no nos permite saber si tales piezas se insertaron en mangos rectos o curvos.

33 Por último, en la última campaña de excavación de la Draga ha aparecido un nuevo posible mango de hoz, diferente de los que hasta ahora conocíamos. Se trata de un mango de 27 cm., que forma un ángulo de 90º y que no tiene insertada ninguna pieza lítica (Bosch et al. 2002).

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Fig. 6

Lámina de la sepultura G12 de la necrópolis de la Bòbila Madurell (200X). Zona distal muy abrasionada producto posiblemente del contacto del útil con la tierra al usarlo cerca del suelo (200X).

La morfología de las hoces en su contexto cronológico y geográfico

34 Como hemos visto, el análisis traceológico nos ha demostrado que en estos yacimientos catalanes las lascas y las láminas usadas como hoces se enmangaron preferentemente de forma paralela a los mangos. No obstante en yacimientos como la Draga o Ca n’Isach hemos encontrado también piezas que pertenecían a hoces de distinta morfología, ya que estuvieron enmangadas en diagonal al mango.

35 En nuestra opinión, es posible que esta diversidad morfológica esté relacionada con el tipo de vegetal que se corta o con el lugar por donde se siega el cereal. Tal vez ciertas hoces como las enmangadas oblicuamente en la Draga facilitarían una siega muy rápida por la forma curva que tiene el mango de madera, pero en cambio no permitirían un corte cerca del suelo si la finalidad era recoger y aprovechar los tallos enteros (ver infra). Para recoger el cereal a ras de suelo habrían sido mucho más efectivas las hoces rectas, pues se podía utilizar incluso todo el filo activo de la lámina enmangada.

36 A este respecto, N.N. Skakun (1992), a partir del estudio de materiales calcolíticos de Bulgaria, apunta que, efectivamente, las hoces usadas para cortar hierba y las empleadas para segar cereales debieron ser diferentes. En esta línea, la etnografía nos ofrece también ejemplos en los que para determinadas plantas o actividades se utilizan diversos tipos de instrumentos. Este es el caso de los Senofos de Nueva Guinea que usan hoces o útiles cortantes de distinta forma y tamaño según si van a destinarse a la siega,

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al escardado de los campos o al corte y preparación de ciertas plantas como el algodón (Holas 1957).

37 Sin embargo, frente a esta propuesta funcional debemos considerar también otras hipótesis relacionadas con la cronología de los yacimientos y el contexto geográfico en el que se encuentran. En este sentido, es significativo que las láminas insertadas oblicuamente por las zonas distales o proximales únicamente hayan aparecido en el asentamiento neolítico de la Draga. Ello nos parece relevante, por un lado, porque se trata de hoces que no sólo no tienen una continuidad en periodos posteriores, sino que hasta el momento sólo se circunscriben a este yacimiento si tenemos en cuenta los estudios traceológicos realizados en la Península Ibérica y en el sur de Francia. Por otro lado, en Suiza curiosamente este tipo de hoces, como las de Egolzwil III, son cronológicamente anteriores a las que tienen láminas enmangadas en paralelo de contextos como Pfyn, Cortaillod o Horgen (Petrequin & Petrequin 1988 ; Gassin 1996).

38 En definitiva, es probable que a lo largo del neolítico este tipo de hoces de la Draga se dejen de hacer, siendo substituidas por hoces con piezas líticas insertadas en mangos rectos. A este respecto quizás son hoces cuya morfología es representativa de los momentos iniciales del neolítico antiguo del noreste de la Península Ibérica.

39 Dentro de este mismo razonamiento, nos parece interesante el hecho de que las hoces con lascas o láminas enmangadas de forma paralela a los mangos se registren habitualmente en yacimientos del noreste peninsular y del sudeste francés como la Grotte de l’Eglise (Gassin 1996). En cambio, las insertadas en diagonal son comunes de asentamientos de la zona levantina como la Cova de l’Or o la Cova de Sarsa, y del sur de la Península como la Cueva de los Murciélagos de Abuñol, la Cueva de los Murciélagos de Zuheros o la Cueva del Toro (Vayson 1918-1919 ; Juan Cabanilles 1984 ; Ibáñez & González 1996 ; Rodríguez et al. 1996) (fig. 3. 8).

40 Aunque estos datos deben confirmarse con un mayor número de yacimientos estudiados, parece desprenderse que en la Península Ibérica y el Sur de Francia hay comunidades neolíticas contemporáneas que emplean hoces de morfología diferente, en base a los distintos conocimientos técnicos que han sido transmitidos de generación en generación. Una propuesta similar ha sido planteada por H. Schlichtherle (1992) para el neolítico de Suiza y del sudeste de Alemania cuando asocia ciertos grupos culturales con diferentes tipos de hoces.

41 A este respecto, en el futuro el estudio de hoces pertenecientes a sitios del neolítico final-calcolítico nos permitirá observar si hay cambios significativos en las formas de enmangamiento o en el tipo de útiles empleados para segar. Si bien, en la actualidad en el noreste de la Península Ibérica tenemos muy poca información al respecto, podemos avanzar que en ciertas sepulturas probablemente calcolíticas como la Vinya del Rei o Fontanilles hemos registrado el uso de grandes láminas (135-195 mm.) de sílex de origen foráneo empleadas para segar. Láminas en las que a veces se han empleado los dos laterales y en las que el micropulido de cereales está paralelo al filo.

El aprovechamiento de los tallos. El corte bajo de los cereales

42 El corte de los tallos de cereal cerca del suelo suele estar relacionado con el posterior aprovechamiento de los mismos. Etnográficamente sabemos que las comunidades no

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sólo obtienen y consumen las semillas, sino también utilizan los tallos para múltiples fines. Así, aparte de los tallos enteros usados, como hemos dicho, para techar las casas o hacer cestos, cuerdas y vestimentas, también se pueden emplear, entre otros, como alimento para el ganado, para elaborar combustible, abono, desgrasante para la confección de la cerámica, etc. Tal es la importancia de los tallos, que hay sociedades actuales que cultivan ciertos tipos de cereales con el objetivo prioritario de utilizarlos. Así, por ejemplo, en las montañas del oeste del Rif, en Marruecos, ciertos grupos aún cultivan la escaña (Triticum monococum), principalmente para emplear los tallos en el techado de las casas. El grano es dado a los animales o consumido por las personas en aquellos años de malas cosechas en los que otros tipos de trigos o cebadas no llegan a cubrir las necesidades alimenticias anuales (Ibáñez et al. 2001).

43 En el estudio funcional realizado, hemos observado que muchas de estas piezas líticas usadas como hoces se emplearon para cortar los tallos cerca del suelo. Así lo atestiguan las abundantes estrías y picoteos que se aprecian en los micropulidos. Sin embargo, la cantidad, la distribución y la dirección de tales estrías no siempre es la misma. Estos tres criterios nos han permitido proponer determinadas acciones relacionadas con el lugar por dónde es segado el cereal:

44 1) La presencia en ciertos útiles de escasas estrías situadas paralelas a lo largo de todo el filo, nos hace pensar que en ocasiones el corte no fue muy cercano al suelo y que la hoz durante dicho trabajo estaba igualmente paralela al terreno.

45 2) En otros casos, hemos registrado láminas prácticamente enteras en cuya parte proximal y medial hay micropulido atribuible a la siega de cereales y en la parte distal un fuerte redondeamiento del filo, acompañado de un micropulido de trama semicerrada por el efecto de las abundantes estrías y abrasiones que ha sufrido esa zona (fig. 6). En nuestra opinión, esta combinación de rastros no ha sido el resultado de dos trabajos diferentes, sino de un único proceso: el corte muy bajo de los tallos (Gibaja 2002). La abrasión de la parte distal ha sido consecuencia del continuo contacto que esta zona ha tenido con el suelo. En Marruecos, precisamente, se ha observado que los agricultores llegan incluso a introducir ligeramente la hoz en la tierra para poder conseguir la máxima longitud de los tallos (Ibáñez et al. 2001). Son hoces de metal curvadas cuya punta es redondeada por el herrero, es decir sin afilar, ya que durante la siega es una zona que igualmente va a embotarse y romperse por el continuado contacto con la tierra y las piedras.

46 3) Por último, también nos hemos encontrado con piezas en las que la asociación del micropulido de cereales y el fuerte redondeamiento y la intensa abrasión del filo no sólo se localiza en las zonas distales de las láminas, sino que se extiende a lo largo de todo el filo (fig. 7). Nuestra experimentación nos ha demostrado que este tipo de huellas pudo haberse producido también como consecuencia del corte de cereal y el contacto con el suelo (Clemente & Gibaja 1998). Las hipótesis que proponemos son que estas hoces pudieron servir: a) para cortar sobre el suelo los tallos en unas medidas determinadas; b) para separar la espiga y/o las raíces de dichos tallos; o c) para segar el cereal a ras de suelo, lo que permitiría aprovechar la máxima longitud de los tallos.

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Fig. 7

Huellas generadas por el corte de cereales y el contacto con una materia muy abrasiva como es la tierra. Lámina perteneciente a la necrópolis de la Bòbila Madurell (200X).

El uso de las hoces por parte de las comunidades neolíticas

47 Gracias a que parte del utillaje utilizado pertenecía a piezas depositas en sepulturas, intentamos observar si había alguna asociación entre dicho instrumental y el sexo y la edad de los individuos enterrados. Para ello contábamos con los útiles hallados en las necrópolis de Sant Pau del Camp, Bòbila Madurell y Camí de Can Grau (Gibaja 2002).

48 Los resultados de los distintos tests estadísticos aplicados (coeficiente de asociación de Jaccard y Q de Yule, tabla de porcentajes del Lien, análisis factorial de correspondencias y análisis factorial de correspondencias binarias) nos han permitido determinar que si bien en Sant Pau del Camp los útiles empleados sobre plantas no leñosas parecen asociarse muy ligeramente con los masculinos, en el Camí de Can Grau con los femeninos y en la Bòbila Madurell con ambos sexos, en general se trata de una actividad que no sólo suele estar representada por un número considerable de instrumentos, sino que además tales piezas aparecen asociadas con bastantes personas, sean hombres, mujeres o niños/as.

49 En nuestra opinión esta relación de los instrumentos para trabajar plantas con buena parte de la población, puede estar vinculada con la importancia que la agricultura podía tener en estos grupos y con las condiciones climáticas de la zona. A este respecto el clima mediterráneo de las comarcas del litoral y el prelitoral de Catalunya, debía obligar a las poblaciones del neolítico a recoger el cereal en un corto período de tiempo, pues de lo contrario éste habría madurado demasiado, se habría caído al suelo y se habría perdido. Para evitarlo, debía ser necesario que la duración de la siega no se alargara demasiado, por lo que tendría que ser imprescindible la participación de un número importante de personas.

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50 Desde la etnografía, sabemos que en aquellas circunstancias en las que el trabajo a realizar requiere de mucha participación, caso precisamente de algunos grupos con una producción cerealística importante, todos los integrantes de la comunidad intervienen en ellos, independientemente de su sexo y de su edad (White et al. 1981).

51 En estas necrópolis, en cambio, otros instrumentos y las actividades que se infieren de su uso están preferentemente asociados con un sexo y/o edad concreta. En este sentido, por ejemplo, uno de los elementos más estrechamente relacionados con los hombres, y en ocasiones con los infantiles, son las puntas y los microlitos empleados como proyectiles. Ello es consecuencia de su presencia en una buena parte de las tumbas masculinas y de su ausencia generaliza en las femeninas.

52 Asimismo, mientras las piezas utilizadas sobre piel tienden a estar ligeramente vinculadas con el grupo de las mujeres o con los infantiles, las empleadas para descarnar o trabajar la madera lo están con el de los hombres (Gibaja 2002).

Conclusiones

53 En este trabajo hemos presentado algunas de las hoces que las comunidades neolíticas del noreste de la península empleaban para segar. Si bien en la mayoría de los yacimientos analizados sobresalen las hoces con láminas o lascas insertadas paralelas a los mangos, en ocasiones puntuales también se han registrado hoces cuyas piezas líticas debieron enmagarse en diagonal, ya sea a través de una gran lámina o por medio de pequeños útiles líticos situados linealmente en forma de espiga.

54 Asimismo, cuando la siega del cereal se ha realizado a ras de suelo con la finalidad de recoger y aprovechar al máximo la longitud de los tallos, tanto que incluso el filo de la lámina o la lasca entra en contacto con éste, se han seleccionado por ser más efectivas las hoces de mangos rectos o ligeramente curvos. En cambio, las que poseen láminas enmangadas en diagonal, como es el caso de algunas de la Draga, difícilmente pueden usarse para cortar el cereal tan bajo.

55 El uso de hoces de morfología diferente en yacimientos como la Draga creemos que puede estar condicionado por el uso que se va a hacer de ellas (tipo de cereal, técnicas de recogida, etc.), y por los conocimientos adquiridos por esta población reflejados en la forma de hacer las hoces. Desde esta misma perspectiva, en un futuro próximo, sería sugerente observar si en la Península Ibérica la predilección por el uso de hoces de morfología diferente se corresponde con comunidades asentadas en determinadas zonas. Es decir, sería interesante confirmar con el análisis de nuevos yacimientos si en el noreste de la península se emplean básicamente hoces con piezas líticas enmangadas en paralelo, y en el levante y Andalucía hoces rectas o curvas con piezas insertadas oblicuamente.

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RESÚMENES

El presente trabajo tiene por objetivo caracterizar las hoces líticas halladas en diversos yacimientos neolíticos (VI-IV milenio cal BC) del noreste de la Península Ibérica. Partiendo de los resultados obtenidos por el estudio traceológico hemos podido determinar : 1) qué tipos de soportes y materias primas se seleccionaron para segar; 2) cómo se enmangaron tales soportes y cómo pudieron ser las hoces en base a la distribución del micropulido en los filos; y 3) por dónde se segaba el cereal y su relación con el aprovechamiento de los tallos. Finalmente, el estudio traceológico ha sido la base con la que plantear determinadas cuestiones históricas relacionadas con aspectos técnicos, económicos y sociales. La contextualización de las hoces nos ha permitido conocer qué diferencias morfológicas existen con otras aparecidas en yacimientos neolíticos del este y sur de la Península Ibérica, así como del sudeste francés, qué importancia tienen estas hoces dentro del instrumental lítico global, qué respuestas nos pueden ofrecer con respecto a las actividades económicas realizadas en los asentamientos y qué implicaciones pueden tener en tanto que forman parte del ajuar de sepulturas.

This works aims to characterize the lithic sickles which were discovered in various Neolithic sites (VI-IV millennia cal BC) in the north-eastern Iberian peninsula. If we consider the results of the

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use-wear analysis, we are able to define : 1) which kinds of blanks and raw material were chosen to make the sickles elements, 2) how these elements were fitted to a handle and how were composed the sickles according to the distribution of the micro-wear observed on the edges, 3) where were cut the cereals in relation with a subsequent use of thestems. Finally, the use-wear study allows to document historical questions inrelation with technical, economical and social aspects. When put in their context, the sickles characteristics point to morphological differences vs. similar tools from southern and eastern parts of Neolithic Iberianpeninsula and from south-eastern France. Their study allows to evaluate the place of the sickles in the global took kit and to use them as a clue to the economical status of the sites and to precise their role when they pertain to the funeral deposit.

Les outils lithiques employés comme faucilles ont toujours fait l’objet d’une attention soutenue dans la littérature archéologique. La présence de lustres macroscopiques a eu et a encore aujourd’hui une importance très significative en raison de leur influence pour l’interprétation socio-économique des communautés étudiées. Ainsi, dans la Péninsule Ibérique, l’absence ou la présence de ce type d’outils aux lustres supposés de céréales est encore l’un des critères utilisés pour infirmer ou affirmer la pratique de l’agriculture dans les sociétés néolithiques. Le travail que nous présentons s’attache à l’étude des faucilles lithiques néolithiques du nord- ouest de la Péninsule Ibérique. L’analyse fonctionnelle réalisée sur l’outillage lithique de divers chantiers a permis de déterminer le type d’instruments sélectionnés pour la coupe des céréales ainsi que leur emmanchement. De même, les caractéristiques des traces ont permis de connaître la hauteur de coupe des céréales. Les instruments étudiés appartiennent à divers chantiers néolithiques catalans entre le VIe et le début du IVe millénaire avant J.-C. (la Draga, Cova del Frare, Sant Pau del Camp, Bòbila Madurell, Camí de Can Grau, Ca n’Isach et Can Tintorer-Gavà). L’étude tracéologique a démontré que la majorité de ces faucilles lithiques, les éclats et surtout les lames, étaient emmanchés parallèlement au manche. De telles lames auraient ainsi été faciles à emmancher et à changer, puisqu’il s’agit là de supports aux profils le plus souvent droits et aux épaisseurs et largeurs identiques. Nombre de ces lames analysées avec des traces de céréales présentent précisément une usure des deux tranchants. D’autre part, il a été noté également que les tranchants de certaines de ces faucilles lithiques avaient été ravivés pour sauvegarder l’arrondi et l’ébrèchement consécutifs au travail continu de la coupe des céréales. Même si dans la majorité des gisements analysés on trouve surtout des faucilles avec des lames ou des éclats insérés parallèlement aux manches, on a pu à certaines occasions enregistrer la présence de faucilles dont les pièces lithiques devaient s’emmancher en diagonale, soit au moyen d’une grande lame, soit au moyen de petits outils lithiques alignés en forme d’épi. De la même manière, nous avons pu constater que nombre de ces pièces lithiques étaient employées pour couper les tiges près du sol ; ce qui est souvent mis en relation, ainsi que l’enseigne l’ethnographie, avec de possibles utilisations ultérieures à des fins multiples.

AUTOR

JUAN FRANCISCO GIBAJA BAO

Museu d´Arqueologia de Catalunya, Paseo Santa Madrona, 39-41 Parc de Montjuïc, 08038 Barcelona, España, [email protected]

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Étude technologique des bifaces des niveaux inférieur et moyen de Sidi Zin (Le Kef, Tunisie)

Lotfi Belhouchet

Je remercie Mme Riahi et M. Chenorkian, pour l’intérêt qu’ils portent à cette étude. Je remercie aussi M. Ben Romdhan et M. Ben Younès pour m’avoir permis l’accès aux collections déposées au Musée National de Bardo. Je suis particulièrement reconnaissant à Mlle Ben Dhia, Mlle Kouzana et Mlle Farhat pour leurs aides et encouragements.

1 Le site de Sidi Zin (fig. 1) appartient géographiquement au haut-tell tunisien (altitude moyenne : 700 m). Cette région se trouve entre les pays de la moyenne Medjerda (au nord), la Dorsale tunisienne (au sud) et le cours de l’Oued Siliana (à l’est) (Cherif 1991). Le gisement de Sidi Zin a été découvert en 1942 par E. Dumon au cours de ses recherches géologiques dans la région du Kef. Ce dernier remarque l’intérêt du site en ce qui concerne la matière première utilisée (un calcaire compact) ainsi que la localisation septentrionale par rapport aux autres sites acheuléens de la Tunisie(Dumon 1942). Les objets lithiques mis au jour pendant les fouilles de E.G. Gobert entre 1946 et 1948 ont fait l’objet de quelques études typologiques(Gobert 1950 ; Boussoffara 1985). Ce sont les bifaces des niveaux inférieur et moyen qui vont faire l’objet de cette étude technologique.

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Figure 1

Localisation du site de Sidi Zin.

2 La stratigraphie du site comprend un niveau inférieur (20 à 30 cm d’épaisseur) constitué par un conglomérat calcaire à ciment argileux. Le conglomérat est formé de galets de rivière, de pierres calcaires émoussées, d’éclats, de bifaces, et d’os. Le niveau moyen (de 50 à 75 cm d’épaisseur) est une roche tendre, sableuse, de couleur grise (essentiellement du sable très fin à moyen : entre 0,063 et 0,5 mm). L’industrie de ce niveau comprend peu de bifaces et de nombreux hachereaux. Le troisième niveau (niveau supérieur) est comparable au niveau inférieur avec de nombreux bifaces, des galets et des déchets osseux qui forment, en coupe, une ligne continue. Les trois niveaux contiennent des industries attribuables à l’Acheuléen final. Ces formations sont surmontées par un dernier niveau de tuf (entre 0,40 et 1 m), d’aspect spongieux, perforé de canalicules et creusé de géodes, riche en grains de quartz dépolis (Gobert 1950, p. 9). L’industrie du tuf sommital est moustérienne dominée par des petits racloirs sur silex local et quartzite. Les études des restes de faune et stratigraphiques montrent que l’occupation humaine du niveau moyen correspond à des conditions climatiques plus humides que celles caractérisant les occupations des autres niveaux (Vaufrey in Gobert 1950). Il importe aussi de noter que E.G. Gobert attribue d’une manière incertaine les quatre formations à l’interstade Riss-Würm.

La matière première

3 Les bifaces des deux niveaux ont été confectionnés sur deux variantes de calcaire planctonique très fin (le calcaire blanc campanien et le calcaire brun aptien) que l’on rencontre dans les environs du site sous forme de galets ou encore en affleurements massifs à une centaine de mètres du site (calcaire massif ou alternances marno- calcaires).

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4 L’étude microscopique de la première variante (le calcaire blanc : MPI) montre une pâte micritique fine avec des organismes biologiques très abondants et très diversifiés. Parmi ces organismes les plus représentés sont les foraminifères dont les tests sont totalement recristallisés (fig. 2a). Le remplissage des tests est de même nature que la pâte micritique.

5 En ce qui concerne le calcaire brun (MPII), le fond micritique présente localement des traces de litage très fin et discontinu. L’analyse microscopique (fig. 2b) révèle la présence de traces de matière organique (zones noires de forme ronde, peu allongées ou bien encore sous forme filamenteuse, probablement des débris de végétaux). L’analyse montre aussi la présence de pyrite (ou marcassite ; FeS2). Les éléments biologiques rencontrés (des foraminifères essentiellement de la famille des Globigerinidae ainsi que des fragments de coquilles de bivalves) sont tous recristallisés (substitution de l’aragonite par la diasparyte). Il importe aussi de noter l’existence au sein de la pâte de quelques fragments anguleux qui sont des éléments détritiques minéraux (du quartz).

6 En résumé, la différence microscopique essentielle entre les deux variantes de matière première est la forte abondance des foraminifères et leur taille plus grande dans le cas du calcaire blanc ainsi qu’une biodiversité remarquable (miliolidae, Globigérinidae, gastéropodes, spicules d’éponges et des tests de lamellibranches). Du point de vue de l’aptitude à la taille l’observation du matériel laisse penser que les deux variantes ne montrent aucune différence majeure.

Figure 2a

Le calcaire blanc (MPI).

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Figure 2b

Le calcaire brun (MPII).

Méthodologie

7 L’objectif majeur de l’approche technologique des pièces bifaciales est l’analyse des systèmes de production lithique à travers la reconstitution des chaînes opératoires (Boëda et al., 1990). L’étude de la chaîne opératoire concerne : • l’étude de la variété des supports utilisés (la matière première ainsi que la nature des supports : blocs naturels, plaquettes, éclats…) ; • l’étude du façonnage des supports : le façonnage bifacial comprend essentiellement deux grandes phases ; la première,l’ébauchage (Inizan et al, 1995) est caractérisée par des enlèvements généralement envahissants qui déterminent la forme générale de la pièce.

8 Selon le type d’enlèvements caractéristiques de cette phase, le résultat morphométrique peut être une surface convexe, plane ou plano-convexe. Par conséquent, six types de combinaisons peuvent théoriquement exister.

9 La deuxième phase (la finition) consiste à régulariser le contour de l’objet par une génération d’enlèvements d’aménagement qui affectent les zones périphériques de la pièce : les bords, le dos et la pointe (Leroi-Gourhan 1964 ; De Heinzelin de Braucourt 1962 ; Brézillon 1968). Ces enlèvements interviennent peu dans la morphologie générale. Ils déterminent le type de section des bords affectés qui seront transformés en zones actives ou zones d’emmanchement/préhension (Boëda et al. 1996 ; Lepot 1993).

10 À la première phase, les bords sont dits “bruts de façonnage”. La section au niveau de ces zones dépend essentiellement de la méthode de façonnage utilisée.

11 Pour les bords qui ont fait l’objet d’une finition nous avons un angle de retouche (Barnes & Kidder 1936) qui varie suivant la nature du bord recherché et son degré d’exhaustion (Leroi-gourhan 1964, p. 15).

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12 Pour notre étude, qui s’inspire des travaux de E. Boëda (1996-2001), J. M. Gouëdo (1999), M. Lepot (1992) et L. Bourguignon (1997), l’outil est considéré comme un système divisible en unités techno-fonctionnelles (UTF). Une UTF se définit comme étant un ensemble d’éléments et/ou de contraintes techniques qui coexistent dans une synergie d’effets (Boëda 1997). La combinaison de ces unités techno-fonctionelles permet d’accéder à la personnalité de l’outil (Pastoors 1998). Les types de section des bords retenus sont : la section biplane (lorsque la retouche se fait par des enlèvements bifaces rasants), les sections plano-convexe et convexo-plane (lorsque l’aménagement, uniface ou biface, donne un aspect mi-arrondi au profil du bord). Selon l’ouverture de l’angle de retouche sept sous-types ont été distingués ; les sous-types I, biplane et III pour un angle peu ouvert et les sous types II, IV, V et VI pour un angle très ouvert (fig. 3).

Figure 3

Les différents types de section des bords. 1 : section plano-convexe (Type I) ; 2 : section plano-convexe (Type II) ; 3 : section biplane ; 4 : section plano-convexe (Type V) ; 5 : section plano-convexe (Type VI) ; 6 : section convexo-plane (Type III) ; 7 : section convexo-plane (Type IV).

Les bifaces du niveau inférieur

13 Conséquence des activités exercées sur le site l’ensemble lithique du niveau inférieur contient un grand nombre de bifaces (67 %), de rares choppers et chopping-tools, de très rares nucléus et un outillage réalisé sur des éclats en silex de petite taille.

Chaîne opératoire

14 Les remarques les plus importantes concernant les trois phases de la chaîne opératoire de fabrication des bifaces sont :

15 Phase 0 : (phase de sélection de la matière première et acquisition des supports) : les supports confectionnés en bifaces sont essentiellement des plaquettes de calcaire ainsi

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que des gros éclats épais générés par débitage au percuteur dur sur blocs de calcaire. Ces supports montrent le plus souvent un talon lisse perpendiculaire à la face inférieure (leur rareté à l’état brut dans la série favorise l’hypothèse d’un débitage hors du site). La matière première utilisée est essentiellement le calcaire blanc (71,4 %) et le calcaire brun (25 %). Il importe aussi de noter l’utilisation du quartzite verdâtre et du silex (deux pièces) présents sur le site sous forme de rognons.

16 Phase I : (phase de transformation des supports : le façonnage) : au cours de cette phase deux schémas opératoires ont été identifiés : • Le premier génère des préformes de section globale plano-convexe (chaîne opératoire A, fig. 4). Dans ce cas le plan d’équilibre bifacial (Texier 1996) ne fait pas partie des éléments morpho-technologiques recherchés par l’artisan. En effet, le façonnage simultané des deux faces est différentiel en fonction du type de surface voulue ; pour la face convexe, les enlèvements assez envahissants sont bilatéralement symétriques ce qui crée une nervure centrale. Pour la deuxième face, les enlèvements souvent laminaires sont très envahissants à partir de l’un des deux bords. La conséquence morphologique de ce façonnage asymétrique est une surface relativement plane. Le plan d’équilibre bilatéral (Texier 1996) est pris en compte dès les premiers stades du façonnage de la face convexe des supports (le façonnage alternant à partir des deux bords est une preuve dans ce sens). Ce plan est ensuite plus ou moins altéré en fonction des unités techno-fonctionnelles mises en place. Il importe aussi de noter que les produits de cette méthode sont de deux types : préformes plano-convexes pointus et préformes plano-convexes ovalaires. La technique de percussion tendre est exclusivement utilisée au cours de la phase de production des préformes. • En ce qui concerne le deuxième schéma opératoire (B, fig. 4), le but serait la production de bifaces de section globale biconvexe. Pour cela les deux plans d’équilibre (bifacial et bilatéral) ont été des éléments-clés au cours du déroulement de l’opération de façonnage. Les enlèvements sur les deux faces sont très symétriques créant ainsi une nervure centrale. Les préformes obtenues à l’issue de cette séquence opératoire sont essentiellement pointues. L’analyse des rares ébauches rencontrées dans la série montre que la technique de percussion à la pierre est utilisée systématiquement lors de la première phase de façonnage des plaquettes de calcaire, probablement pour ouvrir des zones favorables à l’action du percuteur tendre (Texier 1990).

17 Phase II : (La phase de finition : la retouche) : cette phase affecte les trois types de préformes pour donner les types d’outils suivants : 1. le premier type correspond à un racloir simple (type A2 et A4, fig. 4) dont le support utilisé est toujours de section plano-convexe. En revanche, il peut être pointu ou ovalaire. La retouche plus ou moins étendue sur l’un des deux bords est essentiellement scalariforme. Il en résulte une zone active latérale souvent convexe. La section du bord au niveau de la zone retouchée est essentiellement plano-convexe (II). 2. le deuxième type correspond à un outil convergent (type A1, A5 et B1, fig. 4). Les supports utilisés présentent deux types de sections (plano-convexe et biconvexe). La retouche comprend souvent une génération d’enlèvements larges et courts suivis d’une ou deux séries de petites retouches scalariformes. Cette opération affecte essentiellement la partie mésio- distale des deux bords. La section du bord retouché est essentiellement plano-convexe (type II). Typologiquement, en fonction de la morphologie de la zone active, trois types d’outils peuvent être rencontrés : outils conver-gents (supports pointus), outils alternes (supports pointus), outils à front (grattoirs) (supports ovalaires).

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3. le troisième type correspond à un outil double (type A3, fig. 4). Les supports utilisés présentent une section plano-convexe, la retouche comprend une génération d’enlèvements larges et courts suivis d’une ou deux séries de retouches scalariformes. Cette opération affecte une partie plus ou moins étendue sur les deux bords. La section des deux bords retouchés est essentiellement plano-convexe (type II).

18 Un nombre relativement important de bifaces à façonnage simultané est non affecté par la retouche et présente une partie distale cassée. Toutes ces pièces ont une section biconvexe (type B2, fig. 4) ce qui serait une preuve de leur utilisation à l’état « brut de façonnage ». Ils seraient alors des pièces bifaciales outils (Boëda et al., 1990). La section des bords de ces pièces est souvent de type biplane.

Figure 4

Représentation schématique des chaînes opératoires des bifaces du niveau inférieur.

Morphométrie

19 Cette étude concerne cinquante-sept pièces. Les valeurs statistiques des trois paramètres essentiels (longueur, largeur et épaisseur d’après les mesures de R. Boussoffara, 1985) sont données dans le tableau 1.

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Tableau 1

Valeurs statistiques de la longueur, la largeur et l’épaisseur des bifaces du niveau inférieur.

20 Les coefficients de variation montrent un ensemble relativement homogène en ce qui concerne la largeur des pièces. En revanche pour les deux autres paramètres morphométriques la valeur de ce coefficient est sensiblement plus élevée. Globalement les trois coefficients indiquent une homogénéité assez importante au sein de cet ensemble. Le coefficient de détermination entre les trois paramètres montre une corrélation faible (R2 = 0,55 entre la longueur et la largeur et 0,42 entre la longueur et l’épaisseur).

Techno-morphologie

21 Morphologie du bord droit : le bord droit est essentiellement convexe ou rectiligne (cinquante-deux cas sur cinquante-six). L’analyse de la délinéation en plan au niveau de ce bord en fonction du type de zone techno-fonctionnelle (zone active ou bien zone brute de façonnage) confirme l’hypothèse déjà formulée dans ce sens. En effet, quatre cinquièmes des bords rectilignes sont des zones actives alors que seulement la moitié des bords convexes font partie de ce type de zones techno-fonctionnelles.

22 Morphologie du bord gauche : le bord gauche présente aussi des taux sensiblement comparables pour les bords rectilignes. Les bords convexes sont dans deux tiers des cas des zones brutes de façonnage. Enfin, les bords sinusoïdaux et denticulés, très rares (seulement quatre bords), sont toujours des zones actives.

23 Section des bords latéraux : les sections des bords sont essentiellement plano- convexes (type II), plano-convexes (type I) et biplanes avec les taux respectifs de 27,7 %, 32,1 % et 24,1 %. Les autres sections ne représentent que 17,4 % environ de l’ensemble.

24 Pour la section plano-convexe (II) il s’agit essentiellement de zones retouchées. C’est aussi le cas de la totalité des bords de section plano-convexe (types : V et VI) ainsi que la grande majorité des bords de section convexo-plane (type IV). En revanche, environ deux tiers des bords de section plano-convexe (I) ainsi que cinq sixièmes des bords de section biplane sont des zones brutes de façonnage (ZBF) (fig. 5). Cela indiquerait que la section des bords bruts de façonnage est essentiellement plano-convexe (type I) ou biplane. Au cours de la deuxième phase, la retouche souvent scalariforme transforme ces deux types de section en une section plano-convexe (II). Pour les autres sections, qui ne sont probablement que des variantes de cette dernière, elles sont créées par ravivages successifs.

25 Le bord droit : c’est la section plano-convexe (type II) qui domine (35,7 % de l’ensemble des sections). Les bords présentant cette section sont tous des bords retouchés. Dans 50 % des cas, les sections plano-convexes (I) sont des zones retouchées (neuf sur dix-huit). C’est aussi le cas de la totalité des sections plano-convexes (V) et

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convexo-plane (IV). En revanche, dix sur onze bords de section biplane font partie d’une zone brute de façonnage.

26 Le bord gauche : le tiers des bords gauches présente une section plano-convexe (type I), un quart de ces bords a une section biplane et un cinquième a une section plano- convexe (type II) ; les autres sections sont faiblement représentées. Les bords de section plano-convexe (II) font essentiellement partie des zones retouchées. Pour les bords gauches de section plano-convexe (type I) le taux de transformation est d’un tiers. Les bords de section biplane font partie d’une zone brute de façonnage dans treize cas sur seize. Enfin pour la totalité des bords de section plano-convexe (types : V et VI) ainsi que pour trois bords sur quatre de section convexo-plane (IV) il s’agit de zones retouchées.

Figure 5

Représentation schématique de la chaîne opératoire des bifaces du niveau moyen.

Les bifaces du niveau moyen

27 De nombreux hachereaux ainsi que quelques outils sur éclats en silex sont associés aux bifaces dans ce niveau.

Chaîne opératoire

28 Les traits caractéristiques de la chaîne opératoire de fabrication de ces objets sont (fig. 6) :

29 Phase 0 : (phase de sélection de la matière première et acquisition des supports) : les supports qui ont été confectionnés en bifaces sont essentiellement de gros éclats assez épais (certaines faces supérieures des éclats-supports portent des stigmates dont la lecture abonde dans le sens d’une exploitation centripète de blocs de calcaire). Le nombre des éclats-supports corticaux est assez important. La matière première utilisée est essentiellement le calcaire appartenant à la première variante (le calcaire blanc) avec 81,4 %. Le calcaire brun est la matière première du reste des pièces.

30 Phase I : (phase de transformation des supports : le façonnage) : au cours de cette phase le plan d’équilibre bifacial ne fait pas partie des éléments morpho-

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technologiques recherchés par l’artisan. Le plan d’équilibre bilatéral est pris en compte dès les premiers stades du façonnage des supports (le façonnage souvent alternant à partir des deux bords serait une preuve dans ce sens). Ce plan est ensuite altéré plus ou moins fortement au cours de la mise en place des différentes unités techno- fonctionnelles. Les éclats minces et couvrants dont les négatifs sont visibles sur les faces du support sont un témoignage de l’utilisation du percuteur tendre au cours du façonnage.

31 À l’abandon, un nombre important de bifaces présente une symétrie morphologique bilatérale. Cette remarque concerne surtout les pièces où les deux bords ont subi le même type de retouche (c’est le cas des outils convergents).

32 Phase II : (phase de finition : la retouche) : deux types d’outils sont caractéristiques de cette phase : 1. le premier type correspond à un racloir simple dont les stades de retouche sont : ◦ un amincissement souvent mésio-proximal biface ou non qui enlève le talon et le bulbe de l’éclat-support transformant ainsi cette partie en une zone d’emmanchement/ préhension. ◦ une génération d’enlèvements très courts et larges suivis d’une retouche scalariforme qui affecte l’un des deux bords. Il en résulte une zone active latérale souvent convexe. 2. le deuxième type correspond à un outil convergent dont la retouche comprend : ◦ une génération d’enlèvements larges et courts suivis d’une ou deux séries de petites retouches scalariformes. Cette opération affecte essentiellement la partie mésio-distale des deux bords. La section du bord qui résulte de cette retouche est plano-convexe (type II). ◦ un amincissement souvent biface qui affecte la partie proximale de la pièce qui se transforme suite à cette opération en une zone d’emmanchement/préhension (ZEP) proximale.

33 Typologiquement, en fonction de la morphologie de la zone active, trois types d’outils peuvent être rencontrés : des racloirs convergents ; des pointes retouchées ou encore des outils à front (grattoirs).

34 Il importe aussi de noter le recyclage relativement fréquent au sein de cette série. Il s’agit de recyclage intra-groupe pour quelques pièces du premier groupe ou encore d’un recyclage intergroupes (des outils du deuxième groupe en outils du premier groupe).

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Figure 6

Représentation schématique de la chaîne opératoire des bifaces du niveau moyen.

Morphométrie

35 L’étude concerne 65 pièces. Les valeurs statistiques de différents paramètres sont données dans le tableau 2.

Tableau 2

Valeurs statistiques de la longueur, la largeur et l’épaisseur des bifaces du niveau moyen. D’après R. Boussoffara, 1985.

36 Le coefficient de variation pour les trois paramètres est sensiblement le même. Ceci traduit une homogénéité relativement importante au sein de ce groupe d’objets.

37 D’autre part les coefficients de détermination entre ces paramètres montre une corrélation faible entre la longueur et la largeur des pièces (R2 = 0,55) et même très faible entre la longueur et l’épaisseur (0,28) ainsi qu’entre la largeur et l’épaisseur (0,33). Cela s’expliquerait par le fait que le façonnage et surtout la retouche des éclats- supports affectent d’une manière différentielle la longueur et la largeur d’une part et l’épaisseur de l’autre.

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Techno-morphologie

38 Morphologie du bord droit : le bord droit est essentiellement convexe (deux tiers des cas), il est rectiligne dans un cas sur cinq. Enfin, ce bord est assez rarement sinusoïdal ou denticulé (cinq cas sur soixante et un). Ces taux sont sensiblement constants si on analyse la délinéation à ce niveau en fonction du type de zone techno-fonctionnelle (zone active ou zone d’emmanchement/préhension). Cela indiquerait que la forme générale de la pièce (généralement à bords convexes) ne dépend pas du nombre et de l’organisation des unités techno-fonctionnelles.

39 Morphologie du bord gauche : le bord gauche présente des taux comparables. Les bords convexes sont les plus abondants (78 %), viennent ensuite les bords rectilignes avec un taux d’environ un cinquième du nombre total. Enfin, les bords sinusoïdaux et denticulés sont très rares (seulement deux bords).

40 Section des bords latéraux : la section du bord est pour la moitié des cas plano- convexe de type (II). Elle est plano-convexe type (I) dans 28 % des cas. Les autres sections représentent environ 20 % de l’ensemble. La totalité des bords de section plano-convexe (II) sont des zones actives d’outils. En revanche, seulement un tiers des bords de section plano-convexe (I) fait partie d’une zone active. Enfin, la totalité des bords de section biplane sont des zones non actives ou bien des zones d’emmanchement/préhension (fig. 7). Cela indiquerait que la section des bords bruts de façonnage est généralement plano-convexe. Ainsi le but technologique de la retouche scalariforme est la transformation d’une zone d’angle d’incidence assez faible en une zone d’angle plus ouvert.

41 Le bord droit : le taux de transformation du bord droit en zone active est de 80,32 %. C’est la section plano-convexe (type II) qui est la plus dominante (57,4 %). Pour les bords droits de section plano-convexe (I) plus de la moitié sont des zones actives. En revanche, les quatre bords de section biplane font partie d’une zone d’emmanchement/ préhension.

42 Le bord gauche : 47,5 % des bords gauches présentent une section plano-convexe (type II), 27,9 % ont une section plano-convexe (I). Les autres sections sont faiblement représentées. Les vingt-neuf bords de section plano-convexe (II) font tous partie de zones actives. Pour treize de dix-sept bords gauches de section plano-convexe (I) il s’agit d’une zone d’emmanchement/préhension.

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Figure 7

Répartition (%) des types de sections selon les zones techno-fonctionnelles de l’objet (ZA : zone retouchée ; ZNA : zone non retouchée ; ZEP : zone d’emmanchement/préhension).

Conclusion

43 L’analyse du façonnage des pièces bifaciales des niveaux inférieur et moyen de Sidi Zin a mis en évidence l’utilisation de deux variantes de calcaire (le calcaire blanc et le calcaire brun) avec des taux qui ne varient pas d’une manière très significative d’un niveau à l’autre (le calcaire blanc est largement dominant). Les supports transformés sont essentiellement des éclats débités sur blocs de calcaire massif qui affleurent à une centaine de mètres du site.

44 Au niveau inférieur, le façonnage génère deux types de préformes : • les préformes de section plano-convexe qui sont la conséquence volumétrique d’un façonnage différentiel des deux faces du support. En effet, la face supérieure est confectionnée d’une manière bilatéralement équilibrée avec des enlèvements peu envahissants qui se rencontrent vers la partie centrale créant ainsi une nervure. En revanche, la deuxième face montre souvent un façonnage asymétrique caractérisé par des enlèvements laminaires très envahissants qui dépassent largement l’axe central de la pièce. Du deuxième bord partent souvent des enlèvements relativement courts qui affectent la partie non atteinte par la première série d’enlèvements ; • les préformes de section biconvexe : les objets présentant cette section sont essentiellement des bifaces outils convergents, des bifaces outils simples pointus ou encore des bifaces cassés. Le façonnage sur les deux faces est symétrique avec des enlèvements (éclats) assez envahissants qui se rencontrent au niveau de la partie centrale de la pièce où ils créent une nervure qui matérialise l’axe de symétrie bilatérale.

45 Au niveau moyen un seul type de préformes est présent. Ce sont ceux de section plano- convexes.

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46 Typologiquement, l’ensemble de bifaces des deux niveaux se subdivisent en cinq groupes d’outils : • le premier groupe comprend les pièces qui ne présentent, à l’abandon, qu’un seul couple d’unités techno-fonctionnelles (une zone active latérale (ZAL) et une deuxième zone dite d’emmanchement/préhension (ZEP) : ce sont les pièces bifaciales-racloirs simples(fig. 8A) ; • le deuxième groupe comprend les pièces à deux zones actives non convergentes : ce sont les pièces bifaciales-racloirs doubles(fig. 8B) ; • le troisième groupe comprend les pièces à deux zones actives convergentes : ce sont les pièces bifaciales-racloirs doubles convergents(fig. 8C) ; • le quatrième regroupe les objets à front distal en zone active : ce sont les pièces bifaciales à front.

47 D’autres pièces qui proviennent du niveau inférieur et présentant une cassure distale semblent appartenir à un groupe bien individualisé de bifaces utilisés bruts de façonnage : groupe des pièces bifaciales-outils (Boëda et al, 1990).

48 Dans les deux niveaux les bords des pièces essentiellement convexes présentent souvent une section plano-convexe (type II) quand ils sont retouchés. Ils sont de section plano-convexe (type I) ou biplane quand ils sont bruts de façonnage ou amincis.

49 La retouche produit globalement les mêmes types d’outils dans les deux niveaux avec une typo-diversité sensiblement plus grande parmi les pièces du niveau inférieur où on note la présence d’un groupe des pièces bifaciales-outils dont la partie distale est souvent cassée.

50 Morphométriquement, les bifaces provenant du niveau moyen sont dans l’ensemble plus grands que ceux du niveau inférieur.

51 Ces observations montrent une différence nette au niveau des choix techniques effectués par les artisans à l’origine de ces deux ensembles lithiques. En effet, pour obtenir les mêmes types d’outils le comportement est très différent selon le niveau : pour le niveau inférieur, les artisans ont eu recours à un façonnage total qui réduit significativement la taille du support initial (éclat ou plaquette), alors que pour les pièces du niveau moyen le façonnage est exclusivement partiel ce qui constitue la preuve de l’existence d’une anticipation bien avant la phase du façonnage. Les anticipations sur le façonnage chez les artisans du niveau moyen sont aussi confirmées par la présence d’outils dont la confection fait systématiquement appel à cette notion, à savoir les hachereaux. En effet, ces outils sont très abondants à ce niveau alors qu’ils sont totalement absents au niveau inférieur.

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RÉSUMÉS

L’étude des bifaces provenant de deux niveaux du site acheuléen de Sidi Zin a permis d’identifier les schémas opératoires de production de ces pièces. Le nombre des pièces étudiées, relativement important, nous a permis de mettre en évidence les comportements techniques complexes des artisans au cours des différentes phases de fabrication de ces outils.

The study of handaxes from tow layers of Sidi Zin has allowed us to identify operational chains of tool production. The vast number of bifaces subject of this study has illustrated the technological behavior of artisans from the procurementof raw materials to the abandonment of these tools.

AUTEUR

LOTFI BELHOUCHET

ESEP – UMR 6636, 5 rue Château de l’Horloge, BP 647, F-13064 Aix-en-Provence Cedex 2, [email protected]

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La poterie du site néolithique de Kobadi dans le Sahel malien

Michel Raimbault et Dominique Commelin

1 Le site de Kobadi se trouve à 15 km au NE de Nampala, en pleine zone sahélienne non loin de la frontière avec la Mauritanie (fig. 1). Partiellement enfoui sous un placage dunaire subactuel, il se présente sous la forme d’une vaste concentration de déchets culinaires et artefacts, allongée sur plus de 360 m et large de 10 à 25 m, utilisée à la fois comme nécropole (fig. 2). Une centaine de sépultures ont été recensées en surface. Ses caractères culturels sont bien cernés. Les industries lithique et osseuse sont relativement rares. L’élément essentiel est fourni par la production céramique qui figure sur l’ensemble du dépotoir, sous forme de pots entiers à proximité des sépultures et surtout de fragments épars en surface. Nous tenterons de préciser les caractères morphologiques, morphométriques et décoratifs des pots entiers et des tessons.

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Figure 1

Carte de situation du site de Kobadi.

Figure 2

Vue partielle du site néolithique de Kobadi.

Les datations

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Tableau 1

Calibration selon Stuiver & Reimer, 1999.

2 Les datations ont été réalisées par Jean-François Saliège dans le cadre du LODYC à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI).

Matériel et méthodes

La céramique des sépultures

3 Plus du tiers des sépultures fouillées en 1984 et 1989 (6 sur 16) ont livré une poterie en association avec le squelette. Celle‑ci est tantôt placée à proximité du crâne, tantôt près d’une épaule, tantôt sur le thorax et le bassin; elle peut être déposée l’ouverture vers le bas, vers le haut ou couchée latéralement. Nous pensons que la plupart ont été brisées après l’inhumation, sous le poids des sédiments recouvrant le squelette. La moitié des poteries étant retournées, il est difficile de penser que celles‑ci renfermaient une quelconque préparation.

La céramique des sondages

4 Dans le sondage C de 2 x 2 m ouvert en 1989, 669 tessons ont été prélevés entre -88 et -178 cm. Pour les 4 sondages de 1995, de même superficie, ce sont 3300 tessons qui ont été prélevés et étudiés (fig. 3).

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Figure 3a

Base céramologique africaine : détail des caractéristiques utilisées.

Figure 3b

Base céramologique africaine : détail des caractéristiques utilisées.

5 Les poteries entières et les grands fragments recueillis ou examinés en surface ont permis de préciser les formes et le façonnage. L’étude des tessons a été menée à partir

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d’une base de données, développée en collaboration avec R. Chenorkian, utilisant les caractéristiques métriques et morphologiques et l’analyse des motifs décoratifs (fig. 4 a et b). Une analyse stylistique est actuellement en cours par A. Gallin (ce volume).

Figure 4

Techniques de façonnage : en haut, le tesson est complet ; en bas, une couche de pâte se délite révélant une empreinte textile interne et sa contre empreinte. Photo : A. Gallin.

Le façonnage

6 La fabrication des poteries de Kobadi ne semble pas se différencier des autres modes utilisés au Néolithique dans le Sahara malien (Commelin 1984). Le montage, ignorant le tour, comportait deux phases essentielles : le façonnage du fond du récipient selon un procédé de moulage sur une forme convexe ou concave, et le modelage de la partie supérieure de la panse au colombin. L’inexistence de traces significatives sur les fonds ou à l’intérieur des récipients empêche de préciser davantage la première opération. Certains vases ont été retrouvés cassés au niveau de la jonction des deux parties.

7 L’absence de tamponnoirs dans les produits archéologiques de Kobadi nous incite à écarter le procédé du « pilonnage en forme concave » dont la tradition se maintient chez les Peuls du Delta intérieur (Gallay 1991-92 ; 1998).

8 Quelques tessons permettent d’envisager une technique de façonnage particulière non décrite à notre connaissance : ils montrent deux couches superposées de pâte portant l’empreinte couvrante d’un textile (fig. 5). On peut interpréter cette disposition comme le résultat du montage de la panse en deux temps : mise en forme d’une première couche puis un épaississement de celle-ci par un nouvel apport de pâte. Un délitage

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peut se produire au niveau du contact. Le même motif existe en surface et dans l’épaisseur. On ne peut préciser le délai entre les deux phases de montage, ni son étendue à la surface du pot (simple plaque de petite dimension ou apport sur l’ensemble de la surface). Cette technique originale a été essentiellement observée sur des tessons appartenant à de grands vases.

Figure 5

Vases entiers prélevés en fouille sur le gisement de Kobadi, missions M. Raimbault 1985 et 1989. 1 : associé au squelette H 36; 2 : écuelle utilisée comme couvercle sur le vase 7 ; 3 : associé au squelette H 37 ; 4 : associé au squelette H 98 ; 5 : associé au squelette H 5 ; 6 : associé au squelette H 95 ; 7 : vase entier P. 107. Dessins : Y. Assié.

9 Le dégraissant a été observé sur tous les tessons. Il est généralement minéral et fin. Quatre types de particules sont identifiables à la loupe : des grains de sable, des fragments d’hématite et de chamotte, et des particules blanchâtres vraisemblablement d’origine osseuse. Le premier type se trouve sur l’ensemble des tessons quelque soient le sondage ou la profondeur. L’hématite est rare (2 % des tessons). Les particules blanchâtres sont plus abondantes (13 %) mais absentes des niveaux profonds. Les spicules d’éponge décrits par McIntosh & MacDonald (1989) ont été observés mais aucune étude systématique n’en a été faite.

10 Les couleurs des surfaces et des cassures ont été réparties en grandes classes (couleur surface externe/cœur/interne). Sans préjuger de leur origine, il apparait que les combinaisons les plus fréquentes sont les suivantes : brun/brun/brun, brique/brique/ brique, beige/gris/beige, beige/beige/beige et brun/noir/brun. Les colorations grises et noires sur l’ensemble de la pâte sont plus rares mais généralement associées au dégraissant à particules blanchâtres.

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Les formes

Morphologie

11 Les vases entiers ou reconstitués et les tessons d’ouverture permettent de se faire une idée précise des formes. Les plus courantes sont voisines de la demi‑sphère ou des trois‑quarts de sphère (fig. 6). On distingue aussi des formes basses, largement ouvertes, et un ovoïde à léger épaulement et ouverture étroite déjà signalé par Mauny (1972, p. 73). La seule forme composite est suggérée par plusieurs tessons de bord dotés d’une excroissance triangulaire à bout tronqué. Il s’agit probablement de foyers en terre cuite à trois supports rentrants (fig. 7). Ce type de récipient existe dans la production traditionnelle de la Zone lacustre. Les pieds ou les fonds plats sont inexistants.

12 Les bords simples à lèvre arrondie sont les plus courants, puis viennent les bords simples à lèvre plate, les bords amincis. Les bords épaissis le sont généralement à l’intérieur. Les cols sont rares. Sur un fragment de vase à col inversé, on note un appendice au contact du bord et de la panse. Quelques pièces sont à perforations latérales pour la préhension, la suspension ou la réparation.

Figure 6

Fragments de foyers (?) en terre cuite prélevés sur le site de Kobadi et reconstitution supposée des formes. Dessins :Y. Assié.

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Figure 7

Céramique des sondages 1995 : répartition des diamètres à l’ouverture.

Morphométrie

13 Les dimensions sont très variables, avec un diamètre maximum entre 45 et 20 cm pour les récipients entiers étudiés. Les épaisseurs sont comprises entre 6 et 20 mm, avec une moyenne qui se situe entre 8 et 9 mm.

14 L’étude du matériel des sondages F, G, H et I confirme ces résultats en les précisant. Le matériel est très fragmenté, un peu moins cependant en profondeur, dans les premiers niveaux d’occupation. L’analyse des épaisseurs des tessons par sondage ne montre pas de classes de taille différentes, mais les moyennes des épaisseurs augmentent régulièrement avec la profondeur.

15 Par contre, l’analyse des diamètres à l’ouverture met en évidence au moins deux types de vases : l’un dont le diamètre à l’ouverture est fréquemment compris entre 20 et 25 cm et un second type correspondant à des vases à l’ouverture plus grande, autour de 35-40 cm (fig. 8). Dans le sondage H ont été prélevés à -146 cm de la surface du site, plusieurs tessons appartenant à une grande jarre (diamètre à l’ouverture voisin de 90 cm).

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Figure 8

Sondages 1995 : pourcentages des tessons décorés.

Les décors

16 Les principales caractéristiques du décor sont tirées de Camps-Fabrer (1966), Caneva Ed. 1988 ; Caneva & Marks 1990 ; Commelin 1984 ; Hurley 1979 ; Raimbault 1994 ; Soper 1985.

17 Les décors sont largement utilisés. Tous les vases associés à des sépultures sont décorés. Dans les sondages, les trois-quarts des tessons sont décorés (fig. 9). Les tessons non décorés correspondent le plus souvent à des fonds ou à des bords de récipients épais.

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Figure 9

Céramique de Kobadi : principaux motifs décoratifs utilisés.

18 Les techniques utilisées sont nombreuses, assurant des motifs variés. L’impression est de loin la technique la plus employée. Elle fait appel à des instruments divers, confectionnés ou naturels : spatule et peigne à front droit ou courbe, cordelette torsadée ou tressée, ou à l’emploi d’une vannerie à montants rigides et brins cordés ou d’un tissage souple à liage plus ou moins serré ou de roulettes plus ou moins complexes (Camps-Fabrer 1966 ; Commelin 1984 ; Bedaux & Raimbault 1993 ; Raimbault 1994 ; Gallin, ce volume).

19 On ne remarque pas d’évolution sensible des décors en fonction de la profondeur.

20 Les différentes techniques de décor utilisées sont les suivantes (fig. 10), sachant que plusieurs techniques peuvent être employées sur un même fragment : • impression normale « tissé toile » ou « cordé » • impression roulée • impression pivotante.

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Figure 10

Céramique de Kobadi : position des décors à impression pivotante.

