28 Dossier N° 674 mai 2014 PhytomA

Les sept plathelminthes invasifs introduits en France Sept espèces de plathelminthes terrestres invasifs ont récemment été introduites en France : comment les reconnaître, quels risques font-elles courir, et que faire ?

Jean-Lou Justine*, Jessica Thévenot** et leigh winsor***

ne fois n’est pas coutume, les animaux présentés ici ne nuisent pas à la santé des végétaux ! Enfin, pas direc- tement.U Mais certains ont une nuisibi- 1 lité agronomique en décimant les vers MNHN - Justine J.-L. : Photos de terre. D’autres peuvent déprécier la qualité de fruits et légumes. Sans compter leur toxicité propre et leur caractère invasif inquiétant pour la biodiversité. Les plathelminthes terrestres < 1 et 2 - Espèce « rayée jaune ». en général Individus longs de 5 à 12 cm. Pho- Il y en avait déjà en Europe, to 1 : la tête est à droite. Photo 2 : mais ils étaient discrets la tête est en haut à droite. Les plathelminthes terrestres sont tous des ^ Ci-dessus, carte de présence prédateurs ou nécrophages qui se nourris- 2 en avril 2014. sent d’animaux variés de la faune du sol. Il existe depuis longtemps des plathel- Espèces invasives signalées (30 à 50 mm, jusque 20-40 cm de long pour minthes terrestres en Europe (Jones, 2005) depuis 2013 en France une espèce) et, souvent, leur prolifération y compris en France. Mais ce sont des ani- Mais ce ne sont pas ces plathelminthes impressionnante. maux discrets et petits (10-20 mm de long, terrestres indigènes qui sont l’objet de cet Les plathelminthes terrestres invasifs ne 1 mm de large). Ils appartiennent aux genres article. En revanche, plusieurs espèces de s’attaquent pas aux plantes mais, en per- Rhynchodemus, comme Rhynchodemus syl- plathelminthes terrestres invasifs ont été turbant la biodiversité des animaux du sol, vaticus, ou , comme Microplana détectées en France. Certaines sont proba- mettent en péril nos sols – en particulier en terrestris. Ces espèces locales, nécrophages blement présentes depuis quelques années, diminuant les populations de vers de terre. ou prédatrices, mangent des petits inverté- mais n’ont commencé à être répertoriées Pour certaines espèces, on a signalé un effet brés du sol (proies en rapport avec leur petite que depuis 2013. Elles se distinguent de plus direct sur les productions agricoles car taille) et passent totalement inaperçues. nos espèces locales par leur grande taille ces animaux ont tendance à envahir les fruits et légumes, les rendant moins appétissants. On compte quatre espèces de plathelminthes Résumé terrestres invasifs largement réparties sur le territoire français, et trois autres plus rares.  Contexte - Plusieurs espèces nomique vu leur caractère à la propagation via la terre des pots de plathelminthes terrestres inva- fois invasif et prédateur de vers de plantes est souligné. Aucune de ces espèces n’est réglementée sifs ont été signalées depuis 2013 de terre. L’une d’elles déprécie les (voir Encadré 1). en France métropolitaine. Leur fruits et légumes par sa présence.  mots-clés - Ravageurs sou- nuisibilité potentielle vis-à-vis des Les facteurs expliquant leur carac- terrains, ravageurs émergents, Points communs : végétaux est indirecte mais elles tère invasif sont signalés, ainsi que plathelminthes terrestres invasifs, plats, lisses, gluants… leur toxicité. méritent d’être signalées ici. France, plathelminthe terrestre es- Le critère général pour reconnaître les pèce « rayée jaune », Parakonti-  description - Après présen-  conseils - Des conseils sont plathelminthes terrestres invasifs est qu’ils kia ventrolineata, plathelminthe tation de leurs points communs, donnés pour leur reconnaissance sont plats (on les appelle aussi « vers plats »). les sept espèces signalées en (différence avec d’autres animaux), terrestre espèce « marron plate », De plus, le corps est lisse (pas d’anneaux), France métropolitaine à la date la marche à suivre pour les signa- Bipalium spp., Caenoplana coe- sans pattes ni antennes, les yeux ne sont pas du 8 avril 2014 sont décrites avec ler et les actions pour les détruire rulea, Austroplana sanguinea alba, visibles à l’œil nu (sauf une espèce). Ils ont les éléments de biologie connus. (parfois possibles mais souvent Platydemus manokwari, descrip- un corps gluant et se déplacent en laissant Plusieurs ont une nuisibilité agro- limitées). Le risque d’infestation/ tion, biologie, nuisibilité, conseils. derrière eux une traînée de mucus, comme Phytoma N° 674 mai 2014 Dossier 29

