GERMIGNY-L'EXEMPT ET SA CHATELLENIE

GERMIGNY-L'EXEMPT ()

ET i SA. CHATELLENIE

PAR MP AUVITY Vicaire général du diocèse de

« L'ancienne châtellenie de Ger- migny est une de ces intéressantes pièces de mosaïque, qu'il nous est donné de rencontrer quelquefois sous nos pas, et dans nos ingrates recherches d'histoire locale. » L ROUBET, (La Coutume de Germigny).

PARIS JOUVE & Cie, ÉDITEURS 15, RUE RACINE, 15 1932

A Ines biens aimés Parents et à mes chers Compatriotes, Je dédie ces pages d'Histoire locale. Mgr AUVITY

PREMIÈRE PARTIE PÉRIODE ANCIENNE

CHAPITRE PREMIER CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE LA COMMUNE

Elévation. — Description physique. LA VALLÉE DE GERMIGNY

Au Sud-Est du département du Cher, dans l'arrondisse- ment de Saint-Amand, s'étendent de vastes et riches prai- ries désignées sous le nom de vallée de Germigny. Cette vallée n'a pas de limites très exactes. A l'Est, elle est bor- née par une ligne allant de La Guerche à Germigny- l'Exempt, , , , Neuilly-en-Dun et ; à l'Ouest, par une colline dite : « Côte d', des Charentons, etc... » qui domine le plateau calcaire du Berry. Sa plus grande largeur, entre La Guerche et Beau- renard, est de neuf kilomètres ; elle est de sept kilomètres entre Germigny et Ourouër ; de quatre ou cinq kilomètres à Charenton ; elle se termine en pointe à Saint-Amand. La pente de la côte qui limite la vallée au Sud-Ouest est verdoyante, le sommet est parfois jalonné d'arbres ; au pied s'étalent les plus riches pâtures. M. Vacher dans son intéressant ouvrage, Le Berry, parle- ainsi de la vallée de Germigny : « Aux limites orientales de la Champagne berrichonne, il est un canton d'herbages : c'est la vallée de Germigny, là s'étalent les plus belles pâtures,... leur superficie varie entre un et vingt hectares ; aucune d'elles ne représente l'épanouissement spontané de la nature, toutes ont été soigneusement aménagées par l'homme. Autour de chacune, deux fossés profonds ont été creusés ; ils sont nécessaires pour assurer le drainage ; le sol et le sous-sol ne sont qu'argile, l'eau est partout en surface, elle séjourne et croupit si on ne lui ménage pas un écoulement régulier. Entre les fossés, des haies d'épines noires poussent dru ; elles dessinent en peu d'années au- tour de l'herbage une clôture infranchissable : il y faut, par place ménager des trouées pour le passage des hommes, des bêtes et des chars. Au-dessus des haies, au milieu des. prés, de ci, de là, un arbre étend sa ramure : c'est pour les animaux un abri contre le grand soleil ou la pluie ; les eaux profondes font défaut ou sont mauvaises, dans chaque pâture on y creuse une ou deux fosses pour que s'y ras- semblent les eaux du ciel : vers la surface de la nappe d'eau, deux au moins des bords de la fosse s'inclinent en pente douce et sont pavés ; l'accès de l'abreuvoir est ainsi rendu facile au bétail. Dans ces herbages constamment entrete- nus, les bêtes à cornes errent nuit et jour depuis le prin- temps jusqu'à l'automne : elles s'engraissent pendant ce séjour au « pré d'embouche » ; on les vend au boucher, à la fin de la belle saison. D'avril à octobre, leur blancheur sème de taches claires le fond sombre des prés » (1). (1) Germigny est dans une belle position sur la frontière du Nivernais, du Berry et du Bourbonnais ; la ville est située au mi- lieu d'un bassin dont la végétation est des plus vigoureuses. On dirait un immense jardin anglais, dont les arbres sont pressés tant les prairies sont vastes, fraîches et fleuries. (Cf. Achille ALLIER,, voy. pittor., 1837, p. 240.) GERMIGN Y-L' EXEMPT C'est dans cette riche vallée (1) qu'est situé Germigny- l'Exempt. Cette commune qualifiée ville, dans les actes de l'état civil antérieurs à la Révolution, ne compte plu& aujourd'hui que huit cents habitants. Sa superficie est, d'après le cadastre, de deux mille huit cent quinze hec- tares, trente et un ares, vingt-cinq centiares. Elle est bornée au Nord, par la commune de La Guerche, à l'Ouest, par celles d'Ignol et de , à l'Est, par la commune de la Chapelle-Hugon et au Sud, par celle de Vereaux. Formée en 1790 de l'ancienne paroisse de Germigny, elle fit tout d'abord partie du district de (cf. Arch. dép.). Ce n'est qu'à partir de 1806 seulement que nous la trouvons rattachée au canton de La Guerche dont elle forme la pointe Sud-Ouest. Sa plus grande longueur du Sud au Nord-Ouest est d'environ neuf kilomètres ; sa largeur de l'Est à l'Ouest est d'environ cinq kilomètres cinq cents. Cette commune est distante de six kilomètres de La Guerche, le chef-lieu de canton, — de quarante-six kilo- mètres de Saint-Amand, le chef-lieu d'arrondissement, — de quarante-sept kilomètres de Bourges, le chef-lieu du département. Elle est traversée par la route départemen- tale N° 15 allant d'Ourouer à La Guerche et par le chemin

(1) Cette région verdoyante mériterait mieux de porter le nom de pays des vallées ; la tradition populaire n'a nommé qu'une partie du pays des vallées ; les environs de Germigny sont appelés habituellement « vallée de Germigny ». — Peut-être est-ce parce que sur ce coin de terre, les traits distinctifs du pays des vallées sont le plus complètement harmonisés. Mais c'est aussi parce que, là, le contraste est net entre la Champagne berrichonne et le pays des pâtures ; au voisinage de la ligne ferrée qui vient de Bourges à La Guerche, il suffit de franchir le rebord oriental du plateau ju- rassique pour passer brusquement d'une région sèche à une région humide. (Cf. VACHER, Le Berry, p. 480. Libr. A. Collin.) de grande communication allant de Sancoins à Baugy. Elle est arrosée par le Luisant. LE LUISANT La commune de Germigny est traversée du Sud au Nord-Est par une petite rivière qui arrose le bourg de Germigny en le contournant en partie et qui prend sa source à la ferme de Luisant (commune de Vereaux), d'où le nom de Luisant donné à cette petite rivière qui n'est guère qu'un large fossé depuis son entrée dans la commune jusqu'aux abords du bourg. Le Luisant tarit presque tous les ans, en été, dans cette partie de son cours. En aval de Germigny où il est alimenté par quelques sources et prin- cipalement par la fontaine du Bourg, il coule plus abon- damment jusqu'à son confluent, l'Aubois, à proximité du Moulin de Faguin, commune de La Guerche. En hiver, il déborde, après quelques jours de pluie. Il n'a pour affluents que de simples fossés qui lui apportent les eaux de la vallée. CHAPITRE DEUXIÈME ÉPOQUE GALLO-ROMAINE

Origine du nom du lieu. — Monuments gallo- romains. — Trouvailles (pièces de monnaies, poteries, etc.). ORIGINE DU NOM « GERMI GiY Y » Les noms romains de localités sont assez nombreux dans le Berry. De fait, les noms de lieux habités n'ont pas été en général aussi modifiés, à travers les siècles, que les mots du langage courant ; ils conservent mieux que les termes usuels le souvenir de l'époque qui les a vus naître. Parmi ces noms de lieux habités, un groupe est suscep- tible, plus que tout autre de se plier à la recherche que nous tentons, c'est le groupe des noms qui se terminent par les finales y — IGNY — A Y. De ce groupe est Germigny. Nul doute que ces noms de lieux n'aient été originairement désignés par le nom de leurs anciens propriétaires (Cf. RAYNAL). D'après H. d'Arbois de Jubainville, dans son savant ouvrage sur l'origine de la propriété foncière et des noms de lieux habités en (période celtique et période romaine), Germigny tirerait son origine du nom du genti- lice (1) « Germanius », (2) d'où viennent Germaniacus et Germiniacus. L'orthographe la plus ancienne, Germania- cus avec un a après l'm, persiste dans deux noms de com- munes : Germagnat (Ain), Germagny (Saône-et-Loire). Ailleurs, l'orthographe la plus moderne avec l'i après l'm a été préférée. Germignac (Charente-Inférieure) Germigney (Jura et Haute-Loire), Germigny (3) (Cher, Loiret, Marne, Seine-et-Marne, Nièvre, Yonne). Chacun de ces départe- ments contient une commune du nom de Germigny, sauf le département de Seine-et-Marne qui en renferme deux (4).

