dossier

sommaire

28 Les aoc rongent leur frein

28 Bordeaux Le merlot sur le grill 30 Côtes du Rhône Les descendants du grenache dans l’arène 32 Muscadet Sortir du monocépage 34 Beaujolais Dans l’attente du gamaret 34 Alsace Ses cépages migrent vers le sud 36 Au nom de la liberté

37 « Le monde a besoin de nouveaux cépages » 38 Cépages résistants Dans les starting-blocks

44 Cépages oubliés Ils sont de retour 46 Cépages étrangers Des débuts timides © S. CHAMPION S. ©

26 La Vigne - N° 280 - novembre 2015 L’encépagement en mouvement

Appellations, vignerons et chercheurs relancent l’expérimentation variétale pour dénicher des cépages résistants aux maladies, adaptés au réchauffement climatique et plus productifs ou plus originaux que les cépages actuels. Ils témoignent de leurs réussites et de leurs difficultés.

La Vigne - N° 280 - novembre 2015 27 dossier Les AOC rongent leur frein

Pour la Cnaoc, tester les variétés résistantes au mildiou et à l’oïdium ou adaptées au changement climatique devient un enjeu majeur. la réglementation des AOC interdit Reste à assouplir toute dérogation au cahier des charges, la réglementation. fût-ce pour des essais de cépages. © P. GLEIZES

rouver des cépages essais. Les vins produits avec des train. Une option que Bernard nécessitant moins cépages ne figurant pas au cahier Farges n’envisage pas. « Les AOC «T d’intrants, c’est une des charges d’une appellation ne ne doivent pas rester figées. Elles priorité pour les AOC, plaide peuvent pas être vendus sous le ne peuvent pas laisser aux autres Bernard Farges, président de nom de celle-ci. segments l’initiative d’adapter le vi- la Cnaoc, la confédération des gnoble aux nouvelles contraintes. » syndicats d’AOC. Nous devons L’expérimentation de nouveaux La Cnaoc et le comité national répondre à l’attente sociétale qui cépages en AOC se pratique, en des vins AOC de l’Inao ont donc est aussi celle des viticulteurs et raison de cette règle, à petite demandé la possibilité de vendre de leurs salariés car ce sont les échelle et est prise en charge par sous AOC des vins issus de pro- premiers concernés par les traite- des organismes publics. Un sys- grammes expérimentaux dû- ments. Nous devons aussi tester tème qui présente deux inconvé- ment autorisés. des cépages adaptés au change- nients : il ne permet de tester que Pour le moment, c’est non. Au P. ROY P. ment climatique. Sachant que tous peu de variétés à la fois et dans ministère de l’Agriculture, on leur © doivent respecter la typicité de nos peu de situations. a répondu que c’était impossible appellations. » Comme l’opposition aux traite- dans le cadre de l’actuelle OCM. « Les AOC ne En soi, l’équation est déjà compli- ments grandit et que quantité « On doit pouvoir trouver une so- doivent pas quée à résoudre. Or, la réglemen- de variétés résistantes sortent lution, insiste Bernard Farges. tation n’aide en rien ceux qui des stations de recherche alle- […] Ce serait magique d’avoir des rester figées. » veulent s’y attaquer. Elle interdit mandes, italiennes, suisses et variétés qu’il suffirait de traiter Bernard Farges, toute dérogation aux cahiers des bientôt françaises, il faut chan- deux fois pour maintenir leur bon président de la Cnaoc charges, fut-ce pour lancer des ger d’échelle ou laisser passer le état ­sanitaire. » Bertrand Collar

Bordeaux Le merlot sur le grill

de France et surtout 21 cépages cépage précoce, occupe 60 % du Étudier le comportement de cépages étrangers, comme le saperavi et vignoble. « Avec l’augmentation tardifs dans le Bordelais, terre par le rkatsiteli, originaires du Cau- des températures, le cycle de la excellence du merlot, un cépage précoce : case, le mavrud, venant d’Europe vigne est plus précoce. L’alternative c’est l’ambition du projet Vitadapt*. de l’Est, ou encore le touriga na- pourrait consister à piocher parmi cional du Portugal. les cépages à maturité tardive », ex- plique Agnès Destrac Irvine. n janvier prochain, les voiler avant l’heure. Ingénieur à Tous ont été choisis pour leur L’équipe de Vitadapt planche œnologues de l’ISVV (Ins- l’Inra de Bordeaux, elle pilote le caractère tardif, leur notoriété également sur Greffadapt*. Ob- E titut supérieur de la vigne projet Vitadapt. En juin 2009, au et leur potentiel qualitatif. Il jectif ? Étudier le comportement et du vin), dégusteront en Gi- cœur des Graves, l’Inra a planté s’agit d’étudier leur comporte- et la résistance à la sécheresse de ronde les premières microcuvées quelque 52 variétés sur 0,6 ha : ment au vignoble et la qualité 55 porte-greffes dont 30 connus de 21 cépages tardifs. Quels types des cépages du Bordelais (caber- de leurs vins dans le contexte en France, les autres venant de de vin vont-ils découvrir ? Agnès net-sauvignon, , du réchauffement climatique l’étranger. Une parcelle a été plan- Destrac Irvine ne veut rien dé- merlot), issus d’autres régions et dans une région où le merlot, tée en septembre dernier où ces

