LES ELITES ET LEURS ESPACES

Mobilite, Rayonnement, Domination (du VIe au Xle siecle)

sous la direction de Philippe DEPREUX,Francois BOUGARD et Regine LE JAN

BREPOLS

0 8(g94 HAFTS-AVERINTERGOETZ

DEFINIR L'ESPACE POLITIQUE : LA FORMATION DES DUCHES DANS LE ROYAUME FRANC DE L'EST VERS L'AN 900

Acc fin d'accomplir la täche que Fon m'a confiee ä 1'occasion de volume, ä savoir evoquer ä partir d'exemples concrets la Age aniere dont les elites du haut Moyen definirent leur espace politique, je considererai 1'emergence des duches dits tardifs de la Francie orientale ä la fin du Me et au debut du X` siecle. Je fais ce choix par reference ä mes propres debuts academiquesl. Ceci offre 1'avantage de me permettre d'utiliser toutes les sources collec- tees jadis et de proposer une vue d'ensemble comparee et precise. Neanmoins et ä titre restrictif, il me faut souligner que la periode ici traitee est relativement pauvre en sources, n'autorisant que rare- ment un apercu detaille. A 1'epoque, un tout autre probleme me preoccupait : dune part la question de savoir ce que signifiait veri- tablement le mot dux dans les sources contemporaines, d'autre part d'etablir la preuve que les duches « nationaux » n'existaient pas dans le sens entendu par la recherche traditionnelle, c'est-ä-dire en raison d'un attachement etroit aux provinces « nationales » (Baviere, Alemanie, Franconie, Saxe et Lorraine) et d'une legitimation de leur pouvoir portant sur cet attachement. Cette opinion (ou revela- tion ?) qui fut d'abord apprehendee avec scepticisme, voire contes- tee, est de nosjours de plus en plus partagee et a acquis un nouveau fondement grace a la recherche croissante sur 1'ethnogenese des Age peuples du haut Moyen qui remet en question 1'existence d'eth- nies stables. Par consequent, si le duche n'est plus defini au prealable comme une entite geographique et politique stable (c'est-ä-dire ni en tant que tribu comme au sein de la recherche anterieure, ni, ce qui est regulier, comme un royaume carolingien partage, selon la pensee de Karl Fer- dinand Werner), l'amenagement de 1'espace politique par les fonc-

Dux Ducatus Begriffs- Untersuchungen s H. -W Goetz, - - und " -. und verfassungsgeschichtliche Starnrncsher-_ogiums zur Entstehung des sogenanntenjüngeren` an der Wendevom neunten zum zehntenJahrhundert, Bochum, i977.

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tionnaires respectifs et leurs families prend une gründe importance- Je pense ici aux Liutpoldides (Liutpold et son fils Arnulf) en Baviere, aux Liudolfides (Liudolf, Brun, Otton, Henri) en Saxe, aux Hunfri- dides (Burchard I et II) en Alemanie, aux Conradiens (Conrad I'An- cien avec ses freres et ses fils) en Franconie eta la famille des Regnier (Regnier et son fils Gislebert) en Lorraine. Deja a i'epoque, j'avais souligne les aspects territoriaux et montre que, d'une part, les droits manifestes au pouvoir de tous les dues (ou « princes ») ulterieurs ne s'etendaient qu'ä certaines parties des « provinces nationales » (en se concentrantici sur certaines regions), d'autre part, qu'ils se deployaient en dehors de ces provinces. En reprenant ces resultats, et en les sou- mettant, par un examen - encore tres provisoire et exemplaire -, a notre question, ä savoir dans quelle mesure et avec quels moyens les precurseurs des dues ulterieurs cherchaient ä implanter lour espace de domination respectif, je souhaite apporter une modeste contribu- tion aux problemes essentiels de cc colloque stir « Les elites et leur espace »: comment les elites purent constituer, marquer et structurer leurs territoires. Dans le cas des ducs ulterieurs, it est absolument incontestable et ne necessite pas de preuve particuliere qu'il s'agit ici des elites de leur epoque (assurement leurs representants scculiers les plus hauts en dessous de la royaute), meme si moi-meme, je ne considere pas encore ces ducesavant Henri I comme des « dues », mais en tant que membres de la classe dirigeante seculiere la plus haute qui (en accord avec Karl Ferdinand Werner) etaient sur le point d'etablir des principautes dins 1'Est du royaume franc comparables ä celles etablies depuis longtemps dans l'Ouest2 (mais pas dans le meme lens « etatique » que les prin- cipautes francaises qui ont meme, comme chacun le sail, donne leur ä 1'epoque nom suivante en tant qu'un « temps des principautes »s). Cependant, les deux de aspects essentiels cc volume -selon 1'enonce de l'appel a contributions -« d'une part, la maniere dont on marquait son territoire, et d'autre part, la maniere dont on hierarchisait Fes- pace )>,sont determinants, en particulier dans cc cas puisqu'il ne s'agit d'institutions pas fortement etablies ou meme heritees. Cclles-ci ne s'etablirent qu'ä cette meme epoque.

