BAZAIGES Copyright Christian Pirot 1996 tous droits strictement réservés ISBN : 2-86808-1002 Couverture : Jean Jack Martin Dépôt légal : 2ème trimestre 1996 FERNAND BAUDAT BAZAIGES

ANCIEN VILLAGE DE POTIERS A LA RECHERCHE DE SON PASSE (monographie)

Préface de Jean Miot

CHRISTIAN PIROT - ÉDITEUR

PRÉFACE

Au commencement, chez nous, étaient les Bituriges. L'historien latin Tite-Live en témoigne et César confirme dans sa « Guerre des Gaules ». Un siècle avant Jésus-Christ, la renommée de la poterie de notre province débordait déjà largement les Marches du Berry futur. Bituriges : cela signifie « les Rois du monde » ou « les Rois éternels ». Né à Bazaiges, Fernand Baudat, Maître-potier-de-terre, est bien de cette race-là : seigneur plasticien de l'argile, sorcier de la poterie noire dont il connaît le secret transmis de père en fils depuis l'Antiquité jusqu'au dernier de la lignée, Guy, potier-sculpteur-architectural, sauveur de la forteresse de Châteaubrun. Dans cette « terre à pots », les « taupins » de Bazaiges ont pétri la céramique de la vie quotidienne depuis plus de deux mille ans; le cuvier à lessive en fut le produit le plus majestueux. C'est donc la chanson de geste des poteries noires de Bazaiges que Fernand Baudat vient d'écrire. Bien plus qu'une monographie, c'est une épopée, un roman, une série de nouvelles riches d'anecdotes croustillantes, de souvenirs, une moisson d'informations culturelles, historiques, folkloriques. Ce sont les histoires vraies de Bazaiges : le plésiosaure de la « Gorce-aux-Merles », les vestiges du camp romain, les « meneux-de-loups » et autres « j'teux-de-sort », les procès entre paysans et différends entre châtelains, les cahiers de doléances et délibérations de conseils municipaux, la Résistance, les foires et les assemblées... Toute la vie d'autrefois revit sous sa plume, à travers les documents qu'il a collectés avec une patience de moine- copiste : plus de six mille pages, depuis l'an 1600, d'archives paroissiales, de la mairie de Bazaiges et de la Châtellenie de Gargilesse, dépouillées et répertoriées. Il fallait la ténacité d'un Bernard Palissy pour venir à bout d'un tel ouvrage. Il fallait la ferveur du paysan pour labourer aussi profond. Il fallait surtout cette immense vertu propre aux Berrichons et qu'il ne faut pas confondre avec la lenteur : le sens inné du temps. Le temps que la flamme trouve son passage à travers les pots, devienne bleue et siffle tout au haut de la meule : le signe que la fournée est cuite. Pour littéraire qu'elle soit, Fernand Baudat peut être aussi fier de celle-ci que des précédentes. Modelée dans la glaise de Bazaiges, elle résistera elle aussi au feu comme au gel. Jean Miot PREMIÈRE PARTIE FERNAND BAUDAT BAZAIGES ET LA POTERIE

