Le Groupe spéléologique de Porrentruy

Autor(en): [s.n.]

Objekttyp: Article

Zeitschrift: Les intérêts de nos régions : bulletin de l'Association pour la défense des intérêts jurassiens

Band (Jahr): 51 (1980)

Heft 1: Un sujet peu connu : la spéléologie

PDF erstellt am: 04.10.2021

Persistenter Link: http://doi.org/10.5169/seals-824600

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http://www.e-periodica.ch quelques mètres en amont de même fleurets de 1,20 m., 1,60 m., 2,40 m., 4 m. qu'une erreur d'appréciation de la et un aspirateur à poussière. profondeur à creuser de l'ordre d'une dizaine En explosifs : environ 200 kg. de cheddi- de mètres. te, 3C0 détonateurs et un exploseur Malgré la précision ahurissante de la électronique. jonction du puits artificiel avec le plafond de la galerie, il faut avouer une erreur Pour le déblayage enfin : grue, benne, d'une quinzaine de mètres en amont du brouettes, pelles et pics. point initialement prévu. Le coût des travaux : environ 6200 francs. Le matériel employé

En moyens de perforation : compresseur, perforatrice, marteau-piqueur, plusieurs

Le Groupe spéléologique de Porrentruy

Le Groupe spéléologique de Porrentruy, un club jeune, est fondé en 1973 par les membres ajoulots de SCJ. Il reprend les explorations des gouffres des Franches- Montagnes, mène plusieurs campagnes sur les karsts préalpins de /'Oberland bernois. En 1974, aidé par des plongeurs spéléologues de Lausanne, il explore le réseau du Creugenat. Récemment, il contribua à la découverte des cavernes du Vanil-Noir, en collaboration avec les spéléologues fribourgeois. Les membres du GSP sont présidés par Olivier Moeschler, Champ-de-Chêne, 2905 Courtedoux.

Le Creugenat

Le gouffre du Creugenat s'ouvre au bas duquel se cache le miroir du siphon, de la vallée sèche de Haute-Ajoie. Il est départ des explorations. situé à gauche de la route principale, à 200 m. de l'intersection Chevenez-Fahy. Si l'on continue la route vers l'amont, vers Chevenez, Rocourt, Réclère, Dam- Lorsque l'on passe en voiture de Porrentruy vant, on suit le parcours de la rivière à Chevenez, dès la sortie de la ville souterraine, jalonnée par quelques accidents on suit à gauche de la route le lit tectoniques et plusieurs orifices ouvrant temporaire de la rivière subaérienne du sur la rivière, dont le Creux-des-Prés à Creugenat, entrecoupé ça et là de cascades droite, 300 m. avant l'entrée de Chevenez. occasionnées par les vestiges d'écluses. Un édicule en béton, situé en Nous perdons le parcours du lit lors de pleins champs, à l'axe du talweg, marque la traversée du village de Courtedoux. l'aplomb de la rivière et, malheureusement. Mais nous ne tardons pas à le retrouver, aussi le point de déversement des immédiatement après le Restaurant du eaux usées de la région dans la rivière Creugenat. Cinq cents mètres plus loin, souterraine. En poursuivant la route, on après un fort virage à droite, nous trouve le trous des Rais, également à apercevons un bouquet d'arbres en avancement l'entrée d'un village, celui de Rocourt sur la forêt. C'est là qu'il se situe. cette fois-ci, à la hauteur des premières Au pied d'un rejet, on découvre l'entonnoir maisons et à gauche, au milieu du formant le gouffre émissif au fond talweg, à 100 m. de la route, repérable grâ-

