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M. l'abbé EICH M. L'ABBÉ JEAN EICH (1910-1964)

par J. COLNAT, membre titulaire.

Trois mois à peine après nos confrères le chanoine Morhain et Clément Kieffer, M. l'abbé Jean Eich a succombé, le 5 mai 1964, à la douloureuse maladie dont il souffrait depuis longtemps. Jeune encore — il avait à peine cinquante-quatre ans — il laisse une œuvre magnifique d'historien ; œuvre inachevée, car ses projets étaient vastes.

Jean Eich, fils de Nicolas, paveur, originaire de la région de Trêves, et de Catherine Larchez, naît à La Briquerie, écart de , le 13 octobre 1910 ; mais il est encore tout enfant quand sa famille vient s'installer, en 1914, à Inglange, petit village près de Kœnigsmacker. Entré à l'école primaire d'Inglange en 1917, il commence, en 1919, l'étude du français. De 1923 à 1929, il fait ses études secondaires au Petit Séminaire de Montigny-lès-, puis il passe au Grand Séminaire de Metz, où il reste jusqu'en 1935, excepté une année occupée par son service militaire, qu'il accomplit en qualité d'infirmier. Le 14 juillet 1935, il est ordonné prêtre, et un mois plus tard, il est nommé professeur d'histoire et de géographie au Séminaire de Montigny. En même temps qu'il enseigne, il prépare une licence d'his­ toire ; à la Faculté des lettres de Nancy, il est l'élève d'André Gain, de Laurent, de Blache.

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La guerre interrompt ses travaux. Incorporé dans une forma­ tion sanitaire, il est démobilisé à Marseille en août 1940. Il s'ins­ talle provisoirement dans cette ville et, avec l'autorisation de Mgr Heintz, devient professeur d'allemand dans un collège des Pères jésuites, l'Ecole de Provence. Grâce à la proximité de la Faculté d'Aix, il peut achever sa licence en préparant un certificat d'histoire moderne sous la direction d'Emile Léonard. A la fin de la guerre, il rentre en et reprend son poste de professeur à Montigny en octobre 1945.

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La période créatrice de sa vie commence alors. M. l'abbé Jean Eich avait une double vocation de prêtre et d'historien, et il lui fut donné de les conjuguer. Il consacrait à ses travaux personnels d'érudit tous les loisirs que lui laissait sa tâche pédagogique. Il aimait à étudier l'histoire sous trois aspects différents. D'abord, dans le domaine ecclésiastique ; puis, par patriotisme local, dans le cadre de sa région natale de Thionville ; et enfin, par la passion que lui inspirait une période d'événements, à l'épo­ que de la Révolution. Telles sont les trois lignes majeures de son œuvre, et c'est à leur point de rencontre qu'il trouvait ses sujets favoris : ainsi la biographie de Nicolas Francin, cet enfant de Kœnigsmacker, qui en devint le curé avant d'être élu évêque consti­ tutionnel de la Moselle. Les Mémoires de l'Académie nationale de Metz, VAnnuaire de la Société d'histoire et d'archéologie de la Lorraine, les Cahiers lorrains, la Revue ecclésiastique de Metz, lui doivent nombre d'arti­ cles, mais il a publié séparément d'autres travaux. Fondateur de la collection « Région de Thionville — Etudes historiques », il est l'auteur de plusieurs fascicules de cette collection, qui en compte maintenant plus de vingt. En 1954, pour le centenaire du Petit Séminaire, il a écrit l'historique de cette maison qu'il aimait tant. Plus récemment, il a réuni en deux gros volumes ses notices biogra­ phiques des Prêtres mosellans pendant la Révolution, éparpillées jusqu'alors dans un périodique.

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Mais son œuvre capitale devait être L'histoire religieuse du département de la Moselle pendant la Révolution. Depuis longtemps, il y travaillait, et il a pu corriger jusqu'à la fin les épreuves du premier volume ; quelques jours avant sa mort, il trouvait encore la force de les relire. Ses dons d'historien, la sûreté de sa documen­ tation, promettaient une magistrale contribution à notre historiogra­ phie lorraine ; mais, si le premier volume doit bientôt sortir des presses, les deux autres restent inachevés. L'Académie de Metz, où il entra comme associé libre le 11 mars 1954, l'élut membre titulaire le 5 janvier 1956, et lui confia, la même année, la charge de secrétaire adjoint. Notre ami ne jugeait pas indigne de lui d'accepter des tâches administratives ; bien plus, il était heureux d'y employer son intense activité. Ainsi, à la Société d'histoire et d'archéologie : membre du comité en 1949, il devint trésorier en 1959. Il fut, de 1956 à 1960, un des directeurs de la Revue ecclésiastique de Metz, à laquelle il colla­ borait depuis 1948. Il assuma encore le secrétariat du Conseil de surveillance de la Coopérative d'édition et d'impression, en 1950, puis la présidence en 1962. Enfin, il était l'archiviste de la ville de Thionville, et chaque mardi allait passer quelques heures dans ces archives, où il avait succédé, en 1956, à l'érudit chanoine Brau- bach. Et n'oublions pas que, grâce à lui, l'important chartrier de la famille de Puymaigre est entré aux Archives départementales. Il avait reçu, en 1950, les Palmes académiques, et en 1961 la Section historique de l'Institut grand-ducal de Luxembourg l'avait nommé membre honoraire. Labeur acharné, ardeur inlassable !

