DU COMMUNISME

XXr Congrès extraordinaire du P.C.F.

Rapport présenté par Discussion Intervention de Roland Leroy Résolution Documents ou COMMUNISME revue théorique et politique mensuelle du comité central du parti communiste français

DIRECTEUR

Léo Figuères

COMITE DE REDACTION

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REDACTION

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Georges Barau C.D.L.P. : 146, rue du Faubourg-Poissonnière, 75010 Paris Tél.: 526.11.03 XXr Congrès extraordinaire du P.C.F.

Union du peuple de France pour le changement démocratique

Vitry 24/27 octobre 1974

n° 11 novembre 1974 50* année

XXP congrès extraordinaire du p.c.f.

8 la portée politique du XXI' congrès, paul laurent 14 rapport du comité central au XXI' congrès extraordinaire, georges marchais 62 la discussion 93 les interventions non prononcées 97 l'actualisation des cotisations, georges gosnat 101 rapport de la commission de la résolution, roland leroy 110 résolution du parti communiste français 124 allocution de clôture, georges marchais 128 rapport de la commission des mandats, paul chastellain 132 une grande campagne d ’information (le bureau politique, 29 octobre).

documents

133 rencontre entre le parti socialiste unifié de berlin-ouest et le p.c.f. (19 septembre). — délégation du p.c.f. en bulgarie (20 septembre). — la grande portée des solutions proposées par le parti communiste (26 septembre). — communiqué commun du parti baas arabe socialiste (syrie) et du p.c.f. (27 septembre), après les élections législatives partielles (7 octobre). — rencontre consultative des partis communistes et ouvriers d'europe, communiqué final (18 octobre). 50® anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la france et l’union soviétique (28 octobre). — 57« anniversaire de la révolution d’ octobre (message du p.c.f. au p.c.u.s, 6 novembre).

maquette de la couverture : daniei marty

':.A . :. ■ ' la portée politique du XXi^ congrès

En prenant connaissance à tête reposée du rapport de Georges Mar ­ chais, de la résolution, du compte rendu de la discussion et des documents du XXI' Congrès extraordinaire du Parti communiste français, le lecteur des « Cahiers du communisme » ne peut manquer de ressentir l'importance considérable de l'événement. Extraordinaire, le Congrès l'était, non pas seulement par la proxi­ mité en date du XX' Congrès, mais surtout en raison de la situation nouvelle, totalement inédite qui a conduit à sa convocation. En quelques années, l'analyse et la stratégie des communistes ont été vérifiées de façon éclatante, dans la lutte, par les événements eux- mêmes : signature du Programme commun de gouvernement après huit ans de luttes opiniâtres, ratification de cette politique, de l'idée d'un gouvernement d'union démocratique à participation commu­ niste, par près de la moitié des électeurs français. A partir de là, une question se posait : comment préparer la victoire, le changement complet d'orientation politique du pays, l'application des réformes démocratiques profondes contenues dans le Programme commun. C'est à cette question brûlante qu'a répondu le XXI' Congrès, qu'ont répondu les communistes à la suite d'une discussion dont l'ampleur, la vivacité, la portée démocratique n'ont pu surprendre que ceux qui ne veulent pas voir, comme le disait Roland Leroy au Congrès, que dans notre Parti « chacun compte pour un ». Union du peuple pour le changement démocratique, tel était l'ordre du jour du XXI' Congrès, tel est le mot d'ordre central qui est sorti du Congrès, ceci ressort à l'évidence de tous les travaux de nos assises. Cependant, il n'est peut-être pas inutile pour le lecteur de dégager de la masse énorme des idées brassées par les cellules, par les conférences de sections et de fédérations, dans la tribune de discussion, aux séances du Congrès lui-même, quelques lignes de force qui ne visent pas à résumer un débat aussi vaste mais peuvent aider à s'y orienter.

8 PAUL LAURENT / LA PORTEE POLITIQUE DU XXI« CONGRES paul laurent

L'apport principal du Congrès se trouve probablement rassemblé autour de quatre problèmes ; l'approfondissement de la crise, la claire réaffirmation de la stratégie du Parti, les conditions du ren­ forcement et de l'élargissement de l'union, la nécessité d'un Parti communiste plus fort, plus influent et plus actif. Dès 1971, et les premiers, les communistes ont commencé à parler de la crise de la société française, à analyser cette crise. Les événe ­ ments nous ont donné raison. Aujourd'hui, c'est un lieu commun, y compris dans les milieux de la grande bourgeoisie, de parler de crise. Mais si la nature profonde du problème n'a pas changé, le centre de gravité de la bataille politique et idéologique s'est déplacé. Aujourd'hui, il ne s'agit pas de faire admettre l'existence d'une crise, tout le monde en est convaincu, il s'agit d'en situer les racines, les causes pour pouvoir déterminer les moyens de sortir de la situation. Aux thèses présidentielles et gouvernementales sur la fatalité, sur l'entrée dans l'ère de « l'imprévisible », le Congrès a opposé les ré ­ flexions antérieures du Parti confirmées et enrichies. La crise n'est ni mondiale, ni fatale, il suffit de voir ce qui se passe dans les pays socialistes. C'est la crise d'un système qui conduit à un extraordinaire gaspillage de nos ressources et de nos richesses nationales. Une petite minorité de nos possédants, à la recherche du maximum de profit à court terme, déplacent et stérilisent des masses énormes de capitaux. Il s'agit bien, comme l'a souligné le rapport de Geor­ ges Marchais, « d'une crise des structures actuelles de l'économie, du fonctionnement de ce système où s'interpénétrent étroitement la puissance des monopoles privés et celle de l'Etat, c'est-à-dire d'une crise du capitalisme monopoliste d'Etat. »

PAUL LAURENT / LA PORTEE POLITIQUE DU XXI CONGRES 9 La crise profonde, globale du capitalisme confirme entièrement les communistes dans la stratégie définie dans les XVII® et XVI11® Congrès et précisée après les grandes luttes de mai-juin 1968 dans le Mani ­ feste « Pour une démocratie avancée, pour une France socialiste » et par les Congrès qui ont suivi. Les communistes luttent pour un système social qui abolisse enfin l'exploitation de l'homme et mette la production au service du mieux-être de tous les membres de la société et du libre développement de chaque individu ; ils luttent pour le socialisme dont les idées ne cessent d'avancer dans notre pays comme dans le monde entier. Mais on ne peut gagner la majorité du peuple aux idées et à la lutte pour le socialisme qu'en menant de front deux efforts : convaincre la majorité de notre peuple de la nécessité d'une modification radicale des structures économiques et sociales, démontrer la possibilité d'ouvrir la voie au socialisme en se débarrassant du pouvoir antidémocratique actuel. La tâche à l'ordre du jour, l'étape indispensable c'est d'entamer la toute-puissance des monopoles, d'arracher l'Etat à leur emprise. Faire triompher la politique du Programme commun pour mettre en oeuvre les mesures sociales, les nationalisations démocratiques, l'extension des libertés et la démocratisation de la vie publique, la politique d'indépendance, de coopération et de paix qu'il propose ; telle est la réponse que donne le XXI® Congrès aux problèmes posés par la crise de la société française.

Les communistes luttent pour la victoire du Programme commun parce que sa mise en oeuvre représenterait pour les travailleurs, pour le pays, une issue positive à la crise et un profond changement démocratique, et parce qu'en même temps, ils estiment que l'appli ­ cation de ces réformes créerait des conditions favorables pour la marche de la France au socialisme. Mais, en tout état de cause, c'est la majorité du peuple qui décidera de la marche des événe ­ ments. C'est pourquoi, l'union à réaliser aujourd'hui ne concerne pas les seuls partisans du socialisme. Au-delà des forces unies sur le Programme commun, nous l'avons montré, des gaullistes et des réfor­ mateurs, des chrétiens, beaucoup de ceux qui n'ont pas encore rallié la gauche peuvent rejoindre notre combat. Toutes les victimes du grand capital doivent donner la priorité à leurs grands intérêts communs, à l'intérêt du pays en se rassemblant dans l'action en faveur du changement démocratique. De là le mot d'ordre d'union du peuple pour le changement démocratique. La nécessité de l'élargissement et du renforcement de l'union est un impératif majeur mis en lumière par le Congrès. Parler d'un rassemblement largement majoritaire, ce n'est pas évoquer l'addi ­ tion incohérente de tous les mécontentements, c'est aider à réaliser l'union consciente de tous ceux qui pâtissent de la situation actuelle, autour d'une perspective claire.

10 PAUL LAURENT / LA PORTEE POLITIQUE DU XXP CONGRES C'est d'abord unir et rassembler la force motrice de l'union : la classe ouvrière qui est, selon le mot d'Engels, « de plus en plus conduite à revendiquer l'utilisation des richesses et des forces pro ­ ductives pour toute la société et non comme aujourd'hui pour une classe monopoliste ». Elargir et renforcer l'union, c'est aussi la porter à une qualité nouvelle, c'est renforcer l'union des partis de gauche qui en est l'axe. Les communistes ont mis huit ans à faire triompher l'idée d'un programme commun de la gauche. Maintenant que ce programme existe, que nous sommes arrivés à un niveau qui permet d'entrevoir la possibilité de vaincre, il faut garantir la solidité des engagements. Les conditions dans lesquelles on nous attaque aujourd'hui du côté des forces de droite étaient prévisibles. Si les coups sont concentrés sur le Parti communiste, c'est la preuve que les forces réactionnaires considèrent qu'il est la colonne vertébrale de l'alliance de la gauche. Mais, ce qui a préoccupé le Congrès, c'est que certains comporte­ ments, certaines attitudes de nos alliés pouvaient concourir à faciliter une entreprise d'affaiblissement de l'union de la gauche et du Parti communiste français. De là, les trois questions posées devant l'opinion concernant l'atti ­ tude du Parti socialiste : à propos de son engagement sur le fond du Programme commun et dans l'action pour le faire triompher, de la clarté des alliances à réaliser, du contenu des rapports entre nos deux partis. Ces questions existent, les faits le démontrent, et elles doivent trouver réponse dans la vie, dans la lutte par l'intervention toujours croissante des travailleurs, des démocrates dans le combat pour le développement de l'union, qui est leur combat.

Tout au long du Congrès, au fur et à mesure que les délégués s'exprimaient à la tribune, à l'examen des milliers d'amendements au projet de résolution adoptés par les cellules, sections et fédéra ­ tions, une dernière idée essentielle a marqué nos assises : « Comme l'action du Parti communiste a été déterminante pour aboutir à la conclusion du Programme commun, elle l'est aujourd'hui et le sera demain pour que se consolide et s'étende l'union de la gauche, pour que se réalise l'union du peuple de France pour le changement démo­ cratique » Pour atteindre ce grand objectif, il faut un Parti communiste plus fort, plus influent, plus actif. Ce n'est pas le XXI' Congrès du Parti communiste français qui l'a décrété, c'est un des grands enseignements que les Français peuvent tirer de leur récente expérience. C'est en tout cas ce à quoi vont s'attacher de toutes leurs forces les communistes, les organisations du Parti dans les entreprises d'abord ; amélioration de la vie et de l'activité politique et idéologique des cellules, plus large diffusion de « l'Humanité », effort intense de

(1) Discours de clôture de Georges Marchais.

PAUL LAURENT / LA PORTEE POLITIQUE DU XXI CONGRES 11 recrutement, développement de la pensée collective et dimension nouvelle du travail d'éducation, nouvel essor de la vie démocratique du Parti, attention soutenue à la promotion des militants, autant de conditions nécessaires pour faire du Parti un parti de masse, jouant pleinement son rôle d'avant-garde, le grand parti révolutionnaire de notre temps. Au lendemain du XXP Congrès, les communistes sont lancés dans une large campagne pour en faire connaître les lignes de forces à des millions et des millions de Françaises et de Français. Pour cela, ils ont d'abord besoin d'en assimiler profondément les travaux et les canclusions essentielles. Le présent numéro des « Cahiers du commu­ nisme » est un des meilleurs instruments pour une telle réflexion.

12 PAUL LAURENT / LA PORTEE POLITIQUE DU XXI' CONGRES Un livre à mettre dans toutes les mains

Le Parti communiste propose

• Union • Programme commun • Socialisme

Prix : 3 Francs rapport du comité central au XXI^ congrès extraordinaire

Camarades, Le XX= Congrès de notre Parti s’est tenu en décembre 1972. Selon nos statuts, le Congrès suivant aurait donc dû se tenir en décembre 1975. Pourquoi le Comité central a-t-il jugé nécessaire d ’avancer cette date et de réunir un Congrès extraordinaire ? Parce que nous nous trouvons en France dans une situation politique nouvelle, caractérisée avant tout par la montée du mouvement populaire en faveur d ’un changement politique, économique et social profond. Cette situation pose deux questions capitales, étroitement liées. Premièrement: comment parvenir à faire triompher ce changement? Deuxièmement: quel doit être le rôle de notre Parti dans cette bataille? Sur la base du projet de résolution, une riche et large discussion s’est déroulée dans tout le Parti. Les communistes ont fait part de leurs réflexions, de leurs remarques, de leurs interrogations. Nous nous féli ­ citons d ’un tel débat qui traduit sans aucun doute une élévation du niveau politique du Parti dans son ensemble. Certains de ceux qui nous observent semblent découvrir qu’au Parti communiste, on discute. Eh bien oui, le Parti communiste est un grand parti démocratique. L’échange des idées y est totalement libre. Comme nulle part ailleurs, la définition de la politique et des tâches du Parti fait l’objet d ’une discussion approfondie à laquelle chaque adhérent peut prendre part. Notre Congrès a pour tâche de faire le bilan de cette discussion et de traduire dans la résolution qui sera adoptée les réponses précises que notre Parti apporte aux questions posées.

I. LES CONDITIONS DU CHANGEMENT DEMOCRATIQUE EXISTENT la montée du mouvement populaire

Lors de notre XX' Congrès, voici moins de deux ans, nous soulignions que nous étions entrés dans une période d ’aiguisement et d’ extension

14 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL georges marchais

de la lutte des classes, dans une période de montée du mouvement populaire contre les conséquences néfastes de la politique du grand capital et de son pouvoir, pour des changements démocratiques profonds.

l’élection présidentielle

Les faits survenus depuis lors le confirment avec force. Le plus signi­ ficatif d ’entre eux a été le résultat de l’élection présidentielle: le 19 mai 1974, treize millions de Français et de Françaises, soit plus de 49% des électeurs, se sont prononcés pour un changement complet d’ orientation politique, pour une politique nouvelle fondée sur les objectifs et les réformes définis par le Programme commun de la gauche. La droite ne parvenait à l’emporter de justesse qu’en déclenchant une formidable campagne de dénigrement et de calomnies contre ce pro­ gramme et contre notre Parti. Il lui fallut aussi rassembler toutes ses forces, faire appel à toutes ses «réserves», au nombre desquelles M. Lecanuet et les politiciens «centristes». Le mécontentement des larges masses, leur aspiration au changement étaient si forts que le candidat Giscard d ’Estaing se voyait contraint de s’en réclamer et de se livrer à une démagogie effrénée. Un nombre important d ’hommes et de femmes ont ainsi voté pour lui en croyant voter pour le changement. Le nouveau pouvoir giscardien aggravant rapidement les difficultés d ’exis­ tence du plus grand nombre des Français, la montée des mécontente­ ments et la volonté de changement ont encore grandi ces derniers mois.

les luttes revendicatives

La contradiction fondamentale de notre société, celle qui oppose le travail et le capital, s’est aiguisée et se traduit d ’une part par une extension des actions de la classe ouvrière, de l’ensemble des salariés, revêtant des formes originales et recevant l’appui des larges couches de la population, d’ autre part par l’apparition de revendications nouvelles d ’une portée nouvelle. Ces actions ont permis d ’imposer au patronat et au pouvoir un certain nombre de reculs et de concessions.

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 15 Il ne fait aucun doute que face à la hausse incessante des prix, au développement du chômage, ces luttes pourle maintien et la pro­ gression du pouvoir d ’achat, pour l'emploi, pour la défense des condi ­ tions de vie et de travail des Français vont non seulement se poursuivre, mais connaître de nouveaux développements. Il faut relever que, de plusen plus souvent, ces luttes revendicatives mettent immédiatement en cause l'orientation de la politique du pou­ voir, voire les structures économiques du pays. Lorsque les travailleurs de Titan-Coder luttent pour le maintien en activité de l’entreprise, lors­ que les travailleurs luttent pour le paquebot «France» ou pour l’avion « Concorde », ils ne luttent pas seulement pour la sauvegarde de leur emploi mais aussi pour la sauvegarde du potentiel productif national j ils contestent que la loi du profit maximum pour le grand capital doive dicter les décisions économiques du pouvoir; ils proposent des solutions qui impliquent la mise à la raison des monopoles. Il faut relever également que non seulement les luttes des salariés sont menées en général de façon unitaire, mais aussi que le contenu même de cette unité présente un caractère nouveau. Les travailleurs et leurs organisations syndicales mettent plus fortement l’accent sur le fait que l’unité doit se renforcer pour imposer les changements fonda­ mentaux nécessaires, les réformes profondes préconisées par la gauche. En bref, la combativité de la classe ouvrière et, avec elle, de la masse des employés, d ’un nombre croissant de cadres et techniciens, dans la défense de leurs conditions de vie et de travail, va de pair avec une élévation du niveau de la conscience politique de ces salariés. Dans le même temps, d’ autres couches sociales, victimes de la politique du grand capital, engagent des luttes d ’une ampleur et d ’une portée nouvelles. C’est le cas en particulier des paysans. Les luttes des paysans contre la détérioration constante que subit leur revenu par suite de l’augmentation des produits industriels et de l'insuf­ fisance de certains prix agricoles à la production entraînent la grande masse des agriculteurs. Les revendications avancées par les agriculteurs mettent de plus en plus clairement en cause la politique agricole du pouvoir. Ils refusent de laisser le gouvernement se réfugier derrière une politique communautaire dont l’orientation est radicalement contraire à leurs intérêts et exigent de lui qu’il prenne des mesures nationales répondant à leurs besoins et aux besoins de l’agriculture française.

une grande force d’attraction

Au plan proprement politique, le développement des luttes de classe et l’élévation du niveau de conscience se sont traduits par la consoli­ dation de l’union des partis de gauche. Cette union, rappelons-le, s’est réalisée sur la base d ’un programme commun de gouvernement au contenu économique et social avancé, prévoyant des réformes décisives des structures^e la société française, qui vont dans le sens de celles qu’avait préconisées un an plus tôt notre propre programme. Son exis­ tence, la réponse qu’il apporte à la crise qui affecte notre pays, le ralliement à ses grandes orientations de treize millions de Français, le rôle de ciment de l’union des forces populaires qu’il joue, voilà le grand fait qui domine la vie politique française. Depuis sa signature, à l’occasion de l’élection présidentielle et après cette élection, de nouvelles forces ont apporté leur soutien aux solu­ tions avancées par le programme commun. D’autres leur manifestent

18 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL un intérêt d ’autant plus compréhensible que l’aggravation de la crise souligne leur actualité et leur validité. Sur cette base, l’union de la gauche a progressé. Elle apparaît comme une grande force d ’attraction pour les plus larges masses. Il est également caractéristique de l’élévation de la bataille politique qu’au cours des luttes de la dernière période on enregistre un rejet de plus en plus net de l’aventurisme gauchiste, ce qui ne retire rien à la nécessité pour les communistes et pour l’ensemble des démocrates de poursuivre le combat politique afin de soustraire à son influence ceux des travailleurs et des jeunes qu’il peut berner par sa phraséologie et jeter dans l’impasse ou la provocation. Par ailleurs, l’audience du socialisme a grandi. L’anticommunisme a cédé du terrain, ce qui ne signifie nullement qu’il a disparu. Il reste, sous des formes sans cesse renouvelées, une arme privilégiée de la grande bourgeoisie pour tenter d’ empêcher l’union la plus large contre sa politique. Dans toutes ces évolutions, notre Parti peut se féliciter d’ avoir joué un rôle décisif. Grâce à sa juste analyse de la crise, à son effort pour développer l’action des masses et unir les forces populaires, à ses propositions constructives pour résoudre les problèmes qui assaillent les Français, à sa riposte offensive à l’anticommunisme et à l’antisoviétisme, il a contribué pour une large part à l’élévation du niveau de conscience et de la combativité des travailleurs, des masses populaires. Dans ces conditions, la politique et les objectifs de notre Parti — qu’il s’agisse des changements démocratiques à l’ordre du jour ou de la France socialiste que nous voulons construire — l’efficacité et la loyauté de notre lutte unitaire sont devenues plus claires pour un nombre plus grand de Français.

la politique du pouvoir du grand capital enfonce le pays dans la crise

Le développement des luttes de classe et du mouvement populaire — ou pour parler en termes plus électoraux la « poussée à gauche » — trouve l’une de ses sources dans la situation économique et sociale de la France. C’est maintenant une vérité d ’évidence: notre pays est en crise.

de quelle crise s’ agit-il ?

Mais si les représentants du pouvoir et des grandes affaires sont aujour­ d ’hui contraints de l’admettre, ils tentent d ’en masquer les véritables causes, la véritable nature. De quelle crise s’agit-il? Crise du pétrole, crise de l’énergie? Non! Crise de civilisation qui impliquerait le passage d ’une ère d ’abondance à une ère de pénurie ? Non plus. Dès les années 1969-1970, tirant notamment les leçons du grand mou­ vement de mai-juin 1968 et approfondissant son analyse du capitalisme

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 17 actuel, notre Parti affirmait que nous nous trouvions en présence, non pas d'une simple crise de conjoncture, mais d ’une crise profonde. Dans un article de . l’Humanité » paru en juin 1971, nous affirmions qu’à cette période de crise dans laquelle entrait la société française pouvait s’appliquer la définition générale donnée par Lénine lorsqu’il écrivait qu’il s’agit • d ’une période où apparaissent les symptômes que la situation ne peut plus continuer comme auparavant... où les pro­ blèmes d ’un système se sont développés au point qu’ils doivent trouver une nouvelle réponse ». En d ’autres termes, la crise que connaît notre pays s’exprime dans le fait que ce sont les mécanismes mis en place, les moyens mis en œuvre par le grand capital qui se dérèglent, se « grippent » au point de mettre en cause la réalisation de l’objectif auquel ils étaient destinés. Il en est ainsi de l’inflation et de la hausse des prix. Les monopoles capitalistes recourent systématiquement à la hausse des prix. Ils peu­ vent ainsi élargir leurs profits, faire pression sur le pouvoir d’ achat des travailleurs, déprécier les économies des épargnants. Ils se livrent de plus à une spéculation qui touche les domaines les plus variés. L’Etat se met à leur service et favorise l’inflation en leur accordant des crédits démesurés et des faveurs de toutes sortes, en augmentant lui-même les tarifs publics supportés par les masses populaires. Mais l’inflation a pris aujourd ’hui une ampleur et une intensité telles qu’elle contribue à désorganiser le système monétaire international du capital, à exacerber la concurrence entre les grandes firmes des différents pays, à accentuer les luttes des différentes couches sociales qui en sont les victimes. Il en est de même de la course à la productivité dans laquelle les monopoles à base française ont battu des records, accumulant des profits importants. Aujourd’hui, la surexploitation des travailleurs atteint les limites du supportable, au point de mettre en cause dans certains cas la réalisation du taux maximum de profit, car elle est source d ’absentéisme, d ’accident, de baisse de la qualité des produits. Ce fait conduit le grand patronat à rechercher des méthodes plus raffinées d ’exploitation. Par ailleurs, la production de masse se heurte aux limites du marché comprimé par la stagnation ou la baisse du pouvoir d ’achat des travailleurs. De plus, la fabrication de produits fragiles, vite usés, la multiplication artificielle de certains produits appuyés par le matra­ quage publicitaire ne peuvent plus se poursuivre maintenant dans les mêmes conditions de rentabilité. On pourrait parler encore de l’urbanisme sauvage, anarchique, qui a été l’occasion de profits énormes, et dont les Français supportent aujour­ d ’hui les conséquences dans la mauvaise qualité de l’habitat, l’éloi­ gnement du lieu d ’habitation par rapport au lieu de travail, la dégra ­ dation du cadre de vie, la pollution des villes. La crise n’est pas seulement économique. Elle est politique, morale et idéologique. Elle est aussi culturelle. La pénurie, l’autoritarisme, l’incroyable gâchis de talents, d ’énergies, de dévouement, ainsi que la prolifération de productions commerciales dictées par la seule recher­ che du profit sont indignes de la France et du rayonnement de sa culture. En bref, la crise est globale. La vie confirme à ce propos les analyses de nos précédents congrès. Nous en sommes arrivés au point où l’accumulation, la suraccumulation d ’énormes capitaux entre les mains d ’une mince aristocratie de gros financiers et industriels a des conséquences désastreuses sur la vie du pays. Elle est la cause d ’un extraordinaire gaspillage de nos ressources et de nos richesses nationales.

18 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL qui sont les gaspilleurs?

Les dirigeants du pays sont partis en guerre contre «les gaspillages, dont se rendraient coupables les Français, accusés d ’avoir, en quelque sorte, trop bien vécu. De la part des représentants des privilégiés de la fortune, il y a de l’indécence à s’adresser ainsi aux travailleurs et à leurs familles dont la vie est si dure. Ils font preuve d ’un cynisme incroyable, car ils n’ignorent pas que pour les travailleurs des villes et des champs, pour les Français dans leur masse, la société d ’abon­ dance n’est qu’un slogan vide de signification. Peut-on parler d ’abondance quand, selon les statistiques officielles, une famille de deux enfants dont le père est ouvrier qualifié et dont la mère ne travaille pas dispose en moyenne par mois de 560 francs par personne, allocations familiales comprises et impôts déduits. Pour le même ménage dont la femme travaille, ce qui implique de nombreux frais supplémentaires, ce chiffre monte à 840 francs. Il descend à 280 francs pour un ménage de cinq enfants dont le père est O.S. De juillet 1968 à juillet 1974, le pouvoir d ’achat d ’une famille d ’ouvrier de deux enfants a baissé de 3,8 % en prenant pour base l’indice de la G.G.T. En vérité, pour la majorité des travailleurs, ce n’est pas l’abondance mais bien l’austérité permanente. Pour leur part, les agriculteurs ont vu, de 1964 à 1974, la valeur de leur production commercialisée croître de 30% tandis que le coût de leurs charges d’ exploitation augmentait de 58,3 %. De nombreux autres travailleurs salariés ou indépendants subissent à des degrés divers le poids grandissant des impôts, des intérêt bancaires à rembourser, des charges de toutes sortes. En somme, les Français dans leur masse produisent toujours plus, tra ­ vaillent dur mais ne bénéficient pas des fruits de leur activité. Ils vivent plus mal parce que l’écart entre leurs besoins réels et leurs moyens d’ existence grandit. Les gaspilleurs, ce ne sont donc pas eux. Les gaspilleurs, ce sont ceux qui possèdent les ressources principales du pays et détournent à leur profit l’essentiel des richesses produites par la nation, c’est-à-dire les grandes sociétés financières et indus ­ trielles. Leurs gaspillages sont innombrables. Citons quelques exemples: - Gaspillages des forces productives humaines tout d ’abord. On compte en France 534 000 demandeurs d ’emplois recensés. Le chif­ fre réel est certainement supérieur. 125 000 jeunes de 16 à 25 ans sont chômeurs. Plus de la moitié de ceux qui sortent de l’école mettent plus de six mois pour trouver un premier emploi. Et encore, pour y parvenir, des diplômés de l’Université se font manœuvres. Quel poten­ tiel est ainsi gaspillé! Combien d ’espoirs sont ruinés au mépris des intérêts du pays? Les cadences de travail sont telles qu’on voit maintenant des salariés de 35 à 40 ans considérés comme trop vieux. L’usure rapide des capa­ cités est aussi un gaspillage. Et que dire des accidents du travail en augmentation constante. En 1973, 1 125 000 accidents ont coûté 124 millions de journées perdues, soit l’équivalent de plus de 500 000 chômeurs pendant un an. Aux souffrances et aux vies gâchées qui en ont résulté, il faut ajouter qu’ils ont entraîné 800 milliards d’ anciens francs d ’indemnisation. L’éloignement accru entre le lieu d ’habitation et le logement, dû à une

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 19 politique qui < déporte » les travailleurs vers de lointaines banlieues, pour réaliser de fructueuses opérations immobilières dans les quartiers bien situés, cet éloignement est aussi source de gaspillage. On a calculé que dans le seul département du Val-de-Marne, ces déplacements repré­ sentent une perte annuelle de temps de 100 millions d ’heures, ce qui équivaut environ à la durée annuelle du travail de 50 000 personnes. Et on fait abstraction de la fatigue occasionnée et de l’argent dépensé au cours de ces déplacements absurdes. - Gaspillage dans l’utilisation de l’appareil de production ensuite. Des puits de mine de charbon qui ont été creusés il y a quelques années, comme à Saint-Avold, n’ont jamais été mis en service. D’autres ont été fermés alors que des dizaines de milliards sont dépensés par Usiner pour acheter une mine américaine dont la production est de même type. La centrale thermique de Bouchain conçue pour l’utilisation du charbon a été réaménagée l’an passé pour fonctionner au fuel. Coût: 15 milliards d ’anciens francs. - Gaspillage ou plutôt pillage des fonds publics encore. L’Etat a versé 52 milliards d’ anciens francs à la firme Dassault pour la construction de l’avion Mercure. Mais comme il ne trouvait pas acheteur, l’Etat a alors subventionné Air Inter pour la somme de 12 milliards et demi d ’anciens francs afin que cette société achète l’avion de M. Dassault. Chaque année, des dizaines de milliards d ’anciens francs sont dépensés par l’Etat pour des études en vue de fabrications militaires qui ne voient jamais le jour. Il y a mieux ou plutôt pire. Tous les experts s’accordent à dire que l’Etat est particulièrement libéral avec les grosses sociétés qui fournissent les marchés publics. Les excédents de marges bénéficiaires ainsi obtenus sont estimés au moins à 10 ou 15%. Une étude montre que la perte qui en résulte pour l’Etat est au moins de 700 milliards d ’anciens francs, c’est-à-dire près de cinq fois la valeur des économies que le gouvernement veut imposer aux Français en restreignant les livraisons de fuel domestique. Selon une étude sérieuse, en 1972, l’Etat a accordé sous des formes diverses plus de 5 000 milliards d’ anciens francs de cadeaux aux grosses sociétés privées que celles-ci utilisent à leur gré, souvent pour exporter à l’étranger, spéculer sur les monnaies ou réaliser des opérations sans intérêt pour le pays. Cette somme représente une fois et demie le montant annuel de l’impôt sur le revenu des salariés. On pourrait encore parler des dizaines de milliers de logements neufs inoccupés parce que trop chers, des 600 000 tonnes de fruits et légumes détruits au cours de ces dernières années, de constructions scolaires et autres équipements réalisés dans de si mauvaises conditions qu’à peine achevés leur entretien entraîne déjà des dépenses consi­ dérables quand ne se produisent pas des accidents tragiques. En définitive, la crise actuelle trouve sa cause profonde dans le fait que les richesses créées par le travail des Français sont mal utilisées, accaparées par une petite minorité de gros possédants qui, à la recherche du maximum de profit à court terme, dilapident ou stérilisent des masses énormes de capitaux. Il s’agit bien d ’une crise des structures actuelles de l’économie, du fonctionnement de ce système où s’interpénétrent étroitement la puissance des monopoles privés et celle de l’Etat, c’est-à-dire d ’une crise du capitalisme monopoliste d ’Etat.

20 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL il n’y a pas de crise dans les pays socialistes

C’est si vrai qu’actuellement les pays socialistes ne connaissent pas de crise. Chez eux, il n’y a pas de chômage, pas de ralentissement de la croissance économique. Le plus souvent ils manquent de main-d'œuvre. Les prix sont en moyenne stables. Ils ne bougent pas en Union Soviétique. Ils ont un peu baissé en Tchécoslovaquie, augmenté de 1% en R.D.A., de 3,5 % en Hongrie. Et dans le même temps, dans tous les pays socialistes, l’augmentation des revenus a permis une progression réelle du pouvoir d ’achat des travailleurs. Il n’y a naturellement aucun rationnement du chauffage. Sans doute, ici ou là quelques hausses des produits pétroliers ont eu lieu. Mais souvent, dans le même temps, des mesures ont été prises pour que la population n’en subisse pas les conséquences. En Tchécoslovaquie, la hausse du prix de l’essence s’est accompagnée d ’une diminution des taxes appliquées aux automobiles fabriquées dans le pays. D’une manière générale, les problèmes de l’énergie sont résolus sans à-coup, grâce à une utilisation rationnelle du potentiel national, à une planification efficace, à la coopération entre les pays socialistes, à la conclusion d ’accords mutuellement avantageux avec les pays producteurs. La progres­ sion du niveau et l’amélioration de l’ensemble des conditions de vie des masses populaires se poursuit régulièrement. Le socialisme est ainsi en train d ’apporter une preuve éclatante de son aptitude à résoudre les problèmes du monde moderne alors que le capitalisme en est incapable.

de mansholt à Chirac

Dans les conditions qui lui sont propres, notre pays dispose aussi des moyens nécessaires pour assurer sa prospérité et un bien-être croissant de sa population. Comment croire que pour un pays hautement développé comme le nôtre, dans le dernier tiers du XX' siècle, alors que les sciences et les techniques font des pas de géants, il n’y ait d ’autre perspective que le rationnement, l’austérité, la pénurie. C’est absurde. On nous dira: mais l’énergie va manquer! Non, c'est une fable destinée à ressusciter les vieilles peurs de l'an 1000. Sans doute faut-il éliminer les véritables gaspillages dont je viens de montrer la nature. Mais cela dit, l’énergie n’est pas près de manquer. Un seul fait: la commission économique de l’O.N.U. pour l’Europe vient de faire une étude qui montre que les seules réserves charbonnières connues et exploitables du globe peuvent assurer les besoins en énergie pendant 400 ans. On dira encore: mais le pétrole est devenu extrêmement cher! Nous l’avons dit et nous le répétons, il s’agit là d ’une énorme mystification. En prenant des mesures légitimes pour compenser la détérioration des termes de l’échange et récupérer leurs richesses nationales, les pays producteurs ne lèsent pas les intérêts des travailleurs et des peuples des pays développés. Tous les spécialistes de bonne foi s’accordent à le reconnaître: dans notre pays, l’augmentation du prix du pétrole brut n’intervient, dans les conditions actuelles, que pour 4% dans une hausse des prix avoisinant 18%. De plus, si la part perçue par les pays producteurs sur le prix du pétrole est de 28%, celle des compagnies pétrolières est de 34%

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 21 et celle du fisc de 37%. Il est donc parfaitement possible de faire supporter aux trusts pétroliers les charges nouvelles sans incidence pour la population. C’est d ’autant plus justifié que les travailleurs n’ayant pas bénéficié du pétrole bon marché n’ont pas à faire les frais de son augmentation. En vérité, le pouvoir et le grand patronat utilisent aujourd ’hui le prétexte pétrolier pour tenter de faire supporter et si possible accepter aux travailleurs, aux masses populaires, les conséquences de la crise de leur propre système, de leur propre politique. A l’appui de cette affirmation, je veux rappeler un fait. Le 4 avril 1972, dans la campagne du référendum sur l’Europe, c’est-à-dire bien avant l’augmentation du prix du pétrole, notre Parti dévoilait l’existence du Plan de M. Sicco Mansholt. Prenant à l’époque comme prétexte un prétendu excès de la population et de la consommation de chacun, ce plan fixait trois objectifs : freiner la croissance économique ; obtenir un net recul du bien-être matériel de chacun ; réaliser une intégration complète des pays ouest-européens au mépris des souverainetés nationales. Nous opposant à ceux qui prétendaient qu’il s’agissait là des idées personnelles d ’un technocrate irresponsable, nous avons dit: «Les Français ont appris à prendre au sérieux les mises en garde des communistes ». Tout montre aujourd ’hui qu’une fois encore, nous avions raison. Car, si le prétexte a changé, ce sont bien les mêmes objectifs que poursuit la politique du pouvoir giscardien.

la politique de m. giscard d’estaing

Il faut le souligner, cette politique n’est pas nouvelle. Notre XIX' Congrès, tenu en janvier 1970, avait mis en lumière que le grand capital et son pouvoir, confrontés au développement de la crise de son système, s’engageaient dans une nouvelle étape de leur politique. Celle-ci avait essentiellement pour but d’ assurer à une poignée de grandes sociétés capitalistes la possibilité de tenir leur place dans la lutte acharnée que se livraient à l’échelle du monde capitaliste les potentats de la finance et de l’industrie. Ses moyens étaient: l’exploitation renforcée des travailleurs; la concentration accélérée de l’économie; le drainage accentué des ressources nationales au bénéfice de ces grandes sociétés ; la mise à leur disposition de tous les moyens de l’Etat, notamment en vue de favoriser l’exportation ; la tendance à une collaboration plus poussée avec les autres puissances capitalistes. Cette politique avait pour conséquence l’abandon de secteurs entiers de notre économie à la domination du capital étranger. Bien loin de porter remède à la crise, elle n’a fait que favoriser son aggravation. Or, le pouvoir de Giscard d ’Estaing non seulement poursuit cette même politique, mais en accentue tous les traits négatifs. Contraint à quelques reculs et adaptations secondaires, M. Giscard d ’Estaing s’est dans le même temps livré à une sorte de comédie à grand spectacle visant à donner de son pouvoir une image agréable, proche du peuple. Mais les Français, soucieux des graves problèmes du pays, n’ont pas apprécié ces jeux. Il est aujourd ’hui possible de mesurer les limites plus qu’étroites d ’un

22 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL réformisme qui laisse intacte la domination des féodalités de l’argent. Une telle politique ne peut rien changer, rien résoudre. En fait, faisant de nécessité vertu, le pouvoir s’est efforcé de créer un terrain favorable à une accentuation brutale de la politique du grand capital, à un effort nouveau pour rejeter sur les travailleurs et le peuple les conséquences de la crise qui s’aggrave. Les nouvelles attaques contre la Sécurité sociale en sont un exemple. Le projet de résolution définit clairement les grands traits de cette politique. Elle se différencie de la précédente simplement par le fait qu’elle apporte un soutien plus ample et plus sélectif encore à quelques grandes firmes multinationales, qu’elle est plus dure encore pour les travailleurs des villes et des campagnes et pour leurs familles, plus néfaste encore pour les intérêts nationaux.

le devoir national et la justice sociale commandent de dire non

En vue de permettre l’application de cette politique, le pouvoir s’efforce d’ élargir sa base sociale et politique étroite. Il développe une campagne idéologique d ’une rare intensité. Il multiplie les efforts pour créer un terrain propice à la mise en œuvre de nouvelles formes de collaboration de classes. Mais les chances de succès de ces efforts sont si minimes que le pouvoir, sous le masque d ’un faux libéralisme, s’attache surtout à renforcer son caractère autoritaire, qui va de pair avec un nouveau développement de l’anticommunisme et de l’antisoviétisme. Dans cette situation, notre Parti ne doit rien négliger pour faire la clarté sur les causes réelles de la crise, pour appeler les travailleurs, les larges masses populaires à refuser les sacrifices que le pouvoir veut leur imposer. Car accepter cela, ce serait alimenter le gouffre sans fond des profits des milliardaires, ce serait favoriser le gâchis. Le devoir national, en même temps que la justice sociale, commandent de dire non. Ils commandent d ’agir pour faire prévaloir les solutions réelles, sérieuses et efficaces que notre Parti propose pour endiguer l’inflation, résorber le déficit de la balance des paiements, sauvegarder le niveau de vie et de l’emploi. Mais s’il est vrai que des reculs peuvent encore être imposés au pouvoir dans les différents domaines, s’il est indispensable d’ organiser à cette fin l’action populaire, il est non moins vrai que la politique actuelle ne peut pas résoudre les problèmes du pays. Elle est au contraire porteuse de difficultés graves pour notre peuple, de dangers sérieux pour la démocratie. Elle ne peut qu’enfoncer le pays dans la crise puisqu’elle vise à perpétuer la cause profonde de celle-ci, c’est-à-dire la domination sans partage du grand capital.

la politique du pouvoir à contre-courant de révolution internationale

Le divorce entre la politique du pouvoir et les besoins de notre pays et de notre temps n’est pas moins flagrant en matière de politique inter­ nationale.

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 23 Faisant à notre XX' Congrès le bilan des événements survenus dans le monde, nous disions qu’on peut parler « d ’un tournant qui s’annonce dans la situation internationale... un tournant vers la détente, vers la coexistence pacifique, vers la sécurité des peuples ». Les événements survenus depuis confirment qu’il s’agit bien là de la tendance principale de l’évolution internationale.

les progrès de la coexistence pacifique

Des accords spectaculaires conclus dans les années 1971-1972, nous sommes passés à une progression plus «quotidienne» de la détente internationale, de la coexistence pacifique. Celle-ci entre dans la vie. Contraint de reconnaître l’existence du socialisme, l’impérialisme est conduit à développer ses relations avec lui. Les rencontres entre chefs d ’Etat se font plus nombreuses et régulières. Les accords s’appliquent peu à peu. La coopération progresse. Les grandes conférences en cours, notamment la Conférence européenne pour la sécurité et la coopération en Europe, ont fait des pas en avant. La vie internationale change peu à peu de visage.

le système socialiste mondial

Le facteur décisif sur lequel se fonde cette évolution, c’est l’existence et l’action du système socialiste mondial. Il est pour le moins curieux que des hommes de gauche qui s’affirment pour le socialisme, mécon­ naissent ce fait essentiel, et vont même jusqu’à nier l’existence du socialisme. C’est aller à contre-sens des nécessités de la lutte pour un changement réel dans notre pays. Après avoir résolu pour toujours de grands problèmes humains comme ceux de la misère, de la faim, de l’ignorance, du chômage, de l’oppression sociale et nationale, le socialisme fait la preuve de sa supériorité dans la solution des problèmes du développement le plus moderne. II permet l’essor harmonieux de l’économie, le progrès social et culturel du peuple, la participation et l’initiative sans cesse plus larges des masses, le développement de la démocratie, la coopération internationale dans le respect de la souveraineté et des intérêts nationaux. Les pays socialistes, et en premier lieu l’Union Soviétique qui poursuit résolument l’appli ­ cation des décisions de son XXIV” Congrès, mettent en œuvre une politique conséquente de paix et de coexistence pacifique.

les luttes dans les pays capitalistes

Un autre facteur qui joue puissamment en ce sens, c’est l’extension des luttes de la classe ouvrière et des peuples des pays capitalistes. A cet égard, nous avons toujours souligné que la coexistence pacifique, loin de signifier le statu quo social, favorise au contraire la lutte des peuples pour la liberté, la démocratie, le socialisme. Les événements de la dernière période le vérifient de manière particulièrement signifi­ cative. L’aube de la liberté s’est levée au Portugal après un demi-siècle de ténèbres fascistes. Le peuple portugais, uni au Mouvement des forces armées, se fraie une voie originale vers la démocratie et le progrès social. En Grèce, la dictature honnie des colonels s’est effondrée

24 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL et des perspectives nouvelles peuvent s’ouvrir aux forces démocratiques. Dans les pays capitalistes industrialisés, la classe ouvrière refuse le plus souvent de faire les frais de la crise. Ses actions gagnent en ampleur, en intensité et en unité. Elles prennent en compte les revendications salariales, la défense et la garantie de l'emploi, mais aussi les conditions de travail et de vie. Elles tendent à remettre en cause la tutelle écrasante des monopoles et des sociétés multinationales, à se fixer des objectifs de refonte démocratique de la société. Sur le plan politique, la pratique et l’idéologie de la collaboration de classes tendent à régresser. C’est ainsi qu’en Grande-Bretagne, le Parti travailliste, sous la poussée des masses, a été conduit à présenter au pays un programme plus à gauche, sur la base duquel il a obtenu la majorité. Evidemment, c’est maintenant l’affaire des travailleurs britan ­ niques d ’en obtenir l’application. De larges possibilités d ’union se font jour, sur le plan national comme sur le plan international. Ces faits soulignent l’importance que revêt la Conférence des Partis communistes et ouvriers d ’Europe capitaliste qui s’est tenue à Bruxelles en janvier dernier. Tout confirme le bien-fondé de ses travaux, la portée de ses conclusions et de son appel à l’union des forces ouvrières et démocratiques pour une Europe indépendante et pacifique, pour l’Europe des travailleurs. Ainsi, par son action le mouvement ouvrier et démocratique des pays capitalistes contribue à l’établissement et à la consolidation de la coexistence pacifique, et tire de celle-ci des moyens pour progresser lui-même.

le mouvement de libération nationale

Il en est de même du mouvement de libération nationale. Avec l’accession à l’indépendance des peuples de Guinée-Bissao, du Mozambique et bientôt de l’Angola, le dernier grand empire colonial s’effondre. Dans le même temps, le mouvement de libération nationale est entré dans une nouvelle phase de son histoire, celle de la lutte pour l’indé­ pendance économique sans laquelle il ne saurait y avoir de souveraineté véritable et durable. Les mesures légitimes prises par les pays produc­ teurs de matières premières portent un coup à la politique néo­ colonialiste des grandes puissances capitalistes. Dans les jeunes Etats progressistes, elles vont aider à résoudre les gigantesques problèmes du sous-développement légués par des décennies, voire des siècles de pillage colonial. Elles sont donc orientées contre le système de domi ­ nation de l’impérialisme, contre l’emprise des sociétés multinationales, c’est-à-dire contre l’adversaire même auquel se heurtent les travailleurs et les peuples des pays capitalistes développés.

solidarité internationale

Les peuples qui édifient le socialisme, les peuples qui luttent pour leur entière indépendance et leur développement, la classe ouvrière et les peuples des pays capitalistes industrialisés ont le même ennemi. Cet ennemi, c’est l’impérialisme. Ils ont le même intérêt à lutter contre

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 25 celui-ci pour le progrès social et la liberté, l’indépendance et la paix, le socialisme. C’est le fondement de leur solidarité. Notre Parti a toujours accordé et continuera d ’accorder la plus haute importance au développement de cette solidarité. Il s’efforce en premier lieu de contribuer à renforcer l’unité du mouvement communiste international sur la base des grandes idées de Marx, Engels et Lénine, de l'internationalisme prolétarien, du respect de l’indépendance et de l’égalité de chaque parti. Nous entretenons des relations de coopération active avec la presque totalité des partis communistes et ouvriers et nous nous attachons à les développer encore au cours des échanges et rencontres de toute nature qui favorisent une meilleure connaissance réciproque et l’enrichissement de notre patrimoine commun. Si nous n’entretenons pas de telles relations avec le Parti communiste chinois, ce n’est pas de notre fait. La politique actuelle de ce parti est marquée par le soutien ouvert aux gouvernements les plus réaction ­ naires et au bloc atlantique, ainsi que par l’antisoviétisme. Elle est profondément contraire aux intérêts de la lutte anti-impérialiste. Notre Parti se félicite de l’amélioration progressive, intervenue au cours de la dernière période, de ses rapports avec plusieurs partis socialistes d ’Europe. Avec ceux-ci, ainsi qu’avec d ’autres forces démocratiques, par delà les divergences que l'on peut constater dans nos positions respectives, nous pensons que des contacts, des échanges de vues peuvent se développer de façon utile, pour aboutir à des actions communes portant sur des objectifs d ’intérêt commun. Nous entretenons avec de nombreux partis et mouvements nationaux des relations amicales que nous comptons enrichir dans la lutte. Plus généralement, nous consacrons nos efforts au progrès de la concer­ tation et de l’action commune de toutes les forces progressistes et anti-impérialistes. Nous l’avons dit à Hanoï et à Alger, nous le répétons aujourd ’hui : nous nous prononçons pour le rassemblement de toutes ces forces en un front mondial anti-impérialiste, pour leur coopération et leur action unie en vue de contraindre l’impérialisme à de nouveaux reculs et d ’assurer de nouveaux succès à tous les courants du mouvement révo­ lutionnaire mondial.

action commune face aux efforts de l’impérialisme pour freiner le processus de détente

Cette action commune de toutes les forces du socialisme, de la démocratie, de l’indépendance et de la paix doit s’intensifier et s’étendre. Car c’est seulement la pression des travailleurs et des peuples, le renforcement des différentes composantes du mouvement démocratique et révolutionnaire mondial, qui peuvent conduire à de nouveaux progrès de la détente, de la sécurité, de la coexistence pacifique. En effet, l’impérialisme n’a nullement changé de nature. Contraint d ’admettre que l’issue d ’un affrontement militaire avec les pays socialistes serait pour lui incertaine, amené dans ces conditions à reconnaître la nécessité de la coexistence pacifique et de la coopération, l’impérialisme s’efforce par tous les moyens d ’affaiblir les pays socialistes, de retrouver certaines de ses positions perdues, de maintenir sa domination dans la partie du monde où il règne encore. Dans ce but, il intensifie son action sur les plans économiques, sociaux, politiques et idéologiques.

26 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL Il ne recule pas devant l’intervention ouverte ou camouflée dans les affaires intérieures des peuples comme au Chili où l’impérialisme améri ­ cain a apporté un soutien direct au coup d ’Etat de la junte fasciste, au Vietnam où il se refuse toujours à appliquer ies Accords de Paris, au Cambodge où il soutient un régime pourri, en Afrique où il intrigue, au Moyen-Orient où, apportant son appui à la politique expansionniste et agressive des dirigeants d ’Israëi, à leur refus d ’évacuer les territoires conquis en 1967, de reconnaître les droits nationaux du peuple palestinien, il menace même d ’une intervention militaire les pays producteurs de pétrole. Tous les démocrates, tous les patriotes doivent être aiertés par le développement des activités de la trop fameuse C.I.A. qui fomente et soutient tous ies complots contre la démocratie et la liberté des peuples. Le Président des Etats-Unis, Gerald Ford, a affirmé publiquement le «droit, de son pays à intervenir dans les affaires des autres. C'est une prétention insupportable. Une des raisons essentielles pour lesquelles l’impérialisme s'efforce de freiner le processus de détente, c’est qu’il s’inquiète de voir la tendance internationale à la détente s’accompagner, comme je le souli­ gnais il y a quelques instants, du progrès des luttes pour la démocratie et le socialisme. Il s’effraie d ’avoir, en quelque sorte, à payer déjà pour la coexistence pacifique une «facture» portant sérieusement atteinte à ses intérêts de classe. A l’inverse, les forces progressistes, les peuples eux-mêmes ont un intérêt vital à rendre irréversible le tournant qui s’est amorcé au cours des dernières années, à compléter la détente politique par la détente militaire, à organiser la paix. C’est notamment l’intérêt de notre peuple, c’est l’intérêt de la France, qui pourrait jouer un rôle à sa mesure et tirer grand profit d ’une action internationale orientée en ce sens.

la politique extérieure du pouvoir giscardien

Or, c'est exactement en sens inverse que s’oriente la politique extérieure de Giscard d ’Estaing. Il est absent des négociations internationales sur le désarmement et se fait le champion du commerce des armes, portant atteinte à la dignité de notre pays. Il freine le progrès de la Conférence européenne sur la sécurité et la coopération, accumulant les obstacles les plus artificiels. Il apparaît à cet égard comme l’un des gouvernements qui manifeste la plus mauvaise volonté dans les discussions internationales. Il insère de plus en plus notre pays dans le bloc ouest-européen et atlantique. Cette volonté de lier le destin de la France au bloc des pays en crise est un trait dominant de la politique extérieure du pouvoir. Celui-ci n’a, en effet, qu’une ambition : faire leur place dans le concert impérialiste à quelques grands groupes multinationaux à base française. Tout en s’efforçant de défendre les intérêts spécifiques de ceux-ci, il se place pour des raisons de classe dans le cadre étroit de la solidarité impérialiste dont il attend une protection, se soumettant ainsi aux intérêts généraux du bloc dominé par les Etats-Unis. Si le pouvoir est contraint à une certaine prudence dans la mise en oeuvre de cette politique désastreuse, il montre dès à présent qu’il est prêt à l'abandon des impératifs nationaux.

