# 11 Déc. 2005

Fédération Bulletin d'éducation au Commerce équitable Artisans du Monde

Quelle(s) s o m m a i re garantie(s) pour le commerce

La garantie ...... ‘‘commerce équitable’’ . . . 2 équitable Quels systèmes de garantie . au niveau international ? . . . 5 a question de la garantie « commerce équitable » donne L lieu à de multiples débats et travaux. Les organisations de En France : ...... commerce équitable, le gouvernement français, des dirigeants points de vus et débats . . . . 12 de grandes entreprises ainsi que des institutions européen- nes et internationales s’y intéressent de près. Cette question Normalisation et certification : soulève plusieurs enjeux : améliorer le fonctionnement du les enseignements ...... commerce équitable, normaliser des pratiques à l’échelle française ou de l’agriculture biologique . 18 internationale ; mais aussi répondre aux questionnements légitimes des consommateurs se demandant « mais qu’est-ce qui me prouve que Pour aller plus loin ...... 21 ce produit est équitable ? ». Enfin, pour les organisations de commerce équitable, il s’agit aussi d’éviter que celui-ci ne soit vidé de son sens et Les critères d’Artisans du Monde d’une partie de ses fondamentaux par des entreprises en recherche au Nord comme au Sud . . . 24 d’une nouvelle niche « marketing ».

Mais si la garantie du commerce équitable donne lieu à autant de débats, de concertations, d’écrits et de critiques, c’est aussi parce que le commerce équitable est conçu de façon différente par ses princi- paux acteurs : a-t-il pour principal objectif de permettre à des « petits producteurs défavorisés » d’accéder au marché ? Est-il une forme d’aide aux pays du Sud ? Est-il un moyen de remettre en question le système économique dominant, nos modes de vie et de consommation, le fonc- tionnement de notre société et notre rapport aux pays dits du Sud ?

Absence de contrôle, contrôle externe ou interne unidirectionnel, contrôle croisé sur l’ensemble de la filière à la fois au « Sud » et au pour un comme rc e équitable « Nord », mode de certification participatif etc. sont autant de systè- la fédération mes de garantie différents qui découlent de ces positionnements. La garantie ‘‘commerce équitable’’

Dans ce numéro, nous vous présentons différentes approches et positionnements sur la question de la garantie « commerce De la confiance équitable ». Parfois contradictoires, ils ont cependant le mérite de poser le débat, de vous apporter un éclairage sur les enjeux actuels, à la normalisation de vous permettre de mieux appréhender Par Laurent Levard, Délégué Général de la Fédération Artisans du Monde les différentes pratiques en construction et d’identifier leurs principales limites et risques de dérives. e commerce équitable est né à l’initia- Ainsi, dans un premier temps, la naissan- L tive de militants du Nord, comme une ce d’organismes de certification (lesquels La première partie de ce numéro est consa- action de solidarité avec les populations ont fusionné en 1997 au sein de crée à l’évolution de la conception de la des pays du Sud. En offrant de nouveaux Labelling Organisation, FLO) répondait à garantie : « De la confiance à la normalisa- débouchés commerciaux à des produc- la nécessité de distinguer des produits du tion » p.2 et « Constructions collectives en teurs (artisans ou paysans), en permettant commerce équitable des autres produits France » p. 3. même parfois à certains secteurs d’avoir dans les magasins du commerce conven- La seconde présente les principaux systè- accès à une activité productive et en ga- tionnel (notamment en grandes surfaces). mes mis en place par les organisations de rantissant une relation inscrite dans la du- Du point de vue des engagements mutuels commerce équitable à l’échelle internationale rée et des prix rémunérateurs et stables, et de la garantie, quatre grands éléments (articles sur l’IFAT p.5 et FLO p.7), montre le commerce équitable a été conçu comme caractérisent ce système de certification : certaines de leurs limites et les risques une alternative aux formes traditionnelles de dérives auxquelles les organisations de d’aide au développement. Il s’inscrit ainsi La garantie est davantage conçue commerce équitable doivent rester attenti- dans la lignée des revendications de cer- comme une garantie pour les ves (articles « FLO et IFAT vus par le Frente tains pays du Sud à la CNUCED1 «Trade, consommateurs que pour l’en- Solidario » p.8 et «Vers un système de garan- not aid». Il a d’emblée été basé sur une semble des acteurs de la filière. tie participatif » p.9). relation entre organisations militantes au Les articles de la troisième partie propo- Nord et organisations de producteurs ou Il s’agit d’une garantie portant sur sent différents points de vue d’organisations non gouvernementales au Sud. Relation les produits, et non sur l’organi- françaises (association Yamana p.12, associa- humaine, militante, solidaire, où les uns sation de commerce équitable tion Max Havelaar France p.13, coopérative et les autres s’engageaient à respecter un ou sur l’entreprise chargée de la Andines p.16 sur la marque Bio-Equitable p.14 certain nombre de critères (pour Artisans commercialisation. et débat sur la question du label de commerce du Monde, ce sont les «critères au Nord et équitable p.15). au Sud» – voir la présentation en dernière Il existe une absence de symétrie En quatrième partie, un retour sur l’Histoire page) et qui était fondamentalement basée dans la démarche : les critères du de l’agriculture biologique, son évolution et sur la confiance mutuelle. Le commerce commerce équitable sont essen- sur l’élaboration d’un système de certification équitable restait par ailleurs marginal en tiellement des critères que doi- participatif, nous donnera un éclairage parti- termes commercial et de notoriété. Les vent respecter les organisations culier sur les enjeux créés par la normalisa- entreprises du commerce conventionnel de producteurs « au Sud » et les tion et les différents modes de certification de s’en désintéressaient. premiers acheteurs « au Nord » ; produits agricoles (p.18 à p.20). il n’y a pas parallèlement de cri- Enfin, lorsqu’on s’intéresse à la garantie du Dans un tel contexte, la question de la ga- tères commerciaux « au Nord » commerce équitable, particulièrement dans rantie n’était pas posée en tant que telle, que devraient respecter l’ensem- le cas d’une démarche de filière intégrée, la elle n’avait pas plus lieu d’être que dans ble des acteurs de la filière au question du transport des produits n’est que n’importe quelle autre relation militante Nord (par exemple sur les délais trop rarement évoquée et prise en compte. ou/et humaine, basée avant tout sur la de paiement notamment). Un article est consacré à ce sujet en fin de confiance mutuelle. Par ailleurs, une telle numéro, pour ouvrir le débat (p.21). relation de confiance existait naturelle- Il intègre la mise en place d’un ment entre consommateurs et organi- système externe de contrôle des Nous souhaitons préciser que les différents sations de commerce équitable. Pour le organisations de producteurs. auteurs s’expriment en leur nom propre et consommateur, le fait d’acheter un pro- leurs analyses et positions ne reflètent pas duit dans un magasin spécialisé de com- Dans les années 90, les organisations de nécessairement les positions de la Fédération merce équitable était une garantie en soi. commerce équitable du Nord et du Sud, Artisans du Monde. Nous les remercions rassemblées au sein de l’IFAT (Interna- chaleureusement pour leur participation à ce Avec le développement du commerce tional Federation for Alternative Trade) numéro. équitable, la question de la garantie est ont également considéré qu’il était né- Marilène Priolet devenue d’actualité. cessaire de créer un système de garantie Coordinatrice de la rédaction

équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ? 1 | CNUCED : Conférence des Nations Unis pour le Commerce et le Développement.  (différent de celui de FLO), où : de définir des critères, qui s’appliquent d’autant plus important que le gouverne- aux organisations du Nord, qui sont utili- ment français souhaite s’appuyer sur le La garantie est davantage conçue sés pour examiner les demandes d’adhé- contenu du document AFNOR pour l’éta- comme une garantie mutuelle en- sion à la Plate-Forme. blissement d’une norme européenne ou tre acteurs, même si elle consti- internationale sur le commerce équitable. tue également une garantie pour Depuis quelques années, on assiste à un les consommateurs. Sa finalité développement du nombre de consom- Parallèlement, les OCE doivent renforcer est davantage de progresser vers mateurs des produits du commerce équi- leurs propres exigences. La question des de meilleures pratiques, plutôt table, que ce soit des consommateurs pratiques sur l’ensemble des filières de que de définir qui est certifié et individuels ou collectifs (comités d’en- commercialisation des produits équita- à la normalisation qui ne l’est pas. treprises, collectivités territoriales). Ce bles est notamment posée. Cette question développement s’opère dans un contexte concerne principalement les organismes Il s’agit d’une garantie portant où les exigences globales de traçabilité certificateurs, qui ont par exemple jusqu’à sur des organisations et non pas des produits se sont accrues au sein de la présent été très peu exigeants vis-à-vis sur des produits. société. Dans le même temps, on observe des pratiques des intermédiaires et des une multiplication du nombre d’acteurs se distributeurs. Mais elle concerne égale- Il y a symétrie dans la démarche : réclamant du commerce équitable, allant ment les acteurs des filières intégrées l’ensemble des organisations de du petit magasin spécialisé indépendant à où certains chaînons ne respectent pas commerce équitable du Nord et la multinationale de l’agro-alimentaire. les critères du commerce équitable (par du Sud se soumettent au système exemple le transport international). d’évaluation, qui est basé sur des Ces évolutions placent les organisations auto-évaluations, des évaluations de commerce équitable (OCE) face à un Enfin, les OCE doivent améliorer leurs croisées entre organisations et certain nombre de défis. Elles doivent propres systèmes de garantie. Pour les un nombre réduit de contrôles d’abord contribuer à «protéger» le concept organisations appartenant à l’IFAT, il s’agit externes sur échantillon. de commerce équitable, afin d’éviter les principalement de rendre véritablement risques de banalisation, de dévoiement opérationnel le système de garantie IFAT Du fait de ses modalités (garantie ou de récupération, qui découlent d’une qui doit permettre l’utilisation de la mar- «organisation», système plus lé- certaine manière du succès du commerce que «Fair Trade Organisation» (FTO). Pour ger qu’un système basé sur des équitable. C’est le sens de leur participa- les organismes certificateurs, un enjeu évaluations externes systéma- tion, en France, aux travaux de l’AFNOR important est probablement celui d’une tiques), et du faible coût qui en (Agence Française de Normalisation) sur plus grande participation des organisa- découle, le système permet d’in- le commerce équitable et à la préparation tions de producteurs dans le système de tégrer le secteur de l’artisanat, du décret qui précisera l’article 60 de la loi garantie. Il convient également d’amé- caractérisé par une très grande du 2 août 2005 sur les PME, destiné à défi- liorer le système de garantie de la PFCE. variété de produits (à la diffé- nir les modalités et critères de reconnais- Mais, comme l’a dit François Vergès, an- rence de l’alimentaire) et souvent sance des «personnes physiques et mora- cien président de la Fédération Artisans par de petites organisations de les qui veillent au respect des conditions du Monde, l’enjeu est aussi que le renfor- producteurs. du commerce équitable». Les OCE fran- cement des mécanismes de garantie n’af- çaises rassemblées au sein de la PFCE faiblisse pas les relations de confiance qui Dans le même temps, des systèmes na- demandent que les critères du commerce sont à la base de la relation humaine que tionaux ont été mis en place. En France, la équitable définis par les fédérations inter- constitue le commerce équitable. création de la Plate-Forme pour le Com- nationales de commerce équitable soient merce Equitable (PFCE) en 1997 a permis reconnus au niveau national. L’enjeu est Constructions collectives en France Par Frédéric de Sousa Santos, coordinateur de la PFCE 1

i un nombre de plus en plus important Selon FINE3, « le commerce au développement durable en Sde personnes connaît le commerce équitable est un partenariat offrant de meilleurs conditions équitable – son taux de notoriété est commercial fondé sur le dialogue, commerciales et en garantissant effectivement passé de 8 à 74% de 2001 la transparence et le respect, les droits des producteurs et des à 20052 – force est de constater que bien dont l’objectif est de parvenir à travailleurs marginalisés, tout peu de personnes sont capables d’en une plus grande équité dans le particulièrement au Sud de la donner une définition précise… commerce mondial. Il contribue planète. Les organisations de commerce équitable (soutenues 1 | PFCE : Plate Forme du Commerce Equitable 3 | FINE est un forum informel rassem- par les consommateurs) s’en- 2 | Sondage IPSOS – Max Havelaar 2005 blant les quatres principales structures gagent activement à soutenir de commerce équitable internationales (FLO, IFAT, NEWS! and EFTA) équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ?  les producteurs, à sensibiliser reconnaissance seront définis par décret ce sens, ce système est assez proche du l’opinion et à mener campagne en en Conseil d’Etat ». principe de revue des pairs mis en œuvre faveur de changements dans les dans le cadre de l’IFAT pour permettre à règles et pratiques du commerce Plusieurs questions d’importance restent ses membres l’usage de la marque FTO7. international conventionnel .» cependant encore en suspens : quel sera La PFCE, comme quatre de ses membres8, le cadre précis de cette reconnaissance ; est d’ailleurs membres de l’IFAT. Si cette définition est claire sur le principe, quelles seront les institutions éligibles à La plate-forme qui a connu d’importan- elle n’a cependant aucune valeur légale. cette reconnaissance et plus directement, tes difficultés financières courant 2004 Plusieurs organisations – FLO et l’IFAT quels seront la composition, le mode de relance depuis le début de l’année 2005 notamment3 – ont défini des cahiers des fonctionnement et les critères d’exercice ses activités et l’évaluation interne revêt charges ainsi que des critères d’analyse de cette commission ?... un caractère tout à fait stratégique. Ce et de contrôle des pratiques qui portent système de garantie, s’il présente certes soit sur le produit distribué, soit sur des limites, a effectivement le mérite la structure qui le distribue. Pourtant, d’inscrire ceux qui s’y assujettissent dans les « labels » que ceux-ci permettent une logique de transparence, et il permet de mettre en avant comme signes de une comparaison de leurs pratiques sur la reconnaissance ne sont pas des labels base d’un outil commun. Il participe aussi au sens strict du terme – entendre une de la crédibilité des institutions membres, propriété des pouvoirs publics fondée sur comme de celle du collectif, auprès des une norme – mais bien des marques de pouvoirs publics. droit privé. En parallèle, et à un troisième niveau, la Dans le cadre strictement français, l’Etat PFCE travaille dans le cadre des réseaux s’intéresse à la question et depuis plus internationaux du commerce équitable de trois ans, l’AFNOR4, sous la tutelle de La PFCE, Plate Forme pour le Commerce pour envisager les questions de garantie la DIESS5, encadre le travail de rédaction Equitable6, est étroitement associée à et leurs possibles évolutions. d’un fascicule de référence. Ce fascicule ces travaux : elle participe aux débats de En son nom propre, mais aussi au nom des qui n’aura pas de valeur normative, mais l’AFNOR ; elle est aussi en contact régulier autres institutions françaises membres informative, est réalisé par une large avec les différents ministères engagés du réseau, elle siège au sein d’un groupe représentation des parties prenantes du sur l’élaboration du décret. de travail spécifique ouvert par l’IFAT. Elle secteur : organisations de commerce est aussi en relation avec le réseau FINE équitable, associations de consomma- Indépendamment, elle diligente en son qui travaille actuellement à la mise en teurs, grands distributeurs, certificateurs sein un système d’audit interne construit place d’une étude qui fait l’analyse des et ONG. C’est dire l’intérêt et l’enjeu que autour d’une charte dans laquelle se différents contextes nationaux européens cette question revêt pour eux. reconnaissent tous ses membres et qu’ils et des formes de régulation que peuvent s’engagent à respecter dès lors qu’ils y engager les pouvoirs publics. Sur le Parallèlement, le Ministère du Commerce, intègrent le collectif. champ spécifique du tourisme équitable, des PME et des Professions Libérales, en Cette charte se décline en critères prati- la PFCE travaille aux côtés de plusieurs lien avec d’autres ministères - le Ministère ques - certains dits « impératifs », d’autres opérateurs nationaux et internationaux des Affaires Etrangères, le Ministère de qui participent plutôt d’une « démarche de pour réfléchir à la mise en place de proto- l’Ecologie et du Développement Durable, progrès » - permettant eux-mêmes de coles de certification. notamment - s’atèle à la rédaction d’un dérouler une grille de près de 200 indi- décret qui précisera l’article 60 de la loi du cateurs. Lorsqu’une nouvelle institution Toutes ces démarches, menées à diffé- 02 août 2005 sur les PME. Dans ce cadre, entend intégrer la PFCE, il lui faut alors rents niveaux, interne, national et inter- il est prévu que « les personnes physiques satisfaire à un « audit initial » réalisé par national, sont complémentaires. Aucune ou morales qui veillent au respect des l’équipe de la plate-forme et une orga- n’est aboutie et ne se suffit à elle-même. conditions du Commerce Equitable soient nisation déjà membre du collectif. Les La PFCE les mène de concert avec ses reconnues par une commission nationale résultats de cet audit sont présentés membres, dans le cadre notamment de du Commerce Equitable dont la compo- ensuite au Conseil d’Administration de la plusieurs groupes de travail thématiques. sition, les compétences et les critères de PFCE qui décide par vote de l’adhésion ou L’enjeu n’est pas mince à un moment où non de la structure. Tous les deux ans, les de nombreuses initiatives plus ou moins 3 | FLO : Fair Labelling Organisation, fédération membres de la plate-forme doivent, par la opportunistes voient le jour sur ce secteur qui rassemble une vingtaine, d’initiatives na- suite, s’assujettir à un « audit séquentiel » en pleine croissance. tionales dont Max Havelaar France . pour juger des éventuelles évolutions de IFAT : International Fair Trade Association qui leurs pratiques et de la permanence de Pour en savoir plus, connectez-vous au fédère près de 250 organisations (localisées leur conformité à la charte du collectif. En site de la PFCE : www.commercequitable.org au Nord comme au Sud) de production et de distribution de produits équitables. 6 | Organisation qui fédère depuis 1997 plus de 30 4 | Agence Française de NORmalisation. organisations nationales de commerce équi- 7 | FTO : Fair Trade Organisation. 5 | Délégation inter-ministérielle à l’Innovation table et dont la Fédération Artisans du Monde 8 | La Fédération Artisans du Monde ; Solidar’ Sociale et à l’Economie Sociale. est membre fondateur. Monde ; Artisanat Sel et .

équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ?  Quels systèmes de garantie à l’échelle internationale ? IFAT : le contrôle n’est pas une fin en soi Par Marilène P r i o l e t , chargée de mission éducation à la Fédération A rtisans du Monde

’association internationale de com- comme un système de sanction par un Lmerce équitable (IFAT), regroupe organisme indépendant qui aurait défini plus de 270 organisations de commerce des critères non adaptés aux situations équitable (producteurs, importateurs, spécifiques dans lesquelles se trouvent distributeurs, organisations d’appui) de chacune des organisations de commerce 60 pays. Environ 65% des membres de équitable. l’IFAT sont des organisations « du Sud » (Asie, Moyen Orient, Afrique et Amérique Ce système se déroule en 3 étapes : Latine). Le reste des membres est basé Crédit Photo : ClamDam (http://camdam.fr.st) autoévaluation, évaluation croisée et en Amérique du Nord, en Europe et dans évaluation externe aléatoire (environ 10% la ceinture Pacifique. équitable crédible, compréhensible et qui des membres par an). Les organisations se distingue d’un système de contrôle ayant franchi les trois étapes du proces- Depuis sa création, l’IFAT travaille avec unidirectionnel et non maîtrisé par les sus et obtenu l’accord du comité exécutif ses membres à définir la philosophie et participants. de l’IFAT sont alors reconnues « organisa- les principes de base du mouvement du tions de commerce équitable » et peuvent commerce équitable. Elle a d’ailleurs Le système est attentif à développer les utiliser la marque FTO sur leurs supports proposé en 2000 la définition de com- indicateurs à un niveau local et à un niveau de communication et de promotion. merce équitable reprise en 2001 par FINE régional (Afrique, Asie, Amérique Latine, comme définition officielle du commerce Europe, Amérique du Nord et Ceinture La marque FTO signifie que les critères équitable . Pacifique). Il combine différents outils du commerce équitable ont été respectés destinés à faciliter la collecte d’informa- (tels que les conditions de travail, l’égalité Dès le milieu des années 90, les membres tions sur des variables souvent difficiles des sexes, transparence et responsabili- de l’IFAT se sont penchés plus avant sur à évaluer (tout ce qui touche aux progrès tés, etc.) mais aussi que l’ensemble des la question de la garantie du commerce sociaux notamment). Ces outils rendent activités de l’organisation qui l’utilise, est équitable. Ce travail a permis de dévelop- le contrôle intéressant car il est envisagé durable et s’inscrit dans un processus de per un système de garantie du commerce comme un système de progression et non progression permanent.

1 | La définition du commerce équitable de FINE est notée en introduction de l’article de Frédéric de Sousa Santos p.3 2 | FTO est le sigle de « Fair Trade Organisation » (ce qui se traduit par « Organisation de Commerce Equitable » en français). Système de garantie FTO Entretien avec Gérald Godreuil 1

Marilène Priolet : L’IFAT a développé un système de garantie les organisations de commerce équitable respectant les critères avec une marque d’organisation, Fair Trade Organisation (FTO). de commerce équitable définis par les membres de l’IFAT. En quoi cela consiste-t-il ? Qui peut utiliser cette marque ? Le processus de garantie se déroule en trois étapes. Une auto- évaluation est réalisée tous les 2 ans par l’organisation à partir Gérald Godreuil : La marque FTO2 a été lancée, en janvier 2004, d’un questionnaire. Cette grille comporte des indicateurs com- pendant le Forum Social Mondial à Mumbaï (Bombay). Cette muns à tous les membres et des indicateurs régionaux (Europe, marque permet de répondre aux demandes des consommateurs, Asie, Afrique, Amérique Latine, Amérique du Nord- Pacifique). des partenaires, des pouvoirs publics en identifiant formellement Ce rapport est envoyé au sous-comité du registre de la

1 | Gérald Godreuil est chargé du suivi des travaux sur la garantie pour la fédération Artisans du Monde au sein de l’IFAT, de News ! et de la PFCE. équité #11 Quelles garanties 2 | FTO = Organisation de Commerce Equitable pour le commerce équitable ?  marque FTO3 et aux partenaires membres de de l’IFAT à titre individuel. Des critères adaptés l’IFAT pour une évaluation croisée (examen mutuel). aux Magasins du monde, permettant d’utiliser la Ces partenaires envoient leurs commentaires sur marque FTO, actuellement en cours d’élaboration l’auto-évaluation sous deux mois au sous-comité au sein de NEWS!, devraient être soumis au vote du registre de la marque FTO. La troisième étape à l’assemblée générale de l’IFAT en juin 2006. Les est la vérification externe par un organisme indé- Magasins du monde devraient pouvoir utiliser la pendant qui concerne un échantillon de membres marque à partir de la fin 2006. (environ 10 % chaque année). Les organisations qui ont satisfait au processus, MP : Trouve t-on déjà cette marque en France ? sont enregistrées comme organisation de com- merce équitable et peuvent utiliser le logo FTO sur GG : Seules deux organisations importatrices mem- leurs supports de communication. bres de l’IFAT, Alter Eco et Artisanat Sel, utilisent Il existe trois catégories de membres à l’IFAT : les déjà ce logo sur leurs supports de communication. « Trade members » (producteurs, importateurs), IFAT les « non-trading members » (ex. Fédération AdM), MP : La marque FTO pourra-t-elle être apposée et ayant le droit de vote, et les « associated members » sur la devanture des boutiques de commerce FLO (consultants,etc.) qui n’ont pas le droit de vote. équitable ? Sur les produits ? signent A l’heure actuelle, seuls les « Trade members » un accord (membres commerciaux) peuvent utiliser la marque GG : Sur les boutiques, pas encore. Concernant les FTO. Plus de 150 organisations de producteurs et produits, il est important de rappeler que la marque important importateurs qui satisfont au processus de garantie FTO est une marque d’organisation et non un label et ont obtenu l’accord du comité exécutif de l’IFAT, de produits. Cela dit, un débat a été lancé sur la bénéficient aujourd’hui de cette marque. création d’un « label » pour les produits artisanaux ors de la des organisations de producteurs membres de L r é u n i o n l’IFAT lors de la dernières AG ayant eu lieu à Quito c o n j o i n t e Les neuf critères en 2005. des Conseils d’Administra- de commerce équitable MP : Comment s’articulent aujourd’hui les trois tion de FLO et pour l’IFAT échelons : nationaux, européens et internationaux de l’IFAT qui - Création d’opportunités pour les prod- sur cette question de la garantie ? s’est déroulée ucteurs économiquement défavorisés à Bonn (All- - Transparence et responsabilité GG : Nous avons à l’heure actuelle des systèmes de emagne) le 16 - Construction de compétences garantie peu lisibles car multiples. Les membres n o v e m b r e - Promotion du commerce équitable de la Fédération AdM réalisent une auto-évaluation 2005, les deux - Application d’un prix juste annuelle des critères au Nord (environ 75 % y organisations - Egalité des sexes répondent). La Fédération AdM réalise une auto- se sont enten- - Conditions de travail évaluation au sein de la PFCE, tous les 2 ans. Au dues pour tra- - Respect du droits des enfants niveau européen, des critères ont été mis en place vailler ensem- - Protection de l’environnement au sein de NEWS! mais ils ne font pas l’objet d’une ble sur un Sys- évaluation régulière. Au niveau international, la tème de Ges- Fédération AdM et la PFCE répondent au question- tion de la MP : Est-ce qu’Artisans du Monde peut utiliser la naire d’auto-évaluation de l’IFAT. Qualité pour marque FTO ? L’appartenance de la PFCE et de NEWS! à l’IFAT le Commerce devrait favoriser une convergence des OCE vers la E q u i t a b l e . GG : La Fédération AdM souhaite pouvoir utiliser la reconnaissance du système de garantie de l’IFAT. Elles ont déci- marque FTO, mais les structures « non commercia- Il appartiendra à la PFCE et à NEWS! d’adapter et dé de coopérer les », catégorie dans laquelle est classée AdM, ne d’animer le système de garantie de ses membres pour dévelop- peuvent pas encore s’inscrire dans le processus de et de promouvoir un commerce équitable exigeant per des critè- garantie. Pourtant l’activité commerciale est bien au sein de l’IFAT. res communs un des piliers d’Artisans du Monde. La Fédération de gestion de AdM participe à un groupe de travail de NEWS! sur Le travail de création d’une norme de commerce la qualité du la rédaction de critères adaptés. équitable par l’AFNOR en France aura également c o m m e r c e une influence sur les systèmes de certification des équitable. MP : Quel rôle joue le réseau NEWS ! au sein de OCE et leur articulation entre elles. Par exemple, l’IFAT au sujet des Magasins du Monde ? le gouvernement français souhaite utiliser la Information future norme française comme base pour proposer parue dans le GG : NEWS! est membre de l’IFAT. Plusieurs la création d’une norme européenne voire interna- « IFAT Update n°25, membres de NEWS! sont également membres tionale de commerce équitable. du 24 nov. 2005 »

3 | FTO = Organisation de Commerce Equitable

équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ?  FLO : des standards précis, un contrôle à chaque étape P a r N i c o l a s G a u t h y , rédacteur à l’association Max H avelaar France

L’association Fair Trade Labelling Organisation international (FLO) regroupe les diverses associations nationales comme Max Havelaar France ainsi que les différents partenaires des filières commerciales (producteurs, exportateurs, importateurs, transformateurs, conditionneurs). En France et dans d’autres pays, le logo porte le nom de Max Havelaar, dans d’autres encore on trouvera « Fairtrade » ou « Transfair » généralement avec le même logo. Depuis 2004, les fonctions d’audit et de contrôle de l’application des standards de commerce équitable établis par FLO ont été transférées à une société de droit allemand FLO-Cert, indépendante juridiquement, fonctionnellement et financièrement de FLO1.

donnent à chacune des parties bénéficiant de la labellisation, des droits et des devoirs. Pour les définir, les experts de FLO travaillent pendant environ deux années sur le terrain avec les producteurs de la filière concernée. Les standards sont ensuite présentés pour approbation à un comité spécifique qui réunit à part égale producteurs, acteurs commerciaux et représentants des associations nationales de commerce équitable membres de FLO.

Qui contrôle que les produits sont bien équitables ?

Si un produit arbore le logo commun aux membres de FLO, c’est qu’il a été contrôlé et certifié par les auditeurs de FLO-Cert. Le fait de faire appel à FLO-Cert rend les opérations d’audit plus transparentes et plus indépendantes et permet à FLO d’être en conformité avec la norme internationale des organismes de certification (ISO 65).

Afin de s’assurer de l’application des standards, les organisations de producteurs sont contrôlées au moins une fois par an par des inspecteurs locaux indépendants. Une visite de contrôle dure généralement entre 2 et 5 jours.

En quoi consistent les contrôles ?

Au sein de FLO-Cert, un comité de certification analyse les rapports de contrôle et accorde ou pas la certification aux grou- pements de producteurs et aux importateurs. Les importateurs et les négociants, qui font l’objet d’un agrément, doivent fournir à FLO-Cert un rapport d’audit externe annuel concernant leurs

Crédit Photo : Claudia Brück Photo Crédit transactions en commerce équitable. Des vérifications comp- tables permettent de vérifier les transactions commerciales La coopérative de cacao ghanéenne Kuapa Cocoo est entièrement – quantités et prix. gérée par les producteurs. Certifiée par FLO, elle leur garantit un bon prix d’achat. En France, les marques (par ex. Malongo, Alter Eco, Ethiquable) signent également une entente avec l’association Max Havelaar pour obtenir une licence d’utilisation du logo « garanti commerce Comment sont définis les critères équitable ». Ils sont régulièrement contrôlés par FLO-Cert ou de commerce équitable par FLO ? des auditeurs mandatés, qui vérifient le respect des standards. Ils fournissent également des rapports trimestriels concernant Des standards définissent les conditions de production et de leurs transactions commerciales avec les importateurs et négo- commercialisation des produits du commerce équitable. Ils ciants agréés.

équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ? 1 | FLO est l’unique actionnaire de la société FLO-Cert  FLO et IFAT vus par le Frente Solidario P a r O v i d i o Ló p e z J u l i á n , secrétaire général de Frente Solidario | Texte traduit par André Franqueville et Mélanie Portmann | L’organisation « Frente Solidario de Pequeños Cafetaleros de America Latina », créée en 1991 au Costa Rica est le plus grand réseau exportateur de café. Il représente plus de 200.000 producteurs de café de différents pays d’Amérique Latine. Le Frente Solidario est membre de FLO. Ovidio Lopez Julián, secrétaire général de l’organisation nous donne son point de vue sur les organisations internatio- nales de commerce équitable et les systèmes de garanties qu’elles mettent en place.

orsque nous par- Le commerce équitable est un commerce qui ne se soumettaient pas à leurs inté- Ltageons une idée, différent. Il est fondé sur l’équité et, par rêts étaient tout simplement sanctionnés. participons à un projet, conséquent, la vérification doit être Beaucoup d’organisations furent de cette vendons ou achetons réalisée sur l’ensemble de la filière : façon retirées de la liste des producteurs, des produits, nous avons les producteurs, les importateurs et les d’autres se sont vus interdire l’accès besoin de signes ou distributeurs. De même, s’il le faut, les au commerce équitable. Des membres garanties qui nous en- mesures correctives doivent être appli- de Frente Solidario ont été confrontés couragent à poursuivre dans la direction quées de la même façon à ces différents à ces deux situations et il a fallu mener choisie. acteurs en identifiant leurs faiblesses. un combat d’ordre politique pour obtenir La garantie doit concerner les produc- leur entrée ou leur ré-admission au sein teurs, mais aussi les importateurs et les La démarche de certifica- de notre organisation. distributeurs. tion de FLO : limites passées et perspectives d’avenir Frente Solidario a pris ses responsabilités Depuis le début du commerce équita- et, à partir de 1994, a commencé à faire ble, les organisations de producteurs Lorsque fut relancé le commerce équi- des propositions et à lutter pour que le (artisans, artisanes et paysans), ont la table, avec l’apparition de Max Havelaar– contrôle soit «technique, professionnel, garantie d’une relation de coopération et Hollande à la fin des années 80, et avec transparent et appliqué de façon égale à d’échange sur le long terme. En contre- Transfair–Allemagne au début des années tous les acteurs du système». Une décen- partie, ils offrent des produits de qualité, 90, une nouvelle forme de garantie a vu le nie plus tard, avec la restructuration de réalisent des projets sociaux et de pro- jour. Pour les producteurs, elle a permis FLO, et la création de FLO-Cert, (instance duction, et montrent que les ressources la mise en place de relations à long terme, spécialisée et indépendante), un pas obtenues par le commerce équitable sont d’un prix minimum augmenté d’une prime positif a été fait pour une plus grande bien utilisées. De leur côté, les consom- sociale, et d’un préfinancement. Pour les crédibilité du commerce équitable. Frente mateurs ont la garantie de produits issus importateurs alternatifs et privés, et les Solidario s’en réjouit, car c’était là sa pro- d’organisations de petits producteurs et consommateurs, elle a valorisé une infor- position initiale. Cela a également permis d’un impact positif sur la vie des paysans mation sur les producteurs membres du de mettre en porte-à-faux les anciennes du Sud. système, des produits de bonne qualité, un personnes de FLO qui souhaitaient revenir mécanisme de contrôle et des rapports sur à un contrôle de caractère politique, pour Pour reconnaître les produits, selon leur l’impact du commerce équitable auprès conserver ainsi leur influence néfaste. origine et leur qualité, il y a besoin de bien des familles paysannes. Ces garanties Malheureusement, ces mêmes person- plus qu’une marque : il faut une garantie se retrouvent dans le label FLO pour les nes maintiennent des relations avec une convaincante et que l’on puisse vérifier à produits alimentaires, et sont aujourd’hui importante organisation de producteurs tout moment. C’est précisément ce qu’a étendues à d’autres produits. latino-américains. fait et continue de faire le commerce équitable, grâce au positionnement des Mais ce système de garantie n’était pas De plus, le contrôle était payé indirecte- importateurs alternatifs comme Soli- sans défaut. D’un côté, le contrôle appli- ment par les producteurs, via le paiement dar’Monde, et grâce aux points de vente qué aux importateurs et aux industriels de licences aux importateurs et aux dis- comme les boutiques membres d’Artisans était très flexible. De l’autre, il arrivait tributeurs, comme d’ailleurs les projets du Monde qui ont leur propre clientèle. que le contrôle des producteurs par FLO financés par les agences de coopération. Importateurs et boutiques s’appuient sur soit connoté de considérations politiques Aujourd’hui, la certification est payée des visites aux producteurs, pour établir et soit fonction des relations entre les directement par chacune des organisa- leur propre système de vérification producteurs et les personnes habilités à tions de producteurs. Le nouveau schéma permanente. Cette vérification peut être faire le contrôle. A Frente Solidario, nous et les normes de certification sont par également mise en place au niveau des avons été confronté à des personnes conséquent une porte ouverte à l’entrée importateurs alternatifs, comme c’est le chargées du contrôle pour FLO qui sus- des multinationales et de grands dis- cas en Allemagne où la Fédération des citaient et suscitent encore des conflits tributeurs dans le système FLO. Pour la Magasins du Monde utilise une méthode entre les producteurs. Ils manipulaient banane, on constate l’entrée de Chiquita, de certification des importateurs. leurs organisations, pour satisfaire des et pour le café une première licence a déjà ambitions de pouvoir personnel et ceux été accordée à Nestlé au Royaume Uni. équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ?  Nous nous trouvons là face à de nouveaux défis et à de nouveaux débats. Vers un système de

Frente Solidario souhaite le bon fonc- tionnement de FLO-Cert car il s’agit garantie participatif d’un système qui nous donne des signes Par Christophe M a l d i d i e r , responsable du monitoring à Solidar’Monde positifs : il forme des équipes de profes- sionnels compétents et objectifs, tels Hybrider les systèmes FLO et IFAT depuis « là-bas »… les responsables de la certification pour l’Amérique Centrale. Nous attendons les a certification de l’artisanat est peu Avec l’exigence croissante des consom- mêmes signes concernant la certification Lenvisageable sur le même modèle mateurs pour la qualité sociale des pro- des importateurs, des industriels et des que FLO : les produits sont en général duits, les groupes du Sud engagés dans organisations commerciales. composés, peu standardisés, élaborés en le commerce équitable pouvaient doré- quantités modestes par une multitude de navant être placés sous la loupe de mé- L’IFAT : entre volonté groupes relativement petits, et il serait dif- dias, avec le risque de miner le prestige de politique et moyens limités ficile, dans de telles conditions, d’amortir l’ensemble du secteur. Plus question alors les coûts d’une certification. Mais ce qui de se limiter à une conformité « globale » Un autre grand acteur du commerce équi- pourrait apparaître comme un handicap aux principes du commerce équitable. Au table est l’IFAT. Cette instance éminem- n’offre-t-il pas en fait une chance pour contraire, il faut pouvoir satisfaire un be- ment politique correspond à une grande que le mouvement du commerce équitable soin d’informations beaucoup plus préci- idée et possède une force fondamentale continue à innover en matière de garantie ses sur les conditions de production et de car elle réunit tous les acteurs alternatifs et de certification, et ne se contente pas commercialisation des produits. du commerce équitable. Malheureuse- des succès commerciaux de son label ? ment, cette idée ne s’est pas suffisam- D’un autre coté, les principaux acteurs ment développée. D’une part, parce que Cet article se centre sur une analyse des du commerce équitable ont été conduits les membres historiques que nous som- initiatives entreprises en matière de ga- depuis une dizaine d’année à en clarifier mes, n’ont pas pris leurs responsabilités, rantie et défend l’idée d’un rééquilibrage les modalités de fonctionnement et donc surtout au niveau financier. D’autre part, des systèmes de monitoring et de contrôle à traduire des principes généraux en cri- parce que la majorité des organisations vers les producteurs du Sud, de façon né- tères beaucoup plus précis et standardi- de producteurs ou de commercialisation, gociée. Quoique la référence centrale soit sés, tout en consolidant, des dispositifs du Sud, travaille dans l’artisanat, domaine ici l’artisanat, l’analyse vaut aussi pour de contrôle. Chaque centrale d’achats a dans lequel l’avancée politique du com- l’agriculture paysanne. précisé ses critères de ciblage des four- merce équitable est réduite - à l’inverse Nous aborderons d’abord en quoi le contex- nisseurs et a investi dans son système de ce qui se passe avec les organisations te actuel est beaucoup plus exigeant que de suivi et d’évaluation (monitoring). Les de produits alimentaires. par le passé en matière de garantie. Puis producteurs au Sud ont été sollicités pour nous verrons au travers des initiatives en donner plus d’informations sur leurs réa- Perspectives d’avenir cours quelques difficultés et enjeux des lités, les visites sur le terrain ont été in- questions de garantie, avant de suggérer tensifiées. Pour donner un nouvel élan à l’IFAT, nous des pistes pour innover en la matière. pourrions envisager des actions comme : Parallèlement, des initiatives d’harmoni- Une demande nouvelle sation ont été lancées à plusieurs échel- Mener une campagne d’alliances de garantie les, débouchant d’ailleurs sur une cer- stratégiques entre associations et, taine prolifération des outils de suivi et ponctuellement, avec des organi- Historiquement, la garantie du commer- de contrôle : en France est née la Plate- sations de produits alimentaires, ce équitable reposait sur une relation de Forme du Commerce Équitable avec son Développer des alliances entre confiance mutuelle entre le Nord (les as- système d’évaluation interne; au niveau membres de l’IFAT (politiques, de sociations locales Artisans du Monde, puis européen l’EFTA (European Fair Trade production, etc.) depuis 1984 Solidar’Monde par exemple) Association) qui regroupe 11 centrales Mettre en place des groupes d’ana- et le Sud : partage des valeurs, caractère d’achats européennes a lancé en 2003 un lyse constitués de différents ac- général des engagements, relations per- système collectif de monitoring. teurs – y compris des producteurs sonnalisées. La rumeur suffisait à donner L’IFAT enfin, l’organisation internationale – sur des thèmes d’actualité et sur l’alerte sur d’éventuelles dérives. Les in- regroupant des organisations d’artisans, les perspectives du commerce formations produites était peu formali- des importateurs et distributeurs du com- équitable. sées, rarement systématiques, et s’actua- merce équitable, a elle aussi, à partir Mettre en œuvre une campagne de lisaient au gré des échanges. 2 | Cf. Solidar’Monde, 1996, Relation avec les promotion grand public sur ce que 1 | Rappelons ici qu’il s’agit le plus souvent d’une partenaires : Principes ; ou encore le texte fait l’IFAT et sur les évènements organisation faîtière, faisant office d’intermé- instituant les critères au Nord et au Sud de importants pour le commerce équi- diaire de commercialisation et d’exportation la Fédération Artisan du Monde. table international (IFAT, NEWS, avec les groupes d’artisans. Elle est souvent 3 | Cf. Présentation de la secrétaire de l’Efta impulsée, liée ou intégrée à une structure EFTA, FLO, FINE, décisions des à l’atelier « Garantie » des Journées Soli- à vocation large en matière de « développe- dar’Monde de Février 2005. Gare au Théâtre. gouvernements, etc.). ment » (ONG d’inspiration religieuse ou hu- Vitry Sur Seine. maniste) équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ?  qui ne dit pas son nom, et que les parte- à l’EFTA, dans les deux dernières années, naires cherchent à contourner poliment. on a réussi à concevoir un questionnaire Bien souvent, comme l’interlocuteur im- standard pour fournisseurs mais cela ne médiat – l’organisation faîtière - n’a pas vu suffit guère à en faire un outil collectif via- l’intérêt ou ne possède pas le savoir-faire ble ! Difficile finalement, même dans un pour organiser cette information, le visi- milieu comme les filières intégrées his- teur doit aller la recueillir jusqu’au bout toriques et les nouveaux entrepreneurs de la chaîne, chez les artisans. Infatiga- militants, de mettre en cohérence les ble poseur de questions, le dit visiteur se visions du monde (par ex. les adeptes de réfère à des critères discutés sans doute l’audit versus les participatifs), les mé- dans une lointaine réunion par les repré- thodes (les plus formalisées versus celles sentants de l’organisation faîtière, mais de terrain par ex.) et les sensibilités (les peu connus localement, ne faisant pas uns sont plus portés sur les questions en- partie du langage quotidien, et parfois pas vironnementales et de genre versus ceux vraiment légitimes localement. plus portés sur la démocratie et la par- ticipation etc). Les enjeux sont pourtant Dans un contexte de dialogue déjà difficile importants car c’est en partie ici que va se en soi de par la distance entre les diffé- jouer, la sélection des groupes d’artisans rents mondes, où la rencontre est souvent qui seront amenés à rester ou pas dans le une mise en scène ritualisée, les artisans marché du commerce équitable. ou leurs dirigeants répondent à ces de- mandes d’informations à contrecœur. Ils Quant au système d’évaluation de l’IFAT, redoutent que la conformité à l’ensemble ces premiers pas indiquent les mêmes des critères – ou aux attentes perceptibles travers que ceux décrits ci-dessus. Les au travers des questions du visiteur - soit aspects symétriques d’un système parti- tout simplement une chose impossible cipatif gardent en réalité un aspect formel à respecter. Certains s’interrogent pour sans réelle innovation dans leur mise en savoir si ces mêmes centrales d’achats œuvre. Les critères du commerce équita- respectent aussi ce qu’elles préconisent, ble (9 critères et une vingtaine d’indica- et qui les contrôle ! Ceux parmi les plus teurs) ont été définis de façon peu précise, habiles et connaisseurs du monde des en cohérence avec la logique d’évolution Ong et des projets parviennent à donner et de progression des pratiques internes, le change. Mais certains groupes sont mais cela autorise un certain flou pour Crédit Photo : Albert Photo HUBER Crédit tentés d’adopter des comportements op- pouvoir évaluer les pratiques. Les pro- portunistes, et cachent des informations cédures de l’évaluation mutuelle – qui de 1995, défini ses critères, et opté qu’ils jugent dangereuses pour leur com- consiste en un échange de commentai- pour un dispositif de contrôle peu coûteux merce. res sur les documents d’auto-évaluation et participatif, en accord avec sa philoso- rédigés par chacun – ne sont pas suffi- phie d’équilibre et de transparence entre La recherche d’informations et le contrôle samment encadrées par des normes qui partenaires de la filière. sont encore une sorte de bricolage mené permettraient d’en faire un instrument par les uns et les autres, très peu formalisé, sérieux. Le système d’évaluation tend, Difficultés et enjeux avec peu de moyens, toujours imparfait et dans ces conditions, à devenir une forma- d’un système de garantie parfois seulement destiné à parer au plus lité bureaucratique, sans beaucoup d’in- urgent (tels problèmes ont été identifiés cidence réelle sur les pratiques, ni sur la Les questions d’information et de contrôle dans telle organisation ou bien, on ne sait sélection des membres etc. Une certaine ont mis d’une certaine façon en évidence plus rien d’elle depuis trop longtemps). Si méfiance règne d’ailleurs au sein de l’IFAT le caractère toujours inégal des relations certains groupes du Sud ont aujourd’hui sur qui est réellement équitable et qui ne entre amont et aval des filières. A l’image développé leur volet d’information (site l’est pas tant que ça. Les centrales euro- des artisans répondant aux commandes web, lettre périodique), pour beaucoup, péennes, membres aussi de l’IFAT, ont des centrales d’achats, ne voilà-t-il pas l’information continue à être « tirée » par monté, comme on l’a vu plus haut, leur qu’ils devaient aussi répondre aux ques- les importateurs. Au bout du compte, l’in- propre système d’évaluation des fournis- tions ! formation s’actualise de façon inégale et seurs arguant qu’une grande partie de ces discontinue, circule mal d’ailleurs entre derniers ne sont pas membres de l’IFAT. Les représentants des centrales d’achats, les différents maillons pour arriver jus- lors de leur courte visite de terrain, sont qu’aux acheteurs finaux, et est insuffisan- Organiser sous forme de critères et d’in- certes toujours accueillis comme des te pour des contrôles efficaces, bref, une dicateurs objectifs et mesurables des pro- bienfaiteurs. Mais leur recherche d’infor- garantie toute relative. cessus sociaux n’est certes pas une chose mation prend parfois des allures d’audit aisée : comment évaluer le degré de dé- Les dynamiques d’harmonisation des mocratie au sein d’une organisation d’ar- 4 | Cf. Daviron & al., 2002, Les critères du méthodes et des procédures sont, quant tisans ? comment évaluer les avancées de commerce équitable. Délégation interminis- térielle à l’innovation sociale et à l’économie à elles, longues à se mettre en place : le la « situation des femmes » ? Déterminer sociale. Octobre 2002 (36 pages). travail ne fait que reprendre à la PFCE ; la conformité ou non à un critère du com-