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porte-greffes ont été combinés d’Avola) et du Portugal (touriga à cinq cépages (cabernet-sauvi- nacional). « Nous ignorons si le gnon, ugni blanc, pinot, syrah et merlot s’adaptera au réchauffe- grenache). ment climatique », indique Alix Combes, directeur du château. Dans le même temps, un projet Les nouveaux venus réagiront autour des consommateurs est peut-être mieux. Pour l’instant, mené. Il s’agit d’évaluer com- ils sont surveillés à la loupe. Le ment ils acceptent les vins moins touriga nacional, qui vient d’un acides et plus riches en alcool climat océanique mais plus issus des millésimes chauds. chaud que celui de Bordeaux, se Un premier résultat montre que comporte bien. Concernant les les consommateurs préfèrent maladies, le mildiou a attaqué le ces vins lorsqu’ils les dégustent tempranillo en 2014 pour, au fi- seuls, en dehors des repas. Mais nal, être moins agressif en 2015. lorsqu’ils sont attablés, ils pen- chent nettement pour les vins Après les vendanges 2016, les classiques du Bordelais, aux premiers vins seront dégustés. En notes de fruits frais, plutôt que attendant, dès le printemps pro- de figue et de pruneau. chain, le château plantera des À Saint-Laurent-Médoc, le Châ- variétés résistantes. teau La Tour Carnet lance ses Colette Goinère propres essais. L’an dernier, l’ex- ploitation a planté 48 cépages (*) Vitadapt et Greffadapt : projets portés sur un hectare : des variétés du par l’UMR écophysiologie et Génomique Agnès Destrac Irvine, sud de la France (mourvèdre), fonctionnelle de la vigne de l’Inra, l’uni- ingénieur à l’Inra de du Sud-Ouest (manseng noir, versité de Bordeaux et Bordeaux Sciences Bordeaux, pilote le projet Agro, et financés pour partie par le Conseil duras, tannat), d’Espagne (mora- interprofessionnel du vin de Bordeaux et le Vitadapt. © F. Cottereau sel, tempranilllo), d’Italie (nero conseil régional d’Aquitaine.

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Document :ArcelorMittal_LaVigne_Sitevi.pdf;Format :(204.82 x 150.82 mm);Date :27. Oct 2015 - 16:47:57;Certifié OneVision par RAVERI dossier Côtes du Rhône Les descendants du grenache dans l’arène

Après le marselan, deux autres descendants du grenache – le caladoc et le couston – pourraient rejoindre la liste des cépages accessoires de l’appellation Côtes du Rhône. Tous les trois se montrent plus réguliers et plus colorés que leur géniteur.

e marselan gagne du ter- gement. Le Syndicat général des rain dans le Sud-Est. Dans vignerons des Côtes du Rhône a L le cadre du plan collectif lancé des essais en 2006 qui se de restructuration 2011-2013 sont poursuivis jusqu’en 2014. du bassin Vallée du Rhône-­ Au cours de cette période, son un encépagement élargi permet d’apporter Provence, il a représenté 13 % service technique a également de la diversité aux profils des surfaces plantées. Il compte, observé deux autres cépages des- des vins. © J. NICOLAS aujourd’hui, 1 560 ha dans la ré- cendants du grenache, le caladoc gion. « C’est un cépage qui plaît, et le couston. annonce Biljana Arsic, respon- « Grenache et syrah dominent sable du service technique du notre encépagement, indique concluants. Les variétés testées Ces cépages doivent toutefois être Syndicat général des vignerons Biljana Arsic. L’introduction de offrent une bonne intensité co- implantés à bon escient. Le marse- des Côtes du Rhône. Facile à ces nouvelles variétés, en tant que lorante (IC) : entre 15 et 20 pour lan est un cépage tardif. Il préfère conduire, il a notamment fait l’ob- cépages accessoires, apporterait de le caladoc ; entre 20 et 30 pour le les terroirs précoces bien alimen- jet de demande de coopérateurs la diversité dans les plantations et, marselan et le couston. Leur ap- tés en eau. Produisant de petites désireux de diversifier leur encépa- in fine,dans le profil de nos vins. » port dans les assemblages pour baies, son rendement en jus sera gement. » Sans compter que le grenache, rehausser la couleur, un point en effet affecté s’il soufre de -sé sensible aux aléas climatiques, faible du grenache, présente cheresse. Lors de la récolte, les Depuis 2010, il figure dans le cahier a une production fluctuante. En donc un réel intérêt. Les vins sont grains doivent être mûrs sinon de l’appellation Côtes du Rhône 2013, il avait fortement coulé, aussi plus structurés. Le caladoc ils ne tombent pas et donnent où il peut entrer à hauteur de entraînant une récolte particu- et le marselan présentent des in- des goûts de poivron vert au vin. 10 % maximum dans l’encépa- lièrement faible dans les Côtes dices de polyphénols totaux (IPT) Plus fertile, le caladoc convient du Rhône. compris entre 50 et 80 selon les davantage aux terroirs secs. Il Dans ce domaine, les trois cé- millésimes. Le minimum requis doit être taillé court pour maîtri- pages étudiés se montrent plus pour le côtes-du-rhône étant de ser son rendement à 40-45 hl/ha. réguliers. Ainsi, tandis qu’en 35. Quant au couston, il monte Quant au couston, ultra-précoce, 2010 et 2013, le grenache a pro- jusqu’à 100, d’où une structure il se vendange fin août, en même duit 1,5 kg/cep, ses descendants tannique imposante. « Ainsi, as- temps que les premiers blancs. ont donné plus de 2,5 kg/cep ! Ils semblés à un côtes-du-rhône stan- Sa culture est préconisée sur des sont, en outre, très peu sensibles dard, ces trois cépages renforcent le zones tardives correctement ali- à la pourriture grise. Les essais de fruité et la structure sans en retirer mentées en eau. vinification ont également été la typicité », observe Biljana Arsic. Au vu de ces résultats, le syndicat