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 27 Il le montre en optant pour la réalisation d ’un axe Bonn-Paris, qui sert de marche-pied aux prétentions hégémoniques de l’impérialisme ouest-allemand en Europe occidentale. Il le montre en se plaçant à la tête de la relance de la petite Europe des trusts dans laquelle notre pays consentirait, comme vient de le préconiser M. Sauvagnargues • des abandons de souveraineté très importants ». Il le montre en inspirant une campagne en faveur d ’une armée euro­ péenne, nouvelle mouture de la C.E.D. des temps de la guerre froide, armée dont la constitution serait un défi à la paix, en même temps qu’elle marquerait la liquidation de l’un des attributs essentiels de la souveraineté nationale. C’est ainsi que le premier ministre, M. Chirac, vient de déclarer que l’effort de la France en matière de défense est « une pierre préparée » pour l’édifice européen futur. Enfin, la priorité accordée à l’intégration dans « le bloc de la crise » entrave le développement d ’une large coopération avec les pays socialistes, avec les pays en voie de développement, notamment en Afrique. Cette politique de soumission aux intérêts monopolistes est une politique d ’abandon qui s’inscrit en ligne directe dans la tradition antinationale de la vieille droite française. Incapable de promouvoir une politique extérieure tirant parti des atouts importants dont dispose notre pays, en raison de son histoire, de son poids spécifique, de sa position, il ne reste à M. Giscard d ’Estaing, pour justifier cette petite politique, qu’à rabaisser la France. C’est à quoi il s’évertue aujourd ’hui. Décidément, dans tous les domaines, le pouvoir manifeste son incapacité fondamentale à résoudre les problèmes de notre temps. La crise profonde que connaît le pays, le développement du mouvement populaire aussi bien que l’évolution de la situation internationale appellent un chan­ gement réel et complet d ’orientation politique. Ce changement est dicté par les besoins de la vie. Il est à l’ordre du jour du combat de notre peuple.

II. POURSUIVRE L’APPLICATION DE NOTRE JUSTE STRATEGIE POLITIQUE

Cette situation vérifie de façon éclatante la justesse de nos analyses et de notre stratégie politique. La discussion préparatoire au Congrès a largement abordé cette question. Des camarades se sont demandés si nous ne renoncions pas à notre lutte pour le socialisme tandis que d’ autres ont affirmé qu’il convenait de cesser aujourd ’hui notre propagande dans ce domaine. Les uns et les autres sont dans l’erreur. Voyons en détail ce problème.

c’est pour le socialisme que nous luttons

Comme on le sait, les grandes luttes de mai-juin 1968 nous avaient conduits, dans le prolongement de nos XVI1" et XVIII' Congrès, à préciser notre stratégie dans le Manifeste « Pour une démocratie avancée, pour une France socialiste», adopté à Champigny à la fin de la même année.

28 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL Les puissantes batailles de classes de 1968 avaient montré l’incapacité du système du grand capital à résoudre les contradictions économiques et sociales de plus en plus aiguës qu’il engendre. Elles avaient constitué le premier grand affrontement entre la masse des travailleurs et le pouvoir des monopoles. Enfin, par delà la satisfaction de revendications immédiates devenues impérieuses, le mouvement visait à des transformations plus profondes, plus décisives de la société dans laquelle nous vivons. Comme le notait le Manifeste, « l’aspiration à une organisation de la société plus juste, plus rationnelle et plus humaine a considérablement grandi ces dernières années dans toutes les couches laborieuses de la société. Les luttes de classes, auxquelles prennent désormais part de nouvelles couches sociales aux côtés de la classe ouvrière, s’attaquent non seulement aux conséquences, mais aux sources des maux qu’engendre la domination du capitalisme. Cette aspiration doit déboucher sur une lutte réelle pour le socialisme «. Le socialisme, en effet, c’est ce système économique et social qui abolit enfin l’exploitation de l’homme et qui met la production au service du mieux-être de tous les membres de la société et du libre développement de chaque individu. C’est pour cette société vraiment nouvelle, c’est pour le socialisme que nous luttons. Il ne peut, il ne saurait y avoir aucune ambiguïté à cet égard. D’autant que chacun le constate, les idées du socialisme ne cessent d ’avancer dans notre pays comme dans le monde entier. Notre tâche est de gagner aux idées et à la lutte pour le socialisme la majorité de notre peuple. Et cela, soulignait le Manifeste, «on ne peut le faire qu’en lui montrant qu’il est possible d ’abord de se débarrasser du pouvoir antidémocratique actuel et en le convainquant de la nécessité d ’une modification profonde des structures économiques et sociales ».

notre voie au socialisme

Dans un pays comme le nôtre, à notre époque, c’est le capitalisme monopoliste qui est la forme dominante du capitalisme. Ce qui le caractérise en outre, c’est la liaison intime des monopoles et de l’Etat, celui-ci étant pour l’essentiel au service de ceux-là. Par conséquent, entamer la toute-puissance des monopoles, arracher l’Etat à leur emprise, telle est la tâche à l’ordre du jour, l’étape indispensable de notre lutte pour gagner les masses populaires à l’idée et à la pratique d ’une transformation socialiste ultérieure de la société. Cette étape, dans laquelle seraient réalisées des réformes démocratiques avancées des structures économiques et sociales, permettrait en effet le renforcement des positions de la classe ouvrière dans la société et l’affaiblissement de celles du grand capital. Du même coup, une situation favorable serait créée pour que la majorité de notre peuple décide de s’engager dans la transformation socialiste de la société. Voilà notre conception, notre stratégie. Elle s’appuie notamment sur le fait que le système du capitalisme monopoliste d ’Etat — je le rappelais il y a quelques instants — a jeté la société dans une crise globale, signifiant que les choses ne peuvent plus rester ce qu’elles sont, qu’un changement profond des structures sociales est objectivement nécessaire. Elle s’appuie sur la constatation que se développent toujours plus les

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 29 bases d ’une communauté d ’intérêts de toutes les couches sociales victimes des monopoles et de leur politique, et les possibilités de leur rassemblement autour de la classe ouvrière. Elle s’appuie sur l’évolution à l’échelle internationale du rapport des forces dans un sens favorable à la paix, à la détente, au socialisme et sur le fait qu’en conséquence les possibilités pour chaque peuple de décider librement de son destin n’ont jamais été aussi grandes. C’est une stratégie réaliste. Elle constitue le meilleur chemin pour construire dans les conditions de notre pays et de notre temps un puissant mouvement populaire, suffisamment large, suffisamment déter ­ miné pour ouvrir la voie au socialisme. Un tel mouvement est indis ­ pensable pour réaliser la transformation socialiste de la société, quelles qu’en soient les formes. Car, nous le savons bien, la classe exploiteuse ne renonce pas et ne renoncera jamais de plein gré à ses privilèges, à sa domination. Pour préserver celle-ci, elle aura toujours tendance à utiliser les moyens dont elle dispose. Seul un rapport des forces politiques favorable à la classe ouvrière, au peuple, peut l’en empêcher. Notre stratégie tend précisément à réaliser cette condition. C’est dire que les événements survenus au Chili, bien loin de la remettre en cause, ne font qu’en confirmer la justesse. Nous le disions devant le Comité central, en décembre 1973 : . Notre voie au socialisme, c’est une voie démocratique. Ce n’est pas la voie des illusions, mais de la prise en compte des réalités nationales et inter­ nationales. Ce n’est pas la voie du renoncement, mais de la confiance dans les possibilités de développement du combat de notre peuple. Ce n’est pas la voie d ’un électoralisme étroit, mais celle de la lutte des travailleurs, des larges masses populaires pour garantir le respect de la volonté exprimée par le suffrage universel. Ce n’est pas la voie de l’attentisme mais celle de l’action systématique et résolue pour la satisfaction des intérêts matériels et moraux de toutes les couches opprimées par le grand capital. » Notre Parti a toujours eu le souci de prendre ainsi soigneusement en compte les réalités. Dès 1946, avait avancé l’idée que la marche au socialisme, en France, emprunterait des voies originales. Il déclarait: « Les progrès de la démocratie à travers le monde, en dépit de rares exceptions qui confirment la règle, permettent d ’envisager pour la marche au socialisme d ’autres chemins que celui suivi par les communistes russes. De toute façon le chemin est nécessairement différent pour chaque pays. Nous avons toujours pensé et déclaré que le peuple de France, riche d ’une glorieuse tradition, trouverait lui-même sa voie vers plus de démocratie, de progrès et de justice sociale. ■> Dans le même esprit, nous appuyant sur les enseignements de 1968, sur le Manifeste de Champigny et sur les réalités actuelles, nous avons précisé dans « Le défi démocratique » notre conception du socialisme pour la France.

le socialisme aux couleurs de la france

Sans doute, on ne saurait décrire à l’avance tous les aspects de ce que sera la France socialiste. Son visage sera notamment déterminé par l’histoire et les traditions démocratiques de notre pays, mais aussi par son niveau de développement et l’état de son économie au moment où

30 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL s’engagera la transformation, et par le rapport des forces sociales et politiques, par le degré de conscience des masses. Cependant, en vue de porter la bataille des idées en faveur du socialisme au niveau nécessaire, notre Parti se devait de préciser sans attendre sa conception de la France socialiste de demain. Je veux rappeler brièvement quelle est cette conception. En premier lieu, pour la France comme pour tous les autres pays, l'édification du socialisme suppose d ’abord la propriété collective des grands moyens de production et d ’échange. A ce propos, nos adversaires nous accusent de vouloir instaurer le .collectivisme intégral». Ils veulent ainsi suggérer que nous voudrions, par un système de caserne, écraser, voire détruire l’individu et la famille. Mais aujourd ’hui, c’est leur système, leur politique qui conduit à ce résultat. La formule .métro-boulot-dodo» n’est pas née sur les bords de la Moskova mais sur les bords de la Seine. Elle exprime à sa façon l’écrasement de l’individu et de sa vie familiale par des conditions inhumaines de vie et de travail dans des concentrations urbaines conçues dans tous leurs aspects pour le profit et non pour l’homme. N’est-ce pas M. Chirac qui a fait adopter récemment une loi réglementant le chauffage dans les appartements privés en même temps que dans les lieux publics ? N’est-ce pas M. Giscard d ’Estaing qui, trouvant sans doute trop publique la façon dont les grands objectifs économiques nationaux étaient élaborés, vient de créer un .conseil central de la planification», chargé de décider en comité restreint des problèmes touchant à l’emploi, aux salaires, à l’épargne, aux aspects essentiels de la vie quotidienne de chaque Français? Le pouvoir de l’aristocratie financière, c’est le pire .collectivisme» qui soit: les salariés travaillent collectivement au profit des féodaux de la haute banque et de la grande industrie, qui organisent collectivement cette exploitation et pillent collectivement les richesses nationales! Par ailleurs — et cela devrait inciter à la prudence les inventeurs de slogans anticommunistes —, il existe une tendance objective à la socialisation. C’est l’une des caractéristiques de notre époque. La production moderne exige une coopération toujours plus poussée. Que l’on songe par exemple au nombre d ’ouvriers, d ’employés, de techni­ ciens, d ’ingénieurs, de cadres qu’il faut aujourd ’hui pour concevoir, mettre au point et fabriquer une voiture dont les multiples éléments sont produits par différentes industries. La vie moderne ne se conçoit pas sans le développement des équipements collectifs en matière d ’éducation, de transport, de logement, de santé, de loisirs, de culture, de sport. Il faut organiser tout cela de façon cohérente. Il faut veiller à ce que l'industrie produise aujourd ’hui ce qui est nécessaire, et soit apte à produire demain ce qui correspondra aux besoins des hommes et de la société. Il est pour cela indispensable d ’orienter les investissements à court, moyen et long terme, de prévoir l’évolution, la formation et l’utili­ sation de la main-d ’œuvre. En bref, la planification est une nécessité de notre époque. Ce que l’on appelle aujourd ’hui en France la planification, c’est la tentative d ’organiser l’évolution de l’économie en fonction des intérêts des grands monopoles capitalistes.

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 31 La société capitaliste reflète ainsi à sa manière la nécessité d'une maîtrise et d ’une orientation cohérente de l’économie. Mais la véritable planification, qui correspond aux besoins de notre époque, le capitalisme est incapable de la réaliser. Car si le travail est collectif, la propriété et la direction de l’économie, elles, sont privées. Mettre fin à cette situation est une exigence de notre époque. La socialisation des grands moyens de production et d ’échange répondra positivement à cette exigence en permettant une véritable planification démocratique au service des hommes et de la société, au service du développement et de la grandeur nationale. Dans le même temps, cette planification devra s’accompagner d’ une gestion décentralisée de l’économie, d ’une gestion démocratique des entreprises qui disposeront d ’une large autonomie. Planification démocratique et gestion autonome et décentralisée des unités de production sont inséparables. Elles correspondent l’une et l’autre aux besoins d ’une économie moderne. Par ailleurs, l’une des caractéristiques de l’édification du socialisme dans notre pays sera sans nul doute qu’elle se fera avec le maintien d ’un nombre important de petites entreprises industrielles, commerciales et artisanales privées, car leur collectivisation n’est ni nécessaire au pays, ni souhaitable. De plus, nous n’envisageons nullement d ’exproprier, de collectiviser les centaines de milliers d’ exploitations familiales agricoles. Il faut d’ ailleurs observer qu’elles sont aujourd ’hui dramatiquement menacées non pas par le • colllectivisme » mais par la politique de la grande bour­ geoisie. Nous ne voulons pas pour la France une société dans laquelle des technocrates décideraient de tout aux lieu et place des Français et de leurs représentants élus. Nous voulons une société où les travailleurs, les citoyens, seront appelés de plus en plus largement à gérer eux-mêmes leurs propres affaires à tous les niveaux de la vie nationale. La seconde caractéristique du socialisme — qui est aussi une condition du développement de la démocratie — c’est l’exercice du pouvoir par la classe ouvrière, par les travailleurs. Il convient de réfléchir à ce que veut dire, en France, c’est-à-dire dans un pays où à eux seuls les salariés constituent 80 % de la population active: «exercice du pouvoir par la classe ouvrière, par les travailleurs». Cela veut dire que le pouvoir deviendra celui de la grande majorité des Français. Naturellement, dans ce cadre, la classe ouvrière jouera pleinement son rôle dirigeant dès lors qu’elle occupera dans la vie nationale la place et les responsabilités qui lui reviennent, et que les secteurs-clés de l’économie seront confiés à la gestion des travailleurs dans le cadre d ’un plan démocratiquement élaboré. Cela signifie un épanouissement sans précédent de la démocratie et des libertés permettant de concilier harmonieusement les intérêts collectifs du peuple et de la nation avec les aspirations individuelles de chacun. L’histoire de notre pays est jalonnée de grandes luttes pour la liberté et la démocratie. Les travailleurs, les masses populaires sont, à juste titre, attachés aux conquêtes démocratiques que ces luttes des générations qui les ont précédés ont permis d ’imposer aux classes exploiteuses. Le socialisme préservera et développera cet acquis démocratique propre à notre pays. Par exemple, nous disons qu’il pourra y avoir dans une France socialiste.

32 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL plusieurs partis démocratiques associés au pouvoir. Il pourra aussi y avoir des partis d’ opposition. La pleine démocratie économique et politique ainsi développée fournira les moyens d ’un progrès sans précédent du bien-être matériel pour tous et pour chacun, dans le cadre d ’une véritable justice sociale. Cela n’a rien à voir avec un égalitarisme primaire. Il conviendra sans aucun doute d ’en finir avec une disparité des revenus tellement excessive qu’aujourd ’hui dans notre pays quelques milliers de privilégiés de la fortune gagnent chacun en moyenne 800 fois plus que chacun des millions de travailleurs payés au S.M.l.C. Cette évolution visera, non pas à supprimer toute hiérarchie, mais à la fonder sur des bases justes, à lui donner un éventail normal, et cela dans le cadre d ’un relèvement important des revenus les plus bas. Enfin, le socialisme que nous voulons se caractérisera par un accès libre, sans précédent, des plus larges masses au savoir, à la connaissance et à la pratique de toutes les formes de l’art et de la culture. C’est un objectif essentiel car le socialisme n’a de sens que s'il ouvre à chaque travailleur, à chaque homme les moyens de maîtriser sa vie. Un peuple heureux et libre dans une France indépendante, prospère et forte, ce n'est pas une utopie. C’est ce à quoi les Français peuvent parvenir s’ils s’unissent pour bâtir ensemble le socialisme aux couleurs de la France. Cela aussi c’est une exigence de notre temps. Que l’on examine les perspectives ouvertes à l’humanité par les débuts de la révolution scientifique et technique. On y découvrira que l’exploi­ tation de l’homme par l’homme est d ’un autre âge. L’avenir, c’est au contraire la coopération d ’hommes qualifiés et responsables, dans la production et hors de la production. L’avenir, c’est une société qui se fixe pour but non pas le profit de quelques-uns, mais la satisfaction des besoins de tous. Cela, le capitalisme est incapable de le réaliser. Le socialisme, par contre, fera franchir à notre peuple, à notre pays, un pas décisif dans cette voie. Parce qu’il est — comme le précisait notre Manifeste de Champigny — «tout à la fois la propriété collective des grands moyens de production et d ’échange, l’exercice du pouvoir politique par la classe ouvrière et ses alliés, la satisfaction progressive des besoins matériels et intellectuels sans cesse croissants des membres de la société, la création des conditions propres à l’épanouissement de chaque personnalité».

programme commun et socialisme

La volonté de rapprocher l’heure du socialisme pour la France inspire donc toute l’action de notre Parti. Nous n’y avons nullement renoncé en adoptant un programme commun prévoyant des réformes démocra­ tiques profondes. Bien au contraire, comme l’écrivait notre camarade : . En nous battant aujourd ’hui pour le développement de la démocratie dans l’ordre politique et économique, en luttant pour limiter le pouvoir des monopoles et en nous attachant à faire progresser l’unité d ’action de toutes les forces ouvrières et démocratiques, nous faisons œuvre de révolutionnaires.» Dans le même esprit, nous écrivions dans la préface au livre présentant le Programme commun que nous avons édité : . Le programme (commun) définit précisément une politique qui, si elle est résolument mise en

GSORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 33 œuvre, établira une démocratie avancée pouvant ouvrir la voie au socialisme, dans des formes et avec des traits propres à notre pays.» Cela signifie-t-il, comme l’affirment nos adversaires, que le succès du programme commun, sa mise en œuvre entraînerait notre pays, qu’il le veuille ou non, dans une sorte d ’« engrenage » inexorable? Non, il n’y a pas d’automatisme dans la perspective que nous offrons. Et cela pour une raison fondamentale que j’ai déjà évoquée il y a quelques instants: le passage à la construction du socialisme ne peut intervenir que sur la base d ’un rapport des forces sociales et politiques favorable au peuple, il ne peut être que le résultat de sa lutte, de sa volonté majoritaire librement exprimée. C’est donc, le moment venu, le peuple de notre pays, instruit par l’expérience et par notre propre activité, qui décidera. Nous l’avons dit, nous respecterons son verdict. Dans ces conditions, la tâche de notre Parti est de poursuivre parallè ­ lement ses efforts pour faire connaître et approuver d ’une part les solutions du programme commun, et d ’autre part sa conception du sociaiisme pour la France. Lors du Comité central tenu au lendemain de l’élection présidentielle, c’est ce double effort que nous avons appelé tout le Parti à poursuivre, à améliorer encore en évitant notamment la répétition systématique de formuies stéréotypées valables en tous temps et en tous lieux. Nous ajoutions : « Il faut avoir conscience qu’il s’agit d ’un effort excep­ tionnellement difficile à conduire. Il appelle beaucoup de discernement, de conviction, d ’intelligence politique.» Si l’on considère le chemin parcouru depuis 1968, tout montre que notre stratégie entre dans la vie. Il n’est donc certes pas question d’ en changer! Il s’agit au contraire de l’appliquer, c’est-à-dire de donner à notre politique et à notre action, sur la base des résultats acquis, les prolongements qu’appelle la situation nouvelle. C’est ce que nous faisons en donnant comme objectif à notre action : l’union du peuple de France pour le changement démocratique.

Ili. DES REFORMES DEMOCRATIDUES PROFONDES

Le changement démocratique, qu’est-ce que cela veut dire? Cela veut dire le remplacement de la politique actuelle de régression sociale, de stagnation économique, d ’autoritarisme renforcé et d’ abandon national par une politique nouvelle de progrès social, démocratique et national. Cela veut dire une politique capable de sortir la France de la crise. Un tel changement n’est possible que par la mise en œuvre de réformes démocratiques profondes s’attaquant à la domination du grand capital. C’est pourquoi le programme commun de la gauche comporte de telles réformes : c’est là sa caractéristique fondamentale. Programme antimonopoliste, programme de démocratisation de la vie économique, sociale et politique, il est limité en ce sens qu’il ne s’agit pas d ’un programme d ’instauration du socialisme. Lorsque nous affirmons cela, il ne s'agit nullement pour nous de «rassurer». Nous sommes simplement soucieux de ne pas entretenir de confusion : assimiler programme commun et socialisme, ce serait rapetisser, affadir l’idée du socialisme et son contenu révolutionnaire. Mais, parce que la démocratisation instaurée par le programme commun

34 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL ira au-delà de ce que notre pays a jamais connu, nous avons qualifié ce changement politique de .démocratie avancée». Il importe aujourd ’hui de faire comprendre et approuver par des millions de Français qui s’interrogent encore sur la nature des changements à opérer la nécessité de réaliser ces réformes démocratiques profondes pour aller vers un changement réel.

pas de véritable changement sans réformes démocratiques profondes

Sans elles, il n’y aura pas de changement. Pour vérifier cette affirmation, prenons par exemple la question de l’énergie, et plus particulièrement celle du pétrole. Le gouvernement prétend que la hausse des prix des produits pétroliers par les pays producteurs a fatalement des conséquences négatives pour l’économie française. Nous l’avons montré, il n’en est rien. Entre les pays producteurs et les consommateurs, des intermédiaires réalisent des bénéfices scandaleux : ce sont les grandes compagnies pétrolières groupées en un cartel qui contrôle directement ou indirecte­ ment l’approvisionnement de notre pays. Ainsi, en 1973, les profits de Shell-France ont triplé. Ceux de Esso-France et de BP-France ont doublé ! Les grands trusts pétroliers rançonnent la France. Et les sociétés à participation d ’Etat, comme la Compagnie française des pétroles, sont inféodées au cartel des grandes compagnies privées étrangères, et parti ­ cipent sous des formes diverses à l’organisation de sa domination. C’est pour complaire aux magnats internationaux du pétrole que la production charbonnière a été réduite en France. C’est pour complaire aux grands trusts multinationaux de l’industrie nucléaire — dont certains d’ ailleurs sont liés au cartel pétrolier — que la voie d ’un développement indépendant de la recherche et de la production d ’énergie nucléaire a été pour l’essentiel abandonnée dans notre pays. Aussi, en novembre 1973, après le relèvement des prix par les pays producteurs, lorsque les grandes compagnies ont organisé le chantage à la pénurie, le gouvernement français a cédé à leurs exigences. Ce sont les Français qui ont payé. Les grands trusts en ont tiré profit de façon scandaleuse. Les bénéfices nets des trente compagnies pétrolières américaines se sont, par exemple, accrus de 93% dans les six mois qui ont suivi cette augmentation. Aujourd’hui, alors que le cartel des magnats du pétrole prépare une opération similaire, le gouvernement ne trouve aucune autre solution que le rationnement. Le seul moyen de résoudre le problème de façon positive pour les Français — c’est-à-dire sans rationnement et sans hausse galopante des prix — c’est de dégager notre pays de l’emprise du cartel pétrolier, en créant et en développant un secteur public de l’énergie qui permettrait notamment la conclusion et la mise en oeuvre d’ accords stables récipro­ quement avantageux avec les pays producteurs. A cette fin, nous demandons la nationalisation de la Compagnie française des pétroles. On pourrait ainsi multiplier les exemples à propos de tous les sujets qui

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 35 préoccupent les Français. En matière de prix, d ’emploi, d ’urbanisme, d ’enseignement, de recherche, de culture, de loisirs... Dans tous les domaines, sans aucune exception, l’obstacle à lever pour promouvoir de véritables changements, c’est la domination des grands monopoles capitalistes. Voilà pourquoi le programme commun prévoit la nationalisation du secteur bancaire et financier, de neuf des principaux monopoles capi ­ talistes et une prise de participation majoritaire de l’Etat dans quatre autres grandes sociétés.

les nationalisations au service des travailleurs et de l’intérêt national

Restreignant la domination du grand capital, les nationalisations que nous proposons permettront de promouvoir une politique économique novatrice, au service des travailleurs et de l'intérêt national. Elles sont la base indispensable d ’une mise en œuvre cohérente de l’ensemble de réformes démocratiques préconisées par le programme commun. C’est ainsi qu’elles permettront une planification à la fois moderne et démocratique rendant possible le développement des secteurs-clés de l’activité nationale, créant des conditions d ’activité plus stables et plus favorables pour les petits producteurs de la ville et de la campagne ainsi que pour le commerce. Cette politique économique donnera un dynamisme nouveau à l’économie du pays. Elle créera les conditions pour apporter des solutions effectives et durables aux problèmes qui assaillent la France. Par exemple : il sera possible de lutter efficacement contre l’inflation en s’attaquant à ses sources mêmes qui sont l’accumulation démesurée des profits et le gâchis des ressources du pays. Le contrôle du crédit permettra d ’orienter celui-ci, non plus vers des secteurs improductifs ou parasitaires, mais vers des emplois répondant aux besoins populaires. Par exemple, il deviendra possible d ’assurer à notre pays la croissance nécessaire pour faire face aux exigences du progrès social et national. Les nationalisations contribueront également à la moralisation de la vie économique. La récente affaire Dassault — après bien d’ autres ! — en montre la nécessité. Elles devront s’accompagner de réelles mesures de démocratisation. Dans les entreprises du secteur public et nationalisé, la gestion sera décentralisée, autonome et fondée sur la participation effective des personnels à toutes les décisions concernant la vie et le développement à l’entreprise. Et au-delà, c’est dans tous les secteurs qu’il faudra élargir les droits syndicaux et les prérogatives des comités d ’entreprise. Les nationalisations démocratiques constituent un fondement essentiel du programme commun. De leur mise en œuvre dépendent à notre époque et dans notre pays toutes les autres véritables réformes.

démocratisation à tous les niveaux

Une autre orientation essentielle du programme commun consiste dans l’élargissement sans précédent de la vie démocratique. Il s’agit pour nous d ’une question fondamentale. En effet, une véritable transformation démocratique de notre société ne

36 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL peut voir le jour que si elle est le résultat de l’action consciente de notre peuple rassemblé pour vaincre la puissance des grands monopoles capitalistes et de leur Etat. Ce rassemblement, nous ne le concevons pas seulement pour mettre fin au pouvoir de l’aristocratie financière. La politique novatrice qui doit être menée demain ne peut réussir que si elle est en permanence élaborée et mise en œuvre avec la participation active des Français. Un pouvoir au service d ’une minorité d’ exploiteurs fonde son action sur la démagogie et l’autoritarisme. Un pouvoir au service du peuple ne peut agir qu’en développant sans cesse et à tous les niveaux la démocratie. Cette conception du nécessaire approfondissement de la démocratie considérée comme « une création continue » fonde toute notre démarche. Voilà pourquoi nous avons tenu à ce que le programme commun comporte d ’importantes mesures tendant à étendre les libertés. J’ai déjà évoqué la gestion démocratique dans les entreprises. La même inspiration trouvera son prolongement dans la démocratisation de la vie du quartier, de la cité, du village et de la ville, dans la démocra­ tisation du fonctionnement de l’Etat. Il faut en finir avec le pouvoir personnel et secret qui ne correspond en rien aux besoins des hommes et de notre époque. Enfin, comme on le sait, le programme commun prévoit le respect et l’extension de toutes les libertés individuelles et collectives.

une grande politique sociale et populaire

Les réformes de structure fourniront les moyens de la mise en œuvre d ’une grande politique sociale et populaire. Permettre aux travailleurs, aux Français dans leur masse de vivre mieux, de vivre autrement, tel est bien notre objectif. A l’inverse des technocrates de tous bords, nous ne considérons pas les mécanismes et les institutions économiques, sociales et politiques unique­ ment en eux-mêmes et pour eux-mêmes. Ce qui nous a guidé lors de l’élaboration de notre programme « Changer de cap » et du programme commun, c’est la volonté de promouvoir une politique au service des travailleurs, de la population, du pays. C’est pourquoi nous accordons une importance primordiale aux orien­ tations générales de la politique sociale définie dans la première partie du programme commun : vivre mieux, changer la vie. Cela signifie d ’abord, pour des millions de travailleurs et leurs familles, la satisfaction de leurs revendications les plus pressantes. Dans un pays développé tel que le nôtre, il est inacceptable que ceux-ci connaissent tant de difficultés à vivre. En fait, nous l’avons rappelé, la France est riche, elle a des ressources immenses. Soustraites au pillage des grandes sociétés capitalistes, ces ressources pourront et devront être utilisées au bénéfice des travailleurs, de notre peuple. C’est affaire de justice sociale. Mais c’est également une nécessité de l’économie moderne. Une politique de progrès social, tendant à équilibrer dans tous les domaines l’emploi, la production, le pouvoir d ’achat et la consommation, permettra en retour le développement économique et l’approfondissement de la démocratie. C’est pourquoi, nous le soulignons, il n’est pas de grande et véritable

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 37 politique nationale sans une politique de progrès et de justice sociale. C'est cette politique que définit le programme commun. Comme le rappelle notre projet de résolution, il s’agit d’ assurer l’augmentation du pouvoir d’ achat des travailleurs, d ’alléger leur peine et d ’améliorer leurs conditions de travail, de mener une véritable politique de logement, de transport, de santé, d ’urbanisme et de culture, qui permettra de commencer à satisfaire leurs aspirations dans des conditions qui correspondent aux besoins et aux possibilités modernes. Ce sera «une politique au service de l’homme». Tout cela concerne la vie quotidienne de millions d’ ouvriers, de salariés, de Français aujourd ’hui aux prises avec des difficultés sans nombre. Lorsqu’on veut promouvoir une politique réellement novatrice, c’est d’ abord leur situation qu’il faut changer, et notamment celle des plus défavorisés. C’est ainsi par exemple que la politique sociale définie par le programme commun comporte des mesures propres à améliorer considérablement la situation des OS, par l’augmentation plus rapide de leurs salaires réels, l’allègement direct de leur charge de travail, la protection de leur santé et la garantie de la sécurité, l’élévation constante de leur qualification, ainsi que, s’ils le désirent, la rotation des postes. Tout cela créera des conditions de travail bien plus humaines. Et elles continueront à s’améliorer en relation avec le progrès des techniques de production qui seront mises au service de l’homme, à l’inverse de ce qui se passe aujourd ’hui où l’homme est au service de la machine. C’est ainsi également qu’il faudra s’attacher à l’amélioration de la situation des travailleurs Immigrés, qui apportent une contribution importante au développement économique mais sont aujourd ’hui victimes d ’une surexploitation éhontée ainsi que des méfaits du racisme — notamment pour les travailleurs algériens. Avec l’application du Pro­ gramme commun, l’égalité des droits économiques et sociaux, des libertés syndicales et démocratiques, le respect de leur dignité et personnalité nationale leur seraient garantis.

une politique d’indépendance, de coopération et de paix

Une telle politique sociale est inséparable d ’une politique française d ’indépendance nationale, de coopération et de paix. C’est un autre axe essentiel du programme commun. Comment assurer la progression du pouvoir d ’achat des travailleurs si des cartels de trusts étrangers ou des organismes supranationaux régentent les prix et dictent à la France sa politique d ’importation et d ’expor­ tation ? Comment garantir l’emploi si la survie ou le développement des entre­ prises françaises sont conditionnés par des accords internationaux qui ne correspondent pas aux véritables intérêts économiques du pays? Plus généralement, comment développer une vaste politique de progrès social et culturel si notre pays n’est pas libre de multiplier ses échanges économiques, culturels, scientifiques, touristiques? Les travailleurs, les Français ont besoin que leur pays retrouve sa pleine liberté d ’initiative sur le plan international afin de mener une action dynamique en faveur de ia détente et de la coexistence pacifique, de la sécurité collective et du désarmement. Ils ont besoin que la France développe sans discrimination une large

38 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL politique de coopération, en utilisant les possibilités existant en cette matière avec les pays socialistes, en établissant avec les jeunes Etats indépendants des rapports nouveaux débarrassés de toute pratique néo-colonialiste. En s’employant à la construction d ’une Europe pacifique, démocratique et indépendante ; en apportant son soutien aux peuples du tiers-monde en lutte pour leur indépendance et pour leur développement; en garantissant dans les faits aux populations d’ outre-mer le droit de prendre en main leur destin et de se donner le statut de leur choix, la France retrouvera dans le monde la place qui doit être la sienne. Elle renouera de« amitiés et des relations positives. Parce que l’aptitude d ’un pays à assurer pleinement sa défense nationale est un élément essentiel de son indépendance, le gouvernement de la France démocratique définira, comme l’indique le programme commun, « une stratégie militaire permettant de faire face à tout agresseur éventuel quel qu’il soit». Instrument de la défense nationale « l’armée sera exempte de toute mission de maintien de l’ordre intérieur ou d ’intervention extérieure de caractère colonialiste ou impérialiste», précise encore le programme commun. Ce qui exclut, à nos yeux, toute participation française à une quelconque tentative de création d ’une nouvelle c com­ munauté européenne de défense ». S’appuyant sur le développement de la détente dans le monde, la France démocratique œuvrera au désarmement, signera les traités internationaux sur la limitation de certains armements, renoncera à la force de frappe nucléaire, réglementera strictement le commerce des armes, multipliera les initiatives visant à la sécurité collective et au désarmement général, universel et contrôlé. Une telle politique constituera déjà un facteur important de la défense nationale. Celle-ci s’appuiera, de plus, sur une armée de conscription liée à la nation et à sa vie démocratique, disposant des cadres profes­ sionnels et des moyens matériels nécessaires.

Ainsi, les réformes définies par le programme commun sont profondes, précises, cohérentes. Elles fondent une politique nouvelle qui constitue la seule réponse positive à la crise actuelle. Ces grands objectifs vont au-devant des besoins les plus pressants des travailleurs et du pays. C’est pourquoi nous y sommes fermement attachés. Cela dit, nous ne considérons naturellement pas chaque ligne de son texte comme intangible. Nous l’avons dit, Il devra être actualisé. Il pourra être enrichi. La politique définie par le programme commun a déjà reçu le soutien de treize millions de Français et de Françaises. Elle est bien la base solide sur laquelle peut se réaliser l’union du peuple de France pour le changement démocratique.

IV. UNION DU PEUPLE DE FRANCE QU’EST-CE QUE CELA VEUT DIRE?

Union du peuple de France ! Ce mot d’ ordre a donné lieu dans la préparation du Congrès à une large discussion. Il a rencontré l’approbation unanime du Parti.

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 39 Cependant, comme l'a montré la Tribune de discussion, il a parfois été l’objet d ’interprétations contradictoires, les unes relevant d ’une tendance à l’opportunisme, les autres d ’une inclinaison à l’étroitesse. Il est donc nécessaire de clarifier les questions complexes nouvelles que pose ce mot d ’ordre.

un fil conducteur de toute notre action

En premier lieu, ce mot d’ ordre d ’« Union du peuple de France» n’a pas surgi comme une complète innovation. Il se situe dans le dévelop ­ pement naturel de notre activité. Toute l’histoire de notre Parti est marquée par la lutte constante qu’il a menée pour réaliser l’unité des travailleurs, l’union des forces ouvrières, démocratiques et nationales. Elle est jalonnée par les mots d ’ordre de Front unique, de Front populaire, d ’Union de la nation française, de Front national. Pour nous, l’union n’est pas une tactique occasionnelle, une manœuvre liée à la conjoncture. C’est un fil conducteur de toute notre action. Et il en est ainsi pour une raison simple : c’est que l’union constitue le seul moyen d ’assurer le succès de la lutte de la classe ouvrière et des forces populaires. Les faits le prouvent : la division des forces ouvrières, démocratiques et nationales a toujours signifié le recul de la justice, de la démocratie et de la paix. A l’inverse, lorsqu’elle s’est réalisée, leur union a toujours été bénéfique aux masses populaires et à la nation. C’est pour cette raison de fond que notre Parti s’est toujours employé avec passion et patience à unir les ouvriers, à rassembler autour d ’eux toutes les victimes du pouvoir de l’argent, toutes les forces vives de la nation. C’est pour cette raison que, malgré les difficultés, la lutte pour l’union constitue une constante, un principe de la politique de notre Parti. En application de ce principe, nous avons avancé l’idée du programme commun et lutté pendant des années pour sa réalisation. Lorsqu’il a été adopté, nous avons utilisé l’expression d ’« Union popu­ laire» pour caractériser le rassemblement qu’il était possible d ’opérer alors autour de ce programme. Et effectivement, lors de l’élection prési ­ dentielle, treize millions d ’hommes et de femmes se sont prononcés pour un changement démocratique profond. C’est un succès considérable. Mais est-ce suffisant? Non. Ce rassem­ blement déjà imposant, il nous faut absolument l’étendre encore pour qu’il devienne largement majoritaire. C’est une condition nécessaire pour faire triompher le changement, et c’est une condition non moins vitale pour réaliser avec les meilleures chances de succès les grandes transfor ­ mations économiques et sociales que je viens d ’évoquer. Avancer résolument le mot d ’ordre d ’. Union du peuple de France », que nous avions déjà évoqué lors de notre XX‘ Congrès, c’est prolonger de façon juste, adaptée aux circonstances, notre démarche unitaire. Cette démarche est réaliste. Notre mot d ’ordre a, en effet, un fondement objectif: c’est l’extension de l’exploitation du grand capital à toutes les couches sociales, hormis une poignée de féodaux de l’industrie et de la finance. C’est par conséquent — et par-delà la diversité de leur situation — la convergence de leurs grands intérêts communs. Il n’y a

40 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL donc aucune utopie à appeler à s’unir ces hommes et ces femmes qui, tous ensemble, constituent le peuple de notre pays, qui ont le même adversaire et qui ont aussi le même intérêt à voir la France changer de cap vers la justice sociale, le mieux-être, la démocratie, l’indépendance nationale.

union sur une base claire

En deuxième lieu, il est évident qu’il ne s’agit pas, pour nous, de vouloir l’union pour l’union, de vouloir une union sans contenu ou sans principes. L’union, pour nous, c’est l’union pour décupler la capacité de combat des travailleurs, pour élargir, mobiliser et consolider la lutte des forces ouvrières, démocratiques et nationales contre le régime du grand capital. Nous voulons l’union pour battre le pouvoir des monopoles, pour instaurer une démocratie avancée, pour marcher par la suite au socialisme. Nous voulons l’union pour faire triompher une politique qui réponde aux besoins pressants et aux intérêts fondamentaux de la classe ouvrière, de l’ensemble des travailleurs manuels et intellectuels, de la paysannerie laborieuse, de la grande masse de notre peuple. Toute autre conception de l’union ne relève pas du souci de servir la classe ouvrière et le peuple, mais ne peut aboutir qu’à mettre la classe ouvrière à la remorque de la bourgeoisie ou d’ une partie de la bourgeoisie. Elle relève en fin de compte de l’opportunisme le plus plat, voire du maquignonnage électoraliste. C’est pourquoi notre Parti a dû se battre pendant de longues années pour aboutir à l’élaboration du programme commun avec le contenu social et économique avancé qui est le sien et qui s’inspire directement du programme élaboré quelques mois plus tôt par notre Parti. Et c’est précisément parce qu’il a ce contenu que le programme commun constitue bien la seule base possible d ’une union large et conséquente. Ce programme commun existe maintenant depuis deux ans. Il a subi l’épreuve de deux grandes batailles politiques: les élections législatives et l’élection présidentielle. Près de la moitié des Français se sont retrouvés en mai dernier pour l’approuver. D’autres millions de Français peuvent être gagnés à son soutien. C’est donc sur une base claire, autour d ’objectifs précis que nous voulons réaliser l’union du peuple de France: cette base, ces objectifs, ce sont les grandes orientations définies par le programme commun.

élever la qualité de l’union de la gauche

Arrêtons-nous en troisième lieu sur les diverses composantes de notre mot d’ ordre, de notre politique d ’union. L’union du peuple de France passe par l’élévation de la qualité de l’union de la gauche. Elle passe par la conquête de nouvelles couches sociales à l’idée et aux objectifs du changement démocratique. Elle passe par le rassemblement de tous les hommes et les femmes intéressés à ce changement, dans la diversité des courants de pensée et des familles politiques auxquels ils appartiennent.

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 41 Prenons le premier de ces points. Nous l’avons dit depuis longtemps : la renaissance démocratique de notre pays ne peut pas être l’affaire d ’un seul parti, fût-il le nôtre. L’union de la gauche, l’union des partis et organisations démocratiques est indispensable. Cette union s’est réalisée en 1972 — et pour une part déterminante grâce à nos efforts — autour d ’un programme commun de gouvernement. Tout au long de ces deux dernières années, notre Parti a pris de nombreuses initiatives pour renforcer cette union. Et si toutes nos propositions n’ont pas rencontré l’écho souhaité, des progrès ont été accomplis dans sa consolidation. L’entente entre notre Parti, le Parti socialiste et le Mouvement des Radicaux de gauche constitue le noyau, l’axe de l’union du peuple de France. Le bilan est donc très positif. Aujourd’hui, il nous faut toutefois bien mesurer l’ampleur de ce qui reste à faire. Nous voulons aller vers des transformations économiques, sociales et politiques telles que notre pays n’en a Jamais connues. Nous voulons que notre peuple ne connaisse pas après une courte période de succès les désillusions qu'il a connues dans le passé. En bref, nous voulons aller plus loin et plus haut qu’en 1936 et 1945. Cet objectif suppose un rassemblement populaire non seulement d ’une ampleur sans précédent, mais encore d ’un niveau de conscience politique sans précédent. Nous ne pouvons l’atteindre qu’en élevant au niveau nécessaire la qualité de l’union de la gauche, la clarté et la cohérence de ses analyses et de ses explications, la vigueur de son action. Voilà le souci qui nous anime aujourd ’hui dans cette question.

trois questions décisives

Et c’est à partir de ce souci que nous sommes amenés à nous poser quelques questions concernant l’attitude du Parti socialiste. 1° La première de ces questions porte naturellement sur l’objet même de notre union, sur l’objectif de notre lutte commune aujourd ’hui. Dans les mois écoulés, nous avons été conduits à attirer l’attention du Parti socialiste sur cette question, et même à exprimer publiquement nos inquiétudes. Au lendemain des récentes Assises organisées par le Parti socialiste, nous sommes fondés à dire qu’une équivoque existe sur le point de savoir si le Parti socialiste considère toujours que l’objectif commun des partis de gauche demeure le changement démocratique profond défini par le programme commun. En effet, que le Parti socialiste ait jugé bon de se donner aujourd ’hui un programme socialiste, d ’élaborer avec d ’autres un projet de société socialiste, c’est son affaire. Nous avons dit nous-mêmes comment nous concevons le socialisme en France dès 1968, dans le Manifeste de Champigny, et nous avons précisé nos idées dans • Le défi démocratique ». Mais dans le même temps, nous combattons loyalement pour les transformations démocratiques du programme commun. Les choses sont donc claires chez nous. Par contre, si l’on se reporte par exemple à la déclaration finale adoptée par les .Assises, organisées par le Parti socialiste, on constate qu’elle ne contient absolument aucune référence au programme commun tandis

42 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL que, dans le même temps, elle présente le socialisme comme la seule « alternative • et comme la seule « voie nouvelle ». Par ailleurs, commentant ces «Assises», Michel Rocard a déclaré de son côté que celles-ci condui­ saient naturellement à «modifier la nature et le contenu technique de l’alliance». Ces faits, et d ’autres analogues, conduisent naturellement à se demander si le Parti socialiste n’envisagerait pas de substituer au programme commun son «projet de société socialiste», un projet dont la cohérence n’est pas évidente, et dans lequel les travailleurs ne retrouveraient pas les mesures concrètes, importantes qu’ils souhaitent pour améliorer leur vie actuelle. Si le Parti socialiste considère soudain que la tâche à l’ordre du jour est d ’engager sans plus attendre le combat décisif pour l’instauration du socialisme en France, il faut qu’il le dise. Mais dans ce cas, nous ne voyons pas comment on peut concilier cette affirmation faite à Paris avec le silence observé dans leurs circonscriptions par les candidats de la gauche non communiste sur le programme commun, dont les objectifs sont pourtant moins ambitieux. Nous ne voyons pas comment on peut concilier cette hardiesse proclamée, avec la lenteur à accepter une action réelle, immédiate, unie pour le succès du programme commun. Nous pensons que c’est cette action commune se développant sur une base claire qui répond aux exigences de l’heure, à l’attente des travailleurs, de tous les Français qui souffrent de la situation actuelle et s’interrogent sur leur avenir. Donner au gré des circonstances et des lieux le sentiment que les objectifs du combat ne sont pas clairs et cohérents est plus préjudiciable que jamais.

2° La clarté des objectifs doit s’accompagner de la clarté des alliances. C’est là une seconde question. A la direction du Parti socialiste, on semble quelquefois s’inquiéter de notre mot d ’ordre d’ union du peuple de France qui irait trop loin. Je viens de le montrer, les choses sont claires à cet égard. Elles sont par contre moins claires quand nos partenaires de la gauche votent pour M. Poher, dont on sait qu’il partage les vues politiques du pouvoir. Elles sont aussi moins claires dans les municipalités où se maintient une alliance entre la gauche non-communiste et la droite, camouflée ou non sous l’étiquette du centrisme. Refusant pour notre part ce type d’alliance, nous avons par contre et sans être en règle générale payés de retour, fait leur place à des socialistes et des radicaux dans les Conseils municipaux où nous sommes majoritaires. Au point où nous en sommes de notre lutte commune, il ne nous paraît plus possible de maintenir une équivoque. 3° La troisième question a trait au contenu des rapports entre nos partis. La grande bourgeoisie n’a pas, en effet, renoncé et ne renoncera jamais à ses efforts pour tenter de mettre en cause l’union de la gauche. Elle y renonce d ’autant moins aujourd ’hui que, confrontée à la crise de son système, elle n’écarte pas pour sortir de l’impasse actuelle le recours à un gouvernement de gauche qui accepterait de gérer « loya ­ lement » ses intérêts, à la manière de M. Helmut Schmidt. C’est ce que confirment les spéculations persistantes sur la possibilité de voir Giscard d ’Estaing appeler François Mitterrand à la direction du gouvernement, alors qu’à l’évidence, il est absurde de croire qu’un gouvernement

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 43 d'union de la gauche pourrait appliquer le programme commun avec un Président de la République et une majorité parlementaire réaction ­ naires. 11 est vrai que les hommes du grand capital n’ont pas l'espoir d'obtenir un résultat immédiat. Mais, sans nul doute, ils escomptent créer des conditions plus favorables à leurs plans dans l’avenir en limitant, et si possible en affaiblissant le poids relatif du Parti communiste sur l’échiquier politique. Dans ces conditions, tirant les enseignements des récentes élections partielles, le Bureau politique du Parti a été amené à dire publiquement que . le mot d ’ordre constamment répété de la nécessité d ’un prétendu rééquilibrage des forces de gauche prend un caractère de plus en plus pernicieux parce qu’il comporte, lui aussi, l’idée de réduire l’influence communiste ». Que le Parti socialiste veuille se renforcer, nous le comprenons d'autant mieux que nous avons nous aussi la volonté de renforcer notre Parti. Nous entendons ainsi lui faire jouer toujours mieux son rôle d ’avant- garde, aujourd ’hui dans l’action pour vaincre le pouvoir du grand capital, demain dans l’effort pour appliquer la politique définie par le programme commun, et ensuite dans la lutte pour l’édification d ’une société socialiste. Dans le cadre de cette société, ce rôle consistera pour notre Parti, sans se substituer aux organes de l’Etat, à exercer une influence motrice, une influence politique et idéologique dirigeante pour que notre pays puisse avancer plus rapidement et plus sûrement vers un avenir de prospérité, de bien-être et de liberté. Sur ce terrain de la lutte pour la démocratie et le socialisme, nous l’avons dit maintes fois et nous le répétons, nous ne craignons pas l’émulation. Bien au contraire, nous la croyons naturelle et nécessaire et nous entendons bien sur cette base claire et loyale améliorer encore notre propre activité. Mais cette émulation ne peut consister, pour l’un des partenaires, à se donner pour objectif de se renforcer au détriment de l’autre pour imposer ensuite sa volonté. Nous sommes fondés à nous demander si tel n’est pas, au-delà même du mot d ’ordre de rééquilibrage de la gauche, l’objectif du Parti socialiste quand nous lisons dans la déclaration finale des «Assises»; «l’heure peut être proche où le socialisme français aura à jouer un rôle déterminant dans la responsabilité du pouvoir», ce qui revient à dire que le Parti socialiste s’attribuerait le pouvoir de décision. Une telle orientation ne peut conduire ni les uns ni les autres à la victoire. Car, pas plus que nous ne voulons dominer, nous ne saurions accepter d ’être réduits à un rôle de force d ’appoint. Ce serait contraire aux intérêts des travailleurs et de notre peuple, au succès de la lutte pour la réalisation du programme commun. Selon nous, les rapports entre nos partis doivent être fondés — nous l’avons souvent dit et nous nous en tenons à cette position — sur l’égalité des droits et des devoirs dans la mise en oeuvre loyale des engagements pris en commun. Certaines des questions que je viens d ’évoquer se posent également en ce qui concerne les Radicaux de gauche, qui savent l’intérêt que nous attachons à leur présence dans l’alliance. Nous posons ces problèmes sans vaine agressivité, sans acrimonie, sans esprit de polémique partisane, avec la seule volonté de faire progresser l’union, dans le respect de l’originalité de chacune de nos formations.

44 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL Nous le faisons publiquement parce que nous pensons depuis toujours que les travailleurs, les Français doivent être informés des questions qui les concernent afin d'intervenir directement sur le cours des choses. Cette intervention a été décisive pour que se réalise comme nous le proposions l'union des partis de gauche sur un programme commun au contenu avancé. Aujourd'hui, ce qui est en cause, c'est la consolidation et l'extension de l'union nécessaire pour promouvoir les changements démocratiques profonds auxquels aspirent les Français dans leur masse. C'est pourquoi une fois encore notre Parti joue son rôle en informant les travailleurs, les démocrates, qui ne doivent jamais perdre de vue que la sauvegarde et le développement de l'union sont leur affaire, car il s’agit d ’un combat, leur combat.

union avec les organisations syndicales et démocratiques

L’union du peuple de France passe par le renforcement de l’union des partis de gauche, elle passe aussi par l’union avec les organisations syndicales, professionnelles et familiales au sein de ce grand mouvement populaire qu’il importe de susciter. Comment concevons-nous cette collaboration? Tout d’ abord, nous considérons ces organisations, notamment les syndicats, comme devant être totalement indépendantes des partis. Les communistes qui militent en leur sein le font, quant à eux, dans le respect strict de leur programme et de leurs statuts. Ils ne cherchent pas à en faire des « courroies de transmission » pour leur parti. Le second aspect que nous prenons en compte dans cette collaboration, c’est que les syndicats n’ont pas, comme les partis politiques, vocation à gouverner. Les responsabilités des uns et des autres sont différentes et nous n’entendons pas les confondre. Cela étant — et c’est le troisième aspect de la question— il est clair que leurs propres objectifs de défense des intérêts des travailleurs ou des familles, de progrès social et démocratique, conduisent de plus en plus les syndicats à se retrouver avec les partis de gauche dans l’action sociale et politique. Nous pensons que cette coopération peut désormais s’étendre au soutien en commun, dans le respect des principes que j’ai rappelés, d ’un programme dont la réalisation permettra précisément les grandes conquêtes sociales et humaines pour lesquelles ces organisations se battent aujoürd ’hui. En adoptant ce point de vue, la C.G.T. et le M.O.D.E.F. apportent une contribution de premier plan à l’union du peuple de France. Nous sou­ haitons, et nous sommes convaincus que c’est possible, que les organi ­ sations syndicales représentatives, les organisations professionnelles et familiales y prennent aussi leur place, avec leur vocation particulière et dans le respect de leur autonomie. Nous entendons, pour favoriser ce vaste rassemblement de toutes les forces démocratiques organisées, poursuivre, étendre et approfondir les rapports que nous avons déjà noués avec elles.