(1) Le « gentilice » était un membre de la « gens » romaine c'est-à-dire d'un groupe composé de plusieurs familles portant le même nom. (2) Le gentilice Germanius (d'où est venu Germaniacus, Ger- miniacus) a été rencontré quelques fois dans des inscriptions : Q. Germanius Valens, sur une stèle du Musée de Pettau en Styrie (cf. D. BouQuET : III, 406-407) ; Germanius Dentilianus, Germa- nius Petronianus, Germanius Valens dans une inscription d'A- frique (cf. D. BouQUET : VIII, 440) ; Magius Germanius Statorius Marsianus, dans une inscription de Milan (cf. D. BOUQUET : V, 586) ; G. Germanius Carolus, dans une inscription du Musée de Metz (cf. ROBERT : Epigraphie gallo-romaine de la Moselle, fasc. I, pp. 31-33). (3) Germigny-l'Exempt a été désigné en latin Germaniacus : (881, D. BOUQUET) Germaniacum castrum, 1099. (Abbaye de, Chezal-Benoît). Archipresbiteratus de Germiniaco, 1191. (Abbaye de Fontmorigny). Villa de Germigniaco, XIIIe siècle (cart. de l'Arch. de Bourges), etc (4) Le dictionnaire national des Communes de France et des Colo- nies, de J. MEYRAT, édit., 1914, donne sept communes du nom de Germigny : 1° Germigny(Marne), 116 habitants. 2° Germigny (Nièvre), 611 habitants. 3° Germigny (Yonne), 458 habitants. 4° Germigny-des-Prés (Loiret), 484 habitants. 5° Germigny-l'Evêque (S.-et-M.), 244 habitants. / 6° Germigny-l'Exempt (Cher), 860 habitants. 7° Germigny-sous-Colombs (S.-et-M.), 195 habitants. ORIGINE DU MOT « L'EXEMPT » Pour ne pas être confondue avec ses homonymes les plus proches, avec Germigny-sur-Loire par exemple, cette loca- lité prit, à une époque très reculée, le nom de Germigny- en-Lessant. Des chroniqueurs modernes s'appuyant sur l'orthographe du mot « l'Exempt » en ont conclu que ce surnom était l'indice des franchises obtenues, au Moyen Age. Ils ont supposé que, dans les temps de guerres incessantes soit civiles, soit d'invasion, soit religieuses, le vainqueur dont le premier soin était d'imposer des tributs souvent exorbi- tants a pu, à la faveur d'actions courageuses manifestées à son profit par les habitants, les exempter de lourdes charges. Ceux-ci en auraient perpétué le souvenir glo- rieux en obtenant l'autorisation de joindre au nom origi- naire de leur cité celui de « l'Exempt ». Hélas ! ce n'est là qu'une hypothèse purement gratuite, et nous verrons combien elle est peu soutenable, en étudiant la « coutume de Germigny ». Le mot « l'Exempt » semble tirer son origine du petit ruisseau qui arrose la localité. Il était désigné ancienne- ment sous le nom de Lessant ou Luisant. Nous pouvons d'ailleurs suivre à travers les âges les différentes transfor- mations de ce nom. Au xiie siècle, on l'écrit : Germigny-en-Lessant. « Raoul II acquittait à Hervé, comte de Nevers les terres et châ- teau de Germigny-en-Lessant. » (Inventaire historique de l'abbé de Marolles. — Layette de Donzy). Dans le cartulaire de l'abbaye de Fontmorigny, il est question de la châtellenie de Germigny-en-Luisant (1478). François Ier, dans certaines lettres, annulait en faveur de Babou de la Bourdaisière, le saisissement qui, sous l'ombre de commission royale, avait été pratiqué sur les terres de Germigny-en-Luisant, lesquelles avaient appartenu à Char- les de Bourbon. » (Amboise, 12 décembre 1526. — Lettre jadis entre les mains de M. Roubet). Dans le terrier de Sancoins nous trouvons Germigny-en- Luysant (cf. Arch. du Cher. B ;), 1499. — Germigny- Lexamp (1621) cf. Archives de la Seigneurie de la Guerche). Guy Coquille, dans son histoire du Nivernais, en 1672, nous offre Germigny-en-Laixant. Les Archives de Ville- quiers donnent, en 1724, Germigny-en-l'Exempt ; Germi- gny-en-Exempt (1716, Justice de Sagonne). Dans les Pouillés du diocèse, de 1592, 1621, 1648, on trouve la forme actuelle : Germigny-l'Exempt. Comment les deux S primitives de Lessant se sont-elles transformées en X dans Laixant, l'Exempt, etc... ? Avec M. Roubet (1), nous abandonnons volontiers cette transfor- mation aux sables mouvants de la conjecture. GERMIGNY GALLO-ROMAIN Guy Coquille, dans son histoire du Nivernais, parle ainsi de Germigny-l'Exempt : « Cette petite ville, dit-il, forti- (1) M. ROUBET Louis Gaspard, né à Nevers, le 6 février 1810, fit ses études aux collèges de Nevers et de Bourges. Il fut admis- sible à l'Ecole polytechnique, mais sa santé ne lui permit pas de se présenter aux examens oraux. A peine rétabli, il s'engagea dans l'artillerie, mais ses forces le trahirent bientôt et il dut quitter le service. Il fait alors ses études de droit, puis devient notaire à Decize. Les vieux papiers, l'histoire et l'archéologie l'attirent et il commence à collectionner parchemins, médailles, poteries, armes et tapisseries. Nommé juge de paix à La Guerche, le 4 mars 1852, il accumule dans sa villa du Gravier, tous ses trésors. La Société nivernaise inséra dans son Bulletin de nombreuses notices. M. ROUBET est mort le 26 avril 1889 ; il 'était président de la Société nivernaise et président de la Société historique de l'Indre. Instruit, spirituel, complaisant pour ses collègues, il écrivait fort bien, dessinait sûrement et sculptait avec goût. (Diction. biogr. des pers. nées en Nivernais ou revendiqués par le Nivernais, par Victor GUENEAU.) PLANCHE I.