21 L’impression « tissé toile » est la plus employée. Elle concerne surtout les panses. Elle est suivie par l’impression « cordé » et l’impression roulée qui s’étendent sur les mêmes parties des vases. Ce sont les seuls types d’impression observés dans le cas des tessons à double couche de pâte : ils pourraient, dans ces cas précis, être liés aux modalités du façonnage (fig. 5). L’impression pivotante concerne surtout les bords, elle peut néanmoins s’étendre parfois à la panse sous la forme d’éventails ou de bandes perpendiculaires au bord (fig. 6 : 7).

22 Le riche matériel céramique de Kobadi permet d’établir un certain nombre de remarques, en particulier pour les décors. Les formes ne présentent pas de caractères originaux.

23 Les décors pivotants évoquent plutôt les régions sahariennes, riches en motifs de ce genre obtenus soit avec une spatule, soit avec un peigne, dès les périodes néolithiques les plus anciennes, surtout dans les régions centrale et méridionale (Camps-Fabrer 1966 ; Caneva Ed. 1988 ; Roset 1982). Ils sont bien représentés dans tous les sites du Sahara malien (Commelin 1984) et en Mauritanie occidentale (Commelin et al. 1992). A Kobadi, ces décors n’ont plus la même fréquence et se limitent souvent aux bords (fig. 11).

24 Les décors à partir de tissus, de vannerie ou de roulettes sont par contre très peureprésentés dans le monde saharien. Ils sont plutôt sahéliens et soudanais où ils connaîtront un large usage aux périodes protohistoriques, en particulier dans la Zone lacustre, et subactuelles (Bedaux et al. 1978 ; Hurley 1979 ; Gallay 1981 ; Bedaux & Lange 1983 ; Soper 1985 ; Gallay 1991-92 ; Gallay et al. 1998 ; Sall 1999). Kobadi apparaît donc

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comme l’un des plus vieux sites pour ces types d’impression. On les trouve aussi sur le site de Kirkissoy en face de Niamey à des dates identiques (Vernet 1996).

Les contacts

25 Un petit groupe de poteries de Kobadi soigneusement décorées permet d’établir des affinités avec la production des « nécropoles sur habitat » étudiées au septentrional par D. Grébénart et F. Paris dans le bassin de l’Eghazer wan Agadez, à l’ouest de l’Aïr, soit à une latitude légèrement plus élevée qu’à Kobadi. Il s’agit de récipients globuleux à bord à profil concave, couverts d’impressions pivotantes organisées en « éventails emboîtés » (fig. 6 : 7). Ils ressemblent à des vases des régions d’Afunfun, en particulier à ceux trouvés sur le site d’Oroub, et de Chin Tafidet datés entre 3800 et 3400 BP, soit du début de l’occupation de Kobadi (Grébénart 1979, 1985 ; Paris 1984, 1996). La parenté se retrouve encore dans les aspects technologiques (pâte fine et homogène contenant très peu d’éléments végétaux, coloration rouge brique des parois, cuisson). Elle peut traduire des contacts culturels avec la région nigérienne, d’autant que les sites présentent des similitudes au niveau de la nature des gisements et des modes d’inhumation (Raimbault 1994, 1996).

Conclusion

26 Kobadi apparaît comme l’un des sites majeurs à la fin du Néolithique en marge du Sahara malien. La poterie constitue l’élément principal du faciès. Elle s’avère riche en décors que nous avons tenté de classifier en tenant compte des motifs et des techniques. Les impressions pivotantes cohabitent avec des empreintes de tissu, de vannerie ou de cordelette. Les impressions roulées, déjà présentes, connaîtront un développement considérable dans la Zone lacustre au cours des périodes postérieures (Gallay et al. 1998 ; Raimbault & Sanogo Eds., 1991). La poterie témoigne, dans les formes et les décors, à la fois d’un fonds saharien et local. Nous avons établi ailleurs des identités culturelles avec les gisements de Hassi el Abiod au nord‑ouest de l’Azaouad (Raimbault 1994). Avec le reste du mobilier archéologique, elle atteste de l’évolution d’un substrat à affinités sahariennes.

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RÉSUMÉS

Cet article présente la poterie du site néolithique récent de Kobadi dans le Sahel malien recueillie pendant deux campagnes de fouilles. Certains aspects originaux du façonnage de la panse (en deux temps) sont détaillés. Les formes et les caractéristiques morphométriques sont analysées. A côté d’une tradition issue du substrat saharien, l’étude des décors (techniques et motifs) met en évidence l’utilisation de textiles ou de vannerie en impression directe ou roulée. Ces derniers connaîtront un développement important à la période protohistorique dans la Zone lacustre.

This article presents the pottery of the Kobadi late Neolithic site in Malian Sahel : it was collected during two excavation campaigns. Original aspects of a two-steps shaping of the pots are detailed. Forms and morphometric characteristics are analyzed. The study of the decorations reveal, in a general Saharan background, the wide use of textiles and basketry. This kind of decoration will experience a significant development during the protohistoric period in the lacustrine Zone of Mali.

AUTEURS

MICHEL RAIMBAULT

UMR 6636 – ESEP, 5 rue du Château de l’Horloge, BP 647, F-13094 Aix-en-Provence Cedex 2, [email protected]

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DOMINIQUE COMMELIN

UMR 6636 – ESEP, 5 rue du Château de l’Horloge, BP 647, F-13094 Aix-en-Provence, [email protected]

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Proposition d’une étude stylistique de la céramique imprimée de Kobadi. Définition de classes morphométriques des vases et analyse de la composition de leurs décors

Annabelle Gallin

1 En complément de l’analyse générale des tessons récoltés dans les quatre sondages, nous proposons ici une étude stylistique des ornements, fondée sur la description des unités décoratives et de l’analyse de leurs arrangements. Cette étude combine également d’autres caractéristiques distinctives de la céramique, telles que le type de pâte, la qualité du dégraissant et la morphologie des vases et des lèvres. Une grille de description adaptée à tous les niveaux de composition du décor est tout d’abord développée, puis appliquée aux tessons de bord des sondages G, H et I. Les résultats de cette analyses sont alors comparées aux données disponibles sur les sites les plus proches de Kobadi.

Protocole de description

Principes de description

2 Afin d’exprimer et d’enregistrer la variété des motifs et la multitude des associations observées dans les décors de Kobadi, nous avons cherché un système descriptif qui puisse couvrir tous les niveaux de composition des décors. La grammaire des styles de P.L. van Berg basée sur l’idée que les décors, à l’instar des langues naturelles, sont des« systèmes conçus comme des ensembles d’éléments munis de règles qui en organisent les interactions » (van Berg, 1997, p. 1) nous a donné les fondements pour

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bâtir un protocole de description. La méthode qu’il propose consiste à prendre un vase décoré et à le considérer comme un ensemble organisé que l’on peut diviser en unités de plus en plus petites et dont on peut décrire les modes de passage d’une unité inférieure à une unité supérieure.

3 Partant de là nous avons défini nos propres termes concernant la composition des décors. Ainsi, un vase décoré porte un schéma décoratif, c’est-à-dire un arrangement de surfaces décorées et des surfaces réservées. Nous pouvons décrire la forme et la localisation de chacune de ses parties, décorée ou réservée. A l’intérieur des surfaces décorées (figures), nous observons des groupes de motifs, leur forme et leur arrangement, c’est-à-dire la disposition à l’intérieur de la figure. Pour décrire les motifs, il faut déterminer quels sont les éléments graphiques qui les composent (points, traits, triangles …) et quelle forme prend leur arrangement.

4 La composition peut être résumée ainsi : • les éléments sont les unités de base du décor • les motifs sont réalisés par l’agencement d’éléments • les figures par celui des motifs • le schéma décoratif par celui des figures et des surfaces réservées.

5 Les décors imprimés de la céramique de Kobadi peuvent être assimilés à des décors géométriques ; c’est pourquoi le champ sémantique auquel se rapporte le vocabulaire descriptif est celui du dessin géométrique. Il ne s’agit pas de considérer strictement le décor imprimé comme le champ d’application de la géométrie plane mais bien d’acquérir un vocabulaire sans ambiguïté et accessible à tous.

Les éléments

6 Les éléments sont les graphes géométriques les plus simples : le point, le trait, l’arc de cercle, la sinusoïde, le V, le demi-cercle, l’ovale, les quadrilatères (carré, losange, rectangle,….) et les triangles (isocèle, équilatéral, rectangle). Ces éléments sont orientés selon quatre directions différentes : horizontale, verticale, oblique montant et oblique descendant (fig. 1).

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Figure 1

Les différents éléments et leur orientation. De haut en bas : le point, le trait, la sinusoïde, l’arc de cercle, l’ovale, le demi-disque, le triangle, le quadrilatère et le V.

Les motifs

7 Le motif est créé par la répétition et l’agencement d’un ou plusieurs élément(s). On en rencontre généralement trois catégories : les motifs en tache, les motifs en ligne et les motifs en trame (fig. 2).

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Figure 2

Exemples de motifs dont l’élément est le trait. A : motif en tache (4 traits verticaux disposés en losange) ; b : ligne de traits verticaux régulièrement espacés ; c : bande de zigzags de traits ; d : trame quadrillée de lignes horizontales et traits verticaux ; e : trame losangée de traits régulièrement espacés.

Les motifs en tache

8 Les motifs en tache simple sont composés d’un seul élément.

9 Les motifs en taches multiples sont des motifs constitués de plusieurs éléments répétés et agencés. Les éléments peuvent être disposés selon un alignement limité ou selon une figure géométrique dont la silhouette n’apparaît pas (un arc de cercle, un triangle, un cercle...). L’orientation des motifs en tache est celle de leur longueur maximum par rapport au bord. Il peut ainsi être horizontal, vertical ou oblique (montant et descendant). Les motifs en tache occupent une surface limitée, ce sont des arrangements isolés d’éléments.

Les motifs en ligne

10 Les motifs en ligne sont de deux types : les motifs en ligne simple et les motifs en ligne brisée.

Les motifs en ligne simple

11 Dans un motif en ligne les éléments sont répétés (soit à l’identique, soit en miroir) et agencés selon un alignement et un écartement constant et ininterrompu. Il s’agit soit d’un seul élément, soit d’un groupe de plusieurs éléments identiques ou différents qui ont toujours la même disposition. Ce type de motif peut prendre la forme d’une droite,

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d’une courbe ou d’une courbe sinusoïdale.Les motifs en ligne sont orientés par rapport au bord du vase quand cela est possible : ils sont horizontaux, verticaux, obliques montant ou obliques descendant.

Les motifs en ligne brisée

12 Dans les motifs en ligne brisée les éléments sont alignés sur des segments de droites (droites ou courbes) de directions opposées et joints par les extrémités. Cet arrangement produit des motifs en zigzag. Les motifs en ligne brisée se présentent sous la forme de bandes, rectilignes ou arquées ( bande de zigzags, arc de cercle de zigzags, bande en U de zigzags, …). Leur orientation par rapport au bord est définie comme horizontale, verticale ou oblique (montant et descendant).

Les motifs en trame

13 Les motifs en trame sont créés par l’entrecroisement ou la superposition de séries parallèles d’éléments (lignes de points, lignes simples…). La trame est quadrillée quand les deux séries se croisent à angle droit, elle est «losangée» dans les autres cas. L’effet de texture est aussi rendu par l’agglutination de motifs en ligne, dont les motifs sont quelquefois décalés d’un rang à l’autre. Ces motifs n’ont pas de limite propre. Lorsque la trame prend la forme d’une bande, son orientation par rapport au bord est donnée (horizontale, verticale, oblique montant ou descendant).

Les figures

14 La figure est composée d’un ou plusieurs motifs répété(s) et agencé(s). Il y a quatre types de figures : le bandeau, le médaillon, le pendentif et la couverture.

Les bandeaux (fig. 3.1)

15 Les bandeaux sont composés d’un ou plusieurs motifs répétés et agencés sur une surface comprise entre deux lignes droites parallèles (matérialisées ou virtuelles). Quand les motifs sont compris entre deux courbes parallèles, il s’agit alors d’une figure en ruban. Bandeaux et rubans font le pourtour du vase et se détachent sur un fond uniforme (vierge ou couvert d’un même motif). Le plus souvent les bandeaux sont constitués uniquement de motifs en ligne simple ou brisée ou de motifs en trame disposés parallèlement, avec ou sans bande réservée.

16 Quand il apparaît dans le schéma décoratif une surface en bandeau qui n’est pas décorée, il s’agit d’un bandeau réservé.

17 Les bandeaux peuvent être parallèles au bord (horizontaux), perpendiculaires (verticaux) ou obliques (montant et descendant).

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Figure 3

Les figures décorées.

Les médaillons et les pendentifs (fig. 3.2, 3)

18 Les médaillons et les pendentifs sont créés par la répétition et l’agencement de motifs qui délimitent des figures géométriques, qui ne couvrent qu’une portion du pourtour du vase et se détachent sur un fond uniforme. Ils sont élaborés selon deux principes : soit la disposition même de motifs semblables donne sa forme à la figure, soit la forme est due à un contour et un remplissage réalisés avec des motifs différents.

19 Les médaillons et les pendentifs peuvent prendre la forme des figures géométriques suivantes : disques, demi-disque, lunules, quadrilatères et triangles. La différence entre médaillon et pendentif vient de leur position sur la surface du vase : un pendentif est toujours juxtaposé à un bandeau, alors qu’un médaillon est détaché de toute autre figure.

20 Par convention, l’orientation des demi-disques et des triangles est celle de leur base. Pour les ovales, les lunules et les rectangles c’est la direction de leur longueur maximale qui détermine leur orientation. La position standard des triangles est la pointe en haut, la pointe en bas les triangles sont inversés. Pour les demi-disques la position standard est l’arc de cercle vers le haut, la partie convexe vers le haut pour les lunules.

Les couvertures (fig. 3.4)

21 Ce terme a été créé à partir de la notion de « décor couvrant » développée par D.Commelin dans sa thèse (Commelin D., 1984, p. 25). Ces figures sont constituées par la répétition et l’agencement d’un ou plusieurs motifs disposés parallèlement les uns les

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autres ou de motifs disposés de façon aléatoire afin de couvrir uniformément la surface,sans laisser d’espace entre les motifs ou les groupes de motifs.

22 Les différentes couvertures ont des surfaces qui vont de la calotte de sphère au sub- sphérique . Une zone réservée peut apparaître mais elle reste toujours en marge de la couverture. Enfin, la couverture peut servir de fond. L’orientation de la couverture est généralement parallèle au bord.

Le schéma décoratif

23 Le schéma décoratif est l’ensemble des figures et des zones qui restent sans décor et leur agencement, le schéma reprend ainsi la description et la localisation de toutes les surfaces définies par la présence et l’absence de décor. La localisation des figures ou ensembles de figures (décorées ou réservées) se fait par rapport aux zones morphologiques du vase : lèvre, col, bord, panse et fond. L’ordre de description des parties du schéma décoratif est de haut en bas (de la lèvre au fond) et de gauche à droite.

24 Le décor se résume quelquefois à une seule figure. Dans ce cas, la description de la figure et sa localisation constituent l’ensemble du schéma décoratif.

25 Un ordre a été choisi pour la présentation en liste et la numérotation de différents schémas décoratifs à l’intérieur d’une même classe morphologique : la localisation de la première figure donne un premier élément de classement (soit successivement : 1- lèvre, 2-bord, 3-panse et 4- fond) et la forme de la figure indique le second (1- bandeau décoré, 2- bandeau réservé, 3- médaillon, 4- pendentif, 5-couverture et 6- zone réservée).

Analyse stylistique des vases reconstitués des sondages G, H et I

26 Il y a deux types de pâte dans la céramique de Kobadi : le premier (groupe 1) a des couleurs de surface et de cœur contrastées (beige/noir/beige, noir/noir/beige, …) et un dégraissant combinant chamotte et particules blanches (des analyses sont en cours pour en déterminer la nature), alors que le second (groupe 2) présente des couleurs de surface plus homogènes, un dégraissant sableux et une forte proportion de spicules d’éponge. Nous avons fondé un premier tri des tessons sur la distinction de ces deux types de pâte. Afin de pouvoir mener l’étude de la composition des décors et leur variation suivant le type de support (forme du pot), seuls les tessons de bords comportant une part assez grande de la panse pour illustrer la majeure partie du décor ont été sélectionnés. (Les résultats que nous présentons ici devront être par la suite pondérés par les données issues des tessons de panse et les tessons de bord ne présentant qu’une partie du décor.) La forme du vase, l’orientation de son bord et le diamètre à l’ouverture constituent les seconds critères de classification. Enfin, les décors sont décrits, tout d’abord dans leur ensemble puis en détail suivant la méthode présentée plus haut (c.f. protocole de description) et chaque motif est analysé du point de vue technologique par l’identification de l’instrument et du geste qui ont permis de le réaliser.

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Les vases du groupe 1

27 Soixante-dix neuf tessons de bord permettant de reconstituer à la fois la forme et le schéma décoratif du vase ont été étudiés pour le groupe 1.

Les vases en calottes de sphère (fig. 4.1)

28 Un seul vase en calotte de sphère à bord ouvert peut être observé. Son diamètre à l’ouverture est de 25 cm et sa lèvre est carrée. Son décor composé d’une couverture de trame de segments obliques de points joint sur toute la surface extérieure (tableau 1). Ce motif est réalisé en roulant une cordelette torsadée sur la pâte.

Figure 4

Les schémas décoratifs des vases du groupe 1 représentés par classe morphologique.

Tableau 1

Détail de la composition du schéma décoratif (S.D.) du vase en calotte de sphère à bord ouvert du groupe 1. Les vases hémisphériques.

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Les vases hémisphériques à bord droit (fig. 4.2)

29 Quinze vases hémisphériques à bord droit ont été identifiés. Leur diamètre à l’ouverture est compris entre 15 cm et 26 cm. La moyenne des diamètres est de 19,5 cm et son écart-type de 3,7 cm. Le coefficient de variation de la moyenne est de 19, 3%, ce qui indique que cet ensemble est plutôt homogène. Dix vases ont une lèvre carrée et cinq une lèvre ogivale.

30 Les schémas décoratifs sont les suivants (détails tableau 2) : • un bandeau décoré sur la lèvre et une couverture sur le bord et la panse • un bandeau décoré sur la lèvre et une zone réservée sur le bord et la panse • un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse • une couverture sur le bord et la panse.

31 Le motif «ligne de trois points disposés verticalement » a été réalisé en imprimant verticalement un peigne à trois dents rondes, alors que le motif « 3 lignes horizontales de points joints » semble résulter de l’utilisation d’un peigne identique mais selon un geste d’impression pivotante. La « trame losangée de traits régulièrement espacés » semble être due à l’impression roulée d’une ficelle tressée, à l’exemple du « twine 2 » identifiée par S. Mac Intosh à Jenné-jenno (Mac Intosh, 1995, Pl. 7).

Tableau 2

Détail de la composition des schémas décoratifs (S.D.) des vases hémisphériques à bord droit du groupe 1.

Les vases hémisphériques à bord ouvert(fig. 4.3)

32 Les vases hémisphériques à bord évasé sont au nombre de dix-sept. Leur diamètre à l’ouverture est compris entre 9 cm et 25 cm. Si l’on écarte le vase de 9 cm de diamètre à l’ouverture, les seize autres récipients ont un diamètre compris entre 14 et 25. Ainsi, le diamètre à l’ouverture a une moyenne de 18,6 cm et un écart-type de 3,2 cm. Le coefficient de variation de la moyenne est alors de 17,1%, ce qui indique que cette classe morphométrique est relativement homogène.

33 Les vases ont des lèvres de formes différentes : sept sont carrées, cinq ogivales et quatre sont arrondies.

34 Les schémas décoratifs sont les suivants (tableau 3) : • un bandeau décoré sur la lèvre, un bandeau décoré sur le bord et une zone réservée sur la panse • un bandeau décoré sur la lèvre et une couverture sur la panse

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• un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse • un bandeau décoré sur le bord et une zone réservée sur la panse • une couverture sur le bord et la panse.

35 Le motif « trame de lignes horizontales d’ovales joints » a été fait en roulant une ficelle enroulée sur un cylindre. Une roulette de ce type a été identifiée par R. Soper qui la nomme « TGR » pour « Twisted String Roulette » (Soper 1985, p. 35 et fig. 3.2, p.36).

Tableau 3

Détail de la composition des schémas décoratifs (S.D.) des vases hémisphériques à bord ouvert du groupe 1.

Les vases sub-sphériques

Les vases sub-sphériques à bord droit (fig. 4.4)

36 Il y a seize vases sub-sphériques à bord droit, dont le diamètre à l’ouverture est compris entre 14 cm et 32 cm. Si l’on écarte deux vases dont les diamètres à l’ouverture sont de 30 cm et 32 cm, les diamètres à l’ouverture sont compris entre 14 cm et 25 cm. La moyenne est de 18,8 cm et l’écart-type est de 3,5 cm. Le coefficient de variation est alors de 18,4%, ce qui nous donne un ensemble morphométrique assez homogène.

37 Les formes de lèvre se répartissent comme suit : cinq lèvres carrées (deux internes et trois centrées), sept ogivales (quatre internes et trois externes) et trois arrondies (centrées).

38 Les schémas décoratifs inhérents à ce groupe sont (tableau 4) : • un bandeau décoré sur la lèvre, un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse • un bandeau décoré sur la lèvre et une couverture sur le bord et la panse • un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse • un bandeau décoré sur le bord et une zone réservée sur la panse • une couverture sur le bord et la panse.

39 Les motifs « zigzag de points régulièrement espacés » et « x lignes de points régulièrement joints » semblent résulter de l’impression de peignes à dents régulièrement espacés selon un geste pivotant dont le pas est plus ou moins resserré.

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Tableau 4

Détail de la composition des schémas décoratifs (S.D.) des vases sub-sphériques à bord droit du groupe 1.

Les vases sub-sphériques à bord fermé (fig. 4.5)

40 On dénombre trente vases sub-sphériques à bord fermédont le diamètre à l’ouverture est compris entre 13 c)m et 25 cm. La moyenne de ces diamètres est de 19,5 cm et son écart-type est de 3,4 cm. Le coefficient de variation de la moyenne est donc de 17,4 %, ce qui indique que cet ensemble est relativement homogène.

41 Les formes des lèvres sont les suivantes : dix lèvres sont carrées, dix ogivales et six arrondies.

42 Les schémas décoratifs que l’on observe sur ces vases sont (tableau 5) : • un bandeau décoré sur la lèvre, un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse • un bandeau décoré sur la lèvre et une couverture sur le bord et la panse • un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse • une couverture sur le bord et la panse.

43 Le motif « zigzag droit » est dû à l’impression pivotante d’une spatule à front droit, alors que les « traits obliques » résultent d’incisions au stylet. Enfin, le motif « zigzags de traits verticaux », réalisé par impression pivotante d’un peigne à dents allongées, a été décrit par I. Caneva à El Geili (Caneva 1988).

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Tableau 5

Détail de la composition des schémas décoratifs (S.D.) des vases sub-sphériques à bord fermé du groupe 1.

Caractéristiques générales des vases du groupe 1

44 Mis à part trois vases (un hémisphérique à bord ouvert et deux sub-sphériques à bord droit), tous les pots du groupe 1 ont un diamètre à l’ouverture compris entre 13 cm et 26 cm, ce qui donne une impression d’homogénéité dans les gabarits. La morphologie des lèvres de ces récipients est variable : trente quatre sont carrées, trente ogivales et quatorze arrondies.

45 Quant au décor, il montre une cohérence dans le répertoire des motifs et dans les règles de composition des schémas décoratifs de chaque classe morphologique. En effet, la plupart des motifs utilisés sur les bords est constituée de lignes de points et de zigzags de points, motifs qui sont issus de la même combinaison « peigne à dents/impression pivotante ». Les deux seuls motifs utilisés sur la panse résultent d’une impression roulée. Quand il n’y a pas de décor sur la panse, les autres parties décorées le sont à l’identique d’un vase de même morphologie décoré sur la panse. Enfin, les seuls motifs utilisés sur le bord et différents des zigzags de points et lignes de points, sont peu nombreux (arcs, trame de lignes horizontales d’ovales joints) et presque toujours associés à des motifs typiques.

Les vases du groupe 2

46 Soixante-trois tessons de bord présentant des caractéristiques suffisantes pour étudier les formes et les schémas décoratifs ont été identifiés pour le groupe 2.

Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 184

Les vases en calotte de sphère

Les vases en calotte de sphère à bord droit (fig. 5.1)

47 Cinq vases en calotte de sphère à bord droit ont été identifiés. Leurs diamètres à l’ouverture, compris entre 17 cm et 30 cm, sont répartis en deux groupes : le premier comprend deux mesures de 17 cm et 18 cm, le second trois mesures entre 26 et 30 cm. La morphologie des lèvres de ces vases est variée : trois sont arrondies, une carrée et une ogivale.

48 Les schémas décoratifs de ces vases sont les suivants (tableau 6) : • un bandeau décoré sur le bord et une zone réservée sur la panse • une série de pendentifs (demi-disques) sur le bord et une couverture sur la panse • une couverture sur le bord et la panse.

49 Le motif «arcs emboîtés de points joints » a pu être fait à l’aide d’un peigne à dents multiples régulièrement espacées selon une impression pivotante. Les « 2 lignes de tirets obliques régulièrement espacés » sont réalisées par impression de spatule à front droit, alors que les « 2 lignes de points joints » semblent dues à l’impression pivotante d’un instrument bifide.

Figure 5

Les schémas décoratifs des vases du groupe 2 représentés par classe morphologique.

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Tableau 6

Détail de la composition des schémas décoratifs (S.D.) des vases en calotte de sphère à bord droit du groupe 2.

Les vases en calottes de sphère à bord ouvert (fig. 5.2)

50 On peut observer treize vases en calotte de sphère à bord ouvert, appartenant à quatre classes suivant les diamètres à l’ouverture : la première comporte un seul vase (17 cm), la deuxième quatre vases (de 22 cm à 27 cm), la troisième six vases (de 36 cm à 44 cm) et la quatrième deux vases (50 cm et 60 cm). Les trois premières classes métriques ne comprennent que des récipients présentant une lèvre ogivale externe, alors que dans la dernière classe les vases ont une lèvre arrondie centrée.

51 Les schémas décoratifs sont au nombre de quatre (tableau 7) : • un bandeau décoré sur la lèvre, un bandeau décoré sur le bord et une zone réservée sur la panse • un bandeau décoré sur la lèvre et une couverture sur le bord et la panse • un bandeau décoré sur le bord et une zone réservée sur la panse • une couverture sur le bord et la panse.

52 Les motifs en trame de « lignes horizontales d’ovales joints » et de « segments obliques de points joints » ont été réalisés par impression roulée, l’un d’une ficelle enroulée sur un cylindre et l’autre d’une ficelle torsadée. Le motif « zigzag courbe de traits horizontaux régulièrement espacés » résulte de l’utilisation d’un peigne à dents larges selon un geste pivotant. Ce type de motif a été analysé par I. Caneva sur certains tessons de Shaqadud, qui y a vu l’utilisation de peignes décrits comme «most probably cord-wrapped sticks» (Caneva & Marks, 1990, p. 17). Les « dix lignes de tirets horizontaux régulièrement espacés » ont été faites avec le même type d’instrument mais selon un geste pivotant au pas plus serré.

53 Les deux motifs « trame quadrillée de lignes horizontales d’ovales régulièrement espacés et lignes verticales » et « trame quadrillée de lignes horizontales d’ovales joints et de lignes verticales » paraissent résulter de l’impression normale de vannerie, l’une de type clayonné simple et l’autre de type cordé simple.

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Tableau 7

Détail de la composition des schémas décoratifs (S.D.) des vases en calotte de sphère à bord ouvert du groupe 2.

Les vases hémisphériques

Les vases hémisphériques à bord droit (fig. 5.3)

54 Il y a dix vases hémisphériques à bord droit, qui appartiennent à deux classes métriques suivant leur diamètre à l’ouverture : dans la première (huit récipients) il est compris entre 21 cm et 32 cm et dans la seconde (deux individus) il est de 42 cm et de 46 cm. Les lèvres de ces vases sont de morphologie variée : trois sont arrondies, deux carrées et quatre ogivales.

55 Les schémas décoratifs sont au nombre de quatre (tableau 8) : • un bandeau décoré et un bandeau réservé sur le bord et une couverture sur la panse • un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse • un bandeau réservé sur le bord et une couverture sur la panse • une couverture sur le bord et la panse.

56 Les motifs « zigzags de points régulièrement espacés », « zigzags droits » et « zigzags courbes » ont été créés par l’impression pivotante des instruments suivants : peigne à dents régulièrement espacées, spatule à front droit et spatule à front courbe.

Tableau 8

Détail de la composition des schémas décoratifs (S.D.) des vases hémisphériques à bord droit du groupe 2.

Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 187

Les vases hémisphériques à bord ouvert (fig. 5.4)

57 On décompte huit vases hémisphériques à bord ouvert, répartis en trois classes suivant le diamètre à l’ouverture : cinq dans la première (de 20 cm à 29 cm), un dans la deuxième (36 cm) et deux dans la troisième (44 cm et 48 cm). Tous les vases présentent une lèvre ogivale externe, à l’exception du récipient le plus grand qui a une lèvre carrée.

58 Les schémas décoratifs sont au nombre de cinq (tableau 9) • un bandeau décoré sur la lèvre et une couverture sur le bord et la panse • un bandeau décoré et un bandeau réservé sur le bord et une couverture sur la panse • un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse • un bandeau réservé sur le bord et une couverture sur la panse • une couverture sur le bord et la panse.

Tableau 9

Détail de la composition des schémas décoratifs (S.D.) des vases hémisphériques à bord ouvert du groupe 2.

Les vases sub-sphériques

Les vases sub-sphériques à bord droit (fig. 5.5)

59 Quinze vases sub-sphériques à bord droit ont été identifiés. Contrairement aux autres classes de vases, la variation de l’épaisseur de la paroi est discriminante : soit elle varie peu (type ), soit elle augmente de 4 à 9 mm entre la panse et la lèvre (type 2).

60 Ainsi, le type 1 est composé de 7 vases dont un très épais (type 1a) et six dont la paroi mesure de 9 mm à 14 mm d’épaisseur (type 1b). Le type 2 présente huit vases dont l’épaisseur varie entre 13 mm et 21 mm pour la lèvre et 7 mm et 14 mm pour la panse (type 2).

61 Le vase de type 1a présente un diamètre à l’ouverture de 30 cm et une lèvre carrée centrée. Son schéma décoratif (a) comprend un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse. Le motif utilisé sur le bord est une bande de groupes de traits horizontaux et de groupes de traits obliques. Le motif de la couverture est une « trame quadrillée de lignes horizontales d’ovales régulièrement espacés et lignes verticales » (tableau 10).

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62 Les pots de type 1b sont répartis en trois classes métriques selon les diamètres à l’ouverture : la première (26 cm à 29 cm) comprend trois individus, la deuxième (35 cm et 36 cm) deux individus et la troisième (44 cm) un seul individu.

63 Il n’y a qu’un seul schéma décoratif (b) pour le type 1b : un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse (tableau 10).

64 Les vases de type 2 ont des diamètres à l’ouverture compris entre 21 cm et 40 cm : deux sont inférieurs à 23 cm, quatre varient entre 28 cm et 32 cm et deux autres excèdent 36 cm. Les huit pots du type 2 présentent une lèvre ogivale externe.

65 Ces vases présentent trois schémas décoratifs différents (tableau 10) : • un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse • un bandeau décoré et un bandeau réservé sur le bord et une couverture sur la panse • un bandeau réservé sur le bord et une couverture sur la panse.

66 Les motifs en ligne simple dont les éléments sont des traits obliques ou verticaux ont tous été réalisés par incision. L’ensemble « 3 lignes d’arcs horizontaux inverses joints, bande de trame de segments obliques de points joints et ligne d’arcs horizontaux inverses joints » est dû à l’impression roulée d’une ficelle torsadée avec deux nœuds à une extrémité et un nœud à l’autre.

Tableau 10

Détail de la composition des schémas décoratifs (S.D.) des vases sub-sphériques à bord droit du groupe 2.

Les vases sub-sphériques à bord fermé (fig. 5.6)

67 On dénombre seize vases sub-sphériques à bord fermé, que l’on peut regrouper en quatre types selon le profil de leur paroi : paroi d’épaisseur moyenne (10 mm)

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constante (type 1), paroi d’épaisseur plus élevée (20mm) constante (type 2), paroi épaisse au niveau de la lèvre et fine au niveau de la panse (type 3) et paroi fine au niveau de la lèvre et épaisse au niveau de la panse (type 4).

68 Les vases de type 1 sont au nombre de neuf. Ils présentent des diamètres à l’ouverture compris entre 25 cm et 45 cm (sept entre 25 cm et 34 cm, deux de 42 cm et 45 cm). Les lèvres sont le plus souvent (sept cas) ogivales externes, excepté une lèvre arrondie centrée et une lèvre carrée centrée.

69 Ils présentent deux schémas décoratifs (tableau 11) : • un bandeau décoré et un bandeau réservé sur le bord et une couverture sur la panse • un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse.

70 Les trois vases de type 2 ont des diamètres à l’ouverture de 34 cm, 52 cm et 56 cm. Le plus petit a une lèvre ogivale externe, les deux autres une lèvre arrondie centrée et une lèvre carrée centrée. Ils présentent tous le même schéma décoratif (c) : un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse (tableau 11).

71 Le vase de type 3 a un diamètre de 48 cm et une lèvre ogivale externe. Son schéma décoratif (d) est composé d’un bandeau décoré sur le bord et d’une couverture sur la panse. Le motif du bord et une bande de segments verticaux de zigzags de points, celui de la panse est une « trame quadrillée de lignes horizontales d’ovales régulièrement espacés et lignes verticales » (tableau 11).

72 Les trois vases de type 4 ont des diamètres à l’ouverture de 32 cm, 50 cm et 54 cm. Le vase le plus petit a une lèvre ogivale externe, les deux autres ont une lèvre arrondie centrée. Il y a dans ce type deux schémas décoratifs différents (tableau 11) • un bandeau décoré sur le bord et une couverture sur la panse • un bandeau réservé sur le bord et une couverture sur la panse.

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Tableau 11

Détail de la composition des schémas décoratifs (S.D.) des vases des vases sub-sphériques à bord fermés du groupe 2.

Caractéristiques générales des vases du groupe 2

73 Les dimensions des vases sont très variables. On ne compte que quelques vases, des calottes de sphère, dont le diamètre à l’ouverture est inférieur à 20 cm, la majeure partie des récipients ayant des ouvertures comprises entre 20 cm et 44 cm. Un groupe de très grands pots se détache de cet ensemble : il est constitué de deux calottes de sphère à bord ouvert et quatre sub-sphériques à bord fermé dont le diamètre à l’ouverture dépasse 50 cm et dont la lèvre est arrondie pour quatre d’entre eux, les deux autres ayant une lèvre ogivale.

74 La forme ogivale de la lèvre est un caractère dominant des vases du groupe 2, puisqu’il est présent sur 46 des 63 pots de cet ensemble. L’accentuation de cette caractéristique donne même naissance à un groupe particulier de vases sub-sphériques à bord droit, dont l’individualité est renforcée par un schéma décoratif dominant : un bandeau réservé sur le bord et une couverture sur la panse, constituée exclusivement de deux motifs : « trame quadrillée de lignes horizontales d’ovales espacées et de lignes verticales » et « trame quadrillée de lignes d’ovales joints et de lignes verticales ».

75 Le décor des vases du groupe 2 donne lui aussi une impression de variabilité car les répertoires de motifs et les schémas décoratifs évoluent d’une classe morphologique à l’autre. Les calottes de sphère ont des motifs de bords que l’on ne retrouve sur aucune autre forme, tels les « zigzags courbes de traits horizontaux régulièrement espacés » et les « arcs de points emboîtés ». Cependant on peut également y observer les motifs de trame commun aux couvertures présentes dans toutes les classes morphologiques :

Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 191

« trame de segments obliques de points joints », « trame quadrillée de lignes horizontales d’ovales espacées et de lignes verticales » et « trame quadrillée de lignes d’ovales joints et de lignes verticales ».

76 Les bandeaux décorés des bords des vases hémisphériques sont essentiellement constitués de motifs en zigzag, alors que sur les vases sub-sphériques ils sont faits de traits et de lignes, à l’exemple de l’association récurrente « ligne de traits obliques montants régulièrement espacés » et « bande de lignes horizontales » ou « bande de groupes alternés de traits obliques ». Non seulement le motif utilisé près de l’ouverture change, mais la technique aussi : on passe d’une impression pivotante à une incision. Cependant, on ne peut véritablement opposer les décors des bords des vases hémisphériques et des vases sub-sphériques car ils partagent également un motif : la « bande de trame de segments obliques de points joints ».

La place des groupes céramiques de Kobadi

Deux ensembles céramiques différents ?

77 Les deux groupes céramiques individualisés d’abord sur la base de leur différence de pâte, puis à partir de leurs caractéristiques morphométriques et de leurs décors, apparaissent mélangés dans les sondages sans distinction stratigraphique. Une comparaison plus poussée de leurs caractéristiques, par le biais d’analyses multivariées recouvrant l’ensemble des tessons, et non plus les seuls tessons de bord et formes reconstituées, devrait permettre d’affiner nos connaissances quant aux relations entre ces deux groupes. D’ores et déjà, on peut remarquer que ces deux ensembles rassemblent les mêmes types de formes dérivées de la sphère. Le groupe 1est composé de petits vases dont les formes et les dimensions semblent standardisées. Les décors observables dans ce groupe sont homogènes par leur répertoire de motifs et leur règle de composition (fig. 6, 7). Le groupe 2 est plus foisonnant : les vases ont des tailles variables à l’intérieur d’une même classe morphologique, le répertoire des motifs diffère légèrement d’une classe à l’autre. Toutefois, les deux groupes partagent un même principe de composition des décors, la présence d’une couverture de trame sur la panse de la plupart des vases et l’utilisation des motifs communs (impression roulée de ficelle torsadée, impression pivotante au peigne). Ce sont peut-être des différences de fonction qui expliquent l’existence des deux groupes céramiques individualisés à Kobadi.

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Figure 6

Exemples de quelques motifs du groupe 1 ; 1 : trame losangée de traits régulièrement espacés ; 2 : ligne de points sur la lèvre ; 3 : bande de zigzags de traits verticaux régulièrement espacés et trame de segments obliques de points joints ; 4 : 6 lignes horizontales de points et trame de segments obliques de points joints.

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Figure 7

Exemples de quelques motifs du groupe 2. 1 : trame quadrillée de lignes horizontales d’ovales joints et de lignes verticales ; 2 : trame quadrillée de lignes horizontales d’ovales régulièrement espacés et de lignes verticales ; 3 : bande de zigzags courbes de traits horizontaux régulièrement espacés ; 4 : bande de zigzags de points joints, sinusoïde de zigzags de points joints sur bandeau réservé et trame de segments obliques de points joints ; 5 : bande de lignes horizontales et trame de segments obliques de points joints.

Comparaison avec les ensembles céramiques de sites voisins

78 Le groupe 2 de Kobadi semble avoir quelques affinités avec la « tradition Kobadi » telle qu’elle est identifiée par K. Mac Donald (Mac Donald, thèse, p. 90) sur le matériel collecté à Bérétouma 1121-2 et Tiabel Goudiodié. Ils partagent en effet la présence de spicules d’éponge, dans une telle proportion que Mac Donald en fait un dégraissant, au même titre que le sable, et une forme globulaire, à bord ouvert ou étréci, dont l’ouverture varie entre 28 cm et 40 cm. Les décors du bord sont réalisés avec un stylet pivotant et un peigne pivotant ou traîné, mais aussi avec une ficelle torsadée roulée comme à Kobadi. La présence d’empreintes de tissus sur la panse, « attested to here by visible under/over weaves and inconsistencies in the fabric itself » (Mac Donald 1994, p. 75) rappellent les empreintes de vannerie supposées sur les vases du groupe 2.

79 Il est plus difficile de trouver un ensemble céramique ayant des caractéristiques comparables à celui du groupe 1 de Kobadi. Néanmoins, les tessons découverts par K. Mac Donald à Bérétouma 1121-5 et Kolima Sud présentent quelques points communs : de la chamotte comme dégraissant, des lèvres carrées et arrondies (Mac Donald 1995, p. 432, fig. 3) et un décor réalisé avec des roulettes de ficelle torsadée ou de ficelle tressée, comme on a pu le reconstituer avec les décors de panse du groupe 1.

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Néanmoins, aucune bande de zigzags sur le bord intérieur des vases n’a été identifiée à Kobadi.

Conclusion

80 Ce premier essai de classification de la céramique de Kobadi, amorcée par l’observation de deux groupes dont la pâte était différente, a permis de mettre en évidence l’existence de deux ensembles céramiques qui se définissent l’un par l’homogénéité de ses formes, de ses mesures et de ses décors, l’autre par le morcellement de ses classes morphologiques et par la variété de ses ornements. L’extension de cette étude au reste du matériel, ainsi que la définition plus précise des caractéristiques de pâte, devraient permettre de tester l’hypothèse de la différenciation de ces deux groupes et d’entrevoir les relations des ces deux ensembles. Enfin, l’observation directe du matériel des sites contemporains proches de Kobadi devrait nous éclairer sur la place de cesensembles céramiques dans le Néolithique du Delta Intérieur du Niger.

BIBLIOGRAPHIE

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RÉSUMÉS

Nous proposons dans cet article une analyse complémentaire de la céramique de Kobadi en développant une étude stylistique. A cette fin, un protocole de description et d’analyse de la composition des décors est présenté. Il est appliqué aux tessons de bord découverts dans les sondages G, H et I en 1995 qui permettent de reconstituer la forme et l’ensemble de la partie ornée des vases. Deux groupes de céramique définis grâce à leur différence de pâte sont classés par la forme de pots et de lèvre et le diamètre à l’ouverture. Les décors de chacune de ces classes sont décrits et les règles de composition sont enregistrées. Les deux groupes sont alors comparés sur les critères suivants : morphométrie, répertoire des motifs et règles de composition des décors. Enfin, leurs relations avec les assemblages céramiques des sites néolithiques proches de Kobadi sont envisagés.

We propose in this paper a complementary study of the pottery assemblage of Kobadi, trying to define the style of these ceramics. Our method is based on a protocol of description and analysis of the composition of the decorative patterns we present here. The rim sherds of the test pits G, H and I, excavated in 1995, that provide a reconstitution of the morphology of the pot and a view of the whole decorative pattern were chosen for this study. Two groups defined by their different paste are classified by morphology of pots and rim and by the diameter of the opening. The decorations of each class are described and their laws of composition are recorded. Then we make a comparison of these two groups based on the following criteria: morphometry, motifs and laws of the composition of the decorations. Finally, we try to establish what are their relationships with ceramic assemblages of the sites close to Kobadi.

AUTEUR

ANNABELLE GALLIN

UMR 6636 – ESEP, 5 rue du Château de l’Horloge, BP 647, F-13094 Aix-en-Provence Cedex 2, [email protected]

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L’industrie lithique de Kobadi (Sahel malien) : aspects techniques, socio- économiques et culturels

Jean-Claude Urbain

1 Sis sur les plaines alluvionnaires desséchées du Sahel malien, Kobadi livre un important témoignage de l’occupation humaine en marge du Sahara méridional à la fin du Néolithique (Raimbault et al. 1989 ; Raimbault 1994). Le site est un « dépotoir- nécropole » allongé sur 360 m en bordure d’un paléolac. 99 squelettes y ont été recensés parmi des amas de déchets culinaires et des témoins industriels épars (Raimbault et al. 1990). La présente étude, consacrée aux artefacts lithiques observés et collectés entre 1984 et 2002, se place dans la continuité des travaux archéologiques et anthropologiques déjà entrepris sur le site1. Elle participe à la définition de sa culture matérielle ainsi qu’à la compréhension du mode de vie de ses habitants. L’occupation de Kobadi est attestée entre 3335 ± 100 BP et 2415 ± 120 BP, époque à laquelle son environnement humide constituait une niche écologique privilégiée (Raimbault 1986, 1996). Aujourd’hui le gisement est partiellement recouvert par une formation sub- actuelle qui en modifie l’aspect et les limites réelles (fig. 1). Mais, balayée par les vents et lavée par les eaux de ruissellement, la bordure orientale du site présente en bloc tout l’éventail technologique et minéralogique qui caractérise son industrie lithique2 (Urbain 2002).

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Figure 1

Témoins lithiques dispersés à la surface du site paléolacustre de Kobadi.

2 Le Néolithique « saharo-soudanais », que G. Camps (1974) localise entre le Sud-est mauritanien et l’Azawad malien, rompt avec les cultures matérielles paléolithiques et épipaléolithiques. Le mobilier lithique évolue notamment avec l’apparition du matériel de broyage, des objets de parure, le perfectionnement des tranchants par le polissage et le développement de l’armement avec les armatures de flèche. Les 185 artefacts prélevés en surface du gisement et en sondages composent une série relativement maigre dans laquelle chaque pièce, même la plus fragmentaire, se révèle significative soit par ses formes soit par sa matière première. Leur classement en ensembles cohérents nous informe sur les activités de ses occupants et autorise les comparaisons avec les autres faciès sahéliens.

Matières premières et gisements connus

3 L’étude pétrographique d’un corpus consiste non seulement à reconnaître les matières façonnées mais aussi à inventorier les possibilités de leur acquisition. Pour déterminer l’éventail des roches utilisées à Kobadi nous avons proposé un échantillon de pièces au regard averti de deux spécialistes de la géologie ouest africaine : J. Sougy, directeur des recherches géomorphologiques sur la structure des Mauritanides, pour l’URA 132 entre 1957 et 1980, et M. Villeneuve, directeur de recherches au département de Sciences Naturelles de l’Université de Provence, qui a aussi participé à l’étude des Mauritanides entre 1978 et 1985.

4 Le spectre pétrographique du gisement est composé à 85 % de roches sédimentaires. Elles ont servi à façonner la majorité des outils reconnus. Parmi ces roches exogènes nous retrouvons essentiellement des grès, des plus grossiers aux fines pélites, des argilites et des schistes. Légèrement cimenté, le grès « maigre », ou grossier, a été choisi pour les qualités abrasives de ses grains saillants. Il a servi à façonner l’essentiel

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du matériel de broyage et de polissage. Le grès « franc », ou fin, plus riche en ciment, a été utilisé pour quelques broyeurs et hachettes tandis que le grès quartzite, beaucoup plus dur, a été taillé. La quasi-totalité des types d’outils propose des pièces en pélites. Ces grès extrêmement fins ressemblant à de l’argile durcie ont manifestement été préférés par les artisans de Kobadi. L’argilite est une argile indurée par la chaleur, possédant une structure très légèrement litée. Ciseaux, armatures et anneaux ont été finement polis dans cette roche. Selon la définition de L. Moret, « une roche argileuse durcie par des actions mécaniques est une argilite ; lorsque ces actions sont très intenses, [...] la roche devient un schiste, c’est-à-dire une roche qui peut se cliver en minces feuillets suivant une direction normale à la poussée... » (Moret 1967). Cette matière homogène à grains fins ne se rencontre à Kobadi que sous son type « ardoisier » de couleur noire (schiste ampéliteux). Son délitement en plaques minces a été mis à profit pour la fabrication d’armatures de flèche polies dont les faces sont quasi-naturelles (Amblard 1991).

5 La dolérite, ou « roche verte », est la seule roche magmatique observable sur le site. Sa structure très fine et cohérente lui confère une bonne résistance aux chocs. Elle est présente sous forme de fragments de haches, de ciseaux, d’une micro-hachette et d’un fragment d’anneau.

6 L’utilisation des roches hautement siliceuses a été beaucoup plus marginale. La cassure courbe et l’éclat mat de la silexite sont observables sur quelques pièces retouchées. Les hommes de Kobadi ont également taillé de petits blocs et éclats de jaspes diversement colorés. De nombreux galets de quartz blanc se rencontrent enfin, dispersés en surface. Ils ont servi, comme dans tout le Sahara, à un outillage microlithique. En revanche, aucune pièce en phtanite n’a été reconnue dans l’ensemble prélevé. K. MacDonald (1995) mentionne pourtant sa présence pour illustrer sa théorie des échanges entre les dhars Tichitt-Walata et Kobadi.

7 Le millénaire pendant lequel des hommes ont occupé le site leur a sans doute permis d’acquérir une connaissance précise du cortège minéralogique de leur environnement. Même si aujourd’hui de nombreux affleurements anciens sont dissimulés par les sables, l’observation des cartes géologiques3 nous permet d’entrevoir une aire globale des provenances. Dans sa périphérie immédiate, soit un cercle d’environ 15 km de rayon, Kobadi n’est entouré que d’une vaste étendue d’alluvions anciennes et récentes, parcourue de rares pointements gréseux et de sables argileux. Hormis quelques galets de quartz, toutes les autres roches semblent avoir été importées.

8 M. Raimbault (1994) signale l’existence d’une formation isolée, à 30 km au sud de Kobadi, en avant de l’escarpement de Boulel. Elle renferme des schistes et des silexites qu’il serait intéressant d’observer pour en comparer la nature avec les outils prélevés. Cette formation est également riche en quartzite, roche habituellement prisée au Néolithique mais que nous n’avons pas rencontrée à Kobadi.

9 Le socle magmatique, qui affleure au sud du Mali, est recouvert de séries sédimentaires qui s’échelonnent chronologiquement, de I à III, du sud au nord de l’Afrique de l’Ouest (Villeneuve et al. 1994). La Série sédimentaire I est donc la plus méridionale, mais elle se retrouve jusqu’à la hauteur de Guiré et Sokolo, à une centaine de kilomètres au sud- ouest de Kobadi. Elle renferme des grès feldspathiques et micacés que nous retrouvons sur le gisement. Feldspaths et micas ayant une origine magmatique, on ne peut trouver les grès qui les contiennent que dans cette série proche du socle. Intercalé entre les Séries I et II, le dépôt glaciaire baptisé Groupe de Bakoye est formé de grès, d’argiles et

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de jaspes. Selon M. Villeneuve, les grès fins et ferrugineux façonnés en meules pourraient être extraits de cette zone. La région de Nara, traversée par la série de Kiffa riche en schistes ferrugineux et en pélites, est à 150 km à l’ouest du site. Le schiste brun dans lequel ont été polis deux ciseaux, une hache et des plaquettes évoque pour J. Sougy ces schistes de Nara. Dans le Hodh mauritanien, la base de la Série II présente la triade sédimentaire : grès, schistes, jaspes. Les grès pélitiques très fins de Kobadi pourraient avoir été collectés dans cette région. Pour M. Villeneuve, les quelques grès rubanés rencontrés semblent provenir de la zone riche en affleurements gréseux qui entoure Bacikounou à 80 km au nord-ouest du site. La Série III, englobant les dhars sud mauritaniens de Tichitt, Walata et Néma, propose une alternance de grès abondants et de schistes ampéliteux. Le nord de Walata foisonne de jaspes et on connaît des gisements de silexite dans la région de Néma où la stratigraphie est également généreuse en quartzite, pélite et phtanite (Amblard 1984 ; Amblard-Pison 1999). La dolérite abonde au sud du dhar Néma où elle est apparue à la faveur de l’activité volcanique jurassique. Les schistes à pastilles et les argilites noires et indurées, fréquentes à Kobadi, sont les produits d’un réchauffement lié à leur recouvrement par une coulée de dolérite. Leur provenance de cette région des dhars, bien qu’éloignée d’environ 150 km, est une hypothèse envisageable.

10 L’absence d’indices de stockage nous laisse supposer que toutes ces ressources minérales étaient suffisamment accessibles et adaptées aux besoins d’une population qui a su se doter d’un mobilier lithique complet.

Typologie et informations socio-économiques

11 Le groupe d’outils liés à des activités de taille représente 24,3 % de l’échantillon prélevé (fig. 2). Seize petits grattoirs, longs de 15 à 41 mm, ont des apparences très différenciées. Ce sont soit des blocs de pélite fine ou de schiste gris à pastilles, soit des éclats de silexite, de jaspe rouge et jaune ou d’argilite noire. Douze d’entre eux présentent un front de grattoir aménagé sur leur côté le plus long par des retouches bifaciales, marginales et d’inclinaison abrupte. Outre ces grattoirs latéraux nous avons reconnu quatre grattoirs circulaires retouchés sur toute leur périphérie. Deux autres, plus globulaires, évoquent des grattoirs nucléiformes. Les tranchants écaillés de ces outils sont convexes et souvent très émoussés. Dans le même ordre de taille que les petits grattoirs, onze fragments d’objets polis en schiste ou en argilite noire ont été retouchés au niveau de leurs fractures pour être réemployés. Quatre éclats originaux n’excèdent pas 4 mm d’épaisseur. Ces derniers portent de fines retouches unifaciales directes, marginales et semi-abruptes qui déterminent des tranchants très vifs et écaillés. A cet ensemble taillé s’ajoutent deux grands blocs gréseux à retouches bifaciales, longs de 79 et 70 mm, ainsi que huit petits éclats de quartz aux tranchants effilés et non retouchés.

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Figure 2

Répartition de l’outillage prélevé par techniques de façonnage.

12 Meules et broyeurs composent un matériel de broyage fragmentaire et abondant avec 30,8 % du corpus. Ils ont été façonnés dans des roches gréseuses dont la rugosité a disparu à l’usage. Nous avons dénombré 157 fragments en parcourant le site en 2002, mais notre étude est basée sur 49 pièces prélevées en surface par M. Raimbault, ainsi que dans les sondages C (8 pièces), F (6), G (5) et H (26). La concentration observée dans le sondage H est intéressante et pourrait indiquer une zone préférentielle de rejet (fig. 3). Quelques fragments conservent un bord assez large qui permet d’en apprécier l’aspect droit ou courbe. Les meules les plus fines ont une section concavo-convexe alors que les plus épaisses sont plano-convexes, voire hémisphériques. La grande majorité des surfaces actives est dotée de rainures piquetées (Camps-Fabrer 1966). La vocation fonctionnelle d’une telle striation était probablement liée à l’écoulement des matières broyées. Ces stries sont parallèles entre elles, obliques ou rarement perpendiculaires par rapport au bord (fig. 4). Dans cinq cas, quelques-unes suivent la courbure de ce dernier. Elles peuvent être profondes ou superficielles, parfois à peine visibles. L’essentiel des fragments récoltés semble surtout correspondre aux meules à végétaux décrites par V. Roux (1985). L’écrasement des matières fragiles étant facile, leur surface active n’est pas nécessairement très rugueuse. C.E. Klenkler (1986) admet également que les meules hémisphériques ne sont « pas tellement conçues pour broyer des grains mais plutôt pour pulvériser des matières colorantes naturelles ou pour écraser des racines, feuilles ou tiges. » Si l’on privilégie cette hypothèse, leur état fragmentaire pose problème. Il est impossible que les fractures de pièces épaisses de 40 mm soient liées à des accidents d’utilisation. S. Amblard (1984) avance que « le bris d’objet, et surtout de meules, était fréquemment lié à un rituel de départ. » Elle propose aussi de les associer à un rite mortuaire qui impliquait la destruction des objets du défunt, pratique encore observée de nos jours. L’idée est intéressante, mais nous savons qu’au Mali les meules préhistoriques sont souvent récupérées par les populations et qu’en conséquence l’absence de pièces entières n’est pas forcément significative.

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Figure 3

Répartition des outils prélevés par sondages.