Je m'appelle Fernand Baudat. Je suis né à Bazaiges un vendredi treize octobre à trois heures du matin. Les voisines qui étaient présentes dirent à mes parents : "Faut pas déclarer ce paure gamin un vendredi 13, ça lui porterait bin malheur". Et comme tout le monde était d'accord on m'a déclaré à la mairie être né le jeudi 12 octobre 1911. Voilà comment j'ai démarré dans la vie et > comment plus tard, l'atavisme jouant, je devins potier. Bazaiges, ancien village de potiers, dont le passé se perd dans la nuit des temps, jouissait depuis des siècles d'une très grande renommée régionale, aussi est-il nécessaire que l'historique de cette vieille industrie artisanale soit exposée le mieux possible, ce que je vais essayer de faire avec mes petites capacités car je n'ai que mon certificat d'études primaires comme bagage. Je vous prie donc d'excuser les fautes que vous pourrez trouver dans cette étude faite avec tout mon coeur. Je voudrais surtout que vous sachiez que cette étude dans laquelle je me suis plongé n'a été faite ni par orgueil ni pour en tirer profit. La seule motivation, c'est que flottent plus haut les couleurs de Bazaiges. De gauche à droite Lucien Baudat, mon père, monte et lisse un pot de fleurs. A ses côtés le potier Mongereau travaille également au colombin. Le gamin entre les deux hommes c'est moi « le Fernand ». L'enfant près de Mongereau est Raoul Dorangeon. Au fond à droite avec sa coiffe berrichonne, ma mère en train de tricoter. Tout à côté, un petit bouquet de fleurs à la main, Marguerite ma soeur, morte à 18 ans. Bazaiges c'est notre village, nous l'aimons bien et il le mérite. Beaucoup de personnes de la commune et d'ailleurs, seront heureuses de cette étude monographique qui nous concerne tous. Nous étions tout un groupe de « mordus » attachés à cette réalisation. Vous pourrez grâce à des articles de journaux, suivre le déroulement de cet artisanat de la poterie, sa fin et sa renaissance. Nous sommes encore tout un groupe qui avons apporté notre concours bénévole, comme il se doit, à la création de cette monographie du village avec Jean- Pierre, le maire, en première ligne ainsi que Catherine, la secrétaire de mairie, qui nous a aidés magnifiquement.

Article paru dans La Nouvelle République. « Bazaiges à la recherche de son passé » Au fil des siècles le nom de cette petite bourgade du Bas-Berry a subi dans son orthographe et ses consonances de nombreuses variations avant d'arriver à son identité définitive de Bazaiges. Il semble que dès la plus haute antiquité des travaux de poterie constituaient une activité importante, la qualité des produits proposés et l'habileté de leurs maîtres d'oeuvre leur ayant assuré bien au-delà de la province une renommée indéniable. La plasticité de l 'argile locale « la terre à pots » comme elle était couramment appelée, convenait particulièrement à ce qui était attendu d'elle. Sans que des recherches bien menées aient été engagées des découvertes fortuites ont permis de mettre à jour sous des tumulus qui les dissimulent des fours garnis de poteries diverses, tuiles et objets de céramique... Le métier artisanal des potiers s'est prolongé jusqu 'à nos jours et la lignée des Baudat y figure en bonne place avec notamment Guy le dernier représentant en activité de la famille qui oeuvre dans son atelier de Dampierre. Berrichonne d'origine, Madame Etiennette Garnier d'Argenton est une passionnée d'histoire locale. A la demande du metteur en scène du « Masque de .fer » joué au château de la Prune au Pot, elle entreprit des recherches qui l'ont axée sur le village de Bazaiges qui recèle des richesses historiques d'un âge très ancien. Elle découvrait ainsi qu'une église en bois avait été construite au VI ème siècle, signe de richesse de la localité selon les données de l'époque. Cette église brûla en 1486. En 587 le sicaire Chramisinde, cousin de la reine Frédégonde, qui, sur commande, avait assassiné deux personnes, se réfugia chez sa tante abbesse à Bazaiges pour échapper aux recherches dont il était l'objet. Outre les poteries qui assurèrent la célébrité de Bazaiges, l'exploitation des phosphates de chaux constitua également une activité importante. Les recherches de Madame Garnier devaient être l 'étincelle déclenchant le souci d'aller jusqu'au fond des choses et de réaliser une monographie de la commune; un travail de fourmi dans la consultation des archives, documents, pièces officielles. Un groupe de férus d'histoire locale se mit au travail et mercredi, dans la salle de la mairie autour de Jean-Pierre Aubray, maire, étaient réunis M. Fernand Baudat maire honoraire de Gargilesse, maître potier de Bazaiges, MM. Paid Baudet, Jean Nicolas, Mme Solange Delacou et M. Gérard Baudet. Des archives furent consultées et commentées, des souvenirs évoqués, des bases jetées pour la poursuite du travail. Il fut demandé aux habitants qui étaient en possession de documents ou même de renseignements transmis de bouche à oreille au sein des familles de bien vouloir les communiquer à l'un des responsables de l'opération. Le départ est pris dans de bonnes conditions par une équipe ayant le souci de conduire à bien l'opération. Dans cette étude sur la poterie tout semble tourner autour de moi et cela me gêne. Il faut comprendre néanmoins qu'étant le seul « inconscient » du village à avoir voulu reprendre cette activité qui avait disparu je reste le point de mire. Je vais utiliser des articles d'anciens journaux qui relatent les phases de la poterie de Bazaiges. Cela m'aidera et j'aurai surtout moins à parler de moi. Vous allez trouver des répétitions d'un article à l'autre, d'un journal à l'autre. Je demande toute votre indulgence. Il m'est apparu aussi qu'il me revenait de bâtir la charpente de cette monographie puisque je dispose de temps libre, que j'ai décrypté de mon mieux cinq à six mille pages d'archives paroissiales de la mairie de Bazaiges et de la Châtellenie de Gargilesse, que je possède un photocopieur et que je suis surtout le potier qui a fait revivre la poterie de Bazaiges.

