Archives départementales de la Haute-Savoie. Service éducatif

La mobilisation lors de la Première Guerre mondiale en Haute-Savoie Informations complémentaires Archives départementales de la Haute-Savoie, 3 T 31

La mobilisation en

Entre 1914 et 1918, 7,9 millions de Français ont été mobilisés. Au terme du conflit, 1,4 million ont été tués ou ont disparu, et 4,2 millions ont été blessés ou mutilés. Le caractère exceptionnel de la Première Guerre mondiale est très tôt perçu par les contemporains du fait de son ampleur et de son intensité, inconnues jusqu’alors.

Suite à l’assassinat de l’archiduc héritier d’Autriche-Hongrie le 28 juin 1914 à Sarajevo, toute l’Europe s’embrase en quelques semaines. En réaction aux mesures équivalentes prises par l'Allemagne, la mobilisation française est décidée le 1er août 1914. Cependant, selon le président de la République, Raymond Poincaré, la mobilisation n’est pas la guerre : cette mesure est prise tout en espérant encore une solution pacifique à la crise. Elle se déroule en 17 jours, du 2 au 18 août 1914. Elle consiste au transport, à l'habillement, à l'équipement et à l'armement de plus de trois millions d'hommes dans tous les territoires français, essentiellement en métropole mais aussi dans certaines colonies, puis à leur acheminement par voie ferrée essentiellement vers la frontière franco-allemande de l'époque.

Les classes 1911, 1912 et 1913, c’est-à-dire les hommes nés entre 1891 et 1893, sont encore au service militaire (armée d’active) lors de la déclaration de guerre. Les classes 1900-1910 (réserve de l’armée active), 1893-1899 (armée territoriale) et 1887-1892 (réserve de l’armée territoriale) sont rappelées sous les drapeaux. Début août 1914, la classe 1914 compte en Haute-Savoie 2297 hommes, moins quelques exemptés, réformés ou ajournés. La moitié sont des cultivateurs, puis viennent les étudiants, mécaniciens, menuisiers, bouchers, cordonniers, forgerons, boulangers, employés, charpentiers, manœuvres, électriciens, bateliers, domestiques, maçons, comptables, cuisiniers, pêcheurs, fromagers, cochers, enseignants, chauffeurs, plâtriers, décolleteurs, voituriers, carriers, ingénieurs … Ces recrues quittent leur emploi et leur foyer pour partir au front après quelques mois de formation. Tous pensent que la guerre sera courte.

L’état d’esprit de la population au moment de la mobilisation (d’après la presse) d’après GENRE (Marie-Pierre), La première année de la guerre vue par la presse haut-savoyarde.

Toute la presse sans exception évoque les réactions des Haut-Savoyards lorsque le tocsin s’est mis à sonner dans l’après-midi du 1er août 1914. Les Alpes, journal de gauche républicaine et radicale, est le seul journal qui souligne des sentiments de tristesse et de pessimisme : « La pénible nouvelle est publiée à La Roche aux sons du tambour et du tocsin. Des pleurs se font entendre dans toutes les maisons. » (09 août 1914, page 2). Le Progrès de la Haute-Savoie, du même bord politique, met en relief une réaction totalement différente et montre que l’événement a été accueilli avec sang-froid : « La nouvelle de la mobilisation générale a été reçue avec calme et confiance par toute la population annemassienne. » (04 août 1914, page 1). Dans Le journal du Commerce, journal d’informations générales, c’est l’effet de surprise et le sentiment patriotique du peuple rural qui est mis en avant : « Cette nouvelle bien inattendue, surprit la plupart de nos cultivateurs en pleine moisson. Néanmoins, avec un patriotisme dont on ne peut que les louer, laissant leurs travaux et leur foyer, ils 1

Archives départementales de la Haute-Savoie. Service éducatif se hâtaient de se rendre à la convocation. » (09 août 1914, page 2). Enfin, cet élan patriotique est raconté avec fougue dans L’Union Républicaine de la Haute-Savoie : « À Thonon, l’annonce de la mobilisation est suivie d’une grandiose acclamation de Vive la France ! Vive l’armée ! » (04 août 1914, page 1)

L’Allobroge, 22 août 1914, article récapitulant les principaux événements de la mobilisation. Arch. dép. Haute-Savoie, PER 68-11.

L’état d’esprit de la population au moment de la mobilisation (à travers les enquêtes) d’après SORREL (Christian), « La Savoie 1914-1918 » in L’histoire en Savoie.

Le 18 septembre 1914, le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, Albert Sarrault, élargit à l’ensemble des départements français l’initiative du recteur de l’Académie de Grenoble, l’historien Charles Petit-Dutaillis, qui avait invité les instituteurs à consigner au jour le jour les événements de la période de guerre pour « former une sorte de répertoire d’histoire locale ». Le 3 mai 1915, une circulaire ministérielle associe à ce projet les maires et les curés, sur la suggestion du Comité des travaux historiques et scientifiques désireux de constituer un « dossier relatif à la conservation de la tradition orale ». Les réponses de 38 communes pour la première enquête et de 36 pour la seconde ont été conservées en Haute- Savoie. Elles proviennent en majorité des arrondissements d’ et de Saint-Julien-en-Genevois. Elles ont été rédigées entre mai et décembre 1916, alors que la victoire ne dessinait pas encore. La sincérité de leur ton, leur simplicité éloignée de tout souci de propagande incitent à la confiance. Des documents similaires 2

Archives départementales de la Haute-Savoie. Service éducatif découverts dans d’autres départements (Côtes-d’Armor, Hautes-Alpes, Gard, Isère, Charente) apportent un éclairage proche sur ces heures pendant lesquelles les Haut-Savoyards, comme tous les Français, prennent conscience que leur pays glisse vers la guerre.

