Commerce équitable La crise DR

GRAND ENTRETIEN de croissance ?

7 19 CHRISTOPHE ALLIOT Économie (1) Acteurs privés MAX HAVELAAR FRANCE La transformation du marché Concilier rentabilité et solidarité CHRISTOPHE MALDIDIER Corinne Gendron, Véronique Tristan Lecomte SOLIDAR’MONDE Bisaillon et Ana Isabel Otero Université du Québec à Montréal SANTIAGO PAZ LÓPEZ 21 9 Produits d’origine CENTRAL PIURANA DE CAFETALEROS CEPICAFE Économie (2) Cousins ou concurrents ? LAURA T. RAYNOLDS La morale de l’histoire Denis Sautier et Estelle Biénabe CENTER FOR FAIR AND ALTERNATIVE TRADE STUDIES Virginie Diaz Pedregal CIRAD GRET 23 1 > Une histoire PAGE 6 13 France 2 > Objectifs et acteurs PAGE 14 Innovation Faut-il réguler le commerce 3 > Agenda PAGE 22 Le processus équitable ? d’institutionnalisation Julie Maisonhaute Luc K. Audebrand Plate-forme pour le commerce équitable The University of British Columbia Okanagan 27 Pierre-Olivier Legault-Tremblay Pauvreté, inégalités CRISES-HEC Montréal Annie Camus Quels impacts ? Université du Québec à Montréal Solveig Roquigny Marie-Claire Malo et Isabelle Vagneron HEC Montréal CIRAD 15 29 Filières Sénégal La variété des marchés L’option régionale Ronan Le Velly Abdourahmane Gueye Université de Nantes ENDA Tiers Monde 17 30 REPÈRES Mexique UNE HISTOIRE DU COMMERCE L’expérience nationale ÉQUITABLE Marie-Christine Renard 32 Université autonome de Chapingo, Mexique GÉOÉCONOMIE DU COMMERCE ÉQUITABLE 34 LES ACTEURS DE L’ÉQUITABLE

2 COURRIER DE LA PLANÈTE N ° 8 7 DOSSIER DR MAGAZINE

L’actualité du trimestre La consommation engagée sélectionnée par la rédaction 38 53 du Courrier de la planète Économie Japon Consumérisme politique Les teikei au-delà des labels et démocratie libérale Katsushige Murayama 60 Mads P. Sørensen International Federation of Organic Agricultural Biodiversité marine : sans, Esbjerg Hojskole Movements (Japon), président du réseau Urgenci contre ou avec les pêcheurs ? 41 5544 REPREPÈRESÈRE S 64 Équité internationale LESLES FORMES ALTERNATIVES Thon rouge : La surresponsabilisation DEDE CONSOMMATIONC ONS OMMATI ON cap sur la CITES ! des consommateurs 66 Muriel Figuié et Nicolas Bricas 56 Russie : le capitalisme d’État CIRAD Responsabilité se porte bien 42 Le pouvoir des consommateurs France Michele Micheletti Le consommateur est-il soluble Stockholms Universitet dans le citoyen ? 57 Sophie Dubuisson-Quellier Électricité Centre de sociologie des organisations Échapper au marché Claire Lamine Eric J. Arnould Institut national de la recherche agronomique University of Wyoming Ronan Le Velly Université de Nantes 58 48 Écolabels Consommer local Quel impact Plus qu’une mode, une éthique ? sur les consommateurs ? Gilles Grolleau Yuna Chiffoleau Montpellier SupAgro Institut national de la recherche agronomique Benoît Prévost Université Montpellier 3

COURRIER DE LA PLANÈTE N ° 8 7 3 GRAND ENTRETIEN AVEC

CHRISTOPHE ALLIOT MAX HAVELAAR FRANCE Immeuble Le Mélliès – 261, rue de Paris 93556 Montreuil Cedex – France Segundo Alejandro Guerrero [email protected] Mandragon, président www.maxhavelaarfrance.org de la coopérative de producteurs de café équitable Cepicafe CHRISTOPHE MALDIDIER jusqu’en avril 2008, devant SOLIDAR’MONDE sa maison à Chonta au Pérou. 53, bvd de Strasbourg – 75010 Paris [email protected] www.solidarmonde.fr SANTIAGO PAZ LÓPEZ CENTRAL PIURANA DE CAFETALEROS CEPICAFE Urb. El Bosque – Mz. A Lotes 18 y 19 Castilla Piura – Pérou [email protected] [email protected] LAURA T. RAYNOLDS CENTER FOR FAIR AND ALTERNATIVE TRADE STUDIES Colorado State University Fort Collins, CO 80523-1784 – États-Unis [email protected] www.colostate.edu/Depts/Sociology/cfats/index.html LE COMMERCE ÉQUITABLE EN CRISE ?