2KF. Werner, I7omFrankenreich zurEn1fa11ungDcutuhlands und Frankrriclu: Urspn7nge-Stntk- Beit Sigmaringen, turen - Bezieliungen.Ausgemählte räge, 1984 ; ld., Structuns politiques du monde franc (VI°-X11`siecles), Londres, 1979- 3 Cf. J. Favier, Le tempsdes j, rincipautfs, Paris, 1984 (Histoire deFrance,2).

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Par consequent, il convient de s'interroger fondamentalement sur le role quejouait au juste l'espace dans l'organisation du pouvoir au Age. haut Moyen Une teile question gagne d'autant plus d'impor- tance qu'on met, de nosjours, de plus en plus en doute 1'idee, plus ancienne (emise par ce que l'on nomme « la nouvelle histoire consti- Etat-ou tutionnelle allemande »), d'un d'un pouvoir (« Herrschaft ») Age - au haut Moyen ne se demarquant, ne s'etendant et ne se defi- nissant pas en premier lieu territorialement, mais reposant fonciere- ment sur des liens personnels. (Dans la recherche francaise en revan- che, pour autant queje sache, les principautes furent toujours concues comme des unites territoriales. ) Ainsi, mon expose revet egalement une dimension critique enviers la recherche allemande. Sans vouloir nier l'importance des liens personnels, il faut neanmoins constater 1'existence d'une conception territoriale. Les comtes, notamment, se demarquaient veritablement l'un de dautre du point de vue de Fes- pace. Neanmoins, le duche (ducatus) de la fin du IXe siecle reposait tout d'abord sur un cumul de comtes. En outre, en se penchant sur de telles questions, il convient de rester conscient des limites methodologiques, determinees par la mattere principalement historiographique et documentaire. Celle-ci nous informe, d'une part, des actions politiques concretes (la relation au roi, ä 1'Eglise, aux autres grands), et d'autre part, des droits au pouvoir et des transactions legales ponctuelles (droits issus de la fonc- tion, propriete fonciere et ecclesiastique) a un endroit et une date donnes. Grace a cela, on peut apprehender la repartition territoriale de ces droits, le rayon d'action politique des acteurs ainsi que, le cas echeant, les chef-lieux (places principales, chateaux, sites des placita) A l'interieur de ce rayon d'action. De plus, on peut s'interroger sur la « communication », l'appropriation et la maitrise territoriale et per- sonnelle de cet espace ainsi que sur les mesures prises pour le stabili- ser et l'accroitre. Ceci est Bien beau. Cependant, avant queje n'eveille de trop gran- des attentes, tout cela n'est, au vu des sources, qu'en partie apprehen- sible. En fait, elles ne nous permettent pas, comme chacun sait, dans un premier temps, d'apprecier tout 1'espace du pouvoir, mais (tout de meme) 1'etendue minimale de celui-ci dont la forme depend notamment de la situation documentaire (plus ou moins fortuite). Dans un second temps (et ceci est plus decisif), on se doit de rappeler que 1'edification et 1'usage delibere de tels droits ä l'organisation de l'espace ne ressortent pas immediatement des sources elles-memes, mail sont le resultat d'une interpretation sur un mince fondement

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(pour cette raison, rien ne pent eire considere comme absolument debut certain). De plus, en me limitant ä la fin du IXc et au du Xe developpement siecle, il ne peut etre question d'etudier un du ph& nomene ä long ten-ne.

J'ai choisi deux approches cartographiques. Quand, dans un pre- mier temps, on consid'ere 1'itineraire (ou bien les lieux de residence) de cette classe de la plus haute noblesse (carte 1) - en depit de toute problematique puisque nous ne possedons en fait que peu de refe- rences ponctuelles a la presence de ces hommes -, il en ressort un sentiment autant decevant que significatif : le champ d'action de ces princes n'etait apparemment pas leur territoire restreint et delimite par leurs droits issus de leur pouvoir-je reviendrai sur cet aspect plus Ia le has - (et encore moins « province nationale »), mais royaume (parallelement ä 1'itineraire du roi). Ainsi, l'itineraire des Liutpoldi- des bavarois s'etendait jusqu'ä ]a Lorraine en passant par la Franconie de 1'Est (du Main) et rhenane, les Liudolfides etaient ä plusieurs repri- ses presents en Franconie et Lorraine, les families des Hunfrid et des Regnier en Franconie de 1'Est, les Conradiens en Franconie, Alemanie et Lorraine. Ces grands, dont la proximite par rapport au roi est reconnue et soulignee depuis longtemps par la recherche4, concen- traient sensiblement leur itineraire sur celui du roi. C'est ä 1'evidence egalement une consequence du temoignage documentaire puisque, pour dresser 1'itineraire, les chartes royalesjouent un role majeur, mais le resultat revele distinctement que ces princes - peut-titre ä 1'exception de la famille des Regnier- ne se rendaient pas seulement aupres du roi quand celui-ci venait dans « leur » region, mais qu'ils venaient egalement de loin jusqu'aux palais royaux, voire accompa- gnaient le roi sur une partie de son chemin5. La perspective du « ser-