Les Corbières également intéressées par le marselan

Dans les Corbières aussi, le marselan suscite Le marselan est planté, depuis 2009, sur le territoire des l’intérêt. En 2014, le syndicat de l’appellation a réclamé Corbières, mais n’est pas autorisé en AOC. À ce jour, 381 ha son introduction comme cépage accessoire à hauteur de ont été plantés, dont 52 ha dans l’aire classée du vignoble. 10 % de l’encépagement. « La chambre d’agriculture de Le syndicat a également demandé, l’an dernier, le l’Aude, l’Inra et l’ICV ont conduit des essais au cours des dix relèvement du grenache gris à 50 % dans l’élaboration dernières années, explique Catherine Verneuil, directrice du des rosés. « Ceci permettrait de produire plus de rosés, Syndicat général des AOC Corbières et Corbières Boutenac. dont la demande augmente, sans déshabiller les rouges », Ils ont démontré sa faible sensibilité aux maladies et sa commente Catherine Verneuil. Depuis 2000, le grenache stabilité en termes de production. Il apporte également gris peut entrer dans la composition des rouges et des du fruit et de la concentration aux vins, deux caractères rosés à hauteur de 10 %. Ces demandes sont en stand by, attendus par les consommateurs. » l’Inao ne s’étant toujours pas prononcé. Grappe de marselan. © R. Pistre/INRA

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va demander à l’Inao que le cala- Deux atouts pour les caves particulières doc et le couston intègrent les cépages accessoires de l’appella- Treizième cépage le plus greffé Autre variété en vogue, le tion Côtes du Rhône, à hauteur en France, le marselan doit une caladoc qui est le quatorzième de 10 % de l’encépagement. bonne partie de son essor au cépage le plus greffé à ce jour. Languedoc-Roussillon. Il figure « Nous avons de plus en plus de dans le top 5 des cépages les plus demandes pour cette variété, bien Outre les syndicats, des vignerons plantés dans cette région qu’elle ne soit pas encore autorisée font évoluer l’encépagement de – aux alentours de 300 ha/an au en AOC et en IGP, annonce René leurs exploitations. C’est le cas à cours des dix dernières années – Laffont, responsable technique Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse) si bien qu’il couvrait 2 460 ha en des Pépiniéristes producteurs du où le grenache est roi. « Il reste le 2013. Répertorié dans les cépages Comtat, à Sarrians, dans le Vaucluse. cépage leader de nos vins, lance principaux de l’IGP Pays d’Oc depuis C’est un excellent producteur, Thierry Sabon, du Clos Mont 2008, sa production est en hausse : stable d’une année sur l’autre. De Olivet (38 ha). Mais, il est sensible 29 229 hl certifiés en 2013-2014 plus, ce cépage est apte à produire au court-noué et, avec l’évolution contre 21 722 en 2011-2012. des rouges comme des rosés. » Là du climat, il produit des degrés de « Les caves particulières le mettent encore, l’essentiel des plantations se plus en plus élevés. Aussi, nous en avant dans leur gamme, plus que concentre en Languedoc-Roussillon complantons du mourvèdre dans les coopératives, observe Laurent où il couvrait 2 030 ha en 2013. certaines parcelles de nos vieux Mayoux, chef de service adjoint « Vinifié avec les technologies grenaches. C’est un cépage tardif à FranceAgriMer Montpellier. Il modernes, comme la que nous ramassons à 14°. » leur permet de se différentier, à thermovinification ou la vinification Grappe de Moins de 4 ha sont ainsi concer- l’exportation notamment. Beaucoup préfermentaire à froid, il donne cadaloc. © IFVV nés. « Il apporte des notes épicées, en font le fleuron de leur gamme d’excellentes cuvées souples et en le vinifiant, par exemple, en fruitées, en adéquation avec la parcelles en IGP Vaucluse ou sans et sa structure tannique épaule barriques. » Selon lui, les caves demande des marchés », observe indication géographique. bien le grenache », explique le coopératives ne disposent pas Laurent Mayoux, chef de service Le bassin Vallée du Rhône-Provence vigneron. Sa Cuvée du Papet en encore de lots suffisamment adjoint de FranceAgriMer. Le caladoc recense ainsi 1 317 ha de caladoc contient jusqu’à 20 % sur les mil- importants pour le valoriser en se plante aussi de plus en dans la plantés en 2013, soit presque autant lésimes solaires, comme ceux de cépage pur sur le marché du vrac. basse vallée de la Durance dans des que le marselan (1 560 ha). 2003 et 2007. Chantal Sarrazin

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Intégrer d’autres cépages au muscadet reste un sujet sensible pour les professionnels. © C. Watier

Muscadet Sortir du monocépage

L’ODG du muscadet veut ouvrir la porte à d’autres cépages que le seul melon de Bourgogne afin de proposer des vins plus aromatiques aux acheteurs. Un dossier délicat.

