No 22-23 MAGAZINE TRANSCULTUREL SOCIETE LITTERATURE CINEMA, ARTS VISUELS. THEATRE. MUSIQUE

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VIRAGE ETHNIQUE LE QUATRIÈME POUVOIR, ET LA POLICE FERNANDO ARRABAL BERT SCHIERBEEK UNE ENTREVUE EXCLUSIVE IMAGES FROM A DUTCH COLLAGE MARCO PANNELLA TRA CICCIOLINA E ETICA POLITICA FRONT 242 ROCK CONSEILS STRATÉGIE IMAGE CORPORATIVE RAPPORT ANNUEL COMMUNICATION GRAPHIQUE STAND D'EXPOSITION SIGNALISATION CONDITIONNEMENT AMÉNAGEMENT

Pablo Picasso

BÉlANqER, LEqAulî DESÎqNERS lïÉE Groupe-conseil en identité publique

360, rue Notre-Dame ouest Montréal, Québec H2Y 1T9 514.284.23.23 Vice Versa 22-23 sommaire, summary, sommario

CE NUMERO SOCIÉTÉ S'étant défini « magazine » dès ses débuts, Vice Versa aujourd'hui le devient davantage. Plus de 3 Dialogue difficile reportages, plus de photos, plus d'entretiens avec un regard renouvelé sur l'actualité transcultu­ François Brousseua relle à la mesure de sa diffusion internationale. Un agenda cosmopolite dans la section Au fil du 4 Le pouvoir et ses fantasmes temps rendra compte de certaines manifestations culturelles qui surviennent un peu partout dans Lamberto Tassinari . 5 Haïti, 27 novembre Michelle Jean Un réseau croissant de correspondants à l'étranger se chargeront de nous signaler les événements 6 L'intellectuel errant marquants tant en Europe qu'en Amérique. Ainsi aux Camillo Carli (Rome), Yves Chevrefils Des- Pierre-Yves Soucy biolles (Paris) et Giose Rimonelli (New York), s'ajoutent Pierre-Yves Soucy et Michel Bélanger 8 Le Voyage immobile (Bruxelles), Pasquale Verdicchio (Los Angeles) et Nicolas Rosa (Buenos Aires) Pierre tiertrand 10 Radical quotidien lean-Jacques (nsiain A cet effort de s'étendre sur la scène internationale, correspond en contrepartie une volonté d'in­ 12 Marco Pannella tervenir de façon plus marquée dans notre réalité d'ici. C'est pourquoi le volet « Société » devien­ Tra Cicciolina e ctica politica dra le lieu privilégié des débats et des interrogations d'aujourd'hui. Vice Versa continuera donc Camillo Carli à faire son miel du magazine et de la revue, toujours en poussant plus loin cette hybridité qui nous est si chère : plaisir de l'un, intelligence de l'autre pour l'avènement, un jour peut-être qui sait, LITTÉRATURE du vice intelligent! 14 Images from a Dutch Collage : an Interview with Bert Schierbeek Pasquale Verdicchio 15 La fille du capitaine QUESTO NUMERO Claude Bertrand Fin dall'inizio Vice Versa si è definita magazine. Oggi vuole accentuare questo carattere : più 16 L'équilibre instable de la culpabilité reportage, più fotografie. più interviste. E uno sguardo rinnovato sull'attualità transculturale.cosi \\ ladimir Krysinski da riflettere la crescente diffusione nelle più importanti metropoli mondiali. Nellasezione/lM/zY 17 Two Recent Novellas David llomel du temps, compare un'agenda destinata a informare su alcune manifestazioni culturali che si svol- gono un po' dovunque nel mondo e che un crescente network di corrispondenti all'estero ci per- POÉSIE ET FICTION metterà di segnalare ai nostri lettori. Ai Camillo Carli (Roma), Yves Chevrefils-Desbiolles (Parigi) e Giose Rimanelli (New York), si aggiungono Pierre-Yves Soucy c Michel Bélanger (Bruxelles), Pas­ 18 Una vicenda surreale quale Verdicchio (Los Angeles) e Nicolas Rosa (Buenos Aires). Alla decisione di essere presenti Elettra Bedon sulla scena internazionale corrisponde d'altra parte la volontà di agire sempre di più sulla realtà 19 Sopra un ritratto antico locale. Per questo la sezione société diventerà il luogo privilegiato di discussioni e dibattiti. Giose Rimanelli 25 Being Sexuallv Wise Patricia Menard Vice Versa continuera cosi a trarre il meglio dai due modelli di magazine e di rivista. spingendo semphe più avanti questo ibridismo che tanto ci è caro : piacere da una parte, intelligenza MUSIQUE dall'altra. Sicuri deU'avvento, un giorno forse. del vice intelligent ! 20 Front 2-il : les nouveaux guerriers du techno-pop Christian Roy THIS ISSUE CINÉMA 22 Good Morning Babylonia. Buongiorno Taviani With this issue. Vice Versa becomes more of a « magazine » than it has ever been. Readers will Anna Gural-Migdal el Alfredo Romano find more reporting, more photographs, more interviews, and a renewed look at current 23 Le cinéma est aux anges transcultural events as they mark the international scene. A cosmopolitan agenda in the section Fulvio Caccia Au fil du temps will point to a number of cultural events going on in different parts of the world. 24 That Old Forgotten War Bruno Ramirez A growing network of correspondents from abroad will help us keep in touch with major events both in Europe and America. Besides Camillo Carli (Rome). Yves Chevrefils-Desbiolles (Paris), and ASTRES Giose Rimanelli (New York), we now can also count on Pierre-Yves Soucy and Michel Bélanger 26 1988 ou l'intronisation d'Uranus (Bruxelles), Pasquale Verdicchio (Los Angeles), and Nicolas Rosa (Buenos Aires). lean-Paul I.apointe