la Vallée de GERMÍGNY

Carte de la Vallée de tjêrmigny-VExempt (Cher) (Voir page 9.) fiée par d'épaisses murailles d'enceinte, au pied desquelles de profonds et larges fossés avaient été établis et dont il reste encore des vestiges, était en outre défendue par une vaste et haute tour carrée de construction romaine assise sur un point culminant formé par la main des hommes, au centre des remparts de la ville ; la plus grande partie de cette tour et de son tumulus a disparu et fait place à des habitations. » Un autre historiographe ajoute : « Il semble bien en effet que cette ville de défense, poste avancé entre la Loire et l'Allier, exposé aux entreprises des Eduens habi- tant la rive droite de la Loire et des Boiens qui occupaient la rive gauche de l'Allier, fut fondée par les Gaulois Bitu- riges Cubi, en possession de la première Aquitaine (aujour- d'hui le Berry) dont la capitale était Avaricum » (Cf. MÂssÉ). Quoi qu'il en soit, occupons-nous uniquement des docu- ments certains que nous possédons sur l'origine gallo- romaine de Germigny. A. — Ainsi que nous l'avons dit précédemment, Ger- migny (Germiniacus, Germaniacus) est un nom d'origine romaine, rappelant le nom du gentilice Germanius. B. — VILLAS. Il existait à Germigny, il y a quelques années des restes de villas romaines. Avant la conquête romaine, les habitations de nos an- cêtres, les Celtes, étaient des plus rudimentaires ; c'étaient de simples huttes avec une porte et pas de fenêtre ; une ouverture dans la toiture laissait passer la fumée. Après la conquête, la Gaule fut vite transformée ; de celtique, elle devint romaine. Les grands seigneurs gaulois quittèrent les huttes de bois ou de terre battue pour d'élégantes demeures bâties à la romaine et pourvues de tout le bien- être et le luxe qu'avait créés la civilisation du vainqueur. Les habitations des champs et de campagne, construites par les architectes romains sur un plan uniforme, s'appe- laient « villas ». La plupart de ces villas devenant centre d'agglomérations, ont gardé jusqu'à nos jours le nom de leurs anciens propriétaires. A Germigny, on a découvert, en 1862, des restes de villas romaines. Voici comment M. Roubet rend compte de ces découvertes : « Nous avons découvert, dit-il, une cella gallo-romaine dans le champ des Crées, dépendant du domaine de SalbŒuf appartenant à cette époque à Mme Elie de Beaumont. Le caveau était profond, rempli de terre et d'ossements humains ; nous avons compté onze têtes qui révélaient des âges bien différents. Un des crânes que nous avons conservé serait peut-être digne de l'observation des craniographes ; de plus, il porte à son sommet une perfo- ration nettement accusée qui semble indiquer qu'il a dû être frappé par la lame d'une arme meurtrière. La cella, un instant mise au jour, reste maintenant ignorée et, comme pendant le cours des siècles antérieurs, la charrue passe et repasse sur le sol aplani » (1). Un autre vestige de villa romaine existe également à Chezelles qui, durant de longs siècles, fit partie de la châ- tellenie et paroisse de Germigny. Un des angles de la cour de ce vieux châtjau a révélé des ruines romaines importantes. On y voit encore les fondations de plusieurs murs se coupant à angles droits, construits à larges joints et en appareil de petits moellons à peu près carrés ; les joints ont été repassés au fer. Les murs ont encore une hauteur de 0 m. 70 ; au bas, est une petite plinthe chanfreinée. Les murs sont épais de 0 m. 50 ; les bases de 0 m. 65, avec une plinthe de 35 mm. de saillie ; ils reposent sur un massif de béton. Plusieurs comparti- ments n'ont que 3 m. 75 de dimensions à l'intérieur.

(1) Cf. ROUBET : Epigraphie historiale du Canton de La Guerche, pp. 110-111. M. Roubet qui a étudié ces ruines et les a fouillées en a retiré d'intéressants débris qui lui semblent ceux d'un portique romain couvert de la plus riche ornementation. Sur un fragment de moulure a été tracé en creux le nom de IDALLUS. Il a retiré également de ces fouilles deux sta- tuettes ; l'une est une figure assise tenant sur ses genoux une bourse d'où s'échappent des pièces de monnaie ; l'autre main tient une sorte de pain orné de deux traits qui se coupent en croix ; le sarcophage de Saint Ludre, à Déols, nous présente des pains analogues. La seconde statue est vêtue du manteau militaire attaché sur l'épaule ou palu- damentum (Cf. BUHOT DE KERSERS : Statist. cant. de La Guerche). Toujours d'après M. Roubet ces deux statuettes seraient des « imagines sépulcrales » tant elles ont de similitude avec les sculptures qui figurent sur les stèles gallo-ro- maines trouvées à Aléan (Cher) et qui représentent les « défuncti » avec leurs attributs professionnels. Les musées de Sens et de Bordeaux offrent des stèles identiques. La première, qui représente un personnage assis sur un siège à dos et dont la main droite appuyée sur une longue bourse « marsupium coriacum », laisse échapper une série de monnaies, tandis que la gauche, appuyée sur un pain placé sur le genou, représenterait très vraisemblablement un « mensarius », c'est-à-dire un officier chargé des fonc- tions de distribuer au peuple l'argent et le pain, que l'on appelait « gradilis » parce qu'il fallait monter sur une estrade pour l'aller recevoir. — La seconde statuette re- présente un personnage revêtu de la toge désignée sous le nom d' « imperialis ». Le mouvement du bras droit in- dique que la main devait tenir un attribut qu'il ne nous est pas possible de rétablir. Enfin, à la même époque, en 1868, à Arrangy, toujours dans la Commune de Germigny, nouvelle découverte ainsi narrée par M. ROUBET : « Des ouvriers, dit-il, étaient occu- pés à pratiquer des silos dans un sol blanc et argileux ; ils rejetèrent sur le talus divers menus objets dont la forme mieux encore que le mérite de la patine et de la rouille, affirmait l'antiquité gallo-romaine. Arrivé sur les lieux, ajoute M. Roubet, nous distinguâmes mêlés à la terre crayeuse, avec laquelle ils se confondaient par la couleur, de multiples fragments de produits figulins. Ces moulages avaient été destinés à former diverses va- riétés de ces petites statuettes qui se moulaient d'abord en deux parties et qui après leur juxtaposition étaient soumises à l'action du four. C'étaient des Isis sur leur siège natté et surtout des Vénus anadyomèdes tenant d'une main le mantelium, et de l'autre leur chevelure qu'el- les relèvent. Ce dernier spécimen, au surplus, n'est pas rare dans nos musées, bien que du temps de saint Augustin, la possession de semblables figurines fut déclarée irréflé- chie : « inconsiderata ». Au milieu de ces restes d'un autre âge, il nous a été donné de recueillir une terebra et une main en pierre ina- chevée, œuvre d'essai, sans doute, de quelque jeune mou- leur. Telle qu'elle est, cette dextre accuse un certain carac- tère ; les doigts s'appuient sur une hampe, hastile, dans laquelle est pratiquée une cavité faite au moyen de la terebra et destinée à recevoir le cuspis, c'est-à-dire le fer de la lance. N'est-il point possible, conclut M. Roubet, de supposer que le lieu d'Arrangy fut la résidence d'un mouleur, peut-être d'un sculpteur qui travaillait à orner les laraires et les tablina de ces grandes villas que nous retrouvons sur les bords de l'Aubois. » (Mémoire sur une question de céramique par L. ROUBET, 1868). C. — VOIE ROMAINE : Selon certains auteurs la voie d'Avaricum (Bourges) à Nevirum (Nevers) aurait passé à Germigny. Les auteurs du « Nivernais » prétendent que cette voie se voyait encore vers 1830 au-dessus de La Guerche et qu'elle était facilement reconnaissable, mais il est regrettable qu'ils n'aient pas fait connaître avec pré- cision les localités du pays biturige où ils avaient constaté le passage de la voie, de manière à fixer ainsi définitive- ment son parcours. Après la Guerche, l'absence d'indication est complète. Pendant que les auteurs du Nivernais pensaient qu'elle se dirigeait droit sur Bourges en rencontrant alors la voie du château Gordon (Le Nivernais, tome I, p. 195), Raynal et Leudière de Longchamp la conduisent à Germigny, puis à et la rattachent à la voie d'Autun, dont elle ne serait plus dès lors qu'un embranchement. Peut-être, en cherchant bien, trouverait-on des traces de cette voie entre Germigny et Chezelles ou entre Martou et Arrangy. Tout près de Germigny, passait une autre voie romaine : celle de Bourges à Lyon par Autun. Elle sortait de Bourges par la porte de Lyon, suivait la direction de la route nationale N° 153. passait entre Soye et Plaimpied, à Saint-Just, , , , Bussy, Lantan, séparait Blet de Charly, Sancoins (Sinconicus) de Vereaux, allait sur Porc Mornay et continuait dans le Nivernais (Cf. D. MATER, Les voies romaines dans le département du Cher). D. — MONNAIES : La famille Massé, de Germigny, pos- sède une collection de pièces de monnaie dont la plupart furent trouvées dans les champs de labour à Germigny ; dans cette collection, citons des pièces en cuivre de Trajan, Auguste, Néron, Adrien, Marc-Aurèle, Commode, Aurélien, Posthume, Constantin, etc... A la Guerche furent également trouvées des métdailles des empereurs Emilien, Valérien, Gallien, Posthume, Claude Probus et Maximien. L'une d'elles, consacrée à la mémoire de Gallien, porte sur le revers : « Restitut... Galliar... res- taurateur des Gaules » (Cf. Le Nivernais, t. I, p. 196) (1).

ÉPOQUE MÉROVINGIENNE

De cette époque reculée, il nous reste un débris de sarco- phage qui fait partie actuellement de la muraille intérieure du clocher de Germigny (premier étage de la tour). Le dessin de ce fragment représente une suite d'arcatures dont le rapprochement forme une séria de croix en champ levé.

