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La rédemption… et son double de David O. Russell, États-Unis, 2010, 112 minutes Marcel Jean

Serge Giguère Numéro 151, mars–avril 2011

URI : https://id.erudit.org/iderudit/63303ac

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Éditeur(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (imprimé) 1923-5097 (numérique)

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Citer ce compte rendu Jean, M. (2011). Compte rendu de [La rédemption… et son double / The Fighter de David O. Russell, États-Unis, 2010, 112 minutes]. 24 images, (151), 66–66.

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La rédemption… et son double par Marcel Jean © Paramount Pictures

’est chose connue, le ring est le ter- Dans cette perspective, ce qui se joue le récit s’arrêtant avant le premier des trois ritoire de la rédemption. On y souf- entre les deux frères de l’histoire semble se affrontements (incidemment, Ward a perdu C fre, on y expie ses fautes, on y frôle répéter entre les acteurs du film : tête d’af- deux de ces trois combats). la mort pour mieux revivre. The Fighter, ins- fiche d’une œuvre dont il est aussi le pro- La trouvaille de Russell, en fait, réside dans piré de la vie de l’Irlando-Américain Micky ducteur, Wahlberg se sacrifie à la perfor- la façon dont il parvient à intégrer et à syn- Ward (interprété par ), mance de , laissant à celui-ci thétiser le style télévisuel lors du filmage des retient évidemment cette idée, mais en y les morceaux de bravoure, les coups d’éclat, combats, retrouvant ainsi la spontanéité, la appliquant une légère variante : ici, ce n’est jusqu’à l’habituelle métamorphose physique tension des événements filmés en direct. pas tant de la rédemption du boxeur qu’il des acteurs interprétant des boxeurs, ici plus Jamais Russell ne sombre dans la surenchère est question (Ward est un individu plutôt spectaculaire chez Bale (qui apparait émacié, et la démultiplication des coups (Rocky), lisse), mais de celle de son demi-frère et la peau tendue sur les os et les nerfs remon- jamais il ne s’adonne au plaisir de l’esthé- entraîneur, Dicky Eklund (Christian Bale), tés comme des ressorts) que chez Wahlberg tisation chorégraphique (Raging Bull). Ses pugiliste déchu ayant sombré dans la dro- (un corps musclé sur un visage de gamin, combats ont ainsi une surprenante effi- gue. Personnage complexe, celui-ci est à la comme toujours). Ainsi, le film de Wahlberg cacité, atteignant un niveau exceptionnel fois l’allié et l’opposant du héros, avant de devient aussi celui de Bale, ce qui est tout à de réalisme. faire corps avec lui dans la victoire finale. l’honneur de l’acteur-producteur. Premier film de David O. Russell depuis Le combattant du titre, c’est donc autant Aux commandes de The Fighter, David O. l’échec injustifié de I Heart Huckabees il y a Dicky Eklund que , comme si on Russell (Spanking the Monkey; Three Kings) – six ans et, surtout, depuis les démêlés juridico- avait scindé la part sombre et la part lumi- l’un des metteurs en scènes américains les financiers qui ont suivi l’interruption du tour- neuse d’un seul individu en deux person- plus doués actuellement – privilégie une mise nage de Nailed 2, en 2008, The Fighter marque nages. C’est là la première chose qui distin- en scène directe, crue, sans effets de style, donc aussi la rédemption d’un cinéaste que gue The Fighter du tout-venant du film de sans lyrisme, quelque chose qui, au final, se plusieurs croyaient au tapis. Est-ce que, dans boxe : on y remarque une approche actan- rapproche de la « philosophie » pugilistique une pure logique hollywoodienne, le succès du cielle originale dans laquelle Dicky Eklund de Micky Ward. Le film trouve donc sa cohé- film permettra au cinéaste de reprendre son occupe toutes les grandes sphères, Micky rence dans cette unité de ton, dans la façon film en main ? On n’en sait encore rien, mais Ward lui permettant, de manière catharti- dont le cinéaste traduit la modestie du boxeur, la prochaine scène se jouera possiblement lors que, d’accomplir son destin. sa simplicité : Ward n’est ni Mohamed Ali, ni de la soirée des Oscar. On voit d’ailleurs, dans The Fighter, une Jake La Motta. Aux yeux mêmes de l’histoire 1. Micky Ward a été champion de la World Boxing Union équipe de tournage documentaire réalisant de la boxe, il n’a rien de légendaire : c’est (WBU), ce qui est dans le monde de la boxe ce qu’un grand prix au FFM est dans le monde des grands festi- un reportage portant sur Eklund. D’emblée, un petit battant, un teigneux, un dur capa- vals de films. celui-ci est donc donné comme un person- ble d’encaisser les pires coups, une sorte 2. En 2008, David O. Russell a tourné un film intitulé Nailed, avec Jake Gyllenhaal et Jessica Biel. Le tournage nage cinématographique. Mais le reportage d’archétype de l’Irlandais, au fond. Mais il a a cependant été interrompu à quelques jours de la fin, diffusé à la télévision, qu’Eklund regarde en subi 13 défaites et n’a jamais été champion les producteurs n’arrivant plus à assumer leurs enga- gements. Une longue bataille juridique a suivi et selon prison entouré de ses codétenus, ne raconte du monde de l’une des principales fédéra- les dernières nouvelles, le financier Ron Tutor aurait que la dérive d’un pauvre type. Pour que tions1. Si on se souvient encore de lui dans 20 récemment pris la décision d’embaucher un autre réali- sateur pour terminer le film. l’histoire soit complète, pour que la dimen- ans, ce sera uniquement pour ses trois furieux États-Unis, 2010. Ré. : David O. Russell. Scé. : Scott Silver, Paul sion mythologique opère, le destin d’Eklund combats contre le Montréalais , Tamasy, Eric Johnson. Int. : Mark Wahlberg, Christian Bale, Amy doit être associé à celui de son demi-frère. dont il n’est même pas question dans le film, Adams, Melissa Leo. 112 minutes. Dist. : Alliance.

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