4 Avant tout dans les travaux de K. F. Werner (cites n. 2). e En 889, Orton accompagna Arnulf de Forchheim A Francfort (Die Urkundet Arnollfs, Ed. P. Kehr, Berlin, ' [MICH, Die Urkunden der deutschen Karolinger, 1955 3], i1° 51. P- 73 s", et no 56, p. 8o s. ) et, en 8g8, d'Aix-la-Chapelle a Essen (Die Urkunden Zwengibolds und Ludwigs des Kindes, Ed. Th. Schielfer, Berlin, 1960 [MICH, Die Urkunden der deutschen de Karolinger, 4], diplöme ZNventibold no 19, p. 51 s., et no 22, p. 98 S.). Burchard accoul_ l'Enfant de Forchheim ä Thcres pagna, en go3, Louis (ibid., diplöme dc Louis I'Enfant ) de Holzkirchen ä no 20, p. 125 s., et no 23, p. 128 s. et, en gob, Rottweil (ibid., no 44/45, Conrad I°, de Bodmann ä Velden p. 164-167). Erchanger escorts en g12, (Die Urkunden KonradL, HeinrichL, OttoL, cd. Th. Sickel, Hanovre, '1956 [MICH, Die Urkunden derdeutscherl Könige und Kaise , 11, diplöme de Conrad I° no 2/3, p. 2 sJ ; il lui rendit Visite tine nouvelle ä Tribur I'accompagna Tors de fois au mois d'aoüt ä Francfort et et son retour a Bodmann Conrad I'Ancien Louis l'Enfant, d'Aix-la-Chapelle (ibid., no 9-11, p. 1o s. ). suisit en goo, ä

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" Uutpoldides ® uudolfides ® Hunfridides ® Familie des Regniers ® Conradides

ý Cý---ý Carte 1: Presence des « duos »a la cour royale

vice royal » ne donne pas l'impression d'une politique des elites secu- lieres orientee viers le territoire mais, au contraire, d'une politique etendue ä 1'ensemble du royaume. D'ailleurs, la proximite du roi de touter ces families se manifestait, en dehors des interventions dans les chartes, par leur presence a la cour et aua assembles generales, dans donations les ou confirmations royales des actes « ducaux » (notam- des fondations d'eglises des echangess), ment ou ainsi que - outre

Francfort (Die Urkunden Zwentibolds.... diplöme de Louis l'Enfant no 3/4, P- 98-10 1) ; son frere Gebhard etait aupres du roi en 902 ä Wadgassen et Aix-la-Chapelle (ibid., no 17/18, p. 120-123). Conrad lejeune, apres go8, etait presque continuellement dans l'entourage du roi : en fevrier go8 a Francfort (ibid., no 58, p. 185 s.), en decembre ä Waiblingen (ibid., no 64, p. 193 s.), en fevrier gog ä Holzkirchen (ibid., no 67, p. 198 s.), en fevrier g 10 (ibid., no 72, p. 208 s.) et en juin 911 (ibid., no 77, p. 214 s.) ä Francfort. 6 Urkunden Arnoljs... Cf. Die cite n. 5, no 162, p. 245 s. (de 898) ; no 173, p. 262 s. (de 899) ; Die Urkunden Zwentibolds diplöme de Louis l'Enfant ... cite n: 5, no 27" P. 135 s. (de 903) ; (de no 42, p. 162 s. goy) ; Die Urkunden Konrad I.... cite n. 5, diplöme d'Henri I°" no 14, (de dans de p. 50 s. 927) -il s'agit sous ces cas donations pour des vassaux des Liutpoldides ; Die Urkunden Ludwigs desDeutschen, Karlmaruts und Ludwigs desJftngeren,ed. P. Kehr, Berlin, (bfGH, Die Urkunden der 21956 deutschenKarolinger, 1), diplöme de Louis le jeune no 3, P" 335 s. (de 877, protection royale pour le monastere de Gandersheim) ; Die Urkunden Arnoljs... cite n. 5, no 28, p. 41 S. (de 888, confirmation d'un echange d'Otton avec le monastere de Convey) ; ibid. no 107, p. 157 s. (donation pour le monastere de Gan- dersheim) Die Urkunden Zwentibolds diplöme de ; ... cite n. 5, Louis 1'Enfant no 63, p. 192 s.