(1) M. Ludovic MARTINET, dans « Le Berry Préhistorique », paru dans les Mémoires de la Société historique du Centre, 3e série, 2e volume, parle ainsi de Germigny, canton de La Guerche : « A Germigny, sur la hauteur de Montgibou, on a trouvé des monnaies romaines et un squelette et des armes en fer. On a également trouvé sur le plateau de Clamours'des squelettes régulièrement placés et * orientés la tête à l'Est. » C'est une erreur. Le Germigny dont il s'agit ici n'est pas le nôtre. Il s'agit de Germigny-sur-Loire. CHAPITRE TROISIÈME MONUMENTS DU MOYEN-AGE ET DU XVI SIÈCLE

Topographie historique du bourg. a) La ville de Germigny était, au temps de la féodalité, fortifiée par une double enceinte de murs et fossés reliés à une citadelle ou grosse tour. Cf. plan C (1). Tout d'abord, la première enceinte, comprenant l'Eglise et la citadelle, ne renferma qu'une étendue de deux hec- tares. Postérieurement, cette surface fut augmentée et . entourée d'une secondp enceinte, par suite de l'accrois- sement de la population. Le nouveau périmètre, encore bien accusé sur certains points, n'est pas visible partout. Il embrasse quatre hectares environ, au lieu de deux hectares qu'entourait la première enceinte ; il comprend (1) Cf. Nicolas DE NICOLAY : (Générale description du Bour- bonnais). quelques maisons du xve et du xvie siècles. Nous traçons cette double enceinte en pointillé sur notre plan topogra- phique du bourg. La route en S sortait des murailles par une porte flan- quée de deux tours dont le souvenir subsistait encore il y a soixante ans ; ces murailles contournaient le jardin de la maison Dubois, le presbytère, passaient à environ trente mètres à l'Ouest de l'Eglise, dans l'enclos de la cure et dans le jardin Auvity, et, après avoir passé le long du jar- din Bougrat, allaient aboutir à l'angle des maisons Massé et Bougrat où se trouvait une porte d'entrée détruite vers 1860 (C). De là, elles longeaient la cour de la maison Massé, les jardins André, Chamignonet venaient aboutir à la citadelle. Le quartier dit « Cul-de sac » était appelé jadis : « Place de la citadelle » ; la cour de M. Massé : le jardin de la ter- rasse et la tour carrée était appelée : « Grosse tour ou Tour des Fiefs ». La seconde enceinte s'étendait, ainsi qu'on peut le voir, d'après le plan, à l'Ouest du clocher, dans la Fontgimut et dans le pré Bernard-Neiret. Cette seconde enceinte dut se construire à la fin du XIe siècle ou au commencement du XIIe. Cette époque, en effet, est caractérisée par un grand progrès social. Paysans et bourgeois commencent à se remuer..., les villes surtout entrent en effervescence. Le principe de ce mouvement est d'améliorer le sort du plus grand nombre, de payer moins et de gagner davan- tage. De ce mouvement sortiront les affranchissements. L'amélioration des classes ouvrières et de la bourgeoisie s'accentue..., les seigneurs sont obligés de céder... ; c'est la marche en avant du progrès social..., la population des centres anciens s'épaissit..., on déserte volontiers la cam- pagne pour la ville..., de là, à cette époque, création de faubourgs, agrandissement des enceintes. Ainsi en dut-il être au XIIe siècle pour Germigny. b) MURAILLES. — Il existe encore aujourd'hui des pans de murailles assez bien conservés. Le presbytère est adossé à l'un d'eux. A cet endroit, l'épaisseur est de deux mètres soixante. On a creusé à l'intérieur des cabinets de toilette attenants à la chambre principale du presbytère. c) FossÉs. — A en juger par la dépression du terrain, les fossés devaient avoir quinze mètres de largeur ; trente mètres en certains endroits. Un puits creusé sur leur em- placement a permis de constater que le terrain remué offrait là une profondeur de six mètres, d'où l'on peut con- clure que les fossés devaient avoir cette même profondeur. Les murailles n'ont presque pas de fondations. Elles ont dû être construites avec les moellons extraits des fossés. Ces moellons étaient en talus sur les murs et leur servaient d'appui dans une certaine mesure. Cette muraille se sou- dait à la citadelle. d) LA GROSSE TOUR (1). — C'était une grosse tour carrée de quinze mètres de côté, ainsi qu'en témoigne le plan cadastral et la matrice (section C. N° 4 du plan) ; masure et maison : deux ares vingt-cinq centiares. Elle avait encore une hauteur de près de vingt-cinq mètres lorsqu'elle fut démolie vers 1860. Nous en donnons le dessin exécuté d'après les indications de plusieurs personnes qui l'ont vue dans leur jeunesse. Cette vue, prise de l'intérieur du bourg, montre son aspect Sud. On remarque qu'il n'y a pas de fenêtres à cette face ; il en existait deux à la face opposée. Les mu- railles, d'une très grande solidité, avaient trois mètres (1) Cette tour était désignée sous le nom de tour des fiefs. Elle était ainsi appelée parceque, de cette tour, selon l'usage, étaient censés relever tous les fiefs mouvant de la châtellenie ; elle résu- mait en quelque sorte le fief dominant ; elle était, suivant l'expres- sion des coutumes : « le lieu où il était assis » et c'était à sa porte qu'il fallait se présenter pour accomplir la cérémonie de l'hommage. De là, le nom de tour des fiefs que lui donnent divers actes. d'épaisseur. Les décombres remplissaient la cour à tel point qu'une maison avec jardin avait été établie au sommet à l'abri des pans de murs. On accédait à cette maison par un sentier montant le long du talus et des dé- combres extérieurs de la tour. A l'intérieur de la tour, se trouvait un puits maintenant comblé, mais dont l'emplacement est encore accusé par une légère dépression de terrain. L'emplacement de la tour est occupé aujourd'hui par une grange avec une cour devant cette grange. La démo- lition a duré plusieurs années et la solidité des murs a souvent découragé les ouvriers. Les produits de cette dé- molition ont servi à empierrer le chemin qui passe devant l'emplacement de cette tour et qui conduit au village de la « Grenouille ». A l'Ouest et au Nord, jusque dans le voisinage de la tour, les fossés se confondaient probable- ment avec le lit de la rivière du Luisant dont les eaux pou- vaient être facilement retenues pour contribuer à la dé- fense (Cf. BARCA, notes). Cet énorme donjon carré était assis, comme nous l'avons déjà dit, sur un monticule de terre. Ce n'était qu'une partie du château, réputé le meilleur de tous ceux que possédaient les sires de Bourbon. Dom Bouquet, dans ses grandes chroniques de France, rapporte qu'au XIIIe siècle, on le considérait comme tel. « Le meillor chastel qu'il (Seingnor de Borbon) avait, Germain estait opelez » (D. BOUQUET : Hist. Franç., XII, p. 224). Suger, dans la vie de Louis VI le Gros, parle du château de Germigny comme de la « plus forte place du baron rebelle » (1). Ses fortifications puissantes pouvaient lui permettre de résister aux attaques et de se préserver des surprises. Aussi, Germigny est-il considéré comme une (1) Cf. SUGER : Vita Ludopici Grossi. place très forte : « Germaniacum munitissimum castrum », lisons-nous en date de 1099, dans les archives de l'abbaye de Fontmorigny. Aussi, sera-ce dans ce château si bien fortifié que se réfugiera le sire de Bourbon, Aymon Vaire Vache, pour s'abriter contre l'armée puissante de Louis VI le Gros. Hélas ! il ne manquait à ce château pour être im- prenable que d'être perché sur un rocher au lieu d'être construit sur une légère éminence au milieu de la plaine. Le castrum munitissimum ne tint pas devant l'armée de Louis VI et le Sire de Bourbon dut se rendre (Cf. les auteurs du Nivernais). A quelle époque fut détruit ce château-fort ? Le fut-il par les Anglais ou par les protestants durant les guerres de religion ? Certains auteurs prétendent qu'il le fut par les Anglais au début du xvie siècle. C'est possible. D'autre part, nous savons par l'intéressant travail de M. de Bri- mont Sur les guerres de la Réforme en Berry, que plusieurs châteaux