Figure 4

Fragment de meule à surface active striée.

13 La grande variabilité des formes de broyeurs correspond à différents modes de préhension ainsi qu’à plusieurs techniques d’utilisation. 34 pièces ont été collectées en surface et dans le sondage H. Les molettes sont globulaires, plates ou, forme inédite, fusiformes à section parfaitement circulaire. D’autres, à deux surfaces actives, ont une section biconvexe quasi-symétrique4. Un seul des cinq pilons repérés est entier. Il est

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court avec seulement 4,9 cm de hauteur et 3,8 cm de diamètre. Son extrémité sommitale arrondie est finement polie, état de surface qui confirme le traitement de substances tendres. De nombreux outils composites complètent la catégorie des broyeurs. Leur utilisation comme molette, certifiée par l’usure des faces, et comme pilon, attestée par des stigmates de percussion verticale, leur confère ce caractère composite. Ces pilons-molettes se distinguent par leur section : elliptique, triangulaire, quadrangulaire ou circulaire. Aucun n’est franchement abrasif. Leurs faces lissées par l’usage ne semblent pas avoir été ravivées. Associés aux meules planes et peu mordantes, ils constituent un ensemble adapté à la mouture de matières tendres.

14 L’outillage lié au polissage et les objets polis dominent l’ensemble lithique de Kobadi avec 44,9 % du corpus. Dans ce groupe, l’armature de flèche polie est un important indicateur socio-économique car elle répond à des buts précis : la guerre, la chasse ou la pêche. Au total, seize pièces ont été trouvées, dont deux dans le sondage H. Les découvertes de ce type d’armatures « doucies » sont longtemps restées cantonnées à la région du Hodh mauritanien (Verneau 1920 ; Laforgue 1923). Elles ont été façonnées dans des roches schisteuses et des argilites indurées. Leurs arêtes latérales acérées sont systématiquement renforcées par de larges biseaux qui leur confèrent de bonnes qualités balistiques. Seulement huit d’entre elles sont entières. La plus grande mesure 49 mm de long, 27 mm de large et pèse 8 g tandis que la plus petite ne fait que 23 mm de long, 16 mm de large et pèse 0,5 g. Entre ces deux extrêmes leurs formes sont très variées. Inspirées du triangle, elles se déclinent en armatures à bords rectilignes (fig. 5.1, 2), asymétriques à base rectiligne (fig. 5.3), à bords convexilignes (fig. 5.4, 5, 10), ogivales (fig. 5.7), lancéolées (fig. 5.6), foliacées (fig. 5.8, 9, 11, 12), ou à base échancrée (fig. 6). Ce dernier type, inédit, désigne des armatures dont la base est marquée par une profonde échancrure de fixation dégageant deux ailerons à méplat proximal. En l’état actuel des connaissances, les quatre spécimens trouvés n’ont pas d’équivalent dans le Néolithique sud saharien et décrivent un sous-type local circonscrit à la région de Kobadi (Raimbault et al. 1990 ; Raimbault 1994).

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Figure 5

Armatures de flèche polies.

Figure 6

Armatures de flèche polies à base échancrée.

15 Cinq ciseaux polis au taillant très affûté ont probablement servi au façonnage de solides fibreux. Deux d’entre eux, fragmentaires, présentent un taillant rectiligne formé par la rencontre de deux biseaux. Les trois autres sont dotés d’un taillant courbe à biseau

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unique. La seule pièce entière, longue de 50 mm, est cylindrique. Son talon plat et circulaire porte des traces de chocs attestant une utilisation avec percuteur.

16 Les hachettes polies, caractéristiques de la steppe sahélienne, se rencontrent partout entre l’Aouker et la falaise de Tiguidit (Lhote 1952). Le site de Kobadi en a livré cinq à section quadrangulaire ou sub-circulaire. Elles ne dépassent pas 45 mm de long et 43 mm de large. Leur double biseau envahit leurs flancs renflés et détermine un tranchant mousse. Une seule micro-hachette trapézoïdale a été découverte. Elle ne mesure que 30 mm de long et 26 mm de large. L’usage de tels outils reste incertain. Objets à caractère « votif » ou « haches-amulettes » sont les fonctions qui leur sont le plus souvent attribuées au regard de leur réemploi moderne par certaines ethnies (Gaussen 1990). H. Lhote (1952) constate qu’elles peuvent être utiles à des travaux minutieux nécessitant un tranchant régulier. Cette hypothèse utilitaire est la plus plausible pour M. Raimbault (1994) qui voit dans leurs formes naines des outils à fendre. Haches et herminettes sont des instruments à vocation forestière utilisés brutalement et sujets au bris. Six grands fragments caractéristiques en dolérite prouvent leur utilisation à Kobadi bien qu’aucune pièce entière n’ait été trouvée.

17 Treize pierres à rainures en grès ont été collectées. Quatre d’entre elles sont des fragments de meules recyclés. Elles sont dotées d’une ou deux rainures hémicirculaires, parallèles ou convergentes et larges de 13 à 9 mm. La mise en forme de hampes de flèches en bois, de sagaies ou de fûts de harpons est leur usage le plus vraisemblable. Un fragment de plaquette quadrillée, polie dans un schiste ferrugineux, porte deux fines rainures sécantes. Ces dernières, larges de 5 mm, ont un profil en « V ». Elles n’ont certainement pas été utilisées comme celles des pièces en grès mais semblent plus adaptées au façonnage précis d’aiguilles.

18 Les pièces perforées sont souvent considérées comme des objets de parure mais cet emploi est plus évident pour les perles que pour les anneaux. La qualité de ces formes implique un investissement considérable de temps et d’énergie. Nous y voyons l’œuvre de populations stables, sinon d’ateliers spécialisés. Nous avons observé quatre perles à Kobadi mais nous ne connaissons aucun perçoir, taraud5 ou autre objet forant pouvant être entré dans le processus de leur fabrication, apparemment allochtone. Trois perles en quartz possèdent une cavité biconique. Leur diamètre extérieur est de 7, 8 et 13 mm. Les deux plus petites sont polies tandis que la plus grosse est grossièrement taillée. La quatrième pièce est en argilite noire. C’est un fragment de perle sphérique dont la fracture dévoile une cavité cylindrique.

19 Outre deux morceaux massifs de disques perforés à larges pans, quinze fragments d’anneaux ont été ramassés en surface (fig. 7). Ces segments correspondent à des quarts d’anneaux ou à des portions plus petites. Leurs cassures vives sont postérieures à leur finition. Exception faite de trois cas très altérés, ils sont tous entièrement polis, parfois si finement qu’il est difficile de reconnaître le grain de la roche. Ils sont le plus souvent en grès fin, hormis un cas en argilite grise et un autre en dolérite. La jonction de leurs deux pans convexilignes forme une arête extérieure. Leur section est donc sub- triangulaire. Leur épaisseur maximale est toujours située au niveau de leur face intérieure, celle-ci étant soit légèrement convexe soit biconique. Dans la moitié des cas, les jonctions des deux pans avec le bord intérieur ne forment pas deux arêtes mais une arête et un arrondi. Cette asymétrie semble résulter d’une usure différentielle liée à un usage inconnu. R. Vernet (1993) distingue, en fonction de leur diamètre intérieur, les bracelets pour enfants (entre 4 et 6 cm) de ceux pour adultes (entre 6 et 7 cm). Un

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diamètre intérieur de 6 cm caractérise 73 % des anneaux ramassés à Kobadi où, cependant, ils n’ont jamais été trouvés en association avec un corps. Un cas original arbore des incisions sur toute la longueur de son arête extérieure (fig. 8). Cet enjolivement peut plaider en faveur d’un souci esthétique. Des crénelures identiques ont été observées dans le village mauritanien d’Akjoujt. Selon R. Vernet (1993), elles auraient pu servir de « peigne-roulette » pour la décoration de céramiques. Nous avons également relevé deux très épais fragments d’anneaux ceinturés d’une cannelure. Cette gorge périphérique, inscrite à la place de l’arête extérieure, donne une apparence de « poulie » à ces pièces robustes.

Figure 7

Fragments d’anneaux à bords convexilignes.

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Figure 8

Fragment d’anneau crénelé.

20 Des blocs de grès dotés de concavités circulaires piquetées ont déjà été signalés dans le Sahara méridional (Gaussen 1994) et septentrional (Reygasse 1934). Mais les douze pierres à cupules remarquées à Kobadi sont vraiment singulières. On ne leur connaît pas d’équivalent tant leurs cupules sont profondes et envahissantes (fig. 9). Elles se rencontrent un peu partout à la surface du gisement sous des formes pyramidales ou quadrangulaires. La hauteur des blocs pyramidaux varie de 8,3 à 9,8 cm. Leurs faces sont dotées d’une à trois cupules dont la disposition, sans logique apparente de symétrie, ne facilite pas la préhension. Plus petits, les blocs quadrangulaires mesurent entre 5,4 et 6,6 cm de longueur et leurs faces ne portent jamais plus de deux cupules. Le diamètre moyen de ces concavités est de 21,5 mm pour une profondeur de 5,8 mm. Leur forme résulte de micro-chocs répétés dont l’origine nous laisse perplexes. Leur façonnage est-il réfléchi ou ne sont-elles que les stigmates d’une utilisation en percuteur ? Ont-elles une destination autre que technique ?

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Figure 9

Pierre pyramidale à neuf cupules, haute de 8,3 cm.

21 L’échantillon étudié pose les problèmes inhérents aux cultures néolithiques sahariennes et sahéliennes. La technique quasi généralisée du polissage gêne la lecture technologique puisqu’il détruit les stades de fabrication précédents. Nous assistons à cette nouvelle attitude des artisans qui produisent, dans des matériaux identiques, des outils sommaires et d’autres d’une exceptionnelle qualité6. Nous constatons aussi l’importance de la morphologie initiale des matières premières sur l’aspect des produits finis (Amblard 1984). Cet opportunisme, également exprimé par les nombreux réemplois et ravivages que nous avons soulignés, explique la diversité des formes au sein d’un même type d’outils.

22 Surface et sondages proposent des ensembles similaires dans leur composition. A la surface du gisement, aucune concentration précise n’a pu être observée. Il en va différemment pour les sondages qui n’ont révélé du matériel que sur le haut de la bute. Le sondage H, qui a livré 22,7 % de l’ensemble collecté, paraît indiquer une zone privilégiée d’accumulation archéologique au sommet du site.

Affinités culturelles transahéliennes

23 Même si le Sahel malien est le cadre de l’épanouissement de cultures autonomes comme le Néolithique du Baoulé ou celui du Tilemsi, des récurrences typologiques unissent le matériel lithique de Kobadi au vaste ensemble néolithique de la frange méridionale du Sahara ouest africain. Au Néolithique récent, le rétrécissement des barrières lacustres favorisait les déplacements longitudinaux et les rencontres entre Sahariens et Sahéliens (Devisse et al. 1993).

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24 Une forte présomption de filiation lie Kobadi au faciès saharien, bien plus ancien, de Hassi-el-Abiod dans l’Azawad (Commelin et al. 1993 ; Raimbault 1993, 1996 ; Raimbault et al. 2001). Mise en évidence par d’incontestables affinités industrielles, topographiques et anthropologiques (Georgeon et al. 1992), cette idée est renforcée par la ressemblance d’objets lithiques peu communs tels que les meules striées ou les pierres quadrangulaires à cupules. « Si le groupe (de Kobadi) semble bien procéder de la région de Hassi-el-Abiod au cœur du Sahara malien avec l’essentiel de son fondement culturel, certaines manifestations sont empreintes d’influences opposées géographiquement » (Raimbault 1994). En effet, la tradition lithique des pêcheurs chasseurs cueilleurs de Kobadi s’insère dans un ensemble culturel homogène reconnu depuis la Mauritanie jusqu’au Niger.

25 Les affinités entre le Sud-est mauritanien et la zone lacustre plaident pour une certaine mobilité, soit des habitants de Kobadi à la recherche de matières premières, soit des populations mauritaniennes attirées vers le delta intérieur à l’occasion des grandes pêches annuelles (Mac Donald 1995). Ces affinités intéressent les sites du Hodh et de l’Aouker où 16 % des armatures de flèche découvertes ont été polies (Amblard 1991). On retrouve ces mêmes armatures doucies, ainsi qu’un fond lithique semblable dans ses formes sur les dhars Tichitt et Walata.

26 L’influence locale du faciès de Kobadi est encore méconnue puisque les sites voisins sont cachés sous les accumulations éoliennes (Raimbault 1994 ; Mac Donald 1999). Les tertres exondés du Méma, région du delta mort du Niger, renferment des gisements contemporains (Raimbault et al. 1991). Et si seulement quelques-uns semblent procéder de la même culture céramique, tous possèdent le même fond lithique basé sur les armatures doucies, les courts grattoirs très usés, les fragments de meules striées ou encore les morceaux d’anneaux à bords convexilignes.

27 Le Néolithique final qui se déploie au Niger, dans le bassin de l’Ighazer Wan Agadez, propose, lui aussi, de très médiocres ensembles lithiques composés de petits grattoirs, de micro-hachettes polies et de meules brisées (Grébénard 1985).

28 1500 km séparent l’Aouker de l’Ighazer Wan Agadez mais chacune de ces régions présente des aspects fondamentaux que nous retrouvons dans le faciès de Kobadi. Nous sommes frappés par certaines récurrences : les armatures doucies, bien que rares, se rencontrent du Hodh au sud-ouest nigérien de Kirkissoy (Vernet 1996a) en passant par le Gourma ; les hachettes sont omniprésentes ; le matériel de broyage, incontournable, est toujours fragmentaire ; les meules striées ont traversé les âges du Néolithique ancien de Hassi-el-Abiod à la Protohistoire du Méma ; les anneaux ou les perles se retrouvent sur quasiment tous les sites. Il ressort bien de ces rapides comparaisons que l’essentiel des faciès lithiques sahéliens connus montrent plus d’homogénéité que de divergences (Vernet 1996b).

29 Ce sentiment de parenté culturelle est renforcé par la contemporanéité de ces sites qui, au Néolithique récent, sont tous propices au refuge devant la progression du désert. On mange simultanément de l’hippopotame à Kobadi (Raimbault et al. 1987), à Tichitt, à Chin Tafidet, à Karkarichinkat dans le Tilemsi et à Kirkissoy. Entre les falaises de Tichitt et de Tiguidit s’épanouit un mode de vie basé sur les grandes pêches, la chasse et l’élevage. L’organisation spatio-temporelle des déplacements de populations à la fin du Néolithique est une question encore nébuleuse. La seule piste actuellement reconnue est le pastoralisme, générateur de transhumances lointaines. « C’est sans doute lui qui est le moteur principal du contact entre les cultures… » (Devisse et al. 1993). Associée à

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la pauvreté des contextes géologiques, cette économie pastorale a déterminé les maigres industries lithiques sahéliennes. L’utilisation de la pierre est cantonnée aux « activités internes » des groupes : polissage, broyage, artisanat minutieux, etc. (Amblard 1984). L’os et le bois, facilement transformables en harpons, hampes et nasses, arment désormais chasseurs et pêcheurs dans leur quête de nourriture. La mauvaise conservation de l’os et la rapide destruction du bois ne nous permettent malheureusement pas d’évaluer la véritable ampleur de ces industries.

Conclusions

30 Dominé par un outillage poli souvent ravivé voire recyclé, l’échantillon prélevé à Kobadi dénonce l’indigence minérale de son environnement. Si le rôle de certains objets reste mal défini, notre inventaire reflète cependant les principales activités socio-économiques des occupants du site : chasse, travail précis du bois et de l’os, découpes, mouture de matières tendres, etc. Des préoccupations esthétiques sont suggérées par les perles ou certains anneaux. Ces objets perforés, difficiles à façonner, et le matériel de broyage, peu commode à transporter, caractérisent une population stable voire sédentaire. Les occupants de Kobadi étaient peut-être des chasseurs pêcheurs itinérants qui laissaient leurs meules et enterraient leurs morts sur un site privilégié autour duquel ils gravitaient. Sans poids de filets de pêche, dépourvu de meules et de haches entières, l’ensemble lithique apparaît disproportionné en regard de la profusion des déchets culinaires et notamment des restes de grands gibiers, victimes vraisemblables d’un abondant outillage cynégétique dont il ne reste que de rares témoins.

31 La concentration de vestiges découverts dans le sondage le plus éloigné du rivage annonce l’occupation préférentielle du sommet de la butte et nous laisse supposer un gisement bien plus étendu qu’il n’apparaît aujourd’hui. De nouvelles fouilles à l’ouest du site permettraient d’évaluer son ampleur réelle.

32 La confrontation de notre corpus aux connaissances livrées par les autres sites sahéliens certifie la cohérence culturelle de l’ensemble lithique de Kobadi. La tradition industrielle dont il procède n’est pas cantonnée aux seuls Sud-est mauritanien et Azawad, cadres du Néolithique « saharo-soudanais », puisqu’elle se retrouve aussi au Niger où elle semble s’introduire via le Gourma. Malgré ses affinités transahéliennes, le faciès de Kobadi possède une identité originale, fondée notamment sur l’exclusivité des armatures polies, dont le type à base échancrée constitue l’originalité, la grande fréquence des meules à surface active striée et la morphologie sans équivalent des molettes fusiformes et des pierres pyramidales à cupules profondes. Les éléments de cette culture lithique, bien que complexes, attestent, au Néolithique récent, de larges déplacements en marge du Sahara méridional, mouvements longitudinaux qui seront mieux appréciés par la découverte de sites intermédiaires entre le Hodh, Kobadi et le Sud-ouest nigérien.

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NOTES

1. Signalé pour la première fois en 1955 par Th. Monod et R. Mauny, le site de Kobadi est étudié en 1984 par M. Raimbault et T. Togola. En 1989, M. Raimbault et O. Dutour y entreprennent des recherches anthropologiques et archéologiques pour cerner l’importance de la nécropole associée au dépôt et en déterminer la population. L’outillage lithique collecté lors de ces missions, celui recueilli en 1995 par M. Raimbault dans les sondages F, G, H et I ainsi que les pièces complémentaires, prélevées en surface par J.-C. Urbain en 2002, sont conservées dans les réserves de l'ESEP, à la MMSH d’Aix-en-Provence. 2. Dans cet article, l’auteur propose une synthèse de son mémoire de Maîtrise consacré au matériel lithique de Kobadi, présenté en juin 2002 sous la direction de M. Raimbault. 3. Carte géologique de la République du Mali à 1/1 500 000, BRGM, 1980 et carte géologique de la République islamique de Mauritanie à 1/1 000 000, BRGM, 1968. 4. Cette forme correspond aux palettes décrites par S. Amblard (1984). 5. Formes de bâtonnets épointés. 6. Remarques formulées par J. Cauvin (1973) dans ses Réflexions sur la typologie des outillages néolithiques.

RÉSUMÉS

L’industrie lithique de Kobadi s’inscrit dans une tradition matérielle « transahélienne » qui dépasse le cadre strict du Néolithique « saharo-soudanais ». Remarquable par ses armatures polies, ses meules à surface active striée et ses pierres à cupules, l’ensemble étudié révèle une industrie conditionnée par de fortes contraintes environnementales et économiques. Si la périphérie régionale du site propose quelques affleurements gréseux, certaines roches comme la dolérite ne se rencontrent que sur les lointains dhars mauritaniens et suggèrent des contacts entre populations. À la fin du Néolithique, les chasseurs pêcheurs de Kobadi se sont dotés d’un outillage lithique adapté à un mode de vie « sédentaire » et complémentaire à l’utilisation intensive de l’os, des matières végétales et de la céramique.

The lithic industry of Kobadi is part of a “transahelian” material tradition which goes beyond the space of the “saharo-sudanese” Neolithic. Note-worthy by its polished heads of arrow, its

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millstones with striated active surface and its stones with deep concavities, the studied group reveals an industry governed by strong environmental and economic constraints. If the regional periphery of the site shows some sandstone outcropes, others rocks like dolerite can only be found on the distant mauritanian cliffes and suggest contacts between populations. At the end of Neolithic, hunters fishers of Kobadi have provided themselves with a lithic equipment fitted to a “sedentary” way of life and complementary to an intensive use of bone, vegetable materials and ceramic.

AUTEUR

JEAN-CLAUDE URBAIN

UMR 6636 – ESEP ; 5 rue du Château de l’Horloge, BP 647, F-13094 Aix-en-Provence Cedex 2, [email protected]

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Nouvelles données sur la faune mammalienne de Kobadi (Mali) au Néolithique Implications paléoéconomiques et paléoenvironnementales

Hélène Jousse et Isabelle Chenal-Velarde

Michel Raimbault nous a confié le matériel provenant des différentes missions, a permis à l’une d’entre nous (HJ), d’aller sur le terrain, et a contribué à ce travail par de nombreuses discussions et les documents fournis. Nous l’en remercions chaleureusement, ainsi que Louis Chaix, Claude Guérin, Martine Faure pour la relecture, Noël Podevigne pour les photographies des ossements, François Poplin pour ses conseils concernant la dent d’hippopotame, et l’UMR 5125 de l’Université Claude Bernard - Lyon 1 pour son aide financière à la mission de terrain.

Introduction

1 Situé à 15 km au Nord de Nampala, au cœur du Méma (fig. 1), Kobadi est à l’heure actuelle le plus important gisement néolithique de cette région du Sahel malien. Il fait figure de référence archéologique, notamment pour la céramique, mais aussi de l’industrie lithique et osseuse (harpons) (Raimbault 1996). Parmi ces vestiges, de nombreuses sépultures humaines ont été mises au jour. Mis à part un foyer en cuvette découvert dans l’un des sondages, aucune structure d’habitat ou d’activité spécifique n’est connue sur le site (Raimbault & Commelin, 2001-2002, ce volume).L’étendue du site est remarquable puisque sur 360 x 15 m (fig. 2) on trouve en abondance des sépultures et des restes de faunes, dont l’essentiel est constitué d’innombrables os de poissons, alors que ceux de tortues, crocodiles et mammifères sont plus épars (fig. 3). Le lamantin a notamment été signalé par Faure et al. (1993, fig. 4) comme le plus ancien reste de cette espèce trouvé dans un site archéologique à ce jour. Les datations radiocarbones (tableau 1) placent l’occupation du site au cours du IIe et du Ier millénaires BC.

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Figure 1

Kobadi : localisation dans la région de Nampala (Mali) et plan général du site.

Tableau 1

Datations radiocarbones du site de Kobadi.

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Figure 2

Vue générale du site et fouille des sondages F et I. (en cours de fouille).

Figure 3

Détail de la surface : deux accumulations d’os de mammifère (hippopotame) et de poisson.

2 Découvert pour la première fois par Monod & Mauny (1957), qui signalaient la présence d’hippopotames, ongulés, crocodiles et poissons, ce gisement fut prospecté en 1984, proposant une première liste de faune (Raimbault et al. 1987). Les deux missions de fouille suivantes ont procédé par décapage de la surface et réalisation des sondages de 2 x 2 m : C et E en 1989 et F, G, H et I en 1995, dont les restes de mammifères font l’objet de la présente étude (fig. 4). Celle des poissons et reptiles confiée à H. Manhart (Munich), sera présentée ultérieurement.

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Figure 4

Sondage 1995. À droite : sépulture ; à gauche : os d’hippopotame ; en haut : cheville de corne de guib d’eau.

Tableau 2

Liste faunique générale et détaillée par sondages. Les effectifs correspondent aux nombres de restes (NR).

Étude des mammifères

3 Les dépôts montrent une stratification difficile à corréler, puisque le sédiment, très homogène, ne permet pas d’individualiser de strates particulières. Sous un sable stérile plus récent, des niveaux archéologiques se succèdent sur une profondeur d’un mètre environ. Au-dessous, se trouvent les sédiments lacustres.

4 Les ossements découverts dans les différents sondages et en surface sont quantifiés en nombre de restes (NR) dans le tableau 2. Les restes déterminés représentent près de 230 éléments, soit 11,7 % de l’ensemble du matériel.

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Sirenia

Trichechus senegalensis (lamantin)

5 La rangée dentaire d’un lamantin porte normalement 7 à 8 dents à la fois. Un mouvement vers l’avant de l’ensemble de la rangée permet d’évacuer les dents les plus antérieures, usées, qui tombent par réduction de la racine postérieure et comblement progressif des alvéoles dentaires. Ce processus rappelle le mécanisme de remplacement dentaire des éléphants. Le lamantin en diffère pourtant par un nombre élevé de dents surnuméraires. Ainsi, on compte au total une quinzaine de dents par demi-mâchoire au cours de la vie de l’animal. Elles sont formées dans la chambre odontogène située à l’arrière et en dessous de la rangée dentaire (Domning & Hayek 1984).

6 La mandibule trouvée en subsurface à Kobadi (Pl. I.2) a conservé trois dents de chaque côté. On peut observer deux molaires encore logées dans le dentaire. Les deux hémimandibules étaient désolidarisées à leur découverte. La chambre odontogène droite portait un bourgeon de molaire encore incomplètement calcifié. Sa morphologie est semblable à celle d’une dent adulte : cuspides avant reliés en deux lophes transversaux, et fort cingulum postérieur. Seule la taille est réduite.

7 Chez les lamantins, les dents antérieures ont dégénéré et leurs alvéoles sont recouverts d’une plaque cornée, qui répond à une homologue sur la mâchoire supérieure et sert à la mastication des végétaux. Le deuxième spécimen de Kobadi, une symphyse mandibulaire prolongée par la base des deux branches horizontales, montre le vestige d’un alvéole antérieur, presque complètement obstrué.

8 Le lamantin est un mammifère aquatique herbivore, à corps fusiforme trapu, pouvant atteindre 4 m de long pour un poids de 500 kg (Marion & Sylvestre 1993). Ces membres antérieurs sont de courtes palettes natatoires, les postérieurs sont absents. Sa nageoire caudale est plate et arrondie (non bifurquée). Il est très recherché pour la qualité de sa viande, mais aussi pour son huile et sa peau. Sa capture peut se faire par prise accidentelle dans des filets de poisson, mais le harponage demeure la principale technique de chasse (Faure et al. 1993).

Artiodactyla

Hippopotamus amphibius (hippopotame)

9 L’hippopotame a livré des pièces anatomiques remarquablement bien conservées, notamment une hémimandibule droite juvénile (Pl. II.1). Celle-ci est fracturée au niveau de la base de la branche montante. Elle est caractéristique de l’espèce H. amphibius, excepté la forme de l’apophyse angulaire, qui malgré le jeune âge de l’individu, n’est pas développée en crochet, critère pourtant reconnu par Faure (1985) comme typique. Cette mandibule porte les troisième et quatrième prémolaires qui ne sont pas encore sorties. Sur les emplacements des deux premières molaires, les couronnes dentaires sont cassées, laissant seuls apparaître les vestiges des racines. La troisième molaire inférieure est elle aussi en cours d’éruption. Cette mandibule provient de la surface, ainsi que divers restes dentaires isolés : incisives ou dents jugales, inférieures et supérieures.

10 Le squelette post-crânien est représenté par un fragment de scapula et un de pelvis, un radius et une ulna en connexion, une partie distale de tibia non épiphysée, et par des

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extrémités de membres : carpiens et tarsiens dont un calcanéum robuste et complet (Pl. II.3), métapodes et phalanges, très bien conservés, même pour les éléments juvéniles. Ces os sont identiques à ceux des représentants actuels de l’espèce. En revanche, l’ulna, le calcanéum, un scaphoïde, un fragment de bassin, et deux métapodes sont comparativement plus grands (tableau 3). On retrouve la forte taille déjà signalée pour les hippopotames de Kobadi par Guérin & Faure (in Raimbault et al. 1987), mais ceux-ci ne dépassent pas ici l’intervalle de variation de l’espèce, à l’inverse de certains hippopotames mentionnés dans le Sahara malien à l’Holocène vers 7000 ans BP (Guérin & Faure 1983) et laissés au rang d’espèce indéterminée par ces auteurs pour cette raison. Cette observation rejoint également celle de Peters (1990) qui décrit, à l’Holocène ancien au Zaïre, des ongulés de taille supérieure à celle de leurs représentants actuels, notamment l’hippopotame. Cet auteur mentionne la pression de chasse par l’homme, mais surtout les conditions climatiques plus humides à l’Holocène ancien (produisant un couvert végétal de meilleure qualité) comme principaux responsables de ces modifications de taille.

Tableau 3

Dimensions comparées des os d’hippopotame de Kobadi et des actuels. D’après Faure, 1985.

11 L’hippopotame est la seconde espèce dominante du site en nombre de restes déterminés (tableau 2). Des marques d’intervention de rongeurs sont observables sur l’arête antéro-médiane de la diaphyse d’un calcanéum et sur quelques côtes. En revanche, peu de traces reflétant sa consommation par l’homme sont relevées sur les surfaces osseuses. Les quelques rares stries d’origine anthropique sont localisées sur deux fragments de côtes, et la carbonisation n’affecte qu’une phalange et deux autres fragments de côtes. Toutes les parties anatomiques sont présentes (tableau 4), prouvant

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que l’animal n’a pas subit de transport. Kobadi étant situé à proximité du lac, il est possible que des carcasses y soient récupérées, car aucun élément d’ordre taphonomique ne permet de conclure quant à une chasse active le concernant.

Tableau 4

Représentativité des différentes parties anatomiques de la faune sauvage (en nombre de restes).

12 Deux restes d’hippopotames ont été travaillés par l’homme. Le premier est un fragment de diaphyse d’os long qui a été scié sur tout son périmètre. Le second est une première incisive inférieure de 132,5 x 44,5 mm, aménagée de façon complexe (fig. 5 ; Pl. II.2). Sa base est entaillée transversalement sur tout le périmètre, sans former de gorge profonde, mais plutôt une échancrure avec un sillon plus prononcé au fond. Ce sciage fait penser à la canine d’hippopotame, sciée au fil sablé, décrite par Poplin (1974). Cependant, il ne semble pas que cette technique ait été employée ici, car les parois de l’échancrure ne sont pas abruptes, mais au contraire très peu anguleuses, et aucune strie n’y est clairement observable. Trois incisions découpent longitudinalement la dent, cette fois-ci de façon profonde et étroite, avec une forme en V très aigu, probablement pour en dégager des baguettes d’ivoire. Là encore, l’outil responsable de ces incisions demeure inconnu. La dent est cassée au niveau de l’une des incisions, laissant une paroi bien observable. Cette dernière est absolument lisse et ne porte aucune strie de sciage; seules les lignes d’accroissement dentaire apparaissent.

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Figure 5

Incisive d'hippopotame travaillée : les flèches indiquent les trois incisions longitudinales. Barre d’échelle = 3cm.

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Planche 1

1a. Tragelaphus spekei : cheville de corne en vue supérieure, 1b. Détail de la surface: altérations dues à des coléoptères ; 2. Trichechus senegalensis : mandibule en vues latérale et occlusale après dégagement et recollage ; 3. Bos taurus : frontal en vue supérieure (barre d’échelle (1, 3, 4) = 5 cm; (2) = 2,5 cm).

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Planche 2

Hippopotamus amphibius, 1. hémimandibule en vues latérale et occlusale, 2. première incisive inférieure incisée de trois rainures, 3. calcanéum (barre d’échelle = 5 cm).

Tragelaphus spekei (guib d’eau)

13 La présence du guib d’eau (ou sitatunga) était attestée à Kobadi (Raimbault et al. 1987) par une cheville osseuse. Parmi les quatre nouveaux restes de chevilles, l’un est entier (Pl. I,1) et un deuxième représente un grand fragment avec son pédicule. Les chevilles sont caractéristiques de l’espèce : l’insertion se fait obliquement derrière l’orbite, et nous n’observons aucun sinus frontal. La section à la base est triangulaire, et seul l’angle postérieur est aigu. La cheville décrit une spirale, formant un tour complet. La carène postérieure est soulignée d’un double sillon profond, et un autre sillon plus superficiel apparaît à mi-longueur sur la face opposée. Aucun autre relief ou ornement n’est à remarquer sur la surface. Concernant les pièces dentaires, la forme triangulaire des lobes est caractéristique du genre, et la taille correspond à celle du guib d’eau. Les phalanges sont aisées à déterminer, notamment du fait du profil caractéristique de la première phalange : elle est longue, robuste, la diaphyse est rectiligne et ne diminue pas de largeur au milieu, l’épiphyse proximale n’est pas saillante dorsalement en vue de profil, mais tend au contraire à s’incurver vers le bas. Le métatarse présente une extrémité distale très bombée et la quille guide de la poulie articulaire n’est pas creusée antérieurement, critère diagnostique pour le genre.

14 Les chevilles provenant du sondage I sont affectées de traces qui creusent la surface de l’os. L’une des chevilles en est quasiment recouverte (Pl. II). L’os est creusé de petits sillons, de quelques millimètres à 3 cm de long, et la largeur de ces traces reste constante, ne dépassant pas les 5 mm. La plupart de ces marques sont superficielles, mais certaines entaillent l’os sur 2 mm environ. Il n’y a pas de rapport clair entre leur

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emplacement et les particularités anatomiques de l’os (carènes, sillons). Elles sont distribuées de façon anarchique, dans tous les sens. D’après J.-Ph. Brugal (comm. pers.) qui a observé ce phénomène sur un crâne de gnou actuel au Kenya, il s’agit de traces de pontes de coléoptères kératodermes (Pl. I.1b). Après la mort de l’animal, ils s’installent dans l’étui corné et les larves en attaquent la kératine. Leur développement provoque une altération de l’os, les sillons observés correspondant à l’emplacement des larves.

15 Un fragment de scapula est carbonisé, et une phalange porte sur sa diaphyse à la fois des traces partielles de combustion et les seules stries de découpe observables sur les restes de guib.

Kobus kob (cobe de Buffon)

16 Les restes de ce cobe sont peu nombreux. Une cheville dépourvue de carènes et non spiralée s’insère sur un pédicule, assez verticalement. Elle est comprimée transversalement, conférant un contour ellipsoïde à sa base. La surface est parcourue de nombreuses ponctuations. Les phalanges 1 et 2 proviennent du même sondage (F) et appartiennent sans aucun doute au même individu.

17 Quatre de ces restes sont plus ou moins carbonisés, et seule une phalange 1 porte des stries de découpe sur le bord dorsal de l’épiphyse distale.

Syncerus caffer (buffle d’Afrique)

18 Le buffle n’est représenté que par quatre éléments osseux provenant du sondage F, qui se distinguent du bœuf par leur grande taille : un radius et une ulna, en connexion, et deux fragments de fémur, l’un proximal, l’autre distal, appartenant probablement au même individu. Nous pouvons donc attribuer cet ensemble au même spécimen. Cependant, parmi les nombreuses esquilles indéterminées, il en est certainement qui se rapportent à cette espèce de par leur dimensions, ce qui permettrait de revoir à la hausse la proportion de ce grand bovin sauvage au sein de l’assemblage.

Bos taurus (bœuf domestique)

19 Exception faite de l’ichtyofaune, le bœuf, seule espèce domestique, représente sans aucun doute la part la plus importante de l’économie à Kobadi. En effet, dans l’ensemble des sondages, 226 éléments lui appartenant ont été déterminés, ce qui en fait le mammifère de première importance en nombre de restes (tableau 2). Sa présence et son abondance dans les sondages mêmes excluent l’hypothèse émise par MacDonald et Van Neer (1994) selon laquelle le bœuf serait intrusif dans ce faciès.

20 Parmi cet ensemble osseux, il est possible de décompter un minimum de trois individus adultes, de plus de trois ans et demi, à partir des troisièmes molaires (usées) et des épiphyses proximales de fémurs soudées. Il faut ajouter à ceux-ci au moins trois animaux plus jeunes (extrémités proximales de fémurs non épiphysés et dent déciduale), dont un veau de moins de 18 mois (phalange 2 non épi-physée), ce qui fait un total d’au moins six individus. Cet échantillon semble démontrer qu’aucune classe d’âge particulière n’a été exploitée. Cependant, il faut tenir compte du fait que les restes des individus immatures ont plus facilement été considérés comme «bovidés indéterminés», ne pouvant être distingués de ceux de certaines antilopes. Quoi qu’il en

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soit, ces remarques devront par la suite être confirmées (ou nuancées) par l’étude d’un ensemble osseux plus conséquent.

21 La représentativité de l’intégralité du squelette (tableau 5) est significative d’une exploitation sur le site même de la totalité des carcasses. La sous-représentation apparente de certains éléments squelettiques est relative aux problèmes inhérents à la détermination des espèces : les fragments de côtes et de vertèbres sont ainsi très sous- estimés, car très difficiles à discriminer entre le bœuf et les grandes antilopes. Par contre, les parties crâniennes sont bien représentées, particulièrement grâce aux vestiges dentaires, plus faciles à reconnaître et se conservant relativement bien.

22 Les fragments recollés d’un frontal aux chevilles osseuses tronquées (P 302, dépotoir), sur lequel aucune trace de boucherie n’est visible, sont représentatifs d’un animal adulte de taille relativement petite, peut-être une vache (Pl. I. 3). La morphologie et l’évaluation de la longueur des chevilles osseuses (tableau 6) correspond à un animal à cornes courtes, ce qui confirme les premières remarques de C. Guérin et M. Faure, qui décrivaient déjà une cheville osseuse associée à des fragments de frontal comme appartenant à un animal type short horned (in Raimbault et al. 1987).

Tableau 5

Représentativité des différentes parties anatomiques de Bos taurus (en nombre de restes).

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Tableau 6

Mesures des restes de Bos taurus.

23 Les mesures effectuées sur les éléments du squelette post-crânien suffisamment conservés (tableau 6) apportent quelques précisions sur la taille de ces bovins domestiques : il s’agit d’animaux de petite taille, probablement graciles. Un métatarsien complet nous permet de calculer une taille d’environ 1,10 m au garrot (L max. x indice moyen mâle-femelle de Matolcsi 1970). Les deuxièmes phalanges, comparées à celles des deux sites sahariens Adrar Bous (5760 ± 500 BP à 4910 ± 135 BP, Ténéré) et Chami (3500 ± 120 BP à 2100 ± 180 BP, Mauritanie) et d’un individu malien actuel (Muséum de Genève, Chenal-Velarde 1998) montrent que les bovins de Kobadi étaient particulièrement petits : ces phalanges sont, comparativement à celles présentées dans le graphique, très courtes et graciles (fig. 6).

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Figure 6

Comparaison entre les deuxièmes phalanges de bœuf de Kobadi, de sites sahariens, et de bœuf malien actuel.

24 Les traces d’exploitation anthropique sur les os de bœuf sont rares, car la surface des restes est souvent fortement dégradée. Cependant, quelques incisions sur les diaphyses d’os longs (fémur, humérus) sont caractéristiques du passage répété d’un instrument tranchant pour détacher la viande de l’os. D’autres incisions, placées près des épiphyses, correspondent à la désarticulation des membres. Une proportion certainement importante d’os longs ont été fracturés dans le cadre des techniques de boucherie. Cependant, les éclatements de diaphyses d’origine anthropique étant difficiles à mettre en évidence et à différencier de certaines cassures naturelles, il s’avère difficile d’évaluer les proportions d’ossements fracturés par l’homme.

25 La consommation du bœuf est également attestée par la présence de fragments portant des traces de crémation : 8 % des vestiges osseux appartenant à cette espèce sont brûlés.

26 Parallèlement aux traces d’origine anthropique, des stigmates de dents de rongeurs ont été relevés sur deux restes de fémurs.

Paléoéconomie

27 D’après Georgeon et al. (1992), la population humaine de Kobadi montre des affinités culturelles avec les populations du Néolithique ancien du Sahara malien. Durant la période humide de holocène, entre 9500 et 7000 BP, elles colonisaient les abords des lacs installés dans la cuvette de Taoudenni dont elles exploitaient la faune aquatique, et chassaient les antilopes aux alentours (Petit-Maire & Riser 1983). La dégradation climatique enregistrée d’abord entre 7000 et 5500 BP, puis à partir de 4000 BP (Petit- Maire & Guo 1996) les aurait poussé à migrer vers le sud, là où l’eau persistait encore. Kobadi serait l’un des points de repli de ces hommes, parmi les nombreux sites du Méma qui montrent des faciès culturels et des listes de faunes similaires (MacDonald & Van Neer 1994).

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28 L’exploitation de la faune relève d’une certaine complémentarité dans les activités de subsistance : les ressources du lac y participent largement à en croire l’abondance des restes, mais surtout de poissons qui forment l’essentiel du dépôt, souvent associés aux différents restes culinaires. Cependant, des carcasses de poissons échoués, parfois encore en connexion, prouvent également qu’une partie des vestiges sont d’origine naturelle. Les nombreux harpons en os témoignent également en faveur d’une pêche intensive. Les restes de crocodiles et de tortues sont plus anecdotiques.

29 La chasse aux antilopes et au buffle constitue une part de l’alimentation carnée, complétée par la consommation de l’hippopotame, peut-être par charognage, et celle du lamantin, proie d’excellence, à la fois en quantité et en qualité de viande.

30 Les activités d’élevage ne concernent ici que le bœuf, aucun vestige de caprinés n’ayant été découvert à ce stade des fouilles. La part occupée par l’exploitation du bœuf est très importante puisqu’elle représente presque 60 % des restes de mammifères déterminés. Même si nous considérons que beaucoup de vestiges d’antilopes et autres mammifères de taille moyenne à grande restent indéterminés en raison de l’importante fragmentation des restes, le bœuf, dont probablement une proportion non négligeable des fragments osseux est également classée dans la catégorie «esquilles», reste l’espèce dominante en termes de pourcentage du nombre de restes. Sa consommation est en outre largement attestée par les diverses traces de boucherie et de crémation.

Paléoenvironnement

31 D’après Raimbault et al. (1987, p. 220), le site «occupe la pente d’un léger talus allongé, souligné de sable éolien, s’avançant au milieu d’un bas-fond argilo-sablonneux, inondable en hivernage. Cette modeste forme de relief correspond à un ancien bourrelet de rive, au tracé discontinu». La faune constitue un élément important de ce faciès lacustre, puisque le site est essentiellement formé d’un amas d’os de poissons, qui a sans doute participé à la consolidation de l’ensemble. C’est là le principal composant de la faune aquatique, auquel s’ajoutent le crocodile, les tortues palustres et le lamantin.

32 L’hippopotame est inféodé au milieu aquatique, où il séjourne quotidiennement pour boire et se baigner, et à proximité d’un couvert végétal suffisant pour s’alimenter (Eltringham 1999). Il en est de même pour le phacochère, reconnu à Kobadi par Raimbault et al. (1987) même s’il peut occasionnellement se passer d’eau, et se distingue ainsi des autres membres actuels de la famille des Suidae qui préfèrent les couverts forestiers denses (Le Berre 1990 ; Kingdon 1997).

33 Le guib d’eau colonise les aires marécageuses ouvertes, à roseaux, joncs et papyrus, ou bien les forêts inondées. Ses sabots sont d’ailleurs adaptés aux sols boueux par leur longueur exceptionnelle (Roman 1935). Il est reconnu comme l’antilope la plus aquaphile. Le cobe de Buffon est moins exigeant, mais il reste dépendant d’une alimentation en eau régulière. Il fréquente les savanes buissonneuses ou légèrement boisées, les lisières de forêts ou les plaines d’inondation, à condition de trouver un couvert herbeux suffisant pour se nourrir (Kingdon 1997). Il existe chez le buffle d’Afrique deux types de comportement vis à vis de l’habitat. Le buffle de forêt vit dans les clairières, les plaines inondées, les marais, près des cours d’eau, où la présence d’herbe est primordiale. Le buffle de savane supporte une certaine dessiccation, sans

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toutefois exclure la présence de fourrés, d’herbes ou de roseaux. Malgré la grande variabilité de son habitat, on ne peut pas parler de réelle indépendance vis à vis de l’eau, car le buffle d’Afrique doit nécessairement boire tous les jours (Kingdon 1997).

34 L’écologie du bœuf est à prendre avec plus de précautions, car en tant qu’animal domestique, son habitat et son alimentation sont contrôlés par l’homme. Cependant, sa survie étant dépendante d’un apport régulier en eau et en nourriture, nécessaires à l’entretien d’un troupeau, il semble évident que sa présence est significative de sources d’eau proches (en surface ou puisée dans une nappe phréatique) et d’un minimum de végétaux apportés par l’homme.

35 Il est à noter qu’on ne trouve aucune des espèces adaptées à des conditions plus arides, telles que les gazelles ou le bubale. Ainsi, l’ensemble faunique de Kobadi n’a pas le caractère mixte de nombreux sites sahariens (Guérin & Faure 1983), où l’écologie variée des espèces reflète un paysage de type mosaïque, à composante souvent aride. A Kobadi, toute la faune est concordante du point de vue environnemental : plus ou moins aquaphile, elle marque bien la proximité d’un lac, et sa diversité en montre l’importante étendue (hippopotames, lamantins, crocodiles…). Le paysage alentour est composé de marécages, prairies herbeuses, avec un couvert végétal plus ou moins riche : savanes buissonneuses ou arborées, forêts-galeries.

36 Le cas du lamantin est intéressant, puisqu’il fournit de précieux renseignements sur la paléohydrographie du Niger (fig. 7). On sait qu’au cours du Quaternaire récent, la géomorphologie du fleuve a beaucoup varié. Bloqué à l’est au niveau de Tombouctou et du seuil de Toscaye, il se déversait plus au nord comme en témoignent les enregistrements sédimentaires (Petit-Maire & Riser 1983) et fauniques (Petit-Maire & Gayet 1984) dans la région d’Araouane, et comme l’illustrent les photos aériennes de Palausi (1955). En amont, la portion comprise entre Ségou et Tombouctou a elle aussi subi des modifications. D’après Furon (1929), le réseau hydrographique s’est largement étendu sur la région du Macina et du Hodh, dont il propose une carte paléohydrographique. Parmi les ramifications qu’il reconnaît, il existe un bras partant de Sokolo, remontant vers Nampala pour rejoindre d’autres ramifications à proximité de Léré (fig. 7). Sur les photos aériennes IGN de Nampala, on observe un bras de rivière qui alimente, depuis le nord, ce qui était vraisemblablement un paléolac, dont les rivages apparaissent en sombre, notamment au niveau du site (voir aussi Raimbault 1986).

37 L’espèce africaine de lamantin, Trichechus senegalensis, vit dans les fleuves et les estuaires où se trouve de l’eau permanente, et colonise les rivières quand le niveau d’eau est suffisant (surtout pendant la saison des pluies). On les trouve occasionnellement dans les lacs, marigots et marécages connectés au réseau fluviatile (Happold 1987 ; Marion & Sylvestre 1993 ; Haltenorth & Diller 1985). Sa présence dans le site de Kobadi est un bon témoin en faveur de cette reconstitution paléohydrologique, avec une connexion active entre le paléolac et le Delta Intérieur du Niger.

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Figure 7

Contribution à la connaissance de la paléohydrologie du Niger à l’Holocène par la présence du lamantin à Kobadi.

Conclusion

38 Les restes osseux recueillis dans ces sondages ont permis de compléter la liste des mammifères déjà établie (Raimbault et al. 1987) avec le cob de Buffon et le buffle. En revanche, aucun reste de phacochère n’a été mis en évidence dans ce nouvel échantillon.

39 L’élevage du bœuf constituait une grande part des activités de subsistance, et l’apport carné est également constitué de la viande d’hippopotame, les autres espèces sauvages étant plus accessoires. Si l’ensemble des mammifères terrestres témoigne de populations de pasteurs-chasseurs, l’abondance des poissons, la présence de crocodiles et tortues, ainsi que celle du lamantin, indiquent que les occupants de Kobadi vivaient également des ressources lacustres. Ceci reflète l’importance du lac supposé ou du moins du réseau hydrographique local.

40 La confrontation avec les données concernant les poissons, qui caractérisent l’importance de la pêche et renforcent celle de la prédation, déjà esquissée par la présence des hippopotamidés, suidés et bovidés (buffle et antilopes) et du lamantin, sera donc fondamentale pour avoir une idée plus précise des conditions de vie de la population humaine de Kobadi, qui devait être importante au vu de l’étendue du site et du nombre élevé de sépultures (Georgeon et al. 1992).

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RÉSUMÉS

Suite à une première étude de la faune du site néolithique récent de Kobadi, prospecté en 1984, deux missions de fouille (1989 et 1995) ont eu pour résultat la réalisation de six sondages. L’étude de la faune mammalienne de cet important site néolithique du Méma permet aussi bien de préciser la liste des espèces exploitées par l’homme que d’aborder des interprétations de type paléoéconomique et paléoenvironnemental. Parallèlement à l’exploitation intense du lac (poissons, crocodiles, tortues et lamantins), les habitants de Kobadi chassaient l’hippopotame, le buffle et diverses antilopes ainsi que le phacochère, et élevaient un bœuf de petite taille. La faune confirme l’existence d’un paléolac, que les poissons et le lamantin permettent de relier au réseau hydrographique actif du Delta Intérieur du Niger. A ses abords, un couvert végétal dense permettait aux antilopes, hippopotames et bœufs de se nourrir.

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Following a first study of the fauna from Kobadi in 1984, two fieldworks (1989 and 1995) have opened six excavation pits. Kobadi is the most important Neolithic site of the Méma region, and the study of its fauna leads to precise the list of exploited animals, as well as to interprete the palaeoeconomy and the palaeoenvironment around the site. The Kobadi inhabitants exploited intensely the lake (fish, crocodiles, tortoises and manatees), hunted hippopotami, african buffalo, various antelopes as well as the warthog, and breeded a small kind of cattle. The fauna indicates that a waterbody spread in the vicinity of the site; fishes and manatees evidence more precisely that a palaeolake was in connection with the Niger Interior Delta. Around it, a dense vegetation cover was necessary for the antelopes, hippopotamus and cattle subsistence.

AUTEURS

HÉLÈNE JOUSSE

UMR 5125 – Paléoenvironnement et Paléobiosphère, Université Claude Bernard, Lyon 1, 2 rue Dubois, F-69622 Villeurbanne Cedex, [email protected]

ISABELLE CHENAL-VELARDE

Muséum d’histoire naturelle, Département d’archéozoologie, C.P. 6434, CH-1211 Genève 6, [email protected]

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Quatre abris peints découverts au Jebel Ousselat (Tunisie centrale)

Jaâfar Ben Nasr

Introduction

1 Le Jebel Ousselat est un massif montagneux qui fait partie de la chaîne nord-sud qui se raccorde à la Dorsale tunisienne. Il est la partie méridionale d’un long anticlinal qui borde à l’ouest la vaste et riche plaine alluviale de Kairouan, domine la plaine d’Ouesslatia à l’est et la dépression de Haffouz au sud (fig. 1). L’Ousselat s’étend sur environ 135 km2 et sa crête culmine à 895 m à « Chaib ». Situé à l’abri des influences humides du nord-ouest, il offre aux populations un milieu rocailleux et sec. Le massif, vrai labyrinthe de crêtes et de vallons, se présente comme un plateau calcaire totalement disséqué. Le substrat est constitué par des calcaires plus ou moins marneux d’âge éocène inférieur. Les calcaires sont plus massifs au sud qu’au nord, où les divers bancs s’individualisent bien. L’ancienne surface structurale a fait place à des crêtes et à des échines sinueuses (Boukadi et al 2000).

2 Au Jebel Ousselat, trois abris peints ont déjà été inventoriés par l’équipe de l’Atlas Préhistorique de la Tunisie. Il s’agit des abris d’Aïn Khanfous, d’Oued Majel et d’Oued Chara (Zoughlami et al. 1998). Notre prospection (mars 2001), en vue de la préparation d’un DEA en Préhistoire sur le sujet : « Peintures et gravures rupestres du Jebel Ousselat (Tunisie Centrale) ; inventaire et analyse », nous a amené à enrichir ce répertoire par la découverte, dans le même secteur où se trouvent les autres peintures rupestres déjà signalées, de nouveaux abris peints qui font l’objet de la présente étude préliminaire. Il s’agit des abris d’Oued Grabech, d’Oued Bourrime, de Khnéfissa et de Chendoube1.

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Figure 1

Localisation du Jebel Ousselat (Bergaoui & Gammar, 1990, p. 199).

Situation et caractéristiques générales

3 L’abri de l’Oued Grabech se trouve dans un lieu dit « Dar Malleh ». Il s’étend sur une longueur de dix mètres et une hauteur de quatre mètres. Celui d’Oued Bourrime est à 1,5 km à vol d’oiseau d’Aïn Khanfous, en direction du nord-ouest. Il se prolonge horizontalement sur une soixantaine de mètres et il est haut de quatre mètres. Quant à l’abri de Khnéfissa, on le rencontre, sur la rive gauche, en remontant l’Oued Chara en direction du nord. C’est un abri de taille modeste (cinq mètres de long sur deux mètres de hauteur). Enfin l’abri de Chendoube se trouve sur la rive gauche de l’Oued El Arar. Il est à un 1 km à vol d’oiseau d’Aïn Khanfous en direction du sud-ouest.

4 Tous les abris peints découverts jusqu’à présent au Jebel Ousselat sont circonscrits dans un cercle de 2,5 km de diamètre au centre ouest du massif (Feuille n° LXII de Haffouz au 50.000e) (fig. 2). Ils ont pour points communs d’être situés à une altitude comprise entre 500 et 700 m et de jouir d’une bonne exposition. Ils sont étroitement tributaires de la présence de l’eau puisqu’ils jalonnent toujours des oueds. Des cours d’eau qui ont dû constituer des artères vitales pour les populations et des axes de peuplement humain dans le massif. Au contraire de ce qui se produit actuellement, où les oueds sont pratiquement à sec pendant plusieurs mois, durant l’Holocène ces cours d’eau auraient eu un régime régulier et permanent (Ballais 1993). Ces lieux d’activité artistique peuvent correspondre également à un choix de l’habitat, de la halte ou d’une voie de circulation.

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Figure 2

Répartition des abris.

Description des ensembles de peintures rupestres

L’abri d’Oued Grabech

5 Cet abri, qui s’étend sur une longueur de dix mètres et une hauteur de quatre mètres, a révélé la présence d’un ensemble peint à l’ocre rouge foncé et constitué de 25 représentations correspondant à 21 figurations humaines, un seul zoomorphe et 3 représentations d’armes. L’espace peint se divise en quatre panneaux nettement séparés l’un de l’autre par un espace non peint. De gauche à droite on distingue :

Panneau n° 1 :

6 - Deux personnages : celui de droite mesure 20 cm de hauteur alors que l’autre n’en mesure que 14. Ils sont peints à l’ocre rouge foncé. Ils sont en position debout et de forme très schématique : le cou et le corps sont formés d’un trait étroit alors que la tête est un élargissement de ce trait. Les deux personnages sont vus de face, jambes et bras écartés (fig. 3).

7 - Le même panneau comprend un autre personnage de même couleur et style dont il ne subsiste que le corps et les jambes.

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Figure 3

Oued Grabech, panneau 1 : Deux personnages de style schématique.

Panneau n° 2 :

8 C’est une scène qui se compose de sept personnages peints à l’ocre rouge foncé. Nous y distinguons : • Un personnage (hauteur : 27 cm). Il est vu de face en position debout, le cou et le corps sont représentés par un trait étroit et la tête n’est qu’un élargissement de ce trait. Le personnage n’a pas de bras mais il est figuré avec les deux jambes écartées. • Deux personnages. Celui de gauche (hauteur : 27 cm) est vu de profil en position debout avec les jambes écartées. Son corps est représenté par un trait étroit dont la tête est le prolongement. Il tend les mains à un autre personnage (hauteur : 14 cm) de style identique. • Au-dessus est représentée une scène « familiale » composée des « parents » (hauteur : 25 cm) ; ils sont vus de profil en position debout, chacun tournant le dos à l’autre et tendant les mains à l’enfant (hauteur : 10 cm) qui lui fait face. Les quatre personnages ont le même style : un corps sous forme d’un trait étroit, une tête qui se présente comme l’élargissement de ce trait et des jambes écartées. L’enfant placé à gauche lève sa main gauche vers le haut (fig. 4).