Dans leur projet initial, les acteurs du commerce équitable ambitionnaient de changer les pratiques par un rééquilibrage des conditions des échanges en faveur des producteurs en garantissant un niveau de prix et des relations commerciales pérennes. Mais ces dernières années, le marché du commerce équitable a progressé fortement et très rapidement, notamment en empruntant les circuits conventionnels de la grande distribution et en élargissant sa gamme à des produits issus de plantations industrielles. Par ailleurs, l’abondance des labels de certification équitable développés pour répondre à la demande risque de nuire à la confiance des consommateurs. Et, surtout, le projet transformationnel initial risque d’être dilué par les forces du marché et la volonté de maximiser les profits. Dès lors s’ouvrent un certain nombre de défis, dont certains pourraient même menacer l’unité du mouvement. Finalement, à quelles conditions le changement d’échelle du commerce équitable pourrait-il contribuer à davantage d’équité dans le commerce international ? © PIERREYVES BRUNAUD/PICTURETANK LE GRAND ENTRETIEN LE COMMERCE ÉQUITABLE EN CRISE ?

1. Une histoire

Plongeant ses racines dans le mouvement coopératif du XIX e siècle puis les mouvements reli- gieux de solidarité avec le tiers monde au sortir de la seconde guerre mondiale, le commerce équitable a connu un tournant majeur à la fin des années 1980 avec l’introduction de la label- lisation des produits. Ce processus de normalisation a préfiguré la forte croissance actuelle du marché équitable, tant en termes de notoriété que de volumes de ventes. Comment des orga- nisations comme Max Havelaar France, Artisans du Monde et Cepicafe (coopérative péruvienne de producteurs de café équitable) ont-elles vécu ces évolutions ?

Courrier de la planète : Quelles sont les mondiale pour le commerce équitable (IFAT), grandes étapes de l’histoire du commerce regroupe environ 330 membres, répartis dans équitable ? 70 pays, pour un total de ventes annuelles s’éle- aura T. Raynolds : Le mouve- vant à 193 millions de dollars. ment du commerce équitable est À la fin des années 1980, une nouvelle ten- né d’un certain nombre d’initia- dance a vu le jour avec l’introduction de la label- tives développées au sortir de la lisation des produits équitables. Une stratégie seconde guerre mondiale. Elles initiée pour investir la filière des grands produits cherchaient à corriger les inéga- d’exportation, comme le café, vendus dans des lités en suivant la stratégie « du supermarchés conventionnels. commerce pas de l’aide » (« Trade Christophe Maldidier : Il faut également rap- not Aid » ). >lire Repères p. 30 Les premières expé- peler la forte structuration du mouvement au Lriences menées par les Églises et les associations cours des années 1990, aux échelles internatio- de développement ont consisté à garantir aux nale, européenne et nationale. Outre l’IFAT, déjà populations plongées dans la pauvreté des débou- mentionnée, ces regroupements ont concerné chés pour leurs produits artisanaux. Des organi- les organismes certificateurs au sein du Fairtrade sations de commerce alternatif ( alternative trade Labelling Organizations International (FLO), les organizations ) se sont montées pour acheter ces centrales d’importation des magasins associatifs produits à des tarifs préférentiels, les transporter (European Association – EFTA) ou et les revendre à des consommateurs engagés. encore les magasins eux-mêmes (Network Euro- Toutes ces expériences ont fleuri dans les pean – NEWS!). >lire Repères p. 30 années 1960-70, conjointement au mouvement Santiago Paz López : Dans un premier temps, de solidarité avec le tiers monde, notamment notre action était beaucoup plus fondée sur des en Europe via la prolifération des « magasins valeurs de solidarité que sur des objectifs de du monde » qui servaient à la fois de lieux de qualité. Pour les consommateurs, il s’agissait sensibilisation politique et de vente pour les plus d’un acte d’achat militant pour soutenir une produits équitables. Les initiatives se sont égale- cause politique et ils étaient souvent contraints ment répandues en Amérique du Nord, à travers de devoir jeter leur paquet de café, vu sa piètre des magasins et des ventes par correspondance. qualité... La grande distribution utilisait d’ailleurs L’idée était là aussi de créer des liens commer- cet argument pour dénigrer le commerce équita- ciaux directs, en éliminant les intermédiaires ble. Dans un deuxième temps, les produits équi- pour rémunérer au mieux les producteurs. tables sont devenus de meilleure qualité que les Aujourd’hui, la plus grande fédération d’orga- produits conventionnels et ont donc attiré un nisations de commerce alternatif, l’Organisation nouveau type de consommateurs.