aux environs de Germigny furent rasés par les protestants, durant cette période des guerres de religion. Le château de Germigny eut-il le même sort ? C'est encore fort possible ? Ce qui est certain, c'est qu'en 1557, il n'existait plus. A cette époque, en effet, il n'est nullement signalé par de Nicolay. En 1557, de Nicolay faisait paraître son ouvrage intitulé : Vraye et générale géographique description du pais, élection et duché de Berry. Or, dans la carte très minu- tieusement dressée qui illustre ce magnifique volume, l'au- teur a dessiné les châteaux et églises existant alors. Les châteaux de Sagonne, Bannegon, , La Guerche, etc... s'y trouvent. Germigny n'a plus que son Eglise. De château, pas de trace (Cf. DE NICOLAY, ouvrage réédité chez A. AUPETIT en 1883. Châteauroux) (1). (1) De plus, DE NICOLAY, dans un autre ouvrage : Générale description du Bourbonnais (1569), dit en parlant de Germigny . On peut, à l'aide de documents, se faire une idée assez exacte de ce qu'était le donjon de Germigny. De ces don- jons antiques, il en existe encore six assez bien conservés sur notre sol de France. Dans les régions de plaines — c'est le cas pour Germigny — les donjons étaient tout sim- plement des tours massives carrées ou rectangulaires. Elles étaient appuyées d'épais contreforts, percées de fenêtres rares et étroites, placées au premier étage. Pour y accé- der, il fallait une échelle mobile ou un pont volant. Au sommet, point de créneaux ni de mâchicoulis. A l'inté- rieur, trois ou quatre étages mais sans voûtes, séparés par de simples planchers. On montait d'une salle à l'autre par un petit escalier pratiqué dans un angle de la muraille, ou même, système plus primitif, la communication se fai- sait par une trappe. Le plus ancien donjon de cette espèce est peut-être celui de Langeais (Indre-et-Loire) bâti, dit-on, par Foulques Nerra. Tels encore ceux de Loches, vingt- cinq mètres sur quinze de largeur et quarante-cinq mètres de hauteur ; de Montrichard (Loir-et-Cher) ; de Domfront (Orne). (Pour plus de détails, cf. LUCHAIRE, Les premiers Capétiens, 987-1137). e) PORTAILS DE VILLE. — En 1830, il existait encore un portail de ville au milieu de la grande rue, en D, entre les maisons Massé et Bougrat. Ce portail fut démoli cette même année par les soins du maire, à la sollicitation des habitants, parce que, dit le procès-verbal, il menaçait ruine, au point que journellement il s'en détachait des pierres « qui pouvaient occasionner de graves accidents », moyennant la modique somme de cent cinquante-trois francs trente-cinq et l'abandon de la meilleure pierre et Germigny est au nombre des dix-sept chastellenies du Bourbon- nais, anciennement ville close accompagnée d'un beau chastel-fort, le tout de fort longtemps ruiné par les guerres. » (Cf. Générale description du Bourbonnais par Nicolas DE NICOLAY, t. II, p. 59.) du sable « eu égard à la difficulté qu'offraient la démolition et le transport de ses débris» (1). Les ruines d'une seconde porte de ville en A, près des écuries de la maison Massé, ne sont complètement dispa- rues que depuis 1857. On n'a aucun souvenir des autres portes. Cependant ma grand'mère Anne-Marie Darsaut, femme Lhardy, morte en 1893 à l'âge de quatre-vingt-dix ans, m'a certifié avoir vu une autre porte de ville Sud, en R (cf. plan) ; c'est là d'ailleurs que devaient aboutir les fortifications de la seconde enceinte de la ville. Notons également que le chemin d'accès par le Nord devait être rendu très difficile par le Luisant et les marécages qu'il formait en cet en- droit. D'après les auteurs du Nivernais (Achille ALLIER), on entrait dans la ville par une porte flanquée de deux tours (cf. plan, en S). Le remblai et le pont actuels datent seulement de 1845, époque de la construction de la route de La Guerche à Ger- migny. Auparavant, il n'existait qu'une passerelle pour les piétons. Les voitures passaient à gué (cf. le vieux Germi- gny). /) LA CONCIERGERIE. — Un corps de logis (0), situé près de la porte de ville, en A, s'appelait la conciergerie. Dans l'inventaire des biens de la Marquise de Bonneval, pro- priétaire de Châteaurenaud, inventaire dressé à la Révo- lution, il est question de cette conciergerie. Elle servait de prison et, à l'époque révolutionnaire, était occupée par le nommé Malet, « lequel déclare être logé gratuitement, à la charge par lui d'avoir soin des prisonniers » (cf. Arch. dép. Q. 358). La conciergerie se trouve derrière la maison Couil- lebeau. g) MAISONS DES xve ET xvie SIÈCLES. — Il y a quelques (1) Cf. Arch. municipales ; Procès-verbal. maisons des xve et xvie siècles. Citons la maison de Mme Ro- ger appartenant actuellement à Mlle de Crèvecœur, la mai- son André et quelques autres, dont la maison Auvity. Dans la maison de Mlle de Crèvecœur, ancienne maison Roger (plan I), habitait jadis le châtelain. Cette maison comprend un escalier de pierre en pas de vis, deux grandes salles avec grandes cheminées monumentales et de grandes croisées avec meneaux en pierre, supprimées depuis long- temps. A l'intérieur des fenêtres et dans les angles sont ménagés des sièges en pierre permettant de regarder de- hors. La charpente très vieille et fort solide est très bien faite. L'ensemble date du xve ou du xvie siècle. La maison André est assez curieuse par ses tours et son escalier de pierre en pas de vis. La maison Auvity n'a de style que dans la porte d'entrée. Sur l'un des jambages d'une fenêtre, on pouvait lire ces deux inscriptions latines ; à la date de 1778 : « Si peccare vis, quoere ubi te non videat Deus (Saint Augustin). Si tu veux pécher cherche un endroit où Dieu ne te verra pas. — Maria, 0 nomen sub quo nemini desperandum. Marie, 0 nom qui chasse tout désespoir (Saint Bernard). L'Église. M. Buhot de Kersers, dans son savant ouvrage : « His- toire et statistique monumentale du département du Cher » l'a étudiée en détails. Dans la description que nous allons en faire, nous utiliserons très largement son étude en la complétant quelque peu. L'Eglise de Germigny, par sa belle et haute tour anté- rieure, par sa belle porte du XIIIe siècle, est une des plus remarquables de cette région. PARTIE ORIENTALE La partie orientale de l'Eglise, comprenant le chœur, trois absides (1) orientées et un transept (2), remonte aux XIe ou XIIe siècles. L'abside centrale, plus large et plus saillante, peu profonde, éclairée de trois fenêtres, est pré- cédée d'une courte travée voûtée en berceau. (Voyez le plan.) Les bras du transept n'ont point de traces de voûtes ; la nef était couverte d'un lambris de bois, avant 1866. Actuellement, elle est en plâtre. A droite de la nef est une chapelle seigneuriale qui a conservé son pignon à rampe- rolles ; elle doit dater du xve siècle. Le plan forme donc la croix latine usuelle et a dû pré- senter primitivement une croisée centrale portant une tour, remplacée peu après sa construction par la belle tour de la façade. En tout cas, nous savons qu'un incendie détruisit les parties hautes du chœur, en 1773, et qu'elles furent rétablies peu après. (Cf. Arch. du Cher : Fonds de l'Arche,T. Visites de paroisses et maisons archiépiscop.) Les contreforts du chevet sont couverts d'un chaperon étroit au-dessus d'un cordon. Les fenêtres à petits cla- veaux (3) sont très larges : il semble qu'on a suppriraé, les montants et claveaux qui rétrécissaient ces ouver- tures, en formant retraite sur l'extérieur. Avant 1866, on voyait encore au dehors un modillon (4) représentant un personnage tenant un poisson. (1) Rond-point d'une église. (2) Enceinte primitivement entourée de barrières placées au delà de la nef, dans les basiliques ; l'extension des transepts a croix.donné plus tard aux temples chrétiens la forme symbolique d'une (3) Pierre taillée en coin pour une plate-bande, une voûte, etc... nir(4) la corniche.Pierre ou pièce de bois, ou de fer, mise en saillie pour soute- TOUR ET NARTHEX