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Figure 4

Oued Grabech, panneau 2 : Scène « familiale ».

Panneau n° 3 :

9 À un demi-mètre de la scène précédente et au même niveau par rapport au sol (2 m), nous distinguons trois personnages peints à l’ocre rouge foncé et de même style que les autres personnages précédemment décrits. Ils mesurent respectivement 25, 18 et 15 cm de hauteur et ils sont vus de face en position debout se tenant par les mains, tous dans la même attitude : jambes et bras écartés. Le personnage le plus grand, qui se présente au premier plan a le sexe masculin bien indiqué (fig. 5). Toujours à proximité, ce même style est illustré par deux autres personnages vus de face, jambes et bras écartés se tenant par les mains. La peinture est en bonne partie détériorée. Au-dessous nous remarquons la silhouette d’un quadrupède indéterminé (hauteur : 7 cm, longueur : 17 cm) peint en contour à l’ocre rouge foncé. L’animal, très schématique, est vu de profil et regarde vers la droite. Cette représentation sommaire de l’animal rend difficile, voire impossible, son identification taxonomique, comme c’est le cas pour la plupart des autres représentations de zoomorphes du Jebel Ousselat, et montre la difficulté de donner un aperçu plus large de la faune représentée. A 5 cm de l’animal est figuré un personnage (hauteur : 10 cm) dont le corps est représenté par un trait et la tête est ovale. Il tient un arc de la main gauche et semble s’affronter au quadrupède. Un peu à droite nous avons quatre personnages filiformes (hauteur : 3, 4, 6 et 7 cm) peints à l’ocre rouge foncé. Ils sont vus de face en position debout, se tenant par les mains. Leurs têtes sont ovales et ils ont les jambes et bras écartés.

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Figure 5

Oued Grabech, panneau 3 : Trois personnages vus de face.

Panneau n° 4 :

10 Il est situé à l’extrémité droite de l’abri, à deux mètres des autres panneaux, et renferme une peinture à l’ocre rouge foncé qui représente un personnage (hauteur : 40 cm) vu de face. Un trait étroit forme le cou et le corps tandis que la tête est ovale. Les bras, en croix, sont sans articulations et les jambes semblent être pliées comme si le personnage montait un zoomorphe, dont la tête est vue de face. Ce personnage tient un arc simple aux extrémités courbées en « D » de la main gauche et une flèche de la droite (fig. 6). Le même type d’arc est connu parmi les peintures rupestres du Jebel Bliji (Sud tunisien). Dans l’état actuel des connaissances, on admet généralement que l’arc court et convexe en forme de « D » a été le plus anciennement connu dans les foyers des chasseurs archaïques du Fezzan Central et du Nil (Huard & Leclant 1980). Au-dessous, il y a un personnage filiforme de même couleur, vu de face en position debout, jambes et bras écartés.

11 Les panneaux figuratifs sont assez homogènes. Ils partagent le même style schématique, un esprit d’organisation et de composition similaire et le tout semble avoir été exécuté de la même main. Tous les anthropomorphes sont représentés sans aucune indication des mains, des pieds ou des attributs céphaliques externes. En outre aucun vêtement n’est figuré.

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Figure 6

Oued Grabech, panneau 4 : Un archer.

L’abri d’Oued Bourrime

12 La paroi de l’abri est assez dégradée et nous ne distin-guons qu’une seule figuration d’un bovidé (hauteur : 20 cm, longueur : 30 cm) située à l’extrémité droite de l’abri (fig. 7). L’animal est tracé en contour plus ou moins épais à l’ocre rouge brique. Son corps, de forme rectangulaire avec un pelage sur le garrot, est représenté de profil alors que la tête et les cornes sont vues de face. Ses pattes sont séparées, convergentes et la queue est souple, tombante. Les sabots des membres postérieurs sont représentés. Quant à son identification, son front plat suivi d’une face étroite allongée avec des cornes dont la base d’implantation est parallèle à l’axe facial nous autorise à penser à un Bos Macroceros. D’après G. Esperandieu (1955) ce bovidé rappelle le Bos Africanus décrit par Sanson. Le même type de bovidé est reconnu également à Aïn Sifri (Sud tunisien) (Gragueb 1988, p. 106, fig. 7) et au Jebel Bou-Slam (Tunisie septentrionale) (Solignac 1936, p. 21, fig. 5).

13 Reste à noter que sur l’autre rive de l’oued, dans un abri qui fait face à celui précédemment décrit, nous avons pu observer des signes en forme de ponctuations et de bâtonnets. Mais devant l’impossibilité d’évaluer la part manquante de l’iconographie initiale, il paraît difficile de tenter de percevoir leur organisation générale et les règles de leur composition. La paroi est assez décapée et les traces de peintures partout présentes dans l’abri prouvent qu’il était richement peint.

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Figure 7

Oued Bourrime : Un bovidé peint à l’extrémité droite de l’abri.

L’Abri de Khnéfissa

14 Un examen de la paroi nous a permis de déceler cinq signes en forme d’étoile à cinq voire même à neuf branches de couleur noire, exécutées sur un plafond accidenté et une tête d’antilope peinte à l’ocre rouge brique.

L’abri de Chendoube (fig. 8, 9, 10)

15 C’est l’abri « aux points » par excellence. Il a l’intérêt de présenter des groupes de plusieurs dizaines de ponctuations peintes à l’ocre rouge brique. Ces points forment un très vaste panneau qui occupe la partie centrale de l’abri long de 15 mètres.

16 Nous pouvons distinguer des ponctuations de différentes orientations, des traces d’ocre, des nuages de points et des faisceaux mal ou pas organisés. Il y a aussi des signes structurés comme des alignements simples ou multiples de points dont certains sont disposés de telle sorte qu’ils évoquent des formes géométriques fermées, à savoir un signe quadrangulaire à remplissage géométrique ou un autre signe ovoïde à deux bases droites. Nous pouvons noter aussi la présence d’un autre signe géométrique composé d’une combinaison simple de quatre traits longitudinaux et un trait vertical.

17 Sur le plan graphique ce type de tracés élémentaires ne suppose pas une compétence particulière. Toutes ces représentations sont appelées non figuratives, dans la mesure où l’interprétation que nous en donnons n’est que la projection de notre imagination, sans pouvoir y reconnaître un objet représenté d’une façon certaine (Archambeau 1984, p. 30).

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Figure 8

Chendoube : Vue d’ensemble du groupe de ponctuations.

Figure 9

Chendoube : Signes de forme géométrique.

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Figure 10

Chendoube : Signe ovoïde à deux bases droites.

La Chronologie

18 L’étude d’un document rupestre ne saurait être complète si elle n’allait de pair avec celle de son contexte archéologique immédiat, car il est indispensable d’avoir une connaissance approfondie des cultures responsables de cet art, qu’il s’agisse de leur mode de vie ou de leur art mobilier (Clottes 1998). Or dans le cas de ces peintures rupestres, le contexte reste encore inconnu. En effet les abris n’ont révélé aucun signe d’occupation et leur examen nous a montré que le sol est formé par la dalle nue et que la couche archéologique, si elle a existé, a été démantelée par les agents d’érosion et de ruissellement très actifs dans le massif. Nous n’avons recueilli aucun vestige d’une industrie lithique, ni sur place, ni dans les environs immédiats des abris. Mais l’absence d’indices de surface ne doit pas être interprétée hâtivement jusqu’à ce que la prospection du massif soit achevée.

19 Ne pouvant nous appuyer sur aucun témoignage direct, l’essai de chronologie sera forcément tributaire d’une approche comparative. En effet pour traiter le cadre chronologique des peintures rupestres nous devons nécessairement nous référer à des critères stylistiques et formels. Par leur schématisme, les représentations humaines de l’abri d’Oued Grabech sont loin de préciser une chronologie. Elles sont fréquentes dans l’art rupestre nord-africain et figurent presque partout : en Algérie orientale, à l’est de Constantine, dans l’Atlas Saharien sud-oranais et dans le Haut Atlas marocain, etc. Si simple et répandu dans le temps et dans l’espace, ce type de représentation ne peut avoir une grande valeur chronologique et il est même difficile de l’associer étroitement à une culture ou à une époque (Camps 1975, p. 13). L’extrême schématisation des personnages nous laisse le plus souvent perplexe sur leur appartenance ethnique.

Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 244

20 Si les représentations figuratives sont difficiles à classer dans le temps, celles non figuratives, nettement moins représentatives cependant, ne le sont pas moins. Leur analyse nous livre des indications chronologiques très larges. Par exemple les ponctuations, présentes dans l’art européen dès le Paléolithique supérieur, se rencontrent en Afrique du Nord même en période libyco-berbère. De même la présence de figurations d’armes n’induit pas directement qu’il s’agissait d’un groupe de chasseurs. Au Sahara, par exemple, la représentation de la chasse est restée très longtemps en honneur chez divers groupes de pasteurs graveurs ou peintres.

21 Quant à la valeur chronologique de la faune, le bestiaire, peint ou gravé, peut nous livrer des indications chronologiques au cas où nous serions en présence d’un ou plusieurs animaux pour lesquels nous disposons de dates d’apparition et/ou de disparition bien déterminées. Ce type d’animaux n’est pas présent dans les ensembles étudiés. Les bovidés sont représentés partout à toutes les périodes depuis la période des chasseurs jusqu’à la période cameline, ajoutant à cela la polémique qui marque la question de leurs origines et de leur domestication.

22 En outre, par leur nombre moindre et l’absence de diversité thématique, les figurations en question n’offrent pas la possibilité de comparaisons constructives avec d’autres peintures rupestres. Néanmoins, plusieurs analogies sont à remarquer entre les figurations ponctuées de l’abri de Chendoube et les peintures de l’abri sous-roche d’Amzri (Toulkine, Atlas marocain). Ce dernier comporte d’innombrables groupes de points dispersés tout le long de l’auvent, datés, en corrélation chronologique directe avec une des périodes d’occupation de l’abri sous-jacent, d’une période largement antérieure à 2500 BC (Rodrigue 1989, p. 142). Mais c’est des peintures de Magara Sanar (nord du Maroc) que celles de Chendoube se rapprochent le plus. Cependant, dans ce site marocain, les ponctuations sont associées à des petits personnages et à des zoomorphes et elles sont même comparées aux figurations néolithiques du Levant espagnol (Martinez Santa-Olalla 1941, p. 442). D’autres parallèles sont à évoquer également à Chabet el Heulsa et Kef Ain N’has dans le Constantinois (Lefebvre 1967, p. 184-259), dans plusieurs abris de la Kabylie (Poyto & Musso 1969, p. 106) et à Kef el- Mektouba dans le Sud oranais (Flamand 1921, p. 354-355).

23 Il est encore prématuré de transformer ces quelques analogies en homologies. La chronologie est beaucoup plus délicate et ces ressemblances de formes entre des faits isolés ne peuvent conduire qu’à des hypothèses d’intérêt limité. En absence de vestiges lithiques liés aux peintures rupestres, une simple lecture des figurations peut induire a priori de lourdes conséquences et ne donnera pas de réponses satisfaisantes à cette question.

Conclusion

24 Ces nouvelles découvertes viennent enrichir nos connaissances sur l’art rupestre en Tunisie en général et confirment tout l’intérêt archéologique que présente cet ensemble du Jebel Ousselat, certainement très riche en potentialités, comme l’illustrera toute nouvelle prospection. Mais les résultats sont encore provisoires dans l’attente de nouvelles recherches sur le terrain qui nous permettent de mieux connaître l’extension de cet art et d’avancer dans la compréhension du type de société qui l’a réalisé.

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25 Le problème du cadre chronologique dans lequel insérer ces peintures rupestres n’est pas une question mineure. Faute de marqueurs explicites il ne pourra être précisé. Donc, nous en sommes réduits à l’étude interne des documents rupestres de chaque site et à chercher des rapprochements stylistiques et thématiques avec d’autres groupes géographiques de l’art rupestre nord-africain.

26 Enfin, les peintures rupestres constituent un document archéologique d’une grande importance qui peut apporter de nouveaux éléments sur la préhistoire de la Tunisie. Il est donc nécessaire de prendre des mesures d’urgence pour la conservation et la protection de ce patrimoine inestimable surtout à cause des destructions anthropiques dont l’impact est très net sur plusieurs peintures.

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. Outre l’inventaire de nouveaux abris peints, notre prospection au Jebel Ousselat nous a permis de rectifier certains détails de description concernant des éléments des panneaux figuratifs des abris susmentionnés et d’apporter une série de relevés de figurations signalées mais non publiées.

RÉSUMÉS

De nouvelles peintures réalisées à l’ocre rouge ont été découvertes au Jebel Ousselat (Tunisie Centrale). Elles représentent des personnages, un zoomorphe, un bovidé et des groupes de plusieurs dizaines de ponctuations de différentes orientations et formes, auxquels il faut ajouter des signes en forme d’étoiles. Ces découvertes soulignent tout l’intérêt que peut présenter une prospection systématique du Jebel Ousselat certainement riche en potentialités.

New paintings made with red ochre were discovered in Jebel Ousselat (Central Tunisia). They represent humans, a zoomorph, a bovid and groups of multiple punctuations with different orientations and forms, to which we must add star-shaped signs. These discoveries testify to the interest a systematic prospection in Jebel Ousselat which is certainly a potentially rich area.

AUTEUR

JAÂFAR BEN NASR

ESEP - UMR 6636 – ESEP, 5 rue du Château de l’Horloge, BP 647, F-13094 Aix-en-Provence Cedex 2, [email protected]

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Corniformes gravés du Sud marocain

Richard Wolff

L’auteur remercie vivement A. Muzzolini pour ses photos du Djado et sa documentation sur la craniologie bovine, J. Gandini pour son document de wad Agwidir (fig. 3) et G. Lamorte pour celui de Terarart (fig. 11).

Introduction

1 Plusieurs gravures rupestres de protomés de bovinés ont été récemment découvertes dans le Sud marocain. Leur singularité nous incite à en rechercher d’éventuels équivalents au travers du Sahara. Des gravures du même ordre sont bien connues en Europe, au Mont Bégo et au Val Camonica, où la forme de la tête plus ou moins rectangulaire a pu faire dire qu’il n’y a pas lieu de chercher à savoir si elle représente le corps plutôt que la tête de l’animal (Abélanet 1986, p. 220) car, « à cette époque de l’art rupestre, on ne se souciait guère de reproduire le réel, mais de le symboliser ». Cette part éventuelle du symbole dans les figurations africaines devra être appréciée au fil des gravures évoquées. Dans ce texte, nous emploierons le terme de corniforme en synonyme de protomé, et nous le définissons comme une tête bovine vue de face, obtenue par un tracé (incisé ou piqueté) d’un seul tenant, limité à la tête et aux cornes. Certains auteurs emploient plus volontiers le terme de bucrane, qui est en réalité « une tête de bœuf décharnée » (Larousse 1971). Le concept de corniforme peut se comprendre aussi comme celui d’une tête en vue frontale, liée généralement dans les gravures à un corps représenté de profil, en une figuration plus ou moins réaliste, parfois non dénuée d’intentions sous-jacentes, comme nous le verrons.

Des corniformes dans le Sud marocain

2 Dans ces régions, le corniforme gravé ne nous est pas totalement inconnu, puisque nous avons déjà présenté deux figurations de ce type, trouvées au sud-ouest de Tissint dans

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les stations voisines d’Er Rasfa (Wolff 1997, fig. 40) et du Rich el Kitiba (Wolff 1999, fig. 78), que nous reproduisons respectivement aux figures 1 et 2. À la publication de la première, nous avions précisé que, faute de découvertes similaires (Wolff 1997, p. 73), nous restions réservés sur ce type de « gravure en tête de boviné » (Ibid. p. 92). Ultérieurement, nous avancions pour la seconde une interprétation de « corniforme » (Wolff 1999, légende, p. 49). Les deux figurations sont d’ailleurs quasiment identiques, sauf la courbure du museau, oblique dans le premier cas réalisé à gros traits piquetés, alors que dans le deuxième la gravure simplement incisée se présente comme une miniaturisation de la précédente. Le schéma en commun est celui d’un mufle large, surmonté de deux cornes courtes et épaisses (inachevée à gauche, fig. 2), toute la gravure étant parcourue de traits se déployant jusqu’au museau. Au centre apparaît une sorte d’ovale.

3 Depuis ces découvertes, huit nouvelles gravures du même genre ont été repérées, et il s’agit bien de protomés d’après notre définition.

4 La gravure de la figure 3 nous a été signalée par J. Gandini fin 2001. Elle a été trouvée près de l’oued Agwidir, à une soixantaine de kilomètres au sud de Smara (Seguiet el Hamra). Elle est réalisée au trait poli sur une dalle de surface très irrégulière. Comme dans les gravures de Tissint, des lignes parcourent le cornage et s’incurvent dans le mufle, lui-même légèrement évasé. Les extrémités des cornes se raccordent aux arêtes opposées de la dalle.

5 La figure 4, gravée au trait, a été trouvée sur la crête en rive droite de l’oued Miran, à une vingtaine de kilomètres à l’est-sud-est de Smara. Les cornes sont parcourues d’une extrémité à l’autre par plusieurs traits, et elles sont calées un peu au-dessous du chignon crânien, avec de légères flexures symétriques. Le museau est arrondi et les yeux sont figurés par deux petits cercles. L’ovale tangent à droite ne semble pas figurer une oreille, mais à gauche un trait longe la corne puis la traverse, déterminant ce qui semble bien être l’oreille de droite. De plus, de petits traits au-dessous pourraient indiquer la touffe de poils habituelle chez les buffles. À droite, la corne se termine sur l’arête du rocher. Divers traits encadrent la gravure.

6 La figure 5 provient de la longue ride gréseuse à l’ouest de la route Akka-Tata. Elle s’apparente à la figure 3, avec un dessin encore plus rustique, où seul le cornage est multilinéaire. À nouveau, les pointes du cornage rejoignent les arêtes du rocher, tandis qu’à mi-parcours, une fissure est soigneusement repassée et prolongée d’un trait pénétrant dans la corne de gauche. La tête prend ici un aspect trapézoïdal, voire hachiforme, avec un léger bombement au chignon. À gauche, un anthropomorphe avec une protubérance ronde dépassant du visage, arbore une sorte de floche longeant le corps et se dédoublant en extrémité, tandis qu’une autre dépasse du postérieur, bifide également. Ces attributs apparaissent dans d’autres gravures, parcourant le torse de l’individu depuis le cou jusqu’au postérieur, soit du côté du dos (Simoneau 1969, ph. 11), soit du côté ventre (Simoneau 1977, pl. 30). La protubérance ronde fait penser à un élément de coiffure, peut-être du type de l’homme de Feijet Elleben, aux Mts. des Ouled Naïl dans l’Atlas saharien (Hachid 1992, fig. 126), lequel montre aussi une longue floche partant du cou (mais terminée en boucle) : dessiné au trait quasiment de face, celui-ci porte une coiffure trilobée et nous l’incorporons aux gravures du style de Tazina. À la figure 5, la posture de l’anthropomorphe est presque simiesque, mais Simoneau a publié une silhouette dans une attitude comparable (Simoneau 1971, fig. 4) où il

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reconnaît un « chasseur à queue postiche ». Ici, il semble s’approcher avec précaution du corniforme.

7 La figure 6 est gravée au trait sur un rocher d’Aït Ouazik Sud (région de Tazzarine), haut lieu de gravures taziniennes. Le cornage est horizontal et montre des petits traits transversaux qui pourraient indiquer les cannelures caractéristiques chez Pelorovis (voir ci-après) et qui se poursuivent dans le mufle en une sorte de treillis. Le museau tend à une forme évasée.

8 À la figure 7, le rhinocéros gravé au trait poli (jebel Tiouririne, au nord-est de Tazzarine), est à demi détruit, comme la figuration de corniforme à droite. Le mufle, légèrement élargi au bas, semble avoir été rallongé en U par un trait complémentaire.

9 La gravure de la figure 8 découverte en premier lieu par A. Rodrigue à Tizgui el Khoula (Foum Kemel) dans le jebel Bani, à 57 km à l’est de Foum Zguid, montre comme à la figure 4, des cornes flexueuses, et des yeux ont peut-être été tardivement indiqués par deux petites cavités irrégulières et non de niveau. Le hachurage déjà observé à la figure 6 devient ici une sorte de vannerie serrée envahissant toute la figuration. La corne de droite aboutit à l’arête rocheuse tandis que l’autre reste inachevée. À droite, le réseau de traits et d’ovales semble très récent et il endommage la corne au-dessus.

10 La figure 9 provient d’une ride proche de Wad Laçli an Nifa, au sud-sud-est de Smara. La partie endopérigraphique est bouchardée. À gauche, on voit une gravure grossière d’antilopiné, et au-dessus un exemple de ces silhouettes d’animaux de style « fil de fer » si typiques de la zone (Nowak et al. 1975, fig. 68-69).

11 Pour sa part, la figure 10, tracée au trait poli, vient d’une station plus en aval, à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de Smara. Elle est superposée à un boviné aux cornes « tournées vers l’avant ». En bas du rocher, un homme, suivi peut-être d’un canidé, tient une tige coudée qui paraît se prolonger vers la bouche du corniforme dont l’un des organes étirés vient longer l’arête de la dalle. L’autre est bifide, et une petite silhouette animale acéphale y est insérée dont les pattes avant apparaissent ainsi dédoublées par un procédé de calembour graphique (Le Quellec 1993, chap. VI), lequel confirme l’appartenance de la scène au style tazinien. Il semble bien d’ailleurs qu’à part la figure 9, toutes les figurations citées relèvent de cette école.

12 Les descriptions évoquées sont résumées au tableau 1.

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Tableau 1

Résumé des caractéristiques des corniformes et essai d’attribution.

Des gravures de la même main ?

13 Pour tenter d’interpréter ces figurations, une hypothèse bien commode serait qu’elles soient toutes issues de la même « main ». C’est sans doute le fait des gravures des figures 1 et 2, et d’ailleurs le système des cornes plurilinéaires se retrouve aux figures 3 à 5. De leur côté les figures 6 et 7 semblent relativement appariées de forme, tout en étant géographiquement assez proches : elles pourraient avoir une origine commune. Mais pour les figures 8 à 10, il y aurait doute, même si certains détails de la figure 8 (forme des cornes, hachures, …) apparaissent dans les précédentes.

14 Un détail suggèrerait un autre classement : les museaux « hachiformes » (Tableau 1), terme qui n’indique ici, par analogie, que la forme évasée de l’instrument, et non une allusion aux « objets » de M. Almagro (Almagro 1971). Ce type de museau se retrouve à Matkhendûsh dans le Wadi In Habeter (Messak Settafet libyen), dans une gravure au trait profond (Striedter 1984, fig. 10) d’époque « bubaline », qui montre un buffle antique à la tête dessinée simplement par une sorte de trapèze, avec les anneaux caractéristiques guillochant une corne. Mais il est vrai aussi qu’une tête bovine en vue frontale montre chez de nombreuses espèces un certain élargissement au niveau de la bouche (Frobenius 1987, fig. 52-53).

15 D’autre part, bien que ce ne soit pas un caractère absolu, notons que les dimensions des gravures présentées varient fortement : d’une trentaine de centimètres environ pour les figures 3, 5, 6 et 8, alors que la figure 2 excède les 37 cm. La longueur des figures 1, 9 et 10 atteint une vingtaine de centimètres, contre dix seulement pour la figure 2.

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16 Par conséquent, on ne peut que supposer une « inspiration » très proche pour les gravures des figures 3 et 5 à 7 (plus peut-être 8), les figures 1 et 2 ainsi que 9 et 10 étant plus diverses (Tableau 1).

Figure 1 à 5

1 - Station d’Er Rasfa (sud-ouest de Tissint). Toute la gravure est parcourue de traits, sauf un ovale central. 2 - Station du Rich el Kitiba (sud-ouest de Tissint). Gravure fine, copie miniaturisée de la fig. 1. 3 - Sur une rive de l’oued Agwidir, à 60 km env. au sud de Smara. Des rainures, autres que les anneaux habituellement gravés, parcourent le cornage et une partie du mufle. 4 - Station de la rive droite de l’oued Miran, à 20 km env. au sud-est de Smara. Les « yeux » ronds et rapprochés évoquent la tête de Pelorovis. Les rainures sont présentes et les extrémités des cornes atteignent les arêtes du rocher. 5 - Sur la ride longeant à l’ouest la route Akka-Tata. Silhouette à posture quasi simiesque. À droite, le mufle est hachiforme. Un trait (fissure du rocher « repassée ») s’échappe des rainures du cornage vers une arête de la dalle.

Pelorovis Antiquus ou boviné domestique ?

17 Le cornage des figures 3 à 5 montre des traits longitudinaux, alors que celui de Bubalus antiquus (Duvernoy), autrement dit Pelorovis antiquus 1, est plutôt connu pour ses cannelures transversales (les anneaux), notamment au travers des gravures sahariennes de cet animal. Des rainures longitudinales apparaissent sur les planches des restes osseux de Djelfa (Flamand 1921, fig. 248-249) mais elles semblent s’individualiser plutôt vers la base des cornes. D’après U. Dürst (cité par Grigson 1976, p. 130), elles résultent de « la différence entre les taux de croissance de l’étui corné (visible) et de l’os sous-jacent (interne), laquelle produit une tension sur l’étui du fait que celui-ci est étroitement accolé à l’os. (À partir d’un certain âge), des plis longitudinaux apparaissent vers la racine de la corne, c’est-à-dire là où l’étui est encore tendre. Ensuite, à mesure que ce dernier croît, les plis sont entraînés hors de cette zone et

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restent en l’état lorsqu’il durcit » (op. cit.). Il semble d’ailleurs qu’anneaux et sillons longitudinaux se développent de manière concomitante. Par suite, les rainures n’atteignent pas l’extrémité des cornes. Il y a donc là, si l’on veut rapprocher ces observations des corniformes gravés, une grande divergence puisque les rainures des figures 3 à 5 parcourent quasiment toute la longueur du cornage. Cependant, il ne faut pas oublier la tendance « au trait prolongé » caractéristique du style de Tazina.

18 Les rainures longitudinales n’apparaissent pas sur les gravures de buffle antique dans l’Atlas saharien algérien. À Matkhendûsh, un de ces animaux montre un cornage (Castiglioni et al. 1986, fig. 82) où des traits longitudinaux ont été tracés en premier lieu, recoupés ensuite par d’autres, transversaux, figurant les anneaux. La gravure est conforme à la réalité : « les rainures longitudinales ont tendance à s’arrêter, puis à reprendre dans la zone d’un anneau, pas forcément depuis le même endroit » (Grigson 1978, p. 147).

19 Le tableau 1 propose un essai d’attribution des protomés à différents genres de bovinés.

20 Une autre hypothèse se présente : les graveurs ont-ils voulu exprimer par ces traits longitudinaux le volume de la corne ? De fait, celle-ci est de section variable, passant du « triangulaire à la base (…) à elliptique vers le milieu et vers le bout » (Flamand 1921, p. 403) ce que confirment d’autres exemplaires en fouilles (par exemple dans les fouilles du Cap citées par Negro & Simonis 2001, fig. 3). Epstein la voit aussi elliptique, alors qu’elle varierait selon Ph. Thomas (cité par Flamand 1921, p. 403) d’une « forme polygonale à une coupe rectangulaire ». On admettrait à la rigueur que les graveurs du Sud marocain aient cherché à détailler ce qui les impressionnait le plus, à savoir le cornage, mais pourquoi avoir dessiné les rainures, en négligeant les anneaux tant prisés ailleurs ?

21 L’indication des yeux est moins citée par les auteurs, alors que chez Pelorovis, ils sont « ronds, placés relativement à une très faible distance sous la base des cornes » (Ibid. p. 404). Et c’est en effet ce que l’on constate à la figure 4, bien qu’exagérément rapprochés entre eux. Cette représentation est aussi la seule avec un tracé convexe des organes, ce qui traduirait en somme le port baissé de la tête du buffle antique. En effet, dans les gravures du style de Tazina, les « petits buffles » à tête basse, qui ne sont rien d’autre que des Pelorovis (Simoneau 1977, pl. 32), montrent un cornage souvent ovale barrant leur front. Alors que pour le Bos Africanus, il est représenté plutôt posé sur le haut de la tête, comme par exemple à Haniet Brahim, dans le Sud oranais (Muzzolini 1986, fig. 10.1). C’est pourtant ainsi que sont figurés les corniformes présentés, alors que nous pensons les attribuer majoritairement à des images de buffle...

22 L’attribution des figures 3 à 8 au genre Buffle antique, y compris la figure 6 en raison du rapport favorable des longueurs museau sur cornage, ne saurait résulter que d’un compromis. Nous l’avons tentée cependant parce que dans le Sud marocain, les représentations de Pelorovis sont peu abondantes et, on le vérifie ici, souvent difficiles à identifier.

23 Malgré le schématisme marqué des gravures de Tissint (fig. 1, 2), la taille très courte des cornes favoriserait une attribution à Bos brachyceros, bien qu’il n’y ait aucune indication de la crête sommitale intercornes (L. Rütimeyer cité par Muzzolini 1983, t.1, fig. 9) au moyen, par exemple, d’un simple trait courbe. Observons que, s’il a été opportunément rappelé (Soleilhavoup et al. 2000, p. 50) que les anneaux des cornes se

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trouvent autant chez Pelorovis que sur Syncerus caffer, dans les gravures du Maghreb il s’agirait statistiquement plutôt du premier que du second.

24 Les figures 9 et 10 (très proches de contour) pourraient se rapporter à des bovinés domestiques, ou en voie de l’être, l’homme au canidé avec sa tige tordue venant en quelque sorte le confirmer.

25 Il n’y a pratiquement aucun signe ni aucun de ces « traits divers » qui environnent souvent les gravures taziniennes et peuvent parfois aider à leur interprétation. La figure 4 serait une exception, et aussi la plus descriptive des gravures présentées. Et seul le corniforme de la figure 7 apparaît comme en situation, face à la faune.

26 La variabilité des espèces bovines supposée dans ces représentations se retrouverait- elle au Sahara ?

Figure 6 à 10

6 - Station d’Aït Ouazik Sud (région de Tazzarine).Hachures et « treillis » parcourent en partie la gravure (forme en T). 7 - Station du jebel Tiouririne, au nord-est de Tazzarine. Face à un rhinocéros, le corniforme, tronqué à gauche, semble avoir été rallongé au niveau du museau, lui conférant le contour général d’une gravure de piège (forme en T). 8 - Site de Tizgui el Khoula (Foum Kemel) à 57 km à l’est de Foum Zguid. Sur la droite, la forme en « huit » est récente. 9 - Station de Wad Laçli en Nifa (haut oued El Aasli des auteurs), à 30 km env. au sud-est de Smara. Le corniforme est bouchardé. À gauche, antilopiné grossièrement piqueté. Au-dessus : quadrupède de style « fil de fer » typique de cette région. 10 - Sur une colline à 10 km env. au sud de Smara. Un boviné aux cornes « tournées vers l’avant » est sous-jacent à un corniforme dont l’organe de gauche dessine les pattes avant d’un petit quadrupède. Au bas, un lien (?) pend de la bouche, tenu par un homme suivi d’un canidé.

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Des corniformes au Sahara

27 Au Sahara, ces gravures particulières pourraient se ranger suivant deux groupes : les corniformes suivant notre définition, et ceux qui sont en situation particulière ou pourvus d’un corps vu de profil (« perspective tordue »). Les énumérations qui suivent reposent sur l’examen des différents corpus de sites publiés par les auteurs.

28 — Le premier groupe, très maigre, montre quatre exemples seulement.

29 Le premier (Hallier & Hallier 1990-1992, t.1, pl. 164 C-D) figure sur une paroi rocheuse à localiser à « l’est du Ténéré » (Muzzolini 1995, p. 319, note 4). Une scène insolite gravée « au trait profond » d’un cornage décalé du corps d’un buffle antique, est suivie à quelques mètres d’une figuration, piquetée semble-t-il, d’un corniforme canonique. Les organes se déploient symétriquement avec les deux flexures qui désignent Pelorovis, avec une envergure d’environ 80 cm. Par sa forme et la corne inachevée à gauche, cette figuration ressemble assez à la figure 8.

30 D’Arrechin dans le Tadrart, une gravure de protomé bovin comprend une tête en forme de triangle à sommet arrondi, pourvue de deux organes en pince, figuration qui serait à « caractère votif » (Graziosi cité parHuard 1961, p. 494, fig. 7.9).

31 Une tête d’aurochs au Wadi I-n-Aramas, en Libye (Negro & Simonis 2001, fig. 26 en haut) est aussi composée d’un triangle d’extrémité arrondie, encadrée d’organes « en tenaille », et surchargée d’une antilope. Elle figure en compagnie d’un rhinocéros et de théranthropes dont l’un semble planer au-dessus des gravures. Cette scène serait de la période « bubaline », à connotation symbolique.

32 La rareté des figurations de corniformes peut venir aussi de publications trop ciblées. Ainsi, la tête de buffle que nous donnons à la figure 11, partiellement en bas-relief, n’est pas citée, à la différence de ses voisines, les « vaches pleurantes » de Terarart (Tassili n’Ajjer).

33 — Le deuxième groupe est assez abondant. Nous citerons d’abord au Maroc, à la station rupestre dite de la Tour de garde, au nord-ouest de Tazzarine, une dalle2 (fig. 12) montrant peut-être des béliers, au crâne triangulaire, plutôt que des bovinés. Pourtant, les cornages sont d’un contour continu avec les extrémités recourbées en pince, et il y a même un renflement à la base de l’exemplaire du bas, toutes caractéristiques signalant ailleurs le Bos Primigenius (aurochs). Par comparaison un « bucrane de bélier » (Flamand 1921, fig. 126b) figure à l’oued Sidi Brahim (région d’El Bayadh) dans l’Atlas saharien.

34 Au passage, remarquons combien ces figurations tendent à l’idéogramme. La fresque des béliers demeure, tout comme les corniformes, assez isolée dans le contexte gravé du Sud marocain et même du Maghreb.

35 Certaines gravures revêtent un double sens par calembour graphique. À l’oued Djerat, au Sahara central (Lhote 1975-1976, fig. 148), il ne s’agirait pas seulement d’un boviné si l’on considère qu’une oreille, placée anatomiquement trop haut sur le chignon, se trouve juxtaposée au cornage en ovale presque fermé, ce qui donne au total un corniforme très acceptable.

36 À Matkhendûsh, un homme mythique à tête de canidé semble traîner d’une seule main un rhinocéros renversé sur le dos. Un objet pend de sa ceinture, sorte de corniforme stylisé, au museau étroit mais très net (photo in Striedter 1984, fig. 27), avec un arrondi

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sommital dépassant de l’emplanture des pointes courtes et épaisses. On pense à nouveau à l’amorce d’un idéogramme ou, à tout le moins, à un symbole. Au Wadi Isser (Van Albada & Van Albada 2000, fig. 80), toujours au Messak libyen, un « super homme- chien » porte aussi à la ceinture les têtes pendantes d’un rhinocéros et d’un aurochs. Il soutient presque à bout de bras un Bos primigenius tué qui nous regarde de face de ses yeux vides. Dans un troisième exemple au Matkhendûsh, un anthropomorphe à tête de lycaon, « être surhumain doué d’une puissance extraordinaire, porte sur ses épaules un aurochs » (Camps 1997, p. 49 et fig. 29.1) à tête de face et dont les yeux ronds fixent l’observateur, sous la tutelle d’un prédateur canidé féroce.

37 Mais la figuration la plus étonnante serait à nouveau à Djerat, où deux corps sont opposés avec protomé unique (Lhote 1975-1976, fig. 2467 et photo 98). Cette gravure a fasciné les auteurs : « trait culturel des Chasseurs » (Huard & Allard 1973, p. 197), c’est- à-dire de la période ancienne dite bubaline, elle devient « le support d’un culte particulier » (Lhote 1975-1976, p. 806-807), opinion minimale en regard de celle de Le Quellec qui y décèle « un lien graphique entre les figurations de bovinés bicéphales et les androgynes (…) des rupestres » (Le Quellec 1993, p. 111). Nous noterons, pour notre part, la tête placée au centre, acquérant un relief si impressionnant qu’elle semble se détacher des deux corps. Quant aux cupules qui l’environnent, elles pourraient être une prophylaxie contre le « mauvais œil ».

38 La région du Djado (Est du Ténéré) présente, on le sait, une foule de figurations taziniennes qui évoquent fortement celles du Sud marocain, par exemple (Soleilhavoup 1993, fig. 5) les cornages de bœufs développés en volutes fantastiques. L’un d’eux (Ibid., fig.4) serait à première vue du même genre, si l’on ne s’apercevait qu’en réalité (nous avons vérifié d’après photo que le trait fermant le sommet de la tête est de même épaisseur que ceux des cornes), il s’agit d’un corniforme orthodoxe coiffant la tête d’un boviné préexistant, qu’il serait possible de placer dans notre premier groupe n’était sa disposition particulière (Ibid., fig. 5). Il y a là une représentation à forte ressemblance avec celle de la figure 10 (également tazinienne).

39 Parmi d’autres bovinés dits en « perspective tordue », l’un d’eux (Pellicer & Acosta 1972, pl. VII A, fig. 4 E), gravé à Sidi Mulud dans la Seguiet El Hamra, déploie un cornage semi pincé de part et d’autre d’un museau triangulaire en un essai de représentation plus réaliste : il s’agit probablement d’un buffle, de facture tazinienne.

40 Cette convention de style apparaît sur une paroi de la station d’El Hasbaïah (région de Laghouat), où un boviné au trait poli est composé d’un corps rudimentaire, avec le cou à peine esquissé et relié à un corniforme à tête triangulaire (Striedter 1984, fig. 77). Il semble que l’animal ait un ovaloïde dirigé vers le ventre, la gravure étant de l’école de Tazina sensu largo.

41 À Djerat (Lhote 1975-1976, fig. 773) apparaît un calembour graphique de protomé schématique de bovin, comprenant une spirale double de type « masquiforme » avec un contour en U entre spires. Avec l’apport de deux cupules pour les yeux et le tracé d’un corps, nous avons au final la représentation d’un probable buffle Syncerus la tête haute (Ibid. fig. 2152).

42 À Smara, H. Biedermann en avait retrouvé la réplique presque parfaite (Nowak et al. 1975, fig. 91), où la tête est composée d’un U supportant les cornes avec un trait médian au mufle. L’animal, qui semble tordre l’encolure pour se dégager d’un lien, est

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intéressant parce que l’on pourrait aussi en faire un (rare) exemple de Syncerus caffer au Maghreb !

43 Au Wadi Djeddis, au Fezzan, un réseau circulaire (Le Quellec 1993, fig. 154.2) recouvre un taureau sauvage au corps prostré. Sa tête est comme vue de face, du fait des cornes en pince tournées ainsi, de la représentation des deux naseaux et - plus maladroitement - des yeux. Nous avons là une gravure associant un piège rayonné (Radnetz) à un animal redoutable abattu.

44 Au Matkhendûsh, un buffle (?) est figuré la tête basse (Muzzolini 1995, fig. 398) tournée vers l’observateur, et le cou pareillement infléchi. À l’inverse du trait du contour du corps, plus « médiocre », le corniforme apparaît ici particulièrement soigné, comme guettant l’observateur.

Figure 11 à 17

11 - Station de Terarart (Tassili n’Ajjer, Algérie). Probable Syncerus caffer, en bas-relief partiel, voisin des célèbres « vaches pleurantes ». 12 - Station de la Tour de garde, au nord-ouest de Tazzarine. Fresque des protomés de béliers (?). 13 - Site d’El Kseib, à 25 km au sud de la falaise d’El Hank (Mauritanie). D’après doc. Du Puigadeau & Sénones. La photo retournée donne un corniforme, évoquant aussi une figuration de piège. 14 - Station d’Ikhf n’Iraoun (site Ouzdine), au sud-est de Zagora. Ce piège dit « classique » tient du corniforme : le « cornage-bulbe » est partiellement hachuré, tandis que le « museau-corps de piège » est rayé. 15 - Station du Hassi Tafenna (sud-est de Zagora). Autre figuration d’un piège évoquant un corniforme. Un « bulbe » figure le cornage. Un deuxième « corps » de piège (triangulaire) est appendu sur la gauche. 16 - Arkana (Djado, Niger). Forme en T probablement d’un piège, proche d’un corniforme. 17 - Station d’Anou n’Ouamerzemlal, au sud des Aït Ouazik. Version marocaine d’un piège-corniforme, encore plus évocatrice que celle du Djado. Imbriquée étroitement dans une série de 6 pièges « classiques ».

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Une valeur symbolique

45 D’après ces premiers exemples, il semble que, lorsque la tête est complètement en vue frontale, une certaine valeur symbolique se dégage, manifestant trois attitudes fondamentales du gibier approché : l’attention soutenue, la menace et la mort.

46 Il apparaît d’ailleurs que cette convention n’affecte pas seulement les gravures de bovinés. À Djerat, un hippopotame fait face, le museau bas (Lhote 1975-1976, fig. 1272). Un éléphant à pattes « boulées » du Wadi I-n-Aramas au Messak, d’époque plus tardive, a la tête entièrement tournée y compris les oreilles et les défenses (Lutz & Lutz 1995, fig. 86). Ses yeux elliptiques à double contour fixent l’arrivant de manière saisissante. Un autre exemple étonnant est à El Awrer, au Fezzan libyen (Castiglioni et al. 1986, fig. 252), où un éléphant bizarrement affublé de narines de lion les dilate en une grimace furieuse !

47 Tout au contraire, les célèbres gazelles de Ti-n-Terirt, au Tassili n’Ajjer, au corps contracté (Lhote 1970b, fig. 6 et 7.17), nous regardent avec leurs gros yeux vides, symboles de leur proche trépas.

48 Le mode particulier de représentation des lions et des panthères à tête de face pourrait être dû à leur férocité. Il s’agit de la longue série des félins de l’Atlas saharien, du style dit de Djattou, échelonnés du jebel Amour aux monts des Ouled Naïl et des Ksour (Hachid 1992, fig. 28-31). Leur répondent en écho les figurations félines marocaines d’Hassi Rhilane (Gautier 1916, fig. 10), au nord de Boudnib, et de Msissi (N. W. inHuard & Leclant 1980, fig. 202 et p. 443).

49 En Libye, au Wadi Tin Einessnis (Messak Settafet), une gravure de lion (Van Albada & Van Albada 2000, fig. 104) utilise deux séries de cupules pour matérialiser yeux et narines. Au Wadi Alamas, le dessin de la tête d’un lion, de face et d’aspect redoutable, a été privilégié en contraste avec celui du corps, plus petit (Lutz & Lutz 1995, fig. 109) et de tracé hâtif. Ce serait une gravure faite par des « éleveurs de bétail » et non par les chasseurs qui les ont précédés (op. cit.).

50 Une gerboise se voit radicalement transformée avec une tête effrayante, également de face : ce serait l’œuvre de « chasseurs anciens » (Lutz & Lutz 1995, fig. 113). La figuration d’un bien inoffensif animal est étrangement dépassée !

51 Parmi les moyens utilisés pour cet effet « tête de face », peut-être difficile pour les graveurs à concevoir sauf en « perspective tordue », un procédé connu est celui du regard dioculaire, éventuellement rapporté à une gravure toute entière de profil. Selon Lutz, le décalage chronologique entre Chasseurs et Éleveurs y trouverait une preuve par son rajout à des figurations préexistantes, par exemple les deux cupules encadrant l’œil d’un crocodile (Ibid. fig. 89) de Matkhendûsh. Dans l’Atlas saharien, un grand buffle antique du jebel Touijine (Lhote 1970a, p. 56, fig. 1) présente une tête en protomé presque canonique, en usant du regard dioculaire. À El-Hasbaïah, la tête d’un bœuf (Hachid 1992, fig. 89/6), de gravure tazinienne cette fois, a les yeux ainsi marqués par deux cupules : elle prend une allure de corniforme, comme déguisée.

52 Ajoutons également la technique du tracé d’un ou deux traits médians sur le mufle pour matérialiser l’étroit plateau nasal de l’animal, suggérant par cet artifice une tête de face. Tous les genres de bovinés semblent concernés : à l’oued Affer, un affluent du Djerat, une gravure de danseur assez effacée (Allard-Huard 1980, fig. 5 et p. 255), est sous-jacente à un boviné vu de profil. Le graveur a d’abord isolé la tête, aux cornes en

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lyre assez écartées, etpar l’ajout d’une cupule oculaire et d’un trait longitudinal sur le museau, il lui a conféré un aspect corniforme. L’animal est postérieur aux danseurs qui seraient à situer à la période bubaline. Absent des protomés du Sud marocain présentés, les « traits médians » du museau indiqueraient assez une espèce domestique, (ex. : Lhote 1975-1976, fig. 1419), mais dans l’exemple de Smara cité plus haut il s’agit pourtant d’un Syncerus caffer. Au Wadi In Hagalas (Messak libyen), un autre buffle de savane présente un de ces traits (Lutz & Lutz 1995, fig. 160). D’ailleurs, les mufles des gravures du grand buffle antique semblent peu visés par ce détail.

Un symbole et un procédé

53 Le procédé touche l’homme, tel ce personnage cornu et masqué, souvent ithyphallique (Lutz & Lutz 1995, fig. 228), au regard fixant l’observateur, qui aurait quelque rapport (d’aspect) au dieu Bès. Non reconnu au Maghreb, il est beaucoup représenté en Libye, du Messak au Dohone. Cet « être mythique » (Camps cité parLe Quellec 1993, p. 248) a un côté brutal qui rejoint bien notre hypothèse, surtout lorsque la gravure se réduit à la tête seule (Hallier & Hallier 1990-1992, t. 2, photo 26A), ou du moins à son masque : le regard de face devient celui d’une menace animale.

54 À l’opposé, le cas des représentations groupées de canidés (?) tournant tous la tête (Lutz & Lutz 1995, fig. 117) vers l’observateur avec « un regard fascinant » (Van Albada & Van Albada 2000, fig. 37), serait selon nous moins évident. S’il s’agit de fennecs (Castiglioni et al. 1986, fig. 311), ou de servals (Le Quellec 1998, p. 103), cela pourrait exprimer le reflet nocturne des yeux devant une source éclairante, à proximité d’un campement par exemple. À condition que l’espèce invoquée admette de tels attroupements ! Le lycaon chasse en bande, auquel cas notre hypothèse « menace » reprendrait de l’intérêt, mais il s’agit d’un animal diurne...

55 Le procédé paraît très présent dans les gravures les plus anciennes ou, à tout le moins, intéressant des sociétés où la chasse, et ses dangers, n’ont pas disparu. Cependant l’analyse doit tenir compte attentivement du contexte gravé : dans la célèbre scène pastorale du Wadi Halîb (Messak Settafet), des bovinés sont couchés paisiblement, et l’un d’eux tourne complètement la tête (Striedter 1984, fig. 41). Toujours au Messak, au Wadi Takabar, la présence d’un corniforme constitue une astuce de présentation, celle d’un bœuf perdu au milieu d’un troupeau en désordre (Lutz & Lutz 1995, fig. 159, à droite). À l’inverse, dans une scène relevée au Wadi Erarhar (Van Albada & Van Albada 2000, fig. 86), un aurochs à tête basse, avec protomé canonique et le corps esquissé, semble monopoliser les dangers au milieu d’un troupeau de bovins domestiques.

Des corniformes élémentaires

56 Flamand a relevé des antilopes bubales à Kebeur Rechim, près d’El Bayadh (Flamand 1921, fig. 83), dont la tête se réduit à un trait sinusoïdal par un procédé « dialypérigraphique », et qui serait pour nous un corniforme élémentaire.

57 À la station XXIV de Djerat (Lhote 1975-1976, fig. 1045), un trait semblablement ondulé, gravé au piquetis, décrit la tête vue de face d’un boviné. Hallier a publié des photos de plusieurs dalles montrant ce qu’il nomme des « silhouettes d’oiseaux volants » (Hallier & Hallier 1990-1992, t. 2, pl. 410.C et E), isolées, qui nous paraissent être ce même

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contour ondulé, proche du symbole. Ailleurs, un bœuf piqueté fait face la tête baissée à ce genre de figuration (Ibid., t. 1, pl. 30.A). Des haches au tranchant semi circulaire (Ibid. t.1 : pl. 126.D ; t.2 : pl. 410.C-E) sont présentes, de même qu’un char sub-schématique (Ibid., t.2, pl. 393.A). Ces corniformes « élémentaires » sont donc tardifs et tendent plutôt à l’idéogramme (de la notion “Bovin” ?). Il est remarquable que ce type de figuration apparaisse aussi dans certaines peintures bovidiennes sahariennes, par exemple à Oua-n-Rechla au nord d’Anesbaraka (Soleilhavoup 1988, fig. 8).

Des calembours de pièges ?

58 En décrivant ces corniformes du Sud marocain, nous avons indiqué qu’ils sont souvent reliés aux arêtes ou aux fissures de la dalle support, comme pour s’y « accrocher ». Et même certaines cassures naturelles du bloc sont repassées au burin (fig. 5). Cet « accrochage » est l’un des critères connus pour identifier la représentation d’un piège (la « nasse » de certains auteurs) dans les gravures taziniennes, l’engin paraissant suspendu au rocher par des appendices que nous nommons les « antennes ». Mais dans les protomés, il y a aussi ces traits multiples parcourant les cornages, c’est-à-dire les supposées « rainures ». Or nous avons, sur ce point également, le précédent du piège à antennes plurilinéaires contenues dans un « bulbe »(Wolff 1999, p. 44 et fig. 63-65 et 67).

Tableau 2

Représentation des corniformes avec certaines techniques des pièges (« nasses »).

59 D’autres singularités apparaissent dans les corniformes présentés : par exemple, le « treillis » ou la « vannerie » des figures 6 et 8 n’auraient-ils que le but, bien peu crédible, de dépeindre une couleur sombre du buffle antique ? Jusqu’ici, au Maroc, ces quadrillages ne figuraient précisément que dans des gravures de pièges (ex. Wolff 1999, fig. 45), ou comme des filets piégeant le flanc d’animaux.

60 Nous avons vu que le museau du corniforme de la figure 7, de contour général semblable à celui de la figure 6, est rallongé, avec le côté gauche un peu arrondi. En fait ceci dessine le « corps » proportionné d’un piège, d’un type qu’il est même possible de préciser : « à antennes tendues horizontalement » (Wolff 1999, fig. 26 et 39), et pourvu d’ailleurs d’un « axe », ici déporté vers la gauche. Cette forme en T se retrouvera dans des gravures apparentées, tant au Maroc qu’au Djado (voir plus loin).

61 Par contraste, malgré la présence d’un signe ovoïde sur la droite qui rappelle une disposition en piège « double » l’associant au piège « classique » (Wolff 1997, fig. 5 et p. 73), la figure 4 paraît avec la figure 9 la moins proche de la figuration d’un engin.

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62 D’autre part, si le cornage de la figure 5 s’inscrit bien dans le type à « bulbe » à multiples « antennes », nous ne connaissons pas de pièges dont le « corps » soit réellement hachiforme. Nous avons bien publié une gravure de piège des Aït Ouazik Centre (Wolff 1997, fig. 82) dont le « corps » présente un tel élargissement, mais ceci résulte de l’aplatissement de cette extrémité, faute de place sur la dalle (dans d’autres cas ce « corps » est alors simplement coupé) !

63 Il n’est pas davantage possible d’interpréter le déploiement des traits du cornage dans le mufle (fig. 1 à 3) comme l’amorce d’un quadrillage de « corps » de piège, faute de figurations de cet ordre. Les gravures d’engins à « corps » multiples emboîtés, bien identifiées, paraissent inadéquates dans ce cas, même si les figures 1 et 2 présentent des formes ovales centrées dans le mufle. Finalement, un rapprochement avec des pièges ne semble possible que pour la figure 3, puis aux figures 5 à 8.

64 Observons a contrario qu’un piège gravé contre la tête d’un quadrupède peut mener à l’interpréter comme une bête à cornes ! Tel est le cas à l’oued Djerat (Lhote 1975-1976, fig. 1612) où l’on a pu croire à l’ajout d’une seconde tête à un animal piqueté. Le trait oblique, pour nous un « axe déporté », menant au cou de l’animal depuis la base des antennes du piège, a paru être un « parasite » (op.cit.) !

65 Mais, n’y aurait-il pas inversement des figurations de pièges ressemblant à des protomés ? Le Quellec range parmi ses « bucranes » (Le Quellec 1993, p. 185) une gravure (Puigaudeau & Sénones 1939, fig. 4.39) trouvée à la Chaaba-en-Nakhlat, au pied de la falaise d’El Hank, en Mauritanie, plus proche, selon nous, du genre « méandre masquiforme ». À 25 km plus au sud, sur le site d’El Kseib, une forme lyrée (Ibid. pl. IV, fig. 1) fait apparaître, lorsque la photo est retournée, un corniforme assez acceptable (fig. 13). Mais il a aussi quelque ressemblance avec un piège à « antennes » torses, avec un étranglement à « lien » (= le « collet ») caractéristique des gravures de ces engins, autant que par l’usage du support - ici l’arête de la dalle en angle obtus - pour obtenir l’« arrondi » terminant généralement leur « corps ».

66 Une curieuse figuration d’El Ghicha (Hachid 1992, fig. 175), au Sud oranais, est placée entre deux ovins (?) à collier, probablement de style tazinien. Flamand n’est pas sûr d’en faire un « bucrane » (Flamand 1921, p. 332), au contraire de M. Hachid qui précise toutefois que ce « thème est rarissime dans l’Atlas saharien ». Pour nous, les proportions entre les longueurs des cornes et du museau semblent exagérément inversées. Ne serait-ce pas plutôt une forme atypique du piège le plus commun que nous nommons « classique » (Wolff 1997, p. 66-67) ?

67 Nous avons cité ailleurs (Ibid., p. 74) deux gravures de bovinés de l’oued Djerat (Lhote 1975-1976, photo 44 et fig. 2068), où tête et pointes ont été "détournées" en forme de piège « classique ». Ajoutons maintenant qu’il est possible d’y reconnaître deux protomés ordinaires, affectant deux animaux en perspective tordue, dont le premier, au site d’Abeior, « semble proche de l’état domestique » (Huard & Leclant 1980, p. 499).

68 Ces calembours graphiques éclairent des gravures hermétiques : à Zénaga, près de Figuig, un « anthropomorphe » (Vaufrey 1969, pl. XXVII.1) est inclus par Milburn dans ses « symboles énigmatiques » (Milburn 1972, fig. 14), la plupart étant des pièges, selon nous. De fait, la photo de la gravure de Zenaga une fois retournée révèle une figuration d’un de ces engins, pourvu d’un appendice ovaloïde à lien ondulé. Mais il a lui aussi une apparence de corniforme, qui n’a d’ailleurs pas échappé à un intervenant tardif qui lui a ajouté deux « yeux » piquetés sous les « antennes-cornes ».