Il y a une quinzaine d'années, M. l'abbé Eich ressentit les premières atteintes du mal ; à partir de 1957, il dut subir plusieurs opérations, et faire des séjours de plus en plus fréquents en clinique. Hospitalisé encore une fois en décembre 1963, il rentra à Montigny au début de janvier 1964 ; ce fut son dernier séjour au séminaire, car, trois semaines plus tard, une nouvelle crise nécessita son trans­ port à Saint-André. Il y était en instance d'opération quand il apprit la mort de son supérieur et vieil ami le chanoine Morhain ; il en

5 38 M. L'ABBÉ JEAN EICH fut durement éprouvé. Son opération eut lieu peu après ; on sut tout de suite qu'il n'y avait aucune espérance, et ses amis assistè­ rent au déclin quotidien de ses forces. Lui-même, cependant, ignorait la gravité de son état ; il avait bon espoir de guérison, et faisait des projets d'avenir : sa convales­ cence, son enseignement, ses recherches. Ses visiteurs feignaient d'ignorer la cruelle certitude pour lui donner la réplique. Pendant le dernier mois, il s'affaiblit très vite, et son bel optimisme le quitta ; mais il resta serein, prêt à la dernière épreuve.

Quel est son héritage ? A tous, il laisse la richesse de son œuvre ; à ceux qui l'ont connu, à ceux qu'il a bien voulu honorer de son amitié, il laisse un souvenir ineffaçable. Cet homme débordant d'activité trouvait sa joie dans le travail ; quand il avait satisfait à ses obligations de professeur, et à ses multiples tâches de président, secrétaire ou trésorier, il était tout heureux de revenir à ses notes, à ses manuscrits — et à ses ciga­ rettes ! — et de poursuivre le chapitre commencé. C'était sa récréa­ tion, et il ne lui en fallait pas d'autre. Avec quel plaisir parlait-il de ses travaux ! De ceux en cours, mais aussi de ceux qui les suivraient — car ses plans s'étendaient sur des années : déjà il pensait à écrire l'histoire religieuse de la Moselle sous l'Empire et la Restauration. Cette passion laborieuse et sa mauvaise santé, pourtant, ne l'empêchaient d'être un homme gai, un agréable compagnon qui émaillait de boutades et d'anecdotes les réunions amicales ; jus­ qu'après sa dernière opération, il garda l'esprit vif et enjoué. Si, parfois, il ne se refusait pas quelque ironie, il cachait sous les pointes et les saillies une grande délicatesse, une profonde mansué­ tude ; mais elles ne se dévoilaient que peu à peu, même à ses intimes. Sa valeur spirituelle et ses qualités de cœur, jointes à son énergie créatrice, lui donnaient une personnalité exceptionnelle. Notre province a perdu avec lui un de ses meilleurs fils. Epiloguer davantage serait vain. La mémoire de l'abbé Jean Eich — comme celle du chanoine Morhain — mérite mieux que des discours ; on n'honore de tels hommes qu'en méditant leur leçon.