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 45 au centre du rassemblement la classe ouvrière

L’Union du peuple de France passe encore par la conquête de nouvelles couches sociales qu’il s’agit de regrouper sur une base claire dans un vaste rassemblement. Au centre de ce grand rassemblement, apparaissant comme la force motrice, le fer de lance de la lutte pour le changement, il y a la classe ouvrière. Je voudrais m’arrêter sur ce point. Une des conséquences du développement économique et social est la salarisation massive de la population active. En 1954, sur 100 personnes actives, on comptait 62 salariés. En 1974, cette proportion dépasse 80%. On dénombre aujourd’ hui près de dix-huit millions de salariés, soit trois millions de plus qu’à la date de notre XIX“ Congrès en 1970, et six millions de plus qu’il y a vingt ans. A elle seule, la classe ouvrière comprend près de dix millions de personnes. Depuis 1968, ses effectifs ont augmenté de près d ’un million, tandis que son poids relatif augmentait de 2% dans la population active. On compte dans ce total près de deux millions et demi de travailleurs immigrés. Cette croissance est le résultat de la poursuite du mouvement d ’indus­ trialisation. Le nombre des ouvriers augmente, notamment celui des ouvriers spécialisés sans véritable qualification. La classe ouvrière connaît également un rajeunissement. Celui-ci est particulièrement sen­ sible dans les branches d ’industrie où le travail s’effectue en grande série. Il est important aussi dans toutes les activités employant une main-d ’œuvre féminine. Aux secteurs industriels traditionnels, où se trouve concentré le noyau de la classe ouvrière — usines, mines et chantiers — viennent s’ajouter des branches nouvelles d ’activité qui entrent constamment dans la sphère de production matérielle: c’est le cas dans les secteurs de pointe comme dans des secteurs d ’activité qui furent longtemps le fait de petits producteurs indépendants ou d ’une production proprement domestique. Par ailleurs, à la suite de la socialisation accrue des forces productives, un nombre croissant d ’opérations de la sphère de distribution ou d ’échanges constitue le prolongement direct du processus de production : il en est ainsi de nombreuses fonctions dans les grandes surfaces de vente, l’entreposage ou les télécommunications. Enfin, l’intervention grandissante du travail intellectuel directement productif dans de nombreuses branches d ’activité concourt aussi à faire grossir les rangs de la classe ouvrière. Des techniciens — travailleurs productifs sans fonction d ’encadrement — tendent à s’intégrer à la classe ouvrière, en particulier dans certaines branches de pointe. Ainsi la classe ouvrière, loin de se réduire, constitue bien la masse essentielle des travailleurs salariés. Par la place qui est la sienne dans les rapports sociaux, c’est la classe ouvrière qui assure, pour l’essentiel, la production des biens matériels. C’est également elle qui est placée au cœur du mécanisme d ’exploi­ tation : c’est elle qui produit la plus-value que s’approprient les capitalistes, c’est elle qui subit le plus directement cette exploitation. C’est pourquoi elle est la plus intéressée à mener jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au socialisme, la lutte contre le grand capital. De plus en plus concentrée dans d ’immenses entreprises, elle possède

46 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL en outre une solide tradition de lutte. Elle a acquis une riche expérience et s’est donné un Parti communiste fort qui confère à son action une efficacité sans égale. Privée de toute propriété sur les moyens de production, elle est, comme le dit Engels, «de plus en plus conduite à revendiquer l’utilisation (des) richesses et (des) forces productives pour toute la société et non, comme aujourd ’hui, pour une classe monopoliste». De ce fait, elle est conduite à prendre en charge les justes revendications des autres couches sociales victimes de cette même classe monopoliste. Les ouvriers disent aux masses populaires: notre libération, c’est aussi votre libération, c’est votre seule espérance. Force essentielle dans le combat révolutionnaire, elle est donc aussi la seule classe qui soit capable de fournir la base d ’une large union contre la politique du grand capital et pour des changements démocratiques. Ce qui souligne et accroît son rôle national. L’élection présidentielle en a d ’ailleurs fourni une illustration. Selon les sondages, 70 % des ouvriers se sont prononcés pour les réformes démocratiques contenues dans le programme commun. Ils ont constitué la base solide du rassemblement qui s’est réalisé à cette occasion. C'est pourquoi c’est une nécessité impérieuse, une tâche primordiale que de consolider l’union des forces essentielles de la classe ouvrière et de gagner à cette union les nombreux travailleurs, ouvriers et salariés, qui n’en sont pas encore partie prenante. Le moyen décisif pour accomplir cette tâche, c’est d ’accroître au sein de la classe ouvrière, et donc dans les entreprises elles-mêmes, l’influence et l’organisation du parti de la classe ouvrière, le Parti communiste français.

un vaste rassemblement

Naturellement, il ne s’agit pas de s’en tenir là. Le projet de résolution attire l’attention sur ia diversité des couches sociales qui sont aujourd ’hui victimes du grand capital et qu’il est donc possible de rassembler, d ’unir sur la base de ce qui est leur intérêt commun : la lutte contre l’hégémonie des monopoles et pour imposer des réformes démocratiques. Comme l’ont fortement souligné nos derniers congrès, il s’agit en premier lieu de l’immense masse des salariés, employés, techniciens, ingénieurs et cadres, intellectuels des différentes disciplines qui, sans être partie intégrante de la classe ouvrière, s’en rapprochent de plus en plus, et, pour certains, partagent entièrement ses difficultés d’ existence. Ils ont tous un intérêt fondamental à ce que se réalisent les transformations grâce auxquelles ils pourront améliorer leur sort quotidien, leurs conditions de travail, épanouir plus librement leurs talents créateurs, accéder à des responsabilités nouvelles. Il s’agit des petits et moyens agriculteurs que la politique du pouvoir pousse à l’exode ou maintient dans l’incertitude, contraint à travailler plus pour un revenu réel moindre, prive de l’accès à des conditions modernes d’ existence. Il s’agit des artisans et commerçants, des petits et moyens entrepreneurs, atteints par les mesures actuelles du pouvoir, conduits pour un certain nombre à la cessation de leur activité, angoissés pour un nombre plus grand encore par un avenir incertain. A juste titre, le projet de résolution cite aussi les militaires, qui ne

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 47 constituent évidemment pas une couche sociale de même type que celles que je viens d ’évoquer, mais dont la situation est particulière. Parmi eux, l'idée fait son chemin qu’ils trouveront des conditions matérielles et morales d ’activité infiniment meilleures dans le cadre d ’une politique qui garantira à chaque soldat le droit d ’être un citoyen, liera l’armée à la nation, la mettra au service exclusif des intérêts de celle-ci, au service d ’une politique d ’indépendance et de paix. En bref, nous développons notre politique d ’union en nous fondant sur le point de vue que « la France ne se divise pas en deux moitiés dont les intérêts seraient diamétralement opposés. La ligne de partage décisive se situe entre, d ’une part, l’immense masse des Français qui vivent de leur travail et servent le pays et, d ’autre part, la caste étroite qui possède et domine l’économie et l'Etat. Tous ceux-là peuvent s’unir parce qu’ils ont aujourd ’hui un intérêt essentiel commun : secouer le joug du grand capital, sortir la France de l'ornière, mieux vivre et travailler dans la sécurité et la liberté».

faire la clarté

La conduite de cette grande politique unitaire pose naturellement des problèmes nouveaux, sur lesquels il importe de faire la clarté. Notre mot d ’ordre d ’« Union du peuple de France », en effet, n’a nullement pour objet de négliger ou d ’estomper la diversité sociale, politique et philosophique de notre peuple. Au contraire, comme le souligne le projet de résolution, notre politique prend en compte cette diversité. Lorsque nous invitons par exemple les petits et moyens entrepreneurs industriels à bien choisir leur camp et à ne pas se tromper d ’adversaire, nous ne prétendons nullement que leurs intérêts seraient rigoureusement identiques aux intérêts de leurs ouvriers. Non, les uns s’approprient la plus-value que les autres produisent et il existe entre eux un rapport d ’exploitation irréductible. C’est pourquoi, en toutes circonstances, sans hésiter et avec la plus grande initiative, nous prenons et prendrons la défense des travailleurs, de leurs intérêts et de leurs droits. Elle est pour nous prioritaire. Ceci dit, ce qui met à notre époque le couteau sur la gorge de la plupart de ces petits et moyens entrepreneurs, ce ne sont pas les légitimes revendications de leurs travailleurs, c’est la politique des grandes sociétés, des banques et du pouvoir. C’est là qu’est leur principal adversaire ! Leur intérêt est donc précisément de voir triompher les réformes démocratiques que nous préconisons, parce qu’elles briseront la toute-puissance des monopoles et permettront de préserver leur déve ­ loppement — que nous considérons utile à l’équilibre et au dynamisme de l’économie française. Les difficultés auxquelles ils se heurtent du fait de l’aggravation de la crise du système actuel peuvent leur faire mieux situer où sont les responsables de leur situation. Elles peuvent les conduire, si nous éclairons l’expérience qu’ils vivent actuellement, à prendre en conséquence leur part de la bataille que mène l’ensemble des forces populaires pour les changements démocratiques. Autrement dit, nous proposons aux diverses couches sociales de se rassembler, non pas dans la confusion, non pas dans je ne sais quelle union « au-dessus des choses », mais sur une base précise : mettre un terme à la domination du capital monopoliste, à sa politique de pillage de la nation, à sa volonté de pressurer par tous les moyens la population, et créer des conditions qui permettront à chacun de travailler dans la sécurité et la liberté.

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL Certains «ultra-révolutionnaires» se disent «choqués» de nous voir nous occuper avec sérieux des problèmes du paysan, de l’artisan, du boutiquier, du petit ou du moyen entrepreneur. Ils voudraient faire croire que nous voulons simplement opérer le « rassemblement des mécontents «. En vérité, ils ne cherchent qu’à réduire les possibilités d ’alliance de la classe ouvrière, donc de son succès. Nous ferons en sorte qu’ils en soient pour leurs frais.

les chrétiens et l’union du peuple de france

De même, la France est un pays où règne une grande diversité de courants de pensée. L’union du peuple de France passe par l’adhésion de millions de Français à la politique nouvelle que nous voulons promouvoir ensemble. Il y a, entre autres, des Français qui sont chrétiens et d ’autres qui sont des matérialistes. Il existe donc entre eux d'indiscutables diver­ gences philosophiques. Nous le disons très clairement: notre Parti ne recherche pas avec les croyants une impossible conciliation idéologique. Nous ne leur proposons pas de renier leur foi, pas plus que nous n’entendons abandonner nos propres convictions ni les bases scienti­ fiques de notre action. Nous n’entendons pas davantage choisir à leur place comment ils doivent être chrétiens, choisir une partie d ’entre eux contre une autre. Non, nous disons simplement que travailleurs et démocrates, qu’ils soient chrétiens ou athées, ont des intérêts, des revendications, des aspirations communs. L’évolution qui se manifeste depuis plusieurs années dans les milieux chrétiens s’accentue aujourd ’hui. Nombre d’ entre eux aspirent à des changements réels, à une société plus juste, plus fraternelle, et le disent. C’est ce que relevait récemment l’hebdomadaire « La Vie catho ­ lique», en indiquant: «Les chrétiens ont un souci accru de loyauté et d ’authenticité, une ardente volonté de lier leur foi et leur existence. Ils ne supportent plus d ’être chrétiens à l’Eglise et d ’être, le reste du temps, plus ou moins complices des injustices de l’argent». Ce mouvement réel, profond se reflète dans une certaine mesure et sur certaines questions dans les démarches de l’Eglise elle-même. Il pousse un nombre grandissant de chrétiens à se prononcer pour l’union avec ceux qui, bien que ne partageant pas leurs convictions philoso­ phiques, sont animés des mêmes aspirations, et en particulier avec les communistes. Ils vérifient de plus en plus que la coopération, la lutte commune que nous leur proposons n’est pas un piège, une astuce, mais une démarche de principe. Ils constatent que cette coopération s’établit réellement dans le respect des convictions de chacun, dans la loyauté. Nous entendons accentuer nos efforts pour que cette évolution s'accélère.

les travailleurs, les démocrates les patriotes gaullistes

Il existe aussi dans notre pays des hommes et des femmes qui ne sont pas du tout des gros possédants ni des privilégiés de la fortune, mais qui — abusés par la propagande réactionnaire — se considèrent d ’une autre famille politique que la gauche. Il y a par exemple ces hommes et ces femmes qui ont jusqu’ici soutenu

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 49 des personnages politiques se disant « centristes • ou .réformateurs», parce qu'ils pensaient s’affirmer de la sorte comme des opposants à la politique des gros banquiers, des magnats de l'industrie, des grandes affaires commerciales. Ils pensaient que ces politiciens «centristes» ou «réformateurs» étaient porteurs de leur espoir de changement. Que souhaitent-ils aujourd ’hui? Ils vérifient que le «centre» n’est finalement qu’une des facettes de la politique des puissances d ’argent, une roue de secours du grand capital. Ces Français qui ont été et restent souvent trompés par la propagande anticommuniste, comment pourrions-nous envisager de les abandonner à l’influence de la réaction? Nous ne renoncerons pas à leur montrer que leur intérêt réel leur commanda de renforcer le courant démocratique. D’autres, nombreux, se réclament du gaullisme. A ce sujet, une camarade a écrit dans la tribune de discussion qu’il s’agit de s’unir avec l’U.D.R. Elle a mal posé le problème. Qu’avons-nous en vue lorsque nous disons que les démocrates et patriotes gaullistes ont leur place dans l’union du peuple de France? Nous avons combattu avec une énergie dont nous ne renions rien la politique économique et sociale faite sous l’égide du général de Gaulle. Nous avons — seul en tant que parti — dénoncé le caractère personnel, non démocratique, du pouvoir instauré en 1958. Nous considérons — et c’est un fait d ’histoire — qu’au cours des années qui ont suivi, la grande bourgeoisie a non seulement maintenu, mais renforcé sa domi ­ nation. Dans le même temps, nous avons soutenu les aspects positifs de la politique extérieure de de Gaulle, sa volonté de voir la France ressaisir son indépendance, ses initiatives en faveur non seulement de la coexistence pacifique, mais de la coopération avec les pays socialistes, son refus de laisser les décisions politiques, économiques et militaires de la France se prendre ailleurs qu’à Paris. Nous l’avons fait d ’autant plus qu’il s’agissait d ’objectifs pour lesquels nous luttons depuis toujours. Nous considérons que cette ligne a été juste et qu’en la suivant avec la plus grande rigueur nous avons bien servi les intérêts des travailleurs et de la nation. Ceci dit, je voudrais rappeler ce que notre Parti disait dès 1958. Le référendum avait eu lieu le 28 septembre; 80% des électeurs avaient dit OUI à de Gaulle; même une partie de ceux qui votaient pour nous ne nous avaient pas suivis. Six jours plus tard, le 4 octobre, Maurice Thorez disait devant le Comité central ; « Il ne faut surtout pas faire une croix sur ceux qui ont voté OUI». Tout son discours au Comité central était imprégné de cette idée. Il soulignait que les hommes et les femmes qui avaient voté OUI l’avaient fait pour des raisons contradictoires. Il y avait des factieux, bien entendu, mais il y avait aussi de très nombreux travailleurs. Ces contradictions ne manqueront donc pas d’écla ­ ter, disait notre camarade, et les illusions se dissiperont. Il ajoutait aussitôt: «Mais pas sans effort de notre part! Elles ne se dissiperont que si le Parti y aide, si le Parti agit, si le Parti éclaire les masses par une politique d’explications active et patiente.» C’est ce que le Parti a fait, camarades, c’est ce qu’il a fait avec un succès qui montre que nous avions raison de poser le problème de cette façon. Aujourd’hui, des hommes et des femmes qui sont restés attachés au gaullisme parce qu’ils voyaient en de Gaulle le symbole de l’indé­ pendance et de la grandeur françaises, s’alarment de voir le pouvoir

50 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL giscardien plier l’échine devant les exigences américaines et ouest- allemandes, réintégrer subrepticement l'O.T.A.N., se faire le champion de réunion politique» de la petite Europe des grandes affaires, accepter qu’on décide à Bruxelles du sort des paysans français, préconiser «d ’im­ portants abandons de souveraineté » et s’acheminer à pas feutrés vers une nouvelle forme de C.E.D., qui serait cette fois nucléaire. Ils ne se reconnaissent plus dans ces dirigeants et députés U.D.R. qui se rallient avec armes et bagages à la coalition Giscard d ’Estaing-Chirac-Lecanuet, à sa politique de combinaisons à la petite semaine et de braderie des intérêts nationaux. Ils sont aussi fondés à s’interroger sur la signification de l’opération lancée par Michel Jobert. Celui-ci se refuse pour l’instant à prendre une position politique claire. Mais dans une déclaration récente, M. Olivier Guichard vient d ’affirmer qu’il serait utile de «reconstituer un centrisme d’ opposition. qui pourrait, comme l’a fait Lecanuet, voler au moment opportun au secours de la majorité réactionnaire. M. Guichard a-t-il annoncé tout haut ce que M. Jobert envisage tout bas ? C’est aux travailleurs, aux démocrates, aux patriotes gaullistes que nous nous adressons. Et nous affirmons que nous pouvons, eux et nous, nous retrouver « dans une large alliance qui se donne pour but d’ assurer l’unité, la prospérité, la grandeur et le rayonnement de la communauté nationale». Comment nous résignerions-nous à «faire une croix» sur eux qui sont, pour la plupart, des travailleurs, des simples gens victimes de la crise au même titre que la grande masse des Français? Par centaines de milliers, ils ont déjà entendu notre appel, notamment au second tour de l’élection présidentielle. Nous poursuivrons nos efforts, car nous en sommes convaincus: le rapprochement avec ces travailleurs, avec ces démocrates, avec ces patriotes, comme avec tous les travail ­ leurs, tous les démocrates, tous les patriotes, est possible et il est nécessaire pour engager le pays sur la voie du changement démocratique. En bref, nous voulons créer les conditions d ’un grand mouvement populaire, d ’un grand mouvement national dans lequel se retrouveront côte à côte des formations diverses, des hommes et des femmes appartenant à des couches sociales et à des familles de pensées différentes, conservant leur originalité — un grand mouvemerit, largement majoritaire, puisant sa richesse et son efficacité dans cette diversité mise au service d ’un grand objectif commun : une politique française de progrès social, de démocratie, d ’indépendance et de paix. Seule une telle politique peut fournir la base du rassemblement néces­ saire des forces vives du pays, seule elle peut être le motif de l’élan national nécessaire pour sortir le pays de la crise, assurer son renouveau, sa prospérité et sa grandeur. Voilà ce que nous voulons dire, ce que nous voulons faire avec notre mot d’ ordre d ’Union du peuple de France.

V. UN PARTI PLUS INFLUENT, PLUS FORT, PLUS ACTIF

Tout faire pour bâter la réalisation du changement démocratique, c’est donc travailler à l’union la plus large autour de la politique définie par le programme commun de la gauche. Mais c’est aussi, et de manière inséparable, travailler au renforcement de l’influence et de l’organisation de notre Parti.

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 51 Lorsque nous disons cela, nous ne sommes pas animés par un esprit de boutique. Notre Parti n’a pas sa propre fin en lui-même. Ce qui nous guide, c’est exclusivement l'intérêt de la classe ouvrière et du peuple de France, la volonté de voir se réaliser les transformations démocratiques profondes dont le pays a besoin. En effet, ces transformations démocratiques, et la marche ultérieure au socialisme constituent une tâche complexe en même temps qu’un combat. Car, je le rappelais il y a quelques instants, la bourgeoisie exploiteuse et son personnel politique réactionnaire ne cèdent jamais de bon gré leurs positions et leurs privilèges. Les travailleurs, tous les démocrates doivent donc disposer d ’un parti de combat, clairvoyant, déterminé, efficace. Ce parti, c’est le Parti communiste. Il peut jouer et il joue ce rôle d’ avant-garde de la classe ouvrière et du peuple parce au ’il est le parti de la classe la plus intéressée à la transformation de la société : la classe ouvrière ; parce qu’il fonde son action sur une théorie révolutionnaire qu’il enrichit sans cesse des conclusions nouvelles tirées de la vie; parce qu’il dispose de règles et de méthodes d'organisation qui assurent son unité dans l’action sur la base d ’une élaboration profondément démocratique de toutes les décisions.

un parti communiste influent, c’est la sécurité pour l’avenir des travailleurs

Toute l’expérience vérifie l’aptitude de notre Parti à jouer un rôle d'avant-garde qui ne se décrète pas mais se gagne dans la lutte. Sans remonter trop loin dans l’histoire, prenons comme exemple la crise actuelle de la société française. Alors que la situation des travailleurs, des Français dans leur masse, se dégradait d ’année en année, les fausses explications et les fausses solutions n’ont pas manqué pour tenter de les détourner de la lutte conséquente contre les monopoles capitalistes et leur pouvoir. Parce qu’il avait décelé et analysé cette crise dès 1969-1970, notre Parti, par ses explications et ses propositions d ’action, a pu contribuer de façon décisive au développement des luttes pour imposer des reculs au patronat et au pouvoir. D’autre part, au cours de ces luttes, il a pu aider au développement de la volonté de changement et montrer les perspectives réelles du renouveau démocratique de notre pays. Lès travailleurs, les familles laborieuses des villes et des campagnes l’ont vérifié une fois encore : dans leurs luttes quotidiennes pour la satisfaction de leurs revendications, ils trouvent à leurs côtés les com­ munistes mettant au service du peuple non seulement leur dévouement, mais aussi, et inséparablement, leur aptitude à analyser les situations complexes et à définir avec les masses le contenu et les formes les plus appropriées pour leur action, la politique la plus juste. Autre exemple ; l’Europe. Les Français le savent, nous avons été hostiles à la création du Marché commun. Qu'avions-nous dit alors? Nous avions attiré l’attention des salariés et des paysans de France sur le fait que l’Europe de la prospérité et du bien-être qu’on leur promettait, ce serait en fait l’Europe des grandes affaires. Nous avions alerté les Français sur les dangers qui menaçaient l’indépendance et la souveraineté nationales.

52 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL Qu'en est-il aujourd ’hui? i.es salariés et les paysans de France peuvent constater que nous avons eu raison. La petite Europe, c'est l’Europe des trusts, c’est l’Europe des restrictions et du chômage, c’est l’Eirrope de l’austérité pour ceux qui travaillent et des bonnes affaires pour 1er. sociétés multinationales. Et oour ce qui est des abandons de souveraineté, la politique de MM. Giscard d ’Estaing, Lecanuet, Abelin, et autres «atlantistes» — dont j’ai rappelé tout à l’heure les grandes orientations — montre à quel point nos craintes étaient fondées. En proposant aux Français de lutter avec les forces ouvrières, démocra­ tiques et pacifiques d ’Europe pour une Europe de progrès social, de démocratie, d ’indépendance, de sécurité et de paix, pour l’Europe des travailleurs et des peuples, notre Parti se trouve, comme toujours, au premier rang de l’action pour sauvegarder l’indépendance et la souve­ raineté française, pour défendre les intérêts de la nation. De même on a toujours trouvé et on trouvera toujours le Parti communiste français au premier rang de la lutte pour la liberté. Il y a à cela trois raisons, qui sont autant de garanties pour ceux qui s’interrogent sur ce qu’il adviendra de leur liberté lorsque des communistes participeront au gouvernement de la France. La première de ces raisons tient à la nature même de notre Parti. Nous sommes le parti de la classe ouvrière, des travailleurs, du peuple, c’est-à-dire de tous ceux qui sont aujourd ’hui le plus privés de liberté, de tous ceux qui n’ont pour réaliser leurs aspirations aucun besoin d ’en priver qui que ce soit. La deuxième raison, c’est dans l’histoire de notre pays et de notre Parti qu’il faut la chercher. Dans notre programme, «Changer de cap», dans « Le défi démocratique », dans le programme commun, nous avons pris l’engagement devant le pays de préserver, de rétablir et d ’étendre les libertés. Or, un demi-siècle d ’histoire en témoigne, le Parti communiste français est le parti qui n’a jamais failli à ses engagements. D’ailleurs, non seulement notre Parti n’a jamais levé la main contre la liberté, mais il a au contraire toujours eu à souffrir des atteintes qui lui ont été portées. C’est par dizaines de milliers que l’on compte les communistes victimes de la répression du patronat et de l’Etat. Et les différents systèmes électoraux mis en place pour restreindre la liberté de choix des Français ont toujours été étudiés pour porter préjudice à notre Parti. La troisième raison qui fait du Parti communiste le garant des libertés, c’est que les transformations que nous voulons réaliser ne connaîtront le succès qu’avec la participation réelle des Françaises et des Français. Nous l’avons dit, il faut le répéter avec force; ce sont ceux qui mènent une politique contraire aux intérêts de la plus grande partie de la population qui ont besoin de restreindre ses libertés. Nous, au contraire, nous vouions faire une politique pour notre peuple. Une telle politique ne peut se faire qu’avec le peuple. Il est un autre aspect du rôle d ’avant-garde de notre Parti, c’est son aptitude à mettre en œuvre en participant au gouvernement une politique conforme aux intérêts des travailleurs, du peuple et de la nation. Les travailleurs de notre pays en ont déjà fait l’expérience. Il y a déjà eu des ministres communistes en France. Et ils ont pris avec dévoue­ ment, loyauté, compétence et efficacité une part essentielle à la mise en œuvre de la politique économique et sociale la plus audacieuse, la plus démocratique que notre pays ait jamais connue.

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 53 Aujourd’hui, notre Parti — qui a pris une part décisive à l’élaboration des réformes démocratiques profondes qui peuvent sortir la France de l’ornière — dispose d ’un nombre incomparable d ’hommes et de femmes dévoués, compétents, dynamiques, intègres, qui — dans les organisations sociales, les syndicats, les municipalités et les Conseils généraux — font la preuve de leur capacité à gérer les affaires publiques. Enfin, notre Parti se distingue également par sa capacité à refuser et à éviter les pièges de la collaboration de classes. Nous n’avons jamais accepté d ’aller au pouvoir pour gérer les affaires de la grande bourgeoisie, pour aider celle-ci à faire passer plus aisément la pilule amère des sacrifices. Les travailleurs savent que nous ne l’accepterons jamais. Nous avons toujours lutté pour arracher à la collaboration de classes ceux qui, à gauche, s’y étaient fourvoyés. Cette lutte contre la collaboration de classes est inséparable de notre combat pour l’unité. Depuis des dizaines d ’années, le Parti communiste travaille à l’unité de la classe ouvrière, à l’union autour d’elle de toutes les forces de notre peuple dans la lutte pour des progrès toujours plus avancés de la démocratie, pour ouvrir le chemin du socialisme. C’est ainsi, chacun le reconnaît, que son rôle a été déterminant dans l’adoption du programme comrhun de la gauche, et dans les progrès de l’union réalisée autour de celui-ci. Aujourd’hui, notre Parti fait front contre les tentatives de mystification de notre peuple que développe le pouvoir sous le prétexte d ’une prétendue crise du pétrole. Il propose des solutions positives et du même coup s’efforce de gagner des forces nouvelles à la compréhension de la nécessité de réformes profondes. Refusant les combinaisons d ’Etat-major, il met en œuvre la plus claire et la plus large politique d ’union du peuple français. En bref, il fait tout aujourd ’hui comme il fera tout demain pour réaliser les objectifs du programme commun, pour maintenir, consolider, élargir toujours plus l’union dans le combat indispensable pour le triomphe de ces objectifs. Nous pouvons dire — et ce n’est pas de notre part manquer de modestie — que notre Parti est l’adversaire le plus résolu du grand capital, le combattant le plus conséquent pour la démocratie et le socialisme, l’artisan inlassable de l’union des forces ouvrières, démocratiques et nationales. Telle est la raison fondamentale pour laquelle la grande bourgeoisie nous réserve l’essentiel de ses coups. Telle est la raisonraibun pourpuur laquellelapueiie li ’influence,iniiuenue, la forceluiue, l’activité du Parti communiste constituent pour tous ceux qui veulent un changement politique réel laI ^ meilleureI I I yN I I des garanties. En vérité, si l’on considère qu’en toutes circonstances le Parti communiste doit peser d ’un poids suffisant pour exercer au bénéfice des travailleurs et du peuple son influence sur la politique du pays, il est évident que ce poids doit grandir en liaison même avec l’élargissement du mouvement populaire, avec les progrès de l’union. Quelle excellente chose ce serait pour tous les travailleurs, pour l’avenir démocratique de la France, si le Parti communiste français atteignait ou dépassait les 25% de voix aux élections législatives. Oui, camarades, de la tribune de ce Congrès extraordinaire, nous le proclamons avec force; un Parti communiste plus influent, c’est la sécurité pour l’avenir des travailleurs !

54 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL renforcer le parti

La classe ouvrière, le peuple de France ont aussi besoin d ’un Parti communiste qui se renforce en adhérents. Nous enregistrons 80 000 adhésions cette année. C’est un résultat jamais atteint depuis 1947. A la date du 20 septembre, on dénombrait 20 930 cellules, soit 1410 de plus que lors du XX' Congrès en décembre 1972. A la date du 24 octobre, d’ après les renseignements fournis par les 97 fédérations du Parti, le nombre des cellules s’élevait à 21163, soit 1 643 de plus qu’au XX' Congrès. Les 21163 cellules se répartissent ainsi; 6 512 cellules d’ entreprises et d ’établissements d ’enseignement; 9 340 cellules locales; 5 311 cellules rurales. Les 97 fédérations ont commandé 500 880 cartes. Nous pouvons estimer que notre Parti comptera à la fin de cette année environ 450 000 adhérents. C’est un bilan extrêmement positif. Nous pouvons et nous devons toutefois avoir aujourd ’hui des objectifs plus audacieux encore. A cet égard, la discussion s’est développée dans la préparation du Congrès sur le point de savoir si nous devions nous adresser largement aux travailleurs, aux démocrates afin de les appeler à rejoindre nos rangs. Oui, nous pensons qu’il le faut. Nous devons bien voir qu’au lendemain de l’élection présidentielle, ils sont des centaines de milliers qui veulent participer à l’action pour hâter l’heure de ce changement réel qu’ils souhaitent et sentent possible. C’est à eux que nous devons nous adresser avec audace. C’est parmi eux que se trouvent, prêtes à participer à notre combat, les forces neuves et dynamiques dont notre Parti a besoin pour jouer toujours mieux son rôle. Ils n’ont certes pas tous forcément une claire vision de notre stratégie et des objectifs finaux du Parti. Mais cela ne peut constituer un obstacle insurmontable à leur adhésion, pas plus d ’ailleurs que ce ne fut le cas pour ceux qui ont adhéré avant eux. Dans toute son histoire, notre Parti n’a jamais demandé aux Français et aux Françaises qui souhaitent devenir communistes s’ils avaient lu et assimilé Marx, Engels et Lénine. Ce serait absurde de le faire aujourd ’hui ! Au demeurant, celles et ceux à qui nous proposons d ’adhérer au Parti communiste — et à plus forte raison celles et ceux qui décident d ’y adhérer — savent que nous luttons pour le socialisme! C’est au sein du Parti, dans le cadre de sa vie démocratique, dans l’action, que tous ces nouveaux adhérents assimileront notre théorie scientifique et prendront toute leur part à l'élaboration et à la mise en œuvre de notre politique.

la vie démocratique des cellules

Encore faut-il — et c'est là la vraie préoccupation que tous les militants du Parti doivent avoir à quelque échelon de responsabilité qu’ils se situent — encore faut-il que chacune de nos cellules se réunisse, vive, agisse. Un Parti plus fort, c’est aussi cela. Nous avons un grand Parti, dont la force et l’organisation sont sans

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 55 égales dans notre pays. Cela, nous le devons à l’extraordinaire dévoue­ ment, aux qualités de cœur et d ’intelligence dont font preuve les militants communistes. Grâce à eux, notre Parti peut s’enorgueillir de disposer d ’un nombre incomparable d ’organisations de base bien vivantes, actives, dynamiques. Mais les communistes le savent ; parce que nous voulons servir toujours plus et toujours mieux notre peuple et notre pays, nous avons le devoir d ’être plus exigeants envers nous-mêmes. Nous devons corriger — là où ils existent — un certain nombre de défauts. Encore trop de nouveaux adhérents ne sont pas intégrés dans un court délai à la vie du Parti parce que la cellule ne se réunit pas bien, parce que subsiste de la routine dans la convocation, dans la réunion qui manque d ’intérêt, parce qu’un travail collectif n’est pas soigneusement organisé. Nous avons absolument besoin de cellules plus nombreuses qui se réunissent régulièrement pour discuter de politique, et seulement ensuite répartir les tâches après les avoir définies avec un grand esprit d ’initiative.

d’abord les entreprises

Nous avons besoin de cela partout, mais en premier lieu dans les entreprises. On a l’habitude de dire chez nous; le Parti doit être organisé à l'entreprise parce que c’est là que le travailleur subit directement l’exploitation, là que se développe en premier lieu la lutte de classe. C’est vrai, mais cette idée est loin d ’être suffisante. Ce qu’il faut, c’est que l’organisation du Parti à l’entreprise mène une intense activité politique et idéologique auprès de la masse des travailleurs pour combattre la propagande réactionnaire, pour faire connaître la politique des communistes. En effet, l’entreprise est devenue non seulement le lieu privilégié de la lutte économique, mais de la bataille politique elle-même. On doit cela au poids croissant de la classe ouvrière et de la masse des salariés, à la liaison plus étroite entre le grand capital et l’Etat et du même coup entre les questions économiques et les questions politiques, et aussi au fait que la revendication politique ne s’arrête plus aujourd ’hui aux portes de l’entreprise. C’est ce qui explique que le grand patronat mène maintenant avec attention une bataille politique suivie au sein des entreprises. Les syndicats interviennent plus largement dans le débat politique. D’autres forces s’expriment qui ne le faisaient pas auparavant. La présence, l’activité de la cellule communiste à l’entreprise est dans ces conditions plus nécessaire encore. Qu’il s’agisse d’ éclairer les conditions complexes de l’exploitation, de contribuer à la définition de revendications économiques et politiques, d ’organiser l’action pour des objectifs qui dépassent le cadre de l’entreprise, de gagner les travailleurs au combat pour les objectifs du programme commun, au soutien de notre politique, de faire progresser les idées du socialisme, de faire connaître la réalité des pays où il existe, la cellule a des tâches à réaliser que personne, absolument personne ne réalisera à sa place. C’est pourquoi nous devons attacher la plus grande importance au fonctionnement des cellules d’ entreprises. C’est ce qui a conduit le Comité central à souligner que • le secrétaire de la cellule doit être le

56 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL meilleur militant, c'est-à-dire le plus apte à diriger la lutte à l’entre­ prise». Il faut en avoir conscience: c'est d’ abord et avant tout à l’entreprise que se gagnera la bataille pour donner à notre Parti la place qui lui revient dans la vie nationale. On ne peut donc que se réjouir du fait que 997 nouvelles cellules d ’entreprises ont été créées depuis notre dernier Congrès. Mais il faut faire plus encore, beaucoup plus. Il faut se lancer hardiment dans la bataille pour implanter le Parti dans des milliers d’entreprises où une cellule n'existe pas.

les travailleurs, les militants syndicaux

Des ouvriers, des employés, des techniciens, ingénieurs et cadres sont animés du désir de prendre une part dans l’action pour le changement démocratique auquel ils aspirent. A tous ceux-là nous nous adressons en leur disant qu’ils ont leur place parmi nous aux côtés de centaines de milliers d ’autres ouvriers, employés, techniciens, ingénieurs et cadres comme eux, qui composent notre Parti parce que tout comme eux ils ont voulu agir efficacement. Je veux aussi lancer un appel aux adhérents et aux militants des syndicats qui éprouvent aujourd ’hui le besoin de donner un prolongement politique à leur action syndicale pour le progrès économique et social, la démocratie, le socialisme. Je les invite à prendre leur place dans notre Parti qui est le leur, car c’est le parti des ouvriers, des travailleurs, le seul parti où ceux-ci accèdent largement à tous les postes de responsabilité y compris les plus importants. En adhérant à notre Parti, ils y trouveront une vie démo ­ cratique intense, non hypothéquée par les conflits de personnes et de tendances; ils y trouveront les moyens d ’une action politique efficace, fondée sur des bases scientifiques. La C.G.T. est la grande organisation syndicale de classe et de masse des travailleurs de France. Depuis des dizaines d ’années, elle mène un combat conséquent contre le patronat et son pouvoir, pour la défense des intérêts des travailleurs et leur pleine émancipation, pour l’unité syndicale. Elle a apporté depuis le premier jour son soutien actif au programme commun de la gauche et contribue au renforcement de l’union sur cette base claire. C’est la raison pour laquelle les commu­ nistes y adhèrent et y militent activement dans le strict respect de ses statuts et de son programme. Par ailleurs, les rapports entre la C.G.T. et notre Parti sont fondés, comme nos rapports avec les autres organisations syndicales, sur le respect de la vocation propre, de l’indé­ pendance de chaque formation. Nous considérons que cela est conforme à la tradition française et ne doit pas être mis en cause. Ce que nous souhaitons, c’est que les adhérents et militants de la C.G.T. qui, aujourd ’hui, veulent participer pleinement au combat politique pour des transformations décisives prennent en grand nombre leur place dans notre Parti. Nous formulons, dans le même esprit, le même appel aux travailleurs adhérant à la Fédération de l’Education nationale. Mais aujourd ’hui, des membres d ’autres organisations syndicales, comme la C.F.D.T., donnent leur adhésion à notre Parti. Nous nous en félicitons et nous les assurons qu’ils sont et seront considérés comme des commu­ nistes à part entière. Nous leur disons qu’ils peuvent être des nôtres

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 57 sans préjudice aucun pour leur option syndicale. Lors d ’une rencontre récente, le camarade Edmond Maire nous avait demandé notre position sur ce point. Voilà notre réponse. Nous voudrions à notre tour demander aux dirigeants de la C.F.D.T. si les membres de notre Parti adhérents à leur organisation syndicale sont assurés de pouvoir y militer librement, et y accéder à des responsabilités sans discrimination. Concernant le renforcement du Parti, je veux ajouter que nous devons aussi accorder une attention encore plus soutenue à nos efforts en direction de la jeunesse. L'aspiration au changement, à l’avènement d ’une société nouvelle est profonde chez les jeunes. Ils sont nombreux à se tourner vers les solutions du programme commun, à se prononcer pour le socialisme. Ils votent maintenant à partir de 18 ans. Tout montre que l’influence de notre Parti est grande dans la jeunesse. Nous pouvons et nous devons l’élargir encore. Parti combatif, parti révolutionnaire, notre Parti a vocation à être toujours mieux le parti des jeunes travailleurs, lycéens, collégiens, étudiants. Naturellement, cela suppose que toutes nos organisations accordent une aide permanente et soutenue au Mouvement de la Jeunesse communiste, dont l’activité est primordiale pour gagner les jeunes à la lutte pour la démocratie et le socialisme, pour former des militants et des cadres communistes dynamiques et aguerris. De même, il convient d’ accorder une grande attention à l’activité du Parti pour soutenir les revendications des femmes de notre pays, qui aspirent à de profondes et réelles transformations de la condition féminine, pour combattre la démagogie du pouvoir à leur égard, pour contribuer à leur participation aux luttes générales de notre peuple.

un parti toujours plus actif

Il faut enfin un parti toujours plus actif, toujours plus apte à animer le mouvement ouvrier et populaire, ou comme nous disons le mouvement des masses.

la propagande

Il est indispensable que notre propagande réponde toujours mieux aux exigences de notre bataiile politique et idéologique. Cela nécessite un effort constant pour être dans nos paroles et nos écrits plus sensibles à tout ce qui fait la vie des travailleurs et du peuple, pour saisir avec rapidité, à chaque instant, les questions sociales, politiques, idéologiques qui se posent, et en traiter dans un esprit combatif. Cela nécessite également que l’on veille en permanence à la qualité de notre argumentation, en ayant le souci d ’être compris de ceux à qui l’on s’adresse — en premier lieu des travailleurs. Cela suppose que l’on ne s’en tienne pas à la répétition des idées générales du Parti, mais qu'on ait le souci de leur donner vie en formulant au bon moment la bonne explication, à partir des préoccupations populaires. Cela est valable pour nos tracts et nos affiches comme pour notre

58 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL presse nationale, départementale et locale, ainsi que pour nos revues. Il convient également d ’organiser chaque fois que c’est nécessaire de grandes campagnes de propagande autour des initiatives polFtiques du Parti — avec assemblées-débats, rassemblement dans tout le pays, diffusion de nos livres — comme nous l'avons fait avec « Changer de cap », après la signature du programme commun, avec la parution du « Défi démocratique », et dans le cadre de la campagne pour le renforcement du Parti au lendemain de l’élection présidentielle. L’effort pour porter à un niveau supérieur la qualité de notre propagande doit s’accompagner d ’une utilisation meilleure, plus rapide et plus intense par toutes les organisations du Parti, de tous les moyens dont nous disposons. L’amélioration du contenu de «l'Humanité» est inséparable de l’indis ­ pensable bataille permanente pour augmenter sa diffusion. Lutter pour «l’Humanité», c’est essentiellement lutter avec «l’Humanité». C’est faire en sorte que tout le Parti fasse de notre journal l’une des armes essentielles de son combat.

l’activité des cellules

Mais le rôle du Parti — et plus particulièrement le rôle de la cellule du Parti — n’est pas seulement d’expliquer. Celle-ci est naturellement conçue en vue de l’action. Pour être effectivement un parti d’ avant-garde, il ne suffit pas d ’avoir une stratégie et une politique justes. Il ne suffit pas — bien que ce soit capital — que notre presse, notre propagande combattent les arguments de nos adversaires, montrent les raisons des difficultés et exposent nos solutions. Il faut être en permanence à l’avant-garde de l'action. Il ne s’agit pas pour la cellule de se substituer aux organisations syndicales et démocratiques. Ce dont il s’agit, c’est de faire en sorte que le Parti dans les entreprises, dans les villes et les villages, donne son opinion sur tous les problèmes qui préoccupent les Français, propose des solutions et organise avec les travailleurs, avec les hommes et les femmes qui sont concernés, les actions nécessaires. Nous l’avons dit à maintes reprises. Il faut encore le redire' avec force: les militants communistes, les cellules doivent faire preuve de toujours plus d ’initiative dans l'action. Les travailleurs, les Français dans leur grande masse voient en nous, à juste titre, le parti de l’action au service de la justice sociale et du bien être du peuple. Chaque cellule doit avoir pour ambition de mériter à chaque instant, pour chaque problème, et toujours mieux ce titre.

la formation des militants

Le renforcement du Parti, c’est également la mise en œuvre des moyens nécessaires pour donner à chaque communiste — et notamment aux dizaines de milliers de nouveaux adhérents qui rejoignent aujourd ’hui nos rangs — les moyens de jouer pleinement leur rôle dans la bataille difficile et complexe que nous devons mener. Le moyen de tous les jours, c’est la lecture de « l’Humanité ». En

GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL 59 même temps, pour développer la connaissance des bases théoriques de notre politique et de notre organisation, il faut donner au travail de formation idéologique des militants du Parti une dimension nouvelle. Des mesures devront être prochainement décidées dans ce domaine par le Comité central. Sans attendre, deux initiatives devraient être prises: - Organisation à l’intention des nouveaux adhérents de stages d ’un ou deux jours sur le rôle du Parti et sa politique visant à l'union du peuple de France pour le changement démocratique. - Tenue immédiate, avec la participation des membres du Comité central, de cent stages d’ étude pour les secrétaires de cellules d'entreprises. Ces initiatives n’excluent pas, bien au contraire, la multiplication des conférences éducatives sur des sujets d ’actualité comme l’inflation ou les problèmes énergétiques. Elles s’inscrivent dans l’effort de formation permanente des militants communistes, qui peut se développer également dans l’immédiat autour de l'étude des idées principales qui auront été au centre des travaux de notre Congrès.

Camarades, Ce Congrès extraordinaire est placé tout entier sous le signe de la lutte pour parvenir aux changements profonds dont notre pays a besoin. Sortir de la crise, permettre aux travailleurs, à notre peuple de vivre mieux dans la liberté et l’indépendance, assurer à la France un rôle international nouveau au service de la paix et de l’amitié entre les peuples, lui ouvrir le chemin du socialisme, voilà ce qui n’a cessé d ’inspirer notre action, voilà les objectifs que nous entendons servir en renforçant enoore notre Parti. Sans nul doute, notre Congrès y contribuera. La grande bourgeoisie le sait, elle le craint. C’est pourquoi ses dirigeants et ses serviteurs — princes et valets — déchaînent contre nous l’artillerie lourde de l’anticommunisme le plus grossier. Déjà, certains rêvent d ’une France où ils pourraient à leur guise surexploiter les travailleurs, restreindre les libertés, brader l’indépen­ dance, diviser les forces populaires et se replonger dans les vieilles combinaisons politiciennes, parce que le Parti communiste serait affaibli. D’autres avant eux ont eu cet espoir et ne nous ont pas ménagé leurs coups. Mais ils ont tous échoué. Sans risque de nous tromper, nous pouvons affirmer qu’une fois encore ils se casseront les dents. Des Français et des Françaises en nombre grandissant trouveront dans notre Congrès lui-même des raisons d ’apporter un soutien accru au parti qui met toutes ses forces au service de la classe ouvrière, au service du peuple, au service de la France. Vive l’union du peuple français pour le triomphe de la politique de progrès social, démocratique et national définie par le programme commun de la gauche ! Vive le combat pour une démocratie avancée, pour une France socialiste! Vive l’unité du mouvement communiste international, l'unité de toutes les forces de progrès, de démocratie, d ’indépendance et de paix dans le monde ! Vive le Parti communiste français!

60 GEORGES MARCHAIS / RAPPORT DU COMITE CENTRAL CO CA CO > O § w n 3 "O 3 ra 2-0 9.0 3 I (A _ COMMUNISTE OU NON AVEC ro > w Z l| ca r- CA 2 6 boulevarci ï" ï, m poissonnière 0) m to 2 75009 paris Ol H 3 H Q. m 2. O ““ O w CA (fl 3 ccp 5320 69 m CA O) O CA CO CA s paris (A > (O 3 ro 33 g 3 ni FR^ w O CO (fl' O ro O lO 3 O 55’ NOU^ O HEBDOMADAIRE CENTRAL DU PCF DANS LE DEBAT POLITIOUE O la discussion

Depuis qu'il a été soumis par le Comité central, début septembre, à la discussion de l’ensemble des membres du Parti, le projet de résolution en vue du XXI' Congrès extraordinaire a fait l'objet d'une étude approfondie de la part des communistes. L’analyse de la situation française, confrontée aux réalités sociales et politiques et à l'expérience de chacun a été étudiée, discutée, enrichie. Plusieurs centaines de milliers de communistes ont participé à cette réflexion dans la plupart des 21 163 cellules qui se sont réunies une, deux ou trois fois pour en débattre. Des dizaines de milliers de communistes ont participé à leur confé­ rence de section. Plus de vingt mille ont assisté aux conférences dans tous les départements. Des milliers ici, des centaines là ont consacré leur discussion à la recherche des meilleurs moyens de réaliser l’union du peuple de France pour le changement démocratique. 1 257 délégués ont participé aux travaux du XXI' Congrès ; près de cent désiraient y intervenir. 61 ont pu le faire. C'est de cette discussion dont rendent compte dans les pages qui suivent Fred Bicocchi, Philippe Fuchsmann, Michel Simon et Jean-Pierre Terrail.

la crise et les luttes

Dans la conférence de presse donnée tation des terres cultivables, la pénurie le jour même de l'ouverture du Con­ des ressources physiques du globe. » grès, remarque Jean Fabre (Seine- Ces vieilles thèses malthusiennes, qui Saint-Denis), Giscard d'Estaing a passé un aveu de taille : « La crise est dura ­ • Marcel Rosette, maire de Vitry, membre du Comité central, a ouvert le XXI' Congrès ble ». Il s'est néanmoins employé une extraordinaire le jeudi 24 octobre. La dis ­ fois de plus à masquer le fait qu’il cussion du rapport présenté par Georges Marchais a débuté le vendredi matin, sous s’agit en réalité de la crise du système la présidence de Auguste Bechler (Haut- du capitalisme monopoliste d ’Etat Rhin). Madeleine Vincent a présidé la séance de l'après-midi. C'est Sylvie Vinsen- (C.M.E.) : « Tour à tour sont mises en sini qui dirige le débat le samedi matin et cause les hausses de prix de pétrole, Louis Aragon qui préside la séance de l'après-midi. Le dimanche matin, les tra ­ la croissance de la population, la limi­ vaux seront dirigés par .