donne un nouvel ) ; pas de reproduc- 1 - Où en est la réglementation ? tion sexuée observée en France. • Particularités : trouvée surtout dans le Il n’existe aucune réglementation protection des plantes (OEPP), réalise des midi, mais aussi en Bretagne (carte). concernant les plathelminthes invasifs normes sur certaines espèces inscrites Cet animal semble être surtout prédateur terrestres présents en France. dans des listes soumises à réglementa- d’arthropodes du sol, cloportes notamment. Néanmoins, la gestion de la surveillance tion ou pour la mise en quarantaine. Ces et de la prévention des risques sanitaires normes sont décidées par le « Groupe de Parakontikia ventrolineata, liés aux animaux et aux végétaux est travail pour l’étude de la réglementation la nécrophage qui souille les fraises confiée aux Organismes à vocation sa- phytosanitaire ». • Nom scientifique exact : Parakontikia nitaires. À titre d’exemple, l’OEPP (OEPP, 2013a, ventrolineata (Dendy, 1892) Winsor, 1991. Dans ce cadre, le cas du plathelminthe 2013b) a réalisé une norme sur Arthur- • Origine : Queensland (Australie) (Winsor, de Nouvelle-Guinée Platydemus mano- dendyus triangulatus afin que les États 1991) mais les spécimens français viennent kwari est actuellement traité par ces or- membres de l’OEPP puissent prendre les probablement du sud de l’Angleterre où ganismes compétents. mesures nécessaires. l’espèce s’est installée. Rappelons ici qu’A. triangulatus, le • Description : allongée, tête fine, dos Au niveau européen, une organisation « plathelminthe de Nouvelle-Zélande », presque noir avec des lignes plus claires. 1 intergouvernementale, l’Organisation invasif dans les îles britanniques, n’a ja- à 5 cm de long (photos 3 et 4). européenne et méditerranéenne pour la mais été trouvé en France. • Reproduction : sexuée, avec production de cocons de ponte, petites boules de 3-4 mm. Chaque cocon contient plusieurs embryons les escargots et limaces. Le corps est mou, (Jones, Santoro, Boag, & Neilson, 2001 ; qui éclosent après quelques semaines. sans aucune partie dure. Murchie & Gordon, 2013). Cette espèce n’a • Particularité : très abondante dans certains L’anatomie de ces animaux est étrange : la pas été signalée en Europe continentale, jardins de Bretagne. bouche n’est pas au niveau de la tête mais donc jamais en France (Jones et al., 2001). • Régime alimentaire certainement nécro- sous le ventre, au milieu du corps, et il n’y phage : l’espèce se nourrit de vers de terre, a pas d’anus. Selon les espèces, les yeux Espèces trouvées en France escargots ou limaces écrasés. Nous ne savons sont très nombreux, disposés tout le long Plathelminthe terrestre, pas si elle peut s’attaquer activement aux du corps et presque invisibles, ou il n’y a que espèce « rayée jaune », prédateur vers de terre vivants ou à d’autres proies. deux yeux sur la tête (cas de Platydemus, d’arthropodes du sol • Pour savoir si un jardin est infesté, il suffit yeux visibles avec une loupe). Les glandes • Nom : inconnu pour le moment. d’écraser une limace dans un coin humide de la peau secrètent un mucus gluant. • Origine : inconnue pour le moment ; pro- et de revenir le lendemain : on trouvera des Toutes les espèces de plathelminthes ter- bablement hémisphère Sud, Australie. dizaines de vers agglomérés sur le cadavre. restres invasifs appartiennent à la famille • Description : allongée, tête fine, dos avec Cette espèce pourrait poser un problème des (Sluys, Kawakatsu, Riutort, une bande jaune et deux lignes noires fines. économique indirect. En effet, elle aime se & Baguna, 2009) et sont surtout originaires 5 cm de long, jusqu’à 12 cm chez les plus poser sur les fruits (fraises, etc.) et légumes ; de l’hémisphère Sud (Australie, Nouvelle- grands. Très facile à reconnaître par sa cou- en automne, elle affectionne les trous des Zélande, Amérique du Sud) et d’Asie, sur- leur (photos 1 et 2). pommes tombées. Et sa présence n’est pas tout du Sud-Est. Les parties les plus au sud • Reproduction : par scissiparité (le corps considérée comme appétissante ! de l’hémisphère Sud ayant un climat proche perd un morceau de 1 cm à l’arrière, qui du nôtre, certaines espèces sont parfaite- Plathelminthe terrestre, ment capables de s’acclimater ici. espèce « marron plate », inquiétante Une espèce, Arthurdendyus triangulatus, prédatrice de vers de terre dite aussi « plathelminthe de Nouvelle- • Nom : inconnu pour le moment. Zélande » (« New Zealand »), est • Origine : inconnue pour le moment. célèbre pour avoir envahi le nord des îles • Description : marron et plate. Dos marron, britanniques depuis les années 1980. C’est dessous clair. Selon les spécimens, la couleur un prédateur dont l’impact sur les popula- va de marron clair à presque noir. La cou- tions de ver de terre est bien documenté leur n’est pas unie. 4 à 6 cm de long, 8 mm de large (très large par rapport aux autres espèces) (photos 5 et 6, pages suivantes). > 3 et 4 - Parakontikia ventrolineata. • Reproduction : sexuée, avec production de De 1 à 5 cm de long, elle peut paraître noire selon l’éclairage. Photo 3 : la tête est à gauche. cocons de ponte, petites boules de 4-5 mm. Photo 4 : la tête est à droite. • Particularités : c’est l’espèce la plus souvent Elle semble se nourrir de vers de terre trouvée en France, dans 31 départements et mollusques morts. Elle est nuisible en en avril 2014, et la liste des signalements souillant les légumes et fruits type fraise. augmente chaque semaine. Cette espèce a > En haut, carte de présence établie en avril 2014. probablement envahi toute la France mé- tropolitaine et certains pays voisins. • Les animaux se cachent le jour sous les pierres, les planches, mais sortent la nuit. • Régime alimentaire : vers de terre. De ce fait, c’est potentiellement l’espèce la plus dangereuse pour l’agriculture, mais on ne connaît pas son impact exact sur les 3 4 Photos : J.-L. Justine - MNHN - Justine J.-L. : Photos populations de vers de terre. 30 Dossier N° 674 mai 2014 PhytomA