équité #11 Quelles garanties 5 | PFCE, 2005, État des lieux sur l’évaluation 6 | Système de certification inspiré de Flo en pour le commerce équitable ? interne (7 pages). plus sommaire et avec audit interne (réalisée par les acheteurs) 10 merce équitable, le degré positif de tel au Sud , il y a souvent besoin d’en redéfinir commerce équitable au Sud (comme cel- ou tel changement ne peut se faire sans les termes, au delà des aspects commer- les du Mexique) qui s’organisent pour éta- prendre en compte le contexte, l’histoire ciaux et de plaidoyer ponctuel, afin de faire blir collectivement des labels équitables etc. C’est une question d’arbitrage, tou- émerger de façon négociée des objectifs locaux destinés aux marchés nationaux jours délicate qui ne peut être soumise communs, des délais et résultats à attein- nous montrent le chemin. qu’à la décision de quelques individus dre, des modalités réciproques d’échange (l’acheteur, le président de l’organisation et d’accompagnement. En conclusion, la mise en place d’une faîtière, etc.), mais qui requiert un pro- garantie du commerce équitable, qui soit cessus continu d’échange et d’interaction C’est dans le cadre d’une telle négocia- à la fois novatrice, efficace et à bas coûts, entre les différentes parties prenantes, y tion que pourront être définis des objectifs constitue un nouveau pas vers un com- compris les propres artisans. précis en matière de « progrès » dans la merce équitable plus juste, plus symétri- conformité aux principes du commerce que, plus négocié. Il faudra sans doute Vers un système équitable ainsi que des indicateurs me- se baser sur une combinaison astucieu- de garantie participatif surables et précis. Ainsi, la production se des meilleurs aspects des systèmes et négocié d’information, les flux d’information de l’IFAT et de FLO, et trouver ainsi un mentionnés plus haut, auraient simul- équilibre raisonnable entre participation Un système de garantie réellement partici- tanément plusieurs fonctions : mesurer et délégation, entre efficacité et rigueur, patif doit chercher à rééquilibrer ces ques- les avancées respectives des projets des entre auto-évaluation et évaluation exter- tions de l’information et de la conformité organisations et évaluer les partenariats ne, entre négociation et uniformité. Cette aux principes du commerce équitable vers mis en place; montrer la conformité aux convergence a avancé lors de l’Assemblée les pays du Sud. Il doit être la traduction principes du commerce équitable ; in- Générale de l’IFAT à Quito en mai 2005, où d’un commerce chaque fois plus équitable former les acheteurs finaux sur les che- les instances dirigeantes d’IFAT et de FLO mais aussi chaque fois plus entre égaux. minements, les réalisations et les défis ont décidé d’intégrer leurs systèmes en Il s’agit d’organiser un flux d’information concrets du développement du partenaire vue d’un unique « système de gestion de continu et réciproque : depuis les artisans et, en passant, donner une vision transpa- la qualité ». Mais il faut rester vigilant vis de base vers les acheteurs finaux au Nord rente de l’impact du commerce équitable. à vis de ce système car, s’il n’est pas as- et vice versa. Les données socio-économi- Le système de garantie qui en résulterait socié à une véritable volonté de renégocier ques sur les artisans, leurs familles, leurs serait donc intégré à la logique de fonc- les termes de chaque partenariat entre ateliers et leurs organisations pourraient tionnement du partenariat. organisations au Nord et au Sud, le risque être collectées, traitées, synthétisées à est grand qu’il n’entraîne un phénomène l’amont de la filière avant d’être commu- Une telle perspective demande une logi- de sélection des artisans du Sud. Ceux qui niquées vers l’aval. Et dans l’autre sens, que d’investissement de long terme com- jouissent de savoirs faire techniques et or- devraient être fournies des informations plémentaire de l’urgence avec laquelle il ganisationnels importants ainsi que d’ap- systématiques sur la demande, les mar- fallait traiter au niveau international les puis extérieurs conséquents, pourront se chés, etc. C’est la qualité de ce flux d’in- questions de garantie et de standardisa- maintenir dans formation réciproque qui fera la garantie. tion. Il devient, par ailleurs, incontourna- les réseaux du ble de réunir les maigres forces des cen- commerce équi- Cette proposition n’obéit pas à une logique trales d’achats françaises et européennes table, tandis que d’optimisation de gestion de flux d’infor- (ou plus) pour assurer un minimum de les autres, parce mation à bas coût (même si l’on sait que cohérence dans les pratiques et dans les qu’ils ne pour- la formalisation des pratiques, de surcroît décisions vis à vis des partenaires au Sud. ront pas répon- par écrit, n’est pas une tâche facile) ! Si la Cette cohérence facilitera grandement dre aux nouvel- consolidation de systèmes d’information la possibilité de s’accorder sur un projet les exigences du du côté des organisations au Sud est in- commun avec ces derniers, et participera commerce équi- dispensable, elle ne prend son sens que de la normalisation standardisation en table pourront parce que, d’une part ces organisations cours. Cet effort de coopération repré- s’en voir exclu. partenaires ont un projet collectif propre, sente une mise en commun des visions Bref, une sélec- et que d’autre part, les termes d’un vérita- du monde, un travail minutieux autour tion des artisans, ble partenariat ont été négociés avec elles. des méthodologies de travail, des straté- par le marché… gies d’appui etc. Il permettra non seule- ce qui ne serait La question du projet collectif de nos par- ment une économie de moyens au niveau sans doute pas tenaires prend toute son importance car global, mais aussi d’indispensables sy- la meilleure des nombreux sont en effet nos fournisseurs nergies pour décupler l’efficacité de nos choses et irait, chez qui les stratégies d’accès au marché partenariats dans le Sud (mobilisation de au bout du comp- Albert HUBER et les logiques commerciales dominent au moyens financiers ; élargissement des te, à l’opposé des détriment d’autres enjeux socio-écono- partenariats au Sud avec des ONG locales, objectifs du com- miques, ou bien chez qui les projets des des Universités...). Des organisations du merce équitable. : Photo Crédit organisations de base des artisans ne parviennent pas à prendre leur place au 8 | Cf. Ciedel, 2004, Étude de l’impact de 25 ans niveau des organisations faîtières. Quant de commerce équitable sur les producteurs au partenariat entre structures au Nord et du Sud partenaires d’Artisans du Monde. Rapport final. Février 2004 Artisans du Monde (149 pages). 7 | Voir par exemple le cas de Ciap : Exposé oral du 9 novembre à la Fédération Artisan du 9 | Il y aura bien sûr parmi les indicateurs ceux équité #11 Quelles garanties Monde de J-F Lemay « Les relations entre qui seront non négociables comme le travail pour le commerce équitable ? partenaires : le cas de Ciap au Pérou ». des enfants en bas âge par exemple. 11 En France : points de vus et débats

Au delà de la garantie une démarche de progrès P a r E l o d i e Ay gl o n , responsable de communication de l’ o n G Ya m a n a .

Yamana 1 est une ONG française de commerce équitable, membre de la PFCE, elle participe également au groupe de travail de l’AFNOR sur la normalisation du commerce équitable. Du local à l’international, Yamana accompagne des acteurs économiques (consommateurs, distributeurs, producteurs) à l’intégration concertée et durable d’une politique de responsabilité sociale et environnementale. Elle tra- vaille en parallèle à la vérification des conditions sociales et environnementales de production. Plusieurs membres de l’équipe Yamana sont des auditeurs certifiés SA 80002 et ont suivi la première formation européenne AA1000 3 .

Le programme pour suivre les avancées des entreprises des pays producteurs. D’autre part, si cer- Fibre Citoyenne : la qualité et prendre part à la formation que Yamana tains critères sont facilement quantifia- sociale et environnementale leur propose: « la filière textile et la com- bles (agriculture biologique par exemple), appliquée à la filière textile mande publique responsable». d’autres le sont beaucoup moins (critères Lors de la journée Cité Environnement le sociaux notamment). En effet, comment Avec le soutien financier du Minis- 6 octobre dernier à Valenciennes (59), le estimer qu’un salaire est décent ou que le tère des Affaires Etrangères, Yamana programme Fibre Citoyenne s’est vu re- temps de travail est raisonnable en Inde, a mis au point le programme Fibre mettre le prix « coup de coeur » de Cité au Vietnam, au Pakistan...? Citoyenne4 , dont le lancement a eu Environnement. D’autres lacunes en matière de système lieu le 1er juin 2005. Ce programme de garanties sont également préjudicia- fournit des repères et des outils aux Yamana bles au commerce équitable, parmi les- entreprises textiles5 et à leurs acheteurs, et les systèmes de garanties quelles le contrôle de l’application effec- en matière de qualité sociale et environ- tive des critères : qui contrôle et qui la- nementale et ce, sur l’ensemble de la fi- Garantir le bienfait des actions menées béllise? La distinction entre juges et par- lière (traçabilité, évaluation des impacts par les acteurs qui s’engagent dans une ties n’est pas toujours de mise. Yamana sociaux et environnementaux, démarches démarche de progrès participe au fonde- a longtemps étudié ces questions avant de progrès initiées, etc.). ment même de la méthode et des outils de définir sa propre méthode d’action et L’objectif de ce programme précurseur spécifiques que Yamana a mis en place. des solutions pour pallier ces problèmes. est d’impulser une dynamique vertueuse, La méthode de Yamana, le MVD (Moni- C’est pourquoi Yamana propose aux ac- pour générer une plus value sociale, so- toring Vérification et Développement), teurs économiques locaux d’engager de ciétale et environnementale sur l’ensem- dédiée aux pays de production, permet façon complémentaire et simultanée, une ble des sites concernés par l’élaboration de s’assurer que les activités économi- démarche de progrès globale, de la distri- des produits. Pour cela, les entreprises qui ques génèrent un impact social bénéfi- bution à la production. La garantie repose adhèrent au programme Fibre Citoyenne que pour les populations, dans le respect également sur les CVV qui réunissent les s’engagent à respecter des critères so- des principes du développement durable. acteurs complémentaires indispensables ciaux, sociétaux et environnementaux et Les équipes locales animent et suivent la à la définition et à l’adoption des critè- à s’inscrire dans une démarche continue mise en oeuvre de la démarche avec les res en fonction des différents contextes de progrès vers un Développement Dura- différents partenaires locaux. socio-économiques locaux. A la logique ble. D’années en années, les entreprises Enfin, un des outils mis en place par Ya- produit, Yamana privilégie ainsi la logi- membres du programme rendent compte mana pour réunir et suivre l’avancée des que filière, afin d’avoir une vision globale de leurs avancées à un Comité multipar- actions menées par les acteurs est le Co- de l’ensemble des phases de la chaîne de tite de Veille et de Validation (CVV) . mité de Veille et de Validation ou CVV. Il production, sans laquelle les actions de Les acheteurs de produits textiles peu- s’agit d’un groupe de travail composé des progrès initiées de façon isolée peuvent vent également adhérer au programme différentes parties prenantes (pouvoirs engendrer des répercutions négatives sur publics, secteur économique, société ci- d’autres acteurs. 1 | Pour en savoir plus : www.yamana-mvd.org vile) réunies par Yamana, pour valider et Pour Yamana, il faut garantir aux consom- 2 | SA 8000 : norme de responsabilité sociale appuyer les démarches de progrès socia- mateurs finaux que la filière de production gérée par l’instance SAI. Voir www.sa-intl.org les et environnementales des acteurs qui fasse l’objet d’une étude sur les impacts 3 | AA1000 : système visant à promouvoir l’ac- s’engagent. de chaque phase de la chaîne, et que des ceptabilité pour un développement durable. La question de la garantie est vaste et améliorations (sociales, sociétales et en- Voir www.accountability.org.uk complexe. Elle pose en effet plusieurs vironnementales) soient réellement ap- 4 | Pour en savoir plus, www.fibrecitoyenne.org problèmes, à commencer par la pertinen- portées, de façon progressive. Engager 5 | Vêtements professionnels, de travail, etc. ce des critères de garantie. A l’heure ac- les acteurs économiques, les pouvoirs pu- D’autres secteurs d’activité sont déjà à l’étude tuelle, la grande majorité de ces critères blics et la société civile dans la définition est définie par les occidentaux, et pose de conditions d’améliorations et dans le équité #11 Quelles garanties ainsi le problème de la prise en compte suivi des progrès est indispensable pour pour le commerce équitable ? culturelle des conditions de production évoluer vers un Développement Durable. 12 Le label Max Havelaar : pour que les entreprises changent leurs pratiques commerciales avec le Sud P a r N i c o l a s G a u t h y , rédacteur à Max H a v e l a a r Fr a n c e