159 HANSA1'ER. NER GOETZ dans les fonctions, les fiefs et les abbayes (en g 11 Regnier se nommait les liens (notamment missus do?ninicus') - dans matrimoniaux entre Louis le Jeune et Liudgard, la fille de Liudolf ; entre ZNeentibold et Oda, la fille d'Otton « 1'Illustre »; entre Conrad Pr et Cunegonde, la Gerberge, la fille d'Henri mere d'Arnulf ; entre Gislebert et Ier) Une image foncierement differente est revelee lorsque l'on consi- d'ere les droits aupouvoirde ces princes (propriete, droits sur le comte, monasteres familiaux, chäteaux8). Les indications sont volontaire- ment restreintes aux temoignages contemporains9. Si nous ne connais- I sons pas l'äge et la provenance d'un bien atteste ulterieurement, nous ne devrions pas partir du principe que ce bien existait dejä longtemps auparavant, d'autant plus que les actes de traditions dans leur ensem- ble documentent une politique fonciere deliberee et des changements permanents de la propriete. Les droits au pouvoir s'etendaient pour autant qu'ils aient un caractere « spatial u, ä six domaines, ä savoir avant tout aux droits de propriete et a ceux du comte (y compris du tribunal comtal10), de plus (en tout lieu) a des abbayes, (plus rare- ment) a des chateaux et (occasionnellement dejä) a des avoueriesu.

(de Die Urkunden Konrad L diplöme de Conrad I' (de go8) ; ... cite n. 5, n° 15, p. 15 913, privileges pour le monastere de Hersfeld) ; ibid. diplöme d'Henri In n° 2, p.. 1o (de g2o, donation en faveur d'un vassalde Burchard) ; Die Urkunden Zuentibolds... cite n. 5, diplöme (de 898, faveur dc SaintScrvais de Zwentibold n° 20/21, p. 53-57 restitution en de Triees) ; Recueil des Charles de CharlesIII le Simple, 1, ed. Ph. Lauer, Paris, 1940 (Charles el dipl6mes relatifs d l'histoire de France), n° 76, p. 17o S. We 914, confirmation d'un echange entre Regnier et le monastere d'Echternach) ; ibid. n° 100, p. 229 s. et n° 103, p. 243 s. (deg 19, faveur de Saint-Serrais de Treves) Die Urkunden Arnolfs restitution en ; ... cite n. 5,11° 149, p. 226 s. (de 897, confirmation d'un echange entre Conrad 1'Ancien et le monastcre de Fulda). 7 Recueildes chartes de l abbayede Stavelot-Afalmedy, I, 6d. j. Halkin et Ch. -G. Roland, Bruxelles, 1gog, n° 51, p. 122 S. 8 Par mesure de simplicite je recours aux canes (legerement modifrecs) de ma these, bien qu'elles incluent les droits des parents plus proches, c'est-5-dire qü olles s'orientent Vers los les Pour los des lieux families plutöt que vors personnes. references precises cf. los listes en H: W. Goetz, Dux Ducalus annexe : und ... cite n. i, appendix 4, p. 4-18-497- 9 L. Holzfurtner m'a ä nouveau reproche un manquement recemment clans: GloriosesDut. Bayern (907-937), Munich, (Zeitschrift Studien zu HerzogArnulf von 2003 f rBayelisdieL(, ndes_ B), Puisque los inlmanquablemetlt, geschichte,Beiheft 25, Reihe p. 25 et n. 1. references, ne d'une de 1'ensemble des droits, il temoignent quc partie me semble plus convenable et en fin de compte plus exact de se limiter aux droits indeniablement attestes et non pas de los induire de biens ulterieurs, d'autant plus que la fluctuation constante des biens par le fait de succession, manage et transfers rend de telles conclusions des plus incertaines. 10Des tribunaux comtaux sont attest& en Alemanie pour Burchard (I) ä Dfirrheim (Urkull_ Ed. H. Wanmann, Zurich, denbuch der Abtei St. Gatten, II, 1866,11° 673, P" 275 s") et pour Burchard (11) A Rankucil (Bündner Urkundenbuch, I, Ed. E. Meyer-Martllalcr et F. Perrot, Coire, 1955, n° 96, P" 78 s.). 11Notamment pour Burchard (1) covers I'abbaye de Lorsch en 90.1.

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Il fauty ajouter les vassaux (ou fideles), qui recoivent des biens de ces lignages. Particulierement en ce qui concerne les Liutpoldides, des donations de leurs vassaux ä 1'eglise de Salzbourg sont attestees ä maintes reprises ; il s'agit de biens recus auparavant de Liutpold ou d'Arnulf, dans des regions tres diverses12. Par consequent, un signe distinctif de la politique « liutpoldidienne » etait de doter leurs fideles avec leurs propres biens. J'insiste : cette carte est certainement ties loin de recenser integralement les droits d'alors, neanmoins eile auto- rise des observations certes provisoires, mais significatives. Elle montre que les droits au pouvoir des princes du royaume franc de l'Est ä la fin du IXe et au debut du X° siecle ne s'etendaient en aucun cas, pas meme approximativement, a tout le duche, mais qu'ils empietaient partout sur ses frontieres. Cependant - et nous touchons ici au theme de I'appropriation de I'espace - ils se concentraient manifestement sur des espaces definis (occasionnellement avec des biens dissemines ailleurs). droits des - Les droits (pour la plupart des comtaux) Liutpoldides de Baviere (carte 2a) se centraient avant tout autour de I'eveche d'Eichstätt, d'une part, dans la region du Danube et de l'Altmühl (« Nordgau » et « Donaugau »), d'autre part, dans la region de la Mur et de la Drave en Carinthie (avec des biens dissemines entre l'Isar et la Vils). (carte - Les droits des Liudo fides de Saxe orientale 2b), que Mat- thias Becher compte desormais parmi la « noblesse imperiale fran- que » (« fränkische Reichsaristokratie »13), affichent une forte concen- tration dans certaines regions de Saxe orientale et de Haute Thuringe. 11s'agit de droits de propriete, provenant majoritairement de posses- sions royales, dans la region entre l'Oker, l'Aller et la Bode, entre la Leine et l'Innerste ainsi qu'au « Friesenfeld », entre la Gera, l'Unstrut, l'Ilm et la Saale, et des droits comtaux d'Otton autour de I'Unstrut superieure (« Eichsfeld » et « Südthüringgau »). Dans ce cas, les biens et les droits comtaux semblent avoir ete separes territorialement. - Il n'en allait pas de meme pour les Hun! dides en Alemanie et en Rhetie (carte 2c) dont les differents droits se concentraient sur les memes espaces : notamment en « Thurgau » et « Zürichgau », le sec-