14 GROTTE DU CREUGENAT Dév. 1800 m

Salle du Dr Perronne

Topo: G.S.P, GLRS., S.SS GE Dess. C.B. G.D. 78 ce à une plaque de chambre de canalisation impénétrables et difficilement décelables von Roll qui, nous le devinons, à cause de leur répartition et de l'opacité nous indique aussi la bonne utilisation de l'eau. de l'Aven. Toujours vers l'amont, à la Le cheminement de l'eau entre Courte- sortie de Rocourt, la rivière se Le sépare. doux et Porrentruy semble, au vu des petits bras à la principal se dirige travers clu- geysers qui se forment dans les à sette située direction Damvant. Quant pâturages, suivre les collines de la Bouloie l'affluent, il se dirige vers Grandfontaine et des Minoux pour sourdre à la Beuchi- en empruntant le fond de la vallée. re, ancien lavoir situé au milieu de A la sortie de la clusette direction Damvant, Porrentruy, et à ses collatérales, la Chau- une ancienne carrière, à gauche du mont et la Favergente. Dans ce dernier sens de marche, indique la hauteur du parcours, les eaux du Creugenat reçoivent gouffre de Vagégon qui se situe à droite les affluents provenant de Calabri, de la route, à environ 30 m., à l'orée de Mavaloz. Déduction fournie par les la forêt, dans l'angle formé par le observations du synchronisme des émissions. dégagement. Le débit de la rivière à l'étiage varie de Plus haut, le jalonnement est plus 7 à 30 litres/seconde pour arriver à plus aléatoire. Avant Réclère, une chaîne de donnes de 30 m3 en crue. Dans les fortes sur le fond du talweg et plusieurs émissions, il n'est pas rare de voir les gouffres petits avens qui s'ouvrent à l'occasion utilisés comme « troup perdus », le des crues et sont rebouchés ensuite par Creux-des-Prés, le gouffre des Rais se les agriculteurs. Après avoir traversé transformer à leur tour en gouffres émis- Réclère avec ses grottes situées sur la chaîne sifs. Au vu de la quantité de lisier rejeté, du Lomont, nous arrivons à Damvant, on peut se permettre de reconsidérer la limite du bassin versant du Creugenat. politique du puits perdu, largement pratiquée dans nos régions karstiques. Le Creugenat est un gouffre émissif Le émissions subites temporaire. Il est l'exutoire du trop plein du Creugenat, par ses drainage naturel de la vallée sèche de et d'origine mystérieuse, a toujours suscité Haute-Ajoie qui s'étend du gouffre à un intérêt soutenu dans la population. Damvant, ce qui représente un bassin « Le Creugenat est sorti » : c'est versant considérable (30 millions de l'exclamation populaire qui annonçait une «Dans les à mètres cubes d'eau de pluie). La Haute- crue. trois jours on aura nouveau le beau » : c'était la Ajoie est drainée par le bras principal de temps croyance associait la « sortie du Damvant à Ocourt et par son affluent de habituelle, qui » à la Grandfontaine à Rocourt. Nous pouvons Creugenat météorologie. confirmer cette hypothèse grâce aux Personne n'osait se risquer à pénétrer observations aérienne que nous avons dans le «Trou-du-Creugenat». Le nom effectuées. Ensuite la rivière souterraine, patois seul «Creux-aux-Genâtches» (Creux- baptisée l'Ajoulotte par nos précurseurs, aux-Sorcières) suffisait à rebuter toute descend vers Chevenez en utilisant à peu bonne volonté. près l'axe du talweg, elle traverse le Vers les années trente un spéléologue fort village de Chevenez et passe à la base du connu organisa les premières explorations Creux-des-Prés, puis oblique à gauche du Creugenat. Il laissa entrevoir la pour suivre les contreforts du Lomont et possibilité d'installer une turbine gagner le rejet à l'endroit du Creugenat. hydroélectrique et fonda la « Société du A l'étiage, toutes les eaux de l'Ajoulotte Creugenat » avec des fonds publics et privés. continuent en sous-écoulement sous la Durant l'hiver 1933-1934 des perforatrices plaine de Courtedoux. La perte se situe sont à l'œuvre. Une galerie de 6 m. de dans le siphon, à environ 30 m. de longueur est pratiquée du fond du gouffe l'entrée, dans plusieurs galeries interstrates au niveau du siphon. Cet agrandissement

16 du passage initial facilite grandement le qui ne manquait pas de se coincer dans passage lors de nos explorations actuelles. les anfractuosités du rocher. A la suite de ces explorations, il est décidé de La première exploration a lieu le 6 février pomper le siphon en profitant d'une 1934. Soixante mètres de galerie noyée période de sécheresse exceptionnelle. sont parcourus par un scaphandrier à Une entreprise de Zurich fut chargée de casque, puis 100 m. lors des seconds la chose. Une pompe, avec un moteur essais. Explois pour l'époque si l'on imagine électrique de 100 HP, fut installée sur le la situation du gars en « pieds bord de l'aven. Il fallut y établir une ligne lourds » traînant son tuyau d'arrivée d'air électrique spéciale avec un transforma-