la base de la pyramide Castel Loire, l’un des principaux cabinet de marketing et toutes des muscadets, le mus- acheteurs de muscadet. les composantes du vignoble, de- A cadet AC est à la peine. Pour aller vite – trop vite sans vrait déboucher sur une nouvelle 130 000 hl sont sortis des chais doute –, l’ODG a présenté un dos- proposition. « Il faut produire durant la dernière campagne. sier dès le mois de janvier 2015 « Il faut dissocier les divers musca- Commercialisée à 65 % par le au comité régional de l’Inao, dets, avec une segmentation claire un vin blanc négoce, cette appellation est très demandant l’introduction de passant par un encépagement dif- aromatique en présente en grande distribution, colombard, chardonnay et sau- férent pour donner de la lisibilité à introduisant à des prix plus proches des IGP vignon gris dans l’encépagement l’ensemble. Il en va de la survie du que des AOC. « Face à cette situa- du muscadet AC, à hauteur de vignoble », insiste un courtier. 10 % d’autres tion, on bouge ou on attend ? », 10 %. L’idée a provoqué une levée cépages, comme interrogeait Joël Forgeau, le pré- de boucliers dans une partie du Les partisans de cette évolution le sauvignon, sident de l’ODG Muscadet, il y a vignoble. « Le muscadet doit rester peuvent s’appuyer sur un exemple un an. un monocépage. Sinon, il ne peut proche. Depuis cinq ans, le Gros- le chardonnay ou plus s’appeler muscadet », a pro- Plant (40 000 hl) – l’autre AOC du le colombard » L’ODG a donc lancé un dossier de testé un groupe de vignerons, Pays nantais – peut être assemblé Rodolphe Lefort, dirigeant révision du cahier des charges, plutôt issus de la vente directe. avec du colombard et du montils. de Castel Loire encouragé par le négoce, avec, Idem pour l’Inao, qui a retoqué le Ces deux variétés ont rejoint la parmi les points sensibles, ce- dossier, considérant rédhibitoire folle-blanche dans la liste des lui de l’encépagement. « Il faut la proposition. cépages autorisés, à hauteur de rille. Une évolution qui n’a pas ré- produire un vin blanc aromatique Depuis, l’ODG s’est remis à l’ou- 10 % maximum. « Les produc- volutionné l’AOC. « Ces cépages se en introduisant 10 % d’autres cé- vrage. Et plus personne ne s’ex- teurs veulent proposer un vin plus développent doucement. Quelques pages, comme le sauvignon, le prime tant que le sujet n’aura aromatique. Le colombard apporte cuvées les intègrent. De mon côté, chardonnay ou le colombard », pas avancé. « On travaille », se des arômes d’agrumes ; le montils, j’ai déjà du montils en production insiste, depuis plusieurs années, contente de répondre Joël For- de la rondeur », souligne le prési- et j’ai planté du colombard. » Rodolphe Lefort, le dirigeant de geau. Le dossier, mené avec un dent de l’ODG, Jean-Michel Mo- Patrick Touchais

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Vincent Dugué, cogérant du Château de la Ragotière, 72 hectares, à La Regrippière (Loire-Atlantique)

« Du viognier avec la finesse ligérienne »

’est en dégustant un viognier du sud de la région d’origine. On ne fait pas du condrieu. «Cla France en 1995 que mon beau-père, On garde une identité Val de Loire, avec Bernard Couillaud, a eu l’envie d’en planter », l’équilibre correspondant entre le sucre raconte Vincent Dugué, cogérant du Château et l’acidité », souligne Vincent Dugué. de la Ragotière (72 ha en production), à Une politique que le domaine suit pour La Regrippière. À l’époque, la plantation est d’autres cépages blancs importés, comme réglementée par la région. « Il a fallu que mon le chardonnay, le petit manseng, vinifié beau-père propose une expérimentation pour en demi-sec, ou encore le muscat à petits que l’Inao et l’Onivins acceptent son projet », grains. Le Château de la Ragotière a été poursuit Vincent Dugué. parmi les premières exploitations à planter Une fois le feu vert obtenu, Bernard Couillaud du chardonnay en Pays nantais, jusqu’à en a surgreffé de viognier 50 ares de melon de cultiver désormais 40 ha qu’il décline sous Bourgogne, sur une parcelle conduite en taille différentes cuvées en IGP Val de Loire. courte, pour un rendement optimal de l’ordre Quant au viognier, elle en produit chaque de 30 hl/ha. « On oscille entre 20 et 30 hl/­ha année 2 000 à 3 000 bouteilles, vendues en selon les années, souligne le responsable vin de France à 6 € TTC prix public. du vignoble. Côté degrés, on vise 12,5 à 13 Les clients sont surtout des cavistes et des à la récolte. » Le raisin, vendangé à la main, est restaurateurs en quête d’originalité. ensuite vinifié et élevé entre huit et dix mois, « Au-delà de ce côté innovant, on aime aussi avec parfois une malo. Au final, il produit un proposer des dégustations comparatives de vin très aromatique, marqué par une touche nos blancs pour prouver que le melon est bien typique de violette en fin de bouche. Pas de un révélateur de notre terroir », conclut Vincent c h ai s doute, c’est du viognier, mais avec la finesse Dugué, n’oubliant pas qu’il est avant tout sur u To ligérienne. « On n’essaie pas d’imiter les vins de les terres du muscadet. © P. P. ©