12Cf. Die Urkunden drnolfs de 899; Codex Odalberti, dans ... cite n. 5, n° 173, p. 262 s., SalzburgerUrkundenbude. L Traditiorucodices,ed. W. Hauthaler, Salzburg, igio, n° 7, P 74 (de 928) ; n° 57, p. 1185. (de 927) ; n° So, p. 141 s. (de 930) ; n° 85, p. 147s- (de 930). is Ili. Becher, Rex, Dux und Gens. UntersuchungenzurEntstehung dessächsischen Herzogtums im g. und ro. Jahrhundert, Husum, 1996 (HistorisdieStudien, 444), p. 66-91.

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teur entre le lac de Constance et le fleuve Thur, et s'etendant jusqu'ä la Töss, mais aussi viers le nord en ce qui concerne Adalbert (II et III) , jusqu'au Danube superieur (« Bertholdsbaar », « Scherragau ») et dans d'autres regions14. En revanche, sous Burchard (I et II), le centre se situait en Rhetie autour du Rhin superieur et de 1,111,avec d'autres dans la des Baaren dans le Hegau droits comtaux region « » et « », avec les droits de propriete de Reginlind (1'epouse de Burchard II, puis d'Hermann) entre la Töss et le lac de Zurich. droits la des Regmer - De meme, les de famille en Lorraine (carte Its 2d) etaient manifestement concentres. s'etendaient - droits de propriete et droits sur les monasteres confondus - d'une part, pres de la Meuse et dans I'Ardenne, d'autre part, pres de la Moselle moyenne (entre Sauer et Sarre). (carte disposaient - Enfin, ]es Conradiens 2e) de plusieurs comple` xes de pouvoir (repartis entre plusicurs branches de la famille) : des droits comtaux (de Conrad l'Ancien, de ses freres Gebhard et Eber- hard et de ses fils Conrad, Eberhard, Otto et Burchard) entre Rhin, Ruhr Wupper dans le Bonngau le Duisburggau et « », « » et le « Kel_ dachgau », ainsi que dans le « Perfgau » sur la superteure ; des droits comtaux et de propriete dans le « Nahegau » ainsi que surtout dans un long couloir s'etendant de ]a Moselle inferieure (« Mayen- feldgau ») au Rhin et le long de ]a Lahn (« Lahngau ») ; par ailleurs, du Rhin (dans le Rheingau,. pres moyen « et « Wormsfeld » entre Neckar Gebhard Main et : et ses fils), dans la « Wetterau » au nord de la Nidda de ]a Einzig, le et pres mais aussi viers sud-est dans le « Goz- feld » et le « Volkfeld » en « Franconie de I'Est » entre Main, Regnitz et Aisch, vers le nord-est pres de 1'Eder et de la Diemel ; enfin, des droits de propriete dans I'« Eichsfeld » en Thuringe dans la region de I'Unstrut superieure. En depit du fortuit des caractere temoignages, la carte montre que toutes ces families « princieres » disposaient des plusieu s complexes de pouvoir, qui souvent laissent reconnaitre une concentration teile qu'elle donne au moins l'impression d'une politique territoriale deter- minee au moyen de tels droits. Toutefois, le comte (attribue par le roi) ne recouvrait pas toujours le domaine foncier (acquis heritage), bien par si qu'on ne peut que dans certains cas observer une concentration « spatiale » des droits

1411 faut prendre en compte que la domination d'Erchanger et de Berthold (911-9 t'7) 1 provoque une certaine rupture dans la continuite du lignage.