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69 Plus simplement, il est vrai que certaines figurations de pièges ont un contour proche de nos protomés. À la figure 14, d’Ikhf n’Iraoun (site Ouzdine), au sud-est de Zagora, un piège « classique » d’une forme composite (Wolff 1997, fig. 86) peu répandue, comprend un ovoïde (le « corps ») à quatre « axes » quasi-parallèles et des « antennes » développant un « bulbe » apparenté à des cornes, dont l’une porte un début de guillochage oblique qui renforce l’illusion. Une impression équivalente se dégage de la figure 15, plus fruste, trouvée au Hassi Tafenna (sud-est de Zagora).

70 Au Maroc, il est clair que cet aspect fluctuant, voire "transformiste", souligne à nouveau le poids sur le psychisme des graveurs de la figuration du piège, et spécialement celle du piège « classique », très répandue dans les gravures taziniennes, facteur auquel se mêle un goût irrépressible du calembour graphique. Un de nos buts était ici de faire ressortir cette "confusion des genres" qui vient s’ajouter à la singularité intrinsèque des corniformes cités.

71 Il est paradoxal que certaines gravures, restées énigmatiques à ce jour, puissent y trouver un début d’interprétation.

Des gravures apparentées

72 Le principe nous en est venu d’une gravure d’Arkana (Djado, Niger) dont nous donnons le relevé à la figure 16 (d’après Gauthier et al. 1996, fig. 28). Nous l’avons rapprochée d’une quasi réplique (fig. 17), vue à l’Anou n’Ouamerzemlal, au sud des Aït Ouazik. Celle-ci se trouve étroitement imbriquée dans une série de six « nasses » (Masy 1998, fig. 7), gravées en cascade, dont la plus proche pousse un trait bouclé à l’intérieur de la figuration. La forme générale est celle d’un T, comme pour la gravure d’Arkana, avec une barre horizontale pareillement chargée de traits parallèles. Ce dernier détail fait penser au bulbe plurilinéaire déjà évoqué. Quant à la barre verticale, elle se compose selon le cas, soit d’un ovale, soit d’un contour plus évasé tirant vers le hachiforme. Il se pourrait que ces deux représentations soient en fait des corniformes, avec les bouts des cornes reliés par un trait horizontal, même si, à la figure 16, le mufle est traité manifestement comme un « corps » de piège de type ovoïde, avec débris de « vannerie » brisée, le cornage étant une forme nouvelle de « bulbe » étiré à l’horizontale. Constat analogue à la figure 17 où apparaissent des éléments de « treillis » en connection avec le piège voisin, avec le mufle plutôt hachiforme.

73 Hallier a publié d’autres figurations de ce genre (Hallier & Hallier 1990-1992, t.1, pl. 17C), issues probablement de la même région que la figure 16, où l’on retrouve « vannerie » et traits internes, et dans un cas (Ibid. p. 72) des antennes dépassant vers le haut (cornes ?). Soleilhavoup a publié d’autres relevés apparentés (Soleilhavoup 1993, fig. 19-20), dont un avec ces mêmes antennes totalement redressées à la verticale, évoquant plus encore un cornage bovin. Un intérêt majeur de cette gravure est d’être superposée à une représentation d’un piège avec « bulbe » étiré à l’horizontale (photo in Striedter et al. 1995, fig. 15.6), assez proche de genre des corniformes de nos figures 6 et 7. Striedter interprète cette double gravure comme un « cache-sexe » muni d’« éléments décoratifs » (Ibid. p. 69) et non comme des pièges. Elle trouve pourtant son contretype jusqu’au Messak, à Aghelad, associé à des girafes et des gazelles, dont Le Quellec fait l’exemple même du type B (Le Quellec 1998, fig. 58) du classement de ses « nasses », qui sont pour nous des figurations de pièges. Il est vrai que dans un autre relevé (Soleilhavoup 1993, fig. 22), les « antennes » sont tracées presque à l’horizontale,

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évoquant les lacets d’un cache-sexe, supposés ceinturer le corps. Mais cette figuration côtoie un homme (acéphale) avec appendices flottants du ventre et du postérieur, dont l’attitude, et même le dessin des pieds, rappelle assez ceux de la figure 5. Il porte une ceinture à bandes et, à notre connaissance, il n’existe pas d’anthropomorphe ainsi « vêtu » arborant en place le « cache-sexe ». Notons aussi, comme à la gravure précédente (Ibid., fig. 19-20), la présence d’un rhinocéros. Malgré l’enchevêtrement des gravures taziniennes d’Arkana, la mise en « connexion ou en rapport direct » de ces signes avec la grande faune est soulignée (Soleilhavoup 1993, p. 1). En réalité, tout ceci se présente comme une somme d’indices : homme à ceinture à bandes, rhinocéros et structure en T, l’ensemble n’impliquant en rien un « cache-sexe ».

74 Selon nous, les figures16 et 17 sont bien des pièges, même si une transcendance vers une autre dimension reste très possible. À la figure 17, deux détails permettent un rapprochement avec les corniformes décrits : les flexures symétriques des cornes et la forme du mufle. Il paraît clair que la "confusion des genres" entre figurations de piège et de corniforme s’y est opérée. Néanmoins, une certaine prudence s’impose pour étendre cette conclusion à toutes les figurations comparables du Djado.

L’aurochs du messak : emblème et trophée

75 C’est au Sahara qu’on trouve quelques preuves que le corniforme ait pu prendre une autre dimension. D’un affluent du Wadi Tilizaghen, Lutz a donné une fresque montrant une femme conduisant un bœuf aux cornes très décorées (Lutz & Lutz 1995, fig. 184), typique du Bovidien gravé du Messak. Elle paraît s’adresser à un personnage à masque cornu brandissant d’une main un objet rond tandis que de l’autre pend un « long ruban avec un emblème d’aurochs » en extrémité. Cet attribut de forme circulaire (Lutz & Lutz 1995, fig. 188) participe selon nous du corniforme, avec oreilles et traits sur le museau. Lutz précise que de tels « emblèmes » existent dans plusieurs autres endroits. Et effectivement, Le Quellec en a publié un autre, provenant du Wadi Alamas voisin, où « une dépouille de buffle côtoie un ovaloïde rayé et un petit couple in coïtu » (Le Quellec 1995, fig. 56). Le corniforme est strictement identique au précédent, y compris le "ruban" qui passe ici sous la dépouille de l’animal, un croisillon sur le museau indiquant une attache à un support non discernable, ainsi que les traits du mufle. En réalité, nous retrouvons là un thème évoqué plus avant, confirmé par les deux formes en Y, gravées sur la droite, semblables à l’objet pendant de la ceinture du théranthrope au rhinocéros du Matkhendûsh (Striedter 1984, fig. 27), que nous croyons être un succédané du corniforme, voire son idéogramme. Mais, malgré la richesse de détails apparente de ces scènes pastorales du Messak, l’« emblème » n’y est pas réellement mis en situation ; il semble seulement "mentionné". Notons cependant sa ressemblance marquée avec la tête du « buffle » (plutôt un aurochs) du même site, « au dessin étrange » (Muzzolini 1995, p. 336 et fig. 398), également cité plus avant. Ces deux figurations demeurent « énigmatiques » (Le Quellec 1995, p. 260), autant que les scènes elles-mêmes, et devraient être assez chargées de symbolisme (Muzzolini 1991, p. 23). Van Albada souligne qu’au Messak les graveurs ont cherché avec succès à exécuter des vues frontales de l’aurochs, et il a noté l’emploi de « motifs faisant ressortir l’orbite, lui donnant un puissant relief renforçant le regard » (Van Albada & Van Albada 2000, p. 69). Constatons en outre que cet animal (ou son symbole réduit pendant de la ceinture) est celui porté par les êtres « puissants » à tête de canidé du Messak, et

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concluons que l’aurochs et le graphisme du corniforme y sont associés dans des mythes étranges, conjuguant le gibier et son emblème.

Le corniforme est-il venu d’ailleurs ?

76 Il est difficile d’évoquer une quelconque interférence avec le monde créto-mycénien où pourtant le corniforme est parmi d’autres « un symbole religieux essentiel » (Müller- Karpe 1973, p. 132). On ne peut ignorer aussi que la palette du Roi Narmer (Huard & Leclant 1980, pl. II) est placée sous l’insigne de deux corniformes dont les museaux sont des visages figés préfigurant la déesse Hathor.

77 À l’oued Djerat, au Sahara central, Lhote se montre réticent pour admettre comme « bucrane » une gravure (Lhote 1975-1976, fig. 2380) isolée et assez étrange, où la tête à protubérances latérales montre des cornes très courtes. De celles-ci partent d’autres « cornes fermées » (Le Quellec 1993, p. 143), en une sorte de rectangle étiré. Ce « motif artistique » selon Lhote (op. cit. p. 806) nous ferait assez penser à quelques réminiscences des Puniques …

78 Pourrions-nous ignorer également la forme de certains monuments de pierres sahariens tel ce contour du Wadi Berjûj (Castiglioni et al. 1986, pl. 23) dessiné au sol avec des pierres ? Convergences peut-être, mais le corniforme semble avoir hanté les hommes jusque dans la tombe, comme à Sos Ozzastros, en Sardaigne. À Biristeddi, on trouve un autre monument nuraghe avec une forme en T (Mazel 1968, p. 222-223). G. Camps nous rappelle à cet égard que « les protomés de taureau sont très fréquents – ainsi que les paires de cornes - dans les hypogées de Sardaigne » (com. pers., d’après G. Tanda in Arte delle Domus de Jarnas, 1985).

79 Il nous semble que ce thème ne fait que transparaître dans les gravures, et en nombre très réduit. Il pourrait relever d’un vieux fonds méditerranéen, au souvenir ténu, et dirons-nous, moins diffusé que diffus !

Conclusion

80 Le faible nombre des figurations de corniforme à contour canonique ne pourrait en faire un nouveau marqueur culturel. D’autant qu’elles se situent majoritairement dans les gravures de l’école de Tazina, laquelle ne saurait nous servir à les situer chronologiquement. Au Sahara, elles semblent dépendre plutôt de la période bovidienne, gravée (et même peinte).

81 Dans ce contexte, les gravures présentées pourraient-elles au moins signer une domestication émergente dans le Sud marocain ? Les figures 9 et 10 iraient éventuellement dans ce sens, mais nous savons que dans le style de Tazina règnent les bovinés « aux cornes tournées vers l’avant ». Or ces derniers présentent fréquemment des indices de piégeage (ex. : Wolff 1997, fig. 94) et nous persistons à ne croire que modérément à une domestication résolue chez ces graveurs (Ibid. p. 64). Parallèlement aux Taziniens, d’autres ont piqueté dans le Sud marocain des images de bœufs incontestablement domestiques (ex. : Metgourine, au nord-ouest d’Akka), mais le corniforme n’y figure pas. Néanmoins, à l’Oukaimeden dans ce Haut-Atlas où Rodrigue a vu « l’image du bœuf répétée ad nauseam » (Rodrigue 1999, p. 118) au milieu de figurations de poignards, de haches à tranchant semi-circulaire et autres hallebardes,

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une gravure piquetée (Ibid., fig. O/V/27) est peut-être un corniforme, avec une tête trapézoïdale et des cornes en volutes. Dans le même site, l’image se simplifie à l’extrême (fig. O/VII/33), jusqu’à un schéma en Y (identique à celui du Mont Bégo), encore présent au Tizi n’Ghellis, à l’Aougdal n’Ouagouns (Yagour) ou à Tainant. Il s’agit là d’un monde culturel différent semble-t-il du Sahara, bien que le thème du « félin à tête de face » y soit bien présent. Il s’agirait en l’occurrence de panthères (Ibid. p. 65) ce qui est un indice car des éleveurs ne sauraient cohabiter en paix avec cet animal.

82 La remarquable constance de leur style pourrait indiquer que les graveurs taziniens sont venus du Sahara central, mais il est difficile d’affirmer que le corniforme est ainsi une tradition importée. Il est possible de penser pour ceux du Sud marocain à un procédé dérivé de la perspective tordue, laquelle se manifeste au Maghreb en particulier dans les gravures de buffles antiques de toutes les époques, et aussi dans les figurations de félins à la tête rendue ainsi menaçante dont l’origine serait saharienne. Il s’agirait en somme des fauves les plus redoutés.

83 Le thème s’est répandu aux extrémités du Sahara, comme on l’a vu au travers de quelque parenté des corniformes avec les figurations de pièges dans deux régions géographiquement à l’opposé que sont le Sud marocain et le Djado nigérien (et ses abords au sens de Hallier). Mais on le retrouve aussi dans le Nord-est du Nigeria, (Breunig 1994, fig. 5-9), sous forme de figurines de têtes bovines en argile, datables à partir de 2930 + 60 BP. Au Mali, ce seront plus tard des gravures élémentaires en Y, piquetées dans un abri à l’ouest de la boucle du Baoulé (Huysecom et al. 1996, fig. 8-9), parmi des rouelles et des motifs serpentiformes. Elles sont datées en effet de la fin du 2e millénaire av. J.-C. À Fodebougou, dans le massif proche de Kita, des peintures sont « stylistiquement comparables (…) avec l’art rupestre saharien » au travers d’authentiques corniformes (Ibid fig. 11.I/6-8 et p. 60).

84 De nos jours, le mythe de ce type de gravures persiste-t-il dans l’esprit des hommes ? Les deux « marques familiales » tissées dans un tapis de l’Aurès (Camps 1980, fig. 133) le rappelleraient assez, sous une forme très schématisée…

85 Nous avons évoqué plusieurs fois ici la possibilité d’une symbolisation allant vers l’idéogramme. Pour Van Albada, l’image de l’aurochs en perspective tordue serait une « forme de passage du figuratif vers le signe abstrait » (Van Albada & Van Albada 2000, p. 70). Ce n’est là pour nous qu’une étape du processus, relevant des périodes anciennes, avec un sens tragique. Lorsque les éleveurs se seront imposés, viendra celle du « corniforme-emblème », lui-même préludant à d’autres signes plus dépouillés. Nous nous rappelons ainsi un glyphe de protomé de taureau des inscriptions sinaïtiques, datées de 1500 av. J.-C., dont F. Petrie (cité par Keller 1980, fig. 20) faisait dès 1905 l’« exemple d’évolution d’un signe symbolique en lettre d’alphabet » (Moreau 1976, p. 19) : épuré radicalement jusqu’à un V barré, penché et re-basculé par les scribes d’un peuple à l’autre, ce corniforme a abouti au fil des âges … à notre « A » !

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NOTES

1. Nous employons ici le terme de Pelorovis antiquus pour suivre le changement de nom récent du Buffle antique, suite à la révision des Bovidés de Gentry de 1978, désignation qu’il convient d’utiliser en toute rigueur (Muzzolini 1995, p. 430) même si, traditionnellement, celle de Bubalus antiquus, voire d’Homoïocéras, restent encore usitées. 2. Cette dalle, découverte par M. Garnier (publication très partielle in Simoneau 1975, fig. H, p. 70), semble maintenant disparue.

Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 268

RÉSUMÉS

Dix gravures de têtes bovines (« corniformes »), la plupart relevant du style de Tazina, s’échelonnent entre le sud de Smara et l’est de Foum Zguid. Très souvent des traits multiples, dont la réalité biologique est examinée, parcourent les cornages. Il pourrait s’agir pour six d’entre elles de têtes de Pelorovis. Dans l’Atlas saharien, autant qu’au Sahara central, les corniformes sont très rares. On y trouve plutôt des figurations de bovinés sauvages « à tête de face », ce qui pourrait exprimer la férocité ou la mort, un procédé qui a été appliqué à d’autres animaux et même à l’homme. Ces corniformes semblent refléter aussi des conventions réservées d’ordinaire aux gravures de pièges (« nasses »), et vice-versa. Sous cet angle, certaines figurations restées énigmatiques peuvent trouver une interprétation, mais le symbole s’entremêle aussi au « calembour graphique ». Ces gravures particulières reflèteraient-elles un lointain passé, plus diffus que diffusé, alors que, simplifiées, elles participent de l’idéogramme ?

Ten rock carvings in the shape of bovid heads (“corniformes”), most belonging to the Tazina style, were found between the south of Smara and the east of Foum Zguid. Numerous lines often are shown on the horns, a detail here examined from a biological aspect. Six of them could be related to Pelorovis genus. In the as well as in Central Sahara, corniformes are very rare, while one can find rather wild “front-faced” bovids, a design method to be also interpreted as a ferocity sign or as an indicator of death. This appears in other animals, and also in men. Some corniforme details are usually found in trap pictures (also known as “nasses”), and vice versa. Following this statement, some enigmatic carvings may find an interpretation, while it appears that symbolic facts are mixed to “graphic tricks”. Should these peculiar carvings be understood as a remnant of a distant past, indeed more diffused than distributed? After some simplifications, they also took part in the ideogram advent.

AUTEUR

RICHARD WOLFF

Impasse du Mas Vieux, 30230 Rodilhan (France)

Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 269

La navigation océanienne : un savoir trop longtemps méconnu

Anne Di Piazza

NOTE DE L’ÉDITEUR

Cet article reprend et développe le texte d’un séminaire de 3e cycle fait à l’Université de Provence dans le cadre de l’option Préhistoire et Anthropologie du DEA Préhistoire, Archéologie, Histoire et Civilisations de l’Antiquité et du Moyen Âge.

1 Les monstres fabuleux et redoutables qui illustrent les cartes marines jusqu’au milieu du XVIIe siècle montrent combien, pour les peuples terriens de l’Europe, l’océan est un royaume du diable. Comme l’écrit N. Cazeils (1998, p. 5) : « Au Moyen Âge et au début de la Renaissance, les peuples riverains de l’océan Atlantique sont persuadés que celui-ci abrite des monstres fabuleux et redoutables : krakens, grands serpents, licornes, baleines, etc., naufrageurs de vaisseaux ou dévoreurs de chair humaine ». Avec l’élargissement et le remodelage du monde que les explorations apportent, une nouvelle cosmogonie naît. La vision européenne du monde se transforme. D’abord quant à l’espace. A un globe occupé pour l’essentiel de continents - les géographes du Moyen Age estiment que les espaces marins occupent environ un septième de la surface - se substituent des espaces marins évalués par les géographes de la Renaissance à près de deux tiers (Cussans et al. 1991, p. 258). La Terre est désormais ronde et océanique. Révolution aussi quant à la perception du temps. Le temps mathématique se substitue peu à peu au temps mythologique. Comme le constate Diogo Velho da Chancelaria, un poète du XVIe siècle, « le grand lointain nous est proche ». Révolution enfin quant aux types de navire avec la généralisation du gouvernail d’étambot, des voiles carrées et d’une artillerie lourde (Cussans et al. op. cit., p. 258).

2 De l’autre côté de cette même terre, les pirogues des insulaires du Pacifique forcent l’admiration des premiers explorateurs européens. Comme le résume parfaitement G.M. Denning (1963, p. 111) : « il y avait toujours des commentaires de surprise et d’admiration portant sur la mobilité et la vitesse des pirogues, leur capacité à remonter

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au vent, la témérité des Polynésiens vis-à-vis de l’eau, et leur dextérité à redresser une pirogue retournée. Bougainville était prêt à reconnaître aux Polynésiens une technique suffisante pour effectuer des voyages de plus de trois cents lieues, et il en était de même pour Cook jusqu’à ce que les Forsters et ensuite Anderson ne lui suggèrent que tout cela soit qu’exagération, et que l’histoire des migrations océaniennes devait être racontée en terme de voyages accidentels conduisant au peuplement des îles dispersées. Une pareille image était entretenue par les missionnaires, qui non seulement répertorièrent de nombreux voyages accidentels, mais suggérèrent aussi qu’en condition difficile, les Polynésiens n’étaient ni courageux, ni d’habiles navigateurs1 ». Ainsi, si l’ingéniosité et les performances des pirogues sont bien reconnues par les occidentaux, le savoir océanien entourant la navigation est lui fortement discrédité. Pourquoi une telle déconsidération ? Les explorateurs, soucieux de connaître les routes maritimes océaniennes et d’y découvrir des îles, peut-être même un continent, et forts des connaissances transmises par les pilotes arabes, les marins chinois ou les Malais, se concentreront exclusivement sur les compétences de « l’espace – temps » des insulaires. Par espace – temps, nous entendons la direction et le nombre de jours nécessaires à atteindre une terre. Le capitaine Cook par exemple inventorie 130 îles et en positionne 74 après sa rencontre avec Tupaia, prêtre navigateur de Tahiti et 153 lors de son passage à Tonga (Denning op. cit. p. 103, 110). En dépit de la richesse de ces connaissances, il semble cependant que ce “savoir local” n’ait pas été à la hauteur de ce qu’en attendaient les Occidentaux. Il est vrai que la mesure de l’espace et du temps est alors en pleine révolution en Europe et que reconnaître un savoir autre, dont les fondements sont autres, nécessite une connaissance approfondie de l’autre (Sillitoe 1998 ; Brunois 2001). Cette méconnaissance ou non-reconnaissance des techniques de navigation de ces autres perdure au XXe siècle. Il faut attendre les articles écrits en réponse à l’ouvrage de A. Sharp intitulé Ancient Voyagers in the Pacific publié en 1957 pour que des archéologues, des navigateurs, des linguistes ou des ethnologues établissent que le peuplement de la Polynésie est moins le fruit d’atterrages fortuits résultant d’une recherche hasardeuse ou de pirogues en perdition, que de voyages d’exploration et de colonisation délibérés. Ces écrits publiés au Journal of the Polynesian Society, imprimés en tant que Memoir par J. Golson en 1962, réimprimé en 1963 et 1972, enfin réactualisé par B. Finney en 1976 sont toujours abondamment cités aujourd’hui, parfois même en lieu et place de ce « savoir naviguer ».

3 Notre objectif est donc ici de revenir sur ce savoir en nous appuyant sur les écrits des navigateurs de Nikunau, petite île de l’archipel des Gilbert du Sud en République de Kiribati (Pacifique central). Nous nous attacherons à en révéler sa logique interne, qui se fonde sur la rencontre entre un initié : le navigateur, et les créatures de la mer (poissons, houles, oiseaux) et du ciel (étoiles, nuages). C’est « l’expression » de ces êtres, leur comportement, leur couleur, leur forme, leur position qui va permettre à l’homme de suivre une course en haute mer, de prédire les bons ou mauvais jours à venir, et même de localiser une terre. Nous montrerons que ce savoir participe d’une représentation du monde partagée par les gens partis au large tout autant que par les gens restés à terre et qu’il est indissociable de comportements de bienséance, de règles et d’interdits. Nous expliquerons que cette navigation relève d’une « éco-cosmologie », un concept développé par Naess (1989), Croll et Parkin (1992) cité par K. Århem (1996), pour faire référence à des modèles où la notion de « nature » est contiguë à celle de « société ». Contiguïté qui s’exprime, dans le cas présent, non seulement en dotant les créatures de la mer et du ciel de comportements humains mais en les traitant aussi

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comme des Hommes. Enfin, nous ferons valoir que si cette proximité est à l’origine de l’incompréhension occidentale relative à la navigation des insulaires - que faire en effet de l’homologie des hommes aux poissons ou aux étoiles, de la course amoureuse des Pléiades et de la constellation du Scorpion lorsque l’on recherche l’équivalent d’un sextant ou d’une boussole ? - c’est pourtant bien cette contiguïté qui a donné naissance à un extraordinaire savoir.

L’omniprésence de l’océan

4 Nikunau est une île basse au récif frangeant, dépourvue de lagon, appartenant au groupe dit des Gilbert du Sud, en République de Kiribati. Avec sa surface de 18 km2 et sa hauteur qui culmine à 3 m, cette terre est résolument tournée vers la mer. Pas moins de 128 noms vernaculaires de poissons appartenant à 53 familles et 36 invertébrés appartenant à 7 familles ont été recensés (Lobel 1978). Sur cette île vivent près de 2000 personnes, réparties en six districts (aono) ou villages, tous dominés par une Maison d’Assemblée (maneaba). Cette construction rectangulaire, pourvue d’un immense toit en tuiles de feuilles de pandanus, est divisée en sièges (boti) sur lesquels les gens prennent place en fonction des règles de filiation, d’alliance ou d’adoption (Maude 1963 ; Latouche 1983). Chacun de ses sièges porte un nom, souvent celui de l’ancêtre fondateur, nom auquel sont attachés des fonctions rituelles (droit de pêche dans les étangs, partage des baleines échouées ou des tortues, etc.), des terres résidentielles (kaainga), des terres de culture (buakonikai), des pièges à poissons (maa), des enseignes de pirogue ou des esprits tutélaires (atua). Ces deux derniers, qui souvent se font écho, sont généralement une créature de l’écosystème marin. Ainsi, sur la totalité des 123 sièges des Maisons d’Assemblée, plus de 102 (soit plus de 80 %) sont des vertébrés et des invertébrés marins ou des vents. Parmi les taxons les plus cités, nous trouvons les dauphins, les requins, les tortues, les raies, les murènes, les carangues, les étoiles de mer et les poulpes. Quelques oiseaux (la sterne, le paille-en-queue, le pluvier doré) et de rares arbres (Cordia subcordata) viennent compléter cet inventaire. Dans la Maison d’assemblée, l’océan et ses êtres sont bien omniprésents.

La nature des cahiers - manuscrits

5 D’après les données recueillies, il n’y a pas de siège attaché au statut de navigateur (te tia borau). Si la transmission de ce statut s’effectue généralement de grand-père maternel ou paternel à petit-fils, ce dernier, en accord avec les règles de filiation, d’alliance ou d’adoption, peut ne pas occuper le siège de son grand-père. Sur l’ensemble de la population de l’île, seuls 5 hommes nous ont été désignés comme navigateurs2. Ils appartiennent à chacun des districts de l’île, à l’exception de celui de Tabutoa, dont les habitants représentent les natifs ou «gens de la terre », par opposition aux « gens de la mer » arrivés sur la pirogue primordiale nommée Tekabangaki3. Notons ici que si cette distinction renvoie à différents degrés de l’autochtonie, l’appartenance à la mer prévaut.

6 Quatre de ces navigateurs possédaient un cahier d’écolier, rédigé après la conversion des habitants de Nikunau au christianisme. Ces écrits constituent un ensemble documentaire exceptionnel pour la connaissance des généalogies, des mythistoires, des techniques de culture des « taros géants » (Cyrtosperma chamissonis), de fabrication des

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pirogues, et pour ce qui nous intéresse ici, de la navigation. Le texte et les illustrations sont soigneusement mis en page, indice évident d’une composition a posteriori de notes copiées et recopiées suite à la mauvaise conservation des manuscrits. Le lexique utilisé est parfois obsolète et incompris de leur rédacteur, peut-être encore volontairement difficile et sous-entendu, donc secret. A croire que les navigateurs, à l’image des compositeurs de chants, ont développé un vocabulaire, voire même un langage spécifique. Il est fait un grand usage de la métaphore et de l’étymologie populaire. Ainsi, on y apprend par exemple que la navigation ou te borau signifie littéralement : le ramassage des feuilles de pandanus (te article le/la, bo ramassage/ rencontre, rau feuilles d’un cultivar de pandanus ( Pandanus tectorius)) qui étaient cousues mais plus généralement tressées pour la confection des voiles de pirogues (Grimble 1924).

7 Ces cahiers sont précieusement gardés et cachés. Ils ne sont ni prêtés, ni échangés. Il est vrai que le savoir est dans cette population constitutif de la personne et que sa transmission pourrait s’apparenter à un affaiblissement du maître. Il est peut-être aussi plus largement diffusé qu’on ne le dit et seul le privilège de le manifester serait limité. Toujours est-il que si les schèmes de la navigation sont identiques d’un manuscrit à l’autre, la connaissance relative aux centaines d’êtres qui peuplent l’océan et le ciel, ordonnée en récit, est propre à chacun des hommes.

Un savoir né des relations avec les êtres du cosmos

8 La lecture qui m’a été faite de ces cahiers est riche d’enseignement, non seulement pour le savoir qu’il révèle, mais tout autant pour le contexte ritualisé dans lequel elle se déroule, contribuant sur le plan individuel, au développement du sens à donner au statut de navigateur et sur le plan culturel, à l’apprentissage des valeurs sociales de base, empruntes de calme, de discrétion, de respect et d’interdits, en somme d’harmonie. La transmission se fait au petit matin ou à la tombée de la nuit, après abstinence de toute relation sexuelle, après s’être baigné et enduit d’huile odorante, à jeun ou après avoir mangé avec parcimonie, assis en tailleur au pied de l’un des poteaux de la Maison d’Assemblée, devant une demi-noix de coco emplie de kabubu, la boisson des navigateurs par excellence. Elle est à base de pandanus séché et de liquide s’écoulant de la spathe de cocotier bouilli. Cette préparation corporelle et vestimentaire de l’élève mais aussi de tout navigateur, est le prélude aux rencontres à venir avec les créatures du règne animal (vertébrés et invertébrés), du règne « maritime » (houle, haut fond, courant), du règne « astral » (constellations, nuages, vents), plus rarement du règne végétal (bois flotté) ou minéral (amas de pierres ponces). Dans la vie de tous les jours, ce même traitement du corps de l’homme est utilisé pour courtiser une femme. Les êtres du cosmos sont donc dotés d’une capacité à répondre à la séduction de l’homme.

9 Ces rencontres sont pour ainsi dire banales ; elles ne sont en aucun cas extraordinaires ou surnaturelles. Ces êtres appartiennent au même monde que celui des hommes, même s’ils ont des pouvoirs supra-humains. C’est bien alors ici un crabe, ailleurs un nuage ou une constellation dont le comportement, la couleur et la forme ou la déclivité vont instruire l’homme des bons ou mauvais jours de navigation à venir, de la présence d’une terre ou encore de la course à suivre en haute mer. Pour donner un aperçu de l’étendue de ces connaissances, notons par exemple que plus de vingt-cinq nuages sont

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nommés, dessinés et classés en quatre catégories : les nuages qui désignent une terre avec ou sans lagon (te nangi n aba), les nuages de vent (te nangi n ang), les nuages annonciateurs de pluie (te nangi ni karau), enfin les nuages de beaux temps (te nangkoto). Quant aux animaux, il est dit par exemple que lorsque les étoiles de mer (Na kikanang) sont en grand nombre sur le platier, que les crabes non identifiés (Na kauki) courent sur le sable, que les pieuvres (Nei kika) évoluent sous l’eau, que les poissons (Epinephelus sp.) de la famille des Serranidae (Na kuau) chassent tranquillement leurs proies, alors les jours seront beaux. A l’inverse si les étoiles de mer sont cachées dans des anfractuosités rocheuses, que les crabes sont au fond de leur trou, que les pieuvres ont placé une pierre à l’entrée de leur cache ou encore que les poissons amassent de petits cailloux dans leur gueule, alors les jours seront mauvais.

10 Le propre du navigateur est de comprendre les compétences et le langage des créatures d’espèces différentes. L’homme devient navigateur en entrant en relation avec les créatures du ciel et de la mer, plus rarement de la terre. Il ne s’agit donc pas d’une croyance ou d’un hommage à une puissance supérieure, mais d’un arrangement avec ces êtres, d’une conciliation, qui ne peut avoir lieu qu’en respectant un ensemble de règles qui prévaut à toute rencontre et que l’expérience passée et la prudence recommandent d’observer méticuleusement. On ne peut manquer d’établir un parallèle avec certains groupes de chasseurs-cueilleurs d’Amazonie ou de Papouasie Nouvelle- Guinée, dont le savoir « écologique » est fondé sur les relations avec les animaux, les plantes ou les esprits qui appartiennent à une même ontologie que celle des humains ; leur différence est de degré (Descola 1986, 1992, 1999 ; Reichel-Dolmatoff 1976 ; Århem 1996 ; Descola et Pálsson 1996 ; Viveiros de Castro 1996 ; Brunois 2001).

Gens de terre et gens de mer

11 Les leçons se font dans la discrétion et le secret. L’élève dit simplement qu’il va se promener, tout comme une personne partant en mer, afin que les démons ne le précèdent pour ingurgiter le savoir, tromper, enlever ou faire fuir les créatures à rencontrer. Cette réserve permet aussi à l’initié d’éviter de parler de ce qu’il a appris, au navigateur de se garder de mentionner les lieux sur lesquels il s’est rendu, enfin au pêcheur de ne pas se ridiculiser s’il rentre bredouille (Bataille 1994, p. 115). Les gens partis en mer ne sont pas les seuls concernés par ces règles de bienséance. Les enfants par exemple, ne doivent ni crier, ni pleurer sous peine de déranger les créatures de la mer et du ciel. C’est pour la même raison qu’aucun conflit ne doit éclater au sein de la famille étendue de l’homme parti en mer, et que l’on évite de prononcer le nom des créatures qu’il est susceptible de rencontrer. D’ailleurs ces créatures sont toujours prêtes à reprendre les individus au comportement déviant. Pour toute transgression, le vent n’aura de cesse de faire tomber l’homme du cocotier ou du toit de la Maison d’Assemblée, et le poisson de la famille des Scombridae (Acanthocybium solanderi) de défaire les liens des bordés de la pirogue avec son « nez ». Ces êtres du cosmos, justiciers des humains et arbitres de l’ordre socio-cosmique, sont dotés d’une rationalité expressive au sens où ils se mobilisent pour atteindre leur but au vu et au su de tous. En somme, c’est l’ensemble de la communauté qui s’efforce auprès de ses hommes, de bien se comporter. Cet enrôlement des uns et des autres se retrouve dans la pêche à Tonga. M.C. Bataille écrit (1996, p. 419-420) « … toute pêche (peu importe l’espèce visée) implique le respect de règles qui engagent la société villageoise tout

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entière, “pêcheurs de mer”, siu tahi, comme “pêcheurs de terre”, siu uta (hommes qui partent en mer comme femmes et enfants qui restent à terre au village. »

Le compas des étoiles

12 Le savoir est délivré sous l’immense charpente de la Maison d’assemblée, qui pour la circonstance est nommée le toit de la navigation (uma ni borau), une métaphore du toit céleste. Les 7 longerons (3 sur chaque pan et 1 sur le faîte) de cette toiture, alignés nord-sud, servent de référents ou de support à la mémorisation de la déclivité des constellations (Grimble 1931). En mer, le navigateur a donc toujours une représentation du toit de la Maison d’Assemblée de son village au-dessus de sa tête. Pour maîtriser les centaines de noms des étoiles, mais aussi la position du lever et du coucher des constellations qui varie au cours de l’année, il est fait grand usage de libations et de formules magiques, pour empêcher la perte de mémoire. Ce « compas des étoiles » encore appelé « compas sidéral4 » est sur Nikunau divisé en 16 zones. Il est dessiné sous forme de deux triangles symétriques, ayant une base commune. Le triangle du haut est divisé en 8 secteurs, le premier étant délimité par l’horizon et le premier chevron ouest, le deuxième par le premier et deuxième chevron, etc. Il en est de même pour le triangle du bas, représentant la Maison d’Assemblée de la mer. Le monde sous-marin, nommé Moone reflète celui de la terre. Il est lui aussi pourvu de Maisons d’Assemblée habitées par des hommes nus ou dauphins et des « oiseaux volants », termes désignant les poissons de haute mer.

13 La course des constellations autour de cette représentation en triangle est menée par Nei Auti (les Pléiades) et Ten Rimwimata (Antares, l’étoile rouge dans la constellation du Scorpion). Ces deux créatures, respectivement féminine et masculine, sont amoureuses l’une de l’autre et se poursuivent sans cesse, entraînant à leur suite les saisons, les étoiles, la lune et le soleil, les poissons et les oiseaux migrateurs, les courants et les vents. Ainsi, lorsque les Pléiades sont visibles au coucher du soleil (et se trouvent donc dans le triangle du dessus), c’est la saison des vents violents (Aumeang), de septembre à février, de la bonne pêche et des possibles sécheresses. Les courants sont généralement forts et de direction ouest. A l’inverse, l’ascension d’Antares annonce la saison des vents propices à la navigation (Aumaiaki), de février à août, et des courants de direction variable, à force faible ou inexistante. Ces informations générales recoupent précisément celles des guides nautiques (Lewis 1972, p. 113-114)… Mais ce savoir sait aussi se faire extrêmement précis. On y apprend par exemple que le lever de Nei Auti sur l’horizon peut être accompagné de trois types de vent : un vent du nord-ouest (te boroto) qui, s’il souffle pendant une demi-journée, sera suivi de trois jours de vents violents ; un vent d’ouest (te takawaru) qui persistera pendant deux à trois jours ; enfin un vent du sud-ouest (te bukeia), qui, temporaire, amène des averses…

14 C’est sur ce même compas des étoiles que l’insulaire établit une course en mer. D. Turnbull (2000, p. 136) résume son utilisation de la façon suivante : «en nommant et en identifiant des points sur l’horizon, le compas des étoiles fournit un cadre ou une carte permettant au navigateur de connaître sa position à tout moment, grâce à l’intégration d’informations provenant de différentes sources, qui sans ce système de référence, seraient incommensurables. Ce référent est constitué de directions conventionnelles mais invariantes. C’est en attribuant une direction à toutes les données hétérogènes du soleil, des étoiles, des vents, des vagues, des hauts fonds, des oiseaux, des signes de

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terre, des signes de mer et de la vie marine, que le navigateur connaît sa position et son orientation à tous les instants5 ». Ces « données hétérogènes » sont pour les gens de Nikunau les créatures de la mer et du ciel, encore appelées betia, qui se traduit littéralement par « flotteurs »; en somme, des sortes d’amers de haute mer. Ils s’apparentent à des points remarquables mouvants qui structurent et animent le paysage marin. Lors d’une course en mer, ce n’est pas l’homme qui part à la rencontre des créatures, mais ce sont elles qui viennent à lui. Le navigateur est comme assis sur sa natte (métaphore de la pirogue) sous la toiture de la Maison (métaphore du ciel) lisant le défilement des amers. Pour s’aider à la tâche de mémorisation des flotteurs, les insulaires ont tissé des contes et des chants qui narrent la pérégrination d’un héros d’île en île, à qui il arrive mille péripéties, suite aux rencontres avec ces amers.

La biographie des compagnons de voyage

Figure

Maison d’assemblée de la République de Kiribati ; Pirogue de pêche à balancier ; Leurre à thon en nacre.

15 Les insulaires ont affublé certains êtres du cosmos d’une biographie. La naissance des compagnons de voyage du navigateur, comme les étoiles, les saisons, quelques animaux et des éléments de pirogues, s’est opérée suite au démembrement de Naatibu, par son petit-fils Naareau, deux êtres primordiaux. De son œil droit lancé à l’est naquit le soleil, de son œil gauche lancé à l’ouest naquit la lune, de la partie antérieure de son cerveau lancée vers le sud naquit Antares, de la partie postérieure de son cerveau lancée vers le nord naquirent les Pléiades, de la partie droite de son corps lancée vers le nord naquit la saison nord (Aumeang) et ses acolytes : le vent, la pluie et les mauvais jours pour la

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navigation, de la partie gauche de son corps lancée vers le sud naquit la saison sud (Aumaiaki) et ses complices des jours calmes, de son bras droit lancé au nord naquit la constellation quadrilatère de la grande ourse (Kameang), de son bras gauche lancé au sud naquit la croix du sud (Kamaiaki), enfin de la colonne vertébrale naquit un arbre (te Kaintikuaba) sur la terre de Taamoa. La cime, le tronc, les branches et les racines de ce végétal sont habités par des oiseaux comme le phaéton (ou paille-en-queue) à queue rouge (Te taake), le phaéton à queue blanche (Te koroangutungutu), la frégate (Na eitei), un petit poisson non identifié (Te ninimai), la murène (Te imoone), la limace de mer striée (Te buruburu ni koinawa), la vergue de pirogue (Te kairo), la drisse (Te baba), la partie élargie d’une pagaie (Te uriba) et d’autres encore. Tous ces êtres du règne animal, « céleste » ou « technique » se marient, se reproduisent et commencent à voyager, seuls ou en groupe. Ils se déplacent d’île en île, et leur descendance, après plusieurs générations, aboutit aux hommes.

16 Ce processus d’hominisation et d’humanisation est décrit non pas en rupture avec l’animal ou les étoiles, mais en terme de continuité et de filiation avec les êtres du cosmos. L’homme est devenu humain non pas contre les créatures de la nature, mais à travers elles. A ce titre, on peut se demander légitimement si l’anthropomorphisme, l’homologie de certains termes et les marques de respect attribuées à ces êtres ne sont pas là pour nous rappeler, à chaque instant, cette contiguïté de la nature et de la culture. En attribuant des cils au soleil (ses rayons), une Maison d’Assemblée à la lune (son halo), une couronne, des yeux, un corps et une ancre à la constellation du Scorpion ; en nommant le ciel (karawa), l’océan (marawa) et la terre (tarawa) ; enfin en étendant le préfixe Nei à tous les êtres « féminins » plutôt qu’aux seuls noms de femme et de Te, Tem, Ten ou Teng pour tous les êtres « masculins » plutôt qu’aux seuls noms d’hommes, ne vient-t’on pas réaffirmer de vive voix l’intégration de l’Homme au cosmos et du cosmos à l’Homme ? L’humain n’est qu’un être parmi d’autres, qui s’associe et coopère avec des espèces de règnes différents, par l’intermédiaire d’un savoir généalogique et philologique tout autant que naturaliste, rituel et symbolique qui entraîne les hommes à se sentir investis d’une responsabilité à l’égard des non- humains, leurs alliés, leurs acolytes.

17 Mais revenons aux pérégrinations de ces êtres. En se déplaçant d’île en île, humains et compagnons de voyage délimitent les terres de résidence (kaainga) et les terres de culture (buakonikai), leur donnent un nom en rapport bien souvent avec les aléas de leur pérégrination, enfin s’octroient un siège dans la Maison d’Assemblée. Ces mythistoires mettent ainsi en place une véritable cartographie marine et terrestre organisée en réseaux et en itinéraires ancestraux. Chacun des habitants de l’espace mer est ainsi associé à un fragment de récit, dont l’intelligibilité se poursuit au-delà du seul atoll, au gré des voyages. La structure de ces mythistoires n’est pas sans rappeler les chants et les récits aidant le navigateur à connaître sa route. Ce sont bien des centaines de noms, icide points remarquables du paysage marin, ailleurs de parcelles et de sièges qui s’articulent autour des odyssées. La mer, comme la terre, apparaît toujours comme un « espace réticulé », sur lequel s’inscrivent les îles, les terroirs et les généalogies, en somme l’identité d’un groupe (Bonnemaison 1986). Elle est à l’image de ce que cet enfant de Pohnpei exprimait en disant que «sa terre était un endroit merveilleux, car elle était entourée par l’eau, ce qui rendait facile la visite des autres îles» (McCutcheon 1994, p. 351, cité par Latouche (à paraître).

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L’archéologie du voyage

18 Cette représentation d’une mer en réseaux, ne devait-elle pas refléter le passé, précisément pour avoir permis d’en faire des mythistoires ? L’archéologie océanienne nous renvoie bien à cette image d’une mer où l’on circule depuis des millénaires. Avec l’avènement de l’analyse géochimique des basaltes, c’est tout un ensemble de routes d’échanges préhistoriques qui a pu être mis en évidence (Weisler 1997). Si l’on s’en tient au commerce des roches volcaniques en République de Kiribati, des voyages de longue distance couvrant respectivement 580 et 1310 milles ont pu être découverts entre les carrières d’origine : Tataga Matau aux îles Samoa et Eiao aux îles Marquises et les îles de Manra (archipel Phoenix) et Tabuaeran (archipel de la Ligne) (Di Piazza & Pearthree 2001a). Le Pacifique s’apparente bien à une « Méditerranée d’Océanie » pour reprendre la juste expression de J. Garanger qualifiant la multitude des relations inter- îles existant au Vanuatu (Garanger 1972).

19 C’est aussi parce que la mer est une « presqu’île » que le territoire de l’insulaire ne se cantonne pas aux seules frontières de l’île. Le savoir « pluridisciplinaire » que l’homme a développé autour de la mer lui a permis de s’affranchir du confinement de l’espace, en faisant de son archipel, une seule terre. De nos jours, certains habitants des îles Carolines en Micronésie se rendent trois à quatre fois par an sur cinq des atolls inhabités du même archipel (Pikelot, Gaferut, Olimarao, West Faiu, East Faiu), situés à quelques 112 milles de leur terre, pour s’approvisionner en tortues, en oiseaux et en poissons (Thomas 1987, p. 146-152, 193-195). Ces cas de figure ne sont pas isolés. Les habitants des îles Marshall, de Tikopia et Anuta exploitent respectivement et épisodiquement Bikar et Taongi ou Fataka (Amerson 1969, p. 332 ; Yen & Gordon 1973, p. 4, 103). En République de Kiribati, nous avons pu retrouver cette même modalité d’occupation des îles, qui se signale pour « l’île mère » par des complexes architecturaux monumentaux, un grand nombre de vestiges et d’artefacts, des horizons culturels épais et en continuité stratigraphique, et pour l’île satellite par des sites (structures de combustion, chemins d’accès aux lieux d’exploitation) essentiellement associés à la collecte ou à la consommation d’oiseaux et d’espèces marines (Di Piazza & Pearthree 2001b). L’homme qui, il y a quelque 700 ans, a exploité au mieux les différents environnements a fait de l’île sèche de Kiritimati (moins de 1000 mm d’eau de pluie par an) une terre d’approvisionnement, et de l’île humide de Tabuaeran (entre 1500 et 2000 mm d’eau de pluie par an), une terre de résidence. Si les insulaires échappent en partie à la nostalgie ou à l’étroitesse de leur île, c’est qu’il n’y a pas d’antinomie ou de séparation majeure entre la terre et la mer. Cela élargit considérablement l’horizon des insulaires dans leur rapport réel, imaginaire ou symbolique à leur terre.

Conclusion

20 Il n’est pour ainsi dire plus possible de penser le monde insulaire du Pacifique en terme de dépaysement : il n’existe pas d’île perdue en mer. Ce serait même absurde. Toute île est liée à un nuage, une étoile, un courant, une vague, des bois flottés, un groupe d’oiseaux, un banc de poissons et/ou une odeur. Comme l’exprime la maxime des habitants de Nikunau, « tant qu’il y a une mer et un navigateur pour écouter le parler de la mer, il y a des îles ».

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21 Cet « écouter le parler de la mer » consiste en la lecture d’un cosmos peuplé de créatures, sortes de messagers du temps et de l’espace, avec qui l’homme s’associe pour lire les événements présents et à venir. Cette navigation, faite d’un corpus de données comprenant la taxinomie des poissons et des nuages, l’éthologie des espèces marines ou la cosmogonie des étoiles et des points remarquables du paysage, est bien la codification culturelle d’un prodigieux savoir écologique, né des interactions intimes que l’homme a toujours noué avec son environnement.Autrement dit, cet ensemble de connaissances acquises et organisées en un savoir qui a créé l’illusion aux yeux des Occidentaux de n’en pas être, réitère la contiguïté nature-culture, où l’autre, qu’il soit humain ou non-humain, vivant ou non-vivant, est considéré comme un véritable partenaire doté d’une capacité expressive ou langage propre que le navigateur est à même d’interpréter. Le traitement de ces compagnons de voyage, à qui l’homme voue une véritable « amitié respectueuse » selon la juste qualification d’A.G Haudricourt6 (1962, p. 41), a sans doute participé à discréditer ce savoir pluriel, qui mêle généalogie mythique, éthologie animale ou cartographie céleste. Quel contraste avec l’Occident, avec Aristote pour qui : «Il n’y a point d’amitié possible envers les choses inanimées pas plus qu’il n’y a de justice envers elles, pas plus qu’il n’y en a de l’homme au cheval et au bœuf ou même du maître à l’esclave en tant qu’esclave » (cité par Godelier 1984, p. 157), ou encore avec ce que l’on peut lire à l’entrée dauphin du Grand Larousse du XIXe siècle : «On sait aujourd’hui que ce sont des animaux stupides, brutaux, voraces, n’ayant d’intelligence que juste ce qu’il en faut pour dévorer leur proie et reproduire leur espèce ». Savoir enfin qui n’est pas sans incidence sur « l’archéologie du voyage » puisqu’une cosmogonie où la mer est l’alliée et la compagne de l’homme, plutôt que son contraire : un abîme de monstres, permet de mieux comprendre les modalités d’occupation des îles.

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NOTES

1. “There were constant remarks of surprise and admiration at the mobility and speed of the canoes, their ability to run -close to the wind, the fearlessness of the Polynesians in the water and their ability to re-erect capsized canoes. Bougainville was willing to allow the Polynesians the skill to perform voyages of over three hundred leagues, and so was Cook till the influence first of the Forsters and later Anderson suggested to him that this was an exaggeration, and that the story of Pacific migrations was to be told in terms of accidental voyages which peopled the scattered islands. A similar picture was given by the early missioners, who not only instanced

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many accidental voyages, but also suggested that in awkward conditions the polynesians were neither courageous nor skilled navigators” (traduit par l’auteur). 2. Dans les mythistoires, les femmes peuvent être navigatrices (comme Nei Manganibuka). 3. Pour une version complète du mythe de la première pirogue Tekabangaki, voir J.P. Latouche (1983, textes III et IV). 4. Se reférer en particulier à Gladwin (1970, p. 147-155) et Lewis (1972, p. 62-73) pour une description de ces compas en Océanie. 5. “By designating named and identifiable points on the horizon, the star compass provides the framework or map within which the navigator is able to be continuously aware of his position. It does this by enabling the integration of information from a diverse range of sources which would otherwise be incommensurable. The framework is one of conventional but invariant directions. It is by attributing directionality to all the heterogeneous inputs from the sun, stars, winds, waves, reefs, birds, weather, landmarks, seamarks and sealife, that the navigator is able to be constantly aware of his position and orientation” (traduit par l’auteur). 6. A.G. Haudricourt a développé cette expression pour décrire les relations nouées par les horticulteurs océaniens avec leurs tubercules.

RÉSUMÉS

Le présent article révèle et analyse la logique du « savoir naviguer » développé par les insulaires de Nikunau, en République de Kiribati (Pacifique central). Ce savoir, constitué d’un corpus de données comprenant aussi bien la taxinomie des nuages, que l’éthologie des poissons, la cartographie des étoiles ou la phylogénie des constellations, est fondé sur les rencontres entre un initié : le navigateur, et les créatures de la mer (poisson, haut fond, récif) et du ciel (constellation, nuage, vent). Ces êtres, vivants et non-vivants, sont traités comme de véritables partenaires. C’est bien cette contiguïté de la notion de nature et de société qui est à l’origine de la non- reconnaissance de ce savoir océanien par les Occidentaux.

The present paper analyses the logic behind navigational knowledge developed by islanders of Nikunau, Republic of Kiribati (central Pacific). This knowledge, constituted of a corpus of data including clouds taxonomy, fishes behaviour, stars cartography as well as constellations phylogeny, is based on the meeting between an initiate : the navigator and sea creatures (fish, coral reef, fishing ground) or sky creatures (constellation, cloud, wind). These living and non- living beings are treated as real social partners. It is this relatedness between nature and society that may explain the absence of reconnaissance of this “indigenous knowledge” by occidental people.

AUTEUR

ANNE DI PIAZZA

UMR 6574 CNRS - Centre de recherche et de Documentation Océanienne, Marseille – CREDO-MAP, 3 place Victor Hugo, case 89, F-13331 Marseille Cedex 3, [email protected]

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Subsistance et mode de vie des premiers habitants de Guadeloupe (500 av. – 1500 ap. J.-C.)

Sandrine Grouard

NOTE DE L’ÉDITEUR

Cet article reprend et développe le texte d’un séminaire de 3e cycle fait à l’Université de Provence dans le cadre de l’option Préhistoire et Anthropologie du DEA Préhistoire, Archéologie, Histoire et Civilisations de l’Antiquité et du Moyen Âge.

Cette étude a été menée partiellement grâce au Programme Collectif de Recherche « L’exploitation des milieux marins par les populations précolombiennes » du S.R.A.-D.R.A.C.- Guadeloupe et avec l’aide de la Bourse du Patrimoine du Ministère de la Culture en 1999. Les dessins et les clichés sont de l’auteur. Les fouilles des sites de l’Anse à la Gourde, la Pointe du Helleux, Morel, Petite Rivière et Grande- Anse de Terre-de-Bas ont été menées par A. Delpuech (Service Régional de L’Archéologie - Direction des Affaires Culturelles de Guadeloupe - Ministère de la Culture - France), M. Hoogland et C. Hofman (Leiden University - the Netherlands) et financées par le S.R.A.-D.R.A.C. - Guadeloupe et l’Université de Leiden. Le site de l’Embouchure de la Rivière de Baillif a fait l’objet de fouilles de sauvetage par E. Gassies (A.F.A.N. Guadeloupe) et par A. Chancerel (S.R.A.-D.R.A.C. – Guadeloupe - Ministère de la Culture - France). Les campagnes de fouilles du site de Folle Anse ont été menées par R. Chenorkian (Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme – Économies, Sociétés et Environnements Préhistoriques - UMR 6636) avec les financements du S.R.A.-D.R.A.C. – Guadeloupe. Je tiens à remercier tous les directeurs de chantiers et les conservateurs de l’archéologie de Guadeloupe (A. Delpuech et A. Chancerel) pour m’avoir permis d’étudier le matériel archéozoologique et pour m’avoir aidée à accomplir mes différentes missions. D. Lavallée est également remerciée pour avoir accepté de m’encadrer dans cette recherche. Je remercie également J.-D. Vigne pour son enseignement, ses corrections, ses suggestions et son support

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scientifique de chaque instant. De même, je remercie J. Desse pour son enseignement, son support scientifique et la possibilité d’utiliser la collection de comparaison du laboratoire d’Archéozoologie du C.R.A. de Valbonne. Je suis redevable à E.S. Wing, W.F. Keegan et à leur équipe pour leur aide scientifique et la possibilité d’utiliser et de mesurer les ossements de la collection de comparaison du Florida Museum of Natural History.

Introduction

1 Les populations précolombiennes des Antilles étaient constituées de groupes communautaires céramistes. Ils étaient à la fois pêcheurs, chasseurs, collecteurs, mais également cueilleurs et horticulteurs itinérants sur brûlis (Keegan 1994). Leur origine géographique serait le bassin de l’Orénoque au Venezuela (fig. 1).

Figure 1

Carte des Petites Antilles et localisation de la Guadeloupe. D’après Atlas Mondial Hatier, 1985 et Encarta, 1998 ; modifié par Grouard 2001a).

2 Les connaissances archéologiques actuelles relatives aux Antilles sont disparates et fragmentées et elles reflètent la mosaïque politique et économique régionale des Antilles. Les études des artefacts archéologiques dans les Caraïbes ont été descriptives et ont fait l’objet de classifications dans les années 30, puis elles ont suivi le courant évolutionniste au cours des années 70, comme la théorie des frontières de peuplement de Rouse (1986, 1989). Depuis le début des années 90, une recherche systémique et globale des vestiges a été adoptée : le contexte archéologique a acquis autant d’importance que l’objet en soi, ce qui a permis de développer des fouilles plus fines et minutieuses. Toutefois, l’intérêt porté aux sciences paléoenvironnementales n’a débuté que vers la fin des années 90.