62 LA DISCUSSION s’inscrivent dans ia iignée du rapport Copenhague, des « transferts de sou ­ Mansholt, sont démenties par les pers­ veraineté » au profit de la Communauté pectives ouvertes par le développement européenne des monopoles. Il n’aura actuel des sciences et des techniques. fallu que trois mois de plus pour que Elles n'ont «qu'un seul objectif: impo ­ son ministre des Affaires étrangères, ser l’austérité aux masses laborieuses, M. Sauvagnargues, franchisse un nou ­ à tout le peuple, en la prétendant né­ veau pas et se prononce, à Strasbourg, cessaire et fatale ». pour des abandons très importants de souveraineté. Or, souligne Jean Fabre, «l’austérité c’est la solution du pouvoir des mono­ Dans cet esprit, M. Giscard d’Estaing poles, solution qui permet de sauve­ vient de confirmer qu ’il est prêt à garder le profit de quelques groupes abandonner la régie de l’unanimité au géants de dimensions multinationales ». sein du Marché commun. Cette règle, C’est la politique même de Giscard qui destinée à préserver l’intérêt national, est responsable de la flambée des prix ; il la juge « absolument incompréhen­ c’est elle « qui organise la récession, sible ». Il veut que les décisions com­ assignant à la production pour 1975 un munautaires soient désormais prises à taux de croissance de 4,2 °/o en baisse la majorité des Etats membres du Mar­ par rapport à celui de 1974 et de 1973. ché commun. Cela signifie en clair que Les hausses de prix organisées, la ré­ notre pays, son économie et le sort de glementation du crédit, la pression sur son peuple, se verraient soumis à des les salaires (y compris par de nouveaux décisions étrangères. moyens plus sophistiqués, telle la taxe D’ores et déjà, des décisions vitales conjoncturelle), la pression fiscale ren­ pour notre peuple ne se prennent plus forcée compriment la consommation à Paris mais à Bruxelles. populaire. En même temps, le budget A Bruxelles, ou à Bonn. 1975 freine encore le développement des équipements collectifs. Et ceci aussi a de quoi alerter les Français. C’est la même politique qui est cause de la montée du chômage. Il y avait Tout se passe en effet comme si la officiellement 210 000 demandes d’em­ politique de « relance européenne » du plois non satisfaites en décembre 1969, pouvoir offrait un marche-pied à la on vient d’en annoncer 524 000. C’est République fédérale allemande, plus ia conséquence directe du formidable précisément à l’impérialisme ouest- mouvement de concentration indus ­ allemand, dans la réalisation de ses trielle et financière réalisé dans notre ambitions dominatrices en Europe. » pays (notamment à partir de 1968) Le pouvoir giscardien « encourage ta avec l’aide de l’Etat. Aujourd ’hui, la venue d’investissements ouest - alle­ politique du pouvoir ajoute à cette mands, qui prennent position à une concentration la disparition accélérée vive allure dans des secteurs-clés du de petites et moyennes, voire d’entre­ potentiel économique français. prises importantes. C’est encore cette Les secteurs monopolistes d’outre-Rhin politique qui organise le pillage de s’estimant en position de force, Bonn l’épargne populaire et un soutien finan­ se proclame prêt à jouer le rôle de cier exorbitant au grand capital. Cette « banquier » de l’Europe — à certaines politique brade l’indépendance natio­ conditions naturellement. L’expérience nale. » italienne montre ce que cela signifie.

la politique des monopoles Présenté comme le pilier de la cons­ truction européenne. Taxe Bonn-Paris multinationaux aggrave en lait, par ailleurs, le glisse­ Jean Kanapa (Seine-Saint-Denis) rap ­ ment à l’atlantisme de la politique giscardienne. » pelle à cet égard « qu ’il n’aura fallu que deux mois après l’élection de En fin de compte, « la relance giscar­ Giscard d’Estaing pour que son pre ­ dienne de l’Europe c’est la mise sur mier ministre, M. Chirac, préconise, à pied d’un bloc économique et politique

LA DISCUSSION 63 ouest-européen, destiné à satisfaire ies classe ouvrière est porteuse des inté­ besoins des monopoies multinationaux rêts de la nation. » dont l'activité met en cause la souve­ Le mépris de l’intérêt national n’épar­ raineté des nations et de leurs légis­ gne pas d ’avantage l’électronucléaire, lations, destiné aussi à forger une comme le note Gilles Cohen (Essonne), alliance réactionnaire face au mécon­ en exposant la façon dont la crise tentement populaire que suscite la poli ­ frappe le Commissariat à l’énergie ato ­ tique du grand capital dans tous les mique (C.E.A.) à Saclay. La politique pays d'Europe capitaliste. inaugurée en 1969 par l’abandon de la Ce n'est pas cette politique-là qui per ­ filière française et qui consiste à mettre mettra de résoudre la crise — cette au service de l’industrie monopoliste crise dont M. Giscard d'Estaing est tout le potentiel scientifique, technique contraint de reconnaître l'existence et humain accumulé au C.E.A. est ac ­ dans le monde capitaliste. Favoriser célérée avec Giscard. Gilles Cohen en l'expansion impitoyable des plus grands donne quelques exemples. monopoles français, se lier plus étroi­ « 1° Le pouvoir soutient les trusts de tement à la petite Europe en crise, à la chimie qui pratiquent vis-à-vis des la City de Londres et aux konzerns pays producteurs d'uranium une poli ­ allemands, est-ce en effet le moyen de tique néo-coloniaiiste qui fait peser de sortir de la crise ? Non, c'est se joindre lourdes menaces pour l'avenir. aux incendiaires sous prétexte de com­ battre l'incendie. » 2 “ Dans le domaine de la construction de réacteurs on met le C.E.A. au ser­ vice des groupes monopoiistes améri­ énergie, secteurs de pointe cains, et ce, dans toutes les filières.

et intérêt national 3° Dans le domaine du combustible, C’est Augustin Laurent (Pas-de-Calais) le C.E.A. permet au groupe Péchiney- qui relève que la faillite de la politique Ugine-Kuhlmann d'intervenir sur le mar­ énergétique du pouvoir, menée au profit ché international de l'uranium, en lan­ du cartel international du pétrole, çant, avec le budget de l'Etat, un éclate au grand jour, au moment où programme colossal relatif à l'enrichis­ sement de i'uranium nécessaire à la celui-ci « parle de pénurie des produits seule filière américaine. Cette fiiière, énergétiques, de la nécessité d'écono­ si elle est encore nécessaire et con­ miser pour réduire le déficit de notre trairement aux filières d'avenir, repré­ balance des paiements ». sente un gaspiliage de l'uranium qui En effet : « Si la production nationale pourrait, à terme, poser de sérieux charbonnière avait été maintenue à son problèmes d'approvisionnement en niveau normai, elle aurait permis d'éco­ combustible. nomiser l'importation de vingt millions 4° Par la diminution des crédits, par de tonnes de produits pétrotiers, soit la filialisation, on freine, on étouffe la en valeur près de 900 milliards d'A.F., recherche scientifique alors que celle- c'est-à-dire une bonne partie du déficit ci est indispensable pour obtenir la de ia baiance des paiements. maîtrise de l'électronucléaire. Ce mai- La vie prouve que nous avons eu raison thusianisme s'exerce dans tous les dès 1950 dans notre lutte contre le domaines, en particulier dans celui de plan Schumann, en 1960 contre le plan la fusion thermonucléaire contrôlée qui Janneney, en 1968 contre le plan Bet- pourrait, à long terme, apporter la tencourt, de lutter contre la fermeture solution définitive aux probièmes de des puits, la liquidation des bassins l'énergie. miniers. 5° Quant à la politique de l'emploi au C.E.A., elle se caractérise par la multi ­ Cette lutte, nous l'avons menée, sou ­ plication des contrats sans garantie, vent et longtemps seul. par une exploitation éhontée des bour ­ C'est une preuve supplémentaire que siers et stagiaires, par l'arrêt des em­ plus que jamais à notre époque la bauches. Cette politique, visant à di­

64 LA DISCUSSION viser le personnel en même temps qu’ à une période où le marché des remor­ étouffer la recherche, a pour but d’em­ ques est en pleine extension. Les pêcher le maintien du pouvoir d’achat. organisations syndicales C.G.T. et La bataille revendicative au C.E.A. C.G.C. ont fait chacune la démons­ prend ainsi, en plus, le sens d’une tration de la viabilité de l’entreprise et bataille pour la défense de la re­ de ses possibilités d’ expansion. Les cherche... » élus, en particulier les élus commu­ C'est l'ensemble de la recherche et des nistes, ont porté la question au niveau secteurs de pointe qui est atteint par national. A l’entreprise, les syndicats cette politique antinationale au service C.G.T., C.F.D.T,, F.O. et C.G.C. organi ­ des monopoles. Alors que d ’un côté sent la lutte dans l’union la plus large. — c'est Nadège Mullot (Oise) qui le Quant au Parti « alerté depuis plusieurs rappelle — Dassault touche 86 milliards mois par la détérioration de la situation pour des projets d’ avions qui n’ont et les licenciements répétés, il s’est jamais volé, on assiste de l’autre, employé à en mettre en évidence les comme le souligne Jean Navals (Haute- causes fondamentales et les responsa ­ Garonne), au gaspillage considérable bles, à élever le niveau de conscience engendré par la non utilisation du des travailleurs de Titan-Coder. C’est à potentiel humain et technique de la partir de ces considérations politiques, et placés devant une situation de fait, S.N.I.A. à Toulouse : «Aujourd ’hui, alors que les travailleurs, de l’ouvrier aux que notre pays possède par la qualité de ses travailleurs une avance incon­ cadres, ont décidé massivement l’occu ­ pation de l’usine », testable dans le domaine du transport et cela pour un supersonique dans le monde dit occi­ combat qui conjugue la défense de dental, alors que le transport super ­ l’outil de travail, la défense des sonique représente l’avenir du trans­ 2 700 emplois, la défense de l’intérêt port aérien sur les longues distances, national. le pouvoir décide d’arrêter la fabrica ­ Aux luttes pour l'emploi font écho les tion, l'étude de versions améliorées. luttes pour l’amélioration du niveau de Demain, notre compagnie Air France vie et des conditions de travail. achètera-t-elle des supersoniques amé­ « La corporation des P.T.T. est engagée ricains ? » dans une lutte d’un niveau dont on Ici encore la crise suscite les luttes, trouve peu de précédents chez nous », et la défense de l’emploi s'identifie à annonce Pierre Campana (Paris). Il celle de l’intérét national. Les problè ­ s’agit avant tout de sauvegarder les mes posés par leur nature et leur avantages acquis en 1968 ; d ’améliorer ampleur, concernent l’ensemble des les conditions de travail par la créa ­ couches non monopolistes et favorisent tion massive d'emplois, de titulariser leur convergence dans l’action. Au les auxiliaires ; d'augmenter les salai ­ cœur de la bataille, la classe ouvrière. res. Au centre de tri de la gare de Lyon, dont le personnel est renouvelé les travailleurs à 25 °/o chaque année, « le haut niveau en lutte des actions politiques menées, estime Campana, n'est pas spontané : c’est le Les travailleurs en lutte sont repré­ résultat d'une présence et d’une acti­ sentés au Congrès. vité de notre Parti, dans l’entreprise, Jacques Turnaco (Bouches-du-Rhône) au grand jour. » évoque la liquidation de Titan-Coder L'année 1974 est menaçante pour l’in­ « seule entreprise française de dimen­ dustrie automobile. Aux conditions de sion nationale restant sur le secteur de travail très dures s'ajoutent maintenant la construction de remorque et contai­ la diminution des horaires de travail et ners », intervenant au moment où !’« on d ’inquiétantes perspectives pour l’em­ apprend que la société américaine ploi. Le projet de regroupement Peu- Strick-Corporation, après Trailor et geot-Michelin-Citroën a pour but, avan ­ Fruehauf, également américaine, s’ins­ ce Louis Perrot (Doubs), « de drainer talle sur le marché », et se situant dans d’énormes capitaux et, avec l’aide de

LA DISCUSSION 65 l’Etat, de mettre sur pied un groupe but de faire effectuer par les autres privé capable de concurrencer Renault travailleurs les opérations de travail, qui résiste mieux que les autres à la puisque souvent les travailleurs mutés crise ». ne sont jamais remplacés. Exemple : Face à ces menaces, les communistes c’est ainsi que par ces procédés la de Sochaux se préoccupent du déve ­ direction Renault est parvenue à ré­ duire de 1 000 les C.S. immigrés sur loppement de l'action des masses ; « La ies chaînes de montage tout en assu ­ mise en mouvement des travailleurs rant une même production qu ’en 1973. dans les grandes unités de production dépasse largement le cadre de ceux A cela s’ajoute le manque de temps qui y travaillent. Si les actions se déve­ de repos, donc élévation de la fatigue loppent là où est concentrée la classe physique et nerveuse due à l’intensifi­ ouvrière et si nos sections des grandes cation du travail qui est sans précé­ entreprises sont à la hauteur des exi­ dent. Résultat : accidents de travail en gences nouvelles, ces luttes amèneront augmentation. Le nombre d’accidents des milliers de gens qui hésitent en­ a été, pour 1973, de 4 038 pour Renault- core à situer les responsables et les Billancourt et de 11 506 avec arrêts causes de cette crise. » pour l’ensemble des grandes usines du Les menaces sur l’emploi ne s’accom­ groupe Renault. Cela représente pagnent pas, bien au contraire, d ’une 227 051 journées de travail perdues et réduction des rythmes et d ’une amélio­ un coût pour la Sécurité sociale de ration des conditions de travail. La 6 milliards et demi. Plus des arrêts en surexploitation frappe particulièrement maladie plus fréquents. deux catégories de travailieurs que de Mais l’exploitation ne s’arrête pas nombreuses interventions ont longue­ aux portes de l’usine. C’est ainsi ment évoqué : les immigrés et ies qu ’une fois finie la journée de travail femmes. pénible, les travailleurs immigrés doi­ vent faire lace à d’autres difficultés et autour des travailleurs discriminations : dans le domaine so­ immigrés cial, allocations familiales, problème du logement de plus en plus crucial. Hassan Larbi ((Hauts-de-Seine) rappel­ C’est ainsi qu’ils se retrouvent seuls, le, pour ce qui est des immigrés, leur avec comme cadre des taudis ou importance dans la métallurgie, la autres sortes de caves, hôtels meublés, construction et le bâtiment. A la Régie dont les marchands de sommeil tirent Renauit, ils sent 10 000 des 12 000 O.S. le plus grand profit. » Sur la chaîne, ils vivent « l'augmenta ­ L’accélération de la crise amène ia tion des cadences et cela sous diffé­ grande bourgeoisie à aggraver l’expioi- rentes formes : l’accélération de la tation des travailleurs immigrés mais vitesse de la chaîne, l'augmentation aussi, parallèlement, à tenter de les des charges de travail par travailleur. isoler des luttes de la classe ouvrière. On fait autant de voitures en une heure, Après Hassan Larbi, Chérit Fradj (Var) mais avec 20 °/o de l’effectif en moins. insistera sur la nécessité de combattre Ces augmentations de travail supplé ­ les idéologies de division et de diver­ mentaires atteignent souvent les limites sion et sur le rôle du Parti pour assurer du supportable. l’unité de ia classe ouvrière. Les immi­ C’est aussi la valse des mutations grés représentent, dans le Var, 18% d’atelier en atelier, mutations arbitrai ­ du nombre total des salariés. 1973 et res pratiquées par la direction de la 1974 auront été marquées, dans ce Régie Renault, en invoquant une amé­ département, « par des luttes puis ­ lioration technique du poste de travail ; santes contre le racisme et la xénopho ­ ou alors, c’est l'ouvrier qui ne peut bie », alors que « la campagne de la pas faire le travail ; mais c’est le licen­ bourgeoisie avait réussi à troubler une ciement déguisé qui se cache derrière partie de la classe ouvrière ». La préoc­ ces méthodes. Et je dois dire que cupation de la fédération du P.C.F. c'est une orientation voulue qui a pour est de donner aux travaiileurs immi­

66 LA DISCUSSION grés toute leur place « dans la lutte rare de retrouver dans les usines tex­ pour des changements démocratiques » tiles des jeunes filles ayant un C.A.P. et de mener une lutte idéologique con­ de comptabilité ou de dactylo. » séquente au moment où « le rôle dévolu Françoise Disses (Seine-et-Marne) don­ au racisme est plus que jamais d’inti­ ne quelques exemples des conditions mider et de neutraliser les travailleurs du travail féminin dans son départe ­ immigrés et de détourner les Français ment ; « Aux établissements Jeumot, d'une analyse lucide de leurs dilficultés à Ozoir-la-Ferrière, les femmes ayant en leur désignant de faux respon ­ quand même une qualification de P 2 sables. » sont payées 7,50 F de l'heure, alors que Le problème de l'immigration, estime te taux effectif garanti dans la métal­ à son tour Jean-Claude Poirier (Alpes- lurgie pour un P 2 est de 8,75 F. A la Maritimes), " n'est pas une question de S.O.C.O.J.I., à Melun, une femme en­ solidarité, une question morale, huma ­ ceinte après avoir travaillé sous la niste : il s'agit, pour nous communistes, pluie et la neige tombe gravement de réaliser l'unité de la classe ouvrière, malade, accouche prématurément et dont dépend le succès de nos batailles reste paralysée. A Savigny-le-Temple, pour les changements démocratiques »: le patron refuse de faire insonoriser un il importe, en ce sens, de « continuer à atelier où une énorme machine fait un populariser et à faire soutenir par l'en­ bruit infernal. Il ne se passe pas une semble des travailleurs français et im­ journée sans qu'une femme fasse une migrés, le statut démocratique et social crise de nerf. Chez Devoisel, à D.L.L., du travailleur immigré que propose no­ les femmes portent d’énormes paquets tre Parti. » de cotons. Leurs mains, en fin de journée, sont toutes coupées et ensan­ parlons glantées, » de la condition féminine... Jacqueline Mast (Somme) évoque « Vé- Plusieurs interventions ont également glia, entreprise de la métallurgie, où traité des temmes au travail, ouvrières près de 1 500 femmes et jeunes filles et employées — leur nombre et leur fabriquent des tableaux de bord de qualité reflétant à la fois le dévelop­ voitures pour moins de 1 000 F par pement du travail féminin salarié, les mois, dans le bruit, les mauvaises progrès des luttes dans les entreprises odeurs... » à main-d ’œuvre féminine, la participa ­ Le travail féminin, c’est celui des ou­ tion croissante des femmes à la lutte vrières, c'est aussi celui des em­ révolutionnaire. ployées, et qui connaît de plus en plus La plus jeune déléguée du Congrès, à beaucoup d ’égards les conditions du Colette Couédé, 18 ans, O.S. à la premier. Thomson d'Angers (Maine-et-Loire), Nadège Mullot (Oise) en parle : « Les souligne la déqualification « de centai­ femmes qui travaillent sont victimes, nes de jeunes filles possédant des dans la plupart des cas, de conditions C.A.P. ou ayant terminé des études de vie encore plus difficiles que les secondaires et qui travaillent sur les hommes. Les salaires sont plus bas, chaînes de l'entreprise. l’exploitation plus grande. A Tube Acier Les cadences, les conditions de travail Vallourec, par exemple, où les em­ entraînent une latigue et une usure ployés — presque uniquement des fem­ rapide des travailleuses, qui vivent quo ­ mes — sont en grève depuis plus d'une tidiennement l'aggravation de la crise. » semaine pour de meilleures conditions Arlette Boilot (Aube) souligne, à son de travail, un salaire plus élevé : elles tour, la déqualification du travail fémi ­ gagnent entre 1 300 et 1 500 F par mois pour certaines qui ont plus de vingt nin : « Sur vingt sections proposées au ans d'ancienneté. » lycée technique de Troyes, cinq seule­ ment sont accessibles aux jeunes filles. Cécile Cuche (Hauts-de-Seine) se fait De toutes laçons, le seul débouché l’écho des grosses concentrations de offert c’est la bonneterie. Et il n'est pas bureaux de la région parisienne, des

LA DISCUSSION 67 problèmes qui s'y posent et des luttes que lorsqu ’elle écoule la production qui s'y mènent (à propos de la Défense elle-même. On assiste à un phénomène dont « les promoteurs ont tablé unique ­ d'exploitation à distance, si l’on peut ment sur le nombre maximum de mè­ dire, d’autant plus grande que chaque tres carrés de bureaux en taisant l’im­ producteur a l’illusion de travailler pour passe sur les équipements collectas : lui-même, d’être indépendant, ce qui pas de centre médical, pas de crè­ l’incite à allonger la durée et l’intensité che... »). Geneviève Breteau (Seine-Ma­ de son labeur, courant ainsi après une ritime) évoque la diversité de leurs for­ sorte de mirage de prospérité. mes de participation aux luttes dans Le Marché commun, présenté hier com­ son département. me la chance de l’agriculture fran­ Le pouvoir giscardien tente là encore çaise, est au contraire, comme nous de faire diversion et cherche à provo­ l’avions affirmé, un mécanisme aux quer la division. La nomination de mains des monopoles visant à aggra ­ Françoise Giroud ne vise-t-elle pas, ver à leur profit le prélèvement sur le comme le suggère Nadège Mullot, « à travail paysan. Après la comédie de masquer cette vérité que les transfor­ Bruxelles, où le diktat allemand a servi mations de la condition féminine ne de prétexte au gouvernement français se conçoivent pas isolément mais en pour ne rien faire afin d’empêcher la liaison avec tout le contexte politique dégradation du pouvoir d’achat agri ­ et social»? L'on ne saurait, certes, cole qui va chuter cette année de évacuer la spécificité de cette condi ­ 15 % en moyenne, la situation de la tion, oublier par exemple que «beau ­ paysannerie petite et moyenne s’est coup de femmes ont souvent une dou ­ brusquement aggravée. ble journée de travail à assurer : les Seule une petite minorité de gros entre­ travaux ménagers sont absorbants et il preneurs capitalistes agricoles, pour n’est pas souvent possible, après une certains déjà liés à l’industrie, font face journée de travail à l’extérieur, de s’oc­ à la crise, grâce notamment à l’exploi ­ cuper convenablement des enfants ni tation de leurs salariés, encore qu'eux d’avoir une véritable vie familiale » ; mais pour autant, insiste Nadège Mul­ aussi, dans la dernière période, ils lot, on ne peut substituer l'opposition expriment quelques mécontentements des sexes à l'antagonisme des classes. car la voracité des grands groupes monopolistes peut aussi les atteindre.

Si la crise de l’agriculture est d’abord la situation de la paysannerie une crise sociale, du fait que l’immense brusquement aggravée majorité des agriculteurs se trouve me­ De nombreux délégués ont abordé les nacée directement dans ses conditions problèmes paysans et les effets de la de vie et de travail, vouée à une insé­ crise à la campagne. Signe des temps, curité permanente, elle est aussi une et souvent des plus récents, leurs inter­ crise de l’économie nationale, elle me­ ventions ne se bornent plus à constater nace l’indépendance alimentaire du la dégradation d'une situation : les pay ­ pays. sans victimes du capitalisme mono­ Chasser les jeunes paysans de la terre, poliste d'Etat apparaissent de plus en c’est une aubaine pour l’industrie, re­ plus des paysans en lutte contre le connaît le grand patronat ! Obtenir un C.M.E. travail encore plus acharné de ceux qui André Lajoinie (Allier) procède à une restent, en en tirant le plus grand analyse d'ensemble de la situation à bénéfice pour l’économie monopoliste, quelle trouvaille ! s’extasient les con­ la campagne : « Pour l’ensemble de la seillers de M. Chirac. » paysannerie laborieuse, une partie tou ­ jours plus grande de la richesse créée Diverses interventions ont rappelé les par son travail est accaparée par les aspects principaux des difficultés qui forces économiques monopolistes qui assaillent petits et moyens paysans, et la dominent, tant au moment où elle notamment la réduction croissante de doit acheter les moyens de produire l'écart entre le prix du produit de la

68 LA DISCUSSION terre — les prix à la production restant aux actions de l’été, dans lesquelles stables ou diminuant — et les frais les communistes ont joué leur rôle et d ’exploitation — le coût des matériels au cours desquelles on a pu être de production étant en augmentation surpris de voir « syndicalistes du constante, le prix de la terre aussi. M.O.D.E.F. et de la F.N.S.E.A. marcher Raymond Combes (Ardèche) remarque côte à côte et crier d’une seule voix leur mécontentement », comme l’indi ­ qu'alors qu'il faut une bonne vingtaine que Guy Pot. d ’hectares dans sa région pour faire vivre correctement une famille, la moyenne des exploitations y est de que vont devenir 9,5 hectares. Les premiers touchés sont nos régions ? bien entendu les petits exploitants : 250 à 300 exploitations disparaissent cha ­ Pour les agriculteurs aussi, les luttes que année en Ardèche, 500 dans le sociales rejoignent la défense de l’in­ Gers, comme le souligne Jean-Paul térêt national. Bessagnet, 500 dans le Lot-et-Garonne, annonce Jean-Claude François. Ce der­ Gabriel Crémoux (Haute-Vienne) remar­ nier rappelle, après d ’autres, que les que qu’alors « que notre pays dispose moyennes exploitations ne sont pas de tous les moyens pour couvrir la épargnées, et qu’elles sont fortement totalité de ses besoins comme il le endettées : ainsi, dans un canton à faisait avant 1958, aujourd ’hui les de­ base d’ élevage de son département, vises que fait rentrer la Régie Renault l’endettement atteint une moyenne de et si nécessaires pour d’autres impor ­ 9 millions d ’A.F. par ferme I Guy Pot tations comme le pétrole sont indispen ­ (Charente) souligne que les jeunes, qui, sables pour nous procurer notre déficit « il y a quelques années, avaient cru de viande porcine... » On détruit les à la technicité » et aux promesses du fruits et les légumes dont manquent pouvoir, sont particulièrement touchés tant de familles populaires. L'exode par l’endettement. rural déséquilibre le développement na ­ tional : sans nos jeunes, qui disposent Les formes d'éviction des paysans de de solides formations de chef d ’exploi­ la terre ne sont pas toujours les tation et qui quittent la terre pour aller mêmes. grossir l’armée des chômeurs, que va Ainsi, Albert Stéîanini (Corse) relève devenir notre région limousine ? se que l’intervention, dans son île, de la demande Gabriel Crémoux. Somivac, société d ’économie mixte En Corse, note Albert Stéfanini, le destinée à favoriser le développement schéma d ’aménagement adopté par le d ’une agriculture irriguée de haut ren­ pouvoir des monopoles, et à leur profit dement, « a donné le ton pour la créa­ exclusif, en canalisant tous les investis­ tion d’un secteur capitaliste agricole. sements vers l’agriculture capitaliste L'Etat limitant les zones d’action de la (des domaines viticoles voient le jour Somivac à la seule plaine orientale, a qui dépassent 1 000 voire 2 000 hecta­ interdit par là toute aide publique à res) et le tourisme, provoque une crois­ l’immense majorité des exploitants. La sance déséquilibrée : la désertification naissance d’un secteur agricole capita ­ de la partie montagneuse a pour liste s’est laite contre la paysannerie. » contrepartie la concentration et même L’accentuation de ces différents phéno­ la congestion de quelques zones étroi­ mènes depuis l’élection présidentielle tement localisées ; la disparition des n’est pas sans effet : le monde paysan exploitations familiales est un puissant bouge et la conscience des véritables moteur de dépopulation, alors que les causes de la crise y devient plus claire, ouvriers agricoles sont en quasi-totalité même chez ceux qui ont voté pour des travailleurs immigrés. Quant au l’actuel Président de la République. tourisme, les grandes affaires euro­ péennes et plus précisément ouest- Guy Pot pour la Charente, Jean-Claude François pour le Lot-et-Garonne ont allemandes en bénéficient en priorité. évoqué la large union qui a présidé L’exode rural n’est pas seul à mettre

LA DISCUSSION S9 en cause un développement régional revenu des agriculteurs... Il y a encore équilibré. d’ autres dimensions de la crise : celles qui touchent à la qualité qt au cadre Suzanne Carrier (Aisne) relève, pour de vie, à l’environnement. «La crise, son département, « les licenciements c’est aussi l’insuffisance des équipe ­ collectifs, les fermetures d’usine qui se ments sociaux, en particulier dans les poursuivent en particulier dans le tex­ grands ensembles. C’est la pollution tile où de nombreuses femmes sont de l’air et de la mer, en particulier dans concernées, et dans la métallurgie. le golfe de Fos et autour de l’étang L’Aisne lait partie des départements de Serre. C’est ta multiplication des sacrifiés par les monopoles. On doit à accidents de travail : 36 morts sur le cette politique non seulement les re­ seul site de Fos en 1974, dont 6 pour tards industriels mais également les le seul mois de juillet. » Là encore les retards sociaux. » responsables sont les mêmes et ils Mais la crise atteint aussi, aujourd'hui, doivent être clairement dénoncés. les régions « pilotes ». Nicole Gabrièle Francis Wurtz (Bas-Rhin) évoque le cas (Rhône) intervient, dit-elle, au nom de Marckolsheim : « Retenez ce nom, d ’une région (le « pôle de développe­ camarades, on en reparlera... Le dont on disait ment » Rhône-Alpes) « C.W.M., multinationale à base ouest- encore récemment qu’ elle était le sym­ allemande, veut implanter sur une zone bole d’un miracle économique », « en industrielle au bord du Rhin une usine en donnant comme illustration signifi­ interdite sur tout le territoire allemand. cative... la pénétration importante de Intérêt apparent : une promesse de capitaux étrangers. Les communistes 400 emplois... Vice évident : sa pro ­ de vou ­ avaient alors le mauvais goût « duction laisse des déchets à base de loir troubler l'enthousiasme officiel par plomb qui s’accumulent au fil des ans, des détails aussi subalternes que le s’introduisent dans les produits agrico ­ bien-être des travailleurs et de la popu ­ les de la .région et du vignoble du Kay- lation I Aujourd ’hui, Rhône-Alpes ne serstuhl en R.F.A. Les autorités locales sert même plus d’alibi à Giscard pour et ministérielles, Giscard en personne, célébrer « cette bonne santé de la informé depuis quatre mois, veulent France » dont il voulait nous persuader contraindre une population hostile au il y a à peine quelques semaines. Com­ projet d’accepter l’installation. » Pour me l’ensemble de la France, comme le moment les luttes se développent : l’ensemble de l’Europe capitaliste, après tliverses manifestations, occu­ Rhône-Alpes et le département du pation du terrain où « dans un élan de Rhône connaissent la crise et son solidarité internationale. Français et aggravation. » Allemands se retrouvent à 100, 500 ou 2 000 suivant les jours pour défendre — contre une multinationale allemande et contre la politique du gouvernement qualité Giscard — les uns leur terre alsa ­ et cadre de vie cienne, les autres leur vignoble alle­ mand. » Georges Lazzarino (Bouches-du-Rhône) La défense de la qualité de la vie, est aussi net dès les premiers mots c’est aussi le quotidien qu’évoque Guy de son intervention : « La situation dans Poussy (Val-de-Marne) à propos de notre département illustre la gravité de l'exemple de Créteil, souvent présenté la crise ». Titan-Coder et Métalinox fer­ officiellement comme la «vitrine» du ment leurs portes, la marine marchande département, et dont les habitants su­ en voie de liquidation, Cadarache me­ bissent l’élévation des loyers H.L.M. et nacé de démantèlement, de nombreu­ des charges, l’augmentation du prix du ses P.M.E, en difficulté, plus de métro qui arrive maintenant jusqu’à la 30 000 chômeurs malgré Fos, les diffi ­ préfecture, et la diminution du nombre cultés de fonctionnement des services des autobus, le manque de place dans publics, une baisse de 15 à 20% du les crèches et la surcharge des classes

70 LA DISCUSSION scolaires, l'absence de central télépho- versitaire, la spéculation sur les ter- nique, une densité d'habitat plus élevée rains. Créteil, dans la France en crise qu'à Paris, Londres ou New York, l’in­ et en lutte, « c'est à la fois le prestige suffisance de logements sociaux, les et la pauvreté », c'est la misère mo­ économies d ’ampoules au Centre uni- derne. l’union du peuple de france

Beaucoup d'interventions montrent voyance dont ont fait preuve les mi­ comment les luttes elles-mêmes met­ neurs, leur Parti communiste, leur syn­ tent concrètement, sur le terrain, l’union dicat C.G.T., en luttant dès 1950 contre du peuple de France à l'ordre du jour. la liquidation des bassins miniers. Et d ’ajouter : « Les mineurs et les popu ­ lations de nos régions minières sont à la classe ouvrière même, demain, dans le cadre de la au coeur de l’union politique nouvelle qui est celle du Programme commun de gouvernement, Alain Bocquet (Nord), indique que la de tout mettre en œuvre pour donner à notre pays les moyens de sortir de Conférence de son département a lar ­ gement débattu d ’une idée développée la crise actuelle, de retrouver la pros ­ périté et le bien-être. » dans le rapport de Georges Marchais : l'union du peuple de France passe Beaucoup d ’autres intervenants insis­ « par un renforcement de la classe la tent sur le rôle d'avant-garde de la plus immédiatement, la plus vitalement classe ouvrière : par exemple Jean intéressée à débarrasser le pays de la Navals (Haute-Garonne), ou Jean Gar ­ domination du grand capital, c’est-à- cia (Seine-Saint-Denis), qui souligne dire la classe ouvrière ». L'attestent les « que le monde du travail, ce sont luttes qui se déroulent actuellement d’abord les ouvriers, et c’est dans cette dans le département, par exemple chez direction, dans les grandes, petites et Titan-Coder, à Maubeuge. Cette lutte moyennes entreprises, que nous avons des travailleurs pour la sauvegarde de beaucoup à gagner. Mais le monde du l’outil de travail, pour l’emploi, «a un travail, ce sont aussi les employés, les contenu profond de défense des ri­ I.T.C. dont le nombre et le rôle gran ­ chesses nationales. Elle est largement dissent dans le département et dont soutenue par la population, les muni ­ un grand nombre est encore influencé cipalités, par les commerçants qui ont par la bourgeoisie. » ba ’ssé leur rideau le jour de leurs Même souci de la diversité objective manifestations, par l’Eglise qui a sonné et des inégalités subjectives chez Jean- le tocsin, par les agriculteurs qui orga ­ Marc Viret (Saône-et-Loire) : « La com­ nisent des ventes pour les soutenir. » préhension de la crise et les attitudes Ce rôle déterminant de la classe ou­ politiques qui en découlent diffèrent » vrière comme pôle d'attraction est très entre les salariés des sociétés multina ­ fortement relié par Augustin Laurent tionales et ceux des petites et moyen­ (Pas-de-Calais) à la portée nationale du nes entreprises (qui constituent près combat de classe. Il souligne la clair ­ des deux tiers des salariés du dépar ­

LA DISCUSSION 71 tement), entre ceux du secteur public l’essentiel c’est que les conditions de­ ou de grandes entreprises déjà an ­ viennent toujours plus insupportables, ciennes, et ceux de concentrations in- que ces femmes, ces jeunes, se tour­ dustrieiies plus récentes. « Un pour ­ nent vers le Parti dans la mesure où centage notable de ces salariés sont celui-ci a su apparaître et jouer son entrés dans la production il y a quel ­ rôle, sur le mot d ’ordre «la Défense ques années seulement », notamment pour les hommes et non pour le profit». d ’anciens agriculteurs ou fils d ’agricul ­ La pratique montre que « cette action teurs dont les uns vivent encore la d’avant-garde est possible dans un mi­ vie du village, d ’autres sont confrontés lieu où nous sommes largement mino­ avec la difficile expérience de l’urba­ ritaires » et où « nous voyons pro ­ nisation. Il y a chez ces salariés un gresser nos idées très vite, là où nous double sentiment de sécurité appa ­ sommes ». A partir de leurs situations rente {ils ont un emploi, un salaire), et de leur pratique propres, ingénieurs et de difficultés dont ils ne soupçon­ et cadres peuvent parcourir le même naient pas l’existence. La crise met chemin. « Ils sont bien placés, note en cause la première et aggrave les Cécile Cuche, pour voir les gaspilla ­ secondes, mais l’intervention du Parti ges énormes, les décisions prises est déterminante pour qu’à la révolte contre leur avis technique en fonction négative se substitue l’engagement po­ du seul profit..., l’absence de gestion sitif dans la lutte pour un véritable démocratique qui les frustre de la parti ­ changement politique. Eclairer le con­ cipation aux décisions... On les sent tenu et les moyens de ce changement très soucieux de l’intérêt de la collec­ constitue une tâche prioritaire. tivité nationale. » Analysant la bataille pour la défense Le capitalisme monopoliste d ’Etat, ce de « Concorde » et en générai de sont aussi les 20 000 employés, secré­ l’aéronautique dans la région toulou­ taires, ingénieurs, dessinateurs, cadres saine, Jean Navals (Haute-Garonne) commerciaux et administratifs (dont parvient à la même conclusion, de 60 °/o de femmes) concentrés à la Dé ­ même que Jacques Turnaco (Bouches- fense (Hauts-de-Seine). Enraciner le du-Rhône), à partir de la lutte de Parti dans un tel univers n’était pas Titan-Coder. gagné au départ, observe Cécile Cuche qui parle au nom de la section d ’entre­ prise de la Défense. Mais la crise est là aussi : pas de centre médical, de les femmes et les jeunes crèches, d ’équipements sportifs ou cul­ dans le combat politique turels, de locaux pour les syndicats, pour le Parti ; deux à trois heures par Plusieurs délégués (dont Nadège Mul- jour de transports. Les réactions spon­ lot, de l’Oise, Françoise Disses, de la tanées sont caractéristiques de ces Seine-et-Marne, Geneviève Breteau, dé catégories : résignation (chez les fem­ Seine-Maritime) soulignent la partici ­ mes surtout, marquées par l’idéologie pation croissante des femmes au com­ du sacrifice à la famille, aux enfants) ; bat syndical et politique. Elles insistent croyance à l’efficacité d ’aménagements sur le cumul des difficultés (bas sa ­ purement techniques (exemple : les ho­ laires, travail souvent épuisant, double raires flexibles comme palliatif aux ca ­ journée, etc.) qui pèse sur les fem­ rences en matière de transports et mes travailleuses, de plus en plus d ’équipements) ; perméabilité aux cou­ nombreuses. rants écologiques, antipollution, etc. Certes, les femmes sont quotidienne­ (dont les idées rejoignent les attaques ment assaillies par la démagogie de ia réformistes du P.S.U. contre le Pro­ grande bourgeoisie, mais, note Fran ­ gramme commun) ; attitudes irréfléchies çoise Disses, « les femmes écoutent, chez une partie des jeunes passés di ­ s’interrogent, s’intéressent à la vie poli ­ rectement du C.E.S. aux grandes, con­ tique ; la volonté de participer à notre centrations de bureaux, notamment combat est aussi grande chez elles que dans les assurances. Mais ce qui reste chez les autres catégories de la popu ­

72 LA DISCUSSION lation ». En témoigne l'expérience des les femmes est pratiquement nulle chez employées de « Mammouth » à Chelles, les jeunes électeurs». En 1947, le pour­ parties en grève sans organisation centage de femmes parmi les adhé­ d ’aucune sorte : la présence immédiate rents du Parti était de 10 %, en 1966 du Parti a abouti à la constitution du de 25,5%, et cette année, sur un dé ­ syndicat, à l'organisation de la solida ­ pouillement portant sur 45 000 adhé ­ rité. Ainsi a été facilitée l’issue positive sions nouvelles, on compte plus de du mouvement. Même leçon à tirer de 30% de femmes. Cet essor explique l’organisation de dizaines de mini­ que, du côté du pouvoir, la « condition débats dans les H.L.M. et de l'adhé ­ féminine» soit à l’ordre du jour, que sion, depuis janvier 1974, de 280 fem­ tout ce qui va mal soit imputé aux mes au Parti, avec une moyenne d ’âge mentalités. « En vérité, c’est toute la de 25 ans. société actuelle fondée sur l’exploita- De même, Geneviève Breteau (Seine- t’on, sur la domination de quelques Maritime) dresse un tableau impres­ féodalités de l'argent sur le peuple sionnant des luttes engagées par les français dans son ensemble qui secrète travailleuses de l’habillement, du tex­ une idéologie réactionnaire. » Le com­ tile, du commerce, des P.T.T., ou par bat du Parti n’a pas peu fait pour les femmes des marins du « France » qu’évoluent ces mentalités, depuis les constituées en comité de soutien. Tou­ temps lointains de 1920 où les commu­ tes ces interventions soulignent la né ­ nistes votèrent contre la Ici répressive cessité de combattre les arguments encore aujourd ’hui en vigueur, alors «spécifiques» du pouvoir, en particu ­ que pour les femmes le droit à la lier ceux développés par le Secrétaire contraception et à l’avortement n’était d ’Etat à la condition féminine, Fran ­ pas, et de loin, l’exigence de masse çoise Giroud. qu’il est devenu. Pour développer ce combat, le Parti doit prendre la me­ Le nombre des interventions consa ­ sure du fait que rien n’est plus comme crées à la participation accrue des avant, et aussi de i’extrême diversité, femmes aux luttes sociales et politiques parmi les femmes, des situations ob­ a frappé les congressistes. jectives, des courants de pensée, des C’est que, note Mireille Bertrand (Es­ sensibilités. « Celles qui sont hérissées sonne), désormais, plus de la moitié par toute discrimination faite aux fem­ des femmes de 20 à 55 ans exercent mes, celles qui pensenf pouvoir se une activité économique. Elles repré­ réaliser d’abord dans leur profession, sentent, au début de 1974, 38,4% de celles qui considèrent que leur rôle de la population active. « En un an, près mère est primordial, les chrétiennes de 900 000 femmes, dont 450 000 fem­ qui ont soif de justice, celles qui se mes au foyer, sont entrées dans te reconnaissent dans les idées gaullistes, monde du travait... Cette évolution se­ toutes les femmes ont des raisons, rait beaucoup plus rapide si la situation de multiples raisons de renforcer de l’emploi était meilleure. On sait que l’union : nous devons nous adresser à ies femmes représentent ptus de la toutes avec la conviction que leur ap ­ moitié des demandes d’emploi non port diversifié est et sera de plus en satisfaites. Elles sont nombreuses dans plus source d’enrichissement. » les petites et moyennes entreprises que le pouvoir pousse à la fermeture et aux « Union de la jeunesse pour le change­ licenciements. » Les femmes, dans ces ment et la liberté au sein de l’union conditions, participent toujours davan ­ du peuple de France » ; tel est, rap ­ tage aux luttes économiques ; mais de pelle Jean-Michel Catala, Secrétaire profondes évolutions interviennent aussi général du Mouvement de la jeunesse au niveau des attitudes et comporte­ communiste de France, le mot d’ ordre ments politiques. On l’a vu à l’élection qui, dans le droit fil du mot d ’ordre présidentielle: 47% des électrices, d ’union de la jeune génération lancé 69 % des électrices ouvrières, ont voté aux temps du Front populaire, corres­ à gauche, et « la différence de compor ­ pond aux immenses possibilités actuel­ tement éfectorat entre tes hommes et les. Cette union est en marche dans les

LA DISCUSSION 73 luttes de chaque jour dont beaucoup désespoir» et à qui ne manquent pas ont déjà été évoquées ; elle se fraie les incitations à l’aventure qui isole. son chemin dans le rassemblement des Michèle Saurel (Aveyron) 'souligne les Jocistes, accueillant le Secrétaire gé ­ difficultés qui, par-delà les différences néral de notre Parti, ou, plus confusé­ économiques et idéologiques, frappent ment, à Taizé. Elle pousse les jeunes la masse des paysans petits et moyens. gaullistes à rencontrer les jeunes com­ Jean-Paul Bessagnet (Gers) insiste sur munistes. C’est que, comme le souligne le rayonnement des idées du Parti Patrick Staat (Val-de-Marne), la jeune dans sa section de Valence/Baise, si­ génération souffre cruellement de tous tuée en plein cœur de l’Armagnac. les aspects de la crise. En même temps, grandit sa participation aux luttes. De ce point de vue, le droit de vote à 18 ans, s’il constitue une vic­ les intellectuels sont toire de grande portée, pose au Parti et concernés pour eux-mêmes au Mouvement de la J.C. des tâches pour leur activité nouvelles dont il faut prendre toute la mesure. C’est à des conclusions iden­ Les travailleurs du Commissariat à tiques que parvient Paul Le Gall l’énergie atomique (C.E.A.) de Saclay, (Finistère-Sud). montre Gilles Cohen (Essonne), sont par de tout autres voies, confrontés au même adversaire : le pouvoir et, de la colère monte façon extrêmement directe et toujours plus claire, les monopoles dont il est à la campagne inséparable. Dans cette forte concen­ tration de travailleurs salariés intellec­ Frappants également, le nombre et la tuels, la nocivité et le sens de classe tonalité des interventions qui montrent, de la politique dictée par l’oligarchie à partir des luttes en cours, la possi­ financière sont particulièrement percep­ bilité de gagner à l’union du peuple de tibles. Pour l’essentiel, les travailleurs France les masses fondamentales de de Saclay réalisent que « leur adver­ la paysannerie. saire est le pouvoir lui-même. Ils le réa­ Au cours des luttes de cet été, la lisent, pour une bonne part, grâce aux pointe de la colère a été dirigée plus explications que notre section leur clairement contre le pouvoir et les fournit. Mais leur conscience est inégale monopoles qu’il représente, la solida ­ et parfois contradictoire : une grande rité avec les masses populaires urbai ­ réceptivité aux explications politiques nes en général recherchée. La cons­ mais, en contrepartie, des difficultés à cience des nécessaires changements concrétiser, dans l’action, un méconten­ politiques avance, y compris chez des tement qui est général, mais qui est paysans qui ont, au printemps, voté encore réceptif aux thèmes développés Giscard. Mais II demeure beaucoup par le pouvoir (l’austérité, le fatalisme d ’illusions sur le pouvoir actuel, et de de ta crise, l’anticommunisme) », et aux crainte à l’égard des solutions que diversions de la direction du C.E.A. nous proposons. C’est dans une perspective voisine « Il faut agir, indique André Lajoinie qu’Alain Leroy analyse la lutte menée (Allier), sans nous laisser entraîner par par les personnels de l’O.R.T.F. Notant certains courants « de gauche » ten­ qu’ils appartiennent à environ 180 pro­ dant à rejeter les paysans moyens vers fessions différentes, réparties dans la grande bourgeoisie ; mais il faut en toute la France, notre camarade ob­ même temps être attentifs comme nous serve qu’une telle situation peut favo­ l’avons toujours fait, mais peut-être en­ riser une perception parcellaire de la core plus, aux revendications des cou ­ crise et la vaine recherche de solutions ches les plus pauvres, des petits catégorielles. D’cù la nécessité de paysans, des ouvriers agricoles, de « faire comprendre à tous que, lors­ ceux que la gravité de leurs difficultés qu’ elle se heurte directement au pou ­ pourrait conduire à des attitudes de voir, l'action syndicale doit être éclairée

74 LA DISCUSSION et soutenue par une perspective poli ­ les revendications des travailleurs et tique claire » : nos explications ont masses populaires (emploi, conditions contribué à ce que « des organisations de travail, enseignement, urbanisme, syndicales ou, simplement, des cama­ santé, etc.) recoupent les luttes et les rades de travail qui, il y a peu encore, aspirations des intellectuels. Récipro­ hésitaient sur le sens du combat » quement, « à l'exception de la poignée rejoignent « les luttes actives ». qui sert consciemment les intérêts du grand capital, tous les intellectuels Il ne s'agit plus seulement, chez les sont désormais concernés, pour eux- intellectuels, du mouvement vers la mêmes, pour leur activité », Tous ont classe ouvrière d'une avant-garde aux intérêt aux changements inscrits dans motivations fondamentalement politi­ le Programme commun de gouverne­ ques ; il s'agit d'un ébranlement en ment, « programme cohérent, donc uni ­ profondeur de catégories entières qui ficateur » à l'heure où le pouvoir op­ constituent désormais une masse nu­ pose entre eux science et production, mériquement considérable dont les création et diffusion, Paris et province. fonctions sociales revêtent une impor­ Développer l’alliance entre intellectuels tance vitale dans une société techni­ et classe ouvrière exige de mesurer quement avancée. C'est que, comme le l'écart qui existe entre l'activité intel­ souligne Jacques Chambaz (Paris), «le lectuelle d ’une part, l’activité produc­ développement de la culture connaît trice, les luttes sociales et politiques désormais une crise non plus relative, d ’autre part : comme le souligne Ro­ mais véritablement absolue ». Or, « il land Leroy, prendre conscience de cet est urgent que le développement de la écart est nécessaire, si l’on veut que culture corresponde aux possibilités et « finalement, dans le temps historique, aux nécessités actuelles », ce qui im­ le mouvement social révolutionnaire et plique une claire définition des bases le mouvement culturel marchent du de l'alliance devenue décisive entre les même pas ». intellectuels dans leur masse et la classe ouvrière (et, au-delà, l'ensemble Loin d ’impliquer quelque subordination des masses populaires). Le Parti com­ que ce soit de la classe ouvrière ou muniste français possède, de ce point des intellectuels, l'alliance entre eux de vue, une longue expérience. « Cer­ réunit, à nos yeux, des partenaires dif ­ tes, tout n'a pas toujours été lacile férents, mais égaux. L'intervention de dans les rapports entre l’avant-garde Jean-Charles Eleb (Paris), intervenant culturelle et l’avant-garde politique », sur l’action de l’Union des étudiants mais « c’est précisément l’un des méri­ communistes, confirme la pertinence tes de notre Parti d'avoir en définitive d'une telle approche compte tenu des dégagé sa politique culturelle de l’ou ­ spécificités du milieu étudiant, même vriérisme et de l’éclectisme et d’avoir dans des milieux réputés difficiles : fondé l’alliance de la classe ouvrière et qu’à l’Ecole normale supérieure de la des intellectuels sur la reconnaissance rue d ’Ulm trente-cinq élèves sur quatre de leur rôle convergent, mais distinct ». cents soient organisés à l’U.E.C., qu’à l’Ecole polytechnique un cercle fonc­ Ce qu’il faut bien voir, c’est quelles tionne régulièrement, atteste combien sont devenues aujourd'hui les dimen­ 'es possibilités sont grandes. sions et l'urgence de cette alliance. « Confrontés aux exigences et aux pos ­ sibilités de la révolution scientifique et répondre aux interrogations technique, frappés de plein fouet par qui se manifestent la crise de la société, les intellectuels dans l’armée sont menacés sur le plan matériel, mo­ ral, professionnel. Comme la classe La crise sociale et nationale qui affecte ouvrière, ils ont intérêt à la transforma ­ notre pays amène à l'interrogation des tion de la société et cette transforma ­ groupes sociaux jusqu’ici bien peu ré ­ tion exige, en retour, l’essor de la ceptifs — c’est le moins qu’on puisse culture, le déploiement de leurs capa ­ dire — aux démarches des commu­ cités.» Dès maintenant, les luttes et nistes. C’est le cas de l’armée.