Dans le logo vert et bleu sur fond noir rappelant le Yin et le Yang, c’est la silhouette d’un homme qui se dégage. Le label Max Havelaar évoque un équilibre dont l’homme est le centre. Remettre l’homme au cœur du système économique, voilà tout l’esprit de sa démarche. Dès les origines, ses fondateurs sont partis d’un constat : les petits producteurs du Sud dont la pro- duction est exportée sont mal armés pour faire face aux acteurs des marchés mondiaux. De plus en plus souvent, la paysannerie se trouve dans une situation intenable, à tel point que les campagnes se vident pour grossir les bidonvilles des mégalopoles. Par ailleurs, les ouvriers des grandes plantations font face à des conditions de travail et de vie péni- bles dans des pays où les droits sociaux sont souvent inexistants. même : le label ne cautionne pas une en- Changer d’échelle Max Havelaar France se charge aussi de treprise, il certifie un produit donné. mettre en relation ces derniers avec les La notion de commerce équitable exis- acteurs des filières qui assureront les dé- Nord-Sud tait déjà quand, en 1988, des producteurs bouchés commerciaux. mexicains interpellent des ONG européen- Les communautés bénéficiaires vivent la nes. Ils sont encouragés par Francisco En plus d’assurer un prix minimum, l’ONG plupart du temps dans des pays où l’Etat- Van der Hoff, un prêtre ouvrier d’origine cherche à modifier les rapports de force providence n’est pas développé. Elles néerlandaise, docteur ès-économie, ès- politiques et économiques locaux en ren- n’ont pas ou peu de protection sociale, sociologie et ès-théologie. Ils affirment forçant l’autonomie des organisations de les infrastructures sont défaillantes. Les qu’à toute forme d’aide financière, ils pré- producteurs et de travailleurs. Elle établit mécanismes de compensation en cas de fèrent recevoir un prix juste pour le café ainsi les conditions pour que les produc- chute des cours des produits agricoles qu’ils produisent. Pour cela, le commerce teurs choisissent leur propre développe- n’existent pas ou plus. Les syndicats ou équitable doit avoir des débouchés signifi- ment, à leur échelle. Grâce à un réseau le mutualisme agricole sont chose rare. catifs et rémunérateurs dans les pays du de coordinateurs locaux et d’autres ONG, La plupart de ces paysans cultivent à la Nord. Il doit donc aller à la rencontre des elle appuie les producteurs sur le terrain. main, sur moins de 5 ha. Leurs enfants ne consommateurs là où ils sont en majorité, Dans le cas des grandes plantations, c’est sont pas toujours scolarisés. C’est pour- c’est-à-dire dans les circuits existants. aux travailleurs et à la protection de l’en- quoi Max Havelaar agit dans le cadre des Cela implique de demander aux entrepri- vironnement local que le commerce équi- relations commerciales Nord-Sud. Les ses de changer leur manière de faire du table s’applique. enjeux ne sont pas de même nature que commerce avec le Sud. ceux des paysans du Nord, même si eux Un défi aussi sont parfois confrontés à des situa- C’est ainsi qu’avec des représentants au système dominant tions de véritable pauvreté. d’ONG néerlandaises, Francisco Van der Hoff a eu l’idée d’un label qui garantit pour Pour le moment, la grande majorité des En mouvement un produit précis qu’une entreprise s’ap- détenteurs de licence du label sont des provisionne dans des filières certifiées PME. Cependant, aujourd’hui, le gros des Depuis 17 ans, le système de certification par une association indépendante des flux volumes des matières premières passe a beaucoup évolué en grandissant. Large- financiers. Pour plus d’indépendance en- par de grandes entreprises. Quatre so- ment développé de manière empirique, il core, à partir de 2004, la certification a été ciétés contrôlent 40% du commerce mon- s’est adapté à chaque réalité locale, aux confiée à FLO-Cert, une instance distincte dial du riz ; sept sociétés contrôlent 85% exigences de chaque filière et de chaque des associations qui promeuvent le label du commerce du cacao ; quatre grandes marché, ce qui l’a rendu relativement et définissent les standards. Le label Max multinationales contrôlent 60% du mar- complexe. Il n’est pas un appareil figé, Havelaar n’est donc pas une marque, mais ché mondial du café. Dans de nombreux mais une réalité en mouvement qui gran- une garantie qui assure que l’achat d’un cas, elles sont vivement critiquées par dit à la mesure des attentes de ses com- produit précis assure un développement des ONG ou par la presse. posantes essentielles : les producteurs et sur le long terme à ceux qui en ont cultivé les consommateurs. Aujourd’hui, il conti- la matière première. Si on veut changer certaines pratiques nue d’évoluer, de se professionnaliser et pour améliorer les conditions de vie des de gagner en cohérence. Relation d’échange producteurs, c’est précisément à ces en- treprises qu’on doit pouvoir faire des pro- Les données de cet article sont tirées L’idée fondatrice du label Max Havelaar positions concrètes de changement. « Le d’un rapport qui dresse un panorama de l’apport est simple : plutôt qu’établir un rap- commerce équitable se pose comme un du commerce équitable pour les producteurs du port d’assistance, mieux vaut construire défi au système dominant. Il représente Sud. Ce rapport est disponible en version élec- une relation d’échange commercial qui actuellement trois milliards de dollars. tronique sur www.maxhavelaarfrance.org. bénéficie à chacun, et dont les règles S’il croît jusqu’à 7 % ou bien 8 % de parts auront été acceptées par tous. En effet, de marché, les grandes entreprises vont les producteurs participent activement à devoir répondre », prédit Francisco Van équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ? la définition des standards. L’association der Hoff. Pour autant, la logique reste la 13 Que garantit la marque‘‘Bio Equitable’’ Par Jean-Pierre G h e s q u i è r e 1 ?

Depuis 2002, les consommateurs peuvent trouver sur les étalages de certains supermarchés et Biocoop des produits portant le logo « Bio Equitable ». J-P Ghesquière en a fait un examen pour la commission PFCE de la fédération AdM. Il nous en livre ici le résumé.

’association Bio Equitable a été créée en 2002 par cinq PME de production et de commercialisation agro-alimentaires ou agro- Lbiologiques2, animées3 par « la conviction que les PME du secteur Bioéquitable (…) participent à la lutte contre la pauvreté tout en favorisant la préservation des écosystèmes et du tissu économique rural ». Elles se veulent « soucieuses de participer au maintien de la biodiversité », souhaitent « développer et asseoir [des] pratiques écologiques et équitables », et considèrent que « pour que le commerce mondial soit durable et équitable, des clauses sociales et environnementales précises doivent être introduites dans les modalités de produc- tion, de transformation et de transactions commerciales, ainsi que de transports et de distribution des produits ou services concernés ». Cette association entend donc proposer un mode de certification conjuguant« les caractéristiques générales (…) de l’agriculture biologique et les critères spécifiques du commerce équitable».Voilà qui ne manque pas d’intérêt : quel est donc le contenu de la garantie Bio Equitable?

Bio Equitable et l’IFAT 4 ducteurs marginalisés9 et aux pays en premières issues de filières Bio Equitable, développement, à l’engagement sur le il porte la mention Bio Equitable seule et Comme on peut le lire dans d’autres ar- long terme dans la relation commerciale, sans référence à une (des) filière(s) »13 ticles5, les membres de l’IFAT se réfèrent à l’avance sur recettes10, à la liberté d’or- Mais le même référentiel envisage égale- aux mêmes documents et engagements ganisation des salariés, à la dimension ment un autre cas : « Lorsque le produit en matière de commerce équitable. De politique du commerce équitable, etc.) fini est composé en partie de matières plus, depuis 2004, ses référentiels ser- Par ailleurs, le statut d’association d’en- premières d’origine agricole non issues vent de base à un système de garantie treprises de Bio Equitable transparaît de filières Bio Equitable, il porte la men- des organisations par la marque FTO. fortement en matière de sensibilisation tion Bio Equitable suivi de la mention Par-delà les différences de formulation, du grand public, principe fondamental du de la (les) filière(s) concernée(s) (ex : nombre des engagements de l’IFAT se re- commerce équitable11 au même titre que filière cacao). La filière concernée doit trouvent dans ceux de Bio Equitable. De l’action commerciale stricto sensu : c’est être à 100% Bio Equitable. Dans ce cas même, nombre des critères de l’IFAT6 et la communication d’entreprise qui l’ins- le pourcentage minimum des ingrédients de Bio Equitable sont semblables7. Pas pire12. Il se manifeste également dans sa agricoles issus des filières Bio Equitable tous cependant : plus d’un tiers8 d’entre conception des relations avec les four- doit être de 25% de l’ensemble des in- eux en sont absents (référence aux pro- nisseurs : elles se nouent sous la forme grédients d’origine agricole composant le du modèle intégré agricole, du donneur produit final ». 1 | Jean Pierre Ghesquière est membre d’Arti- d’ordre imposant le respect d’un cahier sans du Monde Bayonne-Anglet-Biarritz et des charges, ce qui n’est pas vraiment se Voilà qui paraît peu clair. Essayons une Membre du CA de la Fédération. situer dans la perspective du commerce illustration : une société fabrique du cho- 2 | Kaoka, Cemoi, Euro-Nat, Arco-Océan Indien, équitable et d’une relation d’égalité. colat, mélange principalement de cacao Plantes aromatiques du Dios. et de sucre, et demande la certification 3 | Les citations en italique sont extraites du dos- sier de présentation ou du cahier des char- Quel degré d’équité dans Bio Equitable. Supposons que ce cacao ges Bio Equitable. les produits bio-équitable ? ou ce sucre, ou les deux, proviennent de 4 | Bio Equitable entend combiner « les carac- filières Bio Equitable pour 25% de leur téristiques générales des certifications exis- Apparemment, l’apposition de la marque composition, et qu’il contienne donc 75% tantes de l’agriculture biologique et les critè- res spécifiques du commerce équitable (fair Bio Equitable est accordée à une condition d’ingrédients non équitables. Selon les trade)» : cela semble se référer à l’IFAT, mais simple: « Lorsque le produit fini est com- critères mêmes de Bio Equitable : dans l’association ne s’y réfère pas explicitement posé exclusivement, au niveau de ses in- ce cas ce chocolat aura l’indication « Bio 5 | Voir notamment les articles pp.5-6 et 9-11 grédients d’origine agricole, de matières Equitable filière cacao » ou « Bio Equita- 6 | Les critères sont détaillés en indicateurs qui ble filière sucre ». On peut se demander permettent de contrôler le respect des enga- 9 | C’est pour cela sans doute qu’en matière tout d’abord si l’acheteur s’y retrouvera et gements. d’égalité des sexes, Bio Equitable s’en tient à 7 | 16 critères sur 25 : Elaboration d’une stra- des généralités, les « producteurs marginali- ensuite quelle est la valeur de cette dé- tégie de développement / Transparence et sés » étant très majoritairement des produc- marche parcellaire. responsabilité / Construction de compéten- trices marginalisées. De même Bio Equitable ces / Paiement d’un prix juste / Conditions peut très bien passer contrat avec de grandes de travail / Environnement. exploitations privées. Un code de conduite ? 8 | 9 critères sur 25 : Création d’opportunités 10 | Sur ce point précis, Bio Equitable s’engage pour les producteurs économiquement dé- de façon fort peu contraignante. Lors du lancement de la garantie Bio favorisés / Promotion du commerce équi- 11 | Se référer notamment à la définition du com- Equitable, la PFCE a notamment repro- table / Référence au prix FLO comme prix merce équitable de FINE (voir p. 3) minimum / Relations sur le long terme avec ché à Bio Equitable d’être un « code de les producteurs / Egalité des sexes / Déve- 12 | « Notre objectif est de promouvoir des modes conduite » (entendu comme étant un en- loppement du volontariat. de production et de commercialisation Bio Equitable (…). En effet, nous formulons la gagement volontaire unilatéral). Notons conviction que les PME du secteur Bio Equi- tout d’abord qu’en ce qui concerne la équité #11 Quelles garanties table sont, par les activités qu’elles déve- pour le commerce équitable ? loppent, des créatrices irremplaçables de richesses». 13 | Extrait du référentiel de Bio Equitable 14 garantie « bio », les ce qu’elle n’est en aucune façon. produits Bio Equita- En conclusion, les produits certifiés Bio Le ‘‘code de conduite’’ ble sont labellisés par Equitable sont en fait des produits bio qui e ‘‘code de conduite’’ (parfois appelé ‘‘charte EcoCert, organisme ha- incorporent une part limitée d’ingrédients L éthique’’) est un document de communication qui bilité par l’Etat et indé- définis comme équitables par Bio Equita- présente aux parties prenantes de façon explicite les pendant : dans ce cas ble. Ils sont une variante de produits bio, engagements de l’entreprise. De nombreux codes de il ne s’agit pas d’un ce qui est sans doute positif mais ne suffit conduite abordent la question de la responsabilité de code de conduite. pas à faire la synthèse du certifié biologi- l’entreprise concernant la qualité sociale des produits Par contre Bio Equita- que et de l’équitable, comme l’ambitionne ou services qu’elle commercialise, et en particulier le ble, association d’en- ou le suppose Bio Equitable. respect de conditions de travail minimales chez ses treprises, certifie l’ac- fournisseurs. La plupart des codes ont été élaborés tivité de ces entrepri- 14 / Voici par exemple ce qu’on peut lire, fin 2005, unilatéralement par les entreprises qui les ont ses comme (bio)-équi- sur le site de Bio Equitable : « Marque dépo- sée en octobre 2002 à l’INPI de Marseille, son publiés. Ceux-ci font malheureusement souvent un table en se fondant attribution est conditionnée au respect du ré- dangereux tri parmi les droits de l’homme (accent uniquement sur leurs férentiel Bio Equitable. Ce référentiel décline souvent mis sur le travail des enfants et absence déclarations. Elles sont en critères et indicateurs objectifs et évalua- bles les sept engagements de la charte Bio fréquente de référence à la liberté syndicale). juges et parties : il Equitable. Le respect de ces engagements Le code de conduite a cependant l’avantage d’offrir un s’agit donc bien d’un est donc soumis au contrôle indépendant support au dialogue social avec l’entreprise qui l’a signé. code de conduite, mê- d’Ecocert. Organisme de contrôle et de certi- fication agréé par les Pouvoirs Publics, Eco- Son respect et ses évolutions peuvent faire l’objet de me si Bio Equitable a cert garantit par un contrôle annuel, effectué négociations entre l’entreprise et les parties prenantes. tendance à présenter sur les lieux de production et de transforma- subrepticement la cer- tion, le respect des conditions de production, de transformation et de commercialisation Définition extraite du site Internet du Collectif de l’Ethique sur tification Ecocert com- des produits éligibles à la marque Bio Equi- l’Etiquette : www.ethique-sur-etiquette.org me une certification table ». Ecocert contrôle uniquement les en- en matière équitable14, gagements d’agriculture biologique. Existe-t-il un LABEL de commerce équitable Par Marilène Priolet, chargée de mission éducation à la Fédération Artisans du Monde?