162 DEFINIR L'ESPACE POLITIQUE au pouvoir'5. Tres souvent cependant, les droits de propriete et Talleu se repartissaient sur des regions distinctes (c'est le cas sans exception pour les Liudolfides, mais dans une large mesure aussi pour la famille des Regnier). Les chateaux dont 1'existence n'est rapportee qu'en quelques occurrences16 - tel le « Hohentwiel » en Alemanie, ou Che- vremont, Geul ou Zülpich en Lorraine - s'integraient tout autant dans le paysage foncier'7 que les abbayes (souvent fondees dans ce but), qui jouaient un role important pour toutes ces families. Certaines abbayes constituaient de veritables « monasteres familiaux »: Bruns- hausen, fonde par Liudolf en 852, fut transfere ä Gandersheim cinq ans plus tard. Ici les trois filles de Liudolf et de son epouse Oda, tous deux inhumes dans ce monastere, exercerent la fonction d'abbesse l'une apres 1'autre ; W'Valdkirch, dans la vallee de 1'Elz, fut fonde par Reginlind, epouse de Burchard II. Dans ce contexte, le comporte- ment des Conradiens de Franconie est frappant. Dejä, Gebhard 1'An- cien avait fonde au milieu du IA° siecle un monastere familial a Ket- tenbach, qui fut transfere ä Gmünden avant l'an 879. D'autres monas- teres familiaux se constituerent par la suite le long de la Lahn, « dans le berceau » (« Stammgebiet ») du lignage : Udo et Hermann, les fils de Gebhard, etablirent un monastere ä WYetzlar ; Conrad lejeune (le roi) fonda un monastere ä ; Conrad Kurzpold, le fils d'Eber- hard l'Ancien, un monastere ä Limburg. Dans d'autres cas, il s'agissait d'abbayes royales (celles-ci, pour la plupart, ne se trouvaient pas dans les paysages fonciers rencontres auparavant) : Le Saxon Otton « I'll- lustre » disposait de l'abbaye de SaintWicbert ä Hersfeld jusqu'en l'an 906 ; l'Aleman Burchard (I) recut l'abbaye de Pfafers en fief de Louis l'Enfant ; les Hunfridides disposaient de Saints-Felix-et Regula A Zurich et probablement aussi d'Einsiedeln. Pour l'ensemble des monasteres connus detenus par la famille des Regnier (Echternach, Stablo, par intermittence Saint-Servais de Maastricht, Saint-Maximin

15Tel fut le cas, par tentatives, en ce qui conceme les Liutpoldides (Liutpold etArnulf) dans le - Nordgau » et - Donaugau - ainsi qu'en Carinthie, concernant les Hunfridides en Rhe- tie, dans le « Scherragau » et dans certaines parties du K Thurgau », les Conradiens dans le Hessengau » (pres de la Diemel et de la Fulda), dans le » Nahegau » et avant tout le long de la Lahn. 16Leur importance est egalement soulignee par H. Maurer, Der Herzog von Schwaben.Grund- lagen, ltirkungen und itesen seinerHerndlaft in ottonischer,salischer und staufacher Zeit, Sigma- ringen, 1978, p. 42 (les chateaux alemaniques furent pour cette raison detruits par Hen- ri I"). 17Le chateau de Crone, sur la Leine, qui appartenait certainement aux Liudolfides, se situait entre deux complexes de biens majeurs ä 1'est de la Leine et pres de l'Unstrut supe- rteure.

163 I-iANS-N1'ERhER GOETZ de Treues jusqu'en l'an 926), il s'agissait egalement d'abbayes royales. Enfin, les Conradiens avaient des droits sur Saint-Maximin et Oeren, l'abbaye de Kaiserswerth. pres de Treves, ainsi que sur droits (une fois l'on dispose des Si une cartographie de ces que d'emblee donnees) semble relativement aisee, celle-ci ne revele pas Darts but, il dans dernier une politique territoriale. ce convient, un detail les temps, bien qu'ä titre d'eaemple, de considerer en transac- tions legales. Il faut toutefois constater que la tendance ne visait pas eloignees des echanges de, a se defaire des proprietes par afin en dans les En fait, retour, densifier les droits territoires principaux. on daps des isoles (notam- ne peut observer une teile procedure que cas d'Otton, ä Hersfeld Westphalie, ment dans le cas d'une donation en ä l'abbaye de "'erden'8 ou de Conrad l'Ancien ainsi que de Conrad Ie= a l'abbaye de Fulda, avec des biens isoles sur l'Unstrut superieure19 ; Adalbert II, en echangeant des biens avec le monastere de Rheinau de biens dans la lointaine en l'an 873/74, fit meme l'acquisition Ita- lie20). Cependant, les biens etaient le plus souvent echanges daps la de Liutpold meme region (comme dans le cas l'echange entre et la dans le de la dotation cathedrale de Regensburg en l'an goo=', cas de l'abbaye de Gandersheim parLiudolf et Oda-, dans celui de 1'echange dans de la donation entre Otton et le monastere de Corvey"s, celui de Liudolf A Corvey24 ou de 1'echange entre Adalbert [11] et Saint Gall