N. B. L'orthographe et les expressions en vieux français ou en patois berrichon relevées dans les archives ont été volontairement conservées. Comment cette aventure d'une étude monographique sur Bazaiges a t-elle germé? Et bien voilà. Un matin je reçus un coup de téléphone d'une dame d'Argenton, très documentée sur le passé de la région me demandant certains renseignements, notamment s'il y avait corrélation d'appellation entre Bazaiges et sa fabrique de pots et la Prune au Pot etc .. avec les Pots comme propriétaires. Cette dame s'appelle Etiennette Garnier demeurant à Argenton et nous la remercions particulièrement de son aide précieuse ainsi que de celle d'Yves Lagneau argentonnais également. Le travail de cette monographie devait être l'oeuvre de tous les habitants intéressés de la commune. Avant de commencer à écrire cette étude j'ai consulté évidemment les archives paroissiales de la mairie qui remontent à l'an 1600 environ. J'ai déchiffré tant bien que mal dans les dites archives des milliers de déclarations de bans de mariages, de naissances, de baptêmes et de décès. Ces déclarations, à la suite les unes des autres, étaient inscrites par les curés du moment. L'orthographe et l'écriture posaient souvent des problèmes et cela n'était pas facile à mettre en place. Mais quelle chance nous avons d'avoir ces traces du passé et je rends hommage à leurs auteurs. De 1600 à 1800 les archives représentent environ quatre à cinq mille pages ordinaires. En 1915, lors d'une permission mon père et notre bon voisin Mongereau firent une fournée pour utiliser la terre en dépôt depuis le début de la guerre. A droite de cette photo, ma mère en coiffe berrichonne en train de tricoter. Au premier plan, ce grand pot à fleurs est le modèle que George Sand avait commandé à mon grand père Justin Baudat. Il est particulièrement bien ouvragé. CONCERNANT CES ARCHIVES ET POUR INFORMATION VOICI LES EXTRAITS D'UNE ÉTUDE DES REGISTRES PAROISSIAUX DE PAR MARIE MADELEINE NEVEU, PROFESSEUR A CHÂTEAUROUX :