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Alsace Ses cépages migrent vers le sud

Les cépages emblématiques d’Alsace, le gewurztraminer et le riesling, font leur petit bonhomme de chemin dans le Midi.

ntre 2012-2013 et 2013- Le riesling entre aujourd’hui dans 2014, les volumes de la composition de sa cuvée Bois- E gewurztraminer reven- rond (3 000 à 4 000 cols en Pays diqués en Pays d’Oc ont triplé, d’Oc, vendus 7,50 € TTC, prix pu- bondissant de 1 099 hl à 3 472 hl, blic) à hauteur de 70 à 80 %, sui- selon Inter Oc. Au cours de la vant les millésimes. Le petit man- même période, les certifications seng et le sauvignon complètent en riesling sont passées de 137 à l’assemblage. « Le riesling apporte Edwige Thuillé, chef d’exploitation du Domaine 374 hl. « Nous avons demandé à de la minéralité à l’ensemble », de Valensac, dans l’Hérault. expérimenter ce cépage en 2000, observe la responsable. Le pe- indique Edwige Thuillé, chef tit manseng, lui, possède aussi d’exploitation du Domaine de une certaine acidité, mais alliée alors que le rendement moyen consommateurs cherchent absolu- Valensac, 46 ha en Pays d’Oc à à du gras. Quant au sauvignon, de l’exploitation est de 60 hl/ha. ment à le reconnaître et n’appré- Florensac (Hérault). Nous avons il donne du bouquet. Implanté cient plus le vin dans sa globalité. » obtenu une dérogation pour plan- en coteaux sur des graves argi- Elle ne mentionne pas la présence Elle ne leur dévoile sa présence ter 50 ares. Nous voulions savoir s’il localcaires du domaine, le ries- du cépage dans la cuvée aux qu’à la fin. Ils se montrent alors pouvait apporter de la fraîcheur à ling soufre toutefois du manque clients du caveau. « J’ai remarqué agréablement surpris. nos blancs sudistes », ajoute-t-elle. d’eau. Il produit 30-35 hl/ha, que cela faussait la dégustation : les chantal sarrazin

34 La Vigne - N° 280 - novembre 2015 dossier

Vincent Pugibet, viticulteur au domaine de la Colombette, à Béziers (Hérault), expérimente des variétés résistantes au mildiou et à l’oïdium. © P. PARROT

Cépages résistants Dans les starting-blocks

Les viticulteurs qui ont testé à grande échelle les variétés résistantes suisses et allemandes ont obtenu des résultats prometteurs avec les blancs. Mais certains s’exaspèrent des lourdeurs administratives qui entravent leur plantation.

es cépages phyto­ exemple, le cabernet carbon, une médiocres. Cette année, nous avons dans ces vignes », assurent-ils. d é p e n d a n t s , obtention allemande, n’a pas don- mieux travaillé la vigne, veillé à évi- Pratiquement toutes les variétés c’est fini ! Je n’en né de bons résultats : il ne produit ter tout stress hydrique, et c’est le testées s’avèrent très productives : plante plus. Je qu’une année sur trois et donne meilleur vin de la cave », se réjouit dès la première campagne, cer- «Ln’ai pas envie de m’empoisonner. » des vins foxés, très acides, avec Vincent Pugibet. taines donnent 30 à 40 hl/ha. Et Au domaine de la Colombette, une couleur bleutée », témoigne en rythme de croisière, les ren- Vincent Pugibet est volontiers le ­vigneron. Ce vignoble de cépages résistants dements atteignent facilement provocateur. Mais il joint le n’a pas reçu un seul traitement 150 à 200 hl/ha, en condition geste aux paroles. Depuis huit « L’intérêt de ces au long des huit années, à l’ex- irriguée. ans, il teste à grande échelle, variétés, c’est aussi ception du cabernet jura et du Les vignerons biterrois ont pu avec son père François, des va- leur facilité de culture, cabernet blanc. Ces derniers ont aussi repérer quelques difficultés riétés résistantes au mildiou et à leur productivité en effet été traités contre l’oïdium pour certains cépages : le musca- l’oïdium obtenues en Suisse et en et les possibilités pour en encadrement de la floraison ris, par exemple, produit énor- Allemagne. Sur une quarantaine lors de certaines campagnes. Par mément de pampres, imposant les valoriser » d’hectares, ils ont planté une ailleurs, toutes les vignes sont trois passages par an ; le cal 6-04 vingtaine de cépages différents taillées mécaniquement. Les s’avère, lui, très cassant et tient pour apprécier leur résistance Pour d’autres, il a fallu se montrer plantiers sont ainsi montés sur moyennement à la chaleur. aux maladies et leurs aptitudes patient et apprendre à les accli- fil dès la première année.« À l’ex- Côté vin, les Pugibet constatent culturales et œnologiques. mater. « Les premières années, le ception de cette année-là, nous n’ef- un réel écart entre les blancs et « Tous ne sont pas intéressants. Par cabernet blanc produisait des vins fectuons plus aucun travail manuel les rouges. « Pour le moment, nous

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Le Languedoc-Roussillon, la région la plus ouverte aux nouvelles variétés