Définition du terme « label » : dans son sens commun le label est une marque spéciale créée par un syndicat professionnel et apposée sur un produit destiné à la vente, pour en certifier l’origine, les conditions de fabrication, la qualité. Pour avoir valeur légale tout label doit être agréé par l’Etat.

l n’existe aujourd’hui aucune réglemen- « label du commerce équitable » ? d’une part, et des clients, d’autre part) : Itation, ni cahier des charges homolo- Pour Jean Pierre Doussin, actuel Prési- FLO-Cert (organisme présentant bien gué par les pouvoir publics concernant dent de l’association Max Havelaar Fran- les conditions de compétence et d’in- le commerce équitable. De ce fait, aucun ce, du point de vue juridique, le terme « dépendance exigées de tout organis- label officiel ne qualifie une démarche label » n’est pas interdit en soi mais doit me de certification). commerciale équitable. Par ailleurs, le seulement être utilisé dans des conditions mot « label » serait réservé aux produits telles que les consommateurs ne soient Par ailleurs, en vertu du droit positif na- alimentaires et aux produits agricoles non pas trompés1. A ce titre le logo Max Ha- tional et européen, un « label » visant des transformés répondant aux dispositions velaar peut licitement être qualifié de la- produits agricoles et alimentaires peut des articles L. 643-1 à L. 643-8 du Code bel et le consommateur n’a aucun risque exister en dehors du champ fixé par le rural. En France, un label agricole doit d’être trompé car : Code rural lorsque les caractéristiques être reconnu par l’Etat via son organisme certifiées ne sont, ni de près ni de loin, d’accréditation le COFRAC (Comité Fran- Les caractéristiques certifiées sont présentées comme visant la qualité des çais de Certification) . arrêtées collectivement par une struc- produits, à plus forte raison une qualité C’est en référence à ces articles du code ture de type professionnel (même si supérieure au sens de la définition du la- rural et en l’absence d’une réglementa- ce n’est pas un syndicat). bel agricole telle que fixée par l’article du tion reconnue par les pouvoirs publics Code rural précité. Dans le cas du « label que l’utilisation du terme « Label de com- Elles sont, de plus, décrites très clai- Max Havelaar », la garantie porte sur des merce équitable » par l’association Max rement sur les produits : prix, condi- relations économiques et sociales favo- Havelaar ou par l’association Bioéquitable tions de travail, développement éco- rables aux producteurs, ce qui est claire- est souvent dénoncée comme abusive. Il nomique des pays du Sud. ment indiqué par tous les partenaires uti- n’existe pas aujourd’hui de label de com- lisateurs du label. Il n’y aurait donc pas de merce équitable stricto sensu. Le contrôle est bien effectué par un confusion possible avec un label agricole Peut-on alors qualifier le logo de garan- organisme dit de tierce partie (c’est- ni chez les consommateurs, ni chez les tie « Max Havelaar » attribué par FLO de à-dire indépendant des producteurs, utilisateurs du logo.

# Quelles garanties 1 | Ces arguments sont tirés d’un article écrit par Jean Pierre Doussin pour le magazine « Option Qua- équité 11 pour le commerce équitable ? lité » n°239 - Juin 2005. Dossier Qualité p.14-18. 15 Echange, démarche de progrès et transparence comme garantie Par la Coopérative A n d i n e s , membre fondateur de l’association Minga

Andines est une société coopérative commerciale française. La société Andines est à l’origine de la création de l’association Minga en 1999. Cette dernière regroupe des personnes physiques et des structures (95 à ce jour), qui participent à la construction et au dévelop- pement économique d’un commerce équitable.

Aux origines Quelle(s) garantie(s) ? d’Andines en France, d’Interexpress en Colombie. En ce qui concerne la garantie du respect des engagements du commerce équitable, Le projet est né à Bogotà, capitale de la pour les membres de MINGA la méthode Colombie, à l’initiative de français vivant la plus fiable est la transparence totale de manière précaire dans ce pays et d’ar- des activités, pour quiconque, impliqué tisans, agriculteurs et autres travailleurs ou non dans les filières de production et colombiens également en situation de de distribution. Les certifications « clas- précarité permanente. Avant et pendant siques », sur la base de rapports « d’ex- la création en 1987 des deux entreprises, perts » qui visitent les entreprises quel- (Interexpress à Bogotà et Andines à Paris), ques jours seulement par an ne nous ont nous avons défini ce qu’était pour nous jamais semblé fiables. Evaluer une - réa «l’équité» : le maximum de respect et de lité complexe et en mouvement constant Andines justice économique, non seulement au nécessite une connaissance approfondie sein de nos entreprises mais aussi dans de cette complexité de chaque situation toutes les transactions commerciales ou démarche. On ne peut tout rationaliser Crédit Photo : Photo Crédit avec nos partenaires, tant en amont (pro- ou quantifier, en particulier les relations ducteurs, exportateurs, transporteurs, humaines... transformateurs) qu’en aval (prestataires de services, revendeurs, clients). De plus, Andines est constituée aujourd’hui de S’il est vrai que le « consommateur » nous décidions de donner la priorité à des deux structures complémentaires : recherche un signe de confiance, un partenaires en difficulté et de créer des logo, une marque, un label... il n’existe emplois, tant en Amérique du Sud qu’en La première, la Coopérative Andines, aujourd’hui aucun label qui qualifie une Europe. chargée de l’activité professionnelle. démarche commerciale équitable : en France, un label doit être reconnu par Andines aujourd’hui... La seconde, Andines SA, pour gérer l’Etat via son organisme d’accréditation une partie des questions financières. COFRAC (Comité français d’accrédita- Dix huit ans après d’autres structures ont tion). pu être créées dans d’autres pays, y com- Andines, c’est aussi un réseau de 300 pris européens, sur la base d’un engage- groupes de producteurs, mais aussi de Il faut tout d’abord affirmer haut et fort ment « d’équité pour tous », sans discri- collaborateurs extérieurs, de clients et que dans une société mondiale au fonc- mination de territoire, de sexe, d’âge, de d’amis... pour un chiffre d’affaire d’un tionnement socio-économique profon- races, de convictions... Dans ce sens, An- million cent cinquante mille euros en dément inéquitable, le «commerce équi- dines travaille aussi avec des producteurs Juin 2004. C’est aussi plusieurs centaines table» est un objectif vers lequel tendre italiens, espagnols ou français : le revenu d’emplois maintenus ou créés, en France au maximum, un combat quotidien et de 40% des agriculteurs français n’atteint et dans les 19 pays où travaillent nos four- collectif, impliquant tous les partenaires pas le SMIC et 25 000 disparaissent tous nisseurs. Grâce aux efforts de tous, Andi- de chaque filière, y compris le « citoyen / les ans, faute de pouvoir vendre leurs pro- nes est donc dorénavant ancrée dans un consommateur ». duits à un prix qui leur permette de vivre. large réseau professionnel et solidaire.

équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ? 16 u sein de MINGA, c’est la commission « Etude des adhésions et Evaluation collective des pratiques » qui est chargée d’amé- Aliorer ce Cahier des charges et de publier avant fin 2005 un livret d’évaluation annuelle de filière ( 65 points d’audit, 314 questions). L’un de ses objectifs est aussi de mettre en place un système d’information (Site Internet) pour exposer ce cahier des charges et les filières auditées. La seule indication d’une référence de produit permettra à tout citoyen de consulter ces informations. Cette commission fait des propositions pour améliorer le système de contrôle collectif des membres de Minga. Elle est chargée d’étudier et de travailler régulièrement, avec les partenaires sociaux et les administrations publiques des pays concernés, à une éventuelle certification indépendante et officielle, comme par exemple, en France : AFNOR, COFRAC, ministère du Commerce, DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes), Conseil de la Concurrence, etc.

En ce qui concerne la coopérative Andi- publics comme dépositaires de ce genre la consommation fort heureusement y nes et de nombreuses autres entreprises d’information confidentielle. oblige tout commerçant. Toute publicité engagées dans une démarche de com- mensongère ou irrespectueuse est sanc- merce équitable (et beaucoup refusent Cette transparence comme base de ga- tionnée. Pour contrer tout abus, nous de- l’étiquette « équitable » vue sa connota- rantie permet tout d’abord des coopé- vons exiger que tout vendeur d’un produit tion « grand’distrib »!), nous pensons que rations d’égal à égal, fraternelles, pour qualifié « équitable » vous donne toute malgré des années de publicité sur un échanger sur tous les plans, y compris l’information nécessaire (démarche, pro- commerce équitable exclusivement tiers- politique, et améliorer en permanence les venance, production, filière, qualité, - dé mondiste, toute garantie sur une telle pratiques des uns et des autres. Elle per- composition des prix, etc.) démarche doit porter non seulement sur met également un débat public et démo- les conditions de production mais aussi cratique, une information et une véritable Depuis trois ans, s’ajoute à ces outils, le sur l’activité économique, financière, -so éducation populaire : notre objectif est de cahier des charges de l’association MIN- ciale et environnementale de tous les nous réapproprier notre vie économique GA (téléchargeable sur www.minga.net ), opérateurs d’une filière. Ne tenir compte et le monde dans lequel nous vivons. sur la base duquel nous nous sommes que d’un maillon de la chaîne peut per- Cette méthode donne enfin à tout citoyen engagés aux côtés des autres membres mettre tous les abus aux autres étapes : ou toute administration publique un droit de l’association. Plus qu’une système de par exemple une grande entreprise de permanent de regard, de critique, de dé- contrôle au sens strict du terme, ce Cahier transformation ou de distribution… peut nonciation ou de félicitation, de sugges- des charges est un ensemble d’objectifs se permettre, pour son image de marque, tion et de participation dans chacune des pour conduire et améliorer en permanen- d’acheter quelques produits dits « équita- filières ainsi exposées, mais aussi de dé- ce et progressivement notre action quoti- bles » tout en exploitant encore, concur- bat et de rencontre... dienne. Il est aussi un moyen d’évaluation rence et profits obligent, ses autres four- et de contrôle public de notre action. Il est nisseurs et ses salariés. Où est l’équité ? Les outils d’information un outil, évolutif, parmi d’autres, de ce sur le respect des engage- processus de réappropriation démocrati- Notre garantie est apportée non pas par ments d’Andines que de l’activité économique. une marque ou un label de façade, mais par des relations et un suivi permanents, Pour en savoir plus sur la Coopérative An- Chaque signataire de ce cahier des char- des rencontres tous les ans, des échan- dines et ses partenaires, tout un chacun ges s’engage donc à atteindre chacun de ges entre tous les travailleurs des filiè- peut consulter les « fiches filières » qui ses objectifs le mieux et le plus rapide- res : cela permet d’apporter aussi une accompagnent chaque produit et leurs ment possible, et doit pouvoir le démon- transparence totale des activités (prove- annexes : documents, rapport de voyage, trer (voir encadré). Les éléments de ce nances, filières, décomposition des prix, factures, analyses, certifications, cartes, cahier des charges ne se substituent en etc.). Les éléments de cette transparence vidéos ou photos, etc. aucune manière aux traditions, lois et doivent être rendus publics. Si certains Ces informations sont disponibles sur le règlements en vigueur dans les régions éléments ne peuvent être rendus publics, site Internet www.andines.com, ainsi que et pays concernés, ils n’en sont que des par exemple pour des raisons de sécurité, dans nos bureaux. compléments et des propositions pour ils peuvent être confiés à des organismes Cette transparence est la première rè- une meilleure qualité sociale et environ- reconnus juridiquement par les pouvoirs gle du commerce équitable. Le code de nementale des produits.

équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ? 17 Normalisation et Certification : les enseignements de l’agriculture BIologique

La normalisation de l’agriculture biologique Par Marilène P r i o l e t , chargée de mission éducation à la Fédération A rtisans du Monde

i les années 20 ont vu se développer les premières ment par un tiers indépendant. Mais ce sont aussi ces Stendances de l’Agriculture Biologique en France et mêmes mouvements qui ont été et sont encore très en Europe, c’est seulement 60 ans plus tard que l’Agri- critiqués vis a vis de la certification de l’agriculture bio- culture Biologique a été officiellement reconnue par le logique : parce qu’elle ne permet pas de prendre en Ministère de l’agriculture et que les premiers labels sont compte la cohérence globale de la démarche (du pro- apparus. Ainsi, avec une vingtaine d’années d’avance ducteur au consommateur), mais aussi parce qu’elle est sur le commerce équitable, l’agriculture biologique est ren- contrôlée par des organismes indépendants reconnus par l’Etat trée dans l’ère de la normalisation et de la certification. Entre certes, mais qui n’en restent pas moins des organismes privés. temps, de nombreux mouvements tels que Nature et Progrès, Ainsi, tout comme pour le commerce équitable aujourd’hui, la le mouvement biodynamique, ont apporté une pratique, une mise en place de la certification biologique et l’établissement expérience qui ont permis à cette agriculture de poser ses fon- du cahier des charges de certification ne se sont pas faits sans dements : règles agronomiques et de transformation précises, heurt et continuent aujourd’hui encore à faire débat au sein des respect d’un cahier des charges strict, contrôle de cet engage- mouvements bio.

Le nouveau visage de l’agriculture biologique Par Ludovic A r b e r e t

Ludovic Arberet, enseignant en lycée agricole, nous livre ici une analyse sans complaisance de l’agriculture biologique. Prise entre un consumérisme du «sain», un citoyennisme de la «qualité» et les pratiques monopolistiques des industriels et de la grande distribution, la filière Bio doit pour lui clarifier son pacte avec une agriculture alternative, défendre des circuits courts... bref prolonger l’esprit des pionniers du Bio en créant du sens et du lien. L’article suivant est extrait de sa contribution à la revue critique d’écologie politique Ecorev’ n°13 « Vivre et consommer autrement » - consultable en ligne sur le site : www.ecorev.org

ous les agriculteurs bio conséquents supplémentaires. Les organismes certi- tage AB n’est pas obligatoire, la présence Tle rappellent : l’agriculture biologique ficateurs ne sont pas non plus épargnés du logo européen BIO prouvant la com- est un concept global qui ne peut être ré- par la fronde, le coût deviendrait de plus merciabilité du produit en France. La forte sumé en un cahier des charges si exhaus- en plus prohibitif pour de nombreux agri- présence du label vert dans les étalages tif soit-il. Ainsi une différence majeure en- culteurs et entreprises. Si plusieurs affir- des supermarchés laisse néanmoins son- tre le label AB et son homologue européen ment leur volonté d’abandonner le label geur, le « bio » semble pour ces groupes était due au nivellement par le bas du ca- AB pour revenir aux labels d’initiés, plus une niche économique comme les autres. hier des charges européen pour les pro- contraignants encore (Nature & Progrès, Aujourd’hui, l’agriculture biologique est ductions animales afin de faciliter l’accès Demeter...), d’autres se tournent vers la au milieu du gué. Entre ses pratiques de nombreux agriculteurs conventionnels certification européenne BIO, d’accès gra- locales (ventes à la ferme et au marché), au «bio», l’intention initiale étant de re- tuit. Son avantage essentiel est la simpli- ses premières dérives commerciales (les monter le niveau d’exigence progressive- fication des démarches permettant une magasins spécialisés) et l’industrie, la ment. Un grand nombre d’agrobiologistes meilleure gestion des produits compo- structuration des filières « bio » pose pro- hexagonaux avaient vu là une attaque des sites (dont tout ou partie des ingrédients blème. Il devient difficile dans le contexte industriels et des politiciens sur l’esprit proviennent de pays partenaires). Son in- actuel de défendre les filières courtes à « bio ». convénient reste la faible notoriété du la- tout prix, et les mécanismes commer- Le positionnement de l’association Na- bel auprès des consommateurs et sa cré- ciaux (les sacro-saintes lois du Marché), ture & Progrès est révélateur de cette dibilité moindre auprès des producteurs, qui ont conduit les grands groupes de méfiance de nombreux « opérateurs » industriels et consommateurs français. distribution à unir leurs forces pour fon- envers les dispositifs d’accès payant au Des entreprises comme Rapunzel (géant der des super-centrales d’achat capables logo AB, ils ne veulent pas servir de faire- du bio équitable) ou Arcadie ont posé le de négocier avec les industriels les plus valoir au « complexe bio-industriel », seul problème de la démarche isolationniste importants et écraser les plus petites en- capable d’après eux de payer ces taxes du logo AB : il faut rappeler que l’étique- treprises, menacent la filière biologique.