« Les registres et l 'histoire - En 1539, / 'ordonnance royale (de François 1er) de Villers- Cotterêts impose aux curés des paroisses de détenir un registre des naissances. Plus tard ,en 1579, l'ordonnance royale de Blois ajoutera les registres des mariages et des sépultures. En , on n'a pas toujours tenu compte de ces ordonnances. Ce n'est vraiment qu'après 1667 que la tenue des registres paroissiaux s'est généralisée. C 'est un domaine immense à défricher, néanmoins passionnant. Je me suis heurtée à des difficultés pour lire certains actes. Afin d'élucider certains points obscurs il m'a fallu flair, logique et beaucoup de prudence. L 'écriture est parfois illisible, le papier abîmé, les taches d'encre transpercent les feuilles, l'écriture de certains prêtres est peu soignée. L 'écriture fourmille d'indices subtils. Une analyse approfondie fournirait des indications sur le caractère des prêtres et religieux qui ont rédigé les actes. Quoique cet aspect particulier ressortit de la graphologie, j'ai porté mon attention sur certains signes». Les difficultés de Madame Neveu furent exactement les miennes. Il était demandé également pour cette collaboration, qu'une vieille histoire racontée au coin du feu par une mamie ou un papi à ses petits enfants nous soit rapportée. Elle serait la bienvenue. A la deuxième réunion, la salle, à la mairie de Bazaiges était comble ce qui a prouvé l'intérêt porté par la population à son village. Etait invité M. Raymond Albert, un des pionniers d'Argentomagus, grâce à qui furent prises des photos aériennes de la commune. Celles qu'il fit faire du Grand Vavre ont fait découvrir trois sites en ces lieux: un site de l'âge du bronze, un site de l'âge du fer, un site gallo-romain. D'autres sites intéressants existent sûrement dans la commune, mais seules des photos aériennes peuvent nous les faire découvrir. Cela n'est pas facile car il faut que le temps, la saison, les terrains soient favorables, mais cela viendra. Le travail de recherche est une chose mais la mise en place du texte en est une autre. Cela me fait un peu peur. Je ne suis pas écrivain, loin s'en faut, mais je garantis que je mets tout mon coeur dans ce travail, tout simplement, modestement, afin que le passé de notre village ne tombe complètement dans l'oubli. Paru dans un journal régional, souvenirs d'un potier :