6 COURRIER DE LA PLANÈTE N ° 8 7 Économie (1) La transformation du marché CORINNE GENDRON, VÉRONIQUE BISAILLON ET ANA ISABEL OTERO *École des sciences de la gestion Bureau R-3490 UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL* 315, rue Sainte-Catherine Est Montréal – Québec Canada H2X 3X2 vec la mondialisa- fraction du mouvement équitable qui des règles commerciales internatio- [email protected] [email protected] tion s’est généralisée l’envisage comme une récupération à nales et d’une gouvernance écono- [email protected] une nouvelle moda- travers laquelle son message de jus- mique mondiale, le commerce équi- lité de l’action sociale tice est dilué et son pouvoir de trans- table et les nouveaux mouvements qui a trouvé, dans la formation affaibli pour ne pas dire sociaux économiques n’en sont pas sphèreA économique, le moyen de annihilé. Pourtant, qu’elle soit politi- moins porteurs de transformations. faire valoir des revendications aux- que ou économique, l’institutionnali- Ainsi, les entreprises doivent désor- quelles ne semblent plus en mesure sation est transformation. Et comme mais composer avec une définition de répondre les instances étatiques cela a été démontré dans le cadre de leur performance sociale fixée non nationales. Les transformations por- d’études du mouvement ouvrier, plus seulement par leurs spécialistes tées par cette action sociale s’actuali- l’institutionnalisation ne dissout pas des affaires publiques, mais bien par sent dans le système économique et le mouvement social qui en est le une myriade d’ONG autour desquel- non plus seulement à travers la régle- moteur, même si elle peut modifier les gravitent tout autant des acteurs mentation et les politiques publi- son discours et ses stratégies. du Sud que des militants du Nord. ques. Même si le marché continue à C’est dans cette perspective qu’il Les nouveaux mouvements sociaux fonctionner selon certaines logiques faut comprendre les tensions actuel- économiques participent ainsi à une immuables, telles que l’accumulation les qui se font jour dans le mouve- restructuration éthique du marché, à Texte extrait de « L’ins- et la valeur d’échange, il n’en est pas ment équitable : ce n’est pas tant travers laquelle le traitement réservé titutionnalisation du moins transformé, tout comme ses l’institutionnalisation qui est en aux producteurs du Sud peut être uti- commerce équitable : au-delà d’une forme acteurs, par l’action de ces nouveaux débat que les défis inhérents à l’ins- lisé comme facteur de différenciation dégradée de l’action mouvements sociaux. titutionnalisation économique pro- commerciale. Logique commerciale sociale », Les cahiers de pre aux mouvements sociaux écono- et responsabilité sociale peuvent la Chaire de responsabilité sociale et de développe- MOUVEMENT SOCIAL Figure embléma- miques. ainsi se rejoindre, tout en appuyant ment durable n° 11, Ecole tique de cette nouvelle génération de On ne saurait nier que même si des stratégies d’institutionnalisation des sciences de la ges- tion, Université du Qué- mouvements sociaux, le commerce ils sont moins spectaculaires qu’une plus politique et renforcer le proces- bec à Montréal, 2006. équitable canalise les revendications improbable révolution au niveau sus de transformation des règles du www.crsdd.uqam.ca issues de plusieurs sources autour de l’élaboration d’un système d’échange plus juste et avantageux pour les pays « Le commerce équitable, du Sud. À travers son institutionna- à travers son lisation au cours des années 1990, il institutionnalisation a présidé à l’instauration d’un véri- au cours des années 1990, questionne, table système commercial qui ques- tout autant qu’il tionne, tout autant qu’il renouvelle, renouvelle, le le système économique traditionnel. système économique traditionnel » . En offrant jusqu’au double du prix aux producteurs pour leurs récol- tes, le système équitable vient en effet saper l’idéologie concurrentielle fataliste par laquelle les acteurs éco- nomiques dominants justifient les prix dérisoires des denrées produi- tes par les pays du Sud. Mais ces mêmes acteurs s’approprient simul- tanément le « produit équitable » pour rejoindre la niche des consom- mateurs conscientisés à la probléma- tique Nord-Sud. Cette institutionna- lisation « économique » inquiète une KAFKA4PREZ

COURRIER DE LA PLANÈTE N ° 8 7 7 LE GRAND ENTRETIEN LE COMMERCE ÉQUITABLE EN CRISE ?