L'AJOULOTE DANS LE SECTEUR DU CREUX DES PRES Exploration 1938 Elévation Creux des Prés

<— 50m Situation

Chevcnez CourTcdoui

ï_^> Coupe B Coupe C Coupe A

Coupe N.-S. par le Creux-des-Prés. K. s. : Kimmeridgien supérieur ; K. i. : Kimmeridgien inférieur ; M. pt. : Marnes ptéro- cériennes ; Séq. : Séquanien ; M.-G. : Marnes et gravier.

17 SITUATION DU COURS APPROXIMATIF ET DES ZONES EXPLOREES DE LA RIVIERE DE HAUTE AJOIE teur. Les Forces Motrices Bernoises se Revenons au Creugenat, 1934-1974, il chargèrent du travail et fournirent le courant, aura fallu près de quarante années pour le tout gratuitement. que des spéléos reprennent l'exploration de ce réseau. Encouragés nos Il fallait refouler l'eau à 15 m. de hauteur par prédécesseurs, nous effectuons la première et assez loin du bord du gouffre. Malgré y pointe le 28 septembre 1973. Le 31 le tuyau d'un diamètre de 80 cm. deux décembre de la même année nous traversons bonnes heures de pompage étaient le siphon d'entrée, long de 260 m., nécessaires pour vider la caverne. Les la salle du Dr Péronne (précurseur qui explorateurs avaient ensuite dix minutes plongea en pied lourd), le deuxième pour pénétrer à l'intérieur, examiner les siphon de 70 m. et nous dans lieux, prendre des photos au magnésium, progressons une galerie vadose jusque sous la voûte ramasser leur matériel et ressortir car, à du troisième siphon nous ce moment, la se désamorçait, que essayons pompe vaiement de forcer lors de l'exploration l'eau contenue dans le tube redescendant suivante. Plus tard, nous découvrons dans la galerie et obturait l'orifice. successivement la galerie du Grand, avec Il fallait ensuite laisser le niveau remonter arrêt sur un grand siphon, plongée sur pour réamorcer la pompe et revider 100 m. sans surface à ce jour, la galerie la galerie. des Cerises avec arrêt sur un éboulis de Les premières explorations « à pied sec » grandes dimensions et le lac au ont lieu le 29 juillet 1934. Les explorateurs Shampooing qui nous laisse deviner la liaison parcoururent une centaine de mètres avec le siphon de la galerie du Grand. et furent arrêtés sur siphon. A la suite de ces découvertes, plusieurs projets La dimension moyenne des galerie est de furent discutés, par exemple l'exploration l'ordre de 5 m. de large par 8 m. de haut. du Creux-des-Prés, situé à environ La reptation est rare pour l'instant. Tous 2 km. à vol d'oiseau. On y explora 300 m. les siphons donnant suite sont de dimensions de rivière, avec arrêt sur siphon à l'amont respectables, soit au minimum 2 m. et sur zone fangeuse à l'aval. sur 2 m. et, de surcroît, de faible profondeur, moins de 7 A la suite de la découverte du Creux- m. des-Prés un spéléologue de Porrentruy L'inconvénient majeur pour l'exploration — qui n'a jamais mis les pieds sous terre provient de la mauvaise visibilité dans de son vivant — préconisa l'utilisation du les zones d'entrée. Au premier passage gouffre comme point d'absorption favorable l'eau est trouble mais avec une visibilité pour injecter les égouts de Haute- de 4 m. Ensuite, pour le second plongeur, Ajoie. D'où l'état actuel lamentable de la elle devient opaque et la visibilité rivière souterraine. Avec le nouveau canton se réduit à 20 ou 30 cm. du Jura un collecteur sera construit amener les eaux usées à la station pour Pour ce réseau, l'espoir est grand. Le d'épuration qui sera érigée à l'aval de Groupe spéléo de Porrentruy attend le Porrentruy. retrait des égoûts pour continuer Dans les années 70, à maintes reprises, sérieusement le travail. La jonction avec le des spéléologues jurassiens tentent de Creux-des-Prés est évidente. Quant à traverser le lisier qui encombre le fond l'exploration vers l'amont, elle sera rendue du Creux-des-Prés. Mais les gaz les difficile par les siphons fréquents incommodent au point de provoquer des dus à la faible pente et par l'absence de malaises. Une équipe réussit pourtant à galeries supérieures à cause du faible traverser et explore environ 300 m. enfouissement du réseau, inférieur à derrière le siphon amont terminus des 30 m. Mais allons savoir, l'exploration années 38 et retombe sur un nouveau n'en est qu'à ses débuts. siphon.