Quels sont les freins et les leviers à l’acceptation des cépages résistants ? C’est le sujet du mémoire de Pauline Blonde (photo), étudiante à Sciences Po Grenoble, sous la tutelle de Jean-Marc Touzard et de Jean-Marc Barbier, chercheurs à l’Inra de Montpellier. L’étudiante a interrogé cinquante-cinq acteurs de la filière dont une trentaine en Languedoc-Roussillon. « Le Languedoc-Roussillon est la région la plus ouverte à l’introduction de ces nouvelles variétés. Des moteurs comme le domaine de la Colombette, l’ICV et les chambres d’agriculture ont contribué à cette dynamique. De plus, la région est habituée aux mutations. Le poids des AOC, avec leur cadre réglementaire, y est moins prégnant que dans d’autres régions françaises », explique l’étudiante. Pour les personnes interrogées, les variétés résistantes permettent de préserver la santé des viticulteurs, de leurs salariés et des riverains. Elles sont source de gain de temps et diminuent le stress en période de traitement. Enfin, elles permettent de lancer de nouveaux produits. Cependant, les viticulteurs restent plus dubitatifs sur l’intérêt économique de ces variétés qui ne sont pas éligibles à l’aide à la restructuration. Du côté des freins, les personnes interrogées soulignent la lourdeur des procédures d’essai et d’inscription dans les cahiers des charges. Des craintes s’expriment également sur la réalité et la durabilité de la résistance aux maladies de ces nouvelles variétés et sur leurs aptitudes culturales. Pour encourager leur plantation, il faudrait mettre en place des parcelles témoins, organiser des dégustations des vins, assouplir le carcan réglementaire et octroyer les primes à la restructuration. ne sommes pas convaincus par les 60 000 cols de ces deux vins, au rouges, à l’exception peut-être du prix de 3 € HT départ cave et pro- cabernet jura. Les vins ne ressem- posés entre 8 et 9 € prix public la blent en rien à ce que nous connais- bouteille. Le domaine a utilisé le sons et peuvent difficilement être reste de la production de ses cé- utilisés en cépages purs. De plus, pages résistants en assemblage ils ne “prennent” pas le bois. Nous dans la cuvée Barbejo, en vin de avons essayé d’utiliser deux fois des France bio, ou l’a commercialisé staves : le boisé est resté impercep- en vrac. « L’intérêt de ces variétés, tible en bouche. » ce n’est pas seulement leur résis- tance aux maladies, mais c’est aussi « Avec un traitement leur facilité de culture, leur produc- par an, il n’y a aucune tivité et les possibilités de valori- hésitation à avoir : sation qu’elles offrent », souligne c’est notre santé et Vincent. Si les Pugibet ont ou- vert la voie, de nombreux autres celle de nos salariés vignerons et coops manifestent que l’on préserve. » l’envie de suivre leurs traces.

En revanche, les blancs donnent À Bordeaux, la famille Ducourt des vins intéressants : très fruités exploite 450 ha de vignes dans et présentant une bonne acidité, l’Entre-deux-Mers. Elle a planté même avec des rendements éle- deux variétés résistantes en vés. Quatre variétés se révèlent juin 2014 : le cal 6-04 sur 1,3 ha et ainsi prometteuses : le souvi- le cabernet jura sur 1,6 ha. Dans gnier gris, le muscaris, le caber- le cadre d’un protocole d’essai net blanc et le cal 6-04. Assem- suivi par la chambre d’agricul- blées, elles composent le blanc ture de Bordeaux, le domaine de la cuvée Au Creux du Nid du s’est engagé à faire un traitement domaine, le rouge de cette même contre le mildiou et l’oïdium à la cuvée étant exclusivement à base floraison, pour éviter les risques de cabernet jura. Cette année, la de contournement de résistance. Colombette a commercialisé « Le cal 6-04 est très fertile ●●●

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Document :NEW LAMOUROUX P-LAV2-1015.pdf;Format :(106.82 x 291.82 mm);Date :13. Oct 2015 - 13:51:38;Certifié OneVision par RAVERI dossier