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3 Les décors céramiques ont servi de base à l’élaboration d’une chronologie des cultures précolombiennes (Rouse 1986 ; Hofman 1993). Parfois, pour affiner des sous-types céramiques, les chercheurs ont pris en compte certains artefacts lithiques ou en coquille, mais toujours de façon marginale. La présence ou l’absence d’espèces animales ou végétales, leur introduction ou leur disparition et les rapports entre l’homme et ces espèces n’ont été que rarement pris en compte dans la définition des cultures précolombiennes antillaises.

4 Par ailleurs, les approches traditionnelles de la faune archéologique aux Antilles sont régionales et transculturelles. Elles s’appuient sur des effectifs de sites limités pour élaborer des théories sur l’alimentation et les cultures des Précolombiens. Or, de nombreuses îles n’ont pas encore fait l’objet de recherches archéozoologiques, ni archéobotaniques, ni même simplement archéologiques. Enfin, les phases culturelles n’ont pas encore toutes été appréhendées ni définies dans leur ensemble.

5 Ainsi, les Précolombiens des Petites Antilles sont non seulement mal connus, mais ils sont surtout essentiellement catalogués par les données stylistiques de leur céramique.

6 Une des problématiques de cette recherche est donc de savoir si, finalement, nous pouvons contribuer à définir les cultures par les données du système technique d’exploitation des animaux, comme cela a été montré auparavant ailleurs dans le monde (Tresset 1996 ; Vigne 1998), ou s’il n’y a aucun lien entre les deux.

7 Dans cette optique, nous avons recensé les différentes (et divergentes) théories sur les économies de subsistance des communautés précolombiennes antillaises.

8 D’une part, en partant du postulat que l’environnement détermine la culture, certains auteurs penchent en faveur d’une homogénéité des comportements face aux milieux, quelle que soit l’époque culturelle. L’homme s’adapte aux variations environnementales et détermine ainsi les changements culturels (Steward 1955 ; Rouse 1964 ; Willey & Sabloff 1980). Alors, la localisation biogéographique des sites serait le facteur influent sur les ressources alimentaires. D’autres auteurs argumentent en faveur d’une pression culturelle sur les choix effectués dans les ressources alimentaires (Rainey 1940 ; Wing & Wing 1995 ; Wing 2001). Dans notre recherche de thèse, nous avons donc tenté de caractériser la part de ces deux facteurs dans les choix effectués sur les ressources carnées.

9 D’autre part, un second débat anime l’archéologie antillaise. Jusque dans les années 80, la théorie des immigrations culturelles de Rouse (1986, 1989) a été acceptée unanimement. Cette théorie évolutionniste de « frontières de peuplement » suggère que les premiers horticulteurs des Antilles, auraient migré depuis le Bassin de l’Orénoque (Venezuela) sous une double pression climatique et démographique au cours des cinq premiers siècles avant Jésus-Christ (période Saladoïde). Ces colons auraient alors tenté de conserver leur économie de subsistance continentale terrestre, en privilégiant la collecte de racines végétales et d’espèces animales fluviatiles et forestières et rejetant l’apport marin (Carbone 1980). Les premiers sites auraient été localisés à l’intérieur des terres, près des cours d’eau et des sols propices à l’horticulture (Keegan & Diamond 1987). Les Post-Saladoïdes se seraient ensuite déplacés vers la côte, plus près des ressources marines, s’éloignant des sols agricoles et exploitant ainsi le littoral limitrophe. Progressivement, ces populations se seraient éloignées en mer pour capturer les espèces pélagiques (Allaire 1984 ; Watters & Rouse 1989). Or, cette théorie est fondée sur un petit nombre de sites et de données. De plus, à

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la faveur de nouvelles études menées sur la localisation des sites aux Antilles depuis 1985, il est enfin admis que les biais dus à la prospection archéologique faussent en partie la carte de répartition (Delpuech 1998). Enfin, des études menées sur des sites anciens montrent l’importance des ressources marines dès les premières installations (deFrance 1988). Il est donc difficile d’interpréter cette carte et de généraliser les interprétations par période archéologique.

10 Il est ainsi fort important de tenter de caractériser les modes de subsistance des populations Saladoïdes et Post-Saladoïdes de Guadeloupe, de façon à tester ces hypothèses. Après avoir défini le cadre environnemen-tal et chronoculturel de la Guadeloupe, quatre points seront dégagés : (1) Reconstitution du peuplement animal de Guadeloupe ; (2) Variabilité géographique des systèmes techniques ; (3) Évolution chronoculturelle en milieu corallien (depuis le Saladoïde ancien - 500 av. J.-C., jusqu’au Troumassoïde récent - 1500 ap. J.-C.) ; (4) Reconstitution des engins et des techniques de pêche.

Matériel et méthodes : la Guadeloupe à titre d’exemple

11 Aucune étude analytique sur les économies de subsistance des Amérindiens des Antilles dans une démarche micro-régionale n’avait été effectuée auparavant. Or, tous les grands milieux écologiques insulaires et toutes les grandes périodes chronologiques sont représentés sur l’archipel guadeloupéen.

Éléments de biogéographie

12 Il s’agit de l’île la plus étendue des Petites Antilles : 1 705 km2. Elle se situe à mi-chemin entre les Grandes Antilles et le continent sud-américain. Son altitude est parmi les plus élevées de la chaîne antillaise (1 467 m).

13 La visibilité entre les îles permet de dresser une cartographie mentale des îles plus éloignées, celles qui ne sont pas immédiatement visibles. Par exemple, depuis la Basse- Terre, on voit les Saintes (fig. 2a) ; depuis les Saintes, on aperçoit la Dominique (au fond, à droite de l’image ; fig. 2b) ; depuis la Grande-Terre on voit la Désirade (fig. 2c) ; et depuis les îlets de Petite Terre, on voit Marie-Galante (fig. 2d).

14 Les niches écologiques terrestres et littorales de la Guadeloupe sont diversifiées (fig. 3). Un arc volcanique interne (fig. 3a) se caractérise par une altitude élevée, une végétation tropicale humide, des tombants rapides des chenaux en eaux profondes. Un arc externe calcaire (fig. 3b) se compose d’îles plates, d’une végétation sèche, de plateaux littoraux étendus et de récifs coralliens. Enfin, des zones de mangroves (fig. 3c) encore très étendues se présentent dans les deux Cul-de-Sac marins. En outre, il s’agit d’un milieu insulaire caractérisé par une faible diversité spécifique de la faune terrestre, un taux d’endémisme important et par l’absence de grands mammifères terrestres (MacArthur & Wilson 1967 ; Olson 1978 ; Steadman et al. 1984 ; Morgan & Woods 1986 ; Pregill et al. 1994 ; Vigne 1997). En revanche, les écosystèmes marins offrent un foisonnement de biotopes et une large variété d’espèces animales. En effet, la plate-forme continentale plus ou moins étendue regroupe différents milieux : récifs coralliens, lagons et herbiers, zone d’estran des plages de sable, côtes rocheuses, estuaires, lagunes et mangroves (Portecop 1981). Enfin, les témoins d’installations de

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populations précolombiennes sur l’île et ses dépendances sont nombreux (Delpuech 1998).

Figure 2

Visibilité entre les îles – (a) Vue des Saintes depuis la Basse-Terre ; (b) Vue de la Dominique depuis les Saintes ; (c) Vue de la Désirade depuis la Grande-Terre ; (d) Vue de Marie Galante depuis les Îlets de Petite-Terre.

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Figure 3

Écosystèmes diversifiés - (a) Arc volcanique interne ; (b) Arc calcaire externe ; (c) Mangroves.

Choix des sites étudiés

15 Le nombre important de sites archéologiques mis au jour et exploités par des méthodes similaires, au cours de ces six dernières années en Guadeloupe (Delpuech 1998), m’a permis de sélectionner sept sites majeurs de nature et de contexte différents (fig. 4). Certains sites sont en bordure de canaux en eaux profondes (Grande Anse et Embouchure de la Rivière de Baillif), alors que d’autres font face à un lagon protégé par une barrière de corail (Anse à la Gourde, Pointe du Helleux et Morel). Certains établissements associent les deux (Petite Rivière) et d’autres associent un canal en eaux profondes et un plateau littoral sableux étendu (Folle Anse). Certains sont implantés en zone très sèche : ceux qui sont sur les îles calcaires (Anse à la Gourde, Pointe du Helleux, Morel, Petite Rivière et Folle Anse), alors que d’autres sont en milieu tropical humide (Grande Anse et Embouchure de la Rivière de Baillif).

16 Ces établissements archéologiques se répartissent selon une séquence chronoculturelle qui se suit sans discontinuité (Tableau 1). Quatre d’entre eux correspondent au complexe céramique Saladoïde ancien et récent (env. 400 av. J.-C. à 600 ap. J.-C.) : Morel (Hofman et al. 1999), Folle Anse (Chenorkian 1999), l’Anse à la Gourde (Hofman et al. 2001) et l’Embouchure de la Rivière de Baillif (Gassies 1996). Les trois autres sites appartiennent au complexe céramique post-Saladoïde, avec des occupations Troumassoïdes anciennes I et II et des occupations Troumassoïdes récentes (env. 500 à 1500 ap. J.-C.) : Petite Rivière (deWaal 1996), Grande Anse (Hoogland et al., 1994) et Pointe du Helleux (Hoogland & Hofman 1995). Un des atouts de ce corpus est de disposer de sites stratifiés (Morel et l’Anse à la Gourde) permettant d’aborder la question de l’évolution des systèmes d’exploitation des animaux sur un même site et

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donc, selon toute vraisemblance, à l’intérieur d’une même fonctionnalité socio- économique.

Figure 4

Guadeloupe physique et localisation des sites archéologiques (d'après Atlas Mondial Hatier, 1985 ; Encarta, 1998 et cartes IGN Série Bleue 4601G à 4607G ; modifié par Grouard 2001a).

Tableau 1

Attribution chronoculturelle des sites étudiés.

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Méthodes

Inventaire de la faune présente et passée

17 Pour pouvoir réaliser ce travail de recherche, un inventaire des faunes guadeloupéennes a été effectué en intégrant les mouvements de populations animales liés à la colonisation, à l’endémisme, à l’anthropisation et à l’extinction sur cet archipel. L’intégralité des données est présentée dans le travail consacré à l’ensemble de ces problèmes (Grouard 2001a).

Prélèvement, tamisage et tri

18 Aux Antilles, les zones de rejets des sites précolombiens n’offrent pas de niveaux archéologiques correspondant à des niveaux de sol bien isolés, mais ils sont composés de lentilles de rejet dites « quotidiennes » superposées. Plusieurs lentilles de rejet peuvent se confondre et ainsi créer une accumulation plus importante. Face à cette situation, deux techniques de prélèvement ont été élaborées : sur certains sites (Anse à la Gourde, Pointe du Helleux, Morel, Grande Anse de Terre-de-Bas et Petite-Rivière), des sondages de 1 m2 ont été prélevés par passes stratigraphiques arbitraires de 10 cm d’épaisseur, puis regroupées par niveau archéologique après une lecture stratigraphique. Sur d’autres sites, comme Folle Anse de Marie-Galante, la fouille a été réalisée par niveaux archéologiques, ou par lentilles de rejet, lorsque celles-ci pouvaient être individualisées. Les coordonnées x, y et z de chaque vestige ont été relevées.

19 Les assemblages des différentes passes d’un même sondage ont tous été traités selon un protocole de prélèvement, de tamisage (2,7 mm à l’eau), de tri (sous loupe binoculaire) et d’identification identique (fig. 5a, b). Néanmoins, l’échantillon provenant du site de Morel a été tamisé sur une maille de 4,6 mm. L’échantillon provenant du site de l’Embouchure de la Rivière de Baillif a été prélevé à vue sur une coupe stratigraphique dans le but d’en réaliser une expertise préliminaire. Enfin, seul, le matériel prélevé à vue lors de la fouille de Folle Anse a été étudié, tandis que les résidus de tamis n’ont pu être rapatriés.

20 Le tamisage à 2,7 mm d’un mètre carré par passe archéologique de 10 cm est le protocole préconisé pour les Antilles (Payne 1972). Or, les sites n’ont pas tous livré la même richesse faunique. Ainsi, sur l’Anse à la Gourde, le nombre de restes identifiés dans un échantillon standard de 100 litres est si important (18 mois de tri et d’identification) que la question de réduire les volumes des échantillons s’est posée. En revanche, d’autres sites, comme la Pointe du Helleux étaient plutôt pauvres en matériel faunique et l’analyse d’une passe arbitraire n’était pas suffisante pour obtenir un échantillon représentatif de la couche archéologique. Par conséquent, il nous est apparu important d’évaluer le seuil de volume minimal à trier et à déterminer pour pouvoir obtenir des échantillons archéologiques guadeloupéens exhaustifs et représentatifs de leur corpus complet. Ce travail est présenté dans son intégralité dans le travail universitaire cité supra.

21 Avant l’analyse des restes de faune, nous avons également testé la représentativité de l’accumulation faunique, fondée sur la corrélation entre le nombre de taxons identifiés et le NMI par échantillon (Kintingh 1989 ; MacCartney & Glass 1990).

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Figure 5

(a) Résidu de tamis d'un site précolombien (maille de 2,7 mm); (b) Ossements après tri d'un résidu de tamis.

Identifications et décomptes

22 L’identification de chaque reste a été effectuée à l’aide d’une collection de comparaison constituée d’espèces actuelles de la région étudiée. La nécessité de disposer d’une collection de comparaison près des chantiers de fouilles et offrant une majorité d’espèces présentes aux Petites Antilles m’a conduite à en constituer une en Guadeloupe, avec l’aide du Service Régional de l’Archéologie. Le temps imparti à la réalisation (6 mois) n’a permis qu’un démarrage de cette collection, avec les espèces les plus communes des eaux tropicales des Petites Antilles.

23 Les identifications par parties squelettiques ont été réalisées à l’aide de plusieurs autres collections de référence. L’une d’entre elles est déposée au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, la seconde au laboratoire d’Archéozoologie du C.R.A. de Valbonne et la troisième se situe au Florida Museum of Natural History de Gainesville. Les identifications ont été menées au plus bas niveau taxonomique possible (genre ou espèce). Les particularités des faunes des Antilles m’ont conduite à affiner les outils d’identification des vertébrés et des crustacés. Ainsi, une série de tableaux récapitulatifs et une centaine de planches anatomiquesprésentent les particularités anatomiques à prendre en considération pour l’identification ostéologique des pièces squelettiques des poissonset des crustacés de l’Amérique intertropicale.

24 Les Nombres de Restes, les Nombres Minimaux d’Individus par appariement et les Poids de Restes ont été décomptés par taxon et par échantillon. Chacune de ces méthodes de dénombrement offre des avantages et des inconvénients qui ont été discutés par de nombreux auteurs et que nous ne rediscuterons pas ici (Ducos 1975 ; Poplin 1976 ;

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Grayson 1984 ; Lyman 1994). Les comparaisons entre échantillons ont été réalisées en utilisant à la fois le NMI et le NRd, selon les problématiques et ne sont présentées qu’en NRd pour des raisons pratiques dans cet article. Pour les mêmes raisons, les résultats des quantifications ont été regroupés par famille.

Spectre de faune, richesse et diversité taxinomiques

25 L’analyse des spectres de faune, leur richesse, leur diversité et la représentation de l’abondance des taxa dans les assemblages permet d’illustrer les choix effectués par les populations précolombiennes dans l’éventail des espèces accessibles, ainsi que le type et l’allure de l’économie de subsistance adoptée et, enfin, une éventuelle saison de pêche (Cruz-Uribe 1978 ; Grouard 2001a, c).

26 L’abondance se perçoit au travers de la richesse taxinomique obtenue directement par le nombre de taxons (S), ou bien par le calcul de l’indice de richesse de Margaleff (1958 ; cité par Bobrowski & Ball 1989). La diversité, ou l’équilibre de la répartition des taxons (hétérogénéité), a été calculée en fonction de la fréquence des taxa (Ft), grâce à la réciproque de Simpson (Leonard & Jones 1989).

Reconstitution de la taille des poissons archéologiques pêchés

27 Les paramètres de taille et de poids des animaux récoltés par les Précolombiens contribuent à indiquer les différentes formes de capture, ainsi que les différentes sources d’exploitation. Nous pouvons reconstituer la taille des poissons archéologiques par une loi allométrique (fig. 6). Les mesures de l’animal frais (fig. 6a) peuvent être mises en corrélation entre elles et avec les mesures des ossements (fig. 6b) sous forme de régressions prédictrices (fig. 6c) au rang de l’espèce, du genre et de la famille (Casteel 1974 ; Schmidt-Nielsen 1984 ; Brinkhuizen & Clason 1986 ; deFrance 1988 ; Leach & Boocock 1993 ; Desse et al. 1989 ; Desse & Desse-Berset 1994, 1996 ; Leach et al. 1997). De plus, l’identification au rang de l’espèce n’est pas toujours réalisable sur des pièces squelettiques archéologiques. Par conséquent, les rangs du genre et de la famille ont souvent été utilisés pour les applications des corrélations. A titre d’exemple, nous présentons ici le cas de la famille Haemulidae et d’une seule mesure sur l’hyomandibulaire.

28 Ainsi, en croisant les mesures de différents ossements d’une espèce d’un échantillon, nous pouvons reconstituer des fréquences des Longueurs standard (fig. 6d), de Longueur totale et/ou de Masse des poissons archéologiques par site et par période. Dans notre exemple, nous présentons les Longueurs standard des gorettes de la couche Saladoïde récente de l’Anse à la Gourde.

29 Nous avons appliqué cette méthode à trois familles de poissons (Grouard 2001a, b) : les gorettes (Haemulidae); les vivaneaux (Lutjanidae) et les poissons-perroquets (Scaridae). Pour les autres espèces de poissons, nous avons appliqué une régression de taille sur la Longueur standard d’après la largeur antérieure des vertèbres, afin d’obtenir une image de la variation des tailles pour tous les taxons.

30 Nous avons opté pour la Longueur standard pour illustrer ces tailles, car cette mesure correspond mieux à une maille de filet ou de nasse qu’un poids d’individu. Les résultats ont été regroupés par famille et par niveau et des diagrammes de dispersion, des maxima, des minima et des moyennes ont été obtenus. Les équations et statistiques correspondantes sont accessibles par ailleurs (Grouard 2001a).

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31 L’exploitation du territoire, la reconstruction des écosystèmes exploités et des techniques de pêche utilisées, sont appréhendées au regard de ces estimations de taille, ainsi qu’en suivant une démarche analogique avec les données actuelles d’éthologie des poissons antillais.

Figure 6

Reconstitution des tailles des poissons archéologiques - (a) Mesures d'un animal frais (exemple d'une gorette blanche, Haemulon plumieri) ; (b) Mesures des ossements (exemple de Haemulon plumieri.) ; (c) Corrélation entre les mesures de l'animal frais et les ossements (exemple d'une équation prédictrice de la Longueur standard des gorettes – Haemulidae - d’après la mesure 1 de l’hyomandibulaire) ; (d) Fréquence des Longueurs standard d’une population archéologique de gorettes.

Résultats : économies de subsistance précolombiennes

Contribution à l’histoire du peuplement animal de la Guadeloupe

32 L’analyse de la répartition des espèces archéologiques par rapport à la présence des faunes actuelles m’a permis de dégager quelques éléments importants (fig. 7). Les grenouilles Leptodactylidae (fig. 7a), les deux espèces d’iguanes (Iguana delicatissima et I. iguana ; fig. 7b, c) et l’ameive de Guadeloupe (Ameiva cf. cineracea) ont été retrouvées en quantité dans les restes de l’Anse à la Gourde à la période Troumassoïde ancienne I. Cela implique une colonisation de la Grande-Terre au moins dès le Ve siècle après J.-C. par ces taxons.

33 Des espèces endémiques, aujourd’hui disparues et dont nous n’avons pas de représentation illustrée, ont également été retrouvées. Ainsi, un reste de perroquet (Amazona sp. ; fig. 7d) sur Petite Rivière permet de confirmer la présence d’un perroquet, dès le IXe siècle après J.-C. Il s’agit peut-être du perroquet de Guadeloupe

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(Amazona cf. violacea ; Pinchon 1976). L’illustration correspond au perroquet de Sainte Lucie un des derniers perroquets endémiques des Antilles.

34 Dès les premières installations précolombiennes (entre 400 et 250 av. J.-C.), l’agouti (Dasyprocta cf. leporina ; fig. 7e) et le grand rat des rizières (Megalomys sp.) sont présents sur l’ensemble des îles de l’archipel. De plus, la présence du petit rat des rizières (Oryzomys sp. ; fig. 7f) est également attestée en Basse-Terre, dès le Saladoïde récent (400 ap. J.-C.). La large répartition de l’agouti et la petite taille de ses ossements permettent d’affirmer qu’il était largement implanté sur l’archipel guadeloupéen dès les premières installations Saladoïdes.

35 Des espèces non attestées en Guadeloupe, telles que le tatou (Dasypus cf. novemticus ; fig. 7g) et l’opossum (Didelphis cf. marsupialis ; fig. 7h) ont été retrouvées en Grande- Terre, sur le site de l’Anse à la Gourde. Ces animaux ont donc été introduits pendant la période précolombienne post-Saladoïde, comme animaux vivants, ou bien à la rigueur, sous la forme d’éléments squelettiques.

36 Enfin, des espèces que l’on aurait pu attendre dans les restes, comme le crabe terrestre cirrique (Guinotia dentata ; fig. 7i), les tortues de Porto Rico (Trachemys sp.), les tortues terrestres d’Amazonie (Testudinidae; fig. 7j) et le raton laveur endémique de Guadeloupe (Procyon cf. minor; fig. 7k) n’ont pas été retrouvées. Les trois derniers taxons auraient été introduits pendant la colonisation européenne.

Figure 7

(a) grenouilles Leptodactylidae ; (b) Iguana delicatissima - iguane des Antilles ; (c) Iguana iguana - iguane vert ; (d) Amazona sp. – perroquet ; (e) Dasyprocta leporina – agouti ; (f) Oryzomys cf. palustris - rat des rizières ; (g) Dasypus cf. novemticus – tatou ; (h) Didelphis cf. marsupialis – opossum ; (i) Guinotia dentata - crabe cirrique ; (j) Geochelone carbonaria - tortue terrestre de Guyane ; (k) Procyon cf. minor – raton laveur.

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Variabilité géographique des systèmes techniques

Spectre de faune

37 Le spectre de faune identifié sur l’ensemble des sites est très diversifié : sur plus de 303 000 restes décomptés, près de 95 000 ont été identifiés, soit plus de 6 700 individus ; il comprend 61 familles et 150 taxons (fig. 8).

38 Si les poissons dominent souvent les assemblages (fig. 9), les spectres de faune sont très différents d’un site à un autre et leurs proportions varient. Les résultats sont présentés ici en NRd, mais les proportions restent sensiblement similaires en NMI. Par exemple, les échinodermes sont très bien représentés à l’Anse à la Gourde, les crustacés décapodes à la Pointe du Helleux, les reptiles à Grande Anse et les mammifères à Morel et Folle Anse.

39 Parmi les mammifères (fig. 10), les agoutis, les rats des rizières et les chiens constituent une part importante des rejets alimentaires (fig. 10a). Cependant, le chien a également été retrouvé en contexte sépulcral, associé à des sépultures humaines, notamment sur Morel (fig. 10b).

Figure 8

Représentation en NRd des familles d'animaux déterminées sur l'ensemble du corpus.

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Figure 9

Représentation en % de NRd des classes d'animaux par site.

Figure 10

(a) Représentation en % de NRd des taxons de Mammifères ; (b) Sépultures de chiens (Canis familiaris) à Morel.

Principaux écosystèmes exploités

40 Par les analyses archéozoologiques, nous pouvons confirmer que la localisation des occupations a eu un impact important sur la faune capturée (fig. 11), ce qui semble logique. Pour simplifier la lecture nous avons réduit les nombreuses niches écologiques à 4 principaux écosystèmes : forêts, plages, récifs coralliens et tombants en eaux profondes.

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41 Les sites localisés face à des hauts fonds protégés présentent des spectres de faune inféodés aux écosystèmes coralliens et aux zones terrestres littorales (Morel, Anse à la Gourde, Pointe du Helleux et Folle Anse), alors que les sites repérés sur les îles volcaniques aux tombants abrupts offrent un spectre plutôt inféodé aux rochers et aux chenaux en eaux profondes (Embouchure de la Rivière de Baillif et Grande Anse de Terre-de-Bas). Petite Rivière, qui associe les deux milieux, offre une situation intermédiaire.

Figure 11

Représentation en % de NRD des principaux écosystèmes exploités.

Taille des poissons identifiés dans les sites archéologiques

42 Par la reconstitution des tailles des poissons présents dans les sites archéologiques (fig. 12), nous avons pu constater que les pêches des sites localisés près de hauts fonds coralliens (Anse à la Gourde, Pointe du Helleux et Grande Anse de Terre-de-Bas) correspondent à des petits poissons de bancs et/ou à des juvéniles, alors que les pêches des sites localisés près de chenaux en eaux profondes concernent plutôt de grands individus matures ou des pélagiques saisonniers (Embouchure de la Rivière de Baillif, Folle Anse et Petite Rivière).

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Figure 12

Fréquences de Longueur standard des poissons archéologiques pêchés par site.

Économies de subsistance

43 Toutefois, chaque occupation témoigne de choix culturels propres à une communauté et donc différents des autres. Ainsi, le croisement des divers résultats montre que les économies de subsistance sur les îles volcaniques étaient peu ouvertes (fig. 13), voire fortement spécialisées (comme l’Embouchure de la Rivière de Baillif pour le thon et Grande Anse pour la tortue marine) alors que les économies de subsistance des îles calcaires étaient, soit spécialisées (comme la Pointe du Helleux pour le crabe), soit ouvertes et généralisées (comme Anse à la Gourde, Morel, Petite Rivière et Folle Anse).

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Figure 13

Économies de subsistance spécialisées.

Variabilité chronoculturelle en milieu corallien

44 Nous avons pu constater que l’impact de la localisation géographique était si important dans les ressources alimentaires, que nous ne pouvions effectuer une analyse chronoculturelle sans tenir compte des provenances des assemblages : îles coralliennes et îles volcaniques. Or, le nombre d’assemblages archéozoologiques provenant d’îles volcaniques est limité. En conséquence, l’analyse chronoculturelle n’a pu être effectuée que pour les îles coralliennes. De ce fait, le nombre d’assemblages est limité.

45 En milieu corallien, la période Saladoïde n’est représentée que par les assemblages de Morel et de l’Anse à la Gourde (l’échantillonnage de Folle Anse est trop faible pour être traité d’un point de vue chronologique). Les deux périodes Troumassoïdes anciennes ne sont représentées que par l’Anse à la Gourde. Enfin, la période Troumassoïde récente n’est représentée que par la Pointe du Helleux.

46 A partir de cet échantillonnage, certes un peu faible, on peut émettre quelques hypothèses sur les économies de subsistance (fig. 14) : les Saladoïdes exploitaient toutes les ressources animales de façon assez équilibrée, les Troumassoïdes anciens I et II se sont spécialisés rapidement sur les poissons et quelque peu sur les échinodermes ; enfin, les Troumassoïdes récents ont accru leur pression de capture sur les crabes.

47 En poussant la réflexion au niveau de la gestion territoriale, nous pouvons constater qu’il existe des variations chronoculturelles importantes dans les gestions territoriales (fig. 15) : les Saladoïdes exploitaient tous les écosystèmes de façon équilibrée, les Troumassoïdes anciens I et II se sont spécialisés sur le lagon et la barrière récifale ; enfin, les Troumassoïdes récents se sont spécialisés sur les plages et les zones d’estran.

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Figure 14

Représentation en % de NRd des classes d'animaux par période chronoculturelle en milieu corallien.

Figure 15

Représentation en % des principaux écosystèmes exploités par période chronoculturelle en milieu corallien.

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Reconstitution des engins et des techniques de capture

48 La reconstitution des engins et des techniques de pêche s’est effectuée par le croisement des informations issues des identifications taxinomiques et des données archéozoolo-giques, ainsi que des informations provenant de la restitution des écosystèmes anciens, de l’analyse de la répartition des tailles des animaux capturés et de l’exploitation des données des chroniqueurs et des ethnographes.

49 En effet, même si l’objectivité de l’observation d’événements passés est mal assurée, les voyageurs des XVIe et XVIIe siècles (Colomb 1492-1506 ; Anghera 1511 ; Fernandez de Oviedo y Valdes 1556 ; Acosta 1598-1606 ; de Rochefort 1658-63 ; Biet 1664) ont laissé des écrits fragmentaires sur la faune, l’histoire naturelle, le quotidien, les techniques d’exploitation et les modes de subsistance des Amérindiens des Antilles, ainsi que sur les interdits et les choix vis-à-vis du règne animal. Des illustrations représentent la capture, la pêche, la préparation, le boucanage des animaux, etc. ou bien font état des représentations anatomiques zoologiques « scientifiques ». De nombreuses cartes des Antilles furent dessinées, avec de nombreuses illustrations d’animaux portées dans les marges (Anthiaume 1916 ; Devèze 1977).

50 En 1618, un navire français ayant fait naufrage, les marins ont été recueillis pendant un an par un groupe d’Amérindiens de la Martinique et de la Dominique (Anonyme de Carpentras 1618-1620). Quelques années plus tard, trois Français, envoyés en mission, ont relaté le processus officiel de colonisation. Le Père Breton (1647) a vécu quatre ans et demi chez les Amérindiens de la Dominique. Le Père Du Tertre (1667-71) fit un séjour à Saint-Christophe, à la Guadeloupe et à la Martinique. Enfin, La Borde (1674) fit un séjour à Saint-Vincent.

51 L’Anonyme de la Grenade (1659) décrivit cette île et son histoire. L’Anonyme de Saint- Vincent (XVIIe) décrivit avec beaucoup de détails, les configurations de l’île, la flore, la faune et les coutumes des Amérindiens de Saint-Vincent. Le Père Plumier (1705) effectua plusieurs voyages au cours desquels il étudia les hommes, la flore et la faune des Antilles. Le Père Feuillée (1711, 1725) ramena des Antilles un recueil de nombreux dessins. Le Père Labat (1742), quant à lui, a fait un récit détaillé de « l’histoire naturelle des Antilles et des coutumes des Amérindiens 1693-1705 ». Enfin, un manuscrit Anonyme (1776) traite de la « Dissertation sur les pesches des Antilles » et forme un relais entre les premiers chroniqueurs et les observations modernes.

52 Les données obtenues par des ethnologues, aux Antilles et en Amazonie, permettent également de comprendre l’interaction entre les pratiques de pêche et les économies de subsistance (fig. 16a, b, c et d). Les héritages amérindiens sont nombreux dans l’appréhension du milieu marin, dans les techniques et dans la gestion des territoires exploités par les pêcheurs actuels de Guadeloupe. Ils montrent l’importance de la transmission des techniques d’exploitation du milieu naturel et surtout de la connaissance de celui-ci, entre les Amérindiens et les colons. Les pêcheurs, de par la spécificité des techniques, se sont retrouvés dès le début de la colonisation antillaise en marge de la société et ont maintenu une culture spécifique illustrée par le domaine technologique (Grenand 1972 ; Cove 1973 ; Borry & François 1983; Phalente 1986 ; Grenand & Grenand 1990 ; Bellail 1993 ; Ouhoud-Renoux 1997).

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Figure 16

Ethnologie de la pêche dans l’arc antillais, quelques exemples : (a) Pêche d’orphie à la palangre dans le Canal des Saintes ; (b) Pêche de carangues aux filets, Guyane française ; (c) Pêche de colas à la nasse en Martinique ; (d) Pêche de sardines à la ligne sur la plage de Grande Anse, les Saintes.

53 Les stratégies de pêche actuelles aux Antilles sont liées à l’exploitation saisonnière, à la localisation, à la technique employée et au savoir-faire. Enfin, elles sont également liées à l’équilibre entre la rentabilité et la prise de risques, non seulement économique, mais également humain (Aubin-Roy 1968 ; Archambault 1972 ; Hurault 1972; Bonniol 1979, 1981 ; Ringel & Wylie 1979). Dans leur perception des espaces marins, les pêcheurs classent le volume utile de prédation selon la surface et la profondeur. Chaque entité s’opposera à une autre de façon binaire (Anglade 1974 ; Gourmelon & Brigand 1991 ; Péron 1993). Ainsi, nous pouvons constater qu’aujourd’hui encore, comme par le passé, la circulation marine est un élément moteur de la culture amérindienne caribéenne (Hurault et al. 1998 ; Collomb & Tiouka 2000).

54 Les analyses des tailles des poissons des gisements archéologiques ont montré trois groupes, qui suggèrent trois techniques de capture : (1) des petits poissons de taille calibrée (poissons de bancs et juvéniles), sur les fonds sableux ou les pâturages des hauts fonds protégés par les récifs frangeants ; (2) des poissons matures de taille moyenne à grande, solitaires ou en bancs ; (3) de grands individus matures, parfois pélagiques saisonniers, solitaires ou en bancs, sur les rochers, les tombants et dans les chenaux en eaux profondes.

55 Nous pouvons alors en déduire que (1) les petits poissons étaient capturés à l’aide de filets à maille fine et de petites nasses ; (2) les poissons « moyens » étaient attrapés avec des filets et des nasses à mailles plus larges et avec la courtine, qui est un barrage de filets verticaux posés dans la zone de balancement des marées (estuaire, lagon) et destiné à retenir les poissons à marée basse en les maintenant hors d’eau sur l’estran ;

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(3) que les grands poissons étaient pris par des lignes, arcs et harpons, qui nécessitaient parfois l’emploi d’embarcations.

56 La nivrée, qui consiste à empoisonner l’eau d’un lagon (par des lianes à roténone) et qui enivre les poissons de toutes tailles et les fait remonter à la surface (Hurault et al. 1998), ne semble pas avoir été utilisée. En effet, parmi les poissons archéologiques analysés aucun ne présente une taille inférieure à 10 cm de long, mis à part les sardines. Par conséquent, il ne s’agit pas d’un problème de maille de tamis, car la présence des sardines atteste de la fiabilité de la maille de tamis. De plus, les diagrammes de pêche reflètent une sélection des tailles et non une population naturelle, car ils indiquent une forte proportion de classes de tailles intermédiaires, avec plusieurs grands spécimens.

57 Des récits de chroniqueurs (Anonyme de 1776) relatent des pêches à la tortue marine et au lamantin en pirogue, avec un système de lances et de harpons, mais de nos jours, les tortues sont capturées sur les plages, au moment de la ponte et les lamantins ont disparu depuis la colonisation européenne. Les crabes terrestres, étaient piégés sur les zones d’estran et d’arrière plage, grâce à un système de clapier ou la nuit avec des torches. Les mammifères, attirés par les abattis, et les oiseaux littoraux qui nichent au sol, étaient également capturés par piégeage, à l’arc ou la sarbacane, voire à la main.

Conclusions

58 La présence d’une large association de techniques de capture découle d’une économie de subsistance à large spectre dès les premières installations précolombiennes. Et, si le milieu biogéographique varié induit une diversification des techniques de prélèvement, un facteur anthropique est intervenu dans le choix de leur emploi, isolé ou combiné.

59 Dès les périodes Saladoïdes (400 ap. J.-C.) les Précolombiens de Guadeloupe (Baillif) ont su élaborer une pêche en eaux profondes (thons) et ainsi mettre en œuvre des techniques élaborées nécessitant une dextérité de navigation et une parfaite connaissance de la mer. Il s’agit sans doute d’une pêche saisonnière, compte tenu de l’éthologie des poissons pêchés (grands scombridés). Ainsi, contrairement à la théorie de Rouse, ces populations précolombiennes Saladoïdes et Post-Saladoïdes étaient constituées en grande partie de marins, c’est-à-dire de personnes capables non seulement de coloniser une région, mais surtout de s’y établir et d’y survivre. Par conséquent, les ressources marines, la mer et la navigation devaient avoir un rôle prépondérant dans les économies de subsistance dès les premières installations.

60 La coexistence de sites généralistes et spécialisés dès les premières installations précolombiennes m’ont amenée à penser que ce phénomène pourrait correspondre à une gestion des écosystèmes d’un vaste territoire marin, composé d’îles et d’îlets, à la faveur d’une rationalisation de l’espace insulaire, des techniques navales et des relations sociales d’échange.

61 La visibilité entre les îles qui permet une cartographie mentale de l’archipel antillais appuie cette hypothèse. Selon divers auteurs, les mouvements de populations dans l’archipel antillais auraient été déterminés par les courants marins et la facilité des zones de passage. Ceci pourrait expliquer pourquoi deux îles se faisant face auraient des similitudes stylistiques céramiques plus importantes que les deux extrémités d’une même île (Watters 1998).

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62 Des relations d’échanges (matière première, matière façonnée, biens ou animaux) entre les populations d’un même ensemble culturel, voire de deux ensembles culturels différents, sont à présent attestées entre les îles continentales, les Petites Antilles, les Grandes Antilles et l’Amazonie (Prato-Perelli 1983 ; Boomert 1987 ; Hoogland & Hofman 1993 ; Knippenberg 1995 ; Grouard 1997 ; Serrand 1999). Ceci confirme l’hypothèse d’une grande mobilité et d’un réseau d’échange complexe et intense.

63 Les populations amazoniennes pratiquent encore aujourd’hui des chasses de quelques jours, ainsi qu’une agriculture itinérante sur brûlis, impliquant une gestion territoriale très étendue et l’emploi de pirogues pour traverser les bras de rivières. Au début de la colonisation, les chroniqueurs relataient l’emploi de grandes pirogues amérindiennes adaptées à la haute mer, pour des visites et des échanges avec les Grandes Antilles et les Guyanes (Colomb 1492-93 ; Anonyme 1776 ; Hurault 1972 ; Moreau 1991).

64 Ainsi, les Précolombiens ont pu s’approprier les territoires éloignés par des installations diverses plus ou moins étendues dans le temps et correspondant à des activités spécifiques souvent saisonnières (comme les haltes de pêche, ou de quête des matière première ; Grouard 2001b).

65 Le corpus de sites délimités sur une micro-région a permis de travailler sur des assemblages qui ont pu de ce fait être comparés. Cependant, en dépit d’un corpus de sites important (7), en dépit des 95 000 restes déterminés, ces résultats ne sont qu’un état des connaissances. Ces résultats devraient permettre de servir d’hypothèses pour la recherche à venir. L’échantillon de sites par île doit encore considérablement s’étoffer. L’accroissement du corpus de sites précolombiens sur cet archipel permettra de confirmer ces premières ébauches afin de constituer, à plus long terme, une carte biogéographique.

66 Cette recherche sur les économies de subsistance n’a porté que sur la part carnée des vertébrés et des crustacés. Or, l’analyse des restes de mollusques est nécessaire pour une réflexion plus fine et poussée. Les études sur la coquille sont récentes en Guadeloupe et les données issues des vertébrés et des invertébrés n’ont pas encore pu être croisées mais elles le seront prochainement, par le biais d’articles.

67 Les hypothèses chrono-géographiques découlant des résultats de cette recherche micro-régionale doivent à présent être vérifiées à une échelle régionale et chronologique en replaçant la gestion territoriale dans des contextes environnementaux différents. Cela permettra également de montrer la diversité des techniques ou leur récurrence. De ce fait, l’exploitation des écosystèmes et la subsistance des Précolombiens des Petites Antilles ne pourront être pleinement comprises qu’après avoir intégré les analyses archéozoologiques sur les Grandes Antilles et les Guyanes.

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RÉSUMÉS

L’étude archéozoologique de près de 95 000 vestiges squelettiques de vertébrés et de crustacés de 7 sites précolombiens de Guadeloupe révèle l’existence d’une très forte diversité taxinomique. Nous avons mis en place des critères de détermination ostéologique des poissons et des crustacés, créé des référentiels permettant d’estimer la taille et la masse de trois familles de poissons et proposé une réflexion sur l’échantillonnage. Les résultats d’analyses archéozoologiques indiquent que, si les économies de subsistance des communautés dépendaient en partie de la localisation environnementale des installations, des choix ont néanmoins été faits à chaque période chronologique. Une dualité des formes d’économies (généralisée et spécialisée) a coexisté entre les communautés d’une même période céramique. Cette complémentarité des stratégies de subsistance correspondrait à des activités saisonnières spécifiques adaptées aux différents milieux géographiques. D’après les analyses des tailles des poissons précolombiens capturés et d’après l’étude des techniques traditionnelles (chroniqueurs et ethnographes), nous suggérons que trois techniques de capture étaient employées.

The zooarchaeological study of around 95,000 Vertebrate and Crustacean remains from seven pre-Columbian sites in Guadeloupe shows a very large diversity of the species. In order to analyse these remains, osteological identification keys for fishes and crustaceans had to be created, the size and weight of three fish families were elaborated, and a sampling proposition was produced. Results indicate that even though the subsistence of the communities was partially based on their environmental localisation, but different anthropological choices were made during the various chronological periods. Two complementary subsistence forms (generalisation and specialisation) coexisted whatever the period. The specialisation corresponded to specific seasonal activities adapted to the different geographical locations. in accordance with the pre-

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Columbian fish sizes (illustrating three sizes), and in accordance with the studies on today’s traditional technology (historical and ethnographical data), three fishing techniques seem to have been employed.

AUTEUR

SANDRINE GROUARD

ESA 8045 « Archéozoologie, Histoire des Sociétés Humaines et des Peuplements Animaux », Labora-toired’Anatomie comparée, Muséum national d’Histoire naturelle, 55 rue Buffon, F-75005 Paris, [email protected]

Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 312

Chronique

NOTE DE L’ÉDITEUR

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Les inclusions fluides, un outil pour la discrimination des quartz archéologiques. Application au problème de circulation du quartz dans les Alpes occidentales et lombardes. Réalisation d’un premier référentiel de données sur les quartz alpins Résumé de thèse par l’auteur. Université de Provence, 2001, 2 vol., illustrations, cartes

Sylvie Cousseran

1 Les objets lithiques, en raison de leur dureté, sont souvent les seuls vestiges humains conservés dans les niveaux archéologiques. Leur étude est un moyen précieux pour fournir des renseignements culturels et socio-économiques : lieux d’approvisionnement, territoires exploités, circulation des matériaux et, par voie de conséquence, circulation des hommes dans les Alpes.

2 Aussi, la part faite à l’étude des matières premières dans les travaux concernant les sites préhistoriques est d’importance croissante et notamment pour le silex en raison de sa prédominance dans les industries lithiques d’Europe et dans celles des Alpes en particulier. Tel n’est pas le cas pour le quartz employé par les hommes préhistoriques et, généralement, considéré comme un matériau de « mauvaise qualité » ou de dernier recours. Toutefois, la fréquence de son utilisation, dans des contextes chronologiques, géologiques et géographiques différents, nous interdit de le considérer comme un matériau accessoire.

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3 En effet, dans les Alpes, de nombreux sites préhistoriques renferment des artefacts en quartz. La présence de ces derniers, dans des gisements préhistoriques parfois très éloignés des gîtes (« sources ») connus, géodes sédimentaires ou fentes ouvertes, atteste donc de transports anthropiques empruntant des voies de circulation différentes de celles des silex. Si l’omniprésence du silex dans les sites a longtemps fait penser que les hommes ne se déplaçaient que dans les Préalpes calcaires à la recherche de gîtes de silex, la présence du quartz, quant à elle, est un indice de pénétration dans les massifs cristallins situés dans les secteurs plus internes des Alpes.

4 Ainsi, l’étude de ce matériau, dans la mesure où elle permettrait l’attribution univoque d’un quartz archéologique à une source bien localisée, constituerait un apport précieux à la compréhension des stratégies d’approvisionnement en milieu montagnard. A cet égard, la morphologie des cristaux n’est pas utilisable. En effet, si l’habitus des cristaux de quartz de géodes sédimentaires ou de fentes alpines varie, dans une certaine mesure, selon l’occurrence géographique, les facettes cristallines ne sont plus apparentes dans les artefacts de quartz. Pour caractériser la circulation des quartz dans les Alpes occidentales et lombardes, il faudra donc envisager d’autres méthodes de caractérisation permettant une discrimination même sur les artefacts. Depuis plus de quatre ans, nous avons tenté d’utiliser, comme critère de discrimination, l’analyse des inclusions fluides observées dans tous les quartz limpides (hyalins) et témoins des fluides présents au moment de leurs différentes étapes de cristallisation. Dans la mesure où les conditions de formation (pression et température) et de composition seraient caractéristiques de tels ou tels massifs ou gîtes alpins, on pourrait disposer d’une signature plus ou moins fine pour retrouver l’origine des quartz archéologiques. Parmi les différentes approches expérimentales des propriétés physico-chimiques des inclusions fluides envisageables dans le cadre d’un test méthodologique, nous avons sélectionné deux techniques communément utilisées en géologie : 1. L’analyse microthermométrique se décompose en deux types d’étude : un chauffage au- dessus de la température ambiante et une étude à basse température (gel et dégel de l’inclusion : cryométrie). 2. La spectrométrie Raman permet d’analyser les différents gaz de la phase volatile de l’inclusion.

5 Ces deux méthodes ont été pour la première fois appliquées dans le domaine de la Préhistoire. Dans ce cadre, nous avons sélectionné 54 échantillons de quartz de 27 gîtes naturels dont neuf sont localisés dans les massifs sédimentaires (quartz de géode sédimentaire) et 18 dans les massifs cristallins (quartz de fente alpine) (carte 1).

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Carte 1

6 Dans 12 sites épipaléolithiques à néolithiques alpins de moyenne montagne, 88 artefacts de quartz ont été prélevés (carte 1). Ces gisements archéologiques ont été choisis de façon à représenter un large éventail de types d’habitat, situés à proximité variable des massifs cristallins externes (MCE) qui, par la présence de nombreuses fentes alpines, sont susceptibles d’être des sources potentielles d’approvisionnement.

7 Au total, 142 échantillons ont été analysés. Il s’agit toujours de quartz hyalin, le seul qui présente des inclusions fluides en nombre et de taille suffisante pour être étudiées.

8 Dans les Alpes, les données sur les circulations des quartz sont encore très limitées. Nous avons donc voulu, dans un premier temps, répertorier le plus grand nombre de sources potentielles afin de recouvrir l’ensemble de la bordure externe des massifs alpins. Ainsi, un référentiel plus complet a été réalisé, renfermant un nombre significatif de gîtes. Les informations apportées sont à la fois basées sur des travaux antérieurs et sur de nouveaux échantillonnages, certains liés à de nouvelles sources. L’utilisation complémentaire de la microthermométrie et de la spectrométrie Raman a permis d’assez bien caractériser chaque massif et d’envisager l’élaboration d’un premier référentiel de données sur l’ensemble des Alpes occidentales. Nos résultats constituent, à ce jour, la base de données la plus complète disponible sur les quartz naturels. En effet, celle-ci répond à une diversité d’origine et permet d’avoir une vision d’ensemble des fluides présents dans les Alpes occidentales.

9 En corrélant les données obtenues sur les artefacts avec celles connues pour les fentes alpines et les géodes sédimentaires, nous avons pu ainsi en déduire la ou les hypothèses de provenance et restituer les trajets hypothétiques de la circulation du quartz dans les Alpes occidentales et lombardes (carte 1).

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10 La combinaison de la microthermométrie et de la spectrométrie Raman peut être désormais considérée comme une méthode opérationnelle dans la discrimination des quartz archéologiques puisque : • cette méthode discrimine plusieurs types d’inclusions fluides et révèle des différences significatives entre les fluides des artefacts de quartz hyalins, • selon le type d’inclusion, on peut supposer avec une assez bonne approximation de quelle partie des massifs cristallins externes proviennent nos quartz archéologiques.

11 Toutefois, l’attribution d’un gîte d’approvisionnement à un gisement archéologique ne gagnera en fiabilité que si ce référentiel est encore élargi. Il faut, par conséquent, compléter notre échantillonnage en étendant notre zone de prospection au-delà des Alpes occidentales dans les parties plus internes des Alpes mais aussi à d’autres massifs (Massif Central par exemple). Il est aussi indispensable de compléter ce type d’analyse, par d’autres méthodes plus lourdes (cathodoluminescence, RPE). En appliquant ces différentes composantes dans une étude de provenance sur les quartz hyalins, la connaissance de la variabilité des propriétés intra- et inter-sources pourra être affinée. L’élargissement de notre référentiel d’un point de vueanalytique et géographique permettra l’application de cet outil à des problématiques archéologiques beaucoup plus vastes comprenant d’autres périodes.

12 L’exploitation des méthodes IF en Préhistoire est donc un saut qualitatif dans la caractérisation des quartz hyalins par le spectre d’éléments analysés. Ce travail se présente donc comme une étape méthodologique dans l’apport des méthodes physiques à la connaissance des processus d’échanges et de diffusion du quartz au cours de la Préhistoire.

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Le Paléolithique moyen du massif du Vercors (Préalpes du Nord) : étude des systèmes techniques en milieu de moyenne montagne Résumé de thèse par l’Auteur. Université de Provence, décembre 2001, 2 tomes, 500 p.

Sébastien Bernard-Guelle

Présentation générale et méthodologie

1 Cette recherche avait pour principal objectif de contribuer à la connaissance du Paléolithique moyen en milieu montagnard. Elle se proposait d’appréhender la dynamique des premiers peuplements du massif du Vercors et de concourir à la compréhension des modes d’exploitation des diverses ressources de ce milieu.

2 Ce travail se découpe en quatre parties : une présentation générale du massif du Vercors qui regroupe l’ensemble des données connues sur le territoire et nécessaires à la compréhension de cette étude (approches géographique, géologique et géomorphologique, bilan des données paléo-environnementales et paléo-climatiques, rappel des différentes ressources du milieu). La seconde partie propose un historique du Paléolithique moyen dans les Alpes et du désormais célèbre « Moustérien alpin », ainsi qu’un premier bilan des données disponibles dans le massif du Vercors. La troisième partie est la plus conséquente et développe principalement une étude d’ordre technologique à partir des industries lithiques des trois sites les mieux documentés du massif. Les travaux menés sur ces sites s’appuient essentiellement sur des études techno-économiques et typologiques des assemblages lithiques. La reconnaissance des chaînes opératoires de production, de leurs objectifs et des moyens mis en œuvre pour y parvenir, la fréquence et la représentation spatiale des différentes phases de la chaîne opératoire, l’identification et la gestion des divers outillages et des différentes matières premières utilisées, l’origine et la circulation de ces matériaux sont tour à tour

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abordées pour caractériser les comportements techno-économiques des groupes et évaluer l’étendue de leurs territoires. Les données des trois sites sont alors comparées ce qui permet de poser les bases d’une réflexion plus générale sur le peuplement du massif au Paléolithique moyen. Une synthèse des données chronologiques et techno- culturelles régionales permet ensuite d’aborder des comparaisons à une échelle géographique plus large. La dernière partie est une réflexion autour de la fréquentation humaine du massif au Paléolithique moyen et des modalités d’occupation humaine et d’exploitation économique de ce territoire. Nous avons analysé la distribution spatiale des sites dans la région et tenté de définir leurs différentes fonctions sur ce territoire. Nous avons ainsi tenu compte de nombreux facteurs qui peuvent influencer les installations humaines et déterminer les activités pratiquées sur les sites : nature des sites (grotte, plein air), position géographique (altitude, accessibilité), caractéristiques climatique, topographique et géomorphologique (col, plateau, versant, vallée…), ressources présentes dans leur environnement local (eau, gîte de silex, faune…)… La confrontation de ces différents paramètres, associée à l’étude techno-économique des assemblages lithiques, nous a amené à réaliser une étude inter-sites et comparative afin de proposer des hypothèses sur les statuts des sites et l’organisation socio-économique des groupes concernés.

Présentation du cadre géographique

3 Le massif préalpin du Vercors constitue pour ce type d’approche un cadre géographique particulièrement approprié et cohérent. Massif calcaire de moyenne montagne en position de transition entre Préalpes du Sud et Préalpes du Nord, le Vercors est un territoire géographiquement bien délimité, intercalé entre Vallée du Rhône et Alpes cristallines. A l’intérieur de cette forteresse de calcaire, la structure du massif est formée d’amples synclinaux et anticlinaux d’orientation nord-sud qui favorisent les déplacements internes. Relativement épargné par les glaciations quaternaires, ce massif a en outre l’avantage de contenir de nombreux refuges naturels, d’importantes ressources siliceuses et d’offrir une grande diversité biologique et environnementale.

Les principaux sites étudiés

4 Ce territoire comprend de nombreux sites attribués au Paléolithique moyen, dont les mieux documentés sont étudiés et comparés (fig. 1). Selon l’importance et la fiabilité de leurs données, ces sites sont par ordre croissant : le site de plein air des Mourets (1160 m d’altitude au nord-est du massif, Isère), la grotte de Prélétang (1225 m d’altitude au nord-ouest du massif, Isère) et le site de plein air de Jiboui (1620 m d’altitude au sud-est du massif, Drôme).

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Figure 1

Distribution spatiale des sites et indices de sites moustériens du massif du Vercors.

5 Le site des Mourets se trouve sur le rebord oriental du Val de Lans dans une zone riche en silex (fig. 2). L’industrie lithique, issue de sondages et de ramassages de surfaces, se compose d’un peu plus de 600 pièces. L’exploitation sur place du silex fut une activité prépondérante qui se manifeste par une sur-représentation des produits corticaux par rapport aux produits de plein débitage, des nucléus nombreux et un outillage retouché peu varié et peu soigné. Le site se caractérise donc par un faciès économique de production dominant tourné vers l’obtention de supports Levallois laissés majoritairement bruts (ILtyp = 62,9). Ces objectifs de production sont essentiellement réalisés par l’intermédiaire des méthodes Levallois récurrentes (unipolaire et centripète) et une certaine économie de mise en forme est attestée par la pratique assez fréquente d’un débitage à partir de la face inférieure d’éclats-supports. La production a pu être utilisée sur place et/ou exportée pour une partie d’entre-elle, bien qu’en dépit d’une fouille complète du gisement, il soit impossible de l’affirmer. Les outils typologiques abandonnés sur place ne sont pas très abondants (8 %), peu diversifiés et sommairement retouchés en racloirs (IR = 20) et surtout en denticulés ou encoches (GIV = 40). Cette industrie s’apparente donc soit à un Moustérien à denticulés soit à un Charentien de type Ferrassie et de faciès Levalloisien. Dans cet ensemble, seules deux pièces retouchées sont en silex allochtone et attestent de déplacements depuis le sud du massif. L’altitude et surtout la position géographique du site, en bordure d’une vallée perchée aux nombreuses ressources naturelles, en font vraisemblablement un campement de courte durée lié à des activités de subsistance. L’exploitation du silex pourrait ainsi être une activité intégrée à d’autres objectifs pour lesquels le séjour en altitude a été pensé et préparé. Enfin, la position chrono-stratigraphique de l’industrie et son attribution à une période anté-würmienne demandent à être confirmées.

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Figure 2

Site des Mourets.