LA DISCUSSION 75 En témoigne le fait tout à fait nouveau dre leurs intérêts ». L'union de notre que représente le message au Congrès peuple et de son armée est, sous tous signé par 562 soldats, sous-officiers et ses aspects, « partie intégrante de officiers du contingent et d ’active. Ces l'union du peuple de France à laquelle militaires soulignent les mauvaises con­ appelle noire Parti pour assurer le ditions matérielles et morales qui sont triomphe et l'application du Programme les leurs, l’archaïsme et le bas niveau commun de la gauche unie ». de la formation dispensée. Ils disent leur inquiétude devant le retour à la subordination aux Etats-Unis par les monopoles, O.T.A.N. interposée, la multiplication les p.m.e. et l’alliance des manœuvres qui ont pour thème La place des petits et moyens entre­ « la subversion intérieure généralisée », preneurs (P.M.E.) dans l’union du peu­ les discriminations qui frappent ceux d ’entre eux soupçonnés de sentiments ple de France, les problèmes spéci ­ fiques qu’elle soulève, est aussi un démocratiques. Ils indiquent que parmi thème nouveau qui atteste de l’appro ­ leurs camarades, une forte proportion fondissement de la crise du capita ­ a voté à gauche lors du dernier scrutin lisme monopoliste d ’Etat et des polari ­ présidentiel. Ils nous interrogent sur la cohérence d ’une démarche qui, d ’une sations de classe qui en découlent. part, vise à réduire le budget militaire, Comme l’observe Claude Quin (Paris) à ramener à six mois la durée du « Les P.M.E. rassemblent aujourd'hui, service, récuse l’armée de métier et, dans l’agriculture, le commerce, l’arti­ d ’autre part, s’affirme en faveur d ’une sanat, la petite et moyenne industrie, armée française efficace, liée à la près de dix millions de salariés (sur nation. dix-sept millions et demi) et près de C’est à ces interrogations que Paul quatre millions de non salariés, tra­ Laurent (Paris) consacre son interven­ vailleurs indépendants ou employeurs. Elles subissent, de plein fouet, les tion. « Assurer la sécurité et l'indé­ conséquences de la politique du pou ­ pendance de la nation est pour les voir et les exigences des monopoles. communistes un impératif pour la sim­ L’inquiétude dans ces couches est pro ­ ple raison que notre peuple doit être fonde. Entre elles et la masse des en mesure de réaliser les objectifs salariés, l’importance des intérêts con­ démocratiques qu'i! se sera donnés... vergents grandit. La portée et les sans que cet effort soit mis en cause développements de cette convergence par quelque ingérence, pression ou re­ ne peuvent s’apprécier, du point de présailles que ce soit. » Commentant les dispositions contenues dans le Pro­ vue de classe qui est le nôtre, qu ’en gramme commun, Paul Laurent souligne partant de la domination qu’ un très la nécessité de résoudre avec le con­ petit nombre de monopoles industriels cours des militaires eux-mêmes les et financiers exercent aujourd ’hui sur problèmes concrets que leur mise en toute la vie du pays, sur toutes les œuvre ne manquera pas de soulever. couches sociales. Aussi bien, les réformes démocratiques A notre époque, en effet, ce n’est plus à l’armée, telles que nous les propo­ seulement le capital public qui se sons, contribueraient-elles à élever le trouve pillé et dévalorisé pour que soit moral et à donner de la cohésion à maintenu le taux de profit des mono­ l’armée, influeraient sur le caractère poles, c’est aussi, dans une proportion même de la formation militaire et les grandissante, le petit et le moyen relations entre les chefs et les hommes. capital non monopoliste. Et dans ces Il faut porter la plus grande attention conditions, la surexploitation des tra­ à l’amélioration de la condition militaire vailleurs des P.M.E. contribue directe­ sur le plan matériel comme sur tous ment à relever le taux de profit des les autres plans, et considérer comme monopoles. C'est aussi l’Etat qui, de parfaitement légitime « que les mili­ connivence avec les monopoles, tend taires cherchent à créer les structures aujourd’ hui, en dernière instance, à légales qui leur permettraient de défen­ fixer fe degré d'expfoitation non seule­

76 LA DISCUSSION ment pour les salariés des très grandes l'Etat. Au delà des luttes quotidiennes, entreprises, mais aussi, dans une large elles ne peuvent être durablement mo­ mesure, et pour une part croissante, difiées sans que des changements dé­ pour les salariés des P.M.E. » mocratiques profonds mettent en cause la domination des monopoles sur la Le plan d ’austérité Giscard-Chirac- Fourcade aggrave brutalement et les société et sur l'Etat, sans que les tra­ difficultés des P.M.E. et leur dépen ­ vailleurs de ces entreprises participent dance à l'égard des monopoles, et la davantage à la lutte pour ces change­ surexploitation de leurs salariés. ments avec le souci de combattre et d'isoler leur principal et véritable ad ­ « Comme les P.M.E. peuvent le vérifier versaire : les grands groupes monopo ­ chaque jour, ce ne sont pas les com­ listes et l'Etat à leur service. » Mais munistes, ce n'est pas la gauche, ce c’est vrai aussi si l’on se place du ne sont pas non plus les revendications point de vue des P.M.E. elles-mêmes. de leurs salariés, ce sont les mono­ « Certes, toutes les petites et moyennes poles, c'est le pouvoir de Giscard d'Es- entreprises ne sont pas exactement taing qui les condamne à la mort lente dans la même situation ; les difficultés ou brutale. » sont souvent plus grandes pour les Pour autant, « l'union du peuple de plus petites (0 à 10 salariés) qui sont France n'estompe nullement la contra­ aussi les plus nombreuses, groupant diction entre ceux qui possèdent les 92 °/o du nombre total des entreprises, moyens de production et ceux qui n'ont cinq millions de salariés et quatre mil­ que leur force de travail à vendre. En lions de non salariés, soit neuf millions réalité, c'est précisément parce que d'actifs au total. Mais les moyennes nous nous plaçons du point de vue entreprises sont aussi frappées et les du rôle dirigeant de la classe ouvrière conséquences sur l'emploi sont impor ­ et que nous prenons en compte pleine­ tantes. Il faut donc prendre en compte ment les intérêts des travailleurs sala ­ la diversité de ces situations, mais riés dans leur totalité, que nous cher­ cette diversité d'intérêts, dans le cadre chons à gagner, au changement démo­ du système capitaliste, ne doit pas cratique, d'autres forces sociales no­ masquer l'opposition plus globale de tamment parmi les P.M.E. C'est parce l'ensemble des P.M.E. et des grands que le concours de ces torces sociales groupes capitalistes. est indispensable à une politique de Sur cette base, et en prenant pleine­ progrès économique et social, répon­ ment en compte l'essentiel des intérêts dant aux besoins des travailleurs, et présents des petites et moyennes entre­ c'est aussi parce que la domination prises, et -de l'ensemble des salariés, des monopoles les condamne à l'as­ une convergence des luttes est dès phyxie progressive, qu ’une convergence maintenant possible. Mais la recherche durable d'intérêts, une alliance anti­ de cette convergence ne peut seule­ monopoliste est aujourd'hui possible. » ment concerner le présent. Dans leur C’est vrai, si l’on se place, comme grande majorité, les P.M.E. sont appe ­ nous le faisons, du point de vue des lées à jouer, en effet, un rôle écono­ salariés des P.M.E. En effet, « l'exploi ­ mique et social très important dans le tation ne peut se réduire aujourd'hui, cadre de changements démocratiques surtout dans les P.M.E., au lien de dé­ profonds, comme dans une France so­ pendance directe qui s'établit entre le cialiste. Même si elle répond à un salarié et son patron. Il est indispen ­ mouvement fondamental de socialisa ­ sable de prendre en compte le drai ­ tion de la production, la grande entre­ nage de la plus-value qui s'effectue prise ne peut satisfaire, en effet, dans les P.M.E. au profit des mono­ comme « Le défi démocratique » le poles, ainsi que le rôle décisif de montre bien, tous les besoins des tra­ l'Etat dans la fixation du degré d'ex­ vailleurs, surtout dans le domaine des ploitation des travailleurs. Les condi­ services, du commerce, de la produc ­ tions de vie et de travail des salariés tion en petites séries. L'intérêt des des P.M.E. sont ainsi de plus en plus travailleurs et de la nation commande dépendantes des monopoles et de que les P.M.E. apportent un concours

LA DISCUSSION 77 actif et dynamique à une politique de Marc Viret (Saône-et-Loire) soulignent progrès social, qu ’elles développent eux aussi les possibilités nouvelles de leur Initiative créatrice et la conjuguent gagner un grand nombre de petits et avec celle des salariés. » moyens patrons aux solutions du Pro­ L'expérience de la fédération de Paris gramme commun. Yves Dorion (Man ­ montre qu'en dépit des difficultés, des che) intervient dans le même sens, en initiatives audacieuses et nouvelles en soulignant combien, dans le sud de direction de ces couches peuvent être son département notamment, les chefs couronnées de succès. de petites entreprises conservent sur leurs ouvriers une forte influence idéo­ logique : faire reculer les préventions politiques des premiers n'est pas pas d’union sacrée contradictoire avec le fait de gagner les seconds à de fermes positions de Claude Quin soulignait qu'en aucun classe. cas , d'aucune manière, l'alliance avec les P.M.E. ne saurait entraîner l'aban ­ don des revendications des travailleurs la résonance de notre appel et en particulier des salariés des aux gaullistes P.M.E. Paul Le Gall (Finistère-Sud) insiste sur Plusieurs délégués insistent sur l’im­ la même idée. Il observe que pour cer­ portance des changements qui s’opè­ taines des couches non monopolistes, rent chez bon nombre de Français la notion d ’union du peuple de France d ’opinions philosophiques ou politiques se confond avec celle d'union sacrée. qui, jusqu’ici, n'attachaient que peu Or, ces deux notions sont, au contraire, d'importance aux propositions, aux pro­ fondamentalement opposées. « L’union jets de la gauche. sacrée, c'est la collaboration de clas­ ses et l’abandon de la lutte. Il est clair « Le plus important, ce qui est décisif, que les petites et moyennes entreprises c'est ce qui ce passe dans le pays, ne sont pas amenées à participer à dans les masses », indique Paul Rochas l’union du peuple de France si elles (Isère). « Je suis convaincu que de peuvent résoudre leurs difficultés sur le très grandes possibilités de dévelop­ dos des travailleurs. Au contraire, si les per l’union avec les patriotes gaullistes travailleurs n’acceptent aucune conces­ existent. Nous nous sommes en effet sion et luttent pour l’amélioration de retrouvés en de nombreuses circons­ leur pouvoir d’achat, les petites et tances historiques dans la lutte com­ moyennes entreprises n’auront pas mune avec les gaullistes. Des change­ d’autres solutions que de se tourner ments ont commencé à s’opérer dans contre la politique gouvernementale. Or, cet éiectorat. Ainsi, par exemple, dans le Programme commun répond à leurs notre département, on estime que 70 “/o revendications.» Paul Le Gall souligne environ des voix de Chaban-Delmas, au la nécessité d ’être attentif à une juste premier tour de l’élection présidentieile, ligne de classe sur ces questions, se sont reportées au second tour sur quand par exemple des communiqués le candidat commun de la gauche, tan­ locaux C.F.D.T. avancent l’idée de dis que dix autres pour cent s’abste ­ mettre en veilleuse les revendications naient. » ouvrières, compte tenu de la crise dans le bâtiment, ou quand les employés Jean Barrière (Gironde) explique que d ’une société immobilière du bâtiment dans les quartiers populaires — où annoncent leur intention d ’abandonner Chaban-Delmas avait conservé une in­ le tiers de leurs salaires pendant trois fluence, à Bordeaux par exemple — le mois, et que dans cette affaire le report des voix sur le candidat de la député socialiste du secteur se félicite gauche au second tour a été impor­ de ces manifestations d ’union sacrée tant : environ 30%, 25% en moyenne entre les classes face à la crise. pour le département. Raymond Combes (Ardèche), Jean- « Ces électeurs qui ont tait mouva ­

is LA DISCUSSION ment vers la gauche, interroge Jean années pour mesurer la diversité de Barrière, l’ont-ils fait en rompant avec ceux qui dans nos villages, nos villes leurs aspirations anciennes ou bien en et même nos entreprises faisaient con­ s’inspirant de ces aspirations ? » fiance aux appels du général de Gaulle.

« Pour comprendre l'impact populaire Le gaullisme a été vécu par des mil­ du gaullisme, dit-il, on ne peut en res­ lions de Français comme une somme ter à la seule dimension de de Gaulle, de sentiments et de pratiques contra­ de son personnage ; il faut comprendre dictoires. Et nous, les communistes, ce qu ’il a cristallisé. Une certaine idée nous avons précisément toujours re­ de la France, l’amour de la patrie, la gardé un phénomène politique dans volonté de la voir grande, forte, res­ ses contradictions et dans son mouve­ pectée, souveraine. C’est-à-dire un des ment. Georges Marchais a rappelé traits caractéristiques de la nation fran­ comment nous avons montré — et nous çaise, de toute son histoire. Une cer­ étions presque seuls à l’époque — la taine aspiration à la justice sociale, la signification de classe de la venue de méfiance envers les féodalités ; ce sont de Gaulle au pouvoir. Ce que nous ces idées que s’efforçaient de capter avons dit et fait en 1958 a permis ensuite le mouvement populaire et dé­ les mots de participation, de nouvelle société. Enfin, l'aspiration à l’unité na­ mocratique d’aujourd ’hui. Là comme tionale. Certes, la pratique politique ailleurs s’est confirmée la justesse de notre politique et de notre activité de était en contradiction sur bon nombre parti d’avant-garde. » de points avec ces aspirations , nous l’avons combattue. Mais comment expli ­ " Aujourd ’hui, non seulement Giscard quer le gaullisme sans prendre en d’Estaing et Chirac font par nature une compte ces aspirations. » politique de classe qui ne peut appor ­ Même remarque, quant au fond, de ter de solutions démocratiques et na­ la part de Francis Wurtz (Bas-Rhin), tionales à la crise, mais ils sont dans ce qui l'amène à préciser : « Nous di­ l’incapacité de masquer leurs orienta­ sons aux gaullistes que la soif de tions avec des thèmes idéologiques justice socia/e et de paix, comme l’at­ offrant une vue dynamique et conqué ­ tachement à l’intérêt et à l’indépen­ rante. Au moment où pour la première dance nationale qui les avaient con­ fois un gouvernement est privé de la duits au gaullisme, ne peuvent aujour ­ confiance de la très grande majorité d’hui que les opposer à ceux qui s’en de la classe ouvrière et de la majorité réclament par tactique électorale, qu’ il de la fraction active de la nation, le s’agisse de i’U.D.R., des indépendants pouvoir n’a plus de « grand dessein », et des réformateurs. » il n’est plus capable d’élaborer par exemple un projet de « nouvelle so­ Pour Paul Fromonteil (Vienne), "l’appel ciété ». Son seul recours c’est le thème aux gaullistes lancé par notre Parti de la fatalité de la crise, c’est le re­ prend une importance particulière dans cours au pessimisme et à l’irrationnel. tout le sud-ouest où l’U.D.R. avait su reprendre à son compte un certain Tout laisse à prévoir une décantation nombre de traditions républicaines. entre l’héritage populaire du gaullisme C’était le cas dans le sud de la Vienne et les forces de droite qui sont prêtes où le gaullisme avait attiré en 1958 une à tous les ralliements. Comment cette fraction importante d’électeurs qui, de­ décantation s’exprimera-t-elle dans les puis la Libération, votait pour le Parti structures de l’U.D.R, ? Il est difficile communiste français. Le gaullisme — de le dire. Il suffit de voir les difficultés c’est indéniable — s’était acquis, là qui marquent le ralliement des diri­ comme dans d’autres régions, une véri­ geants U.D.R. à l’actuelle majorité pour table influence populaire. Le gaullisme penser que nous ne sommes qu'au est bien un phénomène politique qu ’il début d’un processus. Les remous dans faut prendre en compte puisque pen ­ les états-majors traduisent le malaise dant près de trente ans il a rassemblé qui existent au niveau des militants et des hommes et des femmes très divers des électeurs. Dans mon département, — et il suffit d’avoir vécu ces dernières nous avons de nombreux témoignages

UA DISCUSSION 79 de cette situation : des militants, des lisme. De nombreux autres travailleurs élus gaullistes nous ont fait part de chrétiens, s’ils ne partagent sans doute leurs inquiétudes, voire de leur hosti­ actuellement pas cette volonté de par ­ lité à la politique du pouvoir, certains venir au socialisme, se sont reconnus mêmes en termes catégoriques. » dans les perspectives du Programme Après plusieurs autres délégués, Paul commun. Des millions d’autres veulent Frcmonteil insiste à son tour sur le fait un changement profond mais n’ont pas que «l’expression politique de l’union encore perçu que seules les réformes limitées mais essentielles du Program ­ du peuple de France ne peut se faire qu'autour de la stratégie et des gran ­ me commun de gouvernement permet­ des orientations du Programme com­ tent d’y parvenir. mun parce que seules ces orientations Rien dans le nouvel ordre des choses permettent de répondre aux aspirations auquel, sous des formes de conscience et aux besoins les plus larges et les diverses, les masses populaires chré­ plus divers. « tiennes aspirent n’est en contradiction avec la démocratie dont le Programme rassembler les croyants commun de gouvernement et les com­ et incroyants munistes présentent la perspective. Tout, par contre, contredit cette vaste Les chrétiens, dans leur immense ma ­ volonté de changement réel dans les jorité, font partie de cette masse de thèses et attitudes de ceux qui, chré­ Français qui, ouvriers, employés, intel­ tiens ou non, partagent les intérêts de lectuels, paysans, petits et moyens classe du grand capital, défendent et commerçants ou entrepreneurs, subis­ représentent sa politique. sent les effets de la crise du capita ­ Ainsi, sous nos yeux, la volonté crois­ lisme monopoliste d'Etat. «Aussi n’est- sante des travailleurs et citoyens il pas étonnant, comme le fait remar­ croyants de mettre un terme à la quer Antoine Casanova (Doubs), qu’ à dictature de l’aristocratie de l’argent un degré d’ampleur plus élevé qu’ hier, s’exprime dans le cadre lui-même com­ les chrétiens manifestent sans cesse plexe de l’héritage chrétien qu ’elle davantage des convergences profondes transforme sans l’annuler. Ce mouve­ avec les travailleurs incroyants. ment lui-même est en grande partie C’est à la finalisation de l’économie na­ perçu et reoonnu comme tel dans la tionale en vue du profit qu ’avec une réflexion sur leur foi que mènent de puissance accrue les militants des nombreux militants des organisations grands mouvements de masse chrétiens chrétiennes. Ils soulignent de plus en attribuent ta non satisfaction des reven­ plus que la conception qu’ils se font dications pressantes et urgentes. Les de la foi en Jésus-Christ est insépa ­ évêques ont dû eux-mêmes le noter rable de leur place dans la réalité ■avec force dans leur Déclaration de sociale. Cette conception puise ses Lourdes en 1972. Cela dans le même contenus dans les luttes pour une so­ temps où, à des niveaux dilférenis, est ciété plus juste, démocratique, frater­ perçu le péril que représente pour les nelle. Libération de l’exploitation capi ­ libertés, la culture, la démocratie, l’évo­ taliste et salut en Jésus-Christ, pour lution en cours du capitalisme. reprendre les termes qu ’ils utilisent, Au niveau politique, on retrouve, parmi sans se confondre, deviennent, aux les croyants, une diversité analogue à yeux des travailleurs chrétiens, indis­ celle qui existe dans toute la nation. sociables. Aussi, est-ce en ce sens, Les mouvements d’action catholique de façon croissante, que, en particulier ouvrière ont ainsi salué la signature parmi les jeunes, ils se représentent du Programme commun de gouverne­ et interprètent les thèmes de l’Ecriture ment comme un événement capital. Ils et les traditions chrétiennes. » Antoine ont appelé à sa victoire en mai 1974. Casanova insistera en conclusion sur Ils déclarent en même temps lutter le fait que « les possibilités d’union comme nous, avec nous, pour que la sont maintenant sans commune mesure France parvienne un jour au socia­ avec celles d'hier. Il est possible de

80 LA DISCUSSION rassembler autour de la classe ouvrière permettre chez les jeunes travailleurs et autour des perspectives du Pro­ l’éveil de la conscience ouvrière, est gramme commun de gouvernement, juste et nécessaire, elle ne peut, l'immense majorité des croyants et des malgré tout, se soustraire à l’idée d’un incroyants en un mouvement unitaire changement de structures. dont ne se trouvent exclus que les Pour ma part, ce débat m’a permis représentants du grand capital et leurs d’apprécier la justesse des analyses commis, qu’ils soient athées ou dé­ faites par mon camarade Raymond vots ». Gatti, représentant le P.C.F., face à L’itinéraire de Vincent Spatari (Moselle) des prises de position plus timides est très significatif, il y a cinq ans, il et plus nuancées de la part du repré­ adhérait à la J.O.C. Il explique ; « Etant sentant socialiste. Ceci étant une cons­ dans un C.E.T., touchant du doigt les tatation du moment n’engageant au ­ réalités et les problèmes d'un jeune cune polémique avec le Parti socialiste. du monde ouvrier à l’école, je prenais Depuis cette soirée, les contacts que conscience qu ’il fallait faire quelque nous avions avec le Parti se firent chose. Je fis la connaissance d’un plus fréquents et réguliers. prêtre qui me comprenait et qui me Je me souviens que chaque fois qu ’un présenta des copains qui militaient événement important, local ou national, dans ce mouvement. Je commençais à se présentait, nous allions trouver Ray­ vivre l’amitié, la fraternité avec des mond pour en discuter. Des événe­ jeunes comme moi, de condition ou ­ ments, notre pays en a connus beau ­ vrière, partageant les mêmes ennuis, coup ces cinq dernières années I les mêmes espoirs. Nos discussions et réfexions mettaient toujours en avant A chaque étape de ma réflexion se le respect de la dignité humaine et la renforçait en moi l’idée de l’engage­ libération de la jeunesse ouvrière. L’ac­ ment politique. Avec mes camarades, tion libératrice c’était avant tout la nous en discutions beaucoup, en réu­ démarche fraternelle. C’était : « T’as nion, au café ou au travail. des problèmes, allez viens j’ai des co­ Ce que nous disions, c’est : « Il est pains, on va t’aider » ; c’était : « T’as vrai que la prise de conscience a une pas de fric, allez viens c’est pas grave, importance fondamentale, mais II faut on va partager » ; c’était surtout ; « Sa­ aussi que ça change le plus vite pos ­ chons nous reconnaître, fils de la sible car nous en avons marre de classe ouvrière, et soyons fiers de ce subir une société qui nous écrase, le que nous sommes ». chômage, les mauvaises conditions de travail, la sélection à l’école ;c’est cela Mai 1968 fut l’occasion pour nous de le lot quotidien de la jeunesse ouvriè­ faire un grand pas en avant. C’était re... Ça ne peut plus durer. » l’idée matérialisée de deux classes qui s’opposent. Voilà les bases objectives et optimistes qui m’ont fait franchir le pas et adhérer C’était la classe ouvrière qui affirmait au Parti communiste français. » son autorité.

Quand fut signé le Programme commun le changement de gouvernement par les partis de gau ­ che, je proposai à mes camarades avec le programme commun d’inviter les représentants locaux des partis signataires pour un débat avec C'est précisément le mouvement vers la J.O.C. L’initiative a été retenue et le la gauche et les possibilités qu’il ouvre débat a eu lieu. Un débat très riche que la grande bourgeoisie tente d ’en­ où ont été discutés les problèmes de rayer. Elie recourt à l’anticommunisme. la jeunesse en particulier, l’enseigne­ Mais elle le fait, aujourd’ hui, dans des ment, la formation professionnelle, les conditions concrètes qui donnent aux loisirs, etc., et où il était apparu très vieux arguments une signification qu’il clairement que si l’action de la J.O.C., faut soigneusement analyser. action essentiellement éducative pour Comme le souligne avec vigueur Pier­

LA DISCUSSION 81 rette Joachim (Val d ’Oise), c’est pour sations prévues par le Programme tenter de bloquer toute perspective dé­ commun, correspondent « tout à la fois mocratique qu’un Poniatowski s’en à l'intérêt des travailleurs et de la prend si bassement à notre Parti. nation car elles donnent les moyens « Dans le même temps où le prince d'une grande politique sociale, tout en Poniatowski nous insulte, il loue le permettant le développement économi­ caractère démocratique du Parti socia­ que du pays. » liste. La manœuvre est grossière. Elle Ce n’est pas un hasard si la dénoncia­ permet à tous les démocrates, aux par ­ tion de l’anticommunisme et le rappel tis de gauche, de vérifier combien nous de la validité du Programme commun avions raison d'attirer leur attention sur en tant que base politique de l’union le jeu du pouvoir et de leur demander de la gauche sont souvent associés de ne pas s'y prêter. » L’attitude du dans beaucoup d ’interventions. Cette ministre de l’Intérieur a pour but d ’af ­ préoccupation s’éclaire, dès lors qu’on faiblir notre Parti, et en même temps analyse la tactique actuelle de la bour­ de masquer la responsabilité du pou­ geoisie et, sur cette base, les pro­ voir dans la crise que traverse notre blèmes sérieux posés par l’attitude pays. C’est dans le même sens qu’inter­ actuelle du Parti socialiste et des radi­ vient Pierre Selincourt (Yvelines). caux de gauche. Une autre question posée par la vo­ lonté de changement dont toutes les interventions montrent la profondeur il faut faire la clarté est la suivante : le changement, pour quoi faire ? Sur quelle base politique ? C’est à cet examen que se livre Pierre Or, à partir de leur pratique propre, Juquin (Essonne). la plupart des intervenants soulignent « Pendant des années la classe domi­ que seules les solutions proposées par nante a réussi à empêcher l'union de le Programme commun de la gauche la gauche. Elle a réduit le Parti socia­ sont susceptibles d ’ouvrir une solution liste au rôle de force d'appoint à son réelle aux difficultés que connaissent service ; elle fa encore utilisé à cette les travailleurs et à la crise que tra ­ fin en 1958. verse le pays. L'union étant maintenant réalisée, elle C’est vrai pour l’aéronautique (Jean Na ­ la fera éclater si elle le peut. Mais vals, Haute-Garonne), l’énergie (Augus­ ses chances d'y parvenir sont faibles. tin Laurent, mineur, Pas-de-Calais, Gilles Cohen, Commissariat à l’énergie La grande bourgeoisie est, dès lors, atomique), les intellectuels et la cul­ contrainte d'adapter sa tactique. Si elle ture (Jacques Chambaz, Paris), etc. En peut maintenir la droite au pouvoir, particulier, il faut se donner les moyens elle le fera, en pensant qu'on n'est économiques de tenir les engagements jamais si bien servi que par soi-même. sociaux prévus dans le Programme. Mais elle se prépare aussi à feutre Cela veut dire, note une nouvelle fois hypothèse, et ce dès aujourd'hui. Pierrette Joachim, faire reculer l’idée Quand M. Poniatowski explique que la de crise fatale, de sacrifices néces­ gauche restera unie jusqu'à son arrivée saires, populariser les solutions immé ­ au pouvoir, puis se disloquera, il dé­ diates proposées par Georges Marchais voile le sens des manœuvres dont il à Albertville. Cela implique aussi faire est fun des inspirateurs. Modifier le connaître et justifier devant les masses rapport des forces à fintérieur de la et s’engager à appliquer les nationali ­ gauche au détriment du Parti commu ­ sations prévues par le Programme com­ niste, tel est son objectif. S'il y par ­ mun. Ainsi Dassault ; les choix du vient, il compte que faction des forces pouvoir en matière aéronautique sont réactionnaires contre fapplication du à la fois ruineux, tournent le dos à Programme commun sera facilitée, l’intérêt national, à une politique de qu'elle pourra freiner et faire dévier paix. Au contraire, la nationalisation de la gauche. Dès lors serait-il possible Dassault, et l’ensemble des nationali ­ aux communistes de participer à un

82 LA DISCUSSION gouvernement s'il devenait celui d'un contacts avec le responsable des répu ­ Helmut Schmidt français ? blicains indépendants. »

Que ce calcul, ce complot existent — « Les camarades socialistes et radicaux dans cette variante ou dans d'autres que nous côtoyons au travail et dans — c'est dans l'ordre naturel des cho­ les localités comprendront, j'en suis ses. Cela s'appelle la lutte des classes. sûr, que nous n'engageons pas une polémique étroite en attirant l'attention Mais la question se pose : est-ce que de tous sur des faits préoccupants nos partenaires socialistes et radicaux pour tous. Il ne serait pas normal, de gauche font bien tout ce qu'il faut n'est-ce pas, que les maires socialistes pour déjouer le plan anti-programme prennent ia liberté de voter pour commun de la bourgeoisie ? Plus en­ M. Poher en dépit des accords de la core, n'existe-t-il pas une série de gauche et qu'on nous demande, au phénomènes qui pourraient faire croire nom de l'union, de n'en souffler mot. à une convergence de fait entre les Il ne serait pas normal qu'un dirigeant plans de la bourgeoisie et certains de premier plan du Parti socialiste desseins de nos alliés ? » puisse exalter ce qu'on a déjà nommé Il ne s’agit nullement, de notre part, avant lui les « valeurs occidentales » d ’un accès de mauvaise humeur moti­ par opposition aux « pays de l'Est », et vée par la déception électorale, mais qu'on nous refuse le droit, au nom de d'une tendance, révéiée à cette occa­ l'union, d'exprimer notre inquiétude. A sion, à faire progresser ia gauche non Versailles, lundi dernier, ce n'est pas communiste au détriment du Parti com­ l'orateur du groupe parlementaire com­ muniste. Et Pierre Juquin de pour­ muniste qui a lancé, sous le regard suivre : « Considérons la Dordogne. Ce intéressé des ministres, une petite n'est pas au second tour qu'Yves phrase où il était dit qu'un gouver­ Péron a été véritablement battu. Sa nement de gauche pourrait fonctionner défaite a été préparée par la campagne avec le président actuel ou avec un anticommuniste conduite au premier autre. tour par le candidat radical et par son N'est-ce pas agir dans l'esprit de suppléant, qui était l'un des secrétaires l'union, avec la volonté d'affirmer, de fédéraux du Parti socialiste. Cette cam­ consolider, de développer l'union, que pagne a été construite sur un thème de dire franchement : il y a une équi ­ unique : si vous voulez battre Guéna, voque, il faut taire la clarté. Car les ne votez pas communiste. Si encore ils faits que je cite — et il y en a d'autres s'en étaient tenus là ! Mais ils sont — ne sont pas des détails ou des allés jusqu'à tenter de convaincre des lapsus, mais semblent traduire quelque membres du Parti communiste, certains chose de systématique et posent, en de nos élus locaux, qu'ils devaient se conséquence, des questions de fond. » rallier à eux s'ils voulaient vraiment battre M. Guéna. Dans cette entreprise, Car la question fondamentaie n’est pas ils ont bénéficié du soutien de « Sud- seuiement celie de ia conquête de ia Ouest », de « l'Aurore » et d'autres jour ­ majorité, mais c’est ceiie de i’après- naux. Ils ont, dans leur journal électo­ conquête. Voilà pourquoi nous devons ral, imprimé un appel sur deux co­ aider les Français à prendre cons­ lonnes aux républicains indépendants, cience du probième du contenu de en qualifiant M. Guéna de représentant i’union. de « l'ex-majorité présidentielle » et en « Les aider, parce que le mécontente­ attribuant un caractère populaire et ment et l'impatience nés de la crise, positif aux mesures de M. Giscard conjugués avec les effets d'une cam­ d'Estaing. Leur affiche officielle s'ou ­ pagne anticommuniste ininterrompue vrait par une invite à tous ceux — depuis cinquante ans, peuvent inciter je cite — qui ne veulent plus « de nombre d'entre eux à choisir sponta ­ l'Etat des copains et des coquins dé­ nément un « moindre mal » réformiste, noncé par le ministre de l'Intérieur». sans se rendre compte qu'il leur appor ­ Ce n'est pas un secret que le candidat terait une désillusion catastrophique. radical a eu, avant le premier tour, des Le premier tour des élections partielles

LA DISCUSSION 83 a montré que cette erreur d'apprécia ­ dans des meetings communs, la réfé ­ tion est possibie à l'heure actueiie. » rence quasi-exclusive des orateurs so­ La question du pouvoir étant posée, cialistes au programme socialiste asso ­ ciée à des attaques à peine voilées « nous faisons et ferons encore tout contre notre Parti. Alfred Gerson (Pa ­ ce qui dépend de nous pour que fa ris), Francis Wurtz (Bas-Rhin), Paul gauche gagne. Et qu'elle gagne sur ta Rochas (Isère) interviennent dans le seule base sérieuse possible : le Pro­ même sens. gramme commun ». Et en même temps, il nous faut faire comprendre que «la Evoquant les « Assises du socialisme », gauche étant majoritaire, la grande Guy Poussy (Val-de-Marne) interroge : bourgeoisie fera tout, vraiment tout le Certes, il n’y a pas remise en cause possible pour l'empêcher de faire profi ­ de l'union de la gauche, mais n’y a-t-il ter le peuple de sa victoire. Qui résis­ pas remise en cause de son contenu ? tera le mieux aux pressions ? Qui res­ « On ne peut pas mettre sur le compte tera le plus solide ? Sur quelle force d'un simple oubli, observe-t-il, que s'appuiera-t-on, par exemple, pour lui dans la déclaration finale il ne soit imposer à elle, la bourgeoisie, le res­ pas fait une seule fois référence au pect des libertés, du suffrage universel, Programme commun de gouvernement... de l'alternance, sinon sur la force des Comment ne pas s'étonner encore que masses ouvrières et populaires, et au Rocard, Chapuis rejoignent le Parti sein de ces masses, pour une part socialiste et poursuivent leurs attaques décisive, sur le Parti communiste. Tant contre le Programme commun sans que qu'existeront — et il n'est pas question celles-ci ne reçoivent la riposte néces­ de les combattre autrement que de saire de la part des dirigeants socia­ façon politique — des personnages listes ? Nous sommes d'autant plus aussi inquiétants que MM. Chirac ou fondés à nous inquiéter de cette atti­ Poniatowski, la gauche et tous les tude que par ailleurs il est clair que Français auront bien besoin d'un fort l'activité du Parti socialiste ne tend Parti communiste pour que la démo­ pas à gagner les masses aux solutions cratie tienne le coup et tienne ses du Programme commun de gouverne­ promesses. » ment. Tout est conditionné à sa propre expansion dans le but de devenir le élever la qualité premier parti de France. » Ces ques­ de l’unité tions sont l’affaire des masses popu­ laires elles-mêmes, et il faut les poser Il faut donc faire la clarté, et en parti ­ devant elles. culier confronter les déclarations na ­ Gustave Ansart (Nord) rappelle la rai ­ tionales de nos alliés de la gauche son essentielle qui fait de l’anticommu­ à leur pratique politique réelle sur le nisme une donnée fondamentale, per­ terrain, afin, non d'engager une polé­ manente, de la propagande et de la mique stérile, mais d'élever l’union de politique de la grande bourgeoisie. la gauche à la qualité nouvelle qu’exige la nouvelle situation politique. « Elle sait par sa propre expérience, par ses reculs importants en France et Georges Lazzarino (Bouches-du-Rhône) dans le monde, ce que signifient pour indique que les travailleurs de son elle la naissance et l'action du Parti département ne comprennent pas que communiste. » le Parti socialiste puisse combiner des Point d ’immodestie ou d ’autosatisfac­ déclarations solennelles sur l’union de tion dans ce propos, mais un constat la gauche et la collaboration pratique objectif : « En plus de vingt ans, pour avec des ennemis déclarés du Pro­ ne prendre que ces dernières années, gramme commun qui ont activement nous avons aidé le Parti socialiste à soutenu Giscard d ’Estaing lors de sortir de la collaboration de classes l’élection présidentielle. dans laquelle il s'enfonçait. Nous avons Souci analogue de cohérence de la avec patience expliqué. Nous avons part de nos alliés chez Raymond Com- gagné les têtes et les cœurs comme bès (Ardèche) qui signale, y compris le demandait alors Maurice Thorez. »

84 LA DISCUSSION De même avons-nous lutté pour l’union nistes représentant pourtant 25 ‘'/o du avec les travailleurs chrétiens, avec les corps électoral de l'agglomération et gaullistes, nombreux dans une région dont le Parti socialiste n’a jamais dé­ où pour des raisons historiques les noncé le caractère antidémocratique. sentiments patriotiques sont très vi­ Nous sommes réalistes. Nous n’avons vaces. Aussi la Conférence fédérale du jamais demandé à nos partenaires so­ Nord a-t-elle porté aux problèmes de cialistes de rompre ces coalitions muni ­ l’unité une particulière attention. Car cipales du jour au lendemain. Mais « le combat politique pour gagner une nous constatons que le souci de mé­ large majorité à l’union de la gauche nager de telles alliances l'emporte trop doit être mené dans la clarté. Il sup ­ souvent sur la nécessité de développer pose par exemple que le Parti socia­ l’union de la gauche, de donner à liste cesse de donner la priorité à sa cette union au niveau de notre dépar ­ propre expansion et au détriment du tement et de nos villes une réalité Parti communiste au nom d'un prétendu concrète. » Et présenter constamment rééquilibrage qui s’inscrirait dans la le Parti socialiste comme celui «qui nécessité de rassurer une partie de réconciliera la liberté de l'ouest avec l’électorat. Nous avons à ce sujet et la justice sociale de l’est », c’est prati ­ depuis toujours une position très quer un anticommunisme discret, atten­ claire : il s'agit de gagner ensemble tif, insistant qui appuie, qu'on le veuille les uns et les autres au détriment de ou non, l’anticommunisme du pouvoir. la droite. « Tout ce que je viens de dire, souligne D’autre part, à l'étape actuelle, l'union Gustave Ansart, exprime notre volonté de la gauche, si elle veut être la base de faire accomplir un nouveau bond à d'un large rassemblement majoritaire l’unité et à l’union de la gauche. » Et doit franchir de nouveaux pas, cesser de conclure : « Aujourd ’hui nous disons d'apparaître par trop comme un accord que trop de problèmes restent en sus ­ électoral au sommet, et donner aux pens et que trop d’ambiguités tardent rapports entre les partis qui la com­ à être levées. En particulier, l’union de pose une qualité nouvelle. Ce problème la gauche ne peut rester un accord au des rapports au niveau de nos fédé­ sommet, un accord sur des textes si rations et à la base nous préoccupent importants soient-ils. Elle doit devenir parce que des solutions qui seront une réalité vivante dans nos départe­ apportées dépend la progression future ments, dans nos communes. Elle doit de l'union de la gauche et l'union du s'affirmer dans l’action si elle veut peuple de France. » développer sa propre dynamique et gagner à elle des milliers de forces Dans cet esprit, poursuit Gustave An- nouvelles. Si nous sommes exigeants sart, « l'union de la gauche pour être en matière d’unité, c’est que dans les plus convaincante, plus attractive doit conditions de la lutte sévère des clas­ résoudre, par exemple, certaines con­ ses de ce régime capitaliste, rien n’est tradictions. Ainsi, nous avons souvent jamais acquis de manière irréversible. relevé que c’est à Paris que Pierre D'autant que le pouvoir, affaibli et me­ Mauroy tient ses propos unitaires. Mais nacé, manœuvre sans cesse pour tenter à Lille les propos ef les démarches du de séparer tes forces unies contre lui. Parti socialiste sont marqués de beau ­ La question décisive pour la prochaine coup plus de circonspection et de période, c'est donc de renforcer discrétion. Et il en est ainsi parce que l'union, de l’étendre au peuple de l’alliance centriste continue d’être la France, et de contribuer dans tous les règle dans la grande municipalité diri­ domaines au développement de l’action gée par le Parti socialiste. C'est le cas commune pour faire progresser les notamment à Lille, mais aussi à Rou ­ grandes Idées du Programme commun, baix, à Wattrelos, à Cambrai, à Denain. les solutions neuves qu'il apporte aux S'agissant de la Communauté urbaine graves problèmes posés à notre pays. » de Lille, c'est une entente de fait Car « l'unité c'est l’action » et «la avec les partis de la majorité dans défense du Parti se confond intimement une assemblée qui élimine les commu ­ avec la défense de l'union ».

\ LA DISCUSSION 85 un parti fort influent et actif, pour quoi faire ?

Tout naturellement une place impor­ quer la route et maintenir en perma ­ tante a été accordée dans la discus­ nence l'unité et l'union. » sion au rôle du Parti, à son activité, Cette place du Parti communiste dans à son développement. Le Parti n’existe la réalité nationale de la France, il pas pour lui-même mais pour servir les n’est au pouvoir d ’aucun Poniatowski intérêts du peuple de France. Et pour de la lui retirer. Pierrette Joachim (Val- servir efficacement notre peuple et no­ d ’Oise) a rappelé à cette occasion «le tre pays, il faut un Parti fort, influent rôle déoisif qu'ont joué les commu ­ et actif. Ce n'est pas pour rien que les nistes dans la Résistance avec tous phases d ’essor de la démocratie, du les patriotes ». progrès social et du renom de la France ont toujours coïncidé avec le C’est une place que les communistes progrès des idées défendues par les ont conquise par une lutte incessante communistes et le développement de et souvent difficile, comme le faisait l’influence et de l’organisation du Parti. remarquer Jean-Claude Sandrier (Cher). Ce n’est pas pour rien non plus que Aux établissements militaires de Bour­ la grande bourgeoisie concentre en ges, c’est au prix d ’un combat politique permanence ses attaques contre lui. quotidien que le Parti est devenu une réaiité soiidement implantée. Ils ont pris conscience de la nécessité du le parti Parti ; de son rôle d ’avant-garde. « Ce et la réalité nationale rôle d'avant-garde, les travailleurs ne nous le décernent pas sur notre mine, Comme le note Gustave Ansart (Nord), mais sur nos actes. » Ils le compren­ « avec le Parti communiste — et ceci nent parce que c’est le Parti « que les tut d'une Importance considérable dans travailleurs ont vu distribuer des tracts le Nord — on a cessé de parler de la appelant à la conclusion du Programme démocratie et du socialisme, pour abor ­ commun de gouvernement. Ce sont les der sans détour l'aotion de classe militants communistes qu'ils ont vu contre le capitalisme, sans compro ­ diffuser le Programme commun, en mission. parier, se battre pour qu'il triomphe ». Mais pour autant « rien n'est réglé une Avec le Parti communiste — dans cette fois pour toutes ». Tous les jours II région du Nord, avec ce patronat de faut mener la bataille politique et idéo­ combat, paternaliste —, la classe ou ­ logique, combattre les idées de l’ad ­ vrière est sortie de l'ombre dans la­ versaire, exposer nos idées. quelle le capitalisme voulait la main­ tenir. Notre Parti, au prix de combien Il faut donc renforcer considérable ­ de sacritices, et avec quel courage de ment l’activité, l’influence et l’organi ­ la part de nos aînés, l'a aidée à acqué ­ sation du Parti. Comment, dans quelle rir cette audace, ces connaissances qui direction devons-nous déployer nos tont qu'aujourd'hui la classe ouvrière efforts ? parle avec cette autorité qui est la marque de la conscience de sa force. d’abord l’entreprise Et dans ie Nord pius qu'ailleurs peut- être en raison de l'âpreté de la lutte, La discussion a fortement mis l’accent chacun le voit, chacun le sent ; il faut à ce propos sur l’importance de la un Parti communiste puissant pour indi­ bataille politique dans les entreprises.

ss LA DISCUSSION / Ainsi, après avoir indiqué que la Fédé ­ de près de deux cent cinquante villes ration du Nord fait tout pour atteindre et villages du Nord et du Pas-de-Calais les 20 000 adhérents à la fin de l’année éloignés parfois de plus de 80 km. et se fixe l’objectif de marcher vers C'est l'entreprise qui doit être consi­ les 25 000 adhérents, Alain Bocquet dérée plus que jamais comme la base déclare : « Nous pensons que c'est en de cette pyramide « Union du peuple nous orientant plus que jamais vers les de France » que nous construisons entreprises de notre département que pour les changements démocratiques. » nous atteindrons ces objectifs. C’est A tous les échelons, le Parti, ses mili­ l’axe prioritaire de toute notre activité. » tants doivent donc accorder une atten­ De même, fort des résultats obtenus — tion prioritaire à l’activité des cellules le nombre des communistes organisés qui ont leur rôle propre, différent de dans les entreprises a presque doublé celui du syndicat, à leur développe­ en un an et demi dans le Loiret — Noël ment, à la constitution de nouvelles Bizouerne fait part au Congrès que cellules. L’accomplissement de cette dans sa fédération « s’appuyant sur les tâche exige que l’on surmonte certains résultats obtenus jusque-là, notre direc­ obstacles. tion fédérale a élaboré récemment un Ainsi Jean Garcia (Seine-Saint-Denis) plan de travail pour la création de constate que même avec une bonne trente nouvelles cellules, dans des en­ activité, trop souvent nos effectifs ne treprises, industrielles pour la plupart, progressent que lentement. « Chez les de 300 à 1 000 travailleurs ». Il constate travailleurs, dit-ll, il se dégage un peu que les résultats déjà acquis donnent cette Idée : « Vous êtes les meilleurs, « plus de force aux Initiatives du Parti. votre dévouement est extraordinaire, Il prend une part de plus en plus im­ grâce à vous le mouvement est bien portante dans la direction des luttes. orienté. Continuez, nous vous faisons Il acquiert un style de travail nou ­ confiance. » Ils s’en remettent ainsi aux veau ». communistes. Il y a, chez les commu ­ Pourquoi cette orientation prioritaire ? nistes, par ailleurs, cette idée que nos Partant de l’expérience de la lutte vic­ forces sont, après tout, suffisantes. » torieuse contre la liquidation de Rateau Il y a là une double tendance contre à La Courneuve, et du rôle qu’a joué laquelle nous devons réagir. l’activité politique du Parti dans ce Pour mener à bien ses tâches, « le succès, Jean Garcia (Seine-Saint-Denis) Parti doit se donner les moyens de insiste sur « la place prise à notre faire face à la démagogie distillée par époque par la politique à l'entreprise, le pouvoir et les monopoles », pense lieu privilégié de notre combat ». De Colette Maatouk (Seine-Saint-Denis). nombreux délégués ont fait remarquer « Il y a un combat politique à mener. à ce propos que le patronat ne se La meilleure aide pour le syndicat, pour gêne pas pour faire de la politique les travailleurs, souligne André Dupin à l’entreprise. Cécile Cuche (Hauts-de- (Meurthe-et-Moselle Sud), c’est d'avoir Seine) a notamment rappelé le mot un Parti communiste solide et puissant. d ’un grand patron de la métallurgie Que doit faire le Parti 7 II doit faire disant que « c’était à l'entreprise que accéder les travailleurs au combat ré­ la bataille se gagnerait ou se perdrait ». volutionnaire. » Cela nécessite que les « Tout ce qui se passe à l’entreprise militants, les meilleurs, consacrent au détermine inévitablement la vie écono­ Parti l’énergie et le temps nécessaires. mique, sociale et politique de secteurs « La tâche essentielle de nos secrétai­ entiers de notre région », montre Alain res de cellules doit être l'activité du Bocquet (Nord). « C’est un fait de plus Parti et son développement dans l'en­ en plus évident dans le Nord, par treprise. » Et Serge Feugère (Loire) exemple, que les usines, en particulier indique que dans son entreprise cer­ les grandes, vont puiser les travailleurs tains militants ont été libérés de leurs à plusieurs dizaines de kilomètres. tâches syndicales pour se consacrer C’est le cas typique d’Usinor Dunker­ entièrement à la vie du Parti. que qui emploie des travailleurs venant Pierrette Joachim (Val-d ’Oise) aborde

\ LA DISCUSSION 87 une autre question dont de nombreux vail, ils n'en ont pas moins souligné les délégués ont traité, tel Yves Dorion possibilités qui existent et les résultats (Manche). A côté de grandes entre­ considérables déjà obtenus dans les prises comme Dassault, « le Val-d'Oise entreprises les plus diverses et les est significatH de l’existence d'une mul ­ différentes catégories de salariés. titude de petites et moyennes entrepri­ ses. Cette configuration nous oblige à adapter notre style de travail, en com­ à cœur ouvert binant le travail propre des sections et cellules avec l'aide de la fédéra­ Pierre Campana (Paris) s’appuie sur tion ». D’où des initiatives particulières son expérience de militant communiste centrées pendant quelques jours sur aux P.T.T. de la gare de Lyon. Par de telle zone industrielle ou telle entre­ grandes initiatives — un comité de prise avec la participation de dirigeants section public sous la présidence de fédéraux et des militants du secteur. Jacques Duclos et la présence de Des dizaines d ’adhésions ont été ainsi 700 travailleurs, la publication d ’un réalisées en peu de temps à la porte journal avec la photo des dirigeants de de petites entreprises. la section et des cellules — ils ont imposé la présence ouverte du Parti Dans son activité en direction des dans l’entreprise et réalisé cette année entreprises, le Parti prend en compte plus de 100 adhésions dont 35 depuis que les travailleurs immigrés font partie le début de la grève. intégrante de la classe ouvrière de Cécile Cuche (Hauts-de-Seine) montre notre pays. Notre lutte pour le chan ­ comment, par un travail patient, qua ­ gement démocratique nous amène à torze cellules se sont déjà créées dans montrer aux travailleurs immigrés que le fameux «centre d ’affaires» de la ce changement est conforme à leurs Défense. En juillet dernier, à l’occasion intérêts et qu’ils ont place dans les d ’une journée « à cœur ouvert », 80 ad ­ luttes qui se développent pour l’impo­ hésions ont été réalisées en quelques ser, sans que cela suppose pour eux heures. la rupture avec leur patrie. Plusieurs délégués, Chérif Frad] (Var), Jean- Gilles Cohen (Essonne) apporte des Claude Poirier (Alpes-Maritimes), Has ­ faits concrets témoignant de l'influence san Larbi (Hauts-de-Seine) sont inter­ du Parti et de ses possibilités de ren­ venus dans ce sens. Ils ont montré la forcement dans un centre de recherche nécessité de faire échec aux tentatives comme le C.E.A. à Saclay où travail ­ de division constamment développées lent des milliers de chercheurs, d ’ingé­ par le grand capital, de dénoncer les nieurs et de techniciens : 1 000 vignet­ campagnes racistes, de développer la tes de la fête de l’Humanité diffusées solidarité de combat entre travailleurs cette année ; en deux semaines, lors français et immigrés. Partant de l’exem­ de la oampagne présidentielle, un mil­ ple de Renault-Billancourt, Hassan lion d ’A.F. collectés sur les listes de Larbi montre que « seul le Parli com­ souscription du Parti, 12 adhésions muniste a pris en main d’une manière réalisées, deux cellules créées. concrète les intérêts des travailleurs Parmi les interventions concernant le immigrés». Il est possible d ’en faire travail du Parti en direction des entre­ adhérer en grand nombre au Parti. prises, beaucoup ont été le fait de Ainsi chez Renault, sur les 745 adhé ­ femmes. Cela reflète la participation sions enregistrées cette année, plus grandissante des femmes à la vie éco­ de la moitié viennent de travailleurs nomique et sociale, à la production, immigrés. aux luttes. Plus que jamais la sous- Si les délégués ont naturellement exa­ estimation de leur rôle constituerait un miné d'un œil critique les difficultés manque à gagner sérieux pour le Parti. et les retards concernant ce problème, Mireille Bertrand (Essonne) a fortement car on ne peut jamais se contenter insisté sur ce point : des résultats acquis et il est toujours « Nous avons un champ d'action im­ nécessaire de perfectionner notre tra ­ mense dans les entreprises à main-

88 LA DISCUSSION f d'œuvre féminine. Pour gagner la qu’une cellule a pu être créée dans classe ouvrière, il faut tenir compte une usine métallurgique à main-d ’œuvre qu'elle est de plus en plus composée essentiellement féminine. de femmes. Arlette Boilot (Aube) indique qu’il a Il faut trouver les moyens d'améliorer fallu surmonter bien des difficultés la qualité de notre intervention, de faire pour amener le Parti à un effort sou­ en sorte que, malgré la fatigue et les tenu en direction des entreprises du soucis, les femmes puissent nous lire textile. Mais c’est un effort payant. ou nous écouter, nous parler, agir avec Depuis l’élection présidentielle, plu­ nous, venir avec nous au Parti. sieurs dizaines d ’adhésions ont été Dans les derniers mois, de nombreuses réalisées. A Troyes, sur 363 adhésions cellules ont été créées dans des cette année, la plupart dans les entre­ usines, des magasins, des banques, prises, on compte 40 °/o de femmes. dans des bureaux ou des quartiers Et il ne s’agit pas seulement d ’un populaires. C'est très positif. renforcement numérique. Dans les cel­ lules ainsi constituées, ce sont les Mais il y a encore des centaines et des femmes qui ont pris désormais en main centaines d'entreprises où les femmes l’activité politique et idéologique du sont nombreuses et où le Parti n'est Parti. pas présent.