En avant de l'Eglise à l'Ouest, est un large narthex (1), à trois nefs, comprenant un rez-de-chaussée surmonté d'une galerie. Sur la partie centrale, s'élève une tour isolée, à quatre étages au-dessus des bas côtés. La nef moyenne de ce narthex est à peu près carrée et voûtée d'une coupole hémisphérique, descendant aux angles, en sorte de pendentifs et percée d'un large ocu- lus (2). Les piliers sont sur plan crucial, avec de fortes colonnes cylindriques engagées au devant des faces, et des chapiteaux (3) énormes du plus beau travail. Nous en dessinons un qui, malgré de graves mutilations, est encore très appréciable. Aux angles supérieurs sont deux bêtes monstrueuses. La corbeille 'est enveloppée de deux ran- gées de feuilles d'acanthe fortement nervées, dont les inter- valles sont occupés par de plus petites feuilles. Au bas, est un lien avec feuillage retombant alternativement au de- dans et au dehors (cf. planche). Les archivoltes (4) sont de plein cintre et bien appareil- lées. Une porte cintrée ouvre sur le dehors. Les bas-côtés, plus étroits sont voûtés de berceaux naissant au-dessus des cintres ouverts sur le portique central. Ils ouvraient au- trefois sur le dehors par de larges baies latérales et d'étroi- tes portes de façade, dégagements a ijourd'hui murés. Les bases de toute cette partie ont été enfouies sous un rem- blai d'une certaine épaisseur.

(1) Vestibule intérieur des anciennes basiliques. Le narthex n'était souvent que le rez-de-chaussée des tours. (2) Ouverture circulaire. (3) Evasement qui forme la partie supérieure d'une colonne et qui est ordinairement sculptée. (4) Partie supérieure courbée en arc, d'une porte ou d'une fe- nêtre s'appuyant sur les impostes. PLANCHE II.

Eglise de Germiïfùgk*Exempt (Cher). (D'après un dessin de HASS.) — Voir page 30.

Le premier étage, de mêmes dispositions et dimensions que le rez-de-chaussée, est richement orné. La saillie qu'y forme le dôme central inférieur est rachetée par trois degrés établis dans les baies latérales de communication. Les voûtes de ces baies reposent sur des colonnettes à chapiteaux variés, feuillages, fleurs. Nous en remarquons un où deux oiseaux boivent dans un vase ; un autre où est un arbre à tronc torse et à fruits nombreux. Les murs des côtés sont décorés d'arcatures aveugles à pilastres carrés sur un stylobate (1) continu. Cette tribune est éclairée par une fenêtre de pleir cintre. Trois baies s'ouvraient sur la nef. Celle du milieu plus haute, à arc surbaissé, est décorée de pilastres à fins chapiteaux. Cet étage possède aussi une calotte demi-sphérique avec trou à cloches au milieu. On y accède par un escalier de bois grossier, mais dont l'alvéole réservée dans la voûte accuse l'antique origine. De là jusqu'au haut de la tour, l'ascension se fait par des échelles. A ce point haut de quinze mètres, s'arrêtent les parties latérales du narthex et la tour s'élève seule sur la partie carrée du bas. Ce nar- thex, formant un puissant soubassement, est décoré au dehors d'une grande baie aveugle accostée de deux petites, montant toutes trois jusqu'au haut de la partie large. Celle du milieu comprend au bas la porte de plein cintre, à double retraite sur grosses colonnes et puissants chapi- teaux. A parler plus proprement, les quatre contreforts destinés à contrebuter les poussées intérieures, sont étré- sillonnées au haut par des voûtes extérieures de plein cintre bien appareillées. La vue que nous donnons de la tour fera bien comprendre les dispositions de cette façade. La partie supérieure de la tour comprend quatre étages :