Christophe Alliot : Dans les années distribuer les produits alimentaires, puis des pro- 1980, avec la chute dramatique des cours du café, duits d’artisanat à partir de 1988. Jusque dans des petits producteurs mexicains ont pris contact les années 1980, l’orientation était plus politique avec une ONG néerlandaise pour expliquer la que commerciale : c’était l’époque du café du nécessité d’augmenter l’impact du commerce Nicaragua ou de Tanzanie, bon politiquement, équitable en cherchant à atteindre les consom- mais mauvais en terme de goût… La qualité des mateurs dans tous leurs lieux habituels d’achat, produits s’est nettement améliorée depuis. C’est y compris les circuits de la grande distribution. aussi vrai en matière d’artisanat : il n’y a plus seu- De leur rencontre est née l’idée de créer un label lement des bonnets andins en laine d’alpaga ! appliqué à des produits – le café en l’occurrence – Le deuxième tournant concerne l’identité du garantissant le respect d’un certain nombre de mouvement : à la fin des années 1990, Artisans critères économiques, sociaux et environnemen- du Monde a pris conscience de la fin de son taux afin que les consommateurs puissent s’en- « monopole » et du besoin de se repositionner gager en pleine confiance. Pour lancer et gérer ce par rapport aux autres acteurs. Il l’a fait en reven- label, ils ont créé l’association Max Havelaar en diquant d’abord l’intégration de trois dimensions dans son activité : l’action commerciale, l’éduca- C’était l’époque du café tion et le plaidoyer. Puis en pointant la contra- diction que posent les filières certifiées équitable du Nicaragua ou de Tanzanie, au Sud mais qui restent inéquitables au Nord : bon politiquement, mais mauvais une façon de dénoncer l’ambiguïté de la vente de en terme de goût… La qualité des produits produits équitables dans la grande distribution. Et, enfin, en s’inscrivant au début des années s’est nettement améliorée depuis. » 2000 dans la mouvance de l’économie solidaire et de l’altermondialisme. 1988. L’initiative a été imitée dans de nombreux autres pays, parfois sous d’autres noms comme Cdp : Et du côté de Max Havelaar, quelles Transfair, Fairtrade, etc. En France, l’association ont été les grandes évolutions ? Max Havelaar est née en 1992, à l’initiative de Christophe Alliot : Les principales missions trois ONG : le Centre international de coopéra- ont été de familiariser le grand public avec le tion pour le développement agricole (CICDA), commerce équitable et de convaincre des entre- Ingénieurs sans frontières et Peuples solidaires. prises de distribuer et vendre les premiers pro- En 1998, les diverses associations nationales se duits labellisés équitable. À partir de 1998, les sont regroupées au sein de FLO. actions ont été mutualisées à l’échelle internatio- nale au sein de FLO : définition des standards à Cdp : Plus particulièrement, comment travers des cahiers des charges et coordination de l’organisation Artisans du Monde a-t-elle l’appui au développement des producteurs. vécu ces évolutions historiques ? En 2002, la nécessité de professionnaliser les Christophe Maldidier : Le réseau Artisans contrôles et de renforcer la crédibilité de la garan- du Monde, né au début des années 1970, fait tie apportée aux consommateurs a amené FLO partie des pionniers. Il a traversé ces différentes et ses membres à créer la société de certification étapes avec succès si on en juge par la croissance FLO-Cert. Il s’agit d’un certificateur fonctionnelle- du nombre de magasins, du chiffre d’affaires et ment indépendant, mais détenu par la fédération de la notoriété auprès du public. Et ce alors que FLO, lui-même certifié selon la norme internatio- son poids dans le commerce équitable français nale ISO 65. Le label reste géré par les associations n’a cessé de diminuer pour passer sous la barre nationales qui autorisent les entreprises à l’utiliser des 10 % aujourd’hui. si tous les opérateurs de la chaîne sont certifiés. Parmi les tournants les plus importants de Aujourd’hui, le label est uniformisé, il est identi- l’histoire d’Artisans du Monde, on peut en citer que dans plus de vingt pays, sauf aux États-Unis deux. Le premier concerne le regroupement pour l’instant. >lire Repères p. 35 des achats dans une structure spécialisée, Soli- Fin 2006, les producteurs du Sud, organisés dar’Monde, créée en 1984 pour importer et en réseaux continentaux, Afrique, Asie, et

8 COURRIER DE LA PLANÈTE N ° 8 7 Économie (2) La morale de l’histoire VIRGINIE DIAZ PEDREGAL *GRET Campus du Jardin tropical GROUPE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGE TECHNOLOGIQUES* 45 bis, avenue de la Belle Gabrielle 94736 Nogent-sur-Marne – France [email protected] pparu au milieu des où il ne peut être mis en contact avec que, au moins en partie, le dévelop- www.gret.org années 1940 aux États- des éléments « profanes » (la grande pement rapide du commerce équita- Unis, le commerce distribution par exemple), sans appa- ble dans les pays à forte implantation