1 | Se référer à l’article suivant sur la certifica- tion participative d’Anne Sophie Bouveret. équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ? 18 Normalisation et Certification : L’agriculture biologique en quelques dates et règlements les enseignements de l’agriculture BIologique En 1981, un règlement national définit l’Agriculture Biologique Génétiquement Modifiés) dans tous les produits biologiques. et en juin 1991, le règlement européen (texte n°2092/91) Aujourd’hui, pour avoir la mention « agriculture biologique», définit les règles de production biologique pour les végétaux un produit doit avoir, depuis sa production jusqu’à sa et instaure un contrôle de certification obligatoire pour les commercialisation, suivi et respecté les règles spécifiques producteurs et les transformateurs de produits biologiques. définies dans le cahier des charges de l’Agriculture Biologique En Juillet 1999 paraît l’extension du règlement aux et avoir été contrôlé par un organisme tiers indépendant productions animales au Journal Officiel. Elle sera appliquée agréé par l’Etat et conforme à la norme EN45011 (dans le à partir du 24 août 2000 et immédiatement en ce qui cas de la France de principal organisme certificateur est concerne l’interdiction de présence d’OGM (Organismes Ecocert).

Cette omniprésence des centrales d’achat sur le marché de l’alimentation a, sous couvert de modernisation, de rationalisa- La certification participative tion des filières et de baisse des prix pro- un système de garantie pour soutenir l’agriculture paysanne fitables aux consommateurs, fait péricliter  l’artisanat, la vente directe et les circuits P a r A nne Sophie B o u v e r e t courts conventionnels. La supercherie des « bas prix » a permis à ces groupes biologique, comme projet de société. Elle de maintenir une pression forte sur les est à l’origine des premiers cahiers des producteurs gênant les discussions sur charges bio dans les années 1970. Dès des projets de rémunération alternatifs cette époque, le partenariat entre pro- (quotas de production, prix différenciés...). ducteurs et consommateurs s’est orga- Il est fort probable que leur action nuise Les systèmes de garantie participatifs nisé en Commission Mixte d’Agrément et aux prix pratiqués en « bio », rappelons relèvent de l’idéal que poursuivaient les de Contrôle (COMAC). Aujourd’hui, Nature par exemple que le prix du lait biologi- pionniers de l’agriculture biologique : une et Progrès souhaite redynamiser des CO- que suit les évolutions et l’indexation du approche fondamentalement écologique, MAC locales, et affirme son identité par lait conventionnel. A titre d’exemple, un soutenant les paysans et les ouvriers dans une charte. Etablie en 2004, elle engage conflit s’était engagé en 2002 en Aquitaine, une optique de justice sociale et d’économie producteurs, transformateurs et consom- portant sur les prises de décision à l’inté- durable à long terme.’’ mateurs dans une démarche globale co- rieur de la structure interprofessionnelle hérente aux vues des enjeux écologiques, régionale AIB, ceci avait provoqué son C’est ainsi que l’IFOAM présente la philo- sociaux et économiques : respect du vi- éclatement. L’affrontement était en partie sophie des systèmes de garantie partici- vant, circuits courts et liens directs pro- dû à une opposition de lignes stratégiques patifs, suite au « Séminaire international ducteurs consommateurs, relocalisation entre les acteurs conventionnels jouant de la certification alternative » qu’elle a de l’économie, justice sociale et solidarité aux «bio» et les associatifs. organisée au Brésil, en avril 2004. Il en dans le travail… La récupération du label AB par la grande existe des dizaines à travers le monde, distribution peut aussi être accompagnée ayant chacun son propre fonctionne- Principe de fonctionne- d’une confrontation avec d’autres gages ment, basé sur l’engagement de ceux ment de la COMAC de qualité. Or, le mot « qualité » n’est nul- qui s’impliquent dans la production et la lement une preuve de qualité organolepti- consommation de ces produits : paysans, Elle se réunit une ou plusieurs fois par que ou de « spécificité » du produit (com- consommateurs et conseillers définis- an, selon le nombre de dossiers à traiter. me la bio) : il est fort aisé d’imaginer des sent et mettent en œuvre les principes et L’enquêteur, qui peut être un salarié de la volailles nourries avec des granulés bio règles permettant de garantir la qualité Fédération N&P, de la COMAC, ou un ad- produits aux côtés d’un atelier de porcs biologique d’une production, à travers un hérent professionnel bénévole, présente hors-sol afin de compléter les revenus processus démocratique et participatif. son rapport de visite : description de la dégagés par une exploitation « agricole ferme, points positifs, points négatifs raisonnée ». Le rapport « qualité / prix », La certification (notamment les écarts par rapport aux ressenti par le consommateur, peut, face participative en France cahiers des charges) et son avis. Suite à la multiplication de ces gages de qualité, à cette description, les membres de la le plus souvent « maison » jouer en défa- En France, cette approche est parta- COMAC discutent et émettent à leur tour veur de l’agriculture biologique. Le constat gée par la Fédération Nature et Progrès un avis sur l’attribution de la mention. Ils est clair : le « bio » pour se renforcer doit (N&P). C’est une fédération d’associations peuvent demander des améliorations renouer avec des pratiques alternatives locales rassemblant producteurs, trans- collectives : de nombreux militants syndi- formateurs et consommateurs engagés 3 | Vous pouvez consulter la Charte de N&P sur leur site Internet : http://www.natureetpro- calistes, associatifs et politiques s’accor- dans le développement de l’agriculture gres.org/producteurs/professionnels_na- dent sur ce bilan et créent des structures ture_progres.html en conséquence. 1 | Anne Sophie Bouveret est animatrice de l’as- 4 | Vous pouvez consulter les cahiers des char- 2 | La manne financière en jeu repré- sociation ASPAARI et adhérente de Nature et ges à la même adresse que ci-dessus sentait quand même la coquette Progrès # Quelles garanties somme de 760 000 euros. équité 11 2 | International Federation of Organic Agricul- pour le commerce équitable ? ture Movements - www.ifoam.org 19 et, lorsqu’il y a un problème, proposer boussole NESO », qui oriente les échan- des pistes de solutions ou des conseils di- ges et la démarche de chacun : au Nord, rectement au producteur. L’avis rendu par le lien à la Nature, au Sud, le rapport au la COMAC est en général entériné par le Social et à l’économique, à l’Est, les prati- CCAM (instance nationale, composée éga- ques Energétiques, et à l’Ouest, l’Origine, lement de consommateurs et de profes- le lien au local. sionnels), puis transmis au siège de N&P. S’il est positif, le producteur reçoit une Un enjeu pour assurer attestation de conformité, et peut alors la survie de l’agriculture apposer la mention « Nature et Progrès » paysanne (nom et logo) sur ses produits. Pour garantir le bon fonctionnement de la Ces dernières années, les réglementa- COMAC, le CCAM peut envoyer un repré- tions nationales – le label AB en France, sentant pour participer à une réunion ou créé en 1993 -, européennes et internatio- effectuer une enquête inopinée chez un nales de l’agriculture biologique ont da- professionnel. Ce fonctionnement repose vantage évolué pour s’adapter au marché sur la transparence et la confiance. Les mondialisé que pour soutenir une agri- dossiers n’étant pas anonymes, la COMAC culture locale. Elles garantissent certains peut facilement prendre en compte les aspects de la qualité d’une production (la problématiques locales, les informations non utilisation de produits chimiques et provenant de consommateurs ou d’autres de synthèse), mais ne se soucient ni de professionnels, apporter conseil et sou- la consommation d’énergie, par exemple, tien aux producteurs. La COMAC est donc ni des conditions de travail du paysan, ni aussi – et avant tout – un lieu d’échanges du mode de distribution des produits, ni d’informations, d’expériences, et de soli- des impacts écologiques ou sociaux de darité. son activité. Or respect de la nature et respect de l’homme vont de pair, écologie La certification est véritablement partici- et équité devraient toujours rester liées. pative lorsque l’enquêteur est un adhé- C’est pourquoi de plus en plus de pay- rent professionnel bénévole, éventuelle- sans, faisant le constat des dérives d’une ment accompagné d’un consommateur. bio industrialisée, ont maintenant envie Ce système participatif d’enquête ren- de faire reconnaître leur démarche d’une force les échanges entre professionnels, autre manière : la certification participa- permet une rencontre entre producteurs tive est une alternative. et consommateurs sur le lieu de produc- tion. C’est aussi un moyen de diminuer les Dans ce système, la délivrance d’un cer- frais d’enquête, rendant ainsi accessible tificat ou d’une mention n’est qu’un- as la mention aux petits producteurs, pour pect du projet porté par le groupe. En qui le coût d’une labellisation par un or- donnant la priorité au marché local et ganisme certificateur est disproportionné direct, en se basant sur la transparence par rapport à leur revenu. et en s’appuyant sur un processus pé- Ce système fonctionne depuis longtemps dagogique pour favoriser une meilleure en Languedoc Roussillon, dans le Tarn, le compréhension des règles par tous et des Quercy, l’Auvergne, etc, et s’expérimente pratiques des producteurs, en privilégiant en Bretagne depuis 2005, à l’initiative l’échange et le conseil, dans un rapport de quelques producteurs adhérents de de confiance, elle encourage l’entraide, le l’Association de Soutien aux Projets et soutien mutuel, pour agir collectivement Activités Agricoles et Ruraux Innovants en conscience et évoluer vers plus de co- (ASPAARI). Au sein d’ASPAARI, l’enquête hérence. (réalisée le matin) est associée à une visi- te publique (l’après-midi) à laquelle sont Ce mode de reconnaissance des qualités conviés les clients du producteur, pour d’une démarche fait écho auprès de tous leur présenter son activité et échanger ceux qui cherchent à redonner du sens à avec eux sur la manière dont elle s’inscrit leurs actes. Elle s’inscrit en rupture avec dans une démarche écologique et sociale, les logiques productivistes et consumé- en cohérence avec la charte. Aspaari uti- ristes de l’OMC et de la grande distribu- lise pour cela un outil pédagogique : « la tion qui nous ont dépossédés de notre autonomie de décision. La certification 5 | Pour toute information, vous pouvez participative vise à inverser cette tendan- contacter l’ASPAARI en écrivant à : ce et répond à un enjeu vital : se réap- [email protected] proprier collectivement les conditions de l’échange, pour faire vivre des hommes équité #11 Quelles garanties sur une terre préservée… pour le commerce équitable ? Crédit Photo : Delphine CRAPLET Photo Crédit 20 Pour aller plus loin

Comment aborder la question du transport dans la filière de commerce équitable ? Par François L i ll e *

Lorsqu’on pose la question de la garantie du commerce équitable, la question du transport des produits n’est que trop rarement évoquée. Or, comment la revendication d’un commerce équitable d’un bout à l’autre de la filière peut-elle continuer à ignorer son chaînon physique central, le transport ? Par terre, par mers et dans les airs, les produits voyagent à travers le monde. Mais le trans- port international se dégrade de manière inquiétante. L’égalité de ses travailleurs est de plus en plus honteusement bafouée.

Les situations des travailleurs du transport sont multiples, et évoquer l’exemple des galères, en enquêtant sur les conditions souvent atterrantes. Nous avons choisi d’évoquer ici le seg- de travail et de vie des marins d’aujourd’hui. Comment se ré- ment principal du transport mondial, celui par lequel passe signer à ce que les populations côtières s’habituent à regarder 80 à 90% du total des échanges matériels internationaux, le tout navire comme un danger public, que les marins se sentent transport maritime. en permanence surveillés, suspectés, accusés ?

La dérégulation du transport maritime De la complaisance à l’iniquité

La marine marchande, première industrie historiquement La marine marchande internationale emploie plus d’un million internationalisée, se trouve maintenant en pointe de la déré- de marins, venant en grande majorité de pays de l’Est et du gulation incontrôlée appelée « mondialisation néolibérale ». Sud. Ils mettent en œuvre environ 50.000 navires de haute mer. Pourquoi ne pas en faire un secteur pilote d’une nouvelle po- C’est une circulation vitale de l’humanité, sur ce qui est de- litique des biens publics mondiaux ? Pour éclairer cette idée venu en quelques dizaines d’années une sorte d’immense zone apparemment paradoxale, il faut expliquer en termes clairs les franche… car l’utilisation de « pavillons de complaisance » est principales facettes de cette activité très mal connue. maintenant le principe dominant d’organisation – et de désor- ganisation - du système. Cette pratique, sous la couverture de La mer est un milieu dangereux, cela va de soi. Mais pas forcé- nationalités de fantaisie, met les navires en dehors des droits ment plus que l’espace aérien, qu’un fleuve ou un réseau rou- nationaux comme du droit international. tier. C’est la connaissance de la profondeur de cette expérience humaine qui nous permet d’affirmer que le transport maritime Les armateurs, qui sont les exploitants réels de ces navires, est potentiellement le moyen de transport de masse le plus sûr, peuvent ainsi mettre hors la loi tout ou partie de leurs flottes, le plus économique, le plus respectueux de son environnement. sans quitter l’abri de leurs pays respectifs. Tout est fictivement Comment alors expliquer que ce rêve semble tourner au cau- sous traitable, sous le parapluie commode des pavillons de chemar ? Que la magie noire des pavillons de complaisance, complaisance et paradis fiscaux. Alors s’instaure un quadruple tant européens-bis qu’exotiques, paraisse condamner d’avan- dumping, légal, fiscal, sécuritaire, et surtout social, qui devient ce tous les efforts de redressement ? On en est maintenant à la norme économique du transport maritime international.