< 7 et 8 - Spécimens du genre Bipalium. Notez la tête en marteau caractéristique. Ce sont les plus longs plathelminthes terrestres identifiés en France : 20 et parfois jusqu’à 40 cm. v Ci-dessous, carte de présence, pour l’ins- tant seulement méridionale.

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Photos 5, 6, 7, 8, 9 : J.-L. Justine - MNHN ; 10 : F. Bécheau ; 11 et 12 : P. Gros (Licence CC-BY) (Licence Gros P. : 12 et 11 ; Bécheau F. : 10 ; MNHN - Justine J.-L. : 9 8, 7, 6, 5, Photos 5 6

^ 5 et 6 - Espèce « marron plate ». Taille de 4 à 6 cm. Photo 5 : la tête est à gauche. La couleur du dos peut varier de marron clair à marron très foncé, mais n’est jamais unie. Le ventre est de couleur crème. Cette espèce est inquiétante car elle est déjà présente dans 31 départements mi-avril 2014 (voir carte de présence ci-dessus)... Et elle se nourrit de vers de terre vivants.

On nous a rapporté que l’espèce est par- • Description : faciles à reconnaître avec avec un Bipalium, mais pas en France mé- ticulièrement abondante dans certaines leur tête plate en marteau. Corps très long, tropolitaine. On imagine la réaction d’un jardineries, où presque chaque pot serait jusque 20 ou même 40 cm (photos 7 et 8). consommateur trouvant un ver de 20 cm, vendu avec son plathelminthe invasif… • Reproduction : par scissiparité (le corps mobile et gluant, dans sa salade. perd un petit morceau de 2 cm à l’arrière, Espèces du genre Bipalium, qui donne un nouvel animal) ; pas de repro- Caenoplana coerulea, la rare les « géants » à tête plate duction sexuée sous nos latitudes. au ventre bleu • Nom : Bipalium comme nom de genre ; le • Particularité : leur grande taille. Cette espèce n’avait été trouvée qu’une fois nom des espèces n’est pas encore déterminé • Régime alimentaire : vers de terre. en France, dans les Pyrénées-Orientales, avec certitude. Nous avons probablement af- Ces espèces prédatrices sont impression- mais a été signalée récemment (avril 2014) faire à Bipalium kewense et Bipalium nobile, nantes par leur taille, mais leur impact dans à l’île de Ré, ayant envahi un milieu natu- mais des vérifications moléculaires sont en les milieux naturels et cultivés en France rel (bois assez éloigné des habitations). cours. Une troisième espèce serait présente. pourrait n’être qu’anecdotique. Elles ont D’autres localités pourraient être infestées. • Origine : les Bipalium sp. proviennent parfois été trouvées sous serres chaudes. On • Nom scientifique exact : Caenoplana coe- d’Asie du Sud. nous a rapporté des cas de légumes vendus rulea Moseley, 1877. • Origine : Queensland (Australie) mais les spécimens français ont pu être introduits d’autres pays d’Europe, comme l’Espagne. Fig. 1 : Carte cumulative des mentions de plathelminthes invasifs • Description : allongée, dos noir avec une terrestres en France rayure claire très nette, ventre bleu. 5-10 cm La couleur indique le nombre d’espèces signalées, jusqu’à quatre dans certains de long (photos 9 et 10). départements. Carte établie en avril 2014. Les départements en blanc sont ceux • Reproduction : pas observée en France. où nous n’avons pas eu de mention de plathelminthe terrestre : cela ne signifie pas • Régime alimentaire : arthropodes du sol qu’il n’y en a pas ! Mais simplement que personne n’en a encore signalé... (cloportes, insectes). Particularités : la seule espèce avec un ventre bleu. Trouvée jusqu’ici seulement dans les Pyrénées-Orientales et à l’île de Ré.

Austroplana sanguinea alba, trouvée une seule fois • Nom scientifique : le trinôme Austroplana sanguinea alba ne correspond pas bien aux lois de la nomenclature. L’espèce demande une révision taxonomique. Nombre • Origine : Queensland (Australie) mais d’espèces trouvées les spécimens français viennent peut-être d’autres pays d’Europe, comme l’Espagne. pas d’information • Description : allongée, couleur unie rose 1 ou orange selon ce que l’animal vient de 2 manger (pas de photo). 3 • Reproduction : pas observée en France. 4 • Régime alimentaire : vers de terre (pas observé en France).

Source : INPN - Paris Particularités : couleur rose ou orange. Trou- vée une fois dans les Pyrénées-Orientales. Phytoma N° 674 mai 2014 Dossier 31

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10 ^ 11 et 12 - Platydemus manokwari, dit aussi plathelminthe de Nouvelle-Guinée. 9 Photo 12 : détail du dos. > Carte de présence : ^ 9 et 10 - Caenoplana coerulea. trouvée sur un seul site, pour l’instant. Taille 5 à 10 cm. Notez son ventre bleu-violet et la ligne claire sur le dos noir. La seule localité est Caen, Trouvée dans les Pyrénées-Orientales et à l’île de Ré. en confinement dans une serre fermée.