équitable est à l’origine raître souillé. protestante (Suisse, Grande-Breta- Texte adapté de « La un mouvement de sou- Puisant ses racines dans le sacré, le gne, Danemark, Allemagne, etc.), morale de l’histoire… tien aux artisans et producteurs agri- commerce équitable se trouve investi alors que dans les pays de tradition du commerce équitable A – Une réflexion théo- coles défavorisés des pays du « Sud », d’une autorité morale, marquée par catholique comme la France, le com- rique sur l’axiologie du dont les fondements s’inscrivent l’impératif de la contrainte. Ainsi, merce équitable s’est implanté plus commerce équitable d’aujourd’hui », présenté dans une démarche religieuse carita- les consommateurs se sentent sou- tardivement. En ce sens, l’arrivée de au 3 e Colloque interna- tive (Barratt Brown, 1993). Le com- vent moralement obligés d’acheter Max Havelaar dans les années 1980 a tional sur le commerce équitable, Montpel- merce équitable est donc intrinsèque- des produis issus du commerce équi- considérablement changé la donne : lier, 14-16 mai 2008. ment lié, par ses origines, à la sphère table car cela est jugé « bon ». L’auto- l’attitude de charité, encore percep- www.ftis2008.org religieuse. Il est même une religion au rité morale dont jouit le commerce tible aux débuts du mouvement, a sens premier du terme puisqu’il relie équitable apparente progressivement été écartée au profit de la rationali- les hommes dans un esprit de soli- ce dernier à une norme sociale. sation du geste économique. Le com- darité internationale. Pour ce faire, La normalisation du commerce merce équitable doit désormais être il introduit un aspect « moral » dans équitable, se traduisant notamment normé et les paysans du Sud ont l’acte commercial. par son institutionnalisation >lire intérêt à accomplir des tâches réso- La réflexion d’Émile Durkheim p. 13 , témoigne de la mise en lan- lument professionnelles pour garan- (2005) éclaire ce constat. Dans Les gage du sacré dans le droit. C’est tir leur salut. formes élémentaires de la vie religieuse , par le langage, dit Habermas (1987), Dès lors, le commerce équitable l’auteur met en lumière la spécifi- que les hommes se lient et peuvent est « tout contre » le capitalisme. À cité du phénomène religieux, pré- œuvrer pour une finalité commune. la fois loin et près de lui. Malgré son sentant le trait universel de classer En d’autres termes, ils refondent quo- discours critique envers le capita- FairNESS les choses en deux genres opposés : tidiennement la société. Le commerce lisme contemporain, il reste idéolo- Créée en 2007, le sacré et le profane. Certes, le com- équitable participe à cette œuvre. giquement proche de ce dernier. In l’association merce équitable ne constitue pas une , le commerce équitable appa- FairNESS, qui regroupe religion à part entière, entendue par TOUT CONTRE LE CAPITALISME L’émer- raît plus comme un commerce moral chercheurs, Durkheim comme « un système soli- gence du commerce équitable dans que comme un acte politique. La enseignants et daire de croyances et de pratiques relati- les milieux protestants n’est pas due morale qu’il défend s’oppose et, en sympathisants, est ves à des choses sacrées, c’est-à-dire sépa- au hasard : la richesse pouvant être même temps, renforce le capitalisme un lieu d’échange et rées, interdites ; croyances et pratiques un signe d’élection divine, le protes- moderne. Autrement dit, le com- de réflexion pour : m promouvoir la qui unissent en une même communauté tantisme ne s’oppose aucunement au merce équitable ne marque pas la recherche et la morale, appelée Église, tous ceux qui y mariage entre le monde des affaires résurgence du politique, mais sym- formation sur adhèrent ». Néanmoins, il porte en et celui de l’éthique. Faire des profits bolise le retour de la morale dans la le commerce lui les traces du sacré, dans la mesure n’est pas condamnable. Ceci expli- consommation. o équitable et d’autres systèmes d’échange alternatif dans un souci de pluridisciplinarité ; m offrir un cadre de réflexion destiné à la recherche ; m favoriser les échanges entre les enseignants, les chercheurs, les professionnels et les organisations de la société civile ; m contribuer au développement et à la diffusion des connaissances.

DR www.fairness.fr

COURRIER DE LA PLANÈTE N ° 8 7 9 LE GRAND ENTRETIEN LE COMMERCE ÉQUITABLE EN CRISE ?