6 La grotte de Prélétang est un site de moyenne altitude, localisé sur le plateau des Coulmes (fig. 3), qui a livré un matériel lithique peu abondant (334 pièces) et quelques restes de faune très mal conservés et parfois carbonisés. L’essentiel de la production lithique a été importé sur le site et se compose d’éclats bruts de plein débitage issus des différents systèmes de production Levallois (ILtyp = 79,5) dont de nombreux éclats Levallois récurrents et pointes Levallois. L’outillage retouché est assez important (14,2 %) mais peu diversifié avec une dominance de racloirs (IR = 46,2) et une forte proportion d’outils convergents (Iconv = 47,6). Le faciès économique de l’industrie est donc caractéristique des sites de consommation. Les chaînes opératoires sont incomplètes et fragmentées dans le temps et l’espace et sont essentiellement représentées sur le site par les produits finis. Le débitage s’est essentiellement déroulé à l’extérieur du site puis la production a été importée et parfois retouchée sur place avant d’être abandonnée. Seul le silex d’origine sénonienne semble avoir été parfois introduit sur le site sous une forme moins élaborée. Dans ce matériau, un débitage occasionnel, peu investi techniquement, a ainsi été pratiqué sur le site. Les matières premières identifiées sont très variées et la configuration spatiale rayonnante des trajets, estimée à partir de l’étude de leurs provenances, pourrait correspondre à des occupations successives de petits groupes venant de directions différentes ou bien traduire des passages répétés d’un même groupe exploitant un large territoire. Les gîtes dont elles proviennent sont localisés dans un espace régional, voisin ou éloigné, et majoritairement localisés à l’est (Sénonien) et au sud du site (Barrémien). L’industrie peut être attribuée à un Moustérien charentien de type Ferrassie et de faciès levalloisien et pourrait correspondre à un palimpseste d’occupations. Le porche de cette grotte a vraisemblablement servi de refuge temporaire pour l’installation de campements saisonniers de courte durée. Ce type d’habitat reflète ainsi des activités

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spécialisées (consommation de supports) qui sont probablement à mettre en relation avec des objectifs d’ordre cynégétique pratiqués lors du séjour en montagne.

Figure 3

Site de Prétélang.

7 Le site de Jiboui est un site de haute altitude localisé à proximité d’importants gîtes de silex (fig. 4). L’industrie est abondante (environ 15 000 pièces sur 10 m2) et peu remaniée. Un peu plus de 1 % de ce matériel lithique est brûlé alors que de très rares fragments osseux carbonisés ont également été découverts dans la couche archéologique. Les chaînes opératoires de débitage se sont déroulées sur le site après transport des matériaux depuis les gîtes de silex proches. Elles ont pour double objectif l’obtention d’une production diversifiée et une recherche de productivité. Ces objectifs sont réalisés par l’intermédiaire des méthodes Levallois au sein desquelles on observe une certaine hiérarchisation : les méthodes récurrentes sont préférentiellement mises en œuvre au sein de la chaîne opératoire principale alors que la méthode à éclat préférentiel est caractéristique de la chaîne opératoire secondaire. Une très grande partie des supports est restée brute de débitage (ILtyp = 82) et a été abandonnée sur place. L’outillage retouché est numériquement faible (2,7 %), souvent aminci (19,4 %) et essentiellement composé de racloirs (IR = 55,9) et d’outils à bords convergents retouchés (Iconv = 42,5). L’ensemble de la production se caractérise donc par un faible taux de transformation, aussi bien sur la quantité de pièces retouchées que sur l’intensité de la retouche sur les supports. L’investissement technique semble avoir été essentiellement porté lors de la phase de production des supports. Si les produits Levallois bruts forment, avec les pièces retouchées, plus de 15 % du matériel abandonné sur place, il reste envisageable qu’une partie de la production fut exportée, au moins à l’extérieur de la zone fouillée. Cette industrie moustérienne peut être rapprochée d’un Moustérien charentien de type Ferrassie oriental et de faciès levalloisien. Les matériaux allochtones y sont peu représentés mais ils sont néanmoins très variés. Ils illustrent des déplacements au sein d’un large territoire qui s’étend de façon concentrique surtout

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vers l’ouest (la vallée du Diois) et vers le nord (le sud du Vercors). Cette diversité des matériaux évoque également plusieurs passages humains sur le site. Finalement, cette industrie reflète un faciès économique mixte, intermédiaire entre site de production et site de consommation. Jiboui pourrait ainsi être considéré comme un site de production à consommation intégrée au séjour, c’est-à-dire un site où l’activité de débitage ne serait pas tournée vers des besoins différés mais plutôt vers une utilisation « immédiate » de la production, que ce soit sur le site ou dans ses environs. La recherche de productivité pourrait répondre à des impératifs de rentabilité inhérents à la situation du site (altitude) et à sa fonction (activités cynégétiques au sens large). Si le site montre la pratique d’activités diversifiées, le manque de données notamment faunistiques et tracéologiques limite notre interprétation sur les activités qui s’y sont déroulées. La fonction du site demeure donc problématique bien qu’elle soit vraisemblablement à mettre en relation avec des activités de subsistance spécialisées. Une fréquentation saisonnière (imposée par l’altitude) et répétitive du site par un même groupe est également envisageable.

Figure 4

Site de Jiboui.

Outillages et traditions techniques en Vercors

8 L’étude des systèmes techniques a révélé une grande cohérence dans les comportements et habitudes techniques des groupes humains. Le débitage Levallois est systématiquement mis en œuvre pour atteindre les objectifs de production. La maîtrise et la souplesse de ce mode de production s’expriment par des changements successifs de modalités de débitage sur un même nucléus en fonction des contraintes rencontrées et/ou des objectifs à atteindre. Le schéma de production Levallois peut en outre intervenir sur différents types de supports et notamment sur éclats-supports, ces

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derniers permettant le passage rapide aux phases de plein débitage. Sur plusieurs sites, l’obtention de produits Levallois nombreux et diversifiés (incluant les produits à dos), ainsi qu’une recherche de productivité semblent caractériser les chaînes opératoires mises en évidence. Ce double objectif pourrait ainsi s’expliquer par l’altitude élevée de ces sites montagnards et donc par une fréquentation saisonnière limitée dans le temps qui induirait des impératifs de rentabilité peut-être encore plus marqués que dans les milieux de basse altitude, moins contraignants. On peut également s’interroger sur le rôle fonctionnel de cette production Levallois non retouchée et sur son éventuel lien avec des activités spécifiques qui seraient plus prononcées sur ces sites d’altitude. Les productions ne sont donc que rarement retouchées, la suprématie des outils Levallois bruts sur l’outillage confectionné par retouche est ainsi une constante qui caractérise toutes les industries du massif et leur confère un faciès levalloisien très marqué. La panoplie de l’outillage retouché est en outre peu variée et constamment dominée par les racloirs. Il reste possible que la faible diversification de ce type d’outillage soit, une fois encore, la conséquence de la pratique d’activités particulières et de la fonction de ces sites.

9 Pour ce qui est de l’identité culturelle de ces groupes humains, les caractéristiques techniques et typologiques des assemblages lithiques étudiés rapprochent ces industries du complexe Moustérien charentien de type Ferrassie. Néanmoins, l’accumulation de certains traits techno-typologiques, couplée à leur répétition et permanence dans les différents assemblages, constitue une certaine originalité régionale qui évoque une filiation culturelle entre les différentes populations qui fréquentèrent le massif.

L’étude des flux de matières premières minérales

10 Globalement, les flux de matériaux constatés à partir des différents sites du massif confirment les études actuelles sur la circulation des matières premières au Paléolithique moyen. Ils indiquent, en effet, des circulations réduites dans l’espace et des territoires exploités qui se limitent à la région du Vercors et à ses marges (les déplacements n’excédant que rarement 2 jours de marche). Les matériaux qui pourraient avoir une origine externe au massif et à ses abords sont, pour l’instant, rarissimes. Par contre, les silex barrémo-bédouliens et sénoniens, localisés préférentiellement aux deux extrémités du massif, ont été les plus utilisés et montrent chacun un axe de circulation privilégié et différent (axe sud-nord pour le Barrémo- Bédoulien et axe est-ouest pour le Sénonien). Les gîtes barrémo-bédouliens du sud Vercors sont ceux qui montrent la plus large diffusion, et ce notamment dans les sites du nord du massif. Des relations entre les zones de vallées proches et celles de montagne sont également illustrées par quelques mouvements de matériaux entre ces deux environnements et par la grande similitude des complexes industriels.

Données chronologiques

11 À propos de la chronologie des sites étudiés et de leur contemporanéité relative, on peut aujourd’hui raisonnablement penser et attribuer une grande majorité de ces sites au stade isotopique 3. Plusieurs datations absolues, s’échelonnant entre 55 000 et 45 000 ans, montrent que durant la longue période de l’Interpléniglaciaire würmien, certaines

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phases climatiques clémentes ont permis la fréquentation des zones montagneuses et l’installation de camps à des altitudes élevées. La faune de la Draye Blanche démontre également qu’au cours de cette période chronologique, climat et environnement n’étaient pas de type glaciaire.

Modalités d’occupation du territoire

12 En ce qui concerne la fonction et le statut des différents sites reconnus sur le territoire, rappelons simplement que les découvertes les plus fréquentes au sein du massif correspondent probablement à des installations de courtes durées, sorte de stations étapes ou d’« habitats » relais. Ces camps secondaires sont généralement installés à l’entrée des grottes et sont conditionnés par la présence d’un abri naturel qui est utilisé comme refuge. Ils reflètent la pratique d’activités souvent spécialisées (faciès de consommation) et correspondent vraisemblablement à des haltes de chasse. D’autres stations étapes peuvent être également localisées dans certains secteurs de plein air, par exemple sur des voies de circulation naturelle ou de passage obligé, et sont alors conditionnées par la géo-topographie des lieux. Ces indices de passages humains, a priori furtifs, ne relèvent pas, semble-t-il, de la pratique d’activités particulières mais pourraient simplement correspondre à des haltes temporaires au sein d’un territoire exploité.

13 Enfin, une dernière catégorie d’« habitats » relais pourrait être constituée de sites installés sur des affleurements de silex. Ces sites d’étapes de courte durée se caractérisent par des activités spécialisées (faciès de production) qui semblent tournées vers l’obtention de supports à usage différé.

14 Ces différents sites font vraisemblablement partie d’une stratégie de subsistance complexe développée en milieu montagnard. Ils pourraient ainsi s’intégrer à une dynamique de déplacements saisonniers au sein du massif dont ils ne constitueraient que des lieux de séjours accessoires, des campements satellites et complémentaires d’autres sites d’habitats montagnards plus importants.

15 Ces sites principaux pourraient alors correspondre à certaines occupations de plein air localisées dans des zones aux conditions biologiques, géographiques et topographiques (vallées humides en berceaux, certains cols) probablement favorables à une exploitation cynégétique et à une installation de durée moins brève. La juxtaposition de plusieurs ressources naturelles (dont le silex) dans des secteurs comme le Val de Lans ou le col de Jiboui permettrait alors la pratique d’activités de subsistance diversifiées. Les sites concernés se caractérisent ainsi par des activités de débitage dont la production, à fort rendement, semble intégrée à d’autres activités de subsistance pratiquées sur le site ou à proximité. Ce sont finalement des sites à activités diversifiées (faciès de production et de consommation) qui pourraient être tournés vers l’exploitation de ressources pour lesquelles le déplacement en altitude a été organisé. Ils tiendraient alors un rôle principal dans ce système d’exploitation économique du milieu montagnard. Cet environnement fortement contrasté et marqué par la saisonnalité aurait ainsi favorisé la fréquentation répétitive de différents lieux d’habitats complémentaires et « hiérarchisés », celle-ci s’organisant autour d’une exploitation cynégétique et saisonnière des zones de montagne.

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Conclusion

16 L’étude de ces trois sites d’altitude a priori différents (nature, faciès économique : fig. 5, …) nous a non seulement donné la possibilité d’effectuer des comparaisons d’ordre technique (technologie et typologie des assemblages lithiques), mais elle nous a également permis de travailler sur les différents modes d’acquisition et de gestion des matières premières lithiques, ainsi que sur l’implantation et la répartition des sites dans un espace bien délimité géographiquement. Au-delà de la simple caractérisation des systèmes techniques en milieu de moyenne montagne, nous avons pu aborder les comportements humains et approcher leur mode d’occupation du territoire. Bien que nous ayons tenté de développer une approche systémique du peuplement humain, les limites de cette étude demeurent inévitables pour des raisons aussi bien historiques que contextuelles, directement liées au milieu montagnard (hétérogénéité des données, conditions de gisements, faiblesse de la documentation, absence ou rareté des faunes conservées, …).

Figure 5

Représentation des différentes séquences opératoires reconnues sur les sites des Mourets, Jiboui et Prétélang.

17 Les différentes approches abordées ont donc permis de mettre en évidence des populations moustériennes à forte identité régionale exploitant des territoires restreints et très contrastés. Le caractère marqué et le fort particularisme géographique du massif pourraient peut-être expliquer le relatif isolement des populations néandertaliennes installées dans la région ainsi que leur « culture technique » commune. Au sein de ce territoire, la forte mobilité résidentielle des groupes pourrait également dériver de la fréquentation de milieux variés et très contrastés, peut-être rythmée par les migrations saisonnières du gibier.

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18 S’il demeure difficile de comprendre pourquoi l’homme du Paléolithique s’est un jour aventuré dans ce contexte difficile que sont les zones montagneuses, on peut aujourd’hui émettre l’hypothèse que l’occupation humaine d’un massif comme le Vercors peut correspondre à la conquête d’un territoire permettant l’exploitation de biotopes diversifiés et complémentaires en alternance avec les zones de plaine. La fréquentation du milieu d’altitude serait alors une pratique complémentaire et non pas adaptative et restrictive.

19 Si la fréquentation du milieu alpin lors des périodes anciennes de la Préhistoire était jusqu’alors mésestimée et fréquemment réduite aux quelques rares et frustes indices de passages connus dans certaines grottes à ours, cette étude a pu montrer que l’environnement montagnard était au contraire déjà « maîtrisé » au Paléolithique moyen et qu’il constitue aujourd’hui un domaine de recherche, certes difficile, mais ouvert sur l’avenir.

AUTEUR

SÉBASTIEN BERNARD-GUELLE

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Le Campaniforme dans le sud-est de la France. De l’Archéologie à l’Histoire du troisième millénaire avant notre ère Résumé de thèse par l’auteur. Université de Provence, mars 2002, 4 vol., 1451 pages (dont 487 figures, 35 cartes) et 11 cartes hors-texte

Olivier Lemercier

1 Le Campaniforme, au sens strict, désigne un gobelet de poterie dont le profil en S lui donne une forme de cloche à l’envers. Ce type de gobelet est caractérisé à la fois par son décor d’un type très particulier et par le soin généralement apporté à sa réalisation. Par extension, le décor de ce type de gobelet a permis de qualifier de «campaniformes » d’autres formes céramiques et même d’autres décors relevant de la même tradition et probablement d’une évolution ou d’une reproduction des premiers.

2 La reconnaissance de ces objets et leur définition datent du XIXe siècle, sous le terme de «campaniforme» en Espagne et au Portugal, « caliciforme » en France, « drinking cup » puis « bell beaker » en Grande-Bretagne et « glockenbecher » en Allemagne. Le terme campaniforme a, peu à peu, remplacé celui de caliciforme en France, dès le milieu du XXe siècle. Au fur et à mesure des découvertes, un assemblage mobilier « set » » ou « package » s’est créé par ajouts successifs de certains objets caractéristiques découverts associés à la céramique campaniforme comme les boutons perforés en V, les plaquettes perforées appelées «brassards d’archer», les armatures de flèches à pédoncule et ailerons équarris, certains types de parure comme les pendeloques arciformes ainsi que certaines parures en or et des objets en cuivre comme les poignards à languette et les alênes bipointes de section carrée. Ces découvertes effectuées essentiellement en contexte funéraire ont conditionné pendant longtemps la réflexion sur ce phénomène interprété comme la diffusion de « biens de prestiges » liée à celle du rite de la sépulture individuelle et traduisant une hiérarchisation sociale en rupture avec les « images égalitaires » des sociétés du Néolithique dont il marque la fin.

3 A partir de la définition de ce « package » deux constats pouvaient être faits qui ont retenu l’attention de plusieurs générations d’archéologues :

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4 -l’apparition très rapide dans le temps au IIIe millénaire et la très vaste répartition dans l’espace, du Maroc à la Pologne et d’Irlande en Sicile, de ces objets ;

5 -la découverte de ces objets le plus souvent dans des tombes, au moins dans les phases anciennes, les habitats, plus rares, étant quand même bien présents dans certaines régions et pour les phases récentes.

Pourquoi une thèse de plus sur le Campaniforme ?

6 Depuis plus d’un siècle la signification de ce phénomène d’ampleur continentale a été envisagée dans plusieurs régions d’Europe et sous des angles variés. Pourtant, aucun consensus n’a été trouvé à ce jour concernant la nature et l’origine même de la diffusion des gobelets. Les recherches de ces dernières années se sont orientées vers la mise en évidence des « universaux » du Campaniforme, afin de déterminer ce qui est réellement identique dans les nombreuses régions concernées et la nature du phénomène lui-même.

7 Ces travaux ont principalement porté sur des aspects techniques de la confection des vases (Convertini 1996), ou de la réalisation des décors (Salanova 2000), et sur des types de mobilier jusqu’alors trop souvent négligés comme la céramique commune associée aux gobelets (Besse 2001), ou l’industrie lithique (Bailly 2002). Mais, pour être pleinement valides, ces approches se heurtent systématiquement à la grande diversité et à la disponibilité très variable des données locales ou régionales. Il semblait, en ce sens, indispensable d’amorcer une nouvelle série de synthèses régionales des données relatives au Campaniforme (qui devrait prendre corps prochainement sous la forme d’un atlas sous l’égide de l’association Archéologie et Gobelets).

8 Le travail présenté ici a porté sur le sud-est de la France. Au-delà du travail d’inventaire et de synthèse documentaire nécessaire à ces études de grande ampleur, cette région, de part la masse des données disponibles et certaines spécificités des vestiges campaniformes présents, offrait la possibilité de tester et de croiser les résultats des études spécialisées dans un environnement culturel et géographique plus réduit et mieux maîtrisé.

9 Le sud-est de la France est marqué au troisième millénaire par l’existence d’une série de cultures matérielles à l’identité affirmée dont les articulations chronologiques et géographiques sont de mieux en mieux connues. Cette situation locale était l’occasion de préciser le contexte d’apparition et de développement du Campaniforme. En même temps, l’existence d’un groupe stylistique régional du Campaniforme qui semble remplacer les cultures locales pendant la seconde moitié du troisième millénaire devait être précisée. L’apparition de céramiques à décor barbelé, à la fin de la période, restait à interpréter.

La documentation et son exploitation

10 En opposition avec les approches géographiquement larges, mais aussi en vue de leur assurer une base de données, détaillée et accessible, ce travail a donc été conçu comme une synthèse régionale portant sur une région à la fois de faible étendue vis-à-vis de la très vaste diffusion du phénomène et cependant très riche en vestiges campaniformes

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avec plus de 300 gisements inventoriés. Plus de 1200 vases décorés ont pu être dénombrés, ce qui constitue un strict minimum.

11 Le cadre géographique de l’étude a été défini à partir de la répartition d’un style particulier de la céramique campaniforme, appelé style rhodano-provençal. Limité par les crêtes alpines de la frontière italienne et par la mer Méditerranée, à l’est et au sud, cette région s’étend vers le nord jusqu’au cours de l’Isère et vers l’ouest jusqu’aux piémonts des monts du Vivarais et au Vidourle qui constitue la limite sud-occidentale.

12 La démarche de l’étude est constituée de trois étapes distinctes. La première a consisté à réunir les données, sous la forme d’un inventaire des sites puis d’un catalogue présentant, pour chaque site, l’ensemble des données disponibles. Ce catalogue a permis de réaliser un bilan documentaire du Campaniforme dans le sud-est de la France pour chaque type de données. Ces données replacée dans leur contexte chronologique et culturel de la fin du Néolithique, à l’échelle locale et à l’échelle européenne permettent de proposer un schéma spatio-temporel pour l’apparition et le développement du Campaniforme dans le sud-est. Ce schéma spatio-temporel est confronté à un modèle protohistorique qui permet de proposer une interprétation du phénomène.

Un bilan documentaire

13 La synthèse documentaire et l’analyse des contextes de découverte permettent d’observer plusieurs ensembles distincts au sein de ce Campaniforme.

14 Le sud-est de la France présente quatre ensembles campaniformes distincts. Cette partition établie initialement à partir de la céramique décorée est confirmée par l’examen des autres catégories de données et particulièrement les types de céramique commune et les contextes de découverte.

15 Les céramiques décorées du style 1 (cordé, pointillé linéaire, international et mixte) ne se présentent pas comme une vaisselle complète, mais comme des éléments peu nombreux et standardisés (gobelets). Elles ne s’associent pas à une céramique commune spécifique et apparaissent, le plus souvent, dans des contextes locaux du Néolithique final (habitats et sépultures). Leur lieu de production est inconnu. Leurs matières premières peuvent être régionales mais leur réalisation correspond à traditions techniques spécifiques. Les objets «nouveaux», associés, sont très rares et métalliques. Les céramiques du style 1 peuvent également apparaître au sein des assemblages où le style 2 est dominant.

16 Les céramiques décorées du style 2 (pointillé géométrique) montrent une variété de décors et de morphologies, marquée par le peu d’importance du standard atlantique et la présence de formes basses. Une céramique fine non décorée est présente. Les céramiques du style 2 apparaissent sur des sites, peu nombreux et essentiellement localisés géographiquement en rive gauche de la basse vallée du Rhône, où elles s’associent à du mobilier attribuable aux groupes de Fontbouisse et Rhône-Ouvèze. La céramique commune est de tradition locale rhône-ouvèze, mais la présence de traits campaniformes est discernable. Des transferts techniques entre les productions campaniformes (fabriquées localement) et rhône-ouvèzes sont remarquables et des cas de mixité stylistique sont observés pour les céramiques décorées. D’autres éléments spécifiques sont présents comme des objets métalliques, des parures et probablement

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un outillage lithique. Les sites montrent souvent une topographie particulière. Des habitations sont connues et toutes les activités domestiques et agro-pastorales sont représentées. Les rares sépultures sont collectives et essentiellement en cavité.

17 Les céramiques décorées du style 3 (incisé, incisé et estampé, pointillé complexe du groupe Rhodano-Provençal) comprennent de nombreuses morphologies parmi lesquelles les formes basses sont très importantes. Les décors sont également très diversifiés. La présence de décors imitant le barbelé est notable. Elles s’associent à de nombreuses céramiques non décorées spécifiques dont une céramique commune caractéristique et forment une gamme de vaisselle complète. De nombreux types de parure, objets métalliques, et l’industrie lithique sont aussi spécifiquement campaniformes. Ces assemblages sont présents sur de très nombreux sites dans toute la région considérée. Dans la plupart des secteurs géographiques, il s’agit de sites homogènes qui ne montrent aucune association avec des éléments de styles locaux. Dans le Gard et sur certains sites rhodaniens, en revanche, la présence de quelques objets de tradition fontbuxienne associés au campaniforme est remarquable. Les sites montrent une grande variété d’implantations et des architectures différentes selon les secteurs. Toutes les activités sont représentées et des complémentarités entre sites sont probables. Les sépultures sont nombreuses et peut-être variées mais ce sont les dolmens qui sont le plus largement utilisés, avec les cavités.

18 Les céramiques décorées du style 4 (incisé et barbelé) sont marquées à la fois par une tradition campaniforme et par des spécificités inédites qui concernent les morphologies et la technique de décor elle-même. Une céramique commune leur est associée ainsi que quelques éléments spécifiques comme de très rares objets en bronze. Les contextes sont pour l’essentiel homogènes, mais la présence de vases du style 4 au sein de séries ou sur des sites du groupe Rhodano-Provençal est fréquente. Les implantations sont diversifiées mais les sites de hauteurs sont nombreux et s’associent parfois à des enceintes pouvant correspondre à de réelles fortifications. La répartition des sites et leur nombre sont moins importants que pour le Campaniforme Rhodano- Provençal. Les sépultures sont majoritairement des cavités, mais la sépulture individuelle, qui n’a peut-être jamais disparu dans le sud-est, semble se développer.

Vers l’Histoire du troisième millénaire

19 L’apparition du Campaniforme dans le sud-est de la France est encore difficile à dater. Elle se situe probablement autour de 2500 avant notre ère, peut-être un peu avant, mais les données chronologiques fiables sont encore trop peu nombreuses.

20 Nous avons montré, dans ce travail, la possibilité d’une diffusion des gobelets campaniformes standards (style 1) à partir de centres de diffusion très localisés et attribuables au style 2. Ces sites, qui présentent des contextes domestiques intégrant éléments campaniformes et éléments de la culture locale rhône-ouvèze, sont rares et associent systématiquement des éléments du standard peu nombreux à une réelle culture matérielle campaniforme. Ce style 2 correspond à l’implantation de personnes d’origine étrangère à la région mais en contact direct avec les populations indigènes. La distinction entre ces deux styles pourrait donc être fonctionnelle. L’hypothèse chronologique d’une succession du style 1 et du style 2 ne peut, cependant, être écartée. La diffusion des vases du style 1 pourrait dans ce cas correspondre à une

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première diffusion très ponctuelle – des contacts – sans implantation réelle d’origine extérieure qui n’est envisageable que pour le Campaniforme pointillé géométrique.

21 Les manifestations du groupe Rhodano-Provençal (style 3) sont probablement strictement postérieures à partir de 2400 avant notre ère, à la phase précédemment décrite. Le développement de ce groupe procède cependant, au moins partiellement, d’un développement du Campaniforme pointillé géométrique. Certaines composantes de cette culture indiquent néanmoins qu’il ne peut s’agir d’un simple développement sur place et que des contacts se poursuivent avec des régions extérieures, tandis que d’autres, nouveaux, s’établissent. Le groupe Rhodano-Provençal remplace les cultures locales en rive gauche du Rhône et s’implante, dans le Gard, alors que le groupe de Fontbouisse est toujours présent, ce dont témoignent de manifestes échanges d’objets.

22 Le groupe Barbelé, dont les datations sont plus homogènes, apparaît entre 2200 et 2150 avant notre ère, sous une nouvelle impulsion étrangère. S’il finit par succéder au groupe Rhodano-Provençal, et souvent sur les mêmes implantations, il apparaît à un moment où le groupe campaniforme n’a pas encore disparu. La présence de rares vases barbelés et la fréquence d’imitations de décors barbelés dans les séries rhodano- provençales pourraient montrer un schéma d’intégration d’une nouvelle composante culturelle ou de cohabitation avec un ensemble étranger, sans qu’il soit possible de trancher. Les sites attribuables au groupe Barbelé (style 4) montrent, pour une part, de nouveaux choix d’implantation et l’apparition de réelles fortifications d’un type inédit, traduisant des changements, encore non interprétés, dans la situation régionale.

23 Les relations entre Campaniforme et cultures locales du Néolithique final sont patentes, et variées dans le temps et dans l’espace. Il est évident que le Campaniforme n’apparaît pas dans une région vide de toute population. Nous avons pu préciser que les principaux groupes culturels à entretenir des relations directes avec le Campaniforme sont le groupe de Fontbouisse et, peut-être plus encore, le groupe Rhône-Ouvèze dont la définition pourrait indiquer qu’il s’agit du résultat de l’influence fontbuxienne sur le groupe Couronnien. Cette dernière interprétation pourrait, en même temps, expliquer l’absence de relations directes observées entre Couronnien et Campaniforme, qu’il s’agisse d’un décalage chronologique ou d’alliances culturelles privilégiées. Les relations observables peuvent être strictes, dans des ensembles clos (sépultures individuelles, habitats de plein air isolés) ou présenter des configurations très particulières avec des cas de mixité stylistique et/ou technique. La place de ces groupes locaux semble réduite à partir du plein développement du groupe Rhodano-Provençal. Cependant, il est notable que le groupe de Fontbouisse n’a pas totalement disparu à ce moment, au moins dans le Gard, et peut-être qu’une tradition fontbuxienne persiste dans certains secteurs jusqu’à la fin de la période. De ce fait, la possibilité d’une perduration d’autres groupes culturels dans certains secteurs du sud-est de la France existe toujours, même si elle n’est pas avérée. Seule cette possibilité pourrait expliquer une éventuelle composante locale dans la genèse des cultures matérielles du Bronze ancien, si celle-ci devait être vérifiée.

24 La recherche de comparaisons pour les différents éléments campaniformes reconnus dans le sud-est de la France est fonction, nous l’avons dit, de l’état de la recherche et de la disponibilité des données dans les autres régions. Elle permet cependant, en tenant compte de cette limite, d’envisager deux pistes complémentaires pour l’origine du Campaniforme dans le sud-est et différents niveaux de relation possibles.

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25 Concernant les premiers éléments campaniformes (styles 1 et 2), les principales comparaisons renvoient systématiquement vers l’ouest et plus précisément à deux zones d’échelle différente : la Péninsule ibérique et, plus largement, la façade atlantique. Il est difficile de reconnaître une zone nucléaire unique aux différents éléments observés dans le sud-est. Si le Portugal pourrait constituer cette zone, sur plusieurs plans, la quasi absence du décor à la cordelette dans ce secteur montre qu’il ne suffit pas à expliquer la genèse du Campaniforme du sud-est. Le nord-est de la péninsule et la région « Pyrénées – Roussillon – Languedoc occidental » constituent potentiellement la zone de relais où la synthèse des éléments reconnus dans le sud-est a pu s’effectuer. Dans ce cadre, l’importance indéniable de l’axe rhodanien doit être considérée dans le sens sud-nord – par la diffusion de ces styles anciens (1 et 2) – et non dans le sens nord-sud, en l’absence d’éléments strictement septentrionaux dans le sud- est de la France.

26 Avec le développement du groupe Rhodano-Provençal, les relations avec les autres régions changent partiellement. Les liaisons avec le Languedoc occidental (groupe Pyrénéen) et avec la Péninsule ibérique sont toujours très nettes. Mais, des contacts, probablement secondaires, s’établissent avec des régions septentrionales et peut-être orientales, par l’axe rhodanien.

27 Pour le groupe Barbelé, de nombreuses comparaisons indiquent un nouveau basculement des relations, avec une composante italique importante. Celle-ci n’est pas encore localisée précisément et présente à la fois des traits nord-orientaux (d’origine balkanique nord-occidentale) et d’autres centraux (Toscane). Il s’agit d’un nouveau réseau, probablement distinct des précédents, alors que des influences septentrionales et nord-orientales (Europe centrale) sont peut-être sensibles, à la même époque, jusque dans la moyenne vallée du Rhône.

28 Concernant les différentes diffusions rapportées au Campaniforme, il faut remarquer qu’il ne s’agit que très rarement de simples diffusions d’objets. Celles-ci peuvent néanmoins exister, parfois à longue distance, mais le plus souvent à l’intérieur du cadre régional. Les approches technologiques de la céramique indiquent très clairement la présence de transferts techniques et la diffusion de savoir-faire à travers des régions non contiguës qui induisent le déplacement d’individus. Concernant le nombre de ces individus, il demeure difficile de répondre. L’arrivée de populations importantes est très improbable pour les implantations du Campaniforme pointillé géométrique, comme pour la diffusion des vases du standard. Tout au long de cette période d’implantation, puis du développement du groupe Rhodano-Provençal, la présence d’une tradition locale est manifeste. Cependant, l’explication du phénomène d’acculturation massive – perceptible par le développement numérique et géographique des sites à céramique incisée et estampée qui, d’une façon ou d’une autre, finissent par supplanter et remplacer les sites du Néolithique final local – peut-elle trouver son origine dans le rayonnement des quelques sites du Campaniforme pointillé géométrique ? Peut-être. Mais, à vrai dire, nous ne le pensons pas. Le développement du Groupe Rhodano-Provençal correspond à de nouveaux contacts avec les régions occidentales (entre l’Aude et la Péninsule ibérique) et sans doute à l’implantation d’une population. Ce schéma permettrait de comprendre pourquoi le Languedoc oriental, seulement gagné par quelques vases du standard dans un premier temps, se trouve ensuite couvert d’implantations du Campaniforme Rhodano-Provençal.

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29 Les données relatives à l’implantation des Grecs en Languedoc montrent une grande similitude avec celles qui concernent l’apparition du Campaniforme dans le sud-est. L’interprétation qui est faite des premières à l’avantage de reposer partiellement sur des sources écrites (certes tardives) et sur des récurrences dans plusieurs secteurs de la Méditerranée. Si la validité de cette approche n’est pas démontrée, ce qui nécessiterait un travail important, il s’agit bien ici d’en rester au niveau de la remarque et d’envisager ses conséquences. Le Campaniforme pourrait ainsi être interprété en terme d’explorations, de mise en place de relais sur des routes d’échanges ou d’approvisionnement et – pourquoi pas ? – de colonisation. C’est bien ce qui pourrait ressortir du schéma spatio-temporel du sud-est. On assisterait alors à la mise en place de «comptoirs» au contact direct des populations indigènes et la diffusion vers l’intérieur des terres de produits considérés comme «luxueux» ou simplement exotiques par les populations locales, les thésaurisant et les intégrant à leur mobilier funéraire. Cette diffusion pourrait être liée – à la fois comme cause et conséquence, dans une région et à une époque où l’ostentation et le prestige semblent très recherchés – à des phénomènes d’imitation idéologique et/ou symbolique. Dans un second temps, le développement d’une culture régionale campaniforme pourrait correspondre à un phénomène d’acculturation en masse, à l’implantation de populations plus importantes et à un métissage culturel qui semble bien ne pas s’être produit au même moment et de la même façon dans tous les secteurs de la région considérée.

30 L’examen des données du sud-est de la France et les interprétations qui peuvent en être proposées conduisent à envisager quelques réflexions, dont la portée plus générale, nous semblait, au départ, interdite par l’approche régionale. Parmi les questions qui sous-tendent tous les travaux sur le Campaniforme, celle de la fonction des céramiques campaniformes et de la raison de leur diffusion a sans doute fait l’objet du plus de propositions et de débats. Répondre à cette question demeurera sans doute longtemps difficile, même s’il est très probable que cette vaisselle particulière, composée de vases à boire, soit simplement liée à une activité de consommation (ritualisée ou non). S’il est difficile d’aller plus loin actuellement, il faut s’interroger d’une façon différente sur ce phénomène en envisageant que ce n’est pas forcément la diffusion des gobelets qui est importante mais ce qu’elle cache (et qu’elle devrait nous révéler). Il est même possible d’aller plus loin, en se demandant s’il y a réellement eu une diffusion des gobelets campaniformes à l’échelle de l’Europe. Ce qui est observable, dans le sud-est de la France, c’est probablement la diffusion limitée de quelques objets particuliers au sein des cultures locales, mais au niveau régional seulement. La réelle diffusion n’est pas celle d’une céramique, ni même d’une technique ou d’un usage de cette céramique, mais bien celle de personnes et certainement de groupes. Les céramiques spécifiques avec leur décor aisément identifiable ne sont alors que le révélateur de phénomènes, non pas plus complexes, mais plus discrets.

31 Pour le Campaniforme, les indices de brusques changements culturels et, dans certains cas, de probables déplacements de populations sont de plus en plus évidents, dans diverses région d’Europe. L’ampleur de ces déplacements, en distance comme en nombre de personnes concernées, est inconnue et il demeure difficile de prouver de réelles migrations. La nature des contacts entre ces groupes campaniformes et les groupes indigènes est aussi difficile à préciser, mais plusieurs indices sont présents dans le sud-est. Si les implantations du Campaniforme pointillé géométrique sont bien

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d’origine directement extérieure à la région, il faut rappeler en même temps l’existence d’objets et de techniques indiquant la présence d’indigènes sur le même site et même un certain « métissage stylistique » déjà présent pour certains objets. Parallèlement, cette implantation reste cantonnée aux abords de la vallée du Rhône et de la côte méditerranéenne et les approvisionnements en matières premières se sont très nettement recentrées sur un territoire local. Ces données traduisent-elles une difficulté à s’implanter, des contacts délicats avec certains indigènes belliqueux ? Nous ne disposons d’aucune source fiable pour envisager cette question. Les affrontements seront toujours difficiles à mettre en évidence mais n’ont pu qu’exister. Dans le sud-est de la France, l’apogée du groupe de Fontbouisse, qui semble influencer directement les régions voisines, est une période de rayonnement culturel. Elle se marque par une forte densité d’occupations dans le Gard, avec de grands sites de plaine présentant des fossés, le développement d’une architecture en pierre dans la zone des garrigues, en même temps qu’une expansion vers d’autres régions. L’origine du Campaniforme qui gagne ce sud-est, dans la péninsule ibérique, ne serait-elle pas liée à un même phénomène d’expansion à partir d’une région comme l’Estremadura portugaise. Dans cette région, une certaine pression est sensible (démographique, sociale et idéologique ?) avec la construction au Néolithique final de sites ceinturés – comme dans d’autres régions de la Péninsule – nombreux et dont le caractère fortifié ne doit pas faire de doute. Les multiples routes suivies par le Campaniforme pointillé géométrique et international, vers le nord le long de la côte atlantique et vers la Méditerranée indiquent sans doute un phénomène d’expansion à la recherche de zones d’appro-visionnement ou même de peuplement.

32 Le problème de la genèse de la culture du Bronze ancien du sud-est de la France n’a pas été réellement abordé dans le cadre de ce travail car elle appelle des développements spécifiques qui seront réalisés dans d’autres cadres. Il est néanmoins possible, à partir des données campani-formes, de faire quelques remarques sur cette vaste problématique. L’observation des données archéologiques et une série de datations tendent à dater l’apparition du groupe Barbelé autour de 2200 et plus probablement 2150 avant notre ère, au plus tôt. Ensuite, l’implantation de ce groupe Barbelé semble avoir un effet direct sur le groupe Rhodano-Provençal qui est, de fait, synchrone de cette implantation. Enfin, si ce groupe Barbelé participe à la genèse de la culture du Bronze ancien (ce qui reste à montrer précisément), il faut s’interroger sur la définition même de l’âge du Bronze ancien et sur l’adhésion de ce groupe à cette définition. Culturellement, les composantes du Bronze ancien du bassin rhodanien sont encore en cours de reconnaissance et d’attribution. Après de très nombreuses hypothèses formulées, reprises et commentées pendant le dernier quart de siècle et encore très récemment, la question n’est pas réglée. Dans la constitution de l’ensemble rhodanien du Bronze ancien, la part méridionale (Campaniforme récent et cultures locales du Néolithique final) est sans doute moins importante que celle des influences d’Europe centrale, au sens large. La basse vallée du Rhône s’isole sans doute, quelque peu, dans ce schéma général est-ouest ou nord-est – sud-ouest, avec une composante barbelée importante et sensible au moins jusque vers 1900 avant notre ère. La mise en place des implantations du Campaniforme pointillé géométrique puis des cultures du Bronze ancien correspondent à des schémas différents et à des origines géographiques opposées. C’est cependant, très probablement, par l’expansion du Campaniforme de la Péninsule ibérique vers l’Europe centrale que se mettent en place des réseaux qui diffusent, en sens contraire, des objets et des influences par la haute vallée du Rhône et

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le Midi de la France, dès la période du Campaniforme rhodano-provençal. Le Campaniforme inaugure ainsi les routes de la mise en place du Bronze ancien.

33 Pour l’ensemble des données observées, la tradition néolithique est importante. Les modes de vie sont sans doute équivalents à travers une économie agro-pastorale et des activités artisanales ancestrales, que seul le développement de la métallurgie, d’ailleurs nettement antérieur au Campaniforme, vient compléter. Pourtant, au troisième millénaire, le nombre de sites connus, l’édification de «petits châteaux» et de grands monuments, ainsi que le développement de marqueurs identitaires variés traduisent probablement en même temps la réussite et la crise de ce monde néolithique. Une importante pression démographique entraînerait une exacerbation d’élites et de symboles. A la fin de la période, l’apparition de petits objets de Bronze dans le sud-est montre le développement de nouvelles techniques qui vont mettre fin, à terme, à l’âge de la pierre – au sens strict. Mais, plus que les techniques, c’est la mise en place de nouvelles routes de déplacements ou d’échanges à travers l’Europe qui marque la seconde moitié du troisième millénaire. L’importance de la Méditerranée pour les régions méridionales de l’Europe, encore très sensible pour la première diffusion du Campaniforme, va être remise en cause par l’expansion de cultures centre- européennes, pour un temps. L’aube de la Protohistoire est, en ce sens, déjà là.

AUTEUR

OLIVIER LEMERCIER

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Les industries lithiques du Chasséen en Languedoc oriental : caractérisation par l’analyse technologique Résumé de thèse par l’auteur. Université de Provence, juin 2002, 466 p., 73 pl.h.t.

Vanessa Léa

Objectifs et cadre de l’étude

1 Cette thèse se proposait d’analyser la variabilité des assemblages lithiques du Chasséen (4500 - 3500 BC. Cal.) en Languedoc oriental. Cette région, extrêmement bien documentée pour le Chasséen, n’avait jusqu’à présent pas fait l’objet d’études lithiques. Un travail de fond sur cette aire géographique répondait donc à une lacune, et a de plus permis une mise en relation entre les données provençales (Binder 1984, 1991 ; Binder & Gassin 1988 ; Léa 1997) et celles du Languedoc occidental (Briois 1997 ; Vaquer 1990).

2 Cette analyse s’intéresse pour l’essentiel aux productions sur silex blonds bédouliens du Vaucluse débités par pression, qui composent une proportion en général très importante des assemblages lithiques chasséens. Or, ces productions sont de précieux révélateurs sociaux. La diffusion des silex bédouliens, depuis le Vaucluse, de par son ampleur géographique - tout le Midi de la France jusqu’à hauteur de Lyon, Catalogne à l’ouest et Piémont-Ligurie à l’est - son abondance et sa diversité dans les modalités de circulation, constitue une approche privilégiée des sociétés du Chasséen méridional. En effet, la chaîne opératoire des silex bédouliens chauffés, éclatée en différents lieux, illustre à elle seule une structuration complexe de l’espace et de la société et a été un élément important dans la formulation de l’hypothèse du développement de l’artisanat au Chasséen (Binder & Perlès 1990).

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3 L’analyse est ici guidée par plusieurs axes de réflexion : • Chronologie : ◦ Les variabilités stylistiques identifiées en Provence se retrouvent-elles en Languedoc oriental ? ◦ Les variabilités stylistiques sont-elles exclusivement interprétables en terme de chronologie ? • Géographie : ◦ Existe-t-il des particularités technologiques ou typologiques spécifiques au Languedoc oriental ? ◦ La variabilité des assemblages est-elle la même que celle connue en Provence ? Comment circulent les matériaux provençaux (bédouliens et rubanés) vers l’ouest ? Circulent-ils sous les mêmes formes et dans les mêmes proportions que ce qui est attesté en Provence ? Enfin, font-ils l’objet des mêmes gestions ? • Structuration sociale et spatiale : ◦ L’hypothèse de la répartition sociale des tâches trouve-t-elle ici des arguments ? ◦ Hormis la circulation sur de grandes distances, comment l’industrie lithique peut-elle contribuer à la mise en évidence de la complémentarité existant entre sites ? ◦ Que peut-on connaître des rythmes de production ? Les nucleus sont-ils débités en une seule fois, ou bien en des temps différents ?

Composition du mémoire et démarche

4 Cette recherche, s’articule autour de trois parties qui totalisent quatorze chapitres. Il était dans un premier temps nécessaire de reprendre succinctement et partiellement les problématiques actuelles relatives au Chasséen et plus particulièrement en Languedoc oriental (Léa 1998). Ceci a permis de définir précisément les questions auxquelles l’analyse technologique devait répondre, avant d’expliciter la démarche suivie (chapitres I à III). Les résultats sont ensuite exposés de manière monographique afin de conclure sur les aspects spécifiques à chaque site (chapitres IV à XI). Enfin, différentes interprétations sont proposées et discutées (chapitres XII à XIV). Chaque hypothèse est testée (qu’elle soit d’ordre chronologique, géographique ou social…) non seulement à partir du corpus du Languedoc oriental, mais aussi en faisant la liaison avec les données provençales et du Languedoc occidental, permettant alors une vision plus large de la diffusion des silex bédouliens, depuis le Vaucluse jusqu’à la Catalogne.

5 Le corpus est composé de huit études monographiques auxquelles il faut ajouter sept sites partiellement étudiés et intégrés en synthèse. Ces assemblages sont traités inégalement selon leur potentiel informatif. Ils sont présentés selon la phase chronologique à laquelle ils appartiennent : 1. la phase récente du Chasséen : Lattes (Lattes, Hérault), la Ramière (Roquemaure du Gard, Gard), Jarnègues (Jonquières-Saint-Vincent, Gard), Le Réal (Montfrin, Gard) ; 2. les phases anciennes du Chasséen : Port-Ariane (Lattes, Hérault), Le Crès (Béziers, Hérault) 3. les sites à chronologie mixte ou interne : Raffègues (Mèze, Hérault) et la Madeleine (Villeneuve-les-Maguelonnes, Hérault).

6 La démarche suivie est celle de la technologie lithique. Une méthodologie déjà élaborée et spécifiquement adaptée au débitage laminaire par pression en contexte chasséen (Léa 1997), a de même été utilisée.

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Apport de l’étude

7 L’appréciation de la variabilité des assemblages et du débitage laminaire sur silex bédouliens chauffés, a mené à la proposition d’hypothèses d’ordre chronologique, géographique, fonctionnel ou social.

Variabilité des assemblages et du débitage laminaire

8 La variabilité des assemblages et du débitage laminaire a été appréciée à différentes échelles : entre sites, entre différentes productions d’un même assemblage, au sein des productions en silex bédouliens. Ces comparaisons ont été réalisées en respectant les phases chronologiques du corpus : phases récentes, phases anciennes et sites à chronologie mixte ou interne.

9 - La variabilité de la composition des assemblages a été étudiée selon la proportion des différents matériaux au sein de chacun d’eux, et selon celle des silex bédouliens chauffés et non chauffés.

10 - La variabilité du débitage laminaire sur silex bédouliens a montré des disparités dans les modalités de circulation, tant pour les silex non chauffés, qui diffusent sous forme de produits finis, que pour les préformes en silex traités thermiquement. Le débitage de lamelles par pression sur préformes chauffées a fait l’objet d’une attention particulière. Chaque catégorie technologique de lamelles a été comparée d’un site à l’autre afin de caractériser la variabilité des modalités de la mise en forme, du débitage, et de la réfection (type de plan de pression, traitement de la corniche, parallélisme des nervures, déroulé de la lamelle…).

11 - La synthèse des données sur l’outillage a mis en évidence une certaine diversité, notamment en ce qui concerne les armatures. De ce point de vue, l’un des résultats les plus notables est sans doute la minorité des trapèzes sur lamelles, souvent considérés comme marqueurs du Chasséen méridional.

Les interprétations géographique et chronologique et leurs limites

12 L’observation de ces variabilités a mis en relief des résultats contrastés dont il a fallu comprendre la signification. Les hypothèses géographique et chronologique ont donc été testées.

L’hypothèse géographique

13 - L’hypothèse géographique a été envisagée, dans un premier temps, en étudiant la diffusion des matériaux provençaux (rubanés et bédouliens) vers l’ouest. Cette observation a mis en évidence une raréfaction des silex rubanés en Languedoc par rapport à la Provence où ils sont bien représentés notamment dans les phases récentes du Chasséen, et des modalités de circulation différentes pour les silex bédouliens : les lames non chauffées qui circulent sous forme de produits finis comportent plus souvent des traces de mise en forme en Languedoc qu’en Provence et les techniques de taille montrent une importante diversité, signant sans doute là une position de périphérie par rapport à la zone nucléaire provençale.

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14 - Dans un deuxième temps, l’influence provençale en Languedoc oriental a été mise en relief à travers l’étude des armatures : les pointes bifaciales y sont en effet relativement bien attestées, tout comme en Provence, et contrairement aux contextes chasséens languedociens connus.

L’hypothèse chronologique

15 - La phase proto-chasséenne, caractérisée pour la première fois en Provence (Giribaldi, Nice ; Binder 1996) a trouvé quelques ressemblances dans l’assemblage du site du Crès (Béziers, Hérault). Néanmoins, les produits laminaires en silex bédouliens non chauffés importés sont plus irréguliers. De plus, un débitage original d’éclats sur éclat en silex bédouliens importés atteste l’existence d’une tradition technologique du Néolithique ancien rhodano-provençal (Gassin &Binder, sous presse).

16 - En Provence, les styles de débitage attestés sur silex bédouliens chauffés, révèlent des phases chronologiques différentes : débitage de type semi-conique du Chasséen ancien, et débitage de type quadrangulaire plat du Chasséen récent (Binder 1991). En Languedoc oriental, le style de débitage de type Chasséen ancien n’a pour l’instant pas été clairement identifié. La reprise des données disponibles sur les assemblages lithiques du Languedoc occidental a montré que la situation semblait identique plus vers l’ouest. La circulation de préformes chauffées en Languedoc pourrait donc s’effectuer avec un temps de retard par rapport à la Provence, à un moment où les préformes semi-coniques circulent déjà associées à des nucleus quadrangulaires plats. Le style proto-chasséen du Languedoc serait donc en partie contemporain du style chasséen ancien de Provence. Nous serions ainsi face à un phénomène d’inertie culturelle déjà remarqué pour la néolithisation du Languedoc occidental (Vaquer 1989).

17 - Notre étude a enfin montré que la variabilité du débitage laminaire n’était pas seulement interprétable en terme de chronologie (Binder 1991). En effet, l’analyse des chaînes opératoires sur silex bédouliens chauffés a démontré qu’il existait des modalités de passage entre un style quadrangulaire plat et semi-conique. Une préforme peut donc être débitée en fin de production selon un style différent de celui de départ. Cette transformation du bloc de départ n’a cependant pas toujours lieu. Il y aurait donc différentes façons de faire selon les sites.

Implications sociales, fonctionnelles et culturelles

18 Si les hypothèses géographiques et chronologiques ne suffisent pas à interpréter la variabilité du débitage laminaire au Chasséen, il a donc fallu proposer d’autres explications. Des arguments d’ordre social, fonctionnel ou culturel ont donc été envisagés.

Silex bédouliens et savoir-faire

19 L’analyse des productions en silex bédouliens a permis de poser l’hypothèse de savoir- faire inégaux entre producteurs spécialisés et consommateurs dont le savoir-faire serait moindre. L’un des intérêts premiers du Languedoc oriental est de présenter une source d’approvisionnement locale de silex blonds bédouliens : les Costières du Gard renferment dans les anciennes terrasses rhodano-duranciennes de nombreux galets de

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silex bédouliens arrivés depuis le Vaucluse par apport fluviatile (Bazile, sous presse). Ces galets constituent donc ici, de manière originale, une source potentiellement exploitable pour un débitage de lamelles par pression. Or, ils ont seulement été employés pour un débitage expédient d’éclats au même titre que n’importe quelle autre matière première locale (débitage d’éclats irréguliers rapidement réalisés donc peu investis techniquement). Parallèlement, les sites du Languedoc oriental montrent, sur les sites consommateurs, des importations intensives depuis le Vaucluse de préformes en silex bédouliens, destinées à la production de lamelles. Pourtant les galets locaux de silex bédouliens (de module important et rarement micro-faillés), présentaient les mêmes aptitudes à la taille que les blocs préformés et importés par main d’homme. Ils auraient donc parfaitement convenu au débitage de lamelles par pression, comme plusieurs expérimentations de taille l’ont d’ailleurs démontré. Cette situation traduit donc bien des savoir-faire différents : les Chasséens de cette région ne savaient sans doute pas mettre en forme ces galets pour un débitage par pression.

Silex bédouliens et complémentarité entre sites

20 L’étude des réseaux de diffusion en Languedoc oriental a permis de mettre en évidence des disparités dans les modes de distribution des silex bédouliens, ainsi que dans les manières de les débiter : 1. Statut des sites. Certains sites du Languedoc, moins bien alimentés en silex bédouliens, semblent en marge des réseaux de diffusion. La proportion de silex bédouliens n’est pourtant pas inversement proportionnelle à la distance parcourue depuis les sources de matières premières en Vaucluse. De telles disparités, dans les quantités et les modalités de circulation, révèlent ainsi des différenciations dans le statut des sites (Briois & Léa, sous presse). 2. Rythmes d’occupation et complémentarité entre sites.Parmi les différents éléments qui circulent(produits finis : lames et éclats ; ou préformes à tailler sur les sites consommateurs), les préformes sont particulièrement riches d’informations. L’analyse des assemblages lithiques a en effet montré que les préformes importées sont parfois débitées en différents temps et en différents lieux, sur plusieurs sites consommateurs. Elles constituent ainsi une réserve que l’on garde avec soi pour répondre à des besoins ponctuels, lors de déplacements au sein du terroir. Cette modalité d’exploitation des préformes révèle sur certains gisements, des occupations successives et de courte durée, tout à fait compatibles avec l’utilisation des grottes en bergeries (Léa, à paraître). Ces rythmes sont ainsi tout à fait en accord avec l’hypothèse de la complémentarité entre sites : au Chasséen chaque site est donc bien l’élément d’un réseau.

Silex bédouliens et identité culturelle

21 Plusieurs cultures sont contemporaines du Chasséen méridional. Dans les Pyrénées- orientales et la Catalogne, en France comme en Espagne, les cultures des Sepulcres de Fossa et du Montbolo sont définies depuis de nombreuses années à partir des styles céramiques. En revanche, les études lithiques étaient encore inexistantes dans ces contextes chrono-culturels (Léa 1998). J’ai alors décidé d’entreprendre l’analyse technologique des productions lithiques de la grotte de Montou (Corbère-les-Cabanes, Pyrénées-orientales) occupée durant le Montbolo, partiellement contemporain du Chasséen. Mon analyse lithique a ainsi mis en évidence l’importation de préformes et de lames en silex bédouliens vauclusiens (Léa, à paraître). Montou est à l’heure actuelle

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le site le plus occidental sur lequel ces productions ont été identifiées et caractérisées. Les échanges de silex blonds bédouliens, ne s’effectuent donc pas seulement entre les différents groupes du Chasséen méridional, mais sont aussi interculturels. Le franchissement de frontières culturelles, a déjà été remarqué pour différentes productions spécialisées en archéologie, mais c’est ici la première fois que cela est démontré pour les silex bédouliens. Cet échange entre communautés de culture différente, est d’ailleurs pour certains ethnologues-préhistoriens comme Leroi-Gourhan, la condition sine qua non à la survivance d’une innovation sur le long terme, car elle ne se prolongera pas forcément chez les descendants de son inventeur (Leroi-Gourhan 1973, p. 431).

BIBLIOGRAPHIE

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Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 342

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Vaquer 1990, VAQUER J., Le Néolithique en Languedoc occidental, Paris, CNRS, 1990, 397 p.

AUTEUR

VANESSA LÉA

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Caractérisation et gestion du silex des sites mésolithiques et néolithiques du nord-ouest de l’Arc alpin. Une approche pétrographique et géochimique Résumé de thèse par l’auteur. Université de Provence, juin 2002, t. I, 341 p.

Céline Bressy

1 Le silex peut être utilisé comme marqueur des déplacements des groupes préhistoriques dans la mesure où des méthodes de caractérisation adaptées permettent de corréler pièces archéologiques et échantillons géologiques. Dans le cadre d’une thèse, nous avons cherché à résoudre les questions d’origine et de gestion du silex de quelques sites nord-alpins attribués au Mésolithique et au Néolithique par la pétrographie et la géochimie. Les principaux résultats, d’ordre méthodologique et archéologique, obtenus à l’occasion de ce travail sont présentés.