(1) Piédestal continu formant un soubassement sur lequel s'ap- puient plusieurs colonnes. le premier est décoré sur chaque face de trois arcades à colonnettes, celle du milieu seule percée ; les bases en sont masquées par le toit de l'empâtement inférieur. Le deuxième étage présente, de chaque côté, quatre arcades aveugles ; la face antérieure a été reprise en mur plat. Deux petits contreforts en avant, deux colonnes en- gagées sur les flancs encadrent ces deux étages. Le troisième étage, en retrait, a ses angles décorés de deux colonnettes superposées et ornées d'arcades de plein cintre géminées sous de plus grands arcs. Il est surmonté d'une corniche sur modillons variés. L'étage supérieur est semblable, et cette répétition de la corniche peut faire croire qu'il a été ajouté à la cons- truction primitive. Le toit est simplement pyramidal : c'était autrefois une très haute et très belle flèche qui fut détruite par l'incendie de 1773. Nous en pouvons conclure qu'elle n'était pas en pierre. PORTE Sous ce porche et dans la baie qui communiquait avec l'Eglise, fut construite au XIIIe siècle une porte fort belle, encore bien conservée. Elle comprend deux montants re- • vêtus de rinceaux, portant un tympan chargé de bas reliefs. Deux parties évasées à droite et à gauche, devaient être masquées par des cariatides et portent des voussures gar- nies de statues ; enfin, deux colonnettes portent une gorge antérieure d'encadrement garnie de rinceaux. Le tout forme un petit avant-corps saillant entre les deux grosses colonnes des archivoltes latérales. Les montants latéraux donnent en plan, au dehors, un pied droit, dont l'angle intérieur est orné d'une gorge, d'une baguette, puis d'une autre gorge et d'une colonnette ; la partie oblique a conservé une base circulaire et un cha- piteau ; leur intervalle devait être occupé par une colonne ou plus probablement par une statue disparue, comme à Vereaux ; enfin le montant de la porte vu dans la partie que cachait la statue et orné d'une bande verticale de rinceaux sur la partie apparente, soutient par un corbeau saillant le linteau monolithe horizontal. Les bases de ces montants sont assez ilnement travail- lées. Outre le socle qui a été enterré en partie par le rem- blai, on voit encore une plinthe ornée de stries verticales et un dé orné de quatre feuilles. La base proprement dite est formée d'un tore très aplati, ne débordant pas le socle, avec griffes aux angles ; la scotie est droite, le tore supé- rieur mince. Nous trouvons ces bases à l'Eglise souter- raine de Bourges et nous pouvons leur assigner une date voisine de l'an 1200. Les chapiteaux ont la corbeille revêtue de feuilles plates et polylobées et les caulicoles supérieures seules repliées sous le tailloir. Les chapiteaux des cariatides s'épanouissent en dais, et leur extérieur est décoré d'édifices simulés à dômes et à plu- sieurs étages de fenêtres. Il en est de même aux portails latéraux de la cathédrale de Bourges. Le tympan représente l'adoration des Mages. Au milieu se tient la Vierge nimbée portant sur ses genoux l'Enfant- Jésus. Elle est assise sur un trône à claire-voie, les pieds sur un escabeau percé d'œillets, et abrité sous un édicule trilobé couvert de dômes squameux. Au-dessus du toit, au côté gauche, apparaît l'étoile conductrice des mages. A la droite de la Vierge, gauche du spectateur, sont les trois mages couronnés. Celui du devant a un genou en terre et offre son présent la main levée. De l'autre côté de l'édicule, sont trois personnages : un ange, une autre figure nimbée tenant un papyrus : ce groupe indique pro- bablement « l'Annonciation » ; en arrière est une autre figure assise. Quelle est-elle ? La gorge des voussures contient six figures d'anges, trois de chaque côté, une par pierre. La gorge du larmier extérieur est décorée de rinceaux transversaux assez confus, les uns saillants en crochets usuels, les autres simples feuilles polylobées masquant les joints de leurs tiges. Deux monstres accroupis et grossiers masquent le bas de cette gorge. Les rinceaux du bandeau vertical de droite sont de la plus grande beauté ; ils sont enroulés en spirales et superbement modelés ; la plupart ne sont que des feuillages variés ; quelques-uns contiennent en outre des oiseaux. Nous en dessinons plusieurs. Le ban- deau de gauche est à peu près détruit et d'ailleurs masqué par un bénitier informe. Les deux corbeaux qui soutien- nent le linteau sont deux personnages très affaissés sur eux-mêmes, mais cependant de bon style. Tel est, ajoute M. Buhot de Kersers, ce superbe hors- d'œuvre dont la rare conservation est bien exceptionnelle dans nos contrées. Avant de laisser l'Eglise, ajoutons encore à cette vue d'ensemble, un regard sur certains détails. LA CHAPELLE DE LA VIERGE La chap Jle dite de la Vierge, à droite de la nef, était jadis la chapelle seigneuriale. C'est là qu'actuellement encore la famille de Maistre a son banc pour l'assistance aux offices. Ainsi que nous l'avons dit, cette chapelle est du xve ou du xvie siècle. Elle a conservé son pignon à ramperolles. La voûte est sous-tendue par un réseau de nervures. Les retombées de ces nervures reposent sur des culs-de-lampes représentant les animaux apocalyptiques (1). 1 (1) On lit dans Y Apocalypse (IV. 68), qu'autour du trône de A signaler également dans cette chapelle, la fenêtre flamboyante ornée d'un vitrail moderne, représentant Notre-Dame du Sacré-Cœur d'Issoudun et saint Joseph : don de Mme la Comtesse de Montsaulnin. CHAPITEAUX C'est dans les chapiteaux surtout que la sculpture reflète le génie du Moyen Age, extravagant et naïf, subtil et trivial à la fois, mêlant aux plus suaves images ces grima- çantes chimères qui défient la raison. Dans le narthex, à signaler le chapiteau (V. Pl. fig. 1). Ce chapiteau est fort curieux. Il a sous chaque angle une tête d'animal (porc) dont le double corps s'étend sur chaque face. La queue de chaque animal est enroulée avec celle du voisin auquel il tourne le dos. Ces deux queues enroulées sont retenues dans la gueule d'un diable à tête de chat. La tête de ces porcs à double corps est appuyée sur la tête d'un personnage qui semble manifester une certaine douleur, car il se tient le ventre à deux mains. Le même chapiteau se trouve encore dans ce qui reste de la vieille Eglise du château, transformée actuellement Dieu se trouvent quatre animaux ayant la forme d'un lion, d'un veau, d'un homme et d'un aigle. Les animaux mystiques ordinai- rement représentés avec des ailes — c'est le cas à Germigny — ont un nimbe autour de la tête et sont considérés aussi comme les symboles des Evangélistes. L'homme représente saint Matthieu, parce qu'il a mis en relief l'humanité de Notre-Seigneur dont la généalogie ouvre son évan- gile. Le lion, le roi des animaux, est l'emblème de saint Marc qui a proclamé la royauté du Sauveur. Le veau ou le bœuf, la victime des sacrifices de l'ancienne loi, Zacharie.figure saint Luc dont l'Evangile s'ouvre par le récit du sacrifice de L'aigle est le symbole de saint Jean, qui, en racontant les gloires dufixement Verbe, lea soleilélevé sonlevant. vol au plus haut des cieux et a pu considérer en maison d'habitation et sise dans l'enclos des religieuses de Marie-Immaculée. Il existe à Bourges un chapiteau provenant de l'Eglise de Mon ter moyen (xme siècle) actuellement détruite et repré- sentant à peu près la même scène. Enfin, scène analogue sur un chapiteau de l'Eglise Saint-Pierre ville haute, à Chauvigny dans la Vienne. Que signifie cette scène ? Peut-être symbolise-t-elle le vice de la gourmandise ou de la luxure ? Le porc étant l'emblème de ces deux vices. Le chapiteau (fig. 2) dans le narthex représente la scène de Daniel dans la fosse aux lions. Nous y voyons les lions, Daniel debout ; — l'Ange du Seigneur tient par la tête le prophète Habacuc portant à manger à Daniel. On y voit également les corps humains et la brebis qu'on donnait chaque jour en pâture aux lions. Voici comment la Bible (DAN., ch. XIV) rapporte cette scène : « Daniel fut jeté dans la fosse des lions et il y demeura six jours. Il y avait dans la fosse sept lions, et on leur donnait chaque jour deux corps et deux brebis ; mais alors on ne leur donna pas cette pâture, afin qu'ils dévorassent Daniel. En ce même temps, le prophète Habacuc était en Judée ; et ayant apprêté une bouillie, il la mit avec du pain trempé dans un vase, et l'allait porter dans le champ à ses mois- sonneurs. L'Ange du Seigneur dit à Habacuc : Portez à Babylone le dîner que vous avez, pour le donner à Daniel, qui est dans la fosse des lions. Habacuc répondit : Seigneur, je n'ai jamais été à Babylone, et je ne sais où est la fosse. Alors l'Ange du Seigneur le prit par le haut de la tête, et, le tenant par les cheveux, il le porta avec la vitesse et l'acti- vité d'un esprit céleste jusqu'à Babylone, où il le mit au- dessus de la fosse des lions. Et Habacuc dit avec un grand cri : Daniel, serviteur de Dieu, recevez le dîner que Dieu vous a envoyé. Daniel répondit : 0 Dieu ! vous vous êtes souvenu de moi, et vous n'avez point abandonné ceux qui vous aiment. Et, se levant, il mangea. Mais l'Ange du Seigneur remit aussitôt Habacuc dans le même lieu où il l'avait pris. » (1). Telle est dans sa simplicité et sa beauté la scène repré- sentée par l'artiste sur le chapiteau de notre Eglise. Ce sujet a été souvent traité, particulièrement au Moyen Age. On se plaisait à voir dans cet épisode une image terrestre de la résurrection éternelle. Il faut signaler encore deux autres chapiteaux dans le narthex. L'un (fig. 3) représente des têtes humaines qui, coiffées à la mode de l'époque, semblent être des portraits. L'autre chapiteau présente à chaque angle des têtes de diables, entre lesquelles se trouve une brebis. La partie inférieure est ornée de feuilles détachées donnant à l'en- semble du chapiteau une extrême élégance. Au premier étage de la tour, un chapiteau (fig. 4) repré- sente deux oiseaux buvant dans la même coupe. Ce sujet n'a peut-être rien de symbolique. Quelques-uns pourtant l'ont regardé comme la reproduction modifiée par le goût byzantin des deux colombes buvant dans une coupe : emblème de la douceur et des vertus chrétiennes, que l'on trouve très fréquemment gravées au trait sur les pierres tumulaires des premiers siècles de l'Eglise. On voit la même scène sur le chapiteau de la nef de la cathédrale du Mans. De Caumont dit avoir rencontré ce même sujet sur plusieurs chapiteaux du XIIe siècle. Signalons encore deux chapiteaux dont l'un représente l'arbre de la science du bien et du mal (fig. 5). L'autre le rosier produisant la « rose - mystique » (rosa mystica) (fig. 6).

1() Cf. DANIEL, ch. XIV. MODILLONS OU CORBEAUX Les modillons sont des espèces de consoles sculptées placées au-dessous des corniches. Ces modillons figurent des têtes humaines portant la coiffure de l'époque, por- traits vraisemblablement de seigneurs, bourgeois ou per- sonnages importants de la ville. — D'autres têtes sont grimaçantes, grotesques, généralement bouffies, ouvrant largement la bouche. On y voit aussi des têtes d'animaux, « chat, chien, porc », ou des objets d'un usage habituel tels que petits tonneaux dont se servent les ouvriers de la campagne pour porter au champ leur boisson ; on voit également un marteau et un écusson. Quelquefois les modillons sont très simples ; en forme de consoles, comme ceux des églises romaines primitives.

Châteaurenaud. Avant de passer à l'histoire des seigneurs de Germigny, il nous reste à décrire les châteaux de Châteaurenaud et de Chezelles. La Seigneurie de Châteaurenaud eut ses seigneurs parti- culiers jusqu'au XVIIe siècle. C'est Bernard Briçonnet d'Oizonville, qui reconstruisit le château actuellement exis- tant (1).