19 «

Le gouffre de la Rouge-Eau

Présentation secs au fond durant toutes nos expéditions. L'entrée du gouffre où se perd la rivière Au bas de ces puits, il faut ensuite Rouge-Eau est située à l'extrémité sud- descendre par une grande galerie à est de la tourbière de la Bottière, à une travers un chaos de rochers et passer la altitude de 920 m. C'est une zone d'ab- voûte mouillante pour pénétrer dans la sorbtion qui marque le contact entre une salle Lièvre. Là seulement commence la région marécageuse et du calcaire véritable exploration. (tertiaire-calcaire où l'on Portlandien), a déjà Découvertes pu constater des phénomènes très deux de mât d'escalade, intéressants ; on raconte par exemple que Après manœuvres la roue d'un moulin installé sur la rivière et plus d'une heure d'efforts à s'est subitement enfoncée de plusieurs agrandir une étroiture, nous découvrons dizaines de mètres En 1953, une la galerie du Grand-Jour, longue de période de fortes pluies provoqua une 220 m., abaissant ainsi la cote totale du submersion totale du gouffre et un gouffre de près de 40 m. Par la suite, véritable lac se forma. Dernièrement encore, une remontée au mât dans une autre un nouvel orifice s'est ouvert environ cheminée de la salle Lièvre nous permet 50 m. avant l'entrée. de découvrir le réseau supérieur qui aboutit d'une part dans la galerie principale, Explorations court-circutant ainsi le siphon C'est en 1948 que la Section Jura tenta conduisant à la salle Lièvre, d'autre part la première exploration à la Rouge-Eau ; dans la galerie du Grand-Jour par une mais il fallut attendre juillet 1950 pour y galerie tortueuse. voir a première exploration d'envergure. En 1979, les expéditions reprennent pour Tout fut mis en œuvre selon les moyens découvrir, par des passages difficiles et disponibles à l'époque. Cependant, très étroits, la magnifique galerie de l'expédition risqua de mal se terminer, car I'« Excentrique ». Celle-ci remonte de le barrage destiné à assécher le gouffre —100 m. à —20 m. par une succession craqua brusquement et l'eau failli de cheminées et d'escalades en emporter les spéléologues. Le gouffre libre parfois très périlleuses pour se atteignait alors —100 m. de profondeur et terminer dans la salle Bürgi ornée de 150 m. de développement. splendides concrétions. En semptembre 1978, le Groupe spéléo- La somme de nos découvertes à la logique de Porrentruy décida d'aller Rouge-Eau est de 570 m. qui donnent remonter la cheminée de la salle Lièvre, ainsi au gouffre un développement total car le gravier qui obstruait régulièrement de 720 m. pour une profondeur de 137 m. le siphon conduisant à cette salle, Conclusions avait été emporté par une crue. La fameuse continuation de ia rivière Description n'a donc toujours pas été découverte. Pour atteindre le fond du gouffre, il faut Cependant, il semble que la zone de la descendre une série de puits copieusement salle Lièvre marque un niveau d'écoulement arrosés en période normale, mais plus lent, qui expliquerait la d'une impressionnante beauté. Ici, la présence d'un siphon dans le Grand-Jour rivière se transforme en torrent jaillissant et au même niveau que cette salle, fait de partout à la fois dans un fracas constaté durant une expédition. assourdissant. La Rouge-Eau nous réserve sans doute La rapidité de progression est primordiale encore bien des surprises mais nous et bien que le gouffre soit très n'oublierons jamais les instants bien équipé, nous arriverons rarement exaltants que nous y avons passés.

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