Amérique latine, sont devenus membres à il offre des produits moins standardisés que dans part entière et co-gestionnaires au sein du conseil l’alimentaire et permet un lien symbolique plus d’administration de FLO. Dans le même temps, fort avec les producteurs. Mais c’est une activité FLO a lancé une profonde révision stratégique difficile avec de faibles marges de rentabilité. pour redéfinir son organisation internationale et La croissance plus lente de l’artisanat équi- ses objectifs clés. Cela fut l’occasion de débats de table par apport à l’alimentaire s’explique par fond avec toutes les parties prenantes, partout un ensemble de facteurs : acheter un produit dans le monde, pendant deux années intenses artisanal n’est pas un geste quotidien ; il est où de nombreuses réunions se sont tenues. concurrencé par les produits semi-manufacturés ou semi-industriels du « commerce éthique » ; Cdp : Ces dernières années, le commerce il est, à la différence des produits alimentaires équitable a connu une extraordinaire labellisés, affecté par un flou quant à son carac- croissance de ses volumes de ventes… tère « équitable » et, enfin, il est produit et Laura T. Raynolds : La vente de produits commercialisé par des petites structures qui équitables atteint aujourd’hui 2 milliards d’euros doivent augmenter leurs marges pour survivre. dans le monde, avec une croissance annuelle de En artisanat, nous sommes passés d’une prove- 42 %. Les États-Unis et le Royaume-Uni domi- nance assez équilibrée entre l’Amérique latine, nent le marché en comptant à eux deux plus de l’Afrique et l’Asie il y a une dizaine d’année à une la moitié du total des ventes. nette domination des fournisseurs asiatiques aujourd’hui, plus efficaces pour répondre aux exigences de qualité. L’Amérique latine, région pionnière Christophe Alliot : La filière alimentaire s’est du commerce équitable, continue extraordinairement diversifiée avec de nouveaux aujourd’hui d’assurer la grande majorité produits comme le thé, le sucre, la banane ou le cacao. Mais cette diversification ne doit pas se de l’offre mondiale de café et de banane faire aux dépens de ce sur quoi nous sommes équitables et près de la moitié du sucre historiquement installés, le café, et surtout pas aux dépens de l’impact sur les producteurs que et du cacao. » nous cherchons à maintenir. > lire p. 27 Le marché de l’équitable évolue très rapide- Il existe aujourd’hui plus de 600 groupes de ment. C’est pourquoi la dynamique est aussi, producteurs certifiés par FLO en Amérique sinon plus, importante à analyser que la situa- latine, en Afrique et en Asie. L’Amérique latine, tion au temps t, pas forcément instructive. Car région pionnière du commerce équitable, conti- bien malin celui qui peut prévoir ce qu’il advien- nue aujourd’hui d’assurer la grande majorité de dra dans deux ou trois ans sachant que les mar- l’offre mondiale de café et de banane équita- chés du Sud vont exploser… bles et près de la moitié du sucre et du cacao. Il y a quatre ans, on aurait parlé de la Suisse Pour autant, la croissance la plus importante comme principal pays consommateur de pro- se situe en Afrique, deuxième plus grand pour- duits équitables. Or aujourd’hui, c’est la Grande- voyeur de produits labellisés FLO et premier Bretagne qui est en tête et le mouvement se producteur de thé, noix, fruits (autres que la développe énormément dans les pays scandi- banane), jus, fleurs et vin. >lire Repères p. 32 naves, avec un effet domino sur l’ensemble du Christophe Maldidier : L’artisanat équitable continent européen, hors pourtour méditerra- a lui aussi bénéficié de cette croissance, mais pas néen, où les consommateurs ne sont pas encore au même rythme. Dans le cas de Solidar’Monde, très sensibilisés. la part relative de l’artisanat a régulièrement décliné, passant de 60 % environ du chiffre d’af- Cdp : Quelles sont, pour les producteurs, faires en 1995 à moins de 30 % en 2007, alors les conséquences de cette augmentation de que dans la même période, la valeur des ventes la consommation de produits équitables ? d’artisanat a été multipliée par trois. L’artisanat Santiago Paz López : L’augmentation de la est resté important pour Artisans du Monde car demande a eu énormément d’impacts sur

10 COURRIER DE LA PLANÈTE N ° 8 7 Remplissage des sacs de café pour l’exportation à l’usine Norandino, Pérou. Une fois nettoyé, déparché puis trié, il est conditionné en sacs qui pèsent chacun 69 kilos (soit un quintal). © PIERREYVES BRUNAUD / PICTURETANK