Il était une fois et il y a bien longtemps déjà, un petit village de notre Bas-Berry qui avait une grande renommée pour ses poteries noires. Ce petit village s'appelait et s'appelle toujours Bazaiges. Depuis l'époque gallo-romaine, l'activité de ces poteries allait se poursuivre sans faiblir jusqu'au début de ce siècle Le modèle le plus répandu de cette fabrication était à coup sûr, le cuvier à lessive que chaque famille conservait précieusement chez elle pour les lessives bisannuelles. Des terrines pour le lait créaient également beaucoup de succès car il était prouvé que la crème recueillie était plus abondante que dans d'autres récipients. La cuisson des poteries et le travail du potier étaient effectués selon une méthode très primitive datant de milliers d'années. L'objet était façonné sur un billot et le potier tournait autour en superposant ses colombins de terre les uns sur les autres. La finition était faite ensuite avec une palette en bois et un chiffon mouillé. Pour la symétrie l'oeil du maître était là. La cuisson s'effectuait dans des conditions aussi primitives. On mettait les petits pots dans les grands, on entassait tout cela pour en faire une sorte de meule qui était ensuite recouverte de grands morceaux de poterie; le feu était allumé dans un bout et la flamme trouvait son passage à travers les pots pour ressortir ensuite entre les morceaux de poterie servant de couverture. Lorsqu'après de nombreuses heures de cuisson, la flamme remontait en sifflant et prenait une belle couleur bleue, c'était l'annonce que la fournée était cuite. C'était le moment crucial pour le potier qui devait recouvrir sa "meule " avec des cendres afin que la fumée reste en pression dans le four pour imprégner les pots d'une belle couleur noir argenté. Cette opération devait se faire tambour battant, face à une chaleur ardente, niais qu'importe! La réussite de la fournée était là. L'avènement de la lessiveuse au début de ce siècle devait mettre fin à cette industrie. Lorsque la guerre éclata en 1914, il ne restait plus que Lucien Baudat, mon père, qui travaillait au ralenti. Par édit royal, l'aîné de plusieurs familles de Bazaiges avait le droit d'extraction d'argile où bon lui semblait, au lieu dit "La terre aux pots". Parmi ces familles, on retrouve les noms de Duchateau, Pernin, Livernette, Quillet, Nicolas, Baudat etc...tous dénommés "potiers de terre " ou « pottiers en terre ». Le dernier de ces potiers de terre, mon père, partit à la guerre. J'avais trois ans. Blessé plusieurs fois, il revint avec la main droite mutilée; il n'était plus question de continuer son métier. Il semblait donc que la fin de la poterie de Bazaiges fut bien arrivée. Mon père mourut quelques années plus tard des suites de ses blessures. J'allais à l'école communale, j'avais environ dix ans, lorsqu'un jour, rassemblement des écoliers à la mairie pour la vaccination antivariolique. Je passai à mon tour avec une certaine émotion devant un grand monsieur de docteur à la barbe impressionnante, armé de son engin à vacciner qui me demanda mon nom. Au nom de Baudat, il me regarda longuement de ses bons yeux qui me pénétraient et me dit à peu près ceci : "tu sais, petit, le métier de tes parents étaient un métier noble; je pense qu'un jour, tu seras capable de reprendre le .flanibeait; promets-moi que tu essaieras et si tu as besoin d'aide, je serai à tes côtés. " Très ému, je lui répondis "Oui, docteur"." Le pacte entre le gamin et le docteur fut, par la suite, intégralement respecté, de part et d'autre. Mes débuts furent très difficiles et longtemps on nie crut un peu fou pour avoir choisi ce métier qui était, au moment, un métier "à crever de faim". Aujourd'hui, avec une certaine pointe de jalousie, il m'arrive d'entendre le propos suivant : "Et bien, tu en as de la chance d'avoir choisi ce métier. " Le médecin s'appelait le docteur Salmon, celui même que Jules Romain a immortalisé dans son livre "Le docteur Knock". Brave docteur Salmon ! Vous étiez aimé de tout le monde et surtout des pauvres. Aujourd'hui, vous reposez dans votre propriété de Badecon le Pin dans un coin de votre parc que vous aviez tant aimé ! Dernièrement, en compagnie de Madame Salmon, sa veuve, je suis allé m'incliner devant sa tombe et j'ai pensé que le rayonnement actuel des poteries de la lignée des "Baudat" potiers de terre à Gargilesse-Dampierre, descendants des potiers de Bazaiges, n'aurait sans doute jamais existé s'il n 'y avait pas eu entente, un certain jour de vaccination à la mairie de Bazaiges, entre un bon docteur qui s'appelait le docteur Salmon et un ch'tit gamin de dix ans qui s'appelait Fernand Baudat. Signé : F. Baudat. Ce pot de Bazaiges avait plusieurs fonctions. Il servait à saler le cochon, à mettre des fruits séchés utilisés l'hiver comme dessert et en été à rafraîchir la boisson.

BAZAIGES : VILLAGE DE POTIERS.