Platydemus manokwari, trouvée une ont des anneaux, et un clitellum chez les fois, potentiellement très invasive individus sexuellement matures (segment • Nom scientifique : Platydemus manokwari un peu gonflé, au tiers de la longueur) ; < Carte de Beauchamp, 1963 – dit aussi « plathel- • les chenilles – mais elles ont des pattes ; de présence d’Australoplana minthe de Nouvelle-Guinée » (Justine, Win- • les sangsues (en principe aquatiques mais sanguinea sor, Gey, Gros, & Thévenot, 2014). on peut les trouver en milieu sec) – mais les établie • Origine : Nouvelle-Guinée (son nom fait sangsues ont des ventouses et des anneaux ; en avril 2014 référence à la ville de Manokwari). • les orvets – mais les orvets sont grands, (pas de photo). • Description : allongée, plate, couleur mar- autour de 50 cm à l’âge adulte et surtout, ils ron, ligne claire au milieu du dos, tête fine ont des yeux, une bouche, des écailles, et ne avec deux yeux visibles à la loupe (photos sont pas gluants (pas de mucus !). 11 et 12). De plus, aucun de ces animaux n’est plat Deux modes de reproduction • Reproduction : probablement sexuée en comme un plathelminthe ; la confusion efficaces France. ne résiste pas à un examen Certaines de ces espèces sont capables de • Particularités : trouvée de près. se reproduire de manière asexuée, et il dans les serres du Jardin suffit donc d’un individu pour envahir un des Plantes de Caen. Ex- Toutes les Pourquoi sont-ils territoire. Bipalium kewense se reproduit trêmement invasive, une aussi envahissants ? en perdant chaque semaine un morceau des « 100 espèces invasives espèces L’alliance du ver et du pot de son corps de 2 cm de long, qui va ensuite les plus néfastes au monde » décrites ici Toutes ces espèces sont par- reconstituer un adulte. (Lowe, Browne, Boudjelas faitement adaptées à voyager Les espèces qui se reproduisent de manière & De Poorter, 2000). peuvent dans la terre des pots, soit à sexuée sont capables de pondre des cocons • Régime alimentaire : es- voyager dans l’état adulte soit sous forme de (boules contenant plusieurs embryons) à cargots en priorité, autres cocons de pontes qui sont des l’âge de quelques semaines. Ces cocons sont animaux dont vers de terre la terre boules noires presque indé- relativement plus résistants que les adultes, (Justine et al., 2014). tectables. De plus, les adultes, avec une « peau » plus épaisse... et sont en- Espérons que vous ne des pots. voraces quand l’occasion se core plus difficiles à détecter... rencontrerez jamais cette présente, peuvent jeûner du- espèce. C’est potentielle- rant des semaines. Venus sans leurs ennemis ment une des plus dange- Ces espèces ont ainsi pu ar- Enfin, étant loin de leur milieu naturel d’ori- reuses, mais l’invasion devrait être contenue. river en France en profitant de transports gine, ces espèces n’ont ni prédateurs, ni para- Toutefois, on peut imaginer qu’elle réap- internationaux de plantes – en masse, ou sites. Ceci est un des facteurs de prolifération paraisse en France avec une importation même dans une plante transportée indivi- bien connu chez les espèces invasives. de plante exotique. Il faudra la signaler duellement. immédiatement ! Depuis que ces espèces exotiques sont arri- Les plathelminthes terrestres vées en France, elles se propagent rapide- sont-ils dangereux ? À savoir pour ne pas ment de la même manière : dans la terre En agriculture et jardins, confondre des pots. Une jardinerie infestée va donc nuisibilité indirecte Avec quoi peut-on confondre les contribuer à répandre des plathelminthes Ces espèces, répétons-le, ne nuisent pas plathelminthes invasifs terrestres ? dans toute une région. directement aux végétaux puisque ce sont Les confusions sont possibles avec : Après infestation d’un jardin ou d’une ex- toutes des prédatrices. Mais l’espèce dite • les limaces – mais les limaces ont des pé- ploitation agricole, les espèces vont ensuite « marron plate » , présente en France, ainsi doncules oculaires (« cornes »), même s’ils se propager par leurs propres moyens plus qu’Arthurdendyus trianglulatus, absent de sont parfois rentrés dans le corps ; lentement : quelques dizaines ou centaines France mais invasif dans les îles britan- • les vers de terre – mais les vers de terre de mètres par an. niques, sont agronomiquement nuisibles 32 Dossier N° 674 mai 2014 PhytomA