Et même quand une cellule est créée, La démarche qui pousse le Parti à ce qui est précieux, il faut l'aider au développer son activité prioritairement jour le jour à vivre, à mener dans en direction des entreprises, n’est pas l'entreprise le combat politique, orga ­ exclusive d’ autres directions d ’activité. niser dans le détail la participation des Les intellectuels rejoignent en nombre femmes, trouver des formes nouvelles, croissant notre Parti. efficaces de formation de ces nouvelles « Pourquoi, remarque Jacques Chambaz adhérentes, aider les ouvrières, les em­ (Paris), aujourd'hui, confrontés à la ployées, les ménagères à devenir les crise de la culture et de la société, de dirigeantes politiques de leur usine, de nombreux intellectuels ne rejoindraient- leur bureau, de leur quaiiler. » ils pas notre Parti, s’ils le considèrent De nombreuses interventions sont ve­ comme la force essentielle des change­ nues souligner et illustrer ces possi­ ments auxquels ils aspirent, parce bilités, dès lors que nous prenons qu'ils approuvent sa politique, mais réellement en compte les difficultés à aussi pour mieux déployer leur propre surmonter, les efforts énormes de la activité, pour mieux assumer leur rôle bourgeoisie pour détourner les femmes d’intellectuels ? Parti révolutionnaire de de la lutte et les tromper et que nous la classe ouvrière, le Parti a besoin de prenons les mesures nécessaires pour leur activité et de leur compétence. y faire face. Intellectuels et communistes, apparte ­ Ainsi Françoise Disses (Seine-et-Marne) nant à l'avant-garde du mouvement so­ nous apprend que dans son départe­ cial et politique, ils peuvent, seuls, ment, 280 femmes, dont la moyenne assumer l'activité nécessaire parmi d'âge est de 25 ans environ, ont donné leurs pareils, une activité dont leur cette année leur adhésion au Parti. De travail professionnel est partie inté­ plus en plus, les femmes s’intéressent grante. En retour, ne trouvent-ils pas à la vie politique, veulent discuter de dans le Parti le moyen le plus efficace politique. de participer à la lutte pour la trans­ formation de la société, et de partager Jacqueline Mast (Somme) montre com­ l'expérience de la classe ouvrière ? ment la distribution judicieuse de « Femmes aujourd ’hui, demain », la Les nombreux intellectuels qui ont re­ confection de journaux s’adressant aux joint le Parti donnent réponse à ces femmes, la réalisation et la populari­ questions. Leur adhésion est signifi­ sation d’ enquêtes sur leurs conditions cative en elle-même, et pour les possi ­ de vie et de travail créent les bases bilités qu ’elle révèle, à la mesure de du renforcement du Parti. C’est ainsi tous ceux qui considèrent que l'activité

LA DlSCUSSIOr-l 83 et l'influence du Parti communiste fran­ dou. Devant l’aggravation de la crise, çais, comme les principes qui l'inspi ­ le pouvoir cherche à renforcer son rent, sont l'une des garanties essen­ contrôle sur les grands moyens d ’infor­ tielles d'une politique culturelle recon­ mation (presse, radio, télévision), bien naissant pleinement le rôle des intel­ que ses ingérences de plus en plus lectuels, créant les conditions de la brutales suscitent une résistance ac ­ liberté de recherche, de création et crue de la part des journalistes. de confrontation indispensables au Alain Leroy (Paris), analysant la ré ­ mouvement même de la culture. » forme de l’O.R.T.F., souligne à ce Dans le même temps, le Parti doit propos : « Sous le couvert du mot libé­ renforcer son implantation dans les ralisme, sept présidents vont mainte­ régions rurales. André Lajoinie (Allier) nant gérer une radio-télévision natio­ a indiqué que 250 cellules rurales nou­ nale en concurrence idéologique avec velles avaient été créées cette année elle-même, le véritable directeur étant, dans toute la France. Jean-Paul Bessa- cette fois, aux termes mêmes de la gnet (Gers) confirme par l’exemple de loi, le premier ministre, c'est-à-dire en sa section les possibilités qui existent définitive le Président de la République quand les communistes sont convain­ lui-même, à moins que ce ne soit le cus de la nécessité d’ organiser hardi ­ ministre de l’Intérieur. » Mais cela ne ment le recrutement. Jean-Claude va pas sans mal pour le pouvoir François (Lot-et-Garonne) note que comme le montrent les luttes engagées parmi les 1 300 adhésions réalisées en par le personnel de l’O.R.T.F. dont 1974 dans son département, on dé ­ « les travailleurs sont à leur tour, nombre 170 paysans. 14 cellules rurales comme l'ensemble des travailleurs de ont été créées. C’est la vérification que notre pays, confrontés avec les consé­ le Parti communiste, parce qu’il est le quences de la politique menée par le parti de la classe ouvrière, est aussi le pouvoir ». mieux à même d ’accueillir largement dans ses rangs des représentants nom­ Intervenant sur l’activité du Parti en breux de toutes les couches sociales direction des femmes pour qu’elles victimes de la politique des monopoles. prennent toute leur place dans la bataille pour l’union du peuple de France, Mireille Bertrand (Essonne) a faire plus d’efforts souligné de son côté comment, avec dans le domaine idéologique Françoise Giroud, le pouvoir s’efforce de faire croire que les difficultés que Pour freiner — si possible — la prise rencontrent les femmes dans la forma­ de conscience des changements né ­ tion professionnelle, l’emploi, le sa ­ cessaires et pour gêner le progrès laire, etc., proviennent des «mentalités» des idées révolutionnaires que notre et non de la politique pratiquée. Parti popularise inlassablement, la bourgeoisie développe une bataille Tout cela souligne l’importance de idéologique plus intense que jamais. l’effort de propagande que doit fournir Elle sait que son dernier rempart se tout le Parti. Il faut combattre avec situe au niveau des consciences. Plu­ opiniâtreté, esprit offensif et prompti­ sieurs délégués se sont attachés à tude les idées de l’adversaire et popu­ mettre en évidence certains aspects de lariser largement nos analyses et nos la propagande bourgeoise. propositions. Pierre Sellincourt (Yvelines) montre que la politique du pouvoir en ce do­ à propos du socialisme maine « consiste d'une part à tromper les Français sur les causes et la nature Ainsi, montre Charles Fiterman (Val- réelle de la crise et, d'autre part, à de-Marne), nous devons du même tenter d'affaiblir l’union de la gauche pas faire « apprécier à leur juste va­ en s’attaquant au noyau solide de cette leur les résultats obtenus par les pays union, le Parti communiste français ». socialistes» et faire connaître «notre Ce qui était déjà l’objectif de Pompi­ lutte pour ouvrir à la France une voie

90 LA DISCUSSION originale au socialisme ». « Le contraste nent notre effort pour donner à voir et devient de plus en plus frappant entre à comprendre la réalité des pays socia­ la situation de crise des pays capita ­ listes, telle est l'une des tâches que listes et le progrès économique et nous avons à réaliser dans le cadre de social des pays socialistes... Il n'y a notre bataille pour les transformations pas un pays capitaliste où la femme, sociales décisives dont notre pays a l’homme puisse ainsi, de sa naissance besoin. » à sa mort, avoir l'assurance qu'il pourra se nourrir, étudier, se cultiver, avec « l’humanité » travailler, se soigner, fonder un foyer, avoir le nombre d’enfants qu'il sou ­ Face aux immenses moyens dont dis ­ haite, faire du sport, en bref organiser pose l’adversaire, nous devons perfec­ et vivre sa vie. Cela, c'est devenu tionner nos propres outils et les utiliser possible avec le socialisme ». au maximum. Au premier rang figure Certes il y a eu des fautes, des erreurs. « l'Humanité ». Jean Barrière (Gironde) Mais ce sont justement les partis com­ lui a consacré une partie importante munistes des pays socialistes qui se de son intervention ; « SI nous voulons sont engagés dans la critique publique un Parti capable de réaliser l'union du et dans la correction des fautes com­ peuple de France pour le changement mises. En revanche « où et quand les démocratique, nous ne pouvons nous politiciens de la grande bourgeoisie contenter de la diffusion de « l'Huma ­ ont-ils fait la critique des crimes sans nité ». Mieux, si nous voulons ce Parti, nom qu'ils ont accumulés... et accu ­ Il faut absolument augmenter de façon mulent encore ? Où et quand les partis considérable la diffusion de « l'Huma ­ socialistes ont-ils fait une critique sé­ nité ». C'est l'une des conditions néces­ rieuse de toutes ces politiques de saires, sinon la condition nécessaire. » gérance loyale des affaires de la bour ­ Parlant ensuite de l’état de la diffusion, geoisie qu ’ils ont conduites ?... C'est il indique que la situation actuelle n’est bien à ce propos qu'il faut parler pas normale, qu’elle est inquiétante. d'échec. » Et il pose cette question : « Le Parti En fait, « ce ne sont pas les fautes du tout entier est-ll inquiet pour autant ? socialisme qui indisposent les capita ­ Je n’en suis pas sûr, même si une listes, c'est l'existence même du socia­ réflexion nouvelle se développe, notam­ lisme ». Voilà pourquoi nous déclarons : ment depuis le XX* Congrès. » « La lutte contre l’antisoviétisme n'est Jean Barrière évoque les difficultés qui pas l'affaire des seuls communistes. existent: économiques, politiques (pres­ Elle est l'affaire de tous. » sion permanente de la grande bour­

« En montrant les réalités du socialisme geoisie contre les moyens d ’expression existant aux travailleurs, au peuple de des forces démocratiques, caractère France, nous ne leur disons pas : voyez formel de la liberté de la presse, poids et copiez I Nous leur disons : voyez de la campagne anticommuniste, con­ quels progrès immenses le socialisme currence des moyens audio-visuels, a permis à ces peuples d’accomplir. réalité de l’exploitation des cadences, Réfléchissez aux progrès que notre de la fatigue, etc.). Mais il y a aussi Les difficul ­ pays pourra lui-même réaliser avec le des raisons subjectives. « tés ne tiennent-elles pas au Parti lui- socialisme sur la base de ses tradi ­ même ? » tions, de son niveau de développement, Jean Barrière montre l’impor­ des conditions de notre temps. » tance essentielle de « l’Humanité » pour le Parti. « L'existence du Parti est in­ Et en conclusion, après avoir rappelé concevable sans celle de « l’Humanité » le poids international du socialisme et vice-versa, bien entendu. » Le délé­ dans la lutte des autres peuples pour gué de la Gironde indique encore qu’il la paix, la liberté, le socialisme, Charles est nécessaire que le Parti ait cons­ Fiterman déclare : « Renforcer sous cience des motivations théoriques qui toutes ses formes en lui donnant un font aujourd ’hui de notre «Huma» ce caractère plus offensif et plus perma ­ qu’elle est. « L’élargissement, la victoire

LA DISCUSSION 91 de l’union du peuple, impliquent le ment plus encore que dans le passé recul de l’idéologie bourgeoise dans la l'ensemble du Parti. Cette nécessité conscience des masses et l’avancée donne au travail de formation idéolo ­ des idées proposées par notre Parti. » gique des militants une ampleur nou­ Le rôle de « l’Huma » est primordial velle, ainsi que l’a montré Henri Martin dans cette bataille. Pour faire face aux (Indre). C’est notre théorie qui « fonde moyens dont dispose ia grande bour­ l’aptitude du Parti à animer la lutte geoisie pour mener la bataille des de la classe ouvrière et du peupie ». idées, « l’Humanité » apparaît comme Pour réaliser le rassemblement majori ­ irremplaçable. Jean Barrière termine en taire autour du Programme commun, il insistant sur « la question de la diffu ­ faut que « tous tes communistes, dès sion de « l’Humanité » quotidienne, leur arrivée dans le Parti, apprennent notamment dans les entreprises qui, les raisons de principes qui font que sous une forme ou sous une autre, notre Parti est le parti de l'unité et devient une nécessité de la lutte elle- de l’union, parce qu ’il est le parti de même. » la classe ouvrière. Nous n’avons pas De nombreux délégués ont évoqué le de position paternaliste à l’égard des problème de la presse et les initiatives nouveaux adhérents et nous entendons prises dans le Parti. les considérer comme des « commu ­ nistes à part entière », en leur en don­ Alain Bocquet (Nord) a souligné l’au ­ nant les moyens. » dience de la page hebdomadaire que « Liberté » consacre aux entreprises. Pour mener à bien le combat de l’union Chez Peugeot à Sochaux, Louis Perrot sur une base de classe, « il faut un (Doubs) indique que les ventes de puissant parti de la classe ouvrière, masse (jusqu’à 500 exemplaires) ont car la conscience de classe ne s’ac­ permis d ’organiser des milliers de quiert pas spontanément même sur le débats dans les ateliers, au pied des lieu du travail où il faut lutter en per ­ machines. « L’Humanité », c’est le con­ manence contre les idées de collabo ­ tact avec les idées communistes réalisé ration de classes ». D’où l’importance, dans l’usine. Il faut que les ouvriers notamment, des stages de secrétaires sachent que « l’Humanité » c’est le de cellules d ’entreprises. journal des communistes mais qu ’eile « Connaître les raisons fondamentales est aussi le journal des travailleurs. » qui animent l’action des classes en Jean-Claude François (Lot) a informé présence, avoir une vue ciaire du mou ­ le Congrès des progrès de la diffusion vement de l’histoire, des objectifs qu ’il de « la Terre » dans sa fédération. est possible d’atteindre, des moyens à D’autres délégués ont parlé de la pro­ mettre en œuvre pour ceia, des étapes pagande des sections et des cellules. qu ’il faudra parcourir, tel est le but du Yves Dorion (Manche) signale que dans travail d’éducation. » Et Henri Martin sa fédération le mot d ’ordre est: «A souligne en conclusion: «Dans cette chaque cellule son C.D.H. et son jour ­ période, le travail d’éducation qui est nal », tandis que Louis Perrot (Doubs) le moyen décisif de faire assimiler signale une initiative originale des notre théorie aux militants, n’est pas communistes sochaliens : deux fois par une affaire de spécialistes mais doit semaine, le quart d ’heure séparant la être vu comme une des grandes tâches fin du travail du départ des cars est qui se posent devant tout le Parti. » utilisé pour diffuser un journal parlé « Radio Lion Rouge ».

la pratique politique et la théorie Pour que les sections, les cellules, tous les communistes développent et enrichissent leur travail de propagande, il est nécessaire d ’armer idéologique-

92 LA DISCUSSION les interventions non prononcées

Outre les 61 camarades qui sont intervenus au cours des cinq séances consacrées à la discussion, 32 autres camarades désiraient intervenir. Ils n’ont pu parler à la tribune faute de temps. Leurs interventions ont été remises au bureau du Congrès pour figurer dans les actes de ce dernier. Nous donnons ci-dessous les noms de ces camarades et le thème essentiel de leur intervention.

Marcel Benoît (Ain) — L’organisation de la diffusion de l'Humanité- Dimanche, par la multiplication de points de vente, peut faire progresser notre magazine, peut également permettre de développer les contacts publics des membres du Parti et faciliter la création de nouvelles cellules.

Sanchez Pédro (Allier). — Une bonne expérience de la diffusion de l’Humanité et de l’Humanté-Dimanche à t’entreprise : celles des commu ­ nistes de l’usine Dunlop à Montluçon.

Michel Tinrelli (Alpes-Maritimes). — Il est nécessaire de procéder au renouvellement des militants responsables du Parti à tous les niveaux (cellules, sections, etc.) ; les camarades les plus expérimentés doivent être placés à la direction des cellules d’entreprise.

Yves Roy (Aube). — C’est, entre autres, en organisant l’action contre les conséquences de la crise et en montrant que le Programme commun contient les solutions durables aux problèmes posés au pays que le Parti joue son rôle d’avant-garde,

Simone Brigando (Bouches-du-Rhône). — L’exploitation et la combativité des jeunes filles (travailleuses ou lycéennes) doivent conduire le Parti et la Jeunesse communiste à faire plus, mieux et plus vite pour les gagner au combat pour la démocratie, au socialisme.

Marcel Harbelot (Côte-d’Or). — L’élection législative partielle de Beaune a fait apparaître la nécessité d’un grand travail des communistes pour éclairer les problèmes de l’unité et de ta nécessité d’un Parti influent dans la classe ouvrière et à la campagne.

Yves Péron (Dordogne). — L’élection législative partielle de Périgueux montre la nécessité de nous expliquer sur les mots d’ordre « Votez utile »,

LA DISCUSSION 93 « Votez efficace» avancés par fa gauche non communiste en direction de i’éiectorat communiste. La campagne menée sur ce thème, si eiie n’a pas eu te résuttat escompté, a toutefois empêché que toutes tes voix se reportent sur te candidat d’union au second tour. L’équiiibre de ia gauche exige qu ’en Dordogne comme auteurs une piace beaucoup pius grande soit faite au P.C.F. dans tes assembtées éiues.

Yvonne Allégret (Drôme). —• Les communistes doivent se montrer persé­ vérants et convaincants pour éclairer auprès des femmes les raisons de la crise, la nécessité de lutter pour empêcher que les travailleuses n’en fassent les frais ; ils doivent avancer les solutions du Parti aux problèmes actuels.

André Bonjour (Eure-et-Loir). — Les décisions d’orienter résolument le Parti vers les entreprises, vers la classe ouvrière afin de trouver les cadres ouvriers pas assez nombreux dans la fédération doivent retenir l’attention de tout le Parti.

Yvonne Grenier (isère). — L’expérience et les résultats obtenus par la commission de travail parmi les femmes de la section du Parti de Rous ­ sillon montrent qu ’il est possible d’accroitre l’influence du Parti chez les travailleuses et les ménagères.

Michel Sanchez (Landes). — L’unité sur une base de classe est un combat permanent des communistes qui doivent éclairer les masses pour obtenir leur appui.

Renée Laplace (Manche). — Le travail des communistes parmi les per ­ sonnes âgées en milieu rural est nécessaire et important.

Antoine Porcu (Meurthe-et-Moselle Nord). — Le comportement du Parti socialiste est contradictoire : il adopte des positions gauchisantes dans le nord du département (où il est en coquetterie avec les trotskistes dans certaines entreprises), alors qu’ à Nancy il poursuit sa collaboration avec les centristes. Il faut accroître l’influence du Parti, le renforcement de son activité dans les grandes entreprises et développer la diffusion de l’Humanité.

Maurice Bambier (Oise). — La propagande du Parti socialiste sur le thème « le socialiste peut mieux rassembler que le communiste aux élections » ne permet pas à la gauche d’obtenir les meilleurs résultats possibles. Il faut poser ce problème devant les masses, avant tout devant la classe ouvrière dans les entreprises, d’où la nécessité d’y avoir un Parti organisé, ce qui n’est pas encore le cas dans beaucoup d’entre elles.

Yves Coquelle (Pas-de-Calais). — Il faut élargir encore le Iront de ceux qui veulent le changement, réaliser l’union du peuple autour du Programme commun. Lorsque communistes et socialistes agissent ensemble sur cette base, ils gagnent ensemble sur la droite. Au contraire, là où les préjugés anticommunistes l’emportent, il y a recul de la gauche.

René Vair (Savoie). — A Albertville, le candidat socialiste à l’élection légis­ lative partielle n’a pas fait état de la nécessité des changements démo­ cratiques prévus par le Programme commun mais seulement de la néces-

94 LA DISCUSSION sité de battre la droite. Il s'est ingénié à paraître le candidat du « juste milieu » et il a développé sa campagne sur le thème de refficacité. Ce n’est pas ainsi que l’on consolidera l’unité. Le Parti progresse dans tes centres et quartiers ouvriers là où son organisation et son activité sont satisfaisantes, en particulier à l’entreprise. Il faut faire plus dans ce sens.

Jacky Maussion (Seine-Maritime). — Le pouvoir s’efforce de faire sup ­ porter les conséquences des difficultés que rencontre l’industrie auto ­ mobile par les travailleurs : austérité, sacrifices nécessaires, exportation à tout prix, etc.

Pierre Liorente (Var). — Treize mille chômeurs inscrits en fin d’année, soit plus de deux fois la moyenne nationale, tel est l’un des effets de la crise dans le département. Les communistes avancent leurs solutions pour le développement économique régional et sont les animateurs des luttes contre les conséquences de la politique néfaste du pouvoir du grand capital.

René Constans (Haute-Vienne). — L’action persévérante du P.C.F. pour l’unité a conduit le Parti socialiste à signer le Programme commun, ce qui représente un grand pas en avant. En même temps, on ne doit pas perdre de vue la nature différente de nos deux partis et la nécessité, pour conso­ lider encore l’union, de renforcer les positions et l’influence du parti révolutionnaire de la classe ouvrière.

Guy Fernandez (Yonne). — Les effets de la crise pour les petites et moyennes entreprises et les agriculteurs sont très sérieux. Il convient de développer l’action propre du Parti dans la classe ouvrière et les autres milieux. L’appel aux gaullistes à venir renforcer l’union s’adresse aux tra­ vailleurs et non aux dirigeants U.D.R. qui agissent main dans la main avec Giscard.

Anne Fontenelie (Territoire de Belfort). — Les attaques du pouvoir contre le service public de l’éducation nationale ne ralentissent pas, bien au contraire, d’où la nécessité de la création et de l’action des cellules du Parti dans les établissements d’enseignement.

Bernard Guilleron (Yvelines). — L’expérience de la section de Mantes intervenant activement pour aider les travailleurs de l’usine Gringoire dans leur lutte contre la fermeture de l’entreprise, montre que l’activité du Parti vers la classe ouvrière (y compris là où la cellule n’existe pas encore à l’entreprise) est un élément déterminant du renforcement de l’influence du Parti.

Marie-Simone Royer (Essonne). — A la S.N.E.C.M.A., de nombreuses femmes travaillent dans le service administratif ; if est donc nécessaire que les communistes se montrent attentifs à leur combativité chaque fois qu’ un motif d’action se présente tout en agissant pour élever le niveau de leur conscience politique.

Léo Figuères (Hauts-de-Seine). — Les «Assises pour le socialisme » qui ignorent les réalités et les réalisations du socialisme qui se bâtit depuis plus d’un demi-siècle en U.R.S.S. et sur un tiers du globe, n’ont rien dit du Programme commun, mais semblent vouloir lui substituer on ne sait quel projet de société socialiste autogestionnaire aux contours indéter­ minés. Ce n’est pas la première fois qu’ avec des phrases « radicales » sur

LA DISCUSSION 95 le socialisme l'on renverrait son échéance aux calendes. Pour les commu ­ nistes, la meilleure façon de préparer la majorité du peuple français à la fransformation socialiste de la société est de réaliser les profonds change­ ments inclus dans le Programme commun.

Pierre Sotura (Hauts-de-Seine). — La classe ouvrière et les travailleurs salariés incarnent l'intérêt national ; ils sont au cœur de l'union du peuple de France. C'est d'abord sur les lieux de travail que se gagnera la bataille pour donner à notre Parti la place qui lui revient dans la vie politique de la nation.

Ramon Falguler (Seine-Saint-Denis). — La lutte active du Parti et de l'Union des étudiants communistes au sein de l'Université Paris-Nord a permis l'élargissement de notre influence et facilité l'organisation des actions qui ont abouti à arracher certaines concessions au pouvoir.

Didier Cestacq (Seine-Saint-Denis). — Certains aspects de l'action des communistes de l'aéroport de Roissy-en-France, notamment pour dénoncer le véritable racket dont le transport aérien est victime de la part des compagnies pétrolières.

Josiane Mathieu (Val-de-Marne). — Le pouvoir tente d'opposer entre eux les hommes et les femmes. La réplique à la politique du pouvoir n'est pas une chose spontanée. Nous devons être plus prompts à la riposte et à organiser les actions concrètes des femmes, en particulier contre l'austérité.

Jacques Leser (Val-d ’Oise). — Le développement des positions politiques du Parti est l'une des conditions pour faire avancer et rendre plus solide l'union.

Jacqueline Furdygiel (Paris). — Pour préserver les femmes de l'idéologie développée par Mme Giroud et le pouvoir, les communistes doivent mener parmi elles une Intense bataille d'idées, poser avec clarté tous les problè ­ mes de la condition féminine, répondre à toutes leurs questions.

Christian Gilain (Paris). — On a remarqué des interprétations parfois erronées du projet de résolution : la démocratie avancée dans laquelle nous engage le Programme commun est un processus de transition vers le socialisme, une phase de la lutte contre les monopoles dans des conditions plus favorables à la classe ouvrière et ses aiiiés. L'importance de la lutte idéologique du Parti, en particuiier contre t'anticommunisme et pour les idées du sociaiisme, comme cela fut fait avec « Le défi démo­ cratique », est évidente.

Louis Régulier (Paris). — La Fédération de Paris se fixe l'objectif de doubler rapidement ses effectifs. Pour cela, il faut un Parti ouvert sans restriction à tous ceux qui veulent participer au combat pour tes chan ­ gements inscrits dans te Programme commun. H convient de veiiier aussi à l'intégration rapide de nouveaux adhérents à ia vie du Parti, ce qui n'est pas toujours te cas.

Albert Zamord (Paris). — Les travailleurs, très jeunes pour la plupart, originaires des D.O.M. et T.O.M. connaissent une situation difficile. Le Parti doit les défendre contre l'exploitation, le racisme ; il doit les gagner en rappelant également que nous demandons que leurs peuples puissent décider librement de leur avenir.

96 LA DISCUSSION l’actualisation georges gosnat des cotisations

Chers camarades, res et de traitements qui, sans compen­ ser toujours les dommages occasion­ Bien que notre Congrès ne comporte nés par la hausse des prix, modifient qu’un seul point à son ordre du jour, cependant sensiblement i’échelle des le projet de résolution : « l’union du ressources prévues jusqu’ici par notre peuple de France pour le changement barême de cotisations. démocratique », je suis amené, avec l’accord du Comité central, à vous Il est donc nécessaire d ’actualiser ce proposer qu’il se prononce également barême et de le faire dès maintenant en faveur d ’une actualisation du puisque, comme vous le savez, l’arti ­ barême des cotisations du Parti. cle 53 des statuts stipule que seul un congrès du Parti est habilité pour Cette question a, en effet, été évoquée en décider et qu’il serait anormal de dans un très grand nombre d ’assem­ reporter cette décision à notre pro­ blées de cellules, de conférences de chain congrès ordinaire. sections et de conférences fédérales. Et je crois que vous-mêmes avez tous Je tiens toutefois à préciser que, dans été spécialement mandatés pour en l’esprit du Comité central, il s’agit bien délibérer. d ’une actualisation de notre barême et non d ’une augmentation de nos cotisa ­ La préoccupation de nos camarades tions. est tout à fait justifiée. Certes, toutes les organisations du Elle trouve d ’abord sa source dans le Parti ont à souffrir de la hausse des rythme monstrueux de l’inflation que prix comme chaque particulier et cette nous connaissons depuis notre dernier situation lui est d ’autant plus intoléra ­ congrès. ble qu’il doit faire face à des engage­ Selon les statistiques officielles de ments de dépenses plus nombreux et l’I.N.S.E.E., la hausse des prix a atteint plus importants que par le passé en 8,5 % en 1973, 14,5 % du 31 août 1973 raison du développement de la bataille au 31 août 1974 et l’on sait que ces politique. Mais nous sommes trop sou­ chiffres sont en retard de plusieurs cieux des difficultés matérielles ren­ points sur la réalité. contrées par un grand nombre de ca ­ En 1974, la hausse atteindra vraisem­ marades — par la plus grande majorité blablement 17 à 18 %. des membres du Parti sans aucun doute — pour leur demander une Or, dans le même temps, grâce à contribution financière accrue. leurs luttes incessantes et aux progrès enregistrés par l’union des forces de Voici donc les propositions que j’ai gauche, les travailleurs sont parvenus l’honneur de soumettre au Congrès. à arracher des augmentations de salai ­ 1° La première proposition vise à dé­

GEORGES GOSNAT / L’ACTUALISATION DES COTISATIONS 97 plafonner notre barême de telle sorte ou disposant d ’un revenu modeste que les camarades disposant de reve­ sinon misérable, comme c’est le cas nus supérieurs à 2 000 F par mois malheureusement pour un nombre puissent payer, comme beaucoup d ’en­ encore trop important de camarades tre eux i'ont d'aiiieurs souhaité, une âgés. cotisation proportionneile à ieurs res­ Le taux de cette cotisation de base sources. pourrait être fixé à 1 F. En admettant ie principe d ’une cotisa ­ Certes, disparaîtrait ainsi la cotisation tion de 5 F par tranche suppiémentaire à 0,20 F, à laquelle nous avons été de revenu de 500 F, nous aurions ainsi longtemps attachés, avec raison nous des tranches de 25 F pour les revenus semble-t-il, mais que la quasi-unani­ situés entre 2 500 et 3 000 F, de 30 F mité des organisations du Parti nous pour ies revenus situés entre 3 000 et paraît juger désormais dépassée. 3 500 F, et ainsi de suite, sans iimita- Par contre, nous suggérons que cette tion. cotisation de base concerne non seu­ 2° Notre deuxième proposition vise à lement les camarades n’ayant aucune modifier sensiblement notre barême ressource propre, mais aussi tous ceux pour les revenus inférieurs à 1 000 F et toutes celles qui disposent de par mois. moins de 500 F par mois et dont cer­ Comme vous le savez, cette fraction tains paient actuellement une cotisa ­ du barême a été pendant longtemps, tion à 2 F. et pour cause, la plus utilisée dans le La deuxième cotisation que nous vous Parti. proposons de retenir est celle de 5 F C’est la raison pour iaqueile elie en l’affectant aux salaires et revenus comporte, depuis le XV“ Congrès qui s’élevant entre 500 et 1 000 F par mois. eut lieu en 1959, cinq catégories de En formulant cette proposition, nous timbres : nous basons sur deux considérations ; 0,20 F pour les camarades n’ayant a) La première, c’est que rien ne aucune ressource propre ; serait changé pour les camarades dont 1 F pour les salaires et revenus infé­ les ressources sont supérieures à 700 F rieurs à 350 F ; et dont la cotisation est déjà de 5 F. 2 F pour les salaires et revenus com­ b) La deuxième, c'est que nous avons pris entre 350 et 500 F ; le sentiment que le nombre des cama ­ rades dont les revenus sont compris 3 F pour les salaires et revenus com­ entre 500 et 700 F est de plus en plus pris entre 500 et 700 F ; restreint et que leur proportion tend 5 F pour les salaires et revenus com­ même à s’amenuiser plus considéra ­ pris entre 700 et 1 000 F. blement encore. Il est évident que par suite de l’infla ­ Aussi bien, d’ ailleurs, ne s’agit-il pas tion ces catégories ne correspondent d ’appliquer mécaniquement cette nou­ plus à la situation actuelle et qu’il velle disposition et convient-il, au conviendrait d ’adopter une mesure contraire, comme c’est notre habitude, d ’adaptation et de simplification qui, d ’examiner cas par cas et de régler à notre avis, devrait réduire à deux le avec la vie. nombre de ces catégories. Toujours est-il qu’en supprimant les Notre Parti doit d ’abord, en effet, cotisations de 2 F et 3 F, nous élimi ­ conserver une ootisation de base dont nerions du même coup ce qui cons­ le taux doit être très faible, de telle titue présentement un obstable à l’ap­ sorte qu’il ne puisse en aucune façon plication correcte de notre barême des être un obstacle à l’appartenance au cotisations, en raison de la difficulté Parti pour les camarades ne disposant que nous éprouvons à suivre le rythme d ’aucun revenu propre — nous pen­ endiablé de l’inflation et à rompre avec sons particulièrement à ce sujet aux l’utilisation en quelque sorte routinière femmes non salariés, aux jeunes sans et généralement non justifiée, de ces emploi, aux étudiants et aux lycéens — deux catégories de timbres.

GEORGES GOSNAT / L’ACTUALISATION DES COTISATIONS Le Parti doit savoir, aiors que nous toujours plus grand et nous remercions avions toujours pu nous féliciter — et chaleureusement les millions de Fran­ notamment lors du XIX* Congrès qui çais et de Françaises qui nous accor ­ nous en avait fourni l’occasion — de dent leur contribution financière. la concordance presque totale qui Mais nous savons la place considéra ­ existait entre la progression du prix ble que prend et que doit prendre de nos cotisations et celle du montant encore plus le rendement de nos coti­ nominal des salaires, que nous devons sations dans la solution de nos problè ­ déplorer maintenant l’existence d ’un mes financiers. retard qui tend môme à se creuser et dont il est à peine besoin de souligner Aussi bien la mise à jour régulière qu’il devient préjudiciable à l’équilibre des cotisations et le respect du barème financier de toutes nos organisations. constituent-ils deux aspects perma­ nents de l’activité du Parti et qui Les mesures que nous proposons ont concernent, sans aucune exception, donc avant tout un contenu politique tous les communistes. et c’est la raison pour laquelle nous L’expérience nous a d ’ailleurs appris ne doutons pas qu’elles puissent re­ qu’une organisation parfaitement en cueillir l’assentiment de tout notre règle avec le problème des cotisations Parti. se révèle en même temps parmi les Chers camarades. meilleures pour assurer le succès de nos souscriptions. En adoptant un nouveau barème de cotisations, le XXI* Congrès extraor­ Dans ces conditions, le XXI* Congrès dinaire du Parti donnera de ce tait une constituera, sans nul doute, un jalon impulsion exceptionnelle à notre ba ­ mémorable dans la bataille financière taille financière. du Parti au service de l’expression et du rayonnement de sa politique, pour Celle-ci, vous le savez, est une bataille la classe ouvrière et pour le peuple constante de toutes nos organisations, de notre pays. tant il est vrai que pour répondre à nos obligations politiques nous avons à faire face, dans le régime actuel, à des charges de plus en plus lourdes. Tandis que le pouvoir monopolise tou­ jours plus à son profit et avec l’aide de groupes financiers les moyens d ’in­ formation, à commencer par ceux de l’Etat, sa politique basée sur le déve ­ loppement de l’inflation met en péril ce qui reste de la presse démocratique et nous impose des dépenses énormes pour chaque initiative de propagande. A titre d ’exemple, la campagne pour les élections présidentielles de cette année nous a coûté trois fois plus cher qu’elle nous avait coûté en 1969. Le Parti doit donc compter, plus que jamais, sur l’accroissement de ses res­ sources dont on sait qu’elles sont es­ sentiellement basées, outre les verse­ ments provenant de ses élus, sur les souscriptions permanentes et sur les cotisations. Nous nous réjouissons, à ce propos, de constater que nos souscriptions remportent chaque année un succès

GEORGES GOSNAT / L'ACTUALISATION DES COTISATIONS 99 résolution sur les cotisations

C’est le camarade André Soury, secrétaire fédéral de la Charente, qui a rapporté au nom de la Commission des cotisations, celle-ci ayant approuvé, moyennant quelques modifications de forme, i’intégralité des mesures proposées par le Comité central. « C’est pourquoi, a déclaré André Soury, notre XXT Congrès extraordinaire prend des décisions très importantes qu’il va falloir faire apprécier par tout le Parti au cours de la campagne de remise de cartes... « Le XXI' Congrès dit qu’il faut un parti pour la France d ’aujourd ’hui. Le jalon mémorable qu'est l’actualisation du barême tend à donner au parti de la France d’ aujourd ’hui les moyens de sa politique. »

Le XXI' Congrès extraordinaire décide d ’adapter le barème des cotisations aux niveaux actuels des salaires, traitements ou revenus mensuels. En conséquence ; 1° Le barème est déplafonné. De nouvelles catégories supérieures au taux actuel de 20 F sont créées. La cotisation augmente de 5 F par tranches supplémentaires de 500 F de ressources. 2° Les timbres de 2 F et de 3 F sont supprimés. La cotisation de base est fixée à 1 F. Pour les ressources situées entre 500 et 1 000 F, le timbre est fixé à 5 F. Le nouveau barème est donc le suivant à compter de la reprise des cartes 1975 : Sans ressources ou ressources inférieures à 500 F .. 1F de 500 F à 1 000 F ...... 5 F de 1 000 F à 1 500 F ...... 10 F de 1 500 F à 2 000 F ...... 15 F de 2 000 F à 2 500 F ...... 20 F de 2 500 F à 3 000 F ...... 25 F de 3 000 F à 3 500 F ...... 30 F de 3 500 F à 4 000 F ...... 35 F etc. (Les tranches supplémentaires seront fournies par la Trésorerie du Comité central, sur commande spéciale des fédérations.)

100 GEORGES GOSNAT / L’ACTUALISATION DES COTISATIONS rapport roland leroy de la commission de la résolution

Chers camarades, tous la nature du Parti communiste et la démocratie qui y règne. A partir d ’un La discussion qui vient de s’achever, point de vue commun résultant des prolonge, développe et termine l'extra­ positions de classe, de la conception ordinaire et féconde discussion qui du monde et de la société qui sont s’est poursuivie dans toutes les organi ­ les leurs, les communistes réfiéchissent sations du Parti, depuis l’adoption par avec audace, avec passion, avec sé ­ le Comité central de notre projet de rieux sur les moyens de faire du Parti, résolution. dans une situation nouveile et com­ plexe, toujours mieux ie grand parti Pour caractériser cette discussion, je révolutionnaire d ’avant-garde et de crois qu’il faut d ’abord justement mettre en valeur son ampleur et sa pro­ masse, au service de ia classe ouvrière, du peuple, de la nation. fondeur. Comme toujours dans le Parti, la dis ­ Cette ampleur et cette profondeur sont cussion fut créatrice et offensive. La exceptionnelles. Des réunions de cel­ diversité des expériences et des pré­ lules préparant le Congrès ont connu occupations des militants a fait que, une grande participation, en particulier natureliement, des opinions différentes de la part des dizaines de milliers de ont été données, des éclairages multi­ nouveaux adhérents pour qui fut ainsi ples portés sur toutes les questions. Se facilitée l’éducation théorique et poli­ corrigeant, s’enrichissant l’un l’autre, tique, l’intégration à la vie du Parti, tous les militants, loin de se figer l’accession aux bureaux de cellules et dans des tendances destructrices, ont aux comités de sections. Les cellules contribué à élaborer une politique, la ont adopté environ 50 000 amende­ politique du Parti communiste. ments. Discutés dans les conférences Ainsi l’unanimité qui s’est dégagée de sections, concentrés parce qu’ils dans le Parti n’est pas une unanimité avaient souvent le même objet, environ de parade ou de façade, elle est une 15 000 amendements ont été soumis unanimité construite dans l’analyse, aux conférences fédéraies, qui elles- dans la réflexion, dans la confrontation, mêmes ont adopté 1 600 amendements une unanimité pour mieux unir, pour soumis à la Commission que vous avez élue. La commission a aussi tenu mieux agir. Eile est une unanimité réflé ­ chie, sentie, pensée, une unanimité ré­ compte de tous les amendements non sultant de confrontations et souvent retenus par les conférences fédérales. Elle a donc examiné 15 000 amende­ même d ’affrontements de points de vue. Pour ces raisons même, elle est ments. une unanimité d ’action, une unanimité Cette discussion a révélé aux yeux de comportant engagement.

ROLAND LEROY / RAPPORT DE LA COMMISSION DE LA RESOLUTION 101 Ainsi, 20 464 délégués ont participé ministre d ’un gouvernement qui appe ­ aux conférences fédérales. Le projet santit sa mainmise sur tous les moyens de résolution a été — après de larges d ’information. D’abord par cette déci ­ discussions et l'adoption à la majorité sion scandaleuse de licencier 500 jour­ de 1 600 amendements — voté par nalistes de l’O.R.T.F. que nous dénon ­ 20 435 délégués. 6 ont voté contre, çons et contre laquelle nous protestons 23 se sont abstenus. Et cette étape vigoureusement ; le ministre d ’un gou­ résultait d'une ample, d ’une vaste dis ­ vernement qui licencie, ou déplace de cussion. Par exemple, la Fédération de hauts fonctionnaires par une simple let­ Paris a estimé que le temps passé par tre communiquée aux agences de les communistes à l’élaboration du presse avant même que l’intéressé en texte à Paris, dans les cellules et sec­ connaisse ; le ministre d ’un gouverne­ tions, correspondait à 1 750 semaines ment dont une partie des membres de 40 heures. Nous ne sommes pas constitue le cabinet personnel du en état d ’évaluer avec précision les Président de la République. M. Ponia ­ choses pour tout le pays. Mais, pour towski est le principal ministre du les deux tiers des fédérations, 60 992 gouvernement le plus personnel et le délégués ont participé aux conférences plus autoritaire que la France ait de sections : seulement 18 ont voté connu depuis longtemps. Et II ne peut contre le projet de résolution et 77 se en être autrement puisque ce gouver­ sont abstenus. nement a pour politique essentielle de servir les intérêts des monopoles les plus puissants, les plus avides, les plus étrangers à la nation. un grand parti populaire, intelligent, réaliste, C’est pourquoi, jeudi dernier, la démo ­ cratie se trouvait à Vitry, au Congrès efficace du Parti communiste français, et non à l’Elysée. La démocratie dans notre Parti — qui Beaucoup de commentateurs ont cher­ est une formation politique et qui est ché à ironiser et à dire ; les commu­ expression de la classe ouvrière — ne nistes modifient leurs appréciations et peut s'appliquer à l’ensemble de la par conséquent leur résolution « sous société française, mais elle montre que la pression de la base ». Ceux-là mon­ les travailleurs et les démocrates qui trent ou qu’ils ne comprennent rien à cherchent à comprendre et à lutter la démocratie, ou qu’ils en sont les pour sortir de la crise, pour parvenir adversaires. Chez nous, il n’y a pas aux grands changements qu’ils atten­ de sommet et de base au sens d ’un dent, et qui désirent prendre place dans sommet qui commande et d ’une base le combat politique ; nous croyons qui obéit, il y a un Parti communiste qu’ils peuvent trouver dans le Parti français vivant et démocratique. La communiste français un grand parti valeur créatrice de la démocratie populaire, intelligent, réaliste, efficace, communiste, c’est que dans notre un grand parti démocratique. Parti, ohacun compte pour un. Face à cela la haine exhalée contre Pratiquement, la commission propose nous par M. Poniatowski est significa ­ de retenir des modifications qui décou­ tive. M. Poniatowski et les autres diri ­ lent des 16 000 amendements adoptés geants de sa formation comme Marcel­ par les conférences fédérales sauf les lin, Malaud, Chinaud, se répandent quelques-uns qui tendaient à allonger contre les droits des travailleurs, des des énumérations. fonctionnaires, des paysans, à mani ­ fester, à faire grève, ont réprimé leurs Toute la discussion préparatoire au luttes quand ils avaient le pouvoir Congrès s’est faite sur la base de de le faire. Cette formation — le parti l’accord avec l’appréciation que portait dit des indépendants — est celle du le projet de résolution sur la situation Président de la République. M. Ponia ­ nouvelle montrée par le résultat de towski est de plus en plus le principal l’élection présidentielle, une situation

102 ROLAND LEROY / RAPPORT DE LA COMMISSION DE LA RESOLUTION caractérisée par la possibilité proche profondeur et généralité d ’une victoire solide de l'union de la gauche autour du Programme commun. de la crise de la société Les camarades ont estimé à juste titre qu’il convenait de mieux souligner la Toute la discussion est partie égale­ part déterminante prise par notre Parti ment de la même appréciation faite par dans la création des conditions qui ont tous de la profondeur et de la géné ­ permis de parvenir aux résultats du ralité de la crise de la société, à 19 mai. De fait, si en 1958 notre Parti l’époque du capitalisme monopoliste n’avait pas oaractérisé le régime de d ’Etat. Par milliers, des amendements pouvoir personnel comme le pouvoir ont permis sur ce point comme sur les du grand capital et donné la perspec­ autres, de préciser, d ’améliorer, de tive d ’un rassemblement de toutes les rendre à la fois plus ferme et plus forces qu’il frapperait ; si en 1962 nous accessible l’analyse. Vous avez vu les n’avions pas pris l’initiative du mot résultats de cette élaboration collective d’ ordre « Marchons côte à côte et dans le texte modifié de la résolution frappons ensemble» ; si en 1964 nous que la commission vous soumet. n’avions pas placé la réalisation de La commission m’a demandé cepen­ l’union de la gauche autour d ’un Pro­ dant d ’attirer votre attention sur quel­ gramme commun de gouvernement ques modifications proposées. Il s’agit comme tâche principale du Parti ; si en premier lieu du titre du deuxième en 1965 nous n’avions pas pris l’ini­ chapitre devenu « Incapable de résou­ tiative audacieuse de soutenir un can ­ dre la crise, ie pouvoir l’aggrave », ce didat unique de la gauche à l’élection nouveau titre caractérise bien la fuite présidentielle ; si en 1968 nous n’avions en avant et ia politique cynique, voire pas dénoncé les manœuvres politicien­ provocatrice, à laquelle a recours le nes qui tendaient à écarter le Parti pouvoir giscardien. Loin d’ essayer de communiste d ’une issue poiitique aux composer avec ies contradictions ob ­ événements de mai-juin, issue qui du jectives du capitalisme monopoliste même coup en devenait parfaitement d ’Etat qui provoquent la crise. Il a illusoire ; si en 1969 nous n’avions pas choisi pensons-nous d ’en tirer parti pris la décision d ’une immense portée pour ie compte des grandes sociétés de faire de Jacques Duclos non seule­ les plus tentaculaires et ouvertement ment le candidat du Parti mais aussi contre les travailleurs. le candidat de l’union contre les deux faces d ’une même réaction : si en 1971 La commission a, par ailleurs, suivant nous n’avions pas élaboré et diffusé les demandes de plusieurs fédérations, dans tout le pays le programme du développé les conséquences idéologi ­ Parti « Changer de cap » ; si en avril ques, morales et culturelles de la crise. 1972 nous n’avions pas osé être les Les déclarations malthusiennes, pessi­ seuls à répondre franchement non à la mistes et révélatrices de la pensée manœuvre que constituait le referen­ d ’une classe qui parvient à ses limites dum sur l’Europe ; si pendant des jours historiques, faites par M. Giscard et des nuits de la fin de juin 1972 nous d ’Estaing jeudi, ont confirmé, si besoin n’avions pas tout fait pour que le Pro­ en était, le bien-fondé de cette préoc­ gramme commun soit réellement un cupation. programme transformateur prévoyant Enfin, ia commission a estimé néces­ les moyens effectifs d ’affaiblir le pou­ saire de souligner davantage encore voir économique et politique du grand les atteintes à la souveraineté nationale capital, si nous n’avions pas ensuite auxquelles consent le pouvoir. Cette popularisé ce programme dans tout le nécessité illustre l’accélération du pro­ pays ; il n’y aurait pas eu l’unité de la cessus de son ralliement à l’atlantisme gauche ; il n’y aurait pas eu ce fait et à l’Europe supranationale, puisque considérable, qui constitue un tournant des faits extrêmement graves sont ve­ dans l’histoire de notre peuple ; le can­ nus confirmer ce qui, il y a six se­ didat de la gauche unie frôlant la maines encore, était déjà une menace majorité absolue. perceptible.

ROLAND LEROY / RAPPORT DE LA COMMISSION DE LA RESOLUTION 103 Est-ce que, dans les conditions de Par exemple, la commission propose l’aggravation de la politique du pouvoir, une rédaction plus précise du para ­ les luttes pour des objectifs immédiats graphe consacré à la possibilité de voir peuvent remporter des succès ? L’en­ des entrepreneurs petits et moyens semble du Parti a estimé que c’était entrer dans le mouvement pour les possible puisque de très nombreuses changements démocratiques, une ré ­ fédérations ont proposé d ’inclure dans daction tenant compte de la nature les objectifs d ’action auxquelles le contradictoire de ces couches. Puisque, Parti appelle les masses, les mesures à l’extérieur du Parti, certains avaient pour combattre la crise exposées à fait mine d ’en douter, la commission Albertville par Georges Marchais. Elles estime nécessaire de redire que le manifestaient par là-même leur compré­ Parti soutient activement les revendica­ hension de la grande portée de ces tions des salariés des petites et moyen­ mesures, et de la nécessité de larges nes entreprises, et œuvre en même actions. La commission a suivi ces temps pour que leurs employeurs pren­ recommandations. nent conscience de leur intérêt à voir s’élever le pouvoir d ’achat des masses populaires et sauvegarder l’emploi ainsi mieux souligner que le développement régional. J’attire l’opinion du parti à ce propos aussi l’attention des délé­ gués au Congrès sur le fait que la Enfin, sur plusieurs points, il a paru commission a pris en compte les légi ­ utile de souligner plus nettement et times amendements portant sur cette plus précisément l’opinion du Parti. Par question de la région. exemple, en renforçant l’expression de notre solidarité aux peuples qui luttent contre le fascisme, en dénonçant la propagande raciste, nous montrons les principales clairement que l’affirmation sans équi­ modifications voque de la nécessité de la coexis­ tence pacifique et du développement Cela étant dit, les principales modifi ­ de la coopération avec tous les pays cations proposées par la commission sans discrimination est à l’opposé portent sur des grandes idées politi­ même de la bienveillance que montre ques, les questions les plus essen­ le pouvoir giscardien à l’égard des ré ­ tielles, dont les développements doi ­ gimes fascistes comme ceux du Chili vent, selon nous, conduire le Congrès et d ’Afrique du Sud. à modifier nettement quelques points Toute la discussion avait pour objectif de la résolution. La nouvelle rédaction de mieux permettre au Parti de réaliser proposée tend à rappeler clairement l’Union du peuple de France, elle a les positions du Parti qui sont loin dès l’abord fait sienne l’appréciation d’ être nouvelles mais qu’une certaine que la France n’est pas coupée en discrétion et qu’un certain déséquilibre deux parties égales, mais partagée dans la première rédaction entre la par une opposition fondamentale de simple allusion à la continuité de notre classes entre la petite poignée d ’hom­ politique, et le développement plus mes des monopoles tout puissants et détaillé de la seule actualisation de de leurs commis politiques au pouvoir, cette politique, avaient pu obscurcir. et l’immense majorité de la population Les camarades ont ressenti ce désé ­ laborieuse. Sur cette base, le Parti a quilibre, ils ont proposé des amende ­ très largement approuvé le ton popu­ ments, ils ont eu raison. De plus, des laire et simple d ’une résolution du Parti événements intervenus entre la rédac ­ pour tout notre peuple. La discussion tion de la résolution et le Congrès autour des améliorations de rédaction ont confirmé qu’il fallait aussi garder à apporter ont contribué à rendre les un juste équilibre entre l’appréciation communistes plus aptes à faire par ­ fondamentalement positive de la situa­ tager à des millions de gens les tion des forces populaires, de l’union, analyses scientifiques du Parti. et du Parti, et l’appréciation de la

104 ROLAND LEROY / RAPPORT DE LA COMMISSION DE LA RESOLUTION capacité de manœuvres de la grande nécessaire, mais il est possible dans bourgeoisie et du pouvoir, principale ­ ce pays capitaliste avancé où le régime ment contre l’union et contre notre révèle ses limites, où les bases maté ­ Parti. Ce déséquilibre aurait pu encou­ rielles du socialisme existent pleine­ rager un certain triomphalisme qui est ment, où une large avant-garde ou­ moins que jamais de mise alors que vrière combat depuis longtemps pour les luttes politiques atteignent une le socialisme et a commencé à rassem­ acuité sans précédent et que la victoire bler autour d’ elle pour ce combat des populaire est une perspective qui peut forces déjà nombreuses et actives, où être proche. un grand Parti communiste est vivant, Ces grandes questions politiques sont influent, actif. La grande campagne au nombre de trois. menée par tout le Parti autour de la diffusion du « Défi démocratique » par ­ Première question : la stratégie du tait de l’idée que, ces conditions objec­ Parti, c'est-à-dire le rapport entre notre tives étant réunies, il était nécessaire lutte pour l’union du peuple de France de gagner des consciences nouvelles et les changements démocratiques à l’idée du socialisme, à la compré­ contenus dans le Programme commun hension de ses lois et de leurs parti ­ ou, plus exactement, la place de l’ob­ cularités concrètes dans notre pays, à jectif de la démocratie avancée, dans la lutte pour la réunion des conditions la perspective du socialisme. du passage au socialisme. C’est pour­ Deuxième question ; l’appréciation du quoi nous proposons de rappeler degré qualitatif atteint par l’union de expressément dans la Résolution la la gauche, et de la place nécessaire continuité de cette analyse, du « Mani ­ de notre Parti dans cette union. feste de Champigny » au « Défi démo ­ Troisième question : les conditions in­ cratique». C’est pourquoi nous propo­ sons de rappeler dans les termes dispensables pour faire toujours plus de notre Parti un parti révolutionnaire mêmes de ces documents, une défi ­ et de masse, notamment les conditions nition scientifique du socialisme, indis ­ d'adhésion à notre Parti. pensable alors qu’ont tendance à fleu­ rir les constructions de modèles et les utopies, floraison révélatrice de ce que l’aspiration au socialisme grandit et la stratégie du parti gagne des couches nouvelles ; mais le grand capital pourrait toujours s’ac­ Le préambule de la résolution adoptée commoder de ces constructions, si le au XX' Congrès du Parti disait : « la socialisme rêvé demeurait coupé de la question des transformations profondes réalité actuelle, des luttes nécessaires de la société française est posée. La à chaque étape. nouvelle période est marquée par l’ag ­ gravation de la crise du capitalisme Notre Parti, pour ce qui le concerne, monopoliste d ’Etat, elle est marquée veut le socialisme. Il considère que le par l’existence du Programme commun passage au socialisme ne pourra se de gouvernement qui ouvre la perspec­ faire en notre pays que lorsque la tive de la transition entre la France majorité de notre peuple le voudra. capitaliste d’ aujourd ’hui et la France Il le considère non par concession socialiste de demain ». tactique, mais par analyse scientifique de la nature du pouvoir d ’Etat et des Plus que jamais, avec l’aggravation rapports de classe en France. continue de la crise, cette appréciation demeure pleinement valable. Oui, le Il considère que tout affaiblissement socialisme est le régime dont la France du grand capital par la lutte qui ras ­ a besoin, pour qu’un terme définitif soit semble, renforce encore les conditions mis à la crise, pour que les travailleurs objectives du passage au socialisme et et tout notre peuple exercent le pouvoir favorise par l’expérience du combat démocratique dans le but de satisfaire commun contre l’ennemi commun la les besoins matériels et culturels crois­ réunion des conditions subjectives. sants. Le socialisme est non seulement Mais ce qui est à l’ordre du jour c’est

ROLAND LEROY / RAPPORT DE LA COMMISSION DE LA RESOLUTION 105 cet affaiblissement du grand capital, à toutes les étapes de la lutte, il s’at ­ qui correspond en même temps aux tache à gagner des consciences nou­ intérêts communs des plus larges mas ­ velles à l’idée du socialisme, il pense ses de notre pays. Il faut, il faut abso ­ que les succès remportés par notre lument sortir le pays de la crise. On peuple dans la réalisation des grandes ne peut le faire qu’en s’en prenant au transformations démocratiques créeront grand capital. Des succès dans cette les conditions d ’un mouvement popu­ lutte hâteraient, nous n’en doutons pas, laire suffisamment ample et déterminé l’heure du socialisme, mais sans auto­ pour réaliser la transformation socia ­ maticité aucune, l’action d'un rassem­ liste de la France. » blement majoritaire et conscient étant seule décisive. C’est ce mouvement que la commission l’unité de la gauche propose de souligner en le rappelant Deuxième question, l’unité de la gau ­ à la fin du chapitre de la Résolution che. Tout le parti fait sienne cette consacré aux grandes réformes du Pro­ lutte pour l’unité et apprécie les im­ gramme commun où nous proposons menses progrès accomplis. L’union de d’ écrire : la gauche autour du Programme com­ « Le Parti communiste place, quant à mun est l’axe de toute politique nou­ lui, la lutte qu’il mène pour ce chan­ velle, l’axe de l’union du peuple de gement démocratique dans une pers­ France. C’est bien pourquoi le grand pective plus vaste. Parti révolutionnaire, capital a pour objectif essentiel de il se donne pour but la suppression du briser cette unité en affaiblissant le capitalisme et de ses tares, un chan­ Parti communiste, qui fut, est et sera gement de société qui assurera la toujours le parti de l’union. Il tente libération de l’homme de toutes les de la briser aujourd ’hui mais la réalité injustices et de toutes les oppressions, de l’aspiration populaire à l'union de le bien-être matériel, l’accès à la cul­ la gauche le contraint à manœuvrer en ture et la liberté pour chacun, la recul et à plus long terme. Il sait que fraternité entre les hommes, c’est-à-dire la victoire de l'union de la gauche le socialisme. Cette société nouvelle est possible désormais, ce qui serait se fondera sur les lois universelles du certes une grande défaite pour lui, socialisme, sur l’expérience acquise, mais il se prépare à toute éventualité sur les traditions et les conditions en faisant tout pour que le Parti com­ françaises. muniste soit le plus faible possible. « Le socialisme aux couleurs de la Alors, pense-t-il, le Programme commun France ce sera, comme le soulignent pourrait ne pas être complètement le « Manifeste de Champigny » et le appliqué, alors le Parti socialiste pour­ « Défi démocratique » : tout à la fois, la rait être ramené dans la collaboration propriété collective des grands moyens de classes. de production et d ’échange, l’exercice On voit que c’est une question qui ne du pouvoir politique par la classe concerne pas seulement le Parti, le ouvrière et ses alliés, la satisfaction Parti socialiste et le Mouvement des progressive des besoins matériels et radicaux de gauche, mais qui concerne intellectuels sans cesse croissants des tous les travailleurs, les démocrates, membres de la société, le développe­ notre peuple. Nous sommes, on le voit, ment continu de la démocratie et l’ex­ bien loin d ’un mouvement d ’humeur. tension sans précédent des libertés, Il s'agit d ’une grande, d’ une importante la création des conditions propres à question politique. C’est comme cela l’épanouissement de chaque person­ que le Bureau politique a posé la nalité. question, c’est comme cela que les «Toute la démarche du Parti commu­ dirigeants et les journalistes commu­ niste repose sur la conviction que le nistes l’ont posée, c’est comme cela passage au socialisme ne peut être que que le rapport de Georges Marchais l’œuvre d ’un mouvement démocratique l’a posée, c’est comme cela que nous majoritaire de la nation. C’est pourquoi pensons que la Résolution doit la poser.