18Uffing, Vita Idae, ed. G. H. Pertz, Hanoire 1829 (reimpr. Leipzig 1925), 2,1 (MGH, Scriptores,2), ). 574- 19Die Urkunden Amoy s... cite n. 5, n° 149, p. 226 s. (de 897), et Die Urkunden Konrad I.... D'autre Conrad l'Ancien cite n. 5, diplöme de Conrad l' n° 38, P" 35 s. (de 911/ 18). part, de l'an des biers acquit egalement de l'abbaye de Fulda, aux alentours coo, recttles pros de l'Eder (Die Urkunden Arnalfs (de 897) de la Diemel et ... cite n. 5, n° 149, p. 226 s. Traditiones et antiquitates Fuldenses,ed. E. F. J. Dronke, Osnabrück, 18.1.1 [reimpr. 1996], de la Nahe la ch. 42, n° 310, p. 114). Eberhard fit don biens reculis sur ä cathedrale de (Die Urkunden Konrad L diplöme d'Otton 1- Worms en 937 ... cite n. 5, n° 10, p. 96) tandis de Lorsch, 886/7, de biens que Conrad l'Ancien atait fait don ä l'abbaye en precisement ed. Glöckner, dans le centre de sa propriete surla Lahn (CodexLaureshamauis, III, K. Darnl_ stadt, 1929-1936, n° 3040, p. 222)- 21)Urkundenbuch der Stadt und Landschaft Zürich, I, ed. J. Escher et P. Schweizer, Zürich, 1858, n° 121, p. 48- 21Die Traditionen des Hochstifts Regensburgund des Klosters S. Ernmerain, cd. J. \Videmann, Munich, 1943 (reimpr. Aalen, 1988) (Quellen und Erörterungenzurbayerischen Geschichte, N. F 8), n° 177, P" 133- dare Die Urkunden Konrad L diplöme d'Otton 22Confirmee par la suite ... cite n. 5, I°r n° 89, de p. 171 s. (de 947), et n° 180, p. 262 s., 956. 23Die Urkunden Arno fs... cite n. 5, n° 28, p. 41 s. (de 888). 24Traditiones Corbeiensia, Cd. K. A. Eekhardt, Aalen, 1970 (Bibliothecarerun historieartne, Studio 1, Corbeiensia1), A§ 210, p. 279"

164 DEFINIR L'ESPACE POLITIQUE en 1'an 8752'). Dans le cas de 1'echange entre Regnier et 1'abbaye de Stablo en 1'an got, les biens donnes se situaient pres de la Meuse a proximite de ses chäteaux, les biens acquis, en revanche, se trouvaient un peu plus au sud-ouest, il semble qu'ainsi il accedait a de nouvelles regions26. En tout cas, un systeme de regroupement des biens dans le sens d'une concentration sur certaines regions ä 1'aide ä de telles mesures n'est pas identifiable. Par ailleurs, il semble (ou, du moins, ils est possible) que ces prin- ces « amenageaient »ä 1'interieur de leur espace de domination des devenant des (« Vororte egard, Helmut centres « chef-lieux » ») .Ä cet Maurer a pu mettre en evidence des chef-lieux ducaux alternant sur la duree en Alemanie27. En particulier, le chateau sur le « Hohen- twiel » et le lieu d'assemblee tres proche, ä Wahlwies, formaient un espace de domination concentre (palais, tribunal, assemblee28) et le « centre d'un pouvoir ducal localise »29.S'il perdit toutefois rapide- ment en importance, comme le constate Maurer, cela pourraitjuste- ment resulter du changement de lignage. En Baviere, Ratisbonne continua incontestablement de jouer un role decisif en tant que chef- lieu. On ne peut pas distinguer de cas equivalents dans les autres regions, ä moins de considerer les monasteres familiaux et importants (comme 1'abbaye « liudolfidienne » de Gandersheim ou 1'abbaye « conradine ), de Weilburg) comme des chef-lieux. De meme, le peu de chartes ducales preservees (des confirmations ou des echanges pour la plupart) ne refletent aucunement une politique deliberee visant ä constituer un espace ; seul le titre d'Arnulf en tant que dux Baioariorum et etiam adiacentium regiouum revendique un pouvoir non seulement sur la Baviere, mais aussi sur des regions qui se trouvent au-delä des limites de cette derniere80.

n Die Urkunden Ludwigs desDeutschen... cite n. 6, diplbme de Louis le Gerrnanique n° 159, p. 222 s., et n° 16o, p. 223 s. 26Die Urkunden Zweulibolds diplbme de Louis l'Enfant ... cite n. 5, n° 16, p. 1 ig s. (de 902). 2' H. Maurer, Herzogvon Schwaben... cite n. 16, p. 33-127. Maurer constate qu'ils continuent d'avoir la meme fonction pour les families ducales consecutives, mail ceci ne devrait pas pouvoir s'appliquer ä la periode consideree ici. 28En resume ibid p. 124 s. ; cf. la carte ibid, p. 34. Bodmann etait un autre centre de pou- voir d'Erchanger et de Berthold. Depuis Burchard (II) y fut ajoute Zurich, au sud du lac de Constance. 29Ibid,. p. 56 (. Mittelpunkt einer lokalisierten Herzogsherrschaft »). D0K. Reindel, Die bayerischenLuitpoldinger 893-989. Sammlung und Erläuterung der Quellen, (Quellen Munich, 1953 undEr5rterungen zurbayerischenGeschichte; N. F. 11), n° 48, p. 77 S.