COURRIER DE LA PLANÈTE N ° 8 7 11 nos organisations de production. Dans le d’approvisionnement du circuit équitable en pro- cas de notre coopérative Cepicafe, qui a été créée fitant de l’augmentation des prix du marché. Il y spécifiquement pour développer une filière com- a deux ans, le cours du café était de 40 dollars le merciale de café équitable en 1994, les niveaux quintal et l’équitable à 120. Ce mécanisme n’était de production ont explosé : la première année, pas possible. Mais aujourd’hui que le cours du nous avons exporté la moitié d’un container, café conventionnel est à 115 $/q, presque 120, il C. Maldidier, Evolu- tion des relations du nous en exportons aujourd’hui une centaine… est facile pour les exportateurs de s’approvision- réseau Artisans du Les membres de notre coopérative, qui ven- ner auprès des producteurs certifiés équitable. Monde avec le Sud : vers un renforcement daient auparavant sur le marché conventionnel, Christophe Maldidier : L’augmentation de de l’éthique relation- se sont rendus compte que la filière équitable la consommation est a priori une bonne chose nelle ? Communica- tion n° 67 présen- était plus rémunératrice, mais aussi beaucoup pour les producteurs du Sud qui sont ainsi plus tée au 3e Colloque plus exigeante en matière de qualité. nombreux à bénéficier de meilleures conditions international sur le commerce équitable, Au Pérou, la valeur des volumes exportés par de commercialisation. Mais cette très forte aug- Montpellier, France, les coopératives certifiées commerce équitable mentation n’est pas sans effets pervers, comme 14-16 mai 2008. représentent 17 % du total des exportations. le souligne Santiago Paz : elle fait émerger des www.ftis2008.org Cela ouvre d’énormes perspectives. Dans le cas circuits avec des degrés différents d’équité, quoi- H. T. Raynolds, D. Murray, J. Wilk- de l’Amérique centrale, au Nicaragua, Costa Rica, que tous certifiés FLO. Dans un cas, on a un inson, Fair Trade Guatemala et Honduras, les coopératives certi- intermédiaire de plus qui est l’exportateur privé, – The Challenges of Transforming Globa- fiées FLO parviennent à vendre 100 % de leur alors que dans l’autre, c’est la coopérative des lization. Routledge, production. producteurs qui exporte directement. Cela impli- 2007. Christophe Maldidier : Je croyais pourtant que une répartition différente de la valeur ajou- que seulement 50 % de la production des coopé- tée selon le circuit et donc des revenus différents ratives certifiées trouvait preneur sur le marché pour les producteurs, sans que le consommateur équitable… puisse le savoir puisqu’en bout de chaîne, le pro- Santiago Paz López : En effet, tout le café duit porte le même label équitable, Max Havelaar exporté ne trouve pas acheteur sur le marché en l’occurrence. équitable. Au Pérou par exemple, une partie, Pénétrer le marché, tout en le maîtrisant, n’a environ 20 %, doit être vendue sur le marché pas été facile non plus pour le réseau Artisan du conventionnel. Avec l’augmentation du cours Monde qui a quadruplé la valeur de ses achats des matières premières agricoles, un nouveau au Sud en dix ans. Pour satisfaire une clientèle phénomène se développe : des exportateurs pri- nouvelle, Solidar’Monde a été conduit à réduire, vés vont s’adresser directement aux producteurs voire rompre, ses relations commerciales avec pour leur proposer un prix d’achat plus élevé que certaines organisations d’artisans fragiles, tandis celui de l’équitable. Ils cassent ainsi la chaîne qu’ont été plutôt privilégiées de plus grosses structures faîtières, qui s’approvisionnent elles- mêmes auprès de dizaines de groupements. De nouveaux fournisseurs ont également été intro- Le marché du café Arabica 1989-2007 Comparaison du prix commerce équitable et du cours mondial fixé à New York duits de façon à élargir les gammes de produits. Ces évolutions ne sont pas sans conséquences Prix équitable Prix New York En US $/quintal sur la qualité et l’équité des relations commercia- 320 les. Par exemple, la pression du marché a parfois 1997 : sécheresse au Brésil 1994 : dégâts dus 280 au gel au Brésil été transférée sur les producteurs du Sud : pres- 240 sion sur les délais, introduction d’une certaine 1989 : suspension o 200 de l’Accord délibération sur les prix, etc. international sur le café 160 1999 : sécheresse au Brésil SUITE P. 14 OBJECTIFS ET ACTEURS n o

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ce JANVIER 1989 JANVIER 1996 OCTOBRE 1999 MARS 2003 OCTOBRE 2007 r Sou

12 COURRIER DE LA PLANÈTE N ° 8 7 Texte extrait de « Le processus d’institution- Innovation nalisation du commerce équitable », présenté au 3 e Colloque interna- Le processus d’institutionnalisation tional sur le commerce équitable, Montpel- * ** LUC K. AUDEBRAND , PIERRE$OLIVIER LEGAULT$TREMBLAY lier, 14-16 mai 2008. www.ftis2008.org *THE UNIVERSITY OF BRITISH COLUMBIA OKANAGAN, **CENTRE DE RECHERCHE SUR LES INNOVATIONS SOCIALES CRISESHEC MONTRÉAL ANNIE CAMUS *, MARIE$CLAIRE MALO ** *UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL, **HEC MONTRÉAL