L’annonce de la mobilisation

Jean-Jacques Becker dans sa thèse 1914. Comment les Français sont entrés en guerre, cité par Christian Sorrel dans La Savoie. 1914-1918, distingue trois types de comportements :

- l’accueil réservé : c’est plutôt le cas dans le milieu rural où les gens sont moins bien informés et où la surprise a été de taille (Cuvat, Saint-Jorioz, Sallenôves, , , Saint-Pierre-de- Rumilly, , Saint-Jean-de-Sixt, …). Le décret de mobilisation constitue une mauvaise nouvelle dans 52% des communes étudiées dans les documents conservés sous la cote 3T31. On trouve les mots consternation, malheur, stupeur, effroi. - l’accueil avec sang-froid : dans 34% des communes étudiées (3 T 31 : , , Le , Chaumont, …). - l’accueil enthousiaste : seule une minorité de communes (14% des documents conservés sous la cote 3 T 31) salue avec ardeur la mobilisation (Nâves, …). Exceptionnel en campagne, ce comportement semble plus fréquent dans les villes et les bourgs.

Départ d’un bataillon du 30e Régiment d’Infanterie à Thonon-les-Bains, août 1914. Cliché Léon Quiblier. Arch. dép. Haute-Savoie, 2 Fi 1382. Fonds des photographies originales et reproductions.

La mobilisation

Dans les heures qui suivent l’annonce de la mobilisation, la désolation fait place à la résolution : dans les enquêtes remplies par les instituteurs, 34% des communes conservent une attitude caractérisée par le sang- froid et 50% expriment désormais des sentiments favorables. Ici et là, quelques soldats se vantent de rapporter la tête ou une oreille de Guillaume II (par exemple à Thairy ou Vaulx) ou de constituer une collection de casques à pointe (comme à Contamine-Sarzin) mais le sentiment patriotique est important, même dans les villes où les troupes sont accompagnées en cortège à la gare. Une certaine retenue caractérise les manifestations publiques.

L’ardeur patriotique ou l’acceptation résignée s’explique par le sentiment que la France est victime d’une injuste agression qui exige réparation selon les Savoyards (citons Saint-Jorioz, , Alby-sur-Chéran,

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Vaulx, Sallenôve). Cette guerre leur paraît nécessaire « pour en finir » (pense-t-on à Saint-Pierre d’Entre- mont, Vaulx, , Faverges, Chessenaz, ).

Persuadés que la France est dans son droit, les Haut-Savoyards acceptent la guerre dont ils cherchent cependant à minimiser la portée : elle sera courte et victorieuse (dit-on à Bossey ou Sciez) ; on parle de trois semaines à Cusy, de quelques semaines à Chens, de cinq à six mois au plus à , sans argument particulier ; sauf à Alby-sur-Chéran et Crempigny où l’on évoque « les armes formidables dont nous disposons », « les engins actuels » abrègeront la guerre.

À aucun moment les populations ne demandent l’application de la clause de neutralité stipulée par les traités de Paris et de Vienne en 1814 et 1815, qui leur auraient permis d’échapper à la mobilisation. Á peine plus d’un demi-siècle après l’Annexion de la Savoie à la France, l’identité française de la Savoie est ancrée dans la mentalité collective.

La neutralité savoyarde

Suite à l’abdication de Napoléon 1er en 1815, le Congrès de Vienne, du 9 juin 1815, met en place une zone de neutralité des territoires des provinces du Chablais et du ainsi que tout le territoire de la Savoie au nord d’Ugine. Le traité de Paris, le 20 novembre 1815, précise que cette limite passe d’« Ugine, y compris cette ville, au Midi du lac d’Annecy, par Faverges jusqu’à Lescheraines, et de là au lac du Bourget jusqu’au Rhône », soit un territoire comprenant les deux provinces initiales du duché de Savoie. Cette zone sera préservée lors du Rattachement de la Savoie à la France, et abrogée en 1919.

Liste des communes pour lesquelles est conservée l’enquête sous la cote 3 T 31

Alby - Allonzier-la-Caille - Annecy - Annecy-le-Vieux La Balme-de- - - Bogève - Bossey - Bonneguête - Chaumont - Chavannaz - Chens - Chessenaz - Chevenoz - Clermont - Collonges-sous-Salève - Contamine-Sarzin - - - Crempigny - Cusy - Cuvat Épagny - Éteaux Faverges + Viuz-Faverges (+ Viuz) - - Groisy - Gruffy Habère- - Les Houches Juvigny Le Lyaud - Marlens - Massingy - Menthonnex-en-Bornes - Metz - Montmin - - - Musiège Nangy - Nâves Orcier - Praz-sur-Arly - Pringy Reignier - - Rumilly Saint-Félix - Saint-Gervais-les-Bains - Saint-Jean-de-Sixt - Saint-Jorioz - Saint-Pierre-de-Rumilly - Saint-Sylvestre - Sallenôves - Scientrier - Sciez - - Seythenex Thairy - Thollon - Thônes - La Tour - Vaulx - Versonnex.

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