106 ROLAND LEROY / RAPPORT DE LA COMMISSION DE LA RESOLUTION L'union de la gauche a fait ses preuves. d ’écrire dans la Résolution ce passage Un mouvement presque majoritaire nouveau : s'est rassemblé autour du Programme « L’union de la gauche s’affirme comme commun. Il exige aujourd'hui que la une donnée fondamentale de la vie fidélité au Programme commun soit politique française. Elle constitue l’axe réaffirmée lorsque les partis signataires de rassemblement largement majori ­ réunissent leurs Instances. C'est ce que taire qui est devenu aujourd ’hui une notre Congrès fait aujourd'hui. Les possibilité concrète. Françaises et les Français déjà gagnés au Programme commun et au soutien « Cela crée un danger considérable de l’union de la gauche exigent qu’en pour le pouvoir du grand capital qui toutes circonstances les actes de cha­ vise plus que jamais à briser l’union de cun des partenaires correspondent aux la gauche ou à dénaturer son objectif. engagements pris, rien de plus et rien Dans ces conditions, il faut élever au de moins, et par le comportement poli­ niveau nécessaire la qualité de l’union tique et par la réalisation d ’actions de la gauche, la clarté et la cohérence communes pour les objectifs communs. de ses analyses et de ses explications, Treize millions de Français exigent, et la vigueur de son action. C’est pour­ autour d ’eux d’ autres millions attendent quoi le Parti communiste pose devant pour se déterminer de voir si l'union l’opinion publique des problèmes que est décidément solide, que chacun des l’attitude du Parti socialiste et du Mou­ partenaires ait pour seul objectif de vement des radicaux de gauche rend battre l’adversaire commun, sur une préoccupants. L’union du peuple ne base commune qui est le Programme peut se réaliser qu’autour de la gauche commun. C'est pourquoi la question unie et de son programme. Le succès décisive est celle du contenu de l’union, dépend : de la fidélité des formations et celle de la pratique de l’union : sans signataires aux orientations fondamen­ quoi l’union n’existe pas vraiment. Le tales de ce programme et de leur enga­ problème de l’unité ne se comprend gement pour les faire triompher ; de la pas en dehors des enjeux de classe : clarté des alliances à réaliser sur cette unité de qui, contre qui, pour qui et base ; d ’une émulation entre parte­ pourquoi ? naires qui ne peut se donner comme objectif de renforcer l’un au détriment Les derniers événements confirment de l’autre, d ’imposer la volonté d ’un pleinement l’idée de Maurice Thorez, seul. l’unité c’est le combat pour l’unité. Il en a toujours été ainsi, il en sera très « En particulier, nous montrerons le longtemps ainsi, à des niveaux sans caractère pernicieux et gravement pré­ cesse supérieurs que permettent préci ­ judiciable que comporte toute dé­ sément d ’atteindre les résultats acquis marche qui participe aux tentatives par cette lutte. Le combat pour l’unité de réduire l’influence du Parti commu­ n’est pas un combat entre, par exem­ niste français. Aujourd’hui, il faut con­ ple, le Parti communiste et le Parti solider et étendre l’union, ce qui néces­ socialiste. Il est le combat des masses site le renforcement de l’influence de pour l’unité. C’est d ’émulation qu’il toutes ses composantes. C’est l’affaire s’agit entre communistes et socialistes, des travailleurs et des démocrates de émulation pour être chacun les mieux garantir l’union de la gauche, de faire à môme de conduire les travailleurs et progresser l’union du peuple non seu­ notre peuple dans ce combat. Précisé­ lement pour battre le pouvoir, mais ment parce que les succès conduisent surtout pour assurer la mise en œuvre à des échéances plus hautes, l’union des réformes démocratiques profondes, de la gauche et son contenu ne peu­ pour créer les conditions d'une vie vent jamais se figer sur la situation meilleure. » antérieure et en rester là. Tel est le sens de l’appel que lance notre les conditions d ’adhésion Congrès à tous ceux qui sont intéres­ sés aux changements. Troisième question : souvent il y a eu C’est pourquoi la commission propose discussion dans les cellules autour de

ROLAND LEROY / RAPPORT DE LA COMMISSION DE LA RESOLUTION 107 la question des conditions de l’adhé ­ classe ouvrière et les autres salariés sion au Parti. « Le Parti communiste est d ’une part, et le patronat et le pouvoir ouvert sans restriction à tous ceux qui de l’autre, rend plus que jamais néces­ veulent prendre une part pour le chan­ saire la création de nombreuses cel­ gement démocratique », disait le projet lules d ’entreprises ayant une activité de résolution. Etant donné qu’à chaque politique et s’adressant avec audace, moment de son action, le Parti commu­ jusques et y compris pour l’adhésion, à niste a vu venir dans ses rangs des toutes les catégories de travailleurs, militants dont la motivation principale depuis les plus exploités jusqu’aux ca­ était ia volonté d ’agir pour la mise en dres. Le Parti communiste est le parti oeuvre des grandes iignes concrètes de de la classe ouvrière révolutionnaire, sa politique, cette rédaction était natu ­ o’est-à-dire aspirant à exercer le pou­ relle. La volonté d ’agir pour les chan ­ voir politique, avec ses alliés, pour elle- gements démocratiques correspondant même, pour toutes les masses popu­ aux aspirations populaires, c’est la con­ laires, pour la nation, le parti de la dition suffisante de l’adhésion au Parti classe qui entraîne par son action communiste. Cependant il était non militante les autres couches sociales moins naturel que des communistes intéressées au changement et au socia­ venus au Parti depuis quelques années lisme, à prendre en main la défense de sur des bases politiques directement leurs intérêts propres. L’alliance de la très élevées, ce qui est le signe haute­ classe ouvrière et des autres couches ment révélateur de la montée de l'idée sociales populaires pour laquelle le du socialisme dans notre pays, deman ­ Parti combat n’est pas la même chose dent que soit réaffirmée la nature de que l’adhésion mais il n’y a pas de l’objectif final du Parti. La commission cloison étanche entre l’une et l’autre a donc proposé une nouvelle rédaction et le Parti doit voir arriver dans ses développant l’idée déjà contenue dans rangs des hommes et des femmes des le projet du prolongement de l’adhésion catégories et des régions où il était par la participation à l’expérience du encore peu organisé. C’est une chose Parti, à l’éducation théorique qui y est excellente et nécessaire. Le Parti est développée, la compréhension sans aussi le lieu de formation des militants cesse plus claire des objectifs socia­ communistes. C’est le sens des modifi ­ listes : on adhère au Parti communiste cations proposées au chapitre V. pour devenir communiste. Aujourd’hui, ce sont des centaines de milliers d ’ou­ vriers, mais aussi d ’intellectuels et de paysans qui sont à même, tout de suite, un outil de travail de parcourir ce chemin. Disons-le tout de suite, à cet égard, le risque prin­ La résolution qui va être adoptée sera cipal pour le Parti, c’est-à-dire pour la un outil de travail et de références classe ouvrière et la nation, n’est pas pour tous les communistes. Elle sera qu’ils se fourvoient dans ce chemin également, en même temps que le mais que nous ne fassions pas tout rapport de Georges Marchais, un moyen pour qu’ils s’y engagent ; le risque de faire connaître la politique du Parti principal n’est pas que nous ayons trop aux masses les plus larges, un moyen d ’adhérents. S’il y avait un risque, ce de l’action pour l’union du peuple de serait de ne pas être assez forts pour France. Le Parti n’est pas une sorte faire face à nos responsabilités gran­ de laboratoire idéologique. Il est un dissantes. parti lié aux masses, un parti agissant. La résolution c’est aussi/a décision des Ce sont en premier lieu les ouvriers communistes. Bien ignorants ou mal ­ qui ont leur place dans le Parti qui veillants seraient ceux qui la pren­ est le leur. Et le fait que l’entreprise draient comme signe de je ne sais quel capitaliste soit aujourd ’hui le lieu non raidissement, comme manifestation seulement de l’exploitation économique d’ étroitesse. Au contraire, la volonté qui et sociale mais le lieu d ’un affrontement nous anime c’est celle de toujours, direct politique et idéologique entre la toujours, mieux servir l’unité de la

108 ROLAND LEROY / RAPPORT DE LA COMMISSION DE LA RESOLUTION gauche ; de toujours, toujours, mieux résoiution comme ia leur, celle que agir pour l’union du peupie de France, leur responsabilité et leur initiative pour le changement démocratique. politique ont élaboré à tous les éche­ lons des organisations du Parti. Cette Les communistes s’empareront avec résolution est une bonne résolution, d'autant pius de facilité de cette déci ­ aux yeux de la commission. La com­ sion qu’ils peuvent considérer cette mission vous propose de l’adopter.

ROLAND LEROY / RAPPORT DE LA COMMISSION DE LA RESOLUTION 109 résolution (adoptée par le XXI^ Congrès) du parti communiste français

1. une situation nouvelle Le 27 juin 1972, le Parti communiste et le Parti socialiste se mettaient d ’accord sur un Programme commun de gouvernement, auquel le Mouvement des radicaux de gauche apportait sa contribution et son adhésion. C'était le résultat des efforts de notre Parti pour l’unité. Au travers de luttes sociales et politiques intenses, l’entente des partis de gauche a subi avec succès l’épreuve de la vie: elle s’est consolidée et élargie. Le 19 mai 1974, treize millions de Françaises et de Français, soit plus de 49 % des électeurs, se prononçaient pour la mise en œuvre, par un gouvernement d ’union à participation communiste, d ’une politique nouvelle fondée sur les grands objectifs et les réformes définis par le Programme commun. C’est un événement sans précédent, d ’une portée considérable. Il vérifie de façon éclatante la justesse des analyses et de la stratégie politique du Parti communiste français, définies dans le « Manifeste de Champigny»: le système actuel du grand capital qui domine la France est en crise; la seule issue positive réside dans un changement complet d ’orientation politique par l’application du programme de réformes démocratiques mettant en cause la domination du grand capital ; ce programme constitue la base d ’un mouvement populaire majoritaire indispensable pour en assurer le succès. Une situation politique nouvelle a ainsi été créée. Elle est marquée par une donnée essentielle: la gauche unie constitue l’axe d ’une majorité nouvelle dont le rassemblement apparaît aux yeux de la masse des Français comme une possibilité sérieuse pour l’avenir du pays. Cette donnée exerce et exercera une influence positive considérable sur les luttes des masses populaires pour lesquelles elle constitue un facteur puissant de confiance et d’ efficacité, sur le comportement du pouvoir et des différentes forces sociales et politiques. Cette situation appelle une analyse des conditions nouvelles de la bataille, une définition des initiatives et des tâches nouvelles qui incombent aux communistes.

110 RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS 2. incapable de résoudre la crise, le pouvoir l’aggrave

La crise atteint désormais tous les aspects de la vie nationale. Comme l'avaient indiqué les XIX* et XX* Congrès, cette crise n’est pas seulement économique. Globale, elle affecte tous les domaines, économique, social, politique, culturel, idéologique, moral. Permanente, elle n’est pas une simple crise de conjoncture. Il s’agit de la crise du système capitaliste à son stade actuel caractérisé par une interpénétration étroite des monopoles et de l’Etat, la crise du capitalisme monopoliste d ’Etat. Les travailleurs manuels et intellectuels des villes et des campagnes produisent toujours plus, mais leur vie devient de plus en plus difficile. Ils sont écartés de toute participation réelle à la gestion des affaires. Le malthusianisme culturel et scientifique atteint l’enseignement et entrave le développement du pays comme celui des individus. Pourtant, la France est riche d ’un puissant potentiel économique et technique, riche de compétences diverses et variées. Elle possède les moyens et les forces capables de mettre en oeuvre les immenses possibilités de la révolution scientifique et technique pour soulager la peine des hommes et répondre à leurs besoins matériels et intellectuels, de permettre à notre pays de jouer dans le monde un rôle à sa mesure en faveur de la paix et de la coopération. La crise ne résulte donc d ’aucune fatalité. Elle trouve son origine dans la domination sans partage du grand capital. Les richesses produites par le peuple de notre pays sont accaparées et gaspillées par la féodalité de l’argent. L’effort de la nation est confisqué et détourné au profit de quelques-uns. Pour les mêmes raisons, tous les pays capitalistes connaissent des diffi ­ cultés de même ordre. La crise est bien celle d ’un système qui démontre son incapacité de répondre aux besoins de notre temps. La crise n’est pas mondiale: les pays socialistes ignorent l’inflation, la flambée des prix, le chômage, l’insécurité de la vie qui régnent dans le monde capitaliste. Ils témoignent de l’aptitude du nouveau système à permettre un large essor économique, le progrès social et culturel, l’élargissement de la participation et de l’initiative des masses populaires. Aujourd’hui, dans l’ensemble du monde capitaliste, la crise présente des aspects nouveaux qui en traduisent l’aggravation. Elle est marquée, notamment aux Etats-Unis, par l'accélération brutale de l’inflation, par de graves menaces sur la production et par la détérioration de la situation de l'emploi. L’insécurité pèse de plus en plus sur la popu­ lation. La domination des grands monopoles multinationaux qui trouvent dans l’inflation un des principaux moyens d ’accumulation de profits mons­ trueux, entraîne de graves désordres économiques que le grand capital ne maîtrise pas: gâchis spéculatifs, rivalités impérialistes déficit des balances de paiement, dérèglements financiers et bancaires. Ces désordres sont antérieurs à l’augmentation des prix des matières premières et du pétrole. Celle-ci n’en constitue donc pas la cause réelle qui tient à la volonté des sociétés multinationales de maintenir et d ’accroître leurs énormes profits aux dépens des travailleurs et des peuples.

RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS 111 L’approfondissement de la crise de la société française s’inscrit dans cette situation. Loin d ’y porter remède, le pouvoir giscardien apporte un appui sans précédent à un nombre restreint de grandes sociétés capitalistes à vocation multinationale. Par là, sa politique enfonce davantage le pays dans la crise. Le pouvoir relance la concentration industrielle, commerciale, agraire. Il aggrave les déséquilibres dans les différents secteurs de l’économie et entre les régions. Il accélère le démantèlement du secteur public et nationalisé. Sous couvert d ’un prétendu assainissement des structures, il s’en prend aux petites et moyennes entreprises, mais aussi à des grandes entreprises qui ne peuvent atteindre la dimension internationale. Il favorise la disparition des petites et moyennes exploitations paysannes. De ce fait, l’exode rural, qui frappe particulièrement les jeunes, se poursuit. En même temps la désorganisation de la production et des marchés agricoles s’aggrave. Hier, il fallait mettre hors culture des millions d ’hectares; aujourd ’hui, la pénurie apparaît dans certains secteurs. Le pouvoir renforce l’appel aux investissements étrangers dans certains secteurs vitaux de l’économie, accroît la dépendance énergétique de la France, pousse aux exportations de capitaux, livre le franc aux spécu­ lations internationales, soumet de plus en plus le commerce extérieur aux conditions des grandes firmes américaines et ouest-allemandes. Il endette le pays. Toute l’activité nationale est ainsi subordonnée ou sacrifiée aux intérêts de groupes financiers géants qui prennent un caractère de plus en plus cosmopolite. Cette politique aggrave l’austérité pour les travailleurs. Elle se traduit par l’exploitation renforcée des ouvriers français et immigrés, de l’en­ semble des salariés; l’extension du chômage et de l’insécurité de l'emploi; la pression sur la consommation populaire; la diminution du pouvoir d ’achat de la paysannerie; le pillage de l’épargne populaire; la réduction des crédits pour les équipements sociaux et culturels; une vie de plus en plus dure pour les travailleurs, les familles, les jeunes, les personnes âgées, particulièrement pour les catégories les plus défavorisées. Pour parvenir à ses fins, le pouvoir déploie un effort idéologique sans précédent, usant de toutes les ressources de l’appareil d ’Etat et aggravant sa mainmise sur les grands moyens d ’information. Il favorise le dévelop­ pement d ’une idéologie irrationaliste, pessimiste, mystificatrice. Dans le domaine international, le pouvoir giscardien adopte des positions qui relèvent d ’orientations dangereuses pour l’indépendance française et contraires à l’esprit de notre temps. La situation internationale se caractérise, en effet, par les progrès de la détente et du mouvement des peuples vers la liberté et l’indépendance. L’impérialisme est contraint d ’accepter la coexistence pacifique avec les pays socialistes dont l’influence s’accroît. L’impérialisme américain a dû signer les accords de Paris qui constituent une victoire capitale du peuple vietnamien. En Europe occidentale, les luttes populaires et l’unité d’ action des forces ouvrières et démocratiques connaissent des dévelop­

112 RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS pements nouveaux. Le fascisme est renversé au Portugal et en Grèce, il est ébranlé en Espagne. Le dernier empire colonial s’effondre en Afrique. De plus en plus les Etats du Tiers-Monde affirment leur droit à la maîtrise de leurs richesses et veulent en finir avec la politique néo-colonialiste de l'impérialisme. Un tel mouvement ne va pas sans difficultés. L’impérialisme redoute les conséquences d ’une évolution qui confirme combien la coexistence pacifique favorise la lutte des travailleurs et des peuples. Contraint à de nouveaux reculs il s’efforce d ’en limiter les progrès. Dans la partie du monde où il règne encore, il tente désespérément de maintenir sa domi ­ nation et recourt aux pires forfaits, comme au Chili. Il poursuit une lutte impitoyable contre les peuples vietnamien et cambodgien, contre les peuples arabes, contre tous ceux qui entendent vivre libres, indépen ­ dants, maîtres de leurs ressources nationales. Le pouvoir prend aujourd ’hui place parmi les gouvernements les plus résolus à freiner la détente internationale, à bloquer toute mesure de désarmement et soutient les gouvernements les plus réactionnaires. Il fait du commerce des armes une priorité de sa politique. Alors qu’une France indépendante devrait activement contribuer à la détente et à la coopération internationale, la politique du pouvoir est dominée par la défense des intérêts égoïstes du grand capital, fut-ce au prix de l’abdication nationale. En rupture avec les aspects positifs de la politique extérieure du général de Gaulle, il se fait le champion de la consolidation du bloc atlantique. Accélérant l’intégration de la France dans la petite Europe des trusts dépendante des Etats-Unis, et de plus en plus dominée par la République fédérale allemande, il porte de graves atteintes à la souveraineté nationale. Dès maintenant, des décisions importantes concernant la diplomatie, la défense et la politique économique de la France, ne se prennent plus à Paris. Dans de grandes négociations internationales ou devant de grands événements internationaux, la France ne fait plus entendre sa propre voix. Le pouvoir s’engage dans une collaboration toujours plus étroite avec les organismes militaires atlantiques. Des projets évoquent de plus en plus souvent l’insertion de la force de frappe nucléaire dans une • défense européenne», variante actuelle de la C.E.D. — «Communauté européenne de défense» — envisagée par l’impérialisme il y a vingt ans, en plein cœur de la guerre froide.

Le pouvoir giscardien n’inaugure pas une «ère nouvelle», il accentue tous les traits négatifs d ’une politique qui a plongé le pays dans la crise et qu’il adapte afin de prolonger la domination du grand capital. Mais sa marge de manœuvre est limitée. Aux prises avec l’aiguisement de la crise de la société française, aux prises avec la puissance du mouvement populaire, il lui faut tenir compte de l’ampleur de la volonté de changement et de la réalité du nouveau rapport des forces politiques. Le pouvoir du grand capital a été obligé de regrouper toutes les forces de la réaction, les formations et les hommes de droite. Une coalition gouvernementale constituée autour de Giscard d ’Estaing, réunit pour la

RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS 113 première fois des hommes de l’U.D.R., les soi-disant indépendants, centristes et autres réformateurs. Dans le même temps, le pouvoir recourt à une démagogie sans frein pour tenter de masquer le fond réactionnaire de sa politique. Il procède à des adaptations rendues nécessaires par l’évolution de la société et exigées depuis longtemps par le mouvement des masses, tel le droit de vote à 18 ans. Contraint à certains reculs, il fait de nécessité vertu dans le but de répandre des illusions sur la nature réelle de sa politique et de réveiller des possibilités de collaboration de classes. Il s’efforce de limiter ces adaptations, ces concessions aux domaines qui ne mettent pas en cause l’orientation fondamentale de sa politique. Il dramatise la situation afin de faire accepter sa politique d’ austérité et d ’appeler à « l’union sacrée ». Le renforcement de son caractère autoritaire marque les limites de son prétendu libéralisme. Les choix et les décisions, y compris les plus importantes, échappent à toutes les instances élues de la population. Le pouvoir réel est concentré entre les mains du Président de la Répu­ blique dont les hommes de confiance jouent un rôle de plus en plus pesant dans la vie du pays. La suppression de l’O.R.T.F., les menaces contre les syndicats, contre le droit de manifestation et de grève, contre toutes les libertés révèlent le caractère dominateur de la politique de Giscard d ’Estaing, de son parti, de son pouvoir. Violant sa propre constitution, il laisse libre cours à une campagne raciste et xénophobe indigne de la France et dangereuse pour notre pays. Ainsi, exprimant une sorte de fuite en avant, toute la politique du pouvoir vise à prolonger la domination du grand capital et à rejeter les conséquences de la crise sur les travailleurs et le peuple de notre pays. Mais le pouvoir s’efforce d’ atteindre ces objectifs alors que les forces populaires sont à l’offensive. Les reculs auxquels il est conduit illustrent aussi la réalité du rapport des forces sociales et politiques et les possibilités nouvelles qui en résultent pour les forces populaires et nationales. Dès maintenant, les différents aspects de la politique du pouvoir giscardien suscitent des luttes importantes, y compris de la part de couches sociales qui se sont prononcées dans leur majorité en sa faveur, au printemps dernier. Il est possible de contraindre le pouvoir du grand capital à de nouveaux reculs dans la lutte pour les revendications immé ­ diates des masses populaires, pour de grands objectifs qui correspondent aux besoins des travailleurs et au développement de la société, comme par exemple, les conditions de travail, en particulier celles des O.S. ; la situation de la jeunesse; la condition féminine; les problèmes de l’urbanisme et de l’environnement; la nécessité d ’une véritable réforme démocratique de la fiscalité; la liquidation des dispositions réaction ­ naires, archaïques et hypocrites qui concernent le divorce ou l’avorte­ ment. Il est nécessaire aussi de lutter pour les mesures proposées par le Parti communiste pour faire face à la crise, réduire l’inflation, résorber le déficit de la balance des paiements, préserver le niveau de vie et l’emploi des Français. En même temps, la nécessité d ’un changement réel de politique se pose comme une exigence démocratique et nationale dont l’urgence

114 RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS grandit. Des conditions et des possibilités nouvelles, sans précédent, existent pour que de nouvelles forces sociales et politiques prennent conscience que le pouvoir giscardien ne peut résoudre aucun des grands problèmes de la vie des Français et de l’avenir du pays. Tant que l’aristocratie de l’argent pourra imposer sa loi impitoyable à la nation, la crise de la société française ne pourra que s’approfondir, avec son cortège d ’injustices et de privilèges de plus en plus insupportables.

3. la france et son peuple ont besoin de réformes profondes La crise est trop profonde pour qu’il suffise d ’un ravalement de façade. Elle met en cause le système lui-même, c’est-à-dire la domination d ’un petit nombre de groupes financiers qui accaparent le pouvoir. Les aspirations des masses populaires, les besoins du développement social et l’intérêt national commandent un changement réel. Il faut donner au peuple la direction et le bénéfice de son activité par un ensemble cohérent de réformes démocratiques, capables de restreindre le pouvoir sans partage des grandes affaires sur la vie du pays. Cet objectif est exprimé dans le Programme commun. Naturellement, son texte comporte des dispositions conjoncturelles qui devront être revues, le moment venu; il pourra s’enrichir de convergences nouvelles dégagées par les partis signataires, des idées positives soumises par les forces qui s’associeront à l’union. Mais ses orientations fondamentales reposent sur l’analyse de la crise et des moyens d ’en sortir le pays. Loin de les mettre en cause, l’aggra ­ vation récente de la crise confirme leurs nécessités et leurs urgences. Elles définissent une grande politique populaire et nationale, une politique profondément nouvelle, capable de permettre à notre peuple de vivre mieux, de vivre libre, une politique assurant à la France son indépendance et son rayonnement. Une telle politique est impossible sans donner à la nation la maîtrise des leviers essentiels de son développement. C’est pourquoi il faut appliquer les nationalisations prévues par le Programme commun, la nationalisation du secteur bancaire et financier, celle de neuf monopoles qui occupent des positions-clés dans l’économie nationale et assurer une prise de participation majoritaire de l’Etat dans quatre autres grandes sociétés. Les nationalisations sont limitées en nombre, mais elles concer­ nent des secteurs-clés. Elles contribueront à les développer d ’une manière démocratique et moderne. Avec celles qui existent déjà et qu’il faudra démocratiser, elles joueront un rôle de levier pour l’ensemble de l’économie. Elles fourniront la base d ’une planification qui ne sera plus élaborée dans le secret technocratique des cabinets ministériels et du grand patronat mais qui sera décidée avec la participation de tous les intéressés. Elles permettront de juguler l’inflation et la spéculation en donnant à la nation la maîtrise de sa politique économique et financière. Elles permettront d ’assurer le progrès social. Ces nationalisations sont donc très différentes de la caricature qu’en présente le grand capital. Loin de représenter une menace pour l’exploi­ tation paysanne, l’atelier de l’artisan, la boutique du commerçant, la petite et moyenne entreprise, elles permettront à un gouvernement

RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS 115 démocratique de leur créer des conditions d'activité plus stables et plus favorables. La propriété privée et l’épargne seront garanties. Loin de conduire à une société bureaucratique dominée par un Etat tout puissant, elles donneront leur pleine efficacité aux réformes politiques dont elles sont inséparables. Nationaliser, ce n’est pas étatiser. Dans le cadre du plan, la gestion des entreprises nationalisées sera décen ­ tralisée et autonome. Les droits de leurs personnels comme ceux des fonctionnaires seront étendus afin qu’ils puissent participer effectivement aux décisions concernant l’entreprise, sa gestion, son fonctionnement, sa production, son approvisionnement, l’écoulement de ses produits. De manière plus générale, toutes les libertés conquises par le peuple français seront restaurées, garanties, étendues. Dans les entreprises, les droits syndicaux seront élargis ainsi que les prérogatives des comités d’entreprise; les droits politiques y seront reconnus et assurés. Le sort et l’avenir d ’un grand pays moderne ne sauraient dépendre ni d ’un homme exerçant un pouvoir personnel exorbitant, ni de l’arbitraire d ’une poignée de financiers et de grandes sociétés. Tous les citoyens doivent pouvoir participer activement à la gestion des affaires, c’est-à-dire aux choix et aux décisions dont dépendent leur situation personnelle et l’avenir du pays. Dans tous les domaines, ils doivent pouvoir faire connaître et défendre leur opinion, notamment par la voix des partis politiques de leur choix, que ceux-ci appartiennent à l’opposition ou à la majorité. Dans tous les cas, le verdict exprimé par le suffrage universel, direct et secret, sera respecté. Ces réformes rendront possible, avec la participation des hommes et des femmes, une politique de progrès social et culturel. Son objectif majeur sera la satisfaction des besoins populaires, l’amélioration des conditions et de la qualité de la vie. En retour, une telle politique au service de l’homme deviendra l’une des conditions essentielles du développement économique et de l’essor de la démocratie. Cette politique assurera l’augmentation du pouvoir d ’achat et le plein emploi des travailleurs. Elle allégera leur peine et améliorera leurs conditions de travail. Elle commencera à satisfaire leurs aspirations, dans des conditions qui correspondent aux besoins et aux possibilités modernes, en matière de logement, de transport, de santé, d ’urbanisme, d’ environnement, de formation et de culture, d ’enseignement; elle créera les conditions d ’un véritable essor régional. Elle contribuera ainsi à donner à chacun des moyens réels de vivre mieux et de développer sa personnalité. La France, refusant toute atteinte à son indépendance, doit retrouver sa pleine liberté d ’initiative sur le plan international et mettre celle-ci au service d ’une action dynamique en faveur de la détente et de la coexis­ tence pacifique, de la sécurité collective et du désarmement. Elle doit pratiquer avec tous les pays sans discrimination, la coopération la plus large et utiliser notamment toutes les possibilités, profitables à notre pays, qu’offre à cet égard la coopération avec les pays socialistes; s’employer à la construction d ’une Europe pacifique, démocratique et indépendante ; apporter son soutien aux peuples en lutte pour leur indépendance et pour leur développement, et aux peuples soumis à des régimes fascistes. Les peuples des « départements et territoires d’ Outre-mer. verront

116 RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS reconnu leur droit de prendre en main ieur destin et de se donner le statut de leur choix. Pour mettre en œuvre cette politique nouvelle, il faut à la France un gouvernement de large union démocratique auquel participeront, à égalité de droits et de devoirs, les formations résolues à l’appliquer. La réaction a prétendu et prétend que cette politique nouvelle entraînerait un véritable chaos au moment où sa propre politique enfonce plus profondément le pays dans la crise. Les Français peuvent juger. Ce que nous proposons à notre peuple, c’est une expérience nouvelle, précise, limitée. L’histoire nationale en témoigne : lorsque le peuple a pris en main son avenir, il a frayé de nouveaux chemins au progrès social et à la liberté, il a assuré le rayonnement de la France dans le monde. Aujourd'hui, le changement que nous proposons est un changement conforme à la raison : il est possible de sortir la France de l’impasse, de lui ouvrir une voie nouvelle, originale, conforme à son génie propre et à l’esprit de notre temps. Le Parti communiste place quant à lui la lutte qu’il mène pour ce changement démocratique dans une perspective plus vaste. Parti révo­ lutionnaire, il se donne pour but la suppression du capitalisme et de ses tares, un changement de société qui assurera la libération de l’homme de toutes les injustices et de toutes les oppressions, le bien-être matériel, l’accès à la culture et la liberté pour chacun, la fraternité entre les hommes, c’est-à-dire le socialisme. Cette société nouvelle se fondera sur les lois universeiles du sociaiisme, sur l’expé­ rience acquise, sur les traditions et les conditions françaises. Le socialisme aux couleurs de la France ce sera, comme le soulignent le «Manifeste de Champigny» et «Le défi démocratique.: tout à la fois la propriété collective des grands moyens de production et d’ échange, l'exercice du pouvoir politique par la classe ouvrière et ses alliés, la satisfaction progressive des besoins matériels et intellectuels sans cesse croissants des membres de la société, le développement continu de la démocratie et l’extension sans précédent des libertés, la création des conditions propres à l'épanouissement de chaque personnalité. Toute la démarche du Parti communiste repose sur la conviction que le passage au socialisme ne peut être que l’œuvre d ’un mouvement démocratique majoritaire de ia nation. C’est pourquoi à toutes les étapes de la lutte, il s’attache à gagner des consciences nouvelles à l’idée du socialisme. Il pense que les succès remportés par notre peuple dans la réalisation des grandes transformations démocratiques créeront les conditions d ’un mouvement populaire suffisamment ample et déterminé pour réaliser la transformation socialiste de la France.

4. union du peuple de france La solution des graves problèmes du pays suppose un grand élan national, un effort de notre peuple rassemblé. Seule une politique comportant les réformes profondes exprimées dans ie Programme commun de la gauche peut être la base d ’un tel rassemblement. Seul un grand mouvement populaire et national peut le promouvoir. C’est la raison pour laquelle le Parti communiste français appelle à l’union du peupie de France pour le changement démocratique.

RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS 117 A qui proposons-nous l’union? A tous les travailleurs, à toutes les victimes du grand capital, à tout le peuple de France, à la seule exception de la poignée de féodaux des grandes affaires et de leurs commis politiques. Cet appel se fonde sur la réalité politique et sociale de la France d ’aujourd ’hui. L’union de la gauche s’affirme comme une donnée fondamentale de la vie politique française. Elle constitue l'axe du rassemblement largement majoritaire qui est devenu aujourd ’hui une possibilité concrète. Cela crée un danger considérable pour le pouvoir du grand capital qui vise plus que jamais à briser l’union de la gauche ou à dénaturer son objectif. Dans ces conditions, il faut élever au niveau nécessaire la qualité de l’union de la gauche, la clarté et la cohérence de ses analyses et de ses explications, la vigueur de son action. C’est pourquoi le Parti communiste pose devant l’opinion publique des problèmes que l’attitude du Parti socialiste et du Mouvement des radicaux de gauche rend préoccupants. L’union du peuple ne peut se réaliser qu’autour de la gauche unie et de son programme. Le succès dépend : de la fidélité des formations signataires aux orientations fondamentales de ce programme et de leur engagement pour les faire triompher; de la clarté des alliances à réaliser sur cette base; d ’une émulation entre partenaires qui ne peut se donner comme objectif de renforcer l’un au détriment de l’autre, d ’imposer la volonté d ’un seul. En particulier, nous montrerons le caractère pernicieux et gravement préjudiciable que comporte toute démarche qui participe aux tentatives de réduire l’influence du Parti communiste français. Aujourd’hui, il faut consolider et étendre l’union, ce qui nécessite le renforcement de l’influence de toutes ses composantes. C’est l’affaire des travailleurs et des démocrates de garantir l’union de la gauche, de faire progresser l’union du peuple non seulement pour battre le pouvoir mais surtout pour assurer la mise en œuvre des réformes démocratiques profondes, pour créer les conditions d ’une vie meilleure. La France ne se divise pas en deux moitiés dont les intérêts seraient diamétralement opposés. La ligne de partage décisive se situe entre, d ’une part, la caste étroite qui domine l’économie et l’Etat et, d ’autre part, l’immense masse des Français qui vivent de leur travail et servent le pays. Tous ceux-ci peuvent s’unir parce qu’ils ont aujourd’ hui un intérêt essentiel commun: secouer le joug du grand capital pour sortir la France de l’ornière, mieux vivre et travailler dans la sécurité et dans la liberté. Vers cet objectif, un grand pas a déjà été franchi. De nouveaux rappro­ chements s’amorcent que l’expérience de la politique néfaste du pouvoir et l’effort unitaire des communistes peuvent accentuer. L’union du peuple de France est en marche. Les forces essentielles de la classe ouvrière sont unies dans la lutte quotidienne et dans la volonté d ’aboutir aux changements proposés par la gauche unie. Base indispensable du plus large rassemblement, la classe ouvrière en est en même temps la composante la plus déter ­ minée, la plus dynamique, la plus attachée aux transformations démo ­ cratiques. En raison de cela, elle est le moteur de l’union. L’entreprise est un des lieux privilégiés de l’action politique pour l’union. Des ouvriers, des employés, des techniciens, des cadres et des ingénieurs

118 RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS qui n’avaient pas encore fait ce choix prennent leur part de cette lutte. De nombreux intellectuels de toutes disciplines — à la suite de tous ceux qui se sont déjà rassemblés autour des orientations du Programme commun — prennent conscience que leurs conditions d ’existence seront garanties, que leurs responsabilités pourront s’exercer et que leur talent créateur pourra s’épanouir dans une démocratie nouvelle. Parmi les agriculteurs qui légitimement mécontents de leur sort, luttent pour la défense de leurs intérêts, l’opinion grandit que des changements profonds sont nécessaires. Les artisans et commerçants protestent aussi contre la politique du pouvoir qui les frappe. Ils peuvent être gagnés en plus grand nombre à la conviction qu’ils ont intérêt à des réformes réelles. Les dirigeants des entreprises petites et moyennes, atteints par les mesures de concentration du capital, s’interrogent sur leur avenir. Ce qui les menace ce ne sont pas les légitimes revendications de leurs salariés soutenues activement par le Parti communiste français, c’est la politique des grandes sociétés, des banques et du pouvoir. Cette situation devrait les conduire à agir avec l’ensemble des forces populaires pour le changement démocratique. Parmi les militaires, l’attitude du pouvoir qui met en cause l’indépen­ dance, qui refuse une politique nationale de défense, qui cherche à isoler les cadres de la population, qui oppose les appelés aux personnels de carrière, suscite un malaise grandissant. La nécessité s’affirme de mettre l’armée au service de la nation. Le pouvoir et la réaction tentent de diviser le pays en opposant les femmes aux hommes selon une vieille thèse réactionnaire, dans le même temps ils aggravent la condition féminine. Les travailleurs, conscients du rôle économique et social que tiennent les femmes dans la nation, de leur participation grandissante aux luttes, agiront avec les travailleuses et l’ensemble des femmes, pour la satisfaction de leurs revendications contre les forces du grand capital, leurs véritables oppresseurs, et pour le changement démocratique. Le pouvoir et la réaction voudraient dresser les générations les unes contre les autres. Ils s’inquiètent du fait que la jeunesse s’indigne de plus en plus des injustices du vieux monde, des privilégiés de l’argent, aspire à une vie nouvelle, à une société nouvelle et prend massivement sa place dans le mouvement démocratique. Le pouvoir et la réaction s’efforcent d ’opposer les travailleurs français aux travailleurs immigrés pour aggraver leur exploitation. Cela souligne la nécessité du développement de leur solidarité de combat et lui donne plus de prix. Le pouvoir et la réaction s’efforcent de diviser les Français selon qu’ils croient en Dieu ou qu’ils n’y croient pas. Les différences philosophiques entre le marxisme et le christianisme ne font pas obstacle à l’union des travailleurs, des démocrates, des patriotes croyants et non croyants qui ont des revendications et des aspirations communes. Leur union s’est élargie dans tous les domaines de la vie sociale. De plus en plus nombreux, les chrétiens trouvent dans la réalité sociale et dans leur foi elle-même, leurs raisons d ’agir pour une société plus juste, plus humaine, une société fraternelle où le profit ne soit plus la règle unique de toutes

RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS 119 les activités humaines. De plus en plus nombreux, ils dénoncent la domination de la classe des grands possédants. Ils ont toute leur place dans le rassemblement du peuple de France, auquel les communistes entendent contribuer dans le respect total des convictions de chacun, dans la liberté absolue pour chacun de conformer sa vie à ses convictions. Le pouvoir et la réaction divisent le pays en jetant l’exclusive contre le Parti communiste et les millions de Français qu’il représente. Ils s’efforcent ainsi de conserver sous leur influence des hommes et des femmes qui ne sont pas réactionnaires mais qui sont abusés par la falsification, la caricature de la politique des communistes et de la réalité des pays socialistes. L’expérience prouve que l’anticommunisme constitue un frein aux progrès de l’unité de la gauche et de l’union du peuple. Les forces démocratiques et nationales peuvent être gagnées à l’idée que combattre l’anticommunisme est l’affaire de tous ceux qui veulent hâter l’heure des changements. Bien des Français se considèrent d ’une autre famille politique que les partis de gauche. L’expérience favorise et favorisera leur prise de conscience que cela ne constitue pas un obstacle à leur union avec les communistes, avec (a gauche. Des hommes et des femmes qui ont fait confiance aux « centristes » ou aux « réformateurs » peuvent mesurer combien leur volonté de changement a été dévoyée. Ils peuvent vérifier que le «centre» n’est qu’une des facettes de la réaction. Nombre de Français se réclament du général de Gaulle. Ils ne se reconnaissent pas dans une politique qui aliène l’indépendance de la France, limite son rôle international propre, tente de ressusciter les vieilles combinaisons politiciennes du passé. Ils ne peuvent qu’être heurtés par le ralliement des dirigeants U.D.R. à cette politique. Les communistes ont combattu bien des aspects de la politique soutenue par les gaullistes. Mais les uns et les autres se sont retrouvés côte à côte dans des combats essentiels pour l’indépendance et la dignité de la France. C’est de cela qu’il s’agit à nouveau. C’est pourquoi ils peuvent ensemble se retrouver dans une large alliance qui se donne pour but d ’assurer l’unité, la prospérité, la grandeur et le rayonnement de la communauté nationale. Agir pour le rapprochement avec les travailleurs, les démocrates, les patriotes gaullistes apparaît aux yeux des communistes comme indispensable pour la réalisation de l’union du peuple de France. Aujourd’hui, le pouvoir et la réaction mobilisent toutes leurs forces, déploient des efforts acharnés pour diviser la nation. Ils spéculent sur la diversité sociale, politique et philosophique des composantes de celle-ci. Le Parti communiste conçoit l’union du peuple de France comme un grand mouvement populaire et national fondé sur l’alliance des partis et formations divers intéressés aux changements démocratiques, ainsi que sur la coopération des organisations syndicales, professionnelles, sociales et familiales, autour du programme pour lesquelles elles luttent aujour­ d ’hui et dont la réalisation permettra les grandes conquêtes sociales et humaines. Dans l’union, chacun conserve sa personnalité propre et son indépendance dans la réciprocité des droits et des devoirs. Le Parti communiste considère que la diversité des organisations et des courants de pensée qui marque la réalité française est féconde quand elle est mise au service de grands objectifs communs.

120 RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS Notre pays a vu, à d’autres époques de son histoire, se réaliser un tel rassemblement, par exemple autour du programme du Conseil national de la Résistance, dans la Libération et la reconstruction du pays. Le Parti communiste s'honore d ’avoir, dès 1935, appelé à l’union de la nation française, d ’avoir ensuite apporté une contribution essentielle à cette union. Les circonstances sont différentes. Mais la crise est sérieuse. Le renouveau du pays appelle des solutions neuves, un peuple uni. Le Parti communiste français est, pour sa part, déterminé à tout faire, absolument tout faire pour unir dans un rassemblement majoritaire tous ceux qui veulent une politique française de progrès social, de démocratie, d'indépendance, de paix, tous ceux qui veulent des réformes démocra­ tiques, qui souhaitent agir ensemble pour les faire triompher et les appliquer ensemble.

5. un parti pour la franco d ’aujourd ’hui

Un Parti communiste plus influent c’est la sécurité pour l’avenir des travailleurs. Son existence, sa force, son activité, sont indispensables pour sortir le pays de la crise, assurer son renouveau démocratique : c’est un des grands enseignements que les Français doivent tirer de leur récente expérience. Les communistes ont lutté pied à pied pour les revendications des travailleurs, les libertés, l’indépendance, le progrès national. Ils ont mis tout en oeuvre pour parvenir au Programme commun de la gauche, pour unir autour de lui les forces les plus larges. Ils n’ont rien négligé pour le succès de la gauche à l’élection présidentielle. Le Parti communiste a ainsi apporté une nouvelle preuve de sa capacité à se placer à l’avant-garde du combat ouvrier, populaire, national. Il a du même coup démontré qu’en exerçant ce rôle décisif qui est le sien, il n’est animé d’ aucune volonté dominatrice, d ’aucun esprit exclusif. En travaillant à la réalisation de l’union du peuple de France pour le changement démocratique, il n’a qu’une ambition: être le meilleur au service des objectifs communs. C’est donc l’intérêt des travailleurs et du peuple, l’intérêt de la nation elle-même que le Parti communiste améliore et renforce son influence, son organisation, son activité. La sympathie croissante qui l’entoure, les dizaines de milliers d'adhésions qu’il vient d ’enregistrer témoignent que le nombre de Français qui partagent cette conviction grandit. Les communistes ont conscience que cette situation entraîne pour eux des responsabilités et des obligations importantes et nouvelles. Ils agiront pour que leur parti réponde dans tous les domaines à ce que le pays attend de lui. Il convient de donner au Parti les moyens de jouer son rôle. Cela signifie d’ abord lui gagner avec audace des forces nouvelles. Les ouvriers sont les plus nombreux dans le Parti communiste, ce qui est naturel car ce parti est le leur, le parti de la classe ouvrière. C’est le premier gage de son efficacité. Renforcer celle-ci implique en premier lieu d ’obtenir l’adhésion de nombreux ouvriers, employés, techniciens, ingénieurs, hommes et femmes, de créer des centaines de cellules sur

RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS 121 les lieux de travail pour y développer la lutte politique et idéologique afin de combattre la propagande réactionnaire et de faire connaître la politique des communistes. Le Parti compte aussi des paysans, des intellectuels, y compris parmi les plus éminents, des cadres. Tous ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Le Parti communiste français doit renforcer considérablement ses effectifs. Comme toujours, il est ouvert sans exclusive à tous ceux et à toutes celles qui veulent agir pour les grandes transformations démocra ­ tiques. Aujourd'hui, adhérer au Parti, c'est le meilleur moyen de participer à la réalisation de l'union du peuple de France pour le changement démocratique qu'appelle notre temps. Au sein du Parti communiste français, les adhérents nouveaux prendront leur place dans l'avant-garde du combat pour la mise en oeuvre de réformes démocra ­ tiques profondes, tout en s'enrichissant de l'expérience et de la théorie du Parti. Ainsi, devenir communiste c'est participer au combat pour une démocratie avancée, c'est agir pour le triomphe ultérieur du socialisme. Cela signifie ensuite poursuivre, au rythme rapide de l’évolution actuelle de la réalité matérielle et sociale, le développement de la pensée collective du Parti. Le Parti communiste dispose d ’une théorie scien­ tifique : le marxisme-léninisme qui fonde son aptitude à animer la lutte de la classe ouvrière et du peuple. Elle n’a rien d ’un recueil de recettes toutes faites. C’est une conception scientifique du monde, un instrument de connaissance de la réalité, une méthode de réflexion, un outil de combat. Pour permettre au Parti de bien remplir sa tâche, elle doit s’enrichir sans cesse des conclusions nouvelles tirées de la réalité sociale, de l’expérience des luttes, du progrès des sciences et des techniques. Elle doit en même temps devenir toujours mieux le bien commun des communistes. Une dimension nouvelle sera, à cet effet, donnée au travail d’éducation du Parti. Cela signifie aussi perfectionner la propagande du Parti, son caractère vivant, populaire, moderne, sa capacité d ’initiative et de réplique rapide à l’adversaire. Il en est de même pour les journaux et les revues du Parti. Un effort considérable et soutenu des organisations du Parti doit être fait pour la lecture, le soutien et la diffusion de « l’Humanité » dont le rôle est primordial face à l'entreprise d ’étranglement de la liberté d ’expression poursuivie par le pouvoir. Cela signifie enfin développer la vie démocratique de toutes les orga ­ nisations du Parti. Pour faire face à la complexité croissante de la vie économique et sociale, à l’intensité de la bataille politique, le Parti a besoin, plus que jamais, de la réflexion, des idées, du sens critique et créateur, de l’esprit d ’initiative, de l’action de chaque cellule, de chaque communiste. Toutes les mesures allant dans ce sens seront favorisées. La réflexion collective du Parti, la discussion libre trouvent leur pleine fécondité dans l’application par tous des décisions prises à la majorité. C’est le centralisme démocratique. Sans le proposer comme modèle d’ organisation de la société française, les communistes y tiennent pour le parti d’ avant-garde qui est le leur, car il constitue un gage décisif d ’efficacité. La participation de la jeunesse à toutes les grandes luttes populaires et démocratiques s’accroît. Les jeunes de 18 ans ont accédé au droit de vote. La promotion aux postes de responsabilités du Parti de jeunes militants et militantes, dynamiques et populaires, doit être hardiment encouragée.

122 RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS En même temps, l’activité des jeunes communistes pour accroître la capacité d ’initiative et pour élargir considérablement les rangs du Mouvement de la Jeunesse communiste fera l’objet d ’une attention accrue. Les communistes veilleront à perfectionner sans cesse leur style de travail. Plus que jamais, il faut un Parti combatif contre les maîtres du grand capital, un Parti unitaire avec tous ceux qui sont les victimes de l’aristocratie de l’argent, un Parti créateur, attentif au mouvement de la vie, un Parti ouvert à tous les travailleurs, à tous ceux qui veulent une vie plus heureuse et plus sûre. Chaque cellule aura pour ambition de répondre à ces responsabilités nouvelles. Dans l’aiguisement de la lutte de classe, le Parti communiste français sera un parti de masse, jouant pleinement son rôle d ’avant-garde. Ainsi le Parti communiste français est le grand parti révolutionnaire de notre temps. Il lutte pour le socialisme. Aujourd’hui, conscient de ses responsabilités devant le pays frappé par la crise, fidèle à son sens des responsabilités nationales qu’il ne sépare pas de ses tâches de solidarité internationale, le Parti communiste consacre toute son énergie au rassem­ blement des forces capables de réaliser les changements démocratiques nécessaires. Une seule volonté l’inspire: servir les travailleurs et le peuple, servir la France.