(1) Ce château a été bâti sur un mamelon au-dessus de l'Aubois. Il n'y faut pas chercher ces tours massives, ces murailles épaisses dont on avait besoin au moyen âge pour se défendre contre les attaques et se préserver contre les surprises. On sent ici l'influence d'un pouvoir pacificateur ; les fossés ne sont creusés que pour donner au château un aspect imposant, d'élégantes terrasses rem- placent les remparts féodaux, les tours deviennent des pavillons, et les fenêtres larges et hautes laissent entrer à flots la lumière qui ne pénétrait jadis qu'avec peine à travers des ouvertures étroites Voici la description de Châteaurenaud, d'après M. Buhot de Kersers : « Le château actuel occupe la partie orientale d'un vaste rectangle entouré de douves ou fossés murés. L'entrée est à l'Ouest sur un pont dégagé par des quarts de cercle, et donnant accès vers un petit pavillon très orné. La porte peu élevée, presque carrée, est encadrée d'une moulure de section demi-ovale ; les parvis des murs sont en assises à bossages, et des saillants, aussi de bossage, forment des sortes de larges pilastres devant lesquels sont des pilastres doriques plats. La corniche, sur denti- cules, contourne un fronton triangulaire, où est un écus- son ovale entre deux guirlandes de chêne et de figuier. Cet écu est supporté par deux lions, et timbré d'un heaume grillé de face à lambrequins. Il porte d'azur, à la bande componnée argent et gueule, chargé sur le premier compon d'une étoile d'or et accostée d'une étoile en chef (1). De même les émaux n'y sont pas indiqués. Ce sont les armes des Briçonnet d'Oizonville. Sous ce pavillon sont des meurtrières ouvertes dans les murs latéraux, simulacres des anciennes défenses. A l'angle gauche de la cour est une tour ronde avec cor- niche à denticules et couverte d'un toit d'ardoises en forme de dôme surmonté par un lanterneau. On voit au-dessus de la porte un fronton circulaire et une petite croix chargée d'un cœur que percent trois clous. La chapelle, qui occupe l'intérieur de cette tour, est' carrée ; elle est voûtée et ses arêtes retombent sur des piliers saillants dans les angles. Le tableau d'autel est entouré d'un cadre en pierre sup- porté par deux rampants qui s'épanouissent à leurs bases et embarrassées par des barres de pierre ou de fer. On le voit, la vie commode et luxueuse du grand seigneur de la cour de Louis XIV a remplacé les habitudes sauvages et guerrières des chevaliers du moyen âge. (Cf. Le Nivernais. Allier, hist.). ROUBET.(1) Cf. Epigraphie historiale du Canton de La Guerche, par Louis en volutes et forment, à leur partie supérieure des res- sauts reposant sur des mutules. Au-dessus est une frise, ornée de draperies et une corniche : enfin, tout au haut, un cartouche chargé de feuillage encadrant un écu ovale ; au sommet une croix. A droite est une grande fenêtre à cintre rond ». Cette décoration de pierre est ancienne et s'est conservée dans la chapelle qui, longtemps profanée, a été rendue au culte en 1848 par M. le Baron de Maistre. L'angle en face à droite, est occupée par une terrasse cir- culaire. M. Buhot de Kersers dit que la tour dont cette terrasse aurait été la base n'a jamais été construite. Elle existait, en fait, avant la Révolution et faisait pendant à la tour que nous venons de décrire. Elle servait de pigeon- nier et c'est pendant la Révolution qu'elle fut détruite. Au dehors, à l'Est, le château présente une longue façade avec un avant-corps légèrement saillant au milieu et deux ailes aussi très peu saillantes et terminées par deux tours rondes. Cette façade repose sur un socle en talus et com- prend un rez-de-chaussée et un premier étage. Les toits des ailes sont indépendants et s'avancent perpendiculai- rement à celui du corps principal. (Voyez la vue générale que nous en donnons). Les fenêtres sont hautes et encadrées, les unes de ban- deaux, les autres d'assises alternées : l'intervalle entre elles et celles de l'étage supérieur est garni de pierres de taille peu saillantes. Les lucarnes sont, les unes rondes, les autres encadrées de bandeaux droits soutenus par des consoles à volutes. Ces fenêtres nombreuses, même aux tourelles, donnent leur caractère à cette architecture qui, par dignité ou préjugé féodal, a encore conservé les plans du xve siècle, mais qui n'a plus dans la réalité d'autre préoccupation que les facilités de la vie riche et élégante. Un tore simple, mais puissant couronne le socle en talus du rez-de-chaussée. Le cordon qui soutient les fenêtres du rez-de-chaussée comprend trois bandeaux, une frise et une corniche. D'autres cordons marquent la séparation des étages et la naissance des fenêtres. La corniche supé- rieure est très riche et porte un rang de denticules sur le larmier... A l'intérieur, on remarque un superbe escalier en pierre, porté sur des voûtes à combinaisons savantes et hardies, rappelant celles du palais de l'archevêché de Bo ,irges (actuellement de l'hôtel de Ville). Le rez-de-chaussée est d'une grande élévation et le& appartements en sont vastes. Cette belle demeure bien conservée et entretenue, do- mine au loin notre riche vallée de Germigny. Elle est un type intéressant de cette architecture de transition qui construisit le château de Turly (jadis résidence de cam- pagne des archevêques de Bourges) et qui cherche à allier les traditions féodales avec les agréments de la vie mo- derne. On l'a attribuée à Mansard ; nous en doutons très fort, ajoute M. Buhot de Kersers. L'escalier nous semble- rait plutôt accuser l'influence de Levau (1), architecte, comme l'on sait, de l'Archevêché de Bourges et du château de Lignières. Château de Chezelles. Cette terre, d'après M. Buhot de Kersers à qui nous em- pruntons ces détails, appartint anciennement à la famille de Châteauneuf, alliée aux seigneurs de La Guerche de la maison de Bar et dont les armes se trouvent sur une des cheminées du château, parties avec celles de Chauvigny. (1) Louis LE VAU (et non LEVEAU ou LEVAU, comme on l'écrit souvent à tort), architecte français, né et mort à Paris (1612-1670). Praticien habile, mais peu original, il n'a fait que bâtir sur les dessins de MANSARD et de LE NÔTRE. Mais au XYIIle siècle, cette seigneurie appartenait à Mme de Bonneval et était affermée avec la terre de Germigny (Arch. du Cher, E. 325). Il y reste un château du xve siècle ou du xvie, compre- nant un rez-de-chaussée et un premier étage. Devant la façade du Nord, est une petite tour prismatique compre- nant l'escalier. La porte est surmontée d'une accolade sous laquelle est un écusson à cinq fusées. La partie supé- rieure de la tourelle forme un étage décoré, une sorte d'attique entre le cordon et la corniche ; le pan coupé est orné de deux arcades aveugles dont le sommet est trilobé. La fenêtre du premier étage est encadrée de moulures à bases prismatiques, avec appui saillant et banc dans l'é- brasement intérieur. Les appuis donnent pour moulure un tore soutenu par un cavet. Au pignon de l'Est attient une tour triangulaire avec terrasse au sommet ; les eaux de la terrasse s'écoulent par une gargouille à travers le pied du parapet ; on lui a ,sup- posé un toit. Cette construction soignée a au pied une base avec gorge ouverte dans un talus. Au Sud est une tour saillante carrée couverte d'un toit. L'intérieur conserve trois belles cheminées : une au rez-d3-chaussée et deux au premier étage. Celle du rez-de- chaussée a des montants à fortes moulures. Ces montants ont des bases pénétrant sur socle et des doucines pour. chapiteaux. Le tablier fait au milieu une saillie très accusée, comme une sorte d'éperon ; il est à deux étages : la moulure du bas est un tore et une gorge. Sur la zone inférieure est un écusson parti au premier une fusée et deux demies ; au deuxième, demi-étoile de huit raies. L'écusson est en- touré d'un cadre simulé de pierres à clous tréflés. A l'angle de la maison est un corbeau simulant une tête de fou. La gargouille représente un monstre ayant une corde autour du cou. Une autre cheminée (premier étage) porte dans l'écus- son un lion couronné. On peut encore deviner autour de la cour carrée une enceinte rectangulaire de fossés. Une tour occupait un des angles. Elle a actuellement disparu. Nous signalons enfin la porte d'entrée et les plaques de cheminées à l'attention des connaisseurs.

1819. — Imp. Jouve et Cie, 5, rue Racine, Paris. — 12-1931

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