1 | Pavillon de complaisance : marque de nationalité du navire, accordée La tolérance des États et de la Communauté internationale a par un pays à un armateur d’un autre pays. Permet d’organiser l’irres- fini par se muer en une véritable complicité. Volontairement ponsabilité de l’armateur et la mise en dehors des lois de son navire. ignorés ou trop longtemps considérés comme marginaux, les 2 | Pavillons Européens-bis : imitations « compétitives » pavillons de complaisance couvrent maintenant près des deux de pavillons de complaisance, sans changement de nationalité. tiers de la capacité de transport de la flotte mondiale. Dans * François Lille est économiste, membre de l’association Biens Publics à la dernière phase, les pays maritimes européens ont créé ces l’Echelle Mondiale (BPEM, pour plus d’informations consultez le site « registres bis » dont le « RIF » (Registre international fran- www.bpem.org, notamment la rubrique transport international) et an- çais) récemment institué, constitue l’exemple le plus abouti. cien officier de la marine marchande. Il est le co-auteurs, avec Raphaël Baumler, de « Transport maritime, danger public et bien mondial », Ils offrent ainsi à leurs armateurs nationaux et à d’autres, des Éditions Charles Léopold Mayer, Paris, septembre 2005, 413 pages. conditions voisines de celles des pavillons de complaisance,

équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ? 21 avec en prime le drapeau, la respectabilité, et les aides leurs produits ? Plusieurs façons de réagir pourraient être de leur pays réel. On peut donc avancer que le « principe de envisagées : complaisance » est devenu général, et le reste l’exception. Appeler au boycott des transporteurs maritimes se- Aux confins de l’esclavage moderne… rait un non-sens concernant le mode de transport qui assure près de 90% des transports matériels inter- Dans quel atelier du monde peut-on voir, sur une vingtaine de nationaux, et de loin le moins dommageable écologi- travailleurs, six ou sept nationalités différentes, chacune se- quement. lon sa qualification ? Certains ont emploi continu, congés et couverture sociale, d’autres rien de tout cela, dans la préca- N’utiliser que les lignes régulières qui garantissent rité, chacun selon sa nationalité. Où voit-on rémunérer, dans un traitement équitable de leurs employés serait la même usine, travail et heures supplémentaires sur des presque tout aussi irréaliste, car il n’y a plus de bases de 35 ou 40 heures pour les uns et 48 pour les autres ? choix : les lignes sont maintenant géographiquement Cet atelier, ce lieu, c’est un navire. partagées entre un petit nombre de méga-opérateurs entre lesquels la concurrence devient de plus en plus Discrimination, précarité, soumission sont le lot courant des fictive. marins « modernes ». L’organisation de ce marché mondial du travail maritime est aujourd’hui fondée sur un réseau de Constituer des compagnies de transport maritimes « manning agencies », de « marchands d’hommes » comme « équitables » ? Ce ne serait possible, compte tenu disent les marins. Ils recrutent de par le monde les équipages de ce qui précède, que dans des conditions très par- composites les plus économiques pour les mettre à disposition ticulières renforçant les « effets de niche » du com- des armateurs, avec lesquels les marins n’ont couramment merce équitable. même plus de contrat direct. Cette résurgence de la pratique ancienne du marchandage humain est le moyen d’offrir aux Ne vaudrait-il pas mieux aborder cette question par sa di- armateurs – et à d’autres - une main d’œuvre mondiale tailla- mension politique en formulant l’exigence de faire du trans- ble et corvéable à merci, au moindre coût. Les libertés syn- port maritime international un bien public mondial, auquel les dicales sont ignorées ou combattues, et les listes noires une peuples du monde ont droit, avec un accès libre et équitable, triste réalité. Mais rien n’est sans espoir, tant qu’il reste des dans un service de qualité ? Il en résulterait que les princi- gens pour combattre malgré tout cette dégénérescence. pes des droits humains et écologiques universels en seraient la première loi, et le respect des droits de ses travailleurs, Du droit mondial aux lois nationales le corollaire obligé. Tout ceci et l’utilisation des mers et des océans du monde, bien commun s’il en est, confèreraient une Prenons du recul. Le principe d’égalité de traitement des véritable obligation de service public mondial aux entreprises travailleurs, impudemment bafoué, est clairement défini ou qui y travaillent. Et les marins retrouveraient, dans la recon- rappelé par de multiples conventions internationales, par le quête de cette mission, la dignité d’un métier au service de Pacte sur les droits économiques et sociaux de 1966 (quasi tous les peuples du monde. généralement ratifié par les États), dans la lignée de l’article 2 de la Déclaration universelle des droits humains de 1948. Utopie ? Certes non. Les principales bases de ce renouveau existent en droit international, en droit maritime et en droit Au centre de cette construction juridique, on trouve la du travail, dans les coutumes maritimes encore vivaces, et Convention n° 111 de l’OIT (Organisation internationale du dans l’expérience des travailleurs de la mer et de terre. Les travail) prohibant toutes les formes de discrimination en ma- bases institutionnelles existent aussi, mais les lobbies de la tière d’emploi et de profession. Très largement ratifiée, elle complaisance règnent en maîtres, et l’ensemble tourne à fait partie du socle des huit conventions fondamentales de l’envers. Est-il si compliqué de tout remettre à l’endroit ? l’OIT. Le domaine maritime est le plus largement et ancien- nement couvert par des conventions spécifiques, ratifiées par Les droits nationaux étant de plus en plus dépassés, il est es- la majorité des Etats…mais qui les contournent avec complai- sentiel - non pour les abandonner mais pour les soutenir - de sance3. Or, elles devraient s’appliquer à tous les travailleurs porter le combat au niveau du droit international du travail. embarqués sur le navire, quelles que soient leurs fonctions L’ITF (Fédération internationale des travailleurs du transport et qualifications. – www.itf.org.uk) est sur la brèche, et s’appuie sur l’OIT qui poursuit la très nécessaire construction du droit mondial du Quelles perspectives pour travail. Mais il est temps de sortir ce problème de cette sorte les organisations de commerce équitable ? de ghetto aspatial que constitue le transport maritime, de lui donner la publicité qu’il mérite et d’envisager des alliances De quelles manières les organisations de commerce équita- entre organisations qui défendent le respect des Droits des ble peuvent-elles alors aborder la question du transport de travailleurs, qu’ils soient paysans, artisans, ouvriers ou marins.

3 | Par exemple par la mise en place du Registre international Français, l’utilisation des pavillons de complaisance et des registres bis.

équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ? 22 Glossaire

AFNOR (Association française charges est très précis pour chaque n’a aucun pouvoir réglementaire ou légis- de Normalisation) : association créée type de production. Les producteurs latif. Néanmoins, même si les normes ISO en 1926, elle est reconnue d’utilité publi- sont soumis à des contrôles de la part sont de nature volontaire, elles peuvent que et est placée sous la tutelle du mi- du personnel d’ECOCERT, qui effectue devenir des exigences du marché, comme nistère chargé de l’Industrie. Elle compte des contrôles dans les exploitations pour ce fut le cas par exemple pour les normes environ 3000 entreprises adhérentes. vérifier leurs déclarations. La mission de la série ISO 9000 relative aux sys- Dans le cadre du décret du 26 janvier d’ECOCERT est encadrée par l’Etat, qui tèmes de management de la qualité. 1984, l’AFNOR anime le système central a conditionné l’octroi du label « AB » à de normalisation composé de 31 bureaux une procédure réglementée et suivie par Marque* : Tout signe matériel servant de normalisation sectoriels, des pouvoirs la Direction Générale de la Concurrence, à distinguer les produits, objets ou servi- publics et de 20 000 experts. L’AFNOR est de la Consommation et de la Répression ces d’une entreprise quelconque. La mar- le membre français de l’ISO et assume des Fraudes (DGCCRF) notamment. que de fabrique, de commerce ou de ser- les responsabilités attribuées à la France vice est facultative. Toutefois, des décrets à ce titre. Un groupe de réflexion sur les FLO-Cert : Société privée de Droit en Conseil d’Etat peuvent, exceptionnel- aspects de normalisation du commerce allemand crée par FLO en 2004 pour lement, la déclarer obligatoire pour les équitable en France a été constitué sous assurer le contrôle et la certification des produits ou services qu’ils déterminent. l’égide de l’AFNOR (et avec une parti- produits de commerce équitable commer- cipation active de la Plate Forme Fran- cialisés avec le logo « garanti commerce Marque collective de certification* : çaise du commerce équitable - PFCE). équitable ». Cette société remet les Marque protégée, apposée ou déli- informations issues de ces contrôles au vrée selon les règles d’un système de Audit* : Processus méthodique Comité de Certification de FLO. Ce comité certification attestant avec un niveau et indépendant d’évaluation ob- est la pierre angulaire du système : il trai- suffisant de confiance, que le produit jective et de contrôle de pratiques te la certification des nouveaux produits et est conforme à une norme ou à un conformément à des règles préala- décide du renouvellement de la certifica- autre document normatif spécifié. blement établies (ISO 9000-2000). tion des producteurs agréés (sur la base La marque ECOCERT est une mar- des rapports d’inspection de FLOCERT). que collective de certification. Cahier des charges* : Ensem- ble de critères définis et à appliquer Filière commerciale* : Ensemble Norme* : Document établi par pour répondre à une certification. d’opérateurs économiques qui va de consensus, qui fournit pour des usages la production des matières premiè- communs et répétés, des règles, des Certificat : Document délivré confor- res composant un produit jusqu’à la lignes directrices ou des caractéristiques, mément aux règles d’un système de commercialisation finale de celui-ci. pour des activités ou leurs résultats, certification, attestant avec un niveau suf- garantissant un niveau d’ordre optimal fisant de confiance, qu’un produit dûment ISO (Organisation internationale de dans un contexte donné. Elle est approu- identifié est conforme à une norme ou à normalisation) : le principal organisme vée par un organisme reconnu comme un autre document normatif spécifié. de normalisation au monde. ISO est un ayant une activité normative pour son Le certificat est lié au produit, et est réseau d’instituts nationaux de normali- application répétée ou continue. En règle délivré après évaluation et certification. sation de 156 pays, selon le principe d’un générale, la norme n’est pas obliga- NB : En commerce équitable, il n’existe membre par pays (le membre français toire mais d’application volontaire. ni réglementation, ni cahier des charges est l’AFNOR). ISO est une organisation homologué par les pouvoir publics. non gouvernementale (ONG) et a pour Référentiel* : Selon le Code de la activité principale l’élaboration de normes consommation : « Le référentiel est ECOCERT : Organisme de certifica- internationales volontaires. Un certain un document technique définissant les tion reconnu par les pouvoirs publics pourcentage de normes ISO ont été caractéristiques que doivent présenter et habilité à attribuer le label AB à des adoptées par certains pays dans le cadre un produit ou un service et les modalités productions répondant aux critères de de leurs règlements ou sont citées dans du contrôle de la conformité du produit l’agriculture biologique. Son cahier des des lois auxquelles elles servent de base ou du service à ces caractéristiques ». technique. Cependant, l’ISO elle-même 1 | Définition extraite du site Internet de l’AFNOR : www.afnor.fr 4 | Définition issue du site Internet * Définitions tirées du cahier des charges de l’association Réunion Equitable de Minga, disponible sur le site Internet : 2 & 3 | Définitions extraites du site Internet www.reunion-equitable.asso.re www.minga.net d’Ecocert : www.ecocert.fr 5 | D’après le site Internet de l’ong ISO www.iso.org . équité #11 Quelles garanties pour le commerce équitable ? 23 Artisans du Monde : des critères au NNordord comme SudSud

es critères ont été adoptés lors de l’Assemblée générale time diversité, la spécificité, l’autonomie de chaque association Cd’Artisans du Monde au Mans en 1997 et à Chambéry en membre de la Fédération et de chaque groupement de produc- 1999 et sont toujours notre référence. teurs partenaire d’Artisans du Monde. Artisans du Monde demande « aux producteurs du Sud » de Dans le cas des organisations de producteurs au Sud, il est respecter des critères pour être agréés comme partenaires (ce spécifié « qu’il n’est pas demandé une application stricte de sont les critères au Sud) . Il est donc normal que nous ayons des tous les critères. L’importance qui leur est accordée dépend : exigences comparables pour notre propre organisation (ce sont Du contexte propre à chaque producteur les critères au Nord). Ces critères communs sont les garants de De la nature et de la structure de l’organisation partenaire notre unité, de notre image publique, tout en respectant la légi- De la possibilité d’évolution des organisations partenaires » Les critères communs s Les organisations agissent en faveur d’un développement humain durable. Pour cela elles doivent : - Avoir un processus de prise de décision démocratique. - Protéger l’environnement. - Défendre le respect des Droits de l’Homme au travail. - Viser / assumer l’indépendance financière et économique. - Veiller au respect de l’identité culturelle. - Avoir un caractère d’exemple, de démonstration pouvant

ritère - Avoir un projet social. avoir un effet d’entraînement sur d’autres organisations. c Critères « au Nord » Critères « au Sud »

aux - Types d’organisations - Relayer au moins une - Types d’organisations - Transparence (échange

p (associations membres campagne par an (sujet (coopératives, associa- d’information avec des i et membres associés) choisi démocratiquement) tion, micro entreprises, rapports réguliers ; c entreprises commercia- discussions ouvertes - Produits vendus (100% - Transparence : respect les à but social, organi- sur la manière dont

rin de ces derniers doivent de la Charte AdM ; envois sations intermédiaires l’organisation peut pro-

p être issus de filières chaque année à la fédéra- de commercialisation…) gresser pour atteindre

s équitables et 75% du tion des compte rendu d’AG le maximum de critères) CA doit être réalisé et rapport financier (chif- - Objectif général : avec les produits fre d’affaires, différents assurer un emploi - Politique des prix : le de Solidar’Monde) types de fournisseurs). aux producteurs à des partenaire propose un e de conditions équitables prix d’achat, justifié par s - Informations (sur - Politique des prix de le niveau de rémunération le commerce équi- vente (respect du prix - Produits fabriqués des travailleurs, le coût de table, les produits, public conseillé par (commercialisables, production, la marge béné- les organisations Solidar’Monde). ayant une valeur ficiaire nécessaire à l’équi- de producteurs…) politique) libre économique, etc. Synthè

Rédaction

1 € 1 Artisans du Monde est une association qui agit depuis 1974 pour un Fédération Artisans du Monde : 53 bd de Strasbourg - 75010 Paris développement durable par la promotion d'un commerce équitable Tél: 01 56 03 93 50 | Fax: 01 47 70 96 35 entre pays du Nord et du Sud.

Email : [email protected] public rix Site : www.artisansdumonde.org P Ses moyens d'action sont : la vente de produits du commerce 11

# pour un comme rc e équitable Coordination de la rédaction équitable, l'éducation des consommateurs et des campagnes de M. Priolet la fédération pression pour changer les règles du commerce international. équité

Comité éditorial ? F. Michalon, JP Ghesquière, Aujourd’hui Artisans du Monde en France, compte plus de 5000 membres qui mettent en Y. Clec’h, JB. Cavalier, M. Priolet commun leur énergie, leur temps, leurs idées. Ils agissent au sein de 140 associations Maquette et boutiques animées principalement par des bénévoles. Autour de ces associations se D. Craplet tisse un réseau de compétences et de projets au service d'un commerce plus juste. Ont également participé à ce numéro C. Maldidier, F. Lille, L. Lamprière, Pour plus d’informations : www.artisansdumonde.org AS. Bouveret, L. Arberet, E. Ayglon, JP Ghesquière, O. López Julián, L.Levard, Membre de la plate-forme française pour le commerce équitable (PFCE) N. Gauthy, G. Godreuil, F. de Sousa Santos, Coopérative Andines Remerciements A. Franqueville, M. Audion, ML. Urvoy Equité est édité grâce au concours financier de l’Union Européenne. Les points de vue qui Sangharé, M. Besson, S. Barthélémy, y sont exposés ne représentent en aucun cas le point de vue officiel de l’Union Européenne. Avec le soutien du Ministère des Affaires Etrangères. M. Portmann, B. Caurant. équitables commerce le pour garanties uelles Q