Cépage Cal 6-04. photos : Rebschule Freytag

●●● et fructifère mais il est sen- avant que nous ayons eu le temps celle de nos salariés qu’on préserve. Colmar. « Nous avons dégusté les sible à la casse. Les premiers raisins de le ramasser », explique Jérémy Même si ces variétés ne sont pas vins des essais Vate (Valeur agro- que nous avons récoltés sont très Ducourt. parfaites, ça vaut le coup de les nomique, technologique et en- intéressants. Ils donnent des vins expérimenter pour tester d’autres vironnementale – essais officiels avec un profil thiolé marqué et une Le jeune œnologue est très en- modèles de production, créer de réalisés en vue de l’inscription au belle acidité. Le cabernet jura, lui, thousiaste à l’égard de cette ex- nouveaux produits et réfléchir à catalogue, NDLR). C’est intéressant ne présente pas de difficultés cultu- périmentation et entend bien la stratégie commerciale que l’on mais il s’agit de résultats obtenus à rales et se montre moins fructifère la poursuivre en plantant deux peut mettre en place. C’est très ex- très petite échelle. Pourquoi ne pas que le blanc. Nous n’avons pas pu autres variétés : le muscaris et le citant », se réjouit-il. mener, en parallèle, des expérimen- le vinifier. C’est un cépage précoce, souvignier gris. « Avec un traite- Il s’est même proposé pour es- tations de plus grande ampleur et il était mûr fin août-début sep- ment par an, il n’y a aucune hési- sayer à grande échelle les variétés chez des vignerons motivés pour tembre. Les chevreuils l’ont mangé tation à avoir : c’est notre santé et ResDur développées par l’Inra de le faire ? On gagnerait du temps et ces parcelles témoin, ouvertes aux visites, permettraient aux viticul- Controverse sur les cépages d’Alain Bouquet teurs de se faire une idée du com- le fait que ces huit variétés (cinq septembre par le site Vistisphere. portement en grandeur réelle de ces rouges et trois blancs) ont une Vis-à-vis du mildiou, ces génotypes variétés », plaide-t-il, sans succès résistance monogénique aux possèdent deux gènes de à ce jour. pathogènes, résistance que ces résistance – vp1 et vp2 – et n’ont, « Même si ces variétés derniers risquent de contourner. à ce jour, jamais présenté de signe Le fameux Run1, gène de résistance de contournement. Et le géniteur ne sont pas parfaites, à l’oïdium qui a fait preuve d’une Muscadinia rotundifolia, qui est, ça vaut le coup redoutable efficacité jusqu’ici, serait lui aussi, affiché monogénique Run1, de les expérimenter alors définitivement perdu et est en fait durablement résistant pour tester de ne pourrait plus être utilisé pour à l’oïdium (comme à l’ensemble nouveaux modèles la création de variétés résistantes. des bio-agresseurs majeurs) depuis Des affirmations contre lesquelles des millénaires dans le sud-est de production » s’élèvent l’équipe de l’Inra de Pech des États-Unis où la pression Alain Carbonneau, ex-patron « Beaucoup de caves coopératives, Rouge et plusieurs chercheurs parasitaire est particulièrement de la chaire de de notamment Buzet, Grézillac, Co- de Montpellier SupAgro, dont forte. à l’Inra de Pech Rouge, ces Montpellier SupAgro. © C. Stef Alain Carbonneau, ex-patron de la variétés qui subissent depuis une cumont et Duras, ont manifesté La décision prise par l’Inra de chaire de viticulture de Montpellier dizaine d’années une pression leur intérêt pour tester les variétés ne pas inscrire au catalogue SupAgro, s’est fait le porte-parole. maximale de l’oïdium et du mildiou, suisses, allemandes ou italiennes. français les variétés résistantes au « Nous contestons le fait de sans recevoir de traitement, restent Nous allons constituer un groupe mildiou et à l’oïdium obtenues par considérer comme monogéniques totalement résistantes », affirme réunissant cinq à six caves, y com- Alain Bouquet est très controversée, les Muscadinia RC Vinifera (MRCV) l’expert qui plaide pour le transfert pris particulières, pour conduire même parmi les scientifiques. obtenus par Alain Bouquet, écrit-il immédiat, au vignoble, de ces des essais », confirme Alexandra L’Inra justifie sa décision par dans une tribune publiée en cépages qualitatifs. ­Lusson de la chambre d’agricul- ture de Bordeaux.

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Dans l’Hérault, les candidats autorisation car il avait près de Deux pionniers à l’expérimentation se font de 15 000 € de plants en jeu. « En plus en plus nombreux. La cave tant qu’employeur, notre respon- La plupart des variétés coopérative de l’Occitane a planté sabilité juridique est trop forte. La résistantes au mildiou et l’an dernier 1,5 ha de vigne avec protection de nos salariés devient à l’oïdium ont été obtenues par u rp f la nzen lt Ku fü r i t u s in st l’Institut public de la viticulture des variétés allemandes : essen- un casse-tête. Les mesures de pré- de Fribourg, en Allemagne, ou tiellement souvignier gris, ca- vention qu’on nous impose sont ung orsch par le viticulteur et sélectionneur s f bernet cortis et monarch, plus inapplicables. Avec ces cépages ré- suisse Valentin Blattner. quelques rangs de muscaris et de sistants, on peut réduire nos trai- L’Institut de Fribourg a démarré cabernet cantor. Les vignerons du tements d’au moins 75 %. Il n’y a ses travaux dès les années 1960. Cabernet blanc. h n/Bunde Kü J. Pays d’Ensérune sont également plus à tergiverser : il faut qu’on nous Après avoir créé une 1re génération © sur les rangs pour expérimenter laisse avancer », s’enflamme-t-il. de cépages résistants, il les a cabernet-sauvignon), aux vins des variétés italiennes avec l’IGP recroisés avec Vitis vinifera pour légèrement fruités, voire neutres. Pays d’Oc. « Les mesures de améliorer leurs aptitudes culturales Valentin Blattner, à la différence prévention qu’on et œnologiques, obtenant ainsi : de l’Institut de Fribourg, n’indique Officiellement, seule une dizaine nous impose sont l le cabernet cortis (solaris x pas les géniteurs résistants utilisés d’hectares serait plantée en France inapplicables. Avec cabernet-sauvignon), qui donne lors de ses croisements. Il a obtenu : des vins rouges colorés et taniques avec des variétés suisses et alle- ces cépages résistants, l le cabernet blanc, variété mandes résistantes au mildiou et rappelant le cabernet-sauvignon ; blanche dont le cabernet- à l’oïdium, principalement dans on peut réduire nos l le monarch (solaris x sauvignon est l’un des parents le Languedoc et le Bordelais. Offi- traitements de 75 %. » dornfelder), un autre cépage noir, et dont les vins rappellent ceux cieusement, c’est beaucoup plus. au potentiel de rendement élevé, du ; Certains viticulteurs ont pris le Même irritation dans un autre apparemment moins résistant l le Cal 6-04, autre variété risque d’en planter sans obtenir domaine, qui a planté cinq va- à l’oïdium qu’au mildiou ; blanche dont les vins rappellent l le feu vert de l’administration riétés résistantes (muscaris, le muscaris (solaris x muscat le riesling ou le sauvignon, blanc à petits grains), un cépage dont la réponse tardait. souvignier gris, cabernet blanc, selon les sources, blanc qui donne des vins vifs l le cabernet jura, variété « Je ne comprends pas pourquoi cal 6-04 et cabertin) sans feu vert aux notes muscatées ; il y a tant de freins », confie l’un officiel.« Il n’y a pas de fondement noire et autre descendant l le souvignier gris ( x du cabernet-sauvignon. d’eux, qui a fini par planter sans à nous empêcher de tester ces varié-