RESOLUTION DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS 123 allocution de clôture

Notre XXI” Congrès — extraordinaire — nale — il y a maintenant plus d ’un s’achève. milliard d ’hommes et de femmes qui S’il fallait le caractériser d ’un mot, ne savent plus ce que c’est. nous dirions qu’il a été le Congrès Grâce à la lutte des peuples, l’aube de l’optimisme; l’optimisme raisonné de la liberté se lève sur de nombreux de ceux qui prennent la mesure exacte pays. Il n’est pas d ’année qui passe de la réalité pour mieux la trans ­ sans que de nouvelles nations recon­ former. quièrent leur indépendance, sans que En France et dans les autres pays l’impérialisme connaisse de nouvelles capitalistes, les augures ne manquent défaites. pas pour prédire que le temps à venir En France, un grand espoir est né. Il est celui du malheur. A les en croire, s’est exprimé avec force au mois de le monde irait à la catastrophe par mai dernier avec l’approbation par l’effet d ’on ne sait quelle fatalité. A treize millions de Françaises et de l’heure où la révolution scientifique et Français des grands objectifs et des technique commençante donne à l'hu­ réformes démoncratiques profondes du manité des moyens nouveaux pour Programme commun de gouvernement. maîtriser la nature et le développement Cet espoir que notre Parti a tant de la société, nous serions entrés selon contribué à faire naître, notre Congrès eux dans l’ère de l’imprévisible. l’a reflété. Parce qu’il reflète la vie, c’est-à-dire Oui, nous sommes optimistes. Nous les souffrances, mais aussi les luttes et sommes optimistes parce que nous les espérances des hommes et des combattons. femmes de France, ainsi que les com­ bats et les victoires des autres peuples, la catastrophe notre Congrès s’inscrit en faux contre cette vision fataliste de l’évolution du n’est pas inévitable monde. Lorsque nous analysons et dénonçons Ce qui caractérise le monde d ’aujour­ la crise de la société française, ce d ’hui, ce n’est pas la fatalité, mais n’est pas pour en conclure que la seule au contraire le recul de la fatalité. perspective qui s’offre aujourd ’hui à Sur un tiers du globe, grâce au socia­ notre pays est celle d'une catastrophe lisme, des calamités considérées com­ inévitable. C’est pour en montrer les me fatales voici encore quelques di ­ vraies racines, les vrais responsables. zaines d’ années ont désormais disparu. Et c’est pour appeler les travailleurs, La misère, la faim, l’ignorance, le tout notre peuple à combattre ces res­ chômage, l’oppression sociale et natio ­ ponsables, à extirper ces racines.

124 GEORGES MARCHAIS / ALLOCUTION DE CLOTURE georges marchais

Fatale, l’inflation ? Le chômage ? L’aus ­ Le rassemblement et l’intervention de térité pour la masse des Français face toutes ces forces sont d ’autant plus au luxe insolent de l’aristocratie de nécessaires que le pouvoir actuel l’argent? Non! Fatal l’abaissement de s’avoue impuissant à résoudre les la France devant les exigences des problèmes qui assaillent les Français. impérialismes américain et ouest- Pour M. Giscard d ’Estaing, gouverner allemand? Non! ce n’est plus prévoir, c’est «gérer l’im­ C’est la domination sans partage des prévisible ». grandes sociétés financières et indus ­ Et tout naturellement, incapables de trielles qui est responsable de l’infla ­ maîtriser la crise que leur politique tion. C’est la volonté des grands mo­ rend chaque jour plus aiguë et plus nopoles capitalistes de rejeter sur les insupportable aux travailleurs, aux sim­ travailleurs les effets de la crise qui ples gens, c’est vers la calomnie et la engendre le développement du chô­ menace que s’orientent les hommes du mage. C’est parce que le pouvoir actuel pouvoir, comme en témoignent les dé­ est leur pouvoir qu’il met en œuvre clarations récentes du ministre de une politique d’austérité, de sacrifices. l’Intérieur et du Premier ministre. C’est parce que la France est aujour­ d ’hui gouvernée dans l’intérêt de quel­ Incertitude du lendemain, austérité, ques groupes multinationaux que la autoritarisme, voilà ce qui caractérise coalition réactionnaire l’engage sur la la politique de ce pouvoir. Les Français voie des abandons et du reniement s’en inquiètent. Ils ont raison. national. Mais il existe pour la France une autre Non, rien de tout cela n’est fatal. voie que celle de l’aventure où la réaction voudrait l’entraîner. Les travailleurs, les Français dans leur grande masse ne doivent pas faire les frais d’ une crise dont ils ne sont aucunement responsables. Ils peuvent la voie faire échec à la politique d ’austérité de réformes profondes du pouvoir giscardien. Dans la situation politique que connait Le Congrès a réaffirmé que cette voie, aujourd ’hui notre pays, les forces exis­ c’est la voie de profondes réformes tent pour imposer des mesures nou­ démocratiques s’attaquant à la toute- velles et efficaces pour faire barrage à puissance des grandes affaires. C’est l’inflation, résorber le déficit de la la voie d ’une grande politique sociale balance des paiements, sauvegarder le et populaire. C’est la voie d ’une grande niveau de vie et l’emploi des Français. politique nationale. En un mot, c’est la

GEORGES MARCHAIS / ALLOCUTION DE CLOTURE 125 voie d'une politique cohérente assu ­ pher — c'est la tâche à l'ordre du rant à la France et à son peuple le jour — le changement démocratique. progrès, la justice sociale et la démo ­ Cela exige un grand élan de notre cratie — la politique du Programme peuple, un vaste rassemblement popu­ commun de la gauche. laire et national. Le combat pour une telle politique, le Les résultats déjà obtenus sont pro­ Congrès a également réaffirmé que metteurs. Aller plus loin encore, pour notre Parti le situait, pour sa part, hâter l'heure où la France sortira de dans une perspective plus vaste, celle l'ornière dans laquelle l'enfonce la poli­ de la lutte pour le socialisme, qui est tique des grandes affaires et de leur sa raison d'être. pouvoir, tel est notre but. L'aspiration au socialisme grandit dans Unir les travailleurs, unir le peuple notre pays. Et c'est bien compréhen­ de France, autour des solutions du sible car le socialisme fait chaque jour Programme commun : la tâche est davantage la preuve de son aptitude immense. à résoudre les grands problèmes du C'est pourquoi notre Congrès a mani ­ monde moderne dans l'intérêt des mas ­ festé le souci que la solidité et la ses populaires. Cette aspiration gran­ qualité de l'union de la gauche sur le dira plus encore — nous en sommes Programme commun soient à la hau ­ persuadés — dans le cadre d'une dé­ teur de la tâche à accomplir. mocratie avancée grâce à laquelle notre Et c'est pourquoi il a tenu à poser ce peuple, reprenant en main la direction problème devant les travailleurs, de­ et le bénéfice de son activité, pourra vant les Français. Le Parti communiste décider lui-même, lorsqu'il le jugera français a toujours considéré que les nécessaire, de construire la France so­ questions de l’union n’étaient pas une cialiste. affaire d’ états-majors, mais leur affaire. Face à ceux qui prophétisent l'apoca­ Il a toujours posé ces questions ouver­ lypse pour faire accepter leur politique tement, franchement, de façon cons­ de privations, comme à ceux qui se tructive, de telle sorte que les travail ­ livrent à la surenchère révolutionnaire leurs, les démocrates puissent interve­ pour masquer leur opportunisme fon­ nir eux-mêmes dans ce problème d ’une cier, la perspective que nous proposons importance capitale pour eux, pour à notre peuple est celle qui correspond leurs intérêts, pour leur avenir. à ses besoins et aux réalités de notre Tout comme l’action de notre Parti a temps. été déterminante pour aboutir à la que veulent conclusion du Programme commun, elle l’est aujourd ’hui et le sera demain les français? pour que se consolide et s’étende l’union de la gauche, pour que se Que veulent les Français? L'amélio ­ réalise l'union du peuple de France ration régulière de leur niveau de vie, pour le changement démocratique. la garantie de leur emploi, la certitude pour chaque famille de disposer de revenus et d'équipements sociaux suf­ l’action déterminante fisants pour vivre une vie digne de du parti notre temps, la certitude de pouvoir se soigner en bénéficiant des progrès Notre Congrès l’a souligné avec force: de la science, en un mot la sécurité pour atteindre ce grand objectif, la qui leur fait aujourd'hui tant défaut. progression de l’influence, de l’orga ­ Ils veulent aussi, pour qu'il en soit nisation et de l’activité de notre Parti bien ainsi, participer réellement aux revêt une importance capitale. choix et aux décisions dont dépendent La composition des délégations au leur situation personnelle et l'avenir Congrès et des organismes de direction du pays. élus dans les conférences de section Comment y parvenir? En faisant triom­ et fédérales l’ont montré : le Parti

126 GEORGES MARCHAIS / ALLOCUTION DE CLOTURE communiste français est à l’image de du poète : « Ceux qui vivent, ce sont notre peuple, à l’image de la France ceux qui luttent ». laborieuse. Demain, camarades, dans nos fédéra ­ Comme notre précédent Congrès et tions, sur le lieu du travail et dans notre Comité central l’avaient souhaité, nos villes, nous seront ceux qui luttent le nombre d ’ouvriers, de travailleurs — avec lucidité et audace, avec sérieux dans la production, de femmes, pro­ et enthousiasme — qui luttent pour mus à des postes de responsabilité a le progrès social, la démocratie, l’indé­ grandi. pendance et la paix, pour le socialisme. Un nombre considérable de jeunes, de Vive le XXI' Congrès ! militants, venus au combat au cours Vive l’union du peuple de France pour des luttes de ces dernières années le changement démocratique ! ont pris place dans nos organismes responsables auprès de militants plus Vive le Parti communiste français ! expérimentés dont l’apport est indis ­ pensable à la réflexion et à l’activité du Parti. Oui, camarades, nous pouvons l’affir ­ mer : notre Parti est le grand parti de la classe ouvrière, du peuple et de la jeunesse de France. C’est un grand parti démocratique. La préparation du Congrès tout comme son déroulement en témoignent. C’est un parti profondément uni. A l’issue d ’un large et riche échange de vues dans les cellules, les sections, les fédérations, et au Congrès lui- même, sa politique — à l’élaboration de laquelle chacun a pu prendre part — a fait l’objet d ’une approbation unanime, réfléchie et confiante.

une politique responsable Camarades, Chacun a pu mieux s’en convaincre en suivant notre Congrès : le Parti communiste français ne fait pas une politique à la petite semaine; il ne penche pas d ’un bord un jour, et le lendemain de l’autre bord; il n’a pas deux langages. Notre Parti a une grande politique res­ ponsable. Les travailleurs savent qu’ils peuvent compter sur lui dans la défense de leurs intérêts et dans la lutte pour une société nouvelle; les travailleurs — et aussi tout le peuple de notre pays qui aspire aujourd ’hui à un changement réel. Les communistes citent souvent ce vers

GEORGES MARCHAIS / ALLOCUTION DE CLOTURE 127 rapport paul chastellain de la commission des mandats

Camarades, la vie nationale s’exprime encore à partir d ’une large représentation de La Commission a examiné les mandats tout ce que notre pays compte d ’hom­ de chaque délégué. Elle a retenu di ­ mes et de femmes dont dépend, tant vers enseignements des éléments qui sur le plan intellectuel que dans le ont été donnés. travail manuel, la création de toutes De l’examen des 1 257 mandats se dé ­ les richesses. Ingénieurs, techniciens gagent comme première et importante et cadres représentent 9% au Con­ donnée la place et le rôle que joue grès ; les enseignants, au nombre de notre Parti dans la vie nationale. 136, 10,8%; les agriculteurs, fermiers et métayers sont 53. On en trouve l’expression dans la large représentation de la classe ou­ Les commerçants et artisans 11 ; les vrière à notre Congrès. 372 délégués membres des professions libérales 19. sont des ouvriers professionnels, Les travailleurs des services publics, 140 O.S. et manœuvres, 13 ouvriers les fonctionnaires, sur un plan général, agricoles. Avec les 39 techniciens de ont une plus large représentation qu’au fabrication, la classe ouvrière repré­ XX' Congrès. sente 44,8% du Congrès. Ce pour­ Cet ensemble d ’éléments met en évi ­ centage, avec les employés, est de dence que notre Parti est bien repré­ 69,9%, alors qu’il était de 68,2% au sentatif de toutes les activités créa­ XX* Congrès. trices du pays. Votre Commission souligne le fait très positif que constitue l’augmentation La Commission souligne avec une sensible de la représentation des cel­ grande satisfaction la place de plus lules d’ entreprises. 116 délégués de en plus grande des femmes à notre plus qu’au XX' Congrès viennent des Congrès. Elles sont 370, soit 29,4%, cellules d ’entreprises. ce qui représente près du tiers des délégués. Ce résultat est d’ autant plus Après notre Congrès extraordinaire, qui positif que la progression est cons­ souligne avec force la nécessité d’ un tante. Très sensible au XX' Congrès, Parti plus influent et fort, en premier elle s’affirme encore à notre Congrès lieu à l’entreprise, une accélération extraordinaire. sera donnée à notre travail politique et idéologique. Elle est en rapport direct avec l’effort engagé pour donner au Parti les forces Mais la place et le rôle du Parti dans nouvelles indispensables à son combat.

128 PAUL CHASTELLAIN / RAPPORT DE LA COMMISSION DES MANDATS Il est réjouissant de constater aussi électives : députés, sénateurs, conseil­ que les progrès concernent les jeunes lers généraux, maires, conseillers mu­ ouvrières dans la métallurgie, le textile nicipaux. et parmi les employées. Les chiffres Ils ont des responsabilités à tous les confirment ce que chacun constate niveaux des directions des organismes dans le Congrès, c’est que parmi les du Parti. Ils militent aussi dans de jeunes, les femmes sont les plus nom­ nombreuses organisations syndicales et breuses. 61 % d ’entre elles ont moins la masse. de 30 ans ! Comme le souligne le rapport présenté Elles sont 216 de 20 à 29 ans, contre au Congrès par le camarade Georges 151 au XX" Congrès. 68% des femmes Marchais, les exigences de notre lutte participant au Congrès sont adhérentes commandent un effort encore plus depuis 1968. Elles sont 182 parmi les grand pour la formation de nombreux employées, 54 comme ouvrières profes­ cadres. sionnelles ou spécialisées, 38 ensei­ gnantes. Votre Commission a constaté qu’une large majorité des délégués a participé Notre Congrès extraordinaire est mar ­ à des écoles du Parti, y compris parmi qué par la jeunesse. La moyenne d’ âge les plus récents adhérents. est de 30 ans. Elle était de 33 ans au Les femmes y sont venues en plus XX* Congrès. C’est l’expression d’ un grand nombre que précédemment. C’est Parti riche de forces vives. un mouvement qu’il est indispensable L’unité de pensée et d ’action des com­ d ’accentuer encore. munistes, des jeunes engagés récem­ Dans leur ensemble, les remarques de ment dans la lutte du Parti aux côtés la Commission des mandats conduisent de camarades plus anciens ayant ac­ à une appréciation réjouissante de quis une grande expérience, militants l'état des forces du Parti. qui jouent un rôle précieux, constitue un capital considérable. Après ce Congrès extraordinaire, l’ef­ fort de tous sera de le rendre encore Il est d ’un grand intérêt pour le Parti plus fort, plus influent, plus actif, afin que ces délégués soient l’image des qu’il s’acquitte toujours mieux de ses luttes et des combats menés depuis responsabilités envers la classe ou­ plus de cinquante ans. Il y a dans vrière et le peuple. notre Congrès, et nous les saluons chaleureusement, des camarades qui Votre Commission avait à vérifier la sont à l’origine de la création du Parti validité des mandats des 1 257 délé­ communiste dont ils sont membres gués élus par les 97 conférences fédé­ depuis 1920. rales sur la base suivante : chaque fédération avait quatre délégués plus L’un d ’eux, notre doyen pour lequel un par tranche de 500 adhérents. nous avons une grande reconnaissance Au XX' Congrès, chaque fédération et une profonde affection, est le cama ­ avait six délégués plus un par tranche rade Benoît Frachon, qui a consacré de 500. Le fait que le nombre de sa vie à la classe ouvrière, à la lutte délégués au présent congrès soit à peu pour le bien-être de notre peuple, la près identique à celui du XX' Congrès démocratie, le socialisme. montre la progression de nos effectifs. 82 camarades ont adhéré de 1920 à Toutes les délégations sont au complet, 1944. 172 de la Libération à 1957. 23 délégués titulaires, empêchés, ont 303 jusqu’à 1967, 700 de 1968 à ce été remplacés par des délégués sup­ jour. pléants. Donc il ne manque aucun délégué. La place qu’occupent les 1 257 délé­ gués dans la vie nationale est aussi La Commission des mandats constate soulignée par le fait que dans leur que tous les délégués ont été mandatés masse chacun d ’eux est directement de la façon la plus régulière ; en consé­ lié à la production ou à l’enseigne­ quence, elle propose au Congrès de ment et 142 occupent des fonctions valider les mandats des 1 257 délégués.

PAUL CHASTELLAIN / RAPPORT DE LA COMMISSION DES MANDATS 129 Quelques données statistiques

Nombre de délégués: 1 257, dont 370 femmes (29,4%). Moyenne d’âge du Congrès : 30 ans.

Composition sociale et activités professionnelies Total Femmes %

Ouvriers professionnels ...... 372 13 29,6 Ouvriers spécialisés ...... 131 41 10,4 Manœuvres ...... g 2 0,7 Ouvriers agricoies ...... 13 — 1 Empioyés ...... 316 182 25,1 Techniciens de fabrication ...... 39 4 3,1 Techniciens d ’études ...... 48 12 3,8 Ingénieurs ...... 16 — 1,3 Cadres moyens ...... 26 9 2,1 Cadres supérieurs ...... 3 — 0,2 Professions libéraies ...... 19 8 1,6 Enseignants ; — Primaire ...... 49 16 3,9 — Secondaire ...... 57 15 4,5 — Supérieur ...... 20 4 1,6 — Technique ...... 10 3 0,8 Etudiants, lycéens ...... 27 12 2,1 Fermiers, métayers ...... 9 — 0,7 Expioitants agricoles, propriétaires .. 44 11 3,5 Commerçants, artisans ...... 11 4 0,8 Ménagères ...... 32 2,5

Total

Secteur privé ...... 545 Secteur public ...... 308 Secteur nationalisé ...... 135

Total Femmes

Métailurgie...... 295 35 Sidérurgie ...... 20 1 Bâtiment...... 60 5 Chimie ...... 45 7 Textiles...... 33 19 Alimentation ...... 15 4 Commerce ...... 35 18 Banques et assurances ...... 30 19 Agriculture ...... 72 13 Services publics ...... 196 85 Santé ...... 48 34 P.T.T...... 45 14 Autres fonctionnaires ...... 63 21 S.N.C.F...... 57 3 E.D.F.-G.D.F...... 31 1 Mines ...... 12 —

130 PAUL CHASTELLAIN / RAPPORT DE LA COMMISSION DES MANDATS Délégués travaillant Total Femmes dans les entreprises de :

501 à 1 000 ouvriers ...... 131 46 1 001 à 2 000 ouvriers ...... 97 25 2 001 à 5 000 ouvriers ...... 89 23 + de 5 000 ouvriers ...... 36 5

Répartition des délégués par cellules Total

Entreprises ...... 676 dont Enseignement : 56 Locales ...... 486 Rurales ...... 95

Ages des délégués Total Femmes %

Moins de 20 ans ...... 37 12 2,9 20 à 24 ans ...... 228 93 18,1 25 à 29 ans ...... 356 123 28,3 30 à 39 ans ...... 373 98 29,7 40 à 49 ans ...... 177 37 14,1 50 à 59 ans ...... 69 3 5,5 Plus de 60 ans ...... 17 4 1,4

Adhésion au Parti Total Femmes %

1920 à 1944 ...... 82 5 6,5 1945 à 1957 ...... 172 31 13,7 1958 à 1967 ...... 303 79 24,1 1968 à 1972 (XX' Congrès) ...... 487 168 38,7 Depuis 1973 ...... 213 87 16,9

Responsabilités des délégués dans les fédérations Total Femmes

Comité fédéral ...... 686 153 Comité de section ...... 841 251 Bureau de cellule ...... 569 181 Sans responsabilité ...... 54 29

Ecoles du Parti suivies par les délégués Total Femmes

Elémentaires ...... 587 183 Fédérales ...... 584 159 Centrales 1 mois 349 69 Centrales 4 mois 220 30 Aucune école ... 289 97

PAUL CHASTELLAIN / RAPPORT DE LA COMMISSION DES MANDATS 131 une grande campagne d’information

Le XXI* Congrès — extraordinaire — L’objectif est de le vendre à chaque du Parti communiste a constitué un communiste, aux travailleurs, à des grand événement national. centaines de milliers d ’hommes et de Pendant les deux mois qui ont précédé femmes qui, même s’ils ne partagent ce Congrès ainsi qu’au cours de ses pas tous nos choix, s’intéressent aux travaux, les communistes ont très lar­ propositions de notre Parti. gement discuté de tous les problèmes 2. Distribuer un numéro spécial de qui concernent la vie des travailleurs, « l’Humanité - Dimanche », édité à du peuple et l’avenir du pays : le chô­ 8 500 000 exemplaires, ayant pour objet mage, l’inflation, la crise, l’autorita ­ de populariser les grandes idées du risme du pouvoir et sa politique d ’aban­ Congrès dans toutes les entreprises, don national. dans tous les foyers. Face à ceux qui invoquent une préten­ 3. Organiser des milliers et des mil­ due fatalité, il a ouvert une autre pers­ liers de réunions publiques dans les pective : une grande politique sociale entreprises, les villes et les villages et populaire assurant le progrès, la pour exposer notre politique. Les mem­ justice, la démocratie et la souverai­ bres du Bureau politique, les membres neté française, une politique fondée du Comité central, les dirigeants des sur les profondes réformes démocrati ­ fédérations, des sections, les délégués ques définies par le Programme au Congrès, les élus du Parti assu ­ commun. reront ces réunions. Il a précisé les moyens d ’y parvenir : «L’Humanité», «l’Humanité - Diman ­ consolider, étendre l’union de la gau ­ che », la presse du Parti apporteront che et réaliser l’union du peuple de leur contribution à cette campagne. France ; renforcer l’influence, l’organi ­ Pour organiser cette grande campa ­ sation, l’activité du Parti communiste français. gne d ’information, pour y faire parti ­ ciper tous les communistes, les comités Les idées et les décisions du Congrès fédéraux, de sections, les cellules, se concernent en premier lieu les réuniront très rapidement et adopte­ communistes. Elles concernent aussi ront un plan de travail. tous les travailleurs, tous les Français Des rendez-vous départementaux et et les Françaises. nationaux avec les premiers secrétaires C’est pourquoi il est capital de les des fédérations feront régulièrement le porter à leur connaissance. bilan. Pour donner toute son efficacité à Par cette bataille d ’une envergure cette tâche prioritaire, le Bureau poli­ exceptionnelle, le Parti communiste tique a décidé l’organisation durant français contribuera au succès des lut­ les deux mois à venir d ’une campagne tes sociales, il se situera toujours d ’information d ’une exceptionnelle en­ mieux à l’avant-garde du grand combat vergure. Il a pris à cet effet trois déci ­ pour l’avènement d ’une démocratie sions : avancée, pour rapprocher l’heure du 1. Diffuser à un million d ’exemplaires socialisme. le livre « Le Parti communiste pro­ Paris, le 29 octobre 1974. pose » comprenant le rapport du Comité central présenté par Georges Le Bureau politique Marchais et la résolution du Congrès. du Parti communiste français.

132 DOCUMENTS DOCUMENTS

rencontre entre le parti socialiste unifié de berlin-ouest et le p.c.f.

Invitée par le Parti socialiste unifié Les deux délégations soulignent la (S.E.W.) de Berlin-Ouest, une déléga­ volonté de leurs partis de contribuer tion du Parti communiste français, à la consolidation de ia détente en composée de Jean Colpin, membre du Europe. Des conditions plus favorables Bureau politique, Andrée Lefrère, mem­ sont ainsi créées pour le développe­ bre du Comité central, Roger Trugnan, ment des luttes ouvrières et démocra ­ membre de la section de politique tiques. Celles-ci prennent d ’autant extérieure, a séjourné du 16 au 19 sep­ plus d ’ampleur que s’approfondit la tembre à Berlin-Ouest. crise du capitaiisme qui n’épargne La délégation du P.C.F. a eu des entre­ aucun domaine de la vie sociale et qui tiens politiques fraternels, qui ont mis frappe toutes les couches de la popu­ en évidence un accord complet, avec lation. De nouvelles possibilités de large rassemblement grandissent dans une délégation du Parti socialiste uni­ fié de Berlin-Ouest qui comprenait chaque pays et dans toute l’Europe. Gerhard Danélius, président du Parti, Ainsi se trouvent confirmées l’appré­ Dietmar Ahrens et Bruno Kuster, mem­ ciation portée par la Conférence de bres du secrétariat, et Wolfgang Gukel- Bruxelles et son orientation visant à berger, membre de la direction. Au donner une impulsion renforcée aux cours d ’une grande manifestation de actions communes des partis commu­ solidarité avec le peuple du Chili, les nistes et de toutes les forces popu­ camarades Gerhard Danélius et Jean laires. Colpin ont pris la parole. La rencontre a mis en évidence les Les progrès réalisés dans la voie de liens profonds qui existent entre les la coexistence pacifique mettent à deux partis, lis ont décidé de renforcer l’ordre du jour de nouveaux objectifs ieur coopération. La délégation du pour les travailleurs et les peuples de P.C.F. a transmis une invitation pour toute l’Europe, il s’agit notamment qu’une délégation du S.E.W. de Berlin- d ’aller rapidement vers l’achèvement Ouest vienne à Paris. Cette invitation au plus haut niveau des travaux de la a été chaleureusement accueillie. Conférence sur la sécurité et la coopé­ Les deux partis ont réaffirmé leur ration européenne. Dans ce but, il attachement à la cause de l’unité du est essentiel de vaincre la résistance mouvement communiste et ouvrier des forces qui s’opposent au nouveau international sur la base du marxisme- cours dans les relations internationa ­ léninisme et des principes de i’inter- les, à celles qui voudraient par exem­ nationalisme prolétarien. ple remettre en cause l’accord quadri ­ partite sur Berlin-Ouest. Le 19 septembre 1974.

DOCUMENTS 133 délégation du p.c.f. en bulgarie

Du 11 au 20 septembre, à l’invitation E. Lagadinova, présidente du Comité du Parti communiste bulgare, une des femmes bulgares ; S. Radeva, vice- délégation d ’étude du P.C.F. sur les ministre de la Santé publique, A. questions sociaies a visité la Bulgarie. Tchaouchev, vice-ministre du Commer­ Cette délégation, conduite par Joé ce intérieur et des Services, et I. Vas- Metzger, membre du Comité central, siliev, vice-président du Comité d'Etat comprenait Marcel Atlan, membre de de la planification. Elie a visité de la commission de la Santé auprès du nombreuses institutions à la ville et à Comité central, Michèle Bertrand, mem­ la campagne, à Sofia et dans le dépar ­ bre de la section économique, Janine tement de Plovdiv. Partout, elle a reçu Jambu, membre du Bureau fédéral et un accueil chaleureux et fraternel, et responsable du travail parmi les fem­ elle a pu se rendre compte de l’amé ­ mes des Hauts-de-Seine, Geneviève lioration continue de la satisfaction Rodriguez, maire de Morsang-sur-Orge des besoins matériels et intellectuels et conseilier générai de l’Essonne, du peuple bulgare, qui est au centre Roger Faivre, journaiiste à « l’Huma ­ de la politique du Parti communiste nité ». bulgare. A la fin de son séjour, la délégation La délégation a eu des rencontres notamment avec Gricha Philipov, mem­ a été reçue par Constantin Tellaiov, secrétaire du Comité central du Parti bre du Bureau politique et secrétaire communiste bulgare qui lui a présenté du Comité central du Parti commu­ niste bulgare, S. Guenov, secrétaire une information sur la politique inter­ du Conseil central des syndicats bul­ nationale du Parti communiste bulgare. gares ; C. Zarev, ministre du Travail ; Le 20 septembre 1974.

la grande portée des solutions proposées par le parti communiste

La situation économique et sociale bien l’austérité imposée par le pouvoir, sérieuse que connaît le pays sert de ou bien des solutions nouvelles et prétexte à Giscard d ’Estaing et son efficaces imposées au pouvoir dans gouvernement pour une gigantesque l’intérêt du peuple et du pays. campagne d ’intoxication sur les causes Le Bureau politique a pris des disposi ­ de cette situation et sur la nécessité tions pour que tous les communistes de « l’union sacrée dans l’austérité » s’engagent, avec la presse du Parti et comme seule solution pour y faire l’ensemble de ses moyens d ’expres­ face. sion, dans un important effort de popu­ Au nom du Parti communiste français, larisation des solutions nouvelles, pré­ Georges Marchais a dénoncé dans cises et sérieuses, avancées à Albert­ son discours d ’Albertville l’argumenta­ ville, pour faire face à la crise et qui tion du pouvoir en dévoilant le véri ­ permettraient : table objectif de celui-ci ; imposer de - de faire barrage à l’inflation ; nouveaux sacrifices aux travailleurs, à tout le peuple pour accroître encore - de résoudre le déficit de la balance les profits et la puissance de quelques des paiements ; géants de la finance et de l’industrie. - de sauvegarder le niveau de vie et Mais le secrétaire général du Parti l’emploi des Français. a surtout montré que la véritable alter­ Rien ne justifie les sacrifices deman ­ native d ’aujourd ’hui n’était pas la dés aux Français qui vivent de leur catastrophe ou l’austérité, mais : ou travail. Tous ceux qui subissent le joug

134 DOCUMENTS du grand patronat ne doivent pas ali ­ pelle toutes les organisations du Parti menter plus longtemps le gouffre sans à les faire connaître et approuver mas ­ fond des superprofits et des gaspilla ­ sivement, à en discuter et à agir avec ges des grandes sociétés multinatio­ les partis de gauche, avec tous ceux nales. Il faut éviter que le pays s’enlise qui sont préoccupés par la situation dans des difficultés croissantes au du pays pour imposer de premiers seul bénéfice d ’une caste étroite de reculs au pouvoir. féodaux de l’industrie et de la banque. Paris, le 26 septembre 1974. En soulignant la grande portée des mesures que le Parti communiste vient Le Bureau politique de proposer, le Bureau politique ap ­ du Parti communiste français.

communiqué commun du Parti baas arabe sociaiiste (syrie) et du parti communiste français

Une délégation du Parti baas arabe dans une atmosphère d ’amitié et de socialiste (Syrie) composée des cama ­ compréhension mutuelle, à un large rades Bakir Yassin, membre de la échange de vues sur les problèmes direction nationale et Ahmad Al-Has- d ’intérêt commun, et en particulier sur san, membre de la direction régionale, la situation au Proche-Orient. a séjourné en France du 23 au 27 sep­ tembre 1974, à l’invitation du Parti Les deux délégations ont constaté les communiste français. changements favorables du rapport des forces dans le monde à l’avantage Au cours de ce séjour, elle a notam­ du socialisme, de la libération natio ­ ment visité le Musée d ’histoire de nale, du mouvement ouvrier et démo­ Montreuil, l’Institut Maurice-Thorez. cratique. Elle a rendu visite à la Fédération de Seine-et-Marne et a pris connaissance En ce qui concerne le conflit du Pro­ de certaines réalisations municipales che-Orient, malgré les changements de Dammarie-les-Lys. Elle a été reçue favorables entraînés par la guerre de par la rédaction de « l’Humanité ». Elle libération d’ octobre 1973, les dirigeants a rencontré des responsables de la israéliens, soutenus par l’impérialisme section des intellectuels et de la sec­ américain, poursuivent leur politique tion économique du Comité central. expansionniste et agressive, contre les La délégation a été reçue par le cama ­ peuples arabes, et notamment contre rade Georges Marchais, secrétaire gé ­ le régime progressiste de Syrie. Ils néral du Parti communiste français, maintiennent leur refus d ’appliquer les à qui elle a transmis les salutations résolutions de l’O.N.U. et tentent de du secrétaire général du Parti baas saboter les efforts de paix. arabe socialiste, Hafez Al-Assad. Elle Les deux délégations réaffirment que a été également reçue par le camarade l’instauration d ’une paix juste et dura­ Jacques Duclos, membre du Bureau ble exige l’évacuation de tous les ter­ politique. ritoires occupés par Israël depuis La délégation du Parti baas arabe juin 1967 et la reconnaissance des socialiste a eu des entretiens avec droits nationaux du peuple palestinien. une délégation du Parti communiste Elles réaffirment leur totale solidarité français, composée des camarades à l’égard de l’O.L.P., seule représen­ Jacques Denis, membre du Comité tante légitime du peuple palestinien, et central, Jacques Couland, Jacques soutiennent ses efforts en vue d ’être Martinache, Elle Mignot, membres de reconnue comme telle par l’O.N.U. la section de politique extérieure. Les deux délégations dénoncent l’in­ Les deux délégations ont procédé, tervention permanente de l’O.T.A.N. et

DOCUMENTS 135 de l'impérialisme américain en Médi ­ Elles appuieront toute initiative per­ terranée. Elles soulignent la responsa­ mettant d ’aller vers un front mondial bilité particulière de ceux-ci dans les des forces anti-impérialistes. graves événements de Chypre, dirigés contre l’indépendance et l’intégrité de La délégation française a vivement ap ­ cet Etat non aiigné et contre i’ensem- précié l’exposé de la politique respon­ ble des peupies de la région. Eiles sable et guidée par la volonté de par ­ expriment leur solidarité avec ie peu­ venir à une paix juste et durable et au ple chypriote. progrès du pays, menée par la Syrie. Les deux déiégations affirment leur De son côté, la délégation syrienne a soutien aux peuples qui luttent pour exprimé son grand intérêt pour la poli­ s’assurer de la maîtrise de leurs ri­ tique d ’union du peuple de France me­ chesses nationales et notamment le née par le Parti communiste français pétrole, pour mettre celles-ci au ser­ et s’est félicitée de son soutien cons­ vice du progrès économique et social tant à la juste cause des peuples en de leurs peuples. Elles condamnent lutte pour leur indépendance. les inadmissibles menaces impérialis ­ tes contre les pays producteurs. Elles Les deux délégations apprécient cette rejettent les thèses mensongères se­ rencontre comme une contribution au lon lesquelles le légitime combat des développement des relations entre la peuples serait responsable de l’aggra ­ Syrie et la France, ainsi qu’au renfor­ vation de l’inflation. Les causes de cement de la coopération et de l’amitié celle-ci résident dans la course au entre les deux partis. profit des monopoles, dans leurs gas ­ La délégation du Parti baas arabe pillages et leurs spéculations. socialiste a invité une délégation du Les deux délégations se prononcent Parti communiste français à se rendre pour de nouveaux rapports de coopé­ en Syrie. L’invitation a été acceptée. ration entre les peuples, débarrassés La date en sera fixée d’ un commun de tout esprit néo-colonialiste, et basés accord. sur l’indépendance nationale, le res­ pect et l’intérêt mutuel. Paris, le 27 septembre 1974.

après les élections législatives partielles

Après l’élection présidentielle, les centuent le caractère autoritaire de élections législatives qui viennent de leur régime. se dérouler dans six circonscriptions Dimanche, dans leurs fiefs, deux an ­ confirment le recul de la droite au ciens ministres du grand capital, can ­ pouvoir, les progrès de la gauche, les didats de l’actuelle majorité, ont été possibilités de réaliser, autour du Pro­ battus. Cela confirme le refus de plus gramme commun de gouvernement, un en plus net par les électrices et les rassemblement majoritaire. électeurs de la politique du pouvoir et, La crise s’aggrave. Les hommes du du même coup, la grande portée de la grand capital veulent en faire payer lutte engagée par les communistes les conséquences aux ouvriers, aux afin de réaliser l’union du peuple de salariés, aux couches populaires. Pour France pour les profondes réformes cela, ils utilisent tous les moyens pro­ démocratiques proposées par le Pro­ pres à dissimuler les causes de la gramme commun de gouvernement. crise et à faire accepter leur politique Cependant, le fait que l’influence élec­ Ainsi, ils recourent à l’argument de la torale du Parti communiste ait mar ­ prétendue «fatalité» de la crise et de qué — sauf en Dordogne — un recul la nécessité d ’une « union sacrée » ; ne peut que retenir sérieusement l’at ­ ils assujettissent la France aux autres tention des démocrates. forces internationales de l’impéria ­ lisme, en particulier américain ; ils ac­ Sans doute, ces élections se dérou ­

las tXX:UMENTS laient dans des circonscriptions qui, Dans ces conditions, nous le disons pour la plupart, ne sont pas favora­ franchement, le mot d ’ordre constam­ bles au Parti communiste. Il n’en reste ment répété de la nécessité d ’un pré ­ pas moins que les candidats commu­ tendu rééquilibrage des forces de gau ­ nistes ont perdu des voix dans cinq che prend un caractère de plus en circonscriptions sur six. plus pernicieux parce qu’il comporte, Les communistes, les travailleurs s'en lui aussi, l’idée de réduire l’influence inquiètent. Ils ont raison ; nous devons communiste. De plus, la campagne répondre à leur interrogation. visant à accréditer l’idée que seul un candidat non communiste pourrait bat­ La grande bourgeoisie poursuit sa tre celui du pouvoir ne peut que com­ lutte contre l’union de la gauche et son promettre le regroupement indispensa­ programme. Mais elle sait, tout en n’y ble des voix de gauche. C’est ce qui renonçant pas qu’elle ne peut envisa­ s’est passé en Dordogne où des voix ger de briser cette union aujourd ’hui, de gauche du premier tour ont manqué parce que l’union et le Programme de à Yves Péron au second alors que, la gauche se fondent sur un puissant partout ailleurs, comme toujours, en mouvement des masses populaires. totale loyauté, absolument toutes les C’est pourquoi, dans une situation où voix communistes se retrouvaient sur la perspective de la victoire de la gau ­ les candidats communs de la gauche. che se rapproche, les hommes du grand capital se fixent comme objectif Tous les travailleurs, tous les démo­ prioritaire d’ affaiblir le Parti commu­ crates, tous les patriotes ont besoin niste. d ’un grand Parti communiste au sein d ’un grand rassemblement démocrati ­ Les dirigeants de la droite réaction ­ que, un Parti communiste ouvert et naire et conservatrice, tels Ponia ­ fort, présent et actif partout, un Parti towski à la télévision et Chinaud à la communiste dont la presse et les tribune de l’Assemblée nationale, se moyens de propagande se développent, réjouissent publiquement de voir d ’au ­ un Parti communiste dont l’influence tres forces de gauche se renforcer au s’étende largement, un Parti commu­ détriment du Parti communiste. niste dont l’audience électorale et la Le grand capital et ses hommes savent représentation élue croissent en même le rôle décisif joué par le Parti commu­ temps que celles de toute la gauche. niste français dans la réalisation et le renforcement de l’union. Ils savent que C’est ce qu’exprimait le rapport pré ­ l’existence d ’un puissant Parti commu­ senté au nom du Bureau politique à la niste, le développement de son influen­ session du Comité central des 10 et ce et de son organisation ont contri­ 11 juin dernier par le secrétaire géné ­ bué, de façon déterminante, à modifier ral du Parti, le camarade Georges la situation politique française en per­ Marchais, qui disait : mettant au Parti socialiste de s’écarter « Comment pourrions-nous envisager de la néfaste politique de collaboration le succès du Programme commun si de classes et de s’engager dans la voie les partis qui le défendent ne se ren­ de l’union. Ils savent que cette exis­ forçaient pas les uns et les autres ? tence et ce développement ont permis Le renforcement du Parti socialiste sur de conclure un programme commun la base de sa politique actuelle est de gouvernement au contenu profon­ une perspective souhaitable. Ce qui dément transformateur et qu’ils cons­ serait grave, c’est que ce renforcement tituent la garantie de la victoire et de se fasse à notre détriment, que notre l’apolication de ce programme. Parti ne se renforce pas lui-même suf­ Tous les moyens sont bons à la grande fisamment et se retrouve, de la sorte, bourgeoisie inquiète pour tenter de réduit à un rôle de force d ’appoint... réduire l’influence du Parti communiste. Au contraire, il faut, il faut absolument La propagande officielle, la radio, la un Parti communiste, toujours plus télévision et les forces politiques du influent, toujours plus tort, toujours pouvoir font silence sur les solutions plus actif pour battre le pouvoir des proposées par le Parti communiste aux grands monopoles et réaliser les trans ­ problèmes posés par l’aggravation de formations démocratiques profondes la crise ; reprennent les arguments de contenues dans le Programme com­ l’anticommunisme ; développent à nou­ mun de la gauche, dans l’intérêt des veau la campagne de mensonge et de travailleurs, du peuple et de la dénigrement des pays socialistes qui, nation. » pourtant, ne connaissent ni l’inflation, L’objectif commun des forces de gau ­ ni le chômage, ni la crise. che n’est pas seulement de battre le

DOCUMENTS 137 pouvoir du grand capital. L’objectif mense effort, les communistes le commun est de battre le pouvoir pour mettent au service des travailleurs, du réaliser les transformations économi­ peuple et de la nation, au service du ques, sociales et politiques indispensa­ progrès social, de la démocratie et des bles. libertés, au service donc de toute la Pour cela, il faut un Parti communiste gauche et de l’union du peuple de influent. France. L’effort pour le progrès des idées et Le XXI® Congrès — extarordinaire — le développement de l’influence du du Parti communiste français, dont la Parti — en tout premier lieu dans les préparation se poursuit sur la base du entreprises, d ’abord dans la classe ou­ projet de résolution, y contribuera. vrière et aussi parmi tous les salariés, Paris, le 7 octobre 1974. employés, cadres, techniciens et ingé­ nieurs — est donc une exigence fon­ Le Bureau politique damentale du combat actuel. Cet im­ du Parti communiste français.

rencontre consultative des partis communistes et ouvriers d’europe

communiqué final

La rencontre consultative des partis Au terme d ’un large et fraternel échan ­ communistes et ouvriers d ’Europe s’est ge d ’opinions, auquel ont participé tenue du 16 au 18 octobre 1974 à tous les partis représentés, il a été Varsovie, à l’initiative du Parti ouvrier convenu qu’il était nécessaire et op­ unifié polonais et du Parti communiste portun de convoquer et de préparer italien. une conférence des Partis communis­ Y ont participé les délégations des tes et ouvriers d ’Europe. partis suivants ; Il a été jugé souhaitable que la confé­ Parti communiste d ’Autriche, Parti rence se tienne, au plus tard, vers la communiste de Belgique, Parti commu­ moitié de 1975. niste bulgare. Parti progressiste du Il a été convenu que la conférence peuple travailleur de Chypre, Parti devra être consacrée à la lutte pour communiste de Tchécoslovaquie, Parti la paix, la sécurité, la coopération et communiste du Danemark, Parti com­ le progrès social en Europe. muniste de Finlande, Parti communiste français. Parti communiste de Grèce, Le souhait exprimé de voir la confé­ Parti communiste d ’Espagne, Parti rence se tenir en République démo ­ communiste d ’Irlande, Ligue des cratique allemande a été cordialement communistes de Yougoslavie, Parti accueilli par les représentants du communiste du Luxembourg, Parti so­ Parti socialiste unifié d ’Allemagne. cialiste unifié d ’Allemagne, Parti com­ Les participants de la rencontre se muniste allemand. Parti communiste sont félicités de l’atmosphère de démo ­ de Norvège, Parti ouvrier unifié polo­ cratie et de coopération fraternelle nais, Parti communiste portugais. Parti dans laquelle s’est déroulée cette communiste roumain. Parti commu­ consultation conformément aux princi­ niste de San Marin, Parti suisse du pes d ’égalité des droits, de respect travail. Parti de gauche-communiste de l’opinion de tous les partis avec la de Suède, Parti communiste de Tur­ volonté d ’aboutir à des positions com­ quie, Parti socialiste ouvrier hongrois. munes. Parti communiste de Grande-Bretagne, Parti communiste italien. Parti socia ­ Ils se sont déclarés résolus à prépa ­ liste unifié de Berlin-Ouest, Parti com­ rer et à tenir la conférence dans le muniste d ’Union Soviétique. même esprit.

138 DOCUMENTS Une rencontre préparatoire des partis compréhension mutuelle et de solida ­ communistes et ouvriers d ’Europe se rité prolétarienne qui est de règle dans tiendra au mois de décembre 1974 ou les rapports entre partis communistes de janvier 1975. et ouvriers. Les travaux de la rencontre consulta­ tive se sont déroulés dans l’esprit de Varsovie, 18 octobre 1974.

50" anniversaire de i’étabiissement des reiations dipiomatiques entre ia france et i’union soviétique

Il y a cinquante ans, le 28 octobre gigantesques que le socialisme lui a 1924, la France établissait des relations permis de réaliser, l’Union Soviétique diplomatiques avec l’Union Soviétique. ne cesse de progresser sur le chemin de la prospérité économique, du pro­ Intervenant après plusieurs années de grès social, de l’essor culturel et scien­ participation des gouvernements réac­ tifique, du développement de la vie tionnaires français à l’intervention ar ­ démocratique. Elle ignore la crise, le mée contre le premier Etat socialiste rationnement. Elle met en oeuvre une de l’Histoire, cet événement revêtait politique conséquente et hardie de une portée considérable. paix et de coexistence pacifique, dont La coopération, l’amitié entre l’Union le rôle a été déterminant dans les Soviétique et la France correspondent progrès de la détente internationale, aux intérêts profonds de nos deux de la coopéartion, enregistrés au cours peuples et de nos deux pays, aux inté­ de la dernière période. rêts de la paix en Europe et dans le Plus que jamais, dans ces conditions, monde. Le plus haut témoignage de la coopération avec l’Union Soviétique ce rôle bénéfique a été fourni par le répond aux besoins des travailleurs, combat commun contre l’hitlérisme. du peuple français, de la nation elle- Aucun Français qui a vécu cette pé ­ même. Elle donne à la France des riode ne peut oublier la part immense moyens de ne pas s’enfermer dans le prise dans ce combat et les énormes bloc des pays capitalistes en crise, de sacrifices consentis par le premier diversifier ses échanges en leur don ­ pays du socialisme. L’active fraternité nant une base stable et en les fondant nouée dans la lutte avait trouvé son sur l’intérêt mutuel, de contribuer ef­ expression dans un traité d ’alliance ficacement à l’organisation de la paix franco-soviétique qui constituait un et de la sécurité. élément essentiel pour la consolidation de la sécurité et de la paix en Europe, Dans le domaine économique, la co­ dans le respect de la souveraineté et opération franco-soviétique s’est déve ­ de l’égalité de chaque pays. loppée, surtout à partir de 1966. Ce­ pendant, aujourd’ hui, alors que l’Union Malheureusement, les gouvernements Soviétique est disposée à lui donner français qui se sont succédé à partir toute l’ampleur souhaitable, le gouver­ de 1947 et ont inséré notre pays dans nement français est loin de tirer parti le bloc agressif dominé par les Etats- des possibilités existantes. Il est regret­ Unis, ont mis en cause cette « belle table qu’il laisse l’Allemagne de et bonne alliance ». Les intérêts des l’Ouest nous distancer largement dans travailleurs, du peuple de France, ce domaine alors que notre pays dis ­ l’indépendance nationale ont été at ­ posait et dispose encore d ’atouts pri­ teints. La tension internationale a été vilégiés. vive. Dans le domaine politique, la Déclara­ Aujourd’hui, grâce aux transformations tion de principes, adoptée en 1971

DOCUMENTS 139 lors de la visite de Léonid Brejnev en veloppement de la coopération franco- France, indique : « Il est d'une grande soviétique. importance que la France et l’U.R.S.S. Dans l’immédiat. Il poursuit ses efforts coopèrent étroitement au maintien de pour que les possibilités offertes à la paix, à la poursuite de la détente celle-ci soient le plus largement ex­ ainsi qu’au renforcement des relations ploitées. Dans cet esprit, il combat les pacifiques et de la coopération entre campagnes antisoviétiques orehestrées tous les Etats européens. » Au lieu de par les dirigeants du pays. Ces campa­ se conformer à cet engagement, le gnes portent directement préjudice au gouvernement français refuse actuelle­ développement de l’amitié entre nos ment de participer aux négociations deux peuples, de la coopération entre sur le désarmement où II a sa place ; nos deux pays. il freine les progrès de la conférence Saluant le 50® anniversaire de l’éta­ de Genève sur la sécurité et la coopé­ blissement des relations diplomatiques, ration en Europe en coordonnant étroi­ le Parti communiste français réaffirme tement son attitude avec celle des pays sa volonté d'agir pour le renforcement du bloc atlantique. de la coopération franco-soviétique, Le Parti communiste français lutte, gage de sécurité pour la France, de avec résolution, pour le succès et détente en Europe, de paix dans le l'application du Programme commun monde. de la gauche qui préconise une poli­ tique française active d'indépendance, Paris, le 28 octobre 1974. de paix et de coopération dans la­ Le Secrétariat du Comité central quelle s’inscrit, naturellement, le dé­ du Parti communiste français.

57" anniversaire de la révolution d’octobre

A l'occasion du 57« anniversaire de la que se traduisent par une amélioration Révolution d'Octobre, le Secrétariat du continuelle des conditions de travail et Comité central du Parti communiste de vie du peuple soviétique. français a adressé le message suivant Sur la voie tracée par votre XXIV® Con­ au Comité central du Parti communiste grès des mesures importantes ont été de l’Union Soviétique. prises sur le plan social, culturel et pour le plein épanouissement de la Chers camarades, personnalité de chacun. La démocratie socialiste s’approfondit sans cesse. A l’occasion du 57» anniversaire de la Révolution d ’Octobre nous adres­ Les communistes français se réjouis­ sons nos fraternelles et chaleureuses sent profondément des succès rempor­ salutations au Parti communiste de tés par le peuple soviétique dans la l’Union Soviétique, à son Comité cen­ construction de la société socialiste tral et à tout le peuple soviétique. développée. Depuis qu’en 1917 les travailleurs de La Révolution d ’Octobre, le dévelop­ votre pays, guidés par le Parti de pement de l’Union Soviétique ont mo­ Lénine, ont pris en main leur propre difié le visage du monde. Avec celle-ci, destin, le socialisme a permis au peu­ pour la première fois, un pays a mis ple soviétique d ’accomplir des progrès toutes ses forces au service de la immenses sur le chemin du bien-être, paix, au service de la lutte pour l’indé­ de la prospérité, de la liberté. pendance nationale et l’émancipation sociale. L’essor remarquable de l’économie soviétique, les réalisations d’ avant- Appliquant avec audace le plan de paix garde de la science et de la techni­ adopté par votre XXIV* Congrès, le

140 DOCUMENTS P.C.U.S. et le gouvernement soviéti­ fraternelles et étroites, fondées sur que ont contribué de façon décisive l’internationalisme prolétarien, l’indé­ aux changements positifs intervenus au pendance et l’égalité qui existent entre cours de la dernière période. nos deux partis. Cette solidarité de lutte contre l’impérialisme, pour la A l’occasion du 57« anniversaire d ’Octo- paix, la démocratie et le socialisme bre, nous vous souhaitons de nouveaux répond aux intérêts de la classe ou­ et grands succès dans toute votre vrière, aux intérêts de nos deux peu­ activité. ples et de nos deux pays. Nous vous assurons de notre volonté de développer encore les relations Paris, le 6 novembre 1974.

DOCUMENTS 141

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