our se diffuser et s’institu- mises à l’épreuve lors de leur institu- nisations du CE sont en constante tionnaliser, les innovations tionnalisation . conversation avec le marché. Elles sociales comme le com- La standardisation de l’innovation, tentent de se distinguer des grandes merce équitable (CE) doi- voire même sa simplification, sur- entreprises commerciales mais veu- vent être adoptées par des vient lorsqu’elle est imitée par des lent jouer sur le même terrain de jeu : Pcommunautés locales (Alter, 2000 ; acteurs dominants ou majoritaires. les supermarchés. Ces organisations Taylor, 1970). Or, une population Dès lors, le CE ne peut plus être jugé qui ciblent la grande distribution en ou une communauté adoptera rare- comme étant en dehors du marché : plus de participer aux réseaux alter- ment dans leur intégralité les traits les critères du marché vont s’ajou- natifs pratiquent une stratégie d’hy- d’une innovation sociale, ses pra- ter aux critères équitables. Par exem- bridation : un mix de standardisa- tiques et ses fondements cognitifs ple, le prix des produits en magasin tion et d’innovation. L’hybridation, Alter, N. (2000). L’in- (Moscovici, 1976). Elle tendra plu- dépendra de la demande des consom- comme processus d’institutionnalisa- novation ordinaire. tôt à ne retenir et n’adopter qu’une mateurs et de la compétition entre tion, appelle aussi à la spécialisation Paris: PUF. « sélection d’éléments » parmi l’en- fournisseurs. Le produit équitable de certains acteurs. Ainsi, la grande Taylor, J. B. (1970). semble, contribuant à la déformation devient un produit de consomma- majorité des organisations canadien- « Introducing social et à l’adaptation aux pratiques loca- tion parmi d’autres, s’adressant à une nes du CE ne font pas ou plus d’édu- innovation ». Journal les. Si le contexte institutionnel peut niche de consommateurs engagés cation du public (Audebrand & Malo, of Applied Behavioral Science , 6, 69-77. influencer la sélection d’éléments ou (Audebrand et Malo, 2007). 2006). Ce travail est laissé aux grou- le rejet du CE, en contrepartie, celui- pes de pression. Moscovici, S. (1976). ci peut affecter certains aspects du ÉVITER LA BANALISATION Pour éviter Au fil du processus d’institution- Social influence and social change . New contexte institutionnel dans lequel il cette banalisation et dénaturation et nalisation de l’innovation sociale, York: Academic Press. s’insère. Nous posons donc que l’ins- pour continuer à créer de la valeur, vont s’exprimer des tensions entre les titutionnalisation du CE donne lieu à deux orientations s’offrent au CE : acteurs. Selon le contexte, les acteurs Malo, M.-C. et 1 Vézina, M. (2004). un double processus de reconfigura- La focalisation : une partie du en jeu et la nature de l’innovation, ces « Gouvernance et tion institutionnelle d’une part et de réseau du CE s’oriente vers la focali- tensions vont s’exprimer à des degrés gestion de l’en- réinvention du CE d’autre part. sation sur l’innovation pour conser- divers ainsi qu’à différents niveaux. treprise collective ver la confiance des activistes pour La réponse des acteurs à ces tensions d’usagers : stratégies de création de valeur DE L’INNOVATION À LA STANDARDISATION qui la qualité sociale et environne- va, en retour, avoir un impact sur le et configurations Il est possible de décrire la trajectoire mentale dans l’application des prin- champ, l’innovation et la trajectoire organisationnelles ». du CE en se référant au modèle stra- cipes équitables est plus importante d’institutionnalisation. Les acteurs Économie et solidarité , tégique de Malo et Vézina (2004). Ces que la quantité. La stratégie de foca- ont notamment recours à des prati- 35(1-2), 100-120. auteurs présentent trois phases de lisation correspond à un mouvement ques de résistance face aux tendances Audebrand, L. K. et création de valeur sur un axe allant fortement lié au développement et institutionnelles tirant trop l’innova- Malo, M.-C. (2007). de l’innovation/local à la standardi- au lien direct avec les communautés tion sociale vers une dénaturation du « Équita d’Oxfam-Qué- bec : les dix premières sation/global. La première phase – de producteurs. Elle concerne aussi projet initial. o années 1996-2006 ». la création – est celle d’une nouvelle les réseaux de distribution alternatifs Cahiers de recher- idée donnant lieu à une initiative qui veulent créer une proximité avec ches du CRISES, encore marginale. La deuxième, la les consommateurs afin de pro- n°. ES0701. diffusion , correspond à l’essaimage de fiter de l’acte d’achat pour Audebrand, L. K. et l’idée par différents promoteurs qui accentuer la sensibilisa- Malo, M.-C. (2006). « Unpacking ‘shar- cherchent à la concrétiser. La mul- tion aux problèmes edness’ in institu- tiplication des initiatives suscite un auxquels cherche à tional theory: the besoin de les fédérer et les meilleu- remédier le CE. En case of fair trade ». res pratiques prennent alors valeur somme, la focalisa- Paper presented at the 22nd EGOS Col- de normes. Le mouvement prend de tion répond à une loquium, Bergen, l’ampleur, les volumes de vente aug- vision plus étroite et Norway, 6-8 July mentent et les réseaux se structu- originale du CE. 2006. rent autour de définitions partagées. 2 L’ hybridation : de Cependant, ces constructions seront nos jours, plusieurs orga-

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