Pour en savoir plus 2 - Que faire pour signaler la présence ✎ Auteurs : *J.-L. Justine, Isyeb, Institut de sys- tématique, évolution, biodiversité, UMR7205 CNRS, d’un plathelminthe invasif terrestre ? EPHE, MNHN, UPMC, Muséum national d’histoire na- turelle, CP 51, 55, rue Buffon, 75231 Paris. D’abord, bien vérifier que c’est un plathel- • Votre prénom et nom complets (mais **Jessica Thévenot, Coordination technique et minthe invasif terrestre : comparer avec nous respectons l’anonymat des per- scientifique de la stratégie nationale relative aux espèces exotiques envahissantes, service du Patrimoine naturel, les photos des espèces dans cet article sonnes qui le désirent, ou des organismes Muséum national d’histoire naturelle, CP 41, 36, rue et sur le site http://bit.ly/Plathelminthe. qui ne veulent pas être cités) ; Geoffroy Saint-Hilaire, 75231 Paris. Faire des photos de près – un bon smart- • La commune et le département du lieu ***leigh winsor, School of Marine and Tropical phone vous fera une photo tout à fait de trouvaille ; Biology, James Cook University, Townsville Qld 4811, Australia. convenable – et les envoyer par e-mail : • Combien de plathelminthes vous avez contact : [email protected] [email protected] trouvé, où, comment ; Penser à placer un objet pour montrer les • Si vous autorisez à utiliser vos photos LIEN UTILE : http://bit.ly/Plathelminthe dimensions : un mètre ruban, du papier (en général tout le monde dit oui...), sous Bibliographie : - Cannon, R. J. C., Baker, R. H. A., Taylor, M. C., & Moore, J. P. (1999). A review of quadrillé ou une pièce de monnaie. votre nom complet ou sous vos initiales. the status of the New Zealand flatworm in the UK.An - Penser aussi à la lumière – votre photo Si vous appartenez à un organisme offi- nals of Applied Biology, 135(3), 597-614. sera meilleure si l’animal est bien éclairé. ciel ou « para-officiel », vérifiez que vous - OEPP. (2013a). EPPO A1 List of pests recommended Enfin, indiquer les détails suivants dans avez l’autorisation de transmettre des for regulation as quarantine pests (version 2013-09). http://www.eppo.int/QUARANTINE/listA1.htm. votre e-mail : photos. - OEPP. (2013b). EPPO A2 List of pests recommended for regulation as quarantine pests (version 2013-09). http://www.eppo.int/QUARANTINE/listA2.htm. par prédation de vers de terre. Quant à Pa- En serre et en pot, on peut les détruire - Jones, H. D. (2005). Identification : British land . British Wildlife, 16(3), 189-194. rontikia ventrolineata, sa présence peut dé- En serre, s’il s’agit des grandes espèces de - Jones, H. D., Santoro, G., Boag, B., & Neilson, R. O. Y. précier les fruits et légumes qu’elle colonise. Bipalium, on peut tenter de les éliminer à (2001). The diversity of earthworms in 200 Scottish fields la main : ces vers ne passent pas inaperçus. and the possible effect of New Zealand land flatworms Chargées en toxiques Il est préférable de ne pas les manipuler à (Arthurdendyus triangulatus) on earthworm populations. Par ailleurs, elles sont toutes chargées en di- mains nues mais de porter des gants à rincer Annals of Applied Biology, 139(1), 75-92. - Justine, J.-L., Winsor, L., Gey, D., Gros, P., & Thévenot, vers produits chimiques toxiques. Il n’est pas avant de les ôter. J. (2014). The invasive New Guinea flatworm Platyde- recommandé de les toucher à mains nues, de On peut débarrasser un pot de ses plathel- mus manokwari in France, the first record forE urope: laisser les animaux les toucher, et bien en- minthes terrestres par traitement ther- time for action is now. PeerJ, 2, e297. http://peerj.com/ articles/297. Version française « Le ver plat de Nouvelle- tendu de les manger. Une mique : inonder le pot avec de Guinée Platydemus manokwari en France, première toxine très puissante, la l’eau à 50 °C durant 10-20 mi- mention en Europe : il faut agir maintenant » – http:// tétrodotoxine, a été signa- nutes. Il faut contrôler la tem- peerj.com/articles/297/#supplemental-information. lée chez les Bipalium (on Il nous est pérature pour ne pas abîmer - Lowe, S., Browne, M., Boudjelas, S., & De Poorter, M. ignore si elle existe chez les la plante. Ceci a été publié (2000). 