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ETUDES HISTORIQUES PUBLIÉES PAR L'ARBÉ J. EICH

1. Inglange, essai d'histoire locale (collection : Région de Thionville — Etudes historiques, fase. 1.), Metz, 1947, 78 p. 2. Théodore-Joseph Boudet de Puymaigre, littérateur et folkloriste lorrain, {Ibid., fase. 2), Metz, 1947, 47 p. 3. Thionville et son arrondissement en 1848 (Ibid. fase. 4), Metz, 1948, 56 p. 4. Nicolas Francin, évêque constitutionnel de la Moselle, avant son élection (Bévue ecclésiastique de Mets, 1948, p. 54-61, 81-87). 5. Le Te Deum in Gallos et les vicissitudes de son auteur présumé (Ibid., 1948, p. 210-216). 6. Le R.P. Vincent Scheil, O.P. (Ibid., 1948, p. 313-316). 7. Les débuts révolutionnaires d'Antoine Merlin (dans M. Paul-Albert, Les Merlin de Thionville, coll. : Région de Thionville — Etudes historiques, fase. 6, p. 42-50). 8. Séance de la Convention nationale du 4 décembre 1792 (Ibid., p. 51-53). 9. Etat du clergé dans la région de Château-Salins en 1802 (Rev. eccl. de Metz, 1949, p. 122-125, 153-159, 190-196, 211-214). 10. Théodore de Puymaigre et les chants populaires (Nos Traditions, 1949, p. 13-14). 11. Prêtres de l'archidiaconé de Château-Salins et réfugiés en Bavière et en Franconie pendant la Révolution (Rev. eccl. de Metz, 1950, p. 248-252, 349-354 ; 1951, p. 46-48). 12. Une conséquence ignorée de l'attentat d'Orsini — Répétition générale du retour du roi (Cahiers lorrains, 1951, p. 13-14). 13. Le cardinal de Montmorency-Laval, évêque de Metz, et le Concordat (Rev. eccl. de Metz, 1951, p. 233-238). 14. Paroisse de Thionville — Période révolutionnaire (Coll. : Région de Thionville — Etudes historiques, fase. 15), Metz, 1953, 95 p. 15. Un littérateur et érudit lorrain, Théodore de Puymaigre (Annuaire de la Société d'Histoire et d'Archéologie de la Lorraine, 1953, p. 111-127). 16. Le Petit Séminaire de Montigny-lès-Metz, 1854-1954, Metz, 1954, 162 p. 17. Mgr Bienaymé et la restauration du diocèse de Metz après la Révolution (A.S.H.A.L., 1954, p. 101-118). 18. Un mémorialiste du clergé mosellan pendant la Révolution, Nicolas Joli- valt (A.S.H.A.L., 1955, p. 37-63). 19. Tumulte à Vahl-lès- (Voix lorraine, 11 septembre 1955). 20. Un curé qui l'échappe belle (Cahiers lorrains, 1955, p. 56-57). 21. Les femmes de (Voix lorraine, 13 mai 1956). 22. Un précurseur du catholicisme social, l'abbé Lœvenbruck (Voix lorraine, 5 et 12 mai 1957). 23. La situation matérielle de l'Eglise de Metz à la fin de l'Ancien Régime (A.S.H.A.L., 1958, p. 45-65). 24. Etablissement des Capucins à Thionville (A.S.H.A.L., 1959, p. 83-90). 25. Souvenirs et mémoires de M. Esprit-Urbain-Hippolyte Gond, présentés et annotés (A.S.H.A,L., 1959, p. 91-101). 26. Les prêtres mosellans pendant la Révolution — Répertoire biographique t. I, A-L, Metz 1959, XXXVI+302 p. ; t. II, M-Z, Metz, 1964, 316 p. (tirés à part de la Rev. eccl. de Metz).

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27. Tentative d'établissement des Jésuites à Thionville (Rev. eccl. de Metz 1960, p. 245-253, 277-283). 28. L'ancien théâtre de Thionville, dans Théâtre municipal de Thionville, 1960-1961, p. 3, 5, 7, 9. 29. Le comte Alexandre de Puymaigre et Lamartine {Cahiers lorrains, 1961, p. 24-29). 30. Un érudit lorrain, M. le chanoine Paul Lesprand (Ibid., 1961, p. 49-52). 31. L'hospice Sainte-Madeleine de Thionville (Ibid., 1961, p. 52-54). 32. Nicolas Francin, évêque constitutionnel de la Moselle (A.8.H.A.L., t. LXII, 1962, p. 43-128 ; t. LXIII, 1963, p. 91-128). 33. Un prêtre mondain confesseur de la foi, l'abbé Pierre Spol, curé de Sailly (Mémoires de l'Académie nationale de Metz, Ve série, t. VI, p. 174-207). 34. Un regard sur le passé (notice historique sur l'abbaye de Longeville-lès- Saint-Avold), dans Maison de repos et de convalescence Notre-Dame de la Paix, Longeville-lès-Saint-Avoid, Metz, 1963, p. 19-27. 35. Les Augustins de Thionville, dans Mémoires de l'Académie Nationale de Metz, Ve série, t. VII, p. 161-180. 36. L'histoire religieuse du département de la Moselle pendant la Révolution. Première partie : Des débuts à l'établissement de l'Eglise constitutionnelle. Préface de René TAVENEAUX, professeur à la Faculté des lettres et des sciences humaines de Nancy, X-309 p., Metz, Editions Le Lorrain 1964.

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