Introduction

2 Les approches territoriales occupent une place majeure parmi les domaines de recherche actuels de la préhistoire. L’étude des matières premières et la détermination de leur origine apportent des éléments essentiels à la perception des territoires parcourus et des espaces sociaux passés. Constituant la principale matière première de débitage des sites des massifs subalpins, domaine géographique de l’étude, le silex se présente comme le matériau privilégié pour aborder ces questions. La perspective d’une vision diachronique de l’approvisionnement nous a conduit à considérer des sites du Mésolithique et du Néolithique, périodes séparées par de profondes mutations socio- économiques.

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3 En contexte spécifique de moyenne montagne, s’intéresser aux phases d’acquisition du silex en localisant les gîtes ayant servi à l’approvisionnement permet d’appréhender les modalités de pénétration, de circulation intra-massifs et d’exploitation saisonnière du milieu alpin.

4 Ces investigations impliquent des méthodes de caractérisation du silex adaptées aux problématiques archéologiques. Dans cette optique nous avons initié une approche multi-paramétrique combinant l’examen pétrographique et micropaléontologique non destructif, relativement classique, et l’analyse géochimique au caractère novateur dans le cadre géographique défini. Sur la base de ces critères d’identification multiples, la comparaison d’artefacts et d’échantillons géologiques aboutit à des attributions de provenance.

Ressources régionales en silex

5 Cette démarche demande une bonne connaissance des disponibilités régionales en silex, en tenant compte du fait que l’accès aux sources a pu évoluer au cours des périodes préhistoriques. Ainsi, les prospections réalisées dans le cadre de ce travail et antérieurement ont permis de cartographier une grande partie des ressources en silex des massifs subalpins, depuis les Bornes jusqu’au Dévoluy, et de leurs marges, conduisant à rassembler plusieurs centaines d’échantillons de référence au sein d’une lithothèque. Cette dernière a bénéficié de la mise en place de deux bases de données destinées à faciliter l’accès à la masse d’informations qu’elle recèle.

6 Nous avons défini les formations géologiques à silex selon les zones géographiques considérées et caractérisé les types associés. Le Valanginien, le Barrémo-Bédoulien et le Sénonien sont les principaux étages livrant du silex dans les différents massifs subalpins. Parmi les faciès individualisés, 135 ont fait l’objet d’une présentation détaillée sous la forme de fiches de caractérisation auxquelles sont associées les photographies numériques du microfaciès observé à la binoculaire. La polarité de la répartition géographique des formations à silex permet d’émettre des hypothèses préliminaires sur les provenances des matériaux taillés par la détermination de leur origine géologique.

Étude de sites

7 Le référentiel d’échantillons naturels ainsi regroupés a été exploité dans le cadre de recherches sur l’origine des silex constituant les séries lithiques de huit sites préhistoriques. Il s’agit des stations de plein air des Hauts Plateaux du Vercors, le Pas de l’Aiguille et Fontaine de la Baume, respectivement rapportées au Mésolithique moyen et au Mésolithique récent ; du site de plein air du Col de Porte (Mésolithique moyen) et des sites en abris sous bloc de l’Aulp du Seuil (Mésolithique moyen à Néolithique final), tous deux en Chartreuse ; de quatre stations de plein air mésolithiques des massifs cristallins de Belledonne et du Taillefer. A ce corpus s’ajoutent les résultats d’autres sites mésolithiques à néolithiques ayant bénéficié d’une étude des matières premières (Affolter & Grünwald 1999 ; Pelegrin & Riche 1999 ; Affolter et al., 1999) : Saint-Thibaud-de-Couz, le Pas de la Charmate, Balme-Rousse, le

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Pas-de-l’Échelle, la Grande-Rivoire, Bouvante, Saint-Laurent-en-Royans. L’approche pétrographique non destructive a été privilégiée pour l’ensemble de ces séries.

8 Au Mésolithique et au Néolithique, l’approvisionnement des sites des massifs subalpins apparaît étroitement lié aux disponibilités locales ou voisines puisqu’il se rapporte principalement à un secteur compris dans un rayon de 20 km à partir du site. Le silex barrémo-bédoulien apparaît prédominant dans les séries de la moitié sud du Vercors (Pas de l’Aiguille, Fontaine de la Baume (fig. 1), Bouvante) tandis que les silex sénoniens sont bien représentés dans les sites du Nord-Vercors (La Grande-Rivoire, le Pas de l’Echelle, Pas de la Charmate (Affolter et al., 1999) et du domaine occidental de la Chartreuse (Col de Porte). A l’est de ce dernier massif, le silex valanginien, local, a été le plus utilisé (Aulp du Seuil).

Figure 1

Localisation des formations à silex du Vercors, du Haut-Diois et de la haute vallée du Buëch et aires d’approvisionnement identifiées pour les sites mésolithiques de Fontaine de la Baume et du Pas de l’Aiguille.

9 Les études typo-technologiques menées sur ces industries conduisent à mettre en évidence des modes de débitage différenciés selon les matériaux, comme à l’Aulp du Seuil, entre le silex valanginien et sénonien. Au Pas de l’Aiguille, les armatures sont principalement confectionnées sur des matériaux allochtones.

10 L’exemple du Col de Porte, site de transformation de la matière première, a permis de montrer l’existence de réseaux inter-sites, liés à la forte disponibilité locale en silex.

11 La recherche des silex allochtones représentés dans les séries a été privilégiée afin de mettre en évidence des relations avec des domaines géographiques éloignés. Il est alors possible de percevoir les voies de pénétration vers les domaines nord-alpins occidentaux.

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12 Ainsi, l’origine méridionale d’un type de silex hauterivien, bien représenté dans la série du Pas de l’Aiguille et plus anecdotique à Fontaine de la Baume, a permis de révéler une voie privilégiée pour l’accès au Vercors depuis le sud, par la vallée du Buëch (fig. 1).

13 En Chartreuse, les silex exogènes, toujours faiblement représentés dans les séries, montrent des origines d’une part septentrionales (massif du Bugey), et d’autre part méridionales (sud du Vercors) soulignant la pluralité des influences extérieures. A l’Aulp du Seuil plus particulièrement, les zones d’approvisionnement déterminées à partir du silex viennent compléter la vision des questions de provenance perçues au moyen d’autres matériaux ou objets comme le quartz, originaire de Belledonne (Cousseran 2001) et les coquillages, provenant des pourtours de la Méditerranée (Bintz & Pelletier 1999).

14 Dans le cas des sites des massifs cristallins, naturellement dépourvus en silex, les matériaux introduits ont été transportés sur des distances dépassant 40 km, en empruntant le sillon subalpin puisque leur origine a été rapportée au Diois.

15 Ces origines confirment dans chacun des cas les influences perçues à travers les études typo-technologiques (Bintz & Pelletier 1999). La multiplicité des provenances allochtones soulève des questions quant à la mobilité des hommes qui ont introduit ces matériaux sur chacun des sites : leur présence relève-t-elle (i) l’étendue des territoires parcourus et des espaces sociaux ou (ii) l’origine distincte des populations ayant parcouru les massifs, confirmant la situation de carrefour des Alpes du Nord (Bintz & Pelletier 1999) ? Nous privilégions la seconde hypothèse.

16 Enfin, la vision diachronique de l’approvisionnement laisse appréhender une évolution qui va dans le sens d’une sélection des matériaux plus nette au Néolithique, sur des critères de qualité plutôt que de distance. Le degré de mobilité des groupes semble demeurer constant dans ces milieux d’altitude entre le Mésolithique et le Néolithique, avec une forte diversité des types de silex représentés et des sources connues.

L’approche géochimique

17 Dans certains contextes, les méthodes classiques de caractérisation apportent peu d’éléments de réponse aux problèmes de détermination de provenance des silex archéologiques. La forte variabilité macroscopique intra- et inter-gîtes des silex sénoniens du nord du Vercors et de la Chartreuse, associée à une monotonie des microfaciès sédimentaires et à une pauvreté micropaléontologique, limitent fortement les possibilités de caractérisation pétrographique. Ainsi, les déterminations fines des origines de ces silex sénoniens demeurent problématiques dans un secteur où ce type constitue un matériau de bonne qualité et largement employé. C’est pourquoi nous avons tenté d’apporter un nouvel éclairage à la question de la caractérisation du silex au moyen de la géochimie (Bressy et al., 2002a).

18 Nous avons développé un programme de caractérisation géochimique du silex en combinant analyses par ICP-MS (Inductively Coupled Plasma-Mass Spectrometry) et par ICP-AES (Inductively Coupled Plasma-Atomic Emission Spectrometry) permettant la détermination de 35 éléments chimiques en mode destructif. Le protocole appliqué (Barrat et al., 1996) et adapté au cas particulier du silex (Bressy et al., 2002b) offre la possibilité de déterminer les teneurs en terres rares en plus des éléments traces habituellement dosés au cours d’un unique passage en ICP-MS. Nous avons analysé les

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silex de 30 sources (138 échantillons) et de deux sites archéologiques (27 artefacts). Les caractérisations élémentaires permettent de distinguer les silex d’étages géologiques différents.

19 L’hétérogénéité intra-sources, parfois supérieure à la variabilité de composition constatée entre deux gîtes, limite sérieusement les possibilités de discrimination fine des sources d’un même étage au sein de chaque massif subalpin. Parmi les sources sénoniennes, quelques-unes présentent toutefois, une signature spécifique par la présence d’éléments marqueurs. Parmi elles s’individualise la source de la Grande- Rivoire qui montre des teneurs élémentaires nettement supérieures à celles des autres silex sénoniens (fig. 2). La caractérisation de ce gîte, situé sur une voie de pénétration du Vercors et dont l’exploitation est attestée à partir du Mésolithique moyen, offre la possibilité de reconstituer les circulations des matériaux qu’il a livrés à l’intérieur et, éventuellement, hors du massif.

Figure 2

Diagramme binaire figurant les teneurs en Zr en fonction de Y pour les silex naturels séroniens de Chartreuse et du Vercors dont ceux de la source de la Grande-Rivoire et les artéfacts du site archéologique du même nom.

20 La géochimie nous a offert la possibilité de distinguer les sources de même étage, au contenu pétrographique similaire, mais géographiquement éloignées. C’est le cas des sources sénoniennes du Bugey (Jura méridional) qui peuvent être différenciées de celles des massifs subalpins (Vercors, Chartreuse) par leur composition. L’intérêt de cette distinction réside sur la possibilité de mettre en évidence la circulation de silex entre ces entités géographiques, déplacements qui sont d’ores et déjà avancés.

21 Après avoir vérifié que l’enfouissement et la patine ne modifiaient pas de manière significative la composition élémentaire du silex, 27 artefacts provenant de deux sites archéologiques ont été analysés. Le premier, Jiboui, est un établissement moustérien de plein air localisé au sud du Vercors. Le second est l’abri-sous-roche mésolithique moyen à néolithique final de la Grande-Rivoire (Nord-Vercors) situé sur un gîte de silex ayant bénéficié d’analyses géochimiques (cf. supra). Les mesures ayant porté sur 14 pièces du

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premier site ont permis une attribution à la source locale de la montagne de Belle Motte, dont les silex ont parallèlement fait l’objet de caractérisations géochimiques. Le matériel archéologique étudié pour la Grande-Rivoire a montré qu’il était possible de faire la part d’après des critères strictement géochimiques entre les matières premières d’origine locale et celles provenant des affleurements sénoniens ou autres répartis dans le Vercors (fig. 2).

22 Les analyses d’un autre matériau employé durant la Préhistoire, l’obsidienne, mettent en évidence les particularités de la signature géochimique du silex. Nos mesures ont porté sur des artefacts en obsidienne issus de plusieurs sites turcs (Çatal Höyük et Tell Kurdu) et péruviens (Casa Vieja, Mayni et quelques pièces de la collection McNeish). Par comparaison avec les données obtenues pour l’obsidienne, les teneurs élémentaires basses du silex et son hétérogénéité rendent ce dernier matériau moins adapté à la caractérisation géochimique que le premier.

Conclusion

23 Les données acquises au moyen des différentes méthodes de caractérisation rendent évidente la nécessité de croiser les approches en privilégiant dans un premier temps les caractérisations pétrographiques, moins lourdes à mettre en œuvre et applicables sur de larges séries. Le recours à la géochimie présente un intérêt pour répondre à des questions ciblées dans le cadre d’études ponctuelles.

24 Il apparaît difficile de proposer une vision synthétique de l’acquisition et de la gestion du silex au Mésolithique et au Néolithique des Alpes nord-occidentales car la fonction des sites, leur contexte géologique et leur position géographique induisent des comportements très variables vis-à-vis des matières premières. Nos recherches ont toutefois pu mettre en évidence des zones de contact et des voies de circulation privilégiées. Elles demandentà être étendues à d’autres sites régionaux.

BIBLIOGRAPHIE

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AUTEUR

CÉLINE BRESSY

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Table ronde « Céramique Imprimée du Sahara Et de ses Marges » (CISEM II), Aix-en-Provence, 3-4 avril 2003

Dominique Commelin et Annabelle Gallin

1 La deuxième table ronde « Céramique Imprimée du Sahara Et de ses Marge » (CISEM II) s’est tenue les jeudi 3 et vendredi 4 avril 2003 dans les locaux de la MMSH à Aix-en- Provence.

2 Elle a rassemblé 14 participants venus d’Allemagne, de Belgique, d’Italie et de Tunisie en plus des participants français.

3 Pendant la première journée sur le thème « Évolution locale des décors de la céramique imprimée » les communications suivantes ont été présentées : 1. Olivier LANGLOIS - Les décors imprimés du Diamaré (Nord-Cameroun) et de ses marges : répartition, évolutions et possibles diffusions. 2. Maya von CZERNIEWICZ - Le développement du décor céramique à l’Age du fer au nord du Burkina Faso. 3. Annabelle GALLIN & Robert VERNET - Les céramiques imprimées de la région de Nouakchott au IVème millénaire : essai de classification. 4. Elena A.A. GARCEA & Antonio CAPUTO - Statistical tools for examining pottery production and use in the Sahara and the . 5. Friederike JESSE - L’évolution du décor céramique dans la région du Wadi Howar, nord du Soudan.

4 La deuxième journée a été consacrée à la définition de principes communs de description, de terminologie et de nomenclature des décors imprimés. Dans le cas des décors réalisés par impression pivotante, Elena Garcea a présenté sa base de données. Une classification des roulettes a été élaborée en commun à partir des travaux préparatoires d’Olivier Langlois et de Barbara Van Dosselaere. Un protocole de description de la composition des décors a été proposé par Annabelle Gallin.

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5 Cette deuxième table ronde fera l’objet d’une publication dans cette revue après que les auteurs aient appliqué aux textes de leurs communications les principes de description adoptés pendant la table ronde.

6 La date de la troisième table ronde CISEM III a été fixée au printemps 2005 avec en projet, une base de données images en complément des classifications des décors réalisés par impression pivotante et par impression roulée. Elle sera intégrée au site web http://www.mmsh.univ-aix.fr/cisem qui accueillera également les résumés des communications et une base de données bibliographiques mise à jour par les membres du projet CISEM.

AUTEURS

DOMINIQUE COMMELIN

ANNABELLE GALLIN

Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 352

Gabriel Camps 1927- 2002

Marceau Gast

1 Le Professeur Gabriel Camps nous a quittés le 6 septembre 2002, emporté par les suites d’une grave maladie.

2 Né le 20 mai 1927 à Misserghin, en Oranie, il affirma très jeune de grandes capacités intellectuelles. Dès l’âge de huit ans, il se passionnait déjà à identifier des collections de pièces romaines. Son père, ingénieur à la Société Nationales des Chemins de fer algériens, sut favoriser sa curiosité concernant l’histoire antique de l’Afrique du Nord. Après des études secondaires au lycée d’Oran, il passa ses baccalauréats à Alger en latin, grec (1944), puis en philosophie en 1945. Après son année de propédeutique il termina sa licence d’histoire et géographie en 1947 et fréquenta dès 1949 le petit laboratoire de Préhistoire que venait de créer Lionel Balout dans un local du Musée du Bardo. De ce modeste laboratoire allait sortir une pépinière de chercheurs qui fondèrent ce qu’on appela « l’école d’Alger » et dont Gabriel Camps fut l’un des plus brillants, surtout à partir de la création par Lionel Balout (devenu Doyen de la Faculté des Lettres d’Alger) du Centre de Recherches Anthropologiques, Préhistoriques et Ethnographiques (CRAPE) en décembre 1955. Le bâtiment moderne et fonctionnel, sur trois plans, contigu au Musée du Bardo d’Alger, dont la construction fut terminée en 1960, allait devenir un instrument de travail de premier ordre.

3 Durant toutes ces années marquées par la guerre d’Algérie, Gabriel Camps, alors professeur d’histoire et géographie dans différents lycées d’Alger, multiplie ses recherches sur le terrain en Algérie, en Tunisie et au Maroc notamment. De l’examen critique des recherches précédentes en préhistoire et protohistoire, il constate que cette dernière discipline demeure le « parent pauvre » et que cet immense sujet reste à défricher. Après la synthèse magistrale de Lionel Balout sur « La Préhistoire de l’Afrique du Nord » (1955), Gabriel Camps présente en thèse principale son énorme travail intitulé : « Aux origines de la Berbérie. Monuments et rites funéraires protohistoriques » (1961, 628 p.) et en thèse secondaire « Massinissa ou les débuts de l’Histoire » (1961, 320 p.). Ces deux livres, sur les origines de la Berbérie, fondent d’une

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façon définitive la protohistoire de l’Afrique du Nord et donnent aux recherches sur les Berbères, jusque-là éparses, leurs « lettres de noblesse ».

4 Après le départ d’Algérie de Lionel Balout en 1962 (avant l’indépendance de l’Algérie), l’entrée de Gabriel Camps au CNRS et son affectation à la direction du CRAPE et du Musée du Bardo, une période incertaine s’annonce en juillet-septembre 1962. Les accords d’Evian accordaient une gestion française durant quatre ans aux instituts de recherches qu’étaient le CRAPE, l’Institut de recherches océanographiques, l’Institut de recherches sur le cancer et l’Institut de recherches nucléaires ; leur financement et leur fonctionnement étaient présidés par une Commission franco-algérienne de la Coopération.

5 Gabriel Camps et son épouse, Henriette Camps-Fabrer, décident de revenir en Algérie après leurs vacances d’été et se retrouvent seuls passagers à bord du bateau qui les ramène en septembre à Alger. Le CRAPE et le Musée du Bardo, que de méchantes rumeurs annonçaient avoir été déménagés en France, sont immédiatement rouverts ; le personnel algérien retrouve ses fonctions à tous les niveaux et le public des visiteurs peut s’assurer que tout est en place. Gabriel Camps assume alors avec une énergie incomparable les multiples tâches de ses différentes fonctions : cours d’archéologie préhistorique et protohistorique à l’Université d’Alger, séminaires de recherches au CRAPE, direction de diplômes et thèses, direction de la revue Libyca et de la collection des Mémoires du CRAPE, missions et fouilles sur toute l’Algérie et au Sahara, travaux pratiques collectifs au CRAPE (en anthropologie physique, typologie préhistorique, céramologie, etc.) , direction du Musée du Bardo, création de nouvelles expositions. Outre sa participation à de nombreuses Commissions au CNRS à Paris et à Alger, le directeur et ses adjoints sont assaillis de demandes de conférences, de visites commentées, de réceptions de chefs d’Etat étrangers. Le Musée du Bardo et le CRAPE font partie des fleurons présentés à tous les invités officiels, du Maréchal Tito au Président Senghor ; les cinéastes, les photographes affectionnent ce palais turc, bien entretenu avec ses salles d’expositions, qui témoignent de la culture algérienne sur plusieurs millénaires.

6 Cet ensemble dynamique suscite des vocations et des passions qu’il faut parfois tempérer en fermant les bureaux de travail à 23 ou 24 heures. La bibliothèque, déjà riche des documents accumulés par Maurice Reygasse, devient un centre très sollicité et très actif. Une trentaine d’ouvrages sont publiés de 1962 à 1970 ; des centaines d’articles sont diffusés dans Libyca et des revues scientifiques françaises et étrangères. Le CRAPE acquiert une renommée internationale et noue des relations avec tous les pays qui s’intéressent au passé de l’Afrique du Nord et du Sahara (de la Méditerranée, mais aussi des pays de l’Est et de l’Amérique).

7 Arrivé au terme du programme des accords d’Evian en 1969, durant lesquels les Instituts de recherches devaient être gérés en totalité par l’Algérie, mais aussi en raison de la révolution universitaire engendrée par mai 1968, Gabriel Camps décide alors de demander son transfert à l’Université de Provence où il était prévu de créer pour lui la première chaire d’archéologie préhistorique. Une partie des chercheurs et personnels administratifs (une dizaine de personnes) acceptaient alors de partir avec leur directeur pour s’installer dans une salle du rez-de-chaussée à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines d’Aix-en-Provence.

8 A la fin de l’année 1969 et au début de l’année 1970, commence, en quelque sorte, la deuxième carrière de Gabriel Camps et de son équipe. Sa nomination au Comité

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national du CNRS (Anthropologie, Préhistoire et Ethnologie) durant deux mandats successifs, lui permet de bien comprendre les mécanismes de fonctionnement du CNRS qui, vus d’Alger, paraissaient opaques et mystérieux. La création de la « Recherche Coopérative sur Programme » (RCP 151) qui proposait une recherche sur le Sahara en quatre ans, avait déjà amorcé à Alger, une relation interne avec le CNRS et un financement qui allait pallier en partie aux crédits accordés précédemment par la Coopération franco-algérienne. Ainsi, les recherches pouvaient continuer sans rupture, en gardant une liaison scientifique avec le CRAPE dont le nouveau directeur était désormais M. Mouloud Mammeri. La RCP 151 arrivant à terme, le professeur Camps crée alors, en 1969, à l’Université d’Aix, le « Laboratoire d’Anthropologie et de Préhistoire des Pays de la Méditerranée Occidentale » (LAPMO), en sollicitant son association au CNRS. Cette formation lui permet de faire d’abord partie de l’Institut de Recherches Méditerranéennes (IRM - qui était issu d’une UER : Unité d’Etudes et de Recherches) et qui engendra ensuite une fédération de Laboratoires sur la Méditerranée : le GIS Méditerranée (Groupe d’Intérêt Scientifique dirigé par le Professeur J.-L. Miège), financé par le CNRS, les Universités et la région PACA. Durant les années 1970-1975, après des centaines de réunions souvent âpres ou épiques, la « Maison de la Méditerranée » – 3/5 avenue Pasteur à Aix-en-Provence, peut enfin accueillir en tout ou partie les cinq formations fondatrices du GIS Méditerranée, dont le LAPMO qui disposera de quatre bureaux et d’une salle de dessin.

9 Plus tard, en 1985, le GIS Méditerranée sera dissout pour permettre la création de l’Institut de Recherches et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM). Les préhistoriens du LAPMO rejoignent alors de nouveaux locaux à l’Université de Provence, les ethnologues restent à l’IREMAM. Gabriel Camps est élu membre du Conseil d’Administration et du Conseil Scientifique de l’Université de Provence jusqu’à sa retraite prématurée en 1990, tout en continuant ses recherches et ses publications. Avec la création de la « Maison méditerranéenne des Sciences de l’Homme » (MMSH), l’équipe du LAPMO s’installe enfin dans des locaux plus décents et fonctionnels au Jas de Bouffan et devient une « Unité Mixte de Recherche » (UMR 6636) du CNRS.

10 A partir de 1970, Gabriel Camps met en route un projet qui lui tient à cœur et qu’il réalise tout de suite en édition provisoire ronéotée : l’Encyclopédie berbère. Cette œuvre ambitieuse et gigantesque ne reçoit pas un très bon accueil des linguistes et ethnologues spécialistes du monde maghrébin et berbère, qui restent frileusement muets. C’est l’époque où des voix officielles en Algérie déclarent que les Berbères « sont une création des Pères blancs » (bien connus surtout pour leur défense de la langue et de la culture kabyles), et où le Gouvernement algérien met l’ethnologie au banc des « sciences coloniales ». Tous les proches collaborateurs et fidèles de G. Camps acceptent sans faiblir de travailler à contre courant de ces opinions peu courageuses et défaitistes. Après le tirage de 40 numéros de l’édition provisoire, le premier numéro de cette Encyclopédie, honorée d’un crédit de l’Unesco, est édité à Aix-en-Provence par Edisud en 1984. Dans une remarquable introduction de quarante pages, Gabriel Camps définit les buts et objectifs du projet, en dressant à travers l’histoire des Berbères, la liste des grands thèmes et des disciplines qui seront abordés. Cette recherche encyclopédique correspondait bien aux capacités intellectuelles, à l’insatiable curiosité et à l’esprit pionnier, audacieux de Gabriel Camps. Son esprit incisif, ses jugements rapides et sûrs, son ironie et son courage ont souvent fait trembler les faibles, les médiocres ou les arrogants et prétentieux qu’il savait remettre à leur place en quelques mots. Ceux-ci se sont souvent mépris sur ses qualités humaines alors que Gabriel était

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d’une courtoisie, d’une délicatesse hors du commun avec tous ses collaborateurs et collaboratrices, quels que soient leurs grades et leurs fonctions. Homme de foi, profondément croyant et religieux, aimant passionnément l’Algérie et le Sahara, il restait d’une totale discrétion sur sa vie personnelle, que partageait Henriette Camps- Fabrer avec dévouement et générosité, elle aussi chercheuse qui devait entrer au CNRS avec de nombreuses publications.

11 L’arrivée de Gabriel Camps et de son épouse à l’Université de Provence, malgré les avatars administratifs et financiers que l’on subissait durant cette époque troublée, donna une impulsion remarquable à l’enseignement et à la recherche en préhistoire dans le Midi de la France. Mme Camps-Fabrer encadra durant des années les étudiants dans une véritable école de fouille sur le site de Miouvin et créa la « Commission internationale de la nomenclature de l’os » à qui l’on doit une collection de publications irremplaçables.

12 Mais les recherches sur le Maghreb et la Méditerranée ne faiblirent pas pour autant. G. Camps publiera « Les civilisations préhistoriques de l’Afrique du Nord et du Sahara » (1974, 336 p.), le « Manuel de recherches préhistoriques » (1980, 460 p., réédité en 1990) ; « Berbères aux marges de l’Histoire » (1980, 352 p. ; réédité en 1987) ; « La Préhistoire. À la recherche du paradis perdu » (1982, 463 p., ouvrage couronné par l’Académie française et traduit en italien en 1985) ; deux livres sur la préhistoire de la Corse en 1988 ; « L’Afrique du Nord au féminin » (1992, 353 p.), délicieux récits sur les femmes célèbres, tantôt ayant réellement existé, tantôt imaginées. Il dirige aussi l’édition de plusieurs autres ouvrages, crée la collection des « Atlas préhistoriques du Midi méditerranéen français » (10 tomes parus), résultats de recherches réalisées par des étudiants (maîtrises et DEA), une autre collection « Atlas préhistorique de la Tunisie » en collaboration avec l’INA de Tunis (10 tomes publiés). Sa participation à de nombreuses revues scientifiques françaises et étrangères, à de nombreux colloques, suscite depuis 1945-1952 à l’an 2002, plus de 250 articles se répartissant sur onze rubriques de ses spécialités : de la préhistoire de l’Europe, du Maghreb et Sahara, à l’anthropologie et l’ethnologie, la céramique berbère, l’Age des métaux, les chars préhistoriques, la Corse, la religion, les temps historiques, etc., sans compter les nombreuses notices de l’Encyclopédie berbère qu’il signe soit de son propre nom, soit EB, C. Agabi, ou C. El Briga.

13 Plusieurs générations d’étudiants devenus à leur tour enseignants ou chercheurs, se souviendront longtemps des cours du Professeur Gabriel Camps et de son épouse, de leurs séminaires et des discussions passionnantes qui les suivaient. Beaucoup de leurs collaborateurs préhistoriens, anthropologues, ethnologues, savent tous ce qu’ils leur doivent en méthode de travail, en conseils et avis scientifiques et soutien moral.

14 Sur lestrente volumes prévus de l’Encyclopédie Berbère, vingt cinq sont déjà parus. Les collaborateurs de cette œuvre se font un devoir et un honneur de continuer cette tâche collective qui restera fondamentale pour la construction de l’identité algérienne, son histoire et ses fondements.

15 Gabriel Camps se vit honoré d’un certain nombre de distinctions grâce à la qualité et au prestige de ses travaux et publications :

16 - le 18 janvier 1963, il reçoit un prix de la Fondation Lyautey honorant son livre : « Aux origines de la Berbérie. Monuments et rites funéraires protohistoriques ».

17 - le 19 août 1975, il reçoit les Palmes Académiques (au grade de chevalier).

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18 - le 16 décembre 1983, il est nommé membre libre de l’Académie des Sciences d’Outre Mer.

19 - le 2 août 1984 : officier de l’Ordre national du mérite.

20 - le 22 avril 1997 : membre de l’Institut italien de Préhistoire et Protohistoire de Florence.

21 Il était aussi membre correspondant, depuis 1987, de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres de Paris où il fit plusieurs conférences, et membre du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (CTHS) qu’il fréquentait régulièrement.

22 Nous avons perdu une grande figure de la recherche dont les travaux représentaient une vaste synthèse, assez rare, entre les deux rives de la Méditerranée, dans une grande profondeur de temps, une vision généreuse et dynamique, multidisciplinaire, qui a ouvert de nombreuses voies vers l’avenir.

23 Nous avons aussi perdu un grand ami dont la forte personnalité et l’immense savoir nous confortaient et nous guidaient en toutes circonstances.

Liste des travaux de G. Camps

Livres

24 1961 - Camps G., Aux origines de la Berbérie : Massinissa ou les débuts de l’Histoire, Alger, Imprimerie officielle, 320 p.

25 1961 - Camps G., Aux origines de la Berbérie, monuments et rites funéraires protohistoriques, Paris, Arts et métiers graphiques, 629 p.

26 1964 - Camps G., Corpus des poteries modelées retirées des monuments funéraires protohistoriques de l’Afrique du Nord, Paris, Arts et métiers graphiques, 108 p. (Travaux du CRAPE ; 3).

27 1964 - Camps G., Camps-Fabrer H., La nécropole mégalithique du djebel Mazela à Bou Nouara, Paris, Arts et métiers graphiques, 92 p. (Mémoire du CRAPE ; 3).

28 1967 - Camps G., Le Bardo, Alger : musée d’ethnographie et de préhistoire, Alger, Imprimerie officielle, 72 p.

29 1967 - Camps G., Céramique protohistorique du Maghreb : types 1 à 38, Paris / Alger, Arts et métiers graphiques / Centre de recherches anthropologiques préhistoriques et ethnologiques, 38 fiches recto-verso (Fiches typologiques africaines, 5ème cahier : fiches 129-166).

30 1969 - Camps G., Amekni, néolithique ancien du Hoggar, Paris, Arts et métiers graphiques, 232 p. (Mémoire du CRAPE ; 10).

31 1970 - Camps G., Olivier G. (Dir.), L’Homme de Cro-Magnon : anthropologie et archéologie, Paris, Arts et métiers graphiques, 219 p.

32 1972 - Schwabedissen H., Roche J., Camps G., Camps-Fabrer H., et al., Die Anfänge des Neolithokums vom Orient bis Nordeuropa. T. 7 : Westliches mittelmeergebiet und Britische Inseln, Köln, Böhlau, 250 p. (Fundamenta : Monographien zur Urgeschichte. Reihe A / Institut für Ur-und Frühgeschichte der Universität zu Köln ; 3).

33 1974 - Camps G., Les civilisations préhistoriques de l’Afrique du nord et du Sahara, Paris, Doin, 374 p.

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34 1975 - Camps G. (Dir.), L’Epipaléolithique méditerranéen : actes du colloque d’Aix-en-Provence, juin 1972, Paris, Centre national de la Recherche scientifique, 214 p.

35 1976 - Camps G. (Dir.), Chronologie et synchronisme dans la préhistoire circum- méditerranéenne : prétirage, Paris, Centre national de la recherche scientifique, 179 p. (Union internationale des sciences préhistoriques et protohistoriques. Congrès ; 9, Nice 1976 - Colloque ; 2).

36 1978-1990 - Camps G., Camps-Fabrer H. (Dir.), Atlas préhistorique du Midi méditerranéen, Paris, Centre national de la Recherche scientifique / Laboratoire d’anthropologie et de préhistoire des pays de la Méditerranée occidentale - Université de Provence.

37 1979 - Camps G., Manuel de recherche préhistorique, Paris, Doin, 458 p.

38 1979 - Camps G. (Dir.), Recherches sahariennes, Aix-en-Provence / Paris, G.I.S. «Sciences humaines sur l’aire méditerranéenne» - Maison de la Méditerranée, 224 p. (Cahier ; 1).

39 1980 - Camps G., Berbères : aux marges de l’histoire, Toulouse, Éditions des Hespérides, 340 p. (Archéologie, horizons neufs).

40 1982 - Camps G., La préhistoire : à la recherche du paradis perdu, Paris, Librairie académique Perrin, 463 p. (Histoire et décadence).

41 1982 - Camps G., Gast M. (Dir.), Les chars préhistoriques du Sahara : archéologie et techniques d’attelage : actes du colloque de Sénanque, 21-22 mars 1981, Aix-en-Provence, Maison de la Méditerranée, 200 p. (Programme Marges désertiques).

42 1985 - Camps G., Gragueb A., Harbi-Riahi M., M’timet A., Zoughlami J., Atlas préhistorique de la Tunisie. 1 : Tabarka, Rome, Ecole française de Rome, 24 p., 1 carte h.t. (Collection de l’Ecole française de Rome ; 81 / Recherches d’archéologie africaine publiées par l’Institut national du Patrimoine de Tunis).

43 1985 - Gragueb A., Camps G., Harbi-Riahi M., M’timet A., Zoughlami J., Atlas préhistorique de la Tunisie. 2 : Bizerte, Rome, Ecole française de Rome, 38 p., 1 carte h.t. (Collection de l’Ecole française de Rome ; 81 / Recherches d’archéologie africaine publiées par l’Institut national du Patrimoine de Tunis).

44 1985 - Harbi-Riahi M., Gragueb A., Camps G., M’timet A., Zoughlami J., Atlas préhistorique de la Tunisie. 8 : Maktar, Rome, Ecole française de Rome, 37 p., 1 carte h.t. (Collection de l’Ecole française de Rome ; 81 / Recherches d’archéologie africaine publiées par l’Institut national du Patrimoine de Tunis).

45 1985 - M’timet A., Gragueb A., Camps G., Harbi-Riahi M., Zoughlami J., Atlas préhistorique de la Tunisie. 7 : Le Kef, Rome, Ecole française de Rome, 28 p., 1 carte h.t. (Collection de l’Ecole française de Rome ; 81 / Recherches d’archéologie africaine publiées par l’Institut national du Patrimoine de Tunis).

46 1985 - Zoughlami J., Harbi-Riahi M., Gragueb A., Camps G., Atlas préhistorique de la Tunisie. 23 : Gabès, Rome, Ecole française de Rome, 31 p., 1 carte h.t. (Collection de l’Ecole française de Rome ; 81 / Recherches d’archéologie africaine publiées par l’Institut national du Patrimoine de Tunis).

47 1987 - Camps G., Les Berbères : mémoires et identité, Paris, Errance, 261 p.

48 1987 - Camps G., Gragueb A., Harbi-Riahi M., M’timet A., Zoughlami J., Atlas préhistorique de la Tunisie. 3 : Cap Bon, Rome, Ecole française de Rome, 23 p., 1 carte h.t. (Collection de l’Ecole française de Rome ; 81 / Recherches d’archéologie africaine publiées par l’Institut national du Patrimoine de Tunis).

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49 1987 - Gragueb A., Camps G., Harbi-Riahi M., M’timet A., Zoughlami J., Atlas préhistorique de la Tunisie. 5 : Tunis, Rome, Ecole française de Rome, 73 p., 1 carte h.t. (Collection de l’Ecole française de Rome ; 81 / Recherches d’archéologie africaine publiées par l’Institut national du Patrimoine de Tunis).

50 1987 - Harbi-Riahi M., Gragueb A., Camps G., M’timet A., Zoughlami J., Atlas préhistorique de la Tunisie. 6 : La Goulette, Rome, Ecole française de Rome, 80 p., 1 carte h.t. (Collection de l’Ecole française de Rome ; 81 / Recherches d’archéologie africaine publiées par l’Institut national du Patrimoine de Tunis).

51 1988 - Camps G., Préhistoire d’une île : les origines de la Corse, Paris, Errance, 284 p. (Collection des Hespérides).

52 1988 - Camps G., Vigne J.-D., Cesari J., Gauthier A., et al., Terrina et le Terrinien : recherches sur le chalcolithique de la Corse, Roma, Ecole française de Rome, 397 p. (Collection de l’Ecole française de Rome ; 109).

53 1989 - Zoughlami J., Camps G., Harbi-Riahi M., Gragueb A., M’timet A., Atlas préhistorique de la Tunisie. 4 : Souk el Arba, Rome, Ecole française de Rome, 23 p., 1 carte h.t. (Collection de l’Ecole française de Rome ; 81 / Recherches d’archéologie africaine publiées par l’Institut national du Patrimoine de Tunis).

54 1990 - Bonifay E., Gauthier A., Weiss M.C., Camps G., et al., Préhistoire de la Corse, Ajaccio, Centre régional de Documentation pédagogique, 125 p.

55 1990 - Camps G., avec la collaboration de Chenorkian R., Camps-Fabrer H., Mahieu E., Manuel de recherche préhistorique. 2ème édition, Paris, Doin, 501 p.

56 1992 - Camps G., L’Afrique du Nord au féminin, Paris, Perrin, 353 p.

57 1992 - M’timet A., Gragueb A., Harbi-Riahi M., Camps G., Zoughlami J., Atlas préhistorique de la Tunisie. 9 : Sousse, Rome, Ecole française de Rome, 56 p., 1 carte h.t. (Collection de l’Ecole française de Rome ; 81 / Recherches d’archéologie africaine publiées par l’Institut national du Patrimoine de Tunis).

58 1994 - Camps G., Introduction à la préhistoire: à la recherche du paradis perdu, Paris, Seuil, 466 p. (Points-Histoire).

59 1995 - Camps G., Gragueb A., Harbi-Riahi M., M’Timet A., Zoughlami J., Atlas préhistorique de la Tunisie. 12 : El Djem, Rome, Ecole française de Rome, 26 p. (Collection de l’Ecole française de Rome ; 81).

60 1996 - Camps G., Des rives de la Méditerranée aux marges méridionales du Sahara. Les Berbères, Tunis, Alif, 89 p. (Encyclopédie de la Méditerranée).

61 1996 - Camps G., I berberi della riva del Mediterraneo ai confini del Sahara, Milano, Jaca Book, 89 p. (Encyclopédie de la Méditerranée).

62 1998 - Camps G., Le Néolithique méditerranéen. Techniques et genres de vie, Tunis / Aix-en- Provence / Casablanca, Alif / Edisud / Toubkal, 95 p., 13 photo. h.-t. (Encyclopédie de la Méditerranée-Série Histoire).

63 1998 - Camps G. (Dir.), L’homme préhistorique et la mer, Paris, Comité des Travaux historiques et scientifiques, 488 p. (Actes du 120ème Congrès national des Sociétés savantes, Aix-en-Provence 1995).

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Articles

64 1945-1946 - Camps G., Inscriptions d’Altava (Lamoricière), Bulletin de la Société de Géographie et d’Archéologie d’Oran, t. 66-67, p. 35-38.

65 1953 - Camps G., Les dolmens de Beni Messous, Libyca : Anthropologie Archéologie préhistorique, t. 1, p. 239-372.

66 1954 - Camps G., Gisement atérien en relation stratigraphique directe avec un niveau à Strombus bubonius : prise de date, Bulletin de la Société préhistorique française, t. 51, p. 105.

67 1954 - Camps G., Gisement atérien en relation stratigraphique directe avec un Strombus bubonius LK au Camp Franchet-d’Esperey près d’Arzew, Bulletin de la Société d’Histoire naturelle de l’Afrique du Nord, t. 45, p. 95-97.

68 1954 - Camps G., Des dolmens à 20 km d’Alger, Algéria, p. 5-10.

69 1954 - Camps G., L’inscription de Béjà et le problème des Dii Mauri, Revue africaine, t. 98, p. 233-260.

70 1955 - Camps G., Recherches sur l’antiquité de la céramique modelée et peinte en Afrique du Nord, Libyca : Anthropologie Archéologie préhistorique, t. 3, p. 345-390.

71 1955 - Camps G., Abri sous roche de Bou Nouara, Bulletin de la Société préhistorique française, t. 52, p. 10-11.

72 1955 - Camps G., Escargotières du Capsien supérieur de la région de Colbert (département de Constantine, au sud de Sétif), Bulletin de la Société préhistorique française, t. 52, p. 22-.

73 1955 - Camps G., Recherches sur les relations du Capsien supérieur et de l’Ibéromaurusien dans le Constantinois, Bulletin de la Société d’Histoire naturelle de l’Afrique du Nord, t. 46, p. 88-97.

74 1955 - Camps G., Le gisement atérien du Camp Franchet d’Esperey (Arzew), Libyca : Anthropologie Archéologie préhistorique, t. 3, p. 17-56.

75 1955 - Camps G., Les Bavares, peuples de Maurétanie césarienne, Revue africaine, t. 99, p. 241-288.

76 1955 - Camps G., La céramique des monuments mégalithiques : collections du Musée du Bardo (Alger), in : Congrès panafricain de préhistoire, Alger 1952 : actes de la 2ème session, Balout L. (Dir.), Alger, Direction de l’Intérieur et des Beaux-Arts-Service des Antiquités, p. 514-550.

77 1955 - Camps G., Du nouveau sur l’archéologie du Fezzan, Travaux de l’Institut de Recherches sahariennes, t. 13, p. 189-198.

78 1955 - Camps G., La nécropole de Draria-el-Achour, Libyca : Archéologie Epigraphie, t. 3, p. 225-264.

79 1956 - Camps G., La céramique des sépultures berbères de Tiddis, Libyca : Anthropologie Préhistoire Ethnographie, t. 4, p. 155-203.

80 1956 - Camps G., Inscriptions de Maurétanie sitifienne, Libyca : Archéologie Epigraphie, t. 4, p. 91-99.

81 1956 - Camps G., Compte rendu de «E.G. Gobert - Remarques sur les tatouages nord- africains», Libyca : Anthropologie Préhistoire Ethnographie, t. 4, p. 376-378.

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82 1956 - Camps G., Compte rendu de «J. Meunié et C. Allain - Quelques gravures et monuments funéraires de l’extrême sud-est marocain», Libyca : Anthropologie Préhistoire Ethnographie, t. 4, p. 378-380.

83 1957 - Camps G., La céramique modelée et peinte des dolmens et tumulus nord- africains, in : Congrès préhistorique de France - 15ème session, Poitiers-Angoulême 1956, Société Préhistorique Française (Dir.), Paris, Société préhistorique française, p. 334-343.

84 1957 - Camps G., Compte rendu de «P. Mieg de Boofzheim - Grotte Peltier aux Tamaris : notes préliminaires, Libyca : Anthropologie Préhistoire Ethnographie, t. 5, p. 277-278.

85 1957 - Camps G., Compte rendu de «J. Desanges - Le triomphe de Cornelius Balbus (19 av. J.-C.), Libyca : Anthropologie Préhistoire Ethnographie, t. 5, p. 275-277.

86 1957 - Camps G., Compte rendu de «G. Germain - Qu’est ce que le périple d’Hannon ?», Libyca : Anthropologie Préhistoire Ethnographie, m

87 1958 - Camps G., Céramique nord-africaine et collections archéologiques, Bulletin de la Société préhistorique française, t. 55, p. 686-687.

88 1958 - Camps G., Le grand vase de Zouzoudinga : remarques sur une technique de décoration ancienne, Travaux de l’Institut de Recherches sahariennes, t. 17, p. 195-201.

89 1958 - Camps G., Compte rendu de «L. Balout - Algérie préhistorique», Revue africaine, t. 103, p. 162-164.

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317 1998 - Camps G., Les noms divins et les noms théophores chez les anciens africains, Bulletin archéologique du Comité des Travaux historiques et scientifiques (n.s.) - B : Afrique, t. 25, p. 138-140.

318 1998 - Camps G., Chaker S., Laporte J.-P., Deux nouvelles stèles kabyles au cavalier, Bulletin archéologique du Comité des Travaux historiques et scientifiques (n.s.) - B : Afrique, t. 25, p. 19-32.

319 1999 - Camps G., La Corse à l’Age du fer, in : Archéologie des Celtes. Mélanges à la mémoire de René Joffroy, Chaume B., Mohen J.-P., Périn P. (Dir.), Montagnac, Monique Mergoil, p. 29-40.

320 1999 - Camps G., Essai de cartographie culturelle : à propos de la frontière de Numidie et de Maurétanie, in : Frontières et limites géographiques de l’Afrique du Nord antique : hommage à Pierre Salama, Lepelley C., Dupuis X. (Dir.), Paris, Publications de la Sorbonne, p. 43-70 (Histoire ancienne et médiévale ; 56).

321 2000 - Camps G., Les haouanet : petits hypogées de l’Afrique du nord, in : L’ipogeismo nel Mediterraneo : origini, sviluppo, quadri culturali, Melis M.G. (Dir.), Sassari, Università degli Studi-Facoltà di Lettere e Filosofia, p. 139-184.

322 2000 - Camps G., Contribution de la cartographie à l’étude des phénomènes culturels berbères, in : Hommes et terres d’Islam : mélanges offerts à Xavier de Planhol, Balland D. (Dir.), Téhéran / Louvain, Institut français de recherche en Iran / Peeters, p. 377-390.

323 2002 - Camps G., Le cerf en Afrique, in : Ithyphalliques, traditions orales, monuments lithiques et art rupestre au Sahara : hommages à Henri Lhote, Le Quellec J.-L. (Dir.), Saint- Lizier, AARS / AFU, p. 75-82 (Cahiers ; 7).

Encyclopédie berbère

Volumes

324 1984 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère I : Abadir-Acridophagie, Aix-en-Provence, Edisud, p. 1-112.

325 1984 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère II : Ad-Aguh-n-Tahlé, Aix-en-Provence, Edisud, p. 113-270.

326 1986 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère III : Ahaggar-Ali ben Ghaniya, Aix-en-Provence, Edisud,, p. 269-448.

327 1987 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère IV : Alger-Amzwar, Aix-en-Provence, Edisud, p. 447-629.

328 1987 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère V : Anacutas-Anti-Atlas, Aix-en-Provence, Edisud, p. 631-791.

329 1989 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère VI : Antilopes-Arzuges, Aix-en-Provence, Edisud, p. 793-952.

330 1989 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère VII : Asarakae-Aurès, Aix-en-Provence, Edisud, p. 953-1095.

331 1990 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère VIII : Aurès-Azrou Addendum réédition Asura- Ahaggar-Ajjer, Aix-en-Provence, Edisud, p. 1097-1287.

332 1991 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère IX : Baal-Ben Yasla, Aix-en-Provence, Edisud, p. 1289-1449.

Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 375

333 1991 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère X : Beni Isguen-Bouzeis, Aix-en-Provence, Edisud, p. 1451-1601.

334 1992 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XI : Bracelets-Caprarienses, Aix-en-Provence, Edisud, p. 1603-1756.

335 1993 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XII : Capsa-Cheval, Aix-en-Provence, Edisud, p. 1757-1911.

336 1994 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XIII : Chèvre-Columnatien, Aix-en-Provence, Edisud, p. 1913-2067.

337 1994 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XIV : Conseil-Danse, Aix-en-Provence, Edisud, p. 2069-2222.

338 1995 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XV : Daphnitae-Djado, Aix-en-Provence, Edisud, p. 2223-2374.

339 1995 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XVI : Djaziya-Dougga, Aix-en-Provence, Edisud, p. 2375-2528.

340 1996 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XVII : Douiret - Eropaei, Aix-en-Provence, Edisud, p. 2529-2682.

341 1997 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XVIII : Escargotière-Figuig, Aix-en-Provence, Edisud, p. 2683-2837.

342 1998 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XIX : Filage-Gastel, Aix-en-Provence, Edisud, p. 2839-2993.

343 1998 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XX : Gauda-Girrei, Aix-en-Provence, Edisud, p. 2995-3148.

344 1999 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XXI : Gland-Hadjarien, Aix-en-Provence, Edisud, p. 3149-3304.

345 2000 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XXII : Hadrumetum-Hidjaba, Aix-en-Provence, Edisud, p. 3305-3462.

346 2000 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XXIII : Hiempsal-Icosium, Aix-en-Provence, Edisud, p . 3463-3618.

347 2001 - Camps G. (Dir.), Encyclopédie berbère XXIV : Ida-Issamadanen, Aix-en-Provence, Edisud, p. 3619-3782.

Notices

348 1984 - Camps G., Avertissement : être Berbère - Origines des Berbères - Les mécanismes de l’arabisation, in : Encyclopédie berbère I, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud, p. 7-48.

349 1984 - Camps G., Notices : Abadir - Abd el Salam - Abilar - Abigas - Abizar - Abu Hakim Yacub - Acridophagie, in : Encyclopédie berbère I, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

350 1984 - Camps G., Notices : Adebni - Adrar - Adrar des Iforas - Adrar de Mauritanie - Aethiopes - Afariq - Africanae - Agadir - Agellid - Aghmat, in : Encyclopédie berbère II, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 376

351 1986 - Camps G., Notices : Ahaggar (préhistoire) - Ahl al Kaf - Ailymas - Aïn Metterchem - Aïn Roua - Aïn Temouchent - Albulae - Akkar - tombeau - Akreijit - Akus, in : Encyclopédie berbère III, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

352 1987 - Camps G., Notices : Alger (préhistoire) - Alimentation des Paléoberbères - Allées couvertes (Kabylie) - Amalécites - Amazones - Amekni - Amergou - Ammon - Amour (Djebel), in : Encyclopédie berbère IV, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

353 1987 - Camps G., Notices : Andalouses (Les) - Ane - Animisme - Annaba (Hippo Regius) - Antalas - Antée, in : Encyclopédie berbère V, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

354 1989 - Camps G., Notices : Anzar - Aphther - Apiculture - Arabion - Aradion - Araire - Arganier - Armes (partie) - Art rupestre (partie) - Arzew, in : Encyclopédie berbère VI, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

355 1989 - Camps G., Notices : Ascalis - Aspis - Ateban - Athèna - Attelage - Aulisua, in : Encyclopédie berbère VII, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

356 1990 - Camps G., Notices : Aurès (préhistoire) - Autels - Auzia - Azib - Azriva, in : Encyclopédie berbère VIII, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

357 1991 - Camps G., Notices : Babor - Bacax - Baga - Baldir/Balidir - Ballene praesidium - Bavares - Bazinas - Bélier à sphéroïde, in : Encyclopédie berbère IX, Camps G. (Dir.), Aix- en-Provence, Edisud.

358 1991 - Camps G., Notices : Beni Messous - Beni Rhénan - Bisaltia - Bocchus - Bogud - Bou Alem - Bouclier, in : Encyclopédie berbère X, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

359 1992 - Camps G., Notices : Branès - Breshk - Bubalus antiquus - Buccures - Burnous, in: Encyclopédie berbère XI, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

360 1993 - Camps G., Notices : Capussa - Casablanca - Cercles de pierre - Cereres - Cerf - Chacal - Chars - Cheffia - Chettaba - Cheval, in : Encyclopédie berbère XII, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

361 1994 - Camps G., Notices : Croissant - Cubos - Cynophagie - Dahar - Da’i - Danse des cheveux, in : Encyclopédie berbère XIV, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

362 1994 - Camps G., Notices : Chouchet - Cinq - Cité - Citrus - Cochon - Colactation - Colombe - Columnata - Columnatien, in : Encyclopédie berbère XIII, Camps G. (Dir.), Aix- en-Provence, Edisud.

363 1995 - Camps G., Notices : Dar bel Ouar - Darbouka - Dasibari - Dattes / dattiers - Daya - Debdou - Demnat - Dépôts rituels - Deren - Devinettes - Diana veteranorum - Didon - Dieux africains et Dii mauri - Dioscures - Dir, in : Encyclopédie berbère XV, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

364 1995 - Camps G., Notices : Djaziya - Djedar - Djedi - Djellaba - Djerat - Djidiouïa - Djohala - Djorf Torba - - Dolmens - Dorsale tunisienne - Dougga, in : Encyclopédie berbère XVI, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

365 1996 - Camps G., Notices : Dromadaire - Ecriture - Edeyen - Edough - Egide - Egorgement - Ehen n - Fatima («Tente de Fatima») - Elassolithique - Ellès - Enfida - Enfous (El Richa, El Hamra) - Ennayer - Epée - Epipaléolithique - Equidiens, in : Encyclopédie berbère XVII, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

366 1997 - Camps G., Notices : Escargotières - Etoile - Faraxen - Fatimites - Fedala (Fadala, Al Muhammadiyya) - Fedj El - Koucha - Fennec (Fennecus zerda Zim.) - Fer (âge du) -

Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002 377

Feriana - Fès (Fas) - Fezzân (Phasania, Targa). Préhistoire et art rupestre du Fezzân - Figuig, in : Encyclopédie berbère XVIII, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

367 1997 - Camps G., Notices : Filfila - Firmus - Flissa / Iflissen - Forgerons : les forgerons du Maghreb - Foum Le - Rjam - Four - Foyer - Fraichich (Frechich) - Fudina - Fut (Oued Tensift) - Gabès - Gaia - Gastel, in : Encyclopédie berbère XIX, Camps G. (Dir.), Aix-en- Provence, Edisud.

368 1998 - Camps G., Notices : Gétulien - Gauda - Gharb (Rharb) - Ghadamès - Ghât (Rhat) - Ghorfa - Ghana - Ghaniya - Ghiata - Ghomâra (Ghumara, Ghmara) - Gibraltar - Gazelle - Genette - Giddaba (Mont) - Giri (Mont), in : Encyclopédie berbère XX, Camps G. (Dir.), Aix- en-Provence, Edisud.

369 1999 - Camps G., Notices : Gland (Abellud en kabyle) - Goraa (Djebel) - Gour - Gubul - Gudâla/Guezula - Gulussa - Gunugu - Gurzil - Hachereau - Hadiddou (Ayt) - Hadjar en - Nesr (Le Rocher du Vautour), in : Encyclopédie berbère XXI, Camps G. (Dir.), Aix-en- Provence, Edisud.

370 2000 - Camps G., Notices : Haouanet - Haouz - Hafsides - Haha (Ihahane) - Hammam Guergour - Hammam Meskoutine : Aquae Thibilitanae - Hammam ez Zouakra - Hammamet - Haos - Henchir (Anschir) - Hiarbas, in : Encyclopédie berbère XXII, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

371 2000 - Camps G., Notices : Ibéromaurusien - Hiempsal - Hilaliens - Hodna - Ibadites - Ibarissen - Ibn Battûta - Ibn Khaldoun - Ibn Toumart - Ichoukkâne, in : Encyclopédie berbère XXIII, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

372 2001 - Camps G., Notices : Iheren (ou Eheren) - Incinération - In Habeter / Messak - Inhumation, in : Encyclopédie berbère XXIV, Camps G. (Dir.), Aix-en-Provence, Edisud.

AUTEUR

MARCEAU GAST

Directeur de recherche honoraire au CNRS, ancien directeur du LAPMO

Préhistoires Méditerranéennes, 10-11 | 2002