100 of the World’s Worst Invasive Alien Species. utile de A selection from the Global Invasive Species Database. autres espèces). (Sugiura, 2008 ; Tsang, Hara, Published by The Invasive Species Specialist Group (ISSG) Un chien ou un chat qui connaître & Sipes, 2001). Cependant, a specialist group of the Species Survival Commission se roule dans l’herbe peut les auteurs du présent article (SSC) of the World Conservation Union (IUCN), 12pp. l’étendue First published as special lift-out in Aliens 12, December revenir avec des plathel- n’ont pas d’expérience pra- 2000. Updated and reprinted version : November 2004. minthes collés sur le pe- de l’infestation tique de la méthode. - Murchie, A. K., & Gordon, A. W. (2013). The impact of lage. Des cas de chats ayant the « New Zealand flatworm », Arthurdendyus triangu- mangé puis vomi des Bipa- par les diverses En plein air et pleine latus, on earthworm populations in the field.Biological lium (la plus grande des espèces. terre, piégeage artisanal Invasions, 15(3), 569-586. - Sluys, R., Kawakatsu, M., Riutort, M., & Baguna, J. (2009). espèces) ont été rapportés Si des Parakontikia ventroli- A new higher classification of flatworms (Pla- (Winsor, 1983). neata envahissent un potager, tyhelminthes, Tricladida). [Article]. Journal of Natural Nous avons des observa- cela peut être un problème History, 43(29-30), 1763-1777. tions ponctuelles sur le comportement de s’ils sont très nombreux car en se plaçant sur - Sugiura, S. (2008). Hot water tolerance of soil : poules mises en présence de plathelminthes. les fruits et légumes, ils les rendent moins utility of hot water immersion in preventing invasions of alien soil animals. Applied Entomology and Zoology, Elles les consomment lors du premier appétissants. On peut essayer de les piéger 43, 207-212. contact, mais semblent les rejeter ensuite. avec des appâts : écraser une limace ou un - Tsang, M. M. C., Hara, A. H., & Sipes, B. S. (2001). A hot Cela est probablement dû aux produits ver de terre, revenir le lendemain et brûler water drenching system for disinfesting roots and media chimiques contenus dans les plathelminthes l’appât et tous les vers qui sont dessus. of potted plants of the burrowing nematodes. Applied et leur mucus, qui leur donnent un goût très Engineering in Agriculture, 17, 533-538. - Winsor, L. (1983). Vomiting of land (Turbel- désagréable. Autres moyens de lutte, à trouver… laria : Tricladida : Terricola) ingested by cats. Australian Aucun produit phytosanitaire ni biocide Veterinary Journal, 60, 282-283. Que faire en cas de présence ? n’est prévu pour lutter contre les plathel- - Winsor, L. (1991). A provisional classification ofA us- D’abord, les signaler ! minthes invasifs terrestres. Les organochlo- tralian terrestrial geoplanid flatworms (Tricladida : Ter- ricola : Geoplanidae). Victorian Naturalist (Blackburn), Notre recherche en est à un stade assez rés ont été testés contre A. triangulatus mais 108(2), 42-49. initial, où il nous est utile de connaître non recommandés (Cannon, Baker, Taylor, l’étendue de l’infestation par les différentes & Moore, 1999). espèces. Quant à la lutte biologique, la toxicité de ces Remerciements Les auteurs remercient toutes Si vous trouvez des plathelminthes, le plus vers plats semble décourager les prédateurs les personnes qui ont participé à l’initiative de important, dans l’immédiat, est d’avertir autochtones potentiels (cf. les poules ci- science participative concernant la présence de plathelminthes terrestres invasifs en France. Inter- les scientifiques de leur présence (voir En- avant) et ces espèces semblent être arrivées titres et certaines parties rédigés par le journal. cadré 2). sans cortège de maladies… À suivre !