165 HANSAVER1tiER GOETZ

Si un regroupement des droits dann les regions principales ne peut eire demontre que dans une mesure tres restreinte, la tendance ä accroitre les possessions et acquerir de nouveaux territoires est, en dans les echanges evoques revanche, bien plus visible - outre aupara- dans l'on les des vant -, notamment ce que nomme secularisations biens ecclesiastiques (d'Arnulf en Baviere, de Burchard II en Alema- nie, de Gislebert a Treves, ainsi qu'occasionnellement de Conrad ä Mayence), qui toutes ne sont attestees que plus tard (et incriminees seulement a ce moment-lä). Par consequent, les informations s'y rap- portant furent refutees ä plusieurs reprises (comme le fit Ludwig Holzfurtner a 1'egard des secularisations d'Arnulf de Baviere a Tegernsee et ä Benediktbeuren$'). Vraisemblablement, il s'agissait dans chacun des cas d'une disposition precise de biens ecclesiastiques precis (ainsi incontestablement d'une partie de la politique territo- riale), qui n'ont jusqu'ä present pas fait ]'objet d'un examen suffisant et exhaustif. Les Conradiens ont notamment poursuivi une politique d'expan_ sion spatiale, leur sphere d'influence s'etendant de leur region initiale en « Franconie du Rhin » (Rhin et Lahn) viers l'ouest et le nord a la Lorraine (Moselle et Rhenanie), viers le nord-est jusqu'ä la et la Thuringe, etvers le sud-est jusqu'ä la « Franconie de ]'Est » (« Main_ franken ),). Eberhard, le frere de Conrad Irr, est meme evoque tenl_ porairement en tant que comte dans le « Donaugau » durant l'affron- tement entre le roi et Arnulf de Baviere, en 91632. Dans le territoire saxon, Conrad attaqua les chateaux d'Eresburg et de Grone. Arnulf, de son cote, chercha ä acquerir la couronne royale lombarde pour son fils Eberhard en 933/934", et apres ]'elimination des Conradieus en 911/ 12, Regnier s'introduisit en Moselle moyenne alors que Char- les le Simple conquerait la Lorraine pour le royaume franc de ]'Quest.

En conclusion, on ne peut qu'avec precaution enoncer des resul- tats portant sur notre sujet, les sources, en toute logique, n'etant pas abondantes. L'espace des families considerees ici se definit (selon

51L. Holzfunner, GloriosusDux... cite n. 9, p. 55-63- Konrad L Conrad I Toutefois 1'identification 52Die Urkunden ... cite n. 5, n° 28, p. 26 s. n'est pas explicite. 55Annales luvavensesntaximi, ed. A. Hofmeister, Hanowe, 1964 (rcitnpr. 1976), a. 934 (J1G1Y, Liudprand Cremoncnsis, Antapodasi cd. P. Chiesa, Scriptores,30,2), p. 743; , Tunthout, t 9,8 (Corpus Christianorum, Conlinuatiolllediaroali, 156), 3-I9, P" 94"

166 DEFINIR L'ESPACE POLITIQUE l'etat des sources), d'une part, par l'itineraire (par le fait d'etre pre- sent lors d'actions politiques oujuridiques diverses), d'autre part, par les droits au pouvoir (droits comtaux ; possessions, monasteres et cha- teaux ; vassaux). La concentration geographique des differents droits de ces families, representant les elites du royaume franc de 1'Est autour de 1'an goo, sur des regions bien precises ainsi que leur ancrage dans differents espaces et leur champ d'action encore plus etendu, oriente vers le roi et le royaume, est frappante. II est certes discutable de dire dans quelle mesure on peut leur reconnaitre une politique spatiale deliberee. Une politique fonciere, en revanche - visant ä un espace de domination - etait tout a fait courante, ce qui est atteste par un grand nombre de transactions de biens (donations et echanges). De meme, le processus visant a constituer, marquer et structurer leurs territoires s'accomplit au moyen de droits au pouvoir (de plus en plus denses), sur lesquels on insiste invariablement dans les chartes et dans les actions (comme « la maniere dont on marquait son territoire »), tandis que « la maniere dont on hierarchisait 1'espace » etait tout au plus perceptible au regard des « chef-lieux » et des « monasteres fami- liaux », mais aussi des centres de droits au pouvoir denses. Dans le cas d'echanges, it semble qu'il ait ete plus important de tenter d'investir de nouvelles regions que d'affirmer et de concentrer des droits dans les regions principales. En depit de toute precaution bien necessaire, on me permettra neanmoins de constater qu'un certain « processus de concentration spatiale » des droits au pouvoirjouait dejä un role perceptible ä la fin 1'epoque carolingienne et qu'il ne fut pas unique- Age. ment « l'invention » des territoires allemands du bas Moyen *

HANS-WERNER GOETZ Universite de Hambourg HansW%lemer.Goetz@uni-hamburg. de

*je liens ä remercier Anne-Gaelle Rocker et Philippe Depreux pour l'aide qu'ils m'ont apportee dans la redaction en franpis de ces pages.

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