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●●● tés. Il faut que les autorités sur l’expérimentation des va- comprennent que c’est dans l’intérêt riétés – résistantes entre autres de la filière. Financièrement, tout – en vue de leur classement. Il est à notre charge. Nous voulons indique que les variétés à l’essai proposer à nos clients des vins “zéro seront classées temporairement traitement” », fulmine le respon- pour permettre leur évaluation, Cépage cabernet jura. sable du domaine. Il y a urgence mais qu’en cas de retrait de ce photos : Rebschule Freytag à assouplir la situation. Peut-être classement, elles devront être le sera-t-elle bientôt. raître en fin d’année) détaillant inquiétant qu’elles seront exa- « Il n’y a pas de les modalités d’expérimentation, minées avec un a priori négatif. Un décret important pour l’expéri- fondement à nous les critères de classement des va- Une autre exigence pourrait éga- mentation de nouvelles variétés empêcher de tester ces riétés et le contenu du dossier à lement être précisée dans les ar- est, en effet, paru le 28 avril der- déposer auprès de FranceAgri- rêtés : que les noms des nouvelles variétés. Il faut que les nier. Le moins que l’on puisse Mer. variétés ne risquent pas d’induire dire, c’est qu’il n’a pas fait grand autorités comprennent Le texte indique que ces critères le consommateur en erreur. Les bruit. Et pourtant, il régit le clas- que c’est dans l’intérêt « peuvent tenir compte des stra- cabernet jura, cabernet carbon sement des variétés de raisins de de la filière. » tégies de lutte contre les maladies ou cabernet cortis devront-ils cuve, sésame indispensable pour afin de ralentir les contournements changer de nom pour être auto- qu’elles puissent produire du vin arrachées au plus tard quinze des gènes de résistance aux mala- risés en France ? Les réponses à en France. Il pose aussi les bases ans après la date du retrait. Il an- dies ». Pour les partisans des va- ces questions devraient bientôt d’une nouvelle réglementation nonce un arrêté (qui devrait pa- riétés résistantes, c’est le signe être clarifiées. Michèle Trévoux

L’Italie autorise onze variétés de cépages résistants

L’Italie vient de classer onze variétés cabernets ont une touche de cabernet, idem pour résistantes au mildiou et à l’oïdium : quatre les sauvignons et merlots », assure-t-il. Obtenues début avril (Fleurtai B, Julius N, Solaris B et par rétrocroisements, ces variétés présentent, Sorèli B), puis sept autres, début août (cabernet les unes, une résistance simple ou monogénique, eidos, cabernet volos, merlot kanthus, merlot les autres, une résistance polygénique. « En Italie, khorus, sauvignon kretos, sauvignon nepis nous avons le même objectif que l’Inra en France : et sauvignon rytos). Désormais, les vignerons créer des variétés polygéniques. Mais il faut que peuvent les planter pour produire des vins sans les vins obtenus soient bons. Je préfère un cépage indication géographique. Développées par monogénique qui donne un bon vin qu’un l’Institut de génomique d’Udine (Frioul), ces polygénique qui en donne un mauvais : seul variétés seront diffusées en exclusivité par la le premier contente le vigneron et le consommateur ! », pépinière Vivai Cooperativi Rauscedo (VCR). Une confiait, lors du dernier Vinitech, le docteur diffusion qui sera progressive. « Nous ne pourrons Eugenio Sartori, directeur de VCR. Bien avant pas proposer assez de plants pour répondre l’Italie, l’Allemagne avait ouvert ses portes à la demande », explique Kévin Baralon, cadre aux cépages résistants. La Rhénanie-Palatinat, Lors du dernier Vinitech, VCR a fait sensation avec ses cépages résistants aux noms commercial chez VCR France. Durant le Sitévi la plus grande région viticole d’Allemagne, a ambigus, comme ce petit cabernet. Pour (24-26 novembre 2015), ce pépiniériste fera autorisé le regent dès 1996. Depuis, elle a classé éviter le risque de confusion, celui-ci s’appelle déguster des vins obtenus par microvinifications trente autres variétés analogues, et les autres désormais cabernet eidos. © C. FAIMALI/GFA pour démontrer la qualité de ses variétés. « Les régions lui ont emboîté le pas.

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