Bazaiges ayant été un village de potiers, je crois qu'il s'impose de commencer par ce qui fit sa renommée c'est à dire la poterie. Depuis des millénaires, les potiers de Bazaiges travaillaient l'argile entièrement à la main. Sur un billot fixe ils construisaient, aux colombins, des poteries utilitaires : cuviers pour faire la lessive à la cendre, chaufferettes, "trasses" (jattes) pour faire prendre le lait avec de la présure et avoir davantage de crème (ce qui était indiscutablement vrai), des cruches qui servaient pour l'eau fraîche et que tous les moissonneurs possédaient ainsi que les faucheurs dans les prés l'été. Pour "couper" l'eau et couper la soif on ajoutait selon les goûts, un peu de vinaigre ou quelques croûtons de pain de ménage. (Cruche panée) C'était peut être inefficace mais cela représentait pour eux une petite fantaisie, une amélioration de l'ordinaire à la hauteur de leurs moyens. Où en est aujourd'hui la poterie de Bazaiges et comment se fait-il qu'elle ait été transférée à Dampierre ? La raison en est toute simple et la voici. D'abord je tiens à dire bien fort que l'âme de cette poterie se trouve toujours à Bazaiges, à l'ombre de ces vieux potiers qui pendant des siècles donnèrent à leur village une renommé bien méritée grâce à leur artisanat. Juste avant la dernière guerre 39-45, ma femme fut nommée institutrice à Dampierre commune de Gargilesse. Je partis à la guerre et en tant que prisonnier j'ai passé cinq années de "grandes vacances" en Allemagne. A mon retour l'atelier de Bazaiges était occupé. Je pris donc la décision, sans enthousiasme, d'aller recommencer à Dampierre. L'accueil de la population fut excellent et je garde un très bon souvenir de ses habitants. Je repris alors tout à zéro. Location de bâtiments, achat de locaux, construction de fours etc. J'avais donc un ensemble satisfaisant pour travailler que je transmis à mon fils Guy lorsque je pris ma retraite. L'époque était au moment très favorable à la poterie. Guy en profita pour développer son affaire. Le grès grand feu (1280°) obtint un énorme succès. Aujourd'hui il a monté ses propres boutiques, une vingtaine, et ses articles sont vendus à travers toute la France touristique. Pourquoi ces poteries sont-elles là et bien là ? C'est grâce à la renaissance de cet artisanat dans notre ancien village de potiers qui s'appelle Bazaiges et Bazaiges en est le creuset. Eh oui ! chers amis Bazaigeois chantons un petit cocorico en son honneur il le mérite bien et soyons fiers de lui. La flamme a été ranimée et brille à nouveau. J'ai commencé cette étude en relevant dans les vieilles archives de la mairie, des Baudat potiers de terre. Je termine la même étude sur la poterie en citant des potiers actuels, résidant ou nés à Bazaiges. Guy Baudat, Patrick Baudat, Pascal Baudat, Gérard Baudat. Quant à moi, le Fernand Baudat, je fus un peu le professeur de ces derniers et je suis heureux aujourd'hui de la réussite de l'entreprise. Fernand Baudat devant son four à bois à Dampierre Je ne connaissais à peu près rien du métier de potier, ni l'extraction, ni le malaxage, ni la fabrication, ni la cuisson. Les anciens potiers avaient tous disparu et je restais donc tout seul pour me débrouiller. Comme disaient les gens du village qui m'aimaient bien dans le fond : "il n'est pas mauvais garçon le Fernand mais il est un peu fou de vouloir faire des pots, ça ne correspond à rien". Lorsque la saison des vaches maigres fut passée, les mêmes personnes commencèrent à me dire : "tu en as de la chance d'avoir choisi ce bon métier, ça rapporte". Parmi ceux qui m'ont aidé fidèlement le docteur Salmon de Badecon le Pin m'a toujours soutenu moralement et même financièrement. Un jour il me fit don de cinq cents francs qui furent les bienvenus comme vous le pensez. En tant que descendant d'une des plus vieilles familles de potier de terre il me revenait de ranimer le flambeau de cette industrie millénaire et l'aide de ce groupe de supporters me fut précieuse. Raymond Dauthy d'Eguzon, conseiller général de l' du moment, fit voter par le Conseil Général une subvention de deux mille francs pour édifier un four en briques en remplacement de celui que j'avais déjà construit et qui était plutôt en mauvais état. Pour moi ce fut un geste énorme qui m'encouragea beaucoup car j'en avais grand besoin. Soixante ans ont passé mais je n'ai pas oublié et, au fond de moi même, je ne peux m'empêcher de dire : "merci monsieur Dauthy, je nie souviens /" Le four fut construit par Ernest Villeneuve dit Nène, maçon à Bazaiges avec son compagnon Aimé Alligné qu'il appelait avec humour son "clerc de maçon" pour Fernand Baudat, écrire un livre c'est comme tourner un pot, «ça ne peut se faire qu'avec amour»... BAZAIGES à la recherche de son passé est une fresque peinte avec passion. Les hordes de loups enragés, la saga des potiers de terre, le réveil du plésiosaure, l'hommage rendu à sa majesté le bugeadé redonnent au village l'identité qu'il avait perdue. Bravo Fernand ! La victoire de la mémoire contre l'oubli c'est la victoire du pot de terre contre le pot de fer.

CHRISTIAN PIROT 75 F

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