This effort to enlarge our international reach is paralleled by a determination to intervene in a ARTS VISUELS more pronounced manner in our local scene. That's why the section « Société » will be devoted 27 L'atelier de Braneusi à l'abandon to some of the major debates and issues of the day. Vice Versa wants to continue to give the best James Bursiall et S. de Chass) of both the magazine and the reviews pushing further this hybrid quality that is so dear to us. THÉÂTRE Pleasure for some, intelligence for others, and — who knows — maybe one day the intelligent 28 Arrabal ou la traversée de l'Empire rice for all ! Irène Sadowska-Guillon 29 Le théâtre national de la colline : Place à la dramaturgie contemporaine lean-Claude Côté Stylisme : Céline Béland 30 Saint Tremblav. ni comédien ni martyr Maquillage : Christiane Fattori \X ladimir Kr\ sinski Photo de la Modèle : Anouchka Galoushko 31 Vive la paresse couverture : Michel Peterson Normand Grégoire Chapeau : Galerie des 5 continents Inc. 1304 rue Greene AU FIL DU TEMPS Broche : SUK-KWAN 32 Agenda international 5141, boul. Saint-laurent Sybille Delia Pergola Vêtement : Georges Lévesques/Scandale 3639 DOUI. Saint-laurent

I— |ue jamais le magazine des débats et des interrogations d'aujourd'hui S Politique, Annuel(6nuraén 18$, 185FF 950FB til?v- 30,0001 Littérature. ( Inéma ^rts visuels Musique et Théâtre Institutions, .i l'étranger 25> \ ne \crs.i le \ ice intelligent De soutien: $70FF 1900FB 82FS 60,0001

nometad mplète avec un chèque ou mandat-p «irede ViceVtasa, 100 MU.ill. Montréal, Qc H2Y 2G1

Vice Verso. Date de parution .- mars 1988. Magazine tronsculturel publié par les éditions Vice Versa inc.. 400 rue McGill, Montréal, Qyébe. Directeur : lamberto T en chef : Fulvio Caccia. Direction artistique : Gianni Caccia. Richard Patent. Comité exécutif : Bruno Ramirez (président K da, Gionni Caccia, lamberto Tassinari. Assistant 6 le direr Assistant ou directeur artistique : Richard Parent Comité de rédaction : Elettra Bedon, Pierre Bertrand, Fu -*nno Gural-Migdal, Gloria i Mouro Peressim. Bruno Ramirez, lamberto Tassinari Correspondants : Camillo Carli |Rome|. Yves Ch< Paris), Piene-Yves Soucy, Michel Bélanger (Bruxelles), Gios- New York), Donna Michelutti (Toronto), Pasquale Verdicchio (los Angeles), Nicolas Rosa (Buenos Aires!. Ont participé à ce numéro : Evelyne Abitbol, Elettra Bedon, Claude Bertrand, Pierre Bertrand. James Burstoll, Fra Caccia, Camillo Carli, Jeon-Claude Côté, Sybille Delia Pe Jacques Gislain, Anna Gural-Migdal. David Homel, Michaëlle Jean, Wlad Lopointe, F Ménard, Michel Peterson, Bruno Ramirez, Giose Rimanelli, AKredo Ron itian Roy, Irène Sadowska-Guillon, Jean-Poul Séguin, Pierre '• Jean-Pierre Normand. Illustrateurs : Normand Cousineau, Stephen Daigle, Anouschka Galouchko, Jean-Christie .vska Photographes : Miche Robert Frechette, .- Correction : Bob A,>ital Photo de la couverture : Normand Grégoire. Photocomposition -'ion de couleur : Impression : le !': Distribution es Dynamiques -. 332-0680, E.M. Press & Books (ouest : : *74-9811, C USA) 201-907-5: a. (Buenos Daniel Goby llbi , (Suisse). Responsable de la distribution : Rédaction ; Publicité et abonnements : 393-9653. Abonne 25 $, de K • légal : Bibliothèque nationale du Québec et Bibliothèque nationale du Canada. Premier trimestre 1988. Courrier de deuxième da • 2GI. La ' -.sable du choix des te •• ie magazine Versa • •niions du Ministère des Affai les Arts du Canada ainsi que du Ministère des Communautés culturelles et de 111 . SOClM

Dialogue difficile François Brousseau

En marge du dernier congrès de la FPJQ

I N CHOISISSANT, dès la fin de 1986, le thème ce que quelques mots sur le caractère extrêmement térieur de la profession, en développant une presse des médias face au multiculturalisme et au racisme particulier et délicat que ne peut manquer d'avoir la strictement « ethnique », ou en confiant, dans les comme axe de leur 19e congrès, les responsables de « question multiculturelle » dans le contexte du Qué­ grands journaux, les dossiers « ethniques » à des la Fédération professionnelle des journalistes du Qué­ bec, où pendant des décennies — et en partie par reporters « ethniques ». Le propre d'une vision véri­ bec ont-ils eu prescience des événements de 1987 ? leur faute — les francophones ont laissé prospérer le tablement transculturelle n'est-il pas justement de Toujours est-il que cette réunion de décembre der­ scandale d'une immigration qui allait systématique­ faire éclater ces catégorisations ? nier ne pouvait survenir dans un contexte plus ment grossir les rangs de la minorité dominante ; où, En bref, ces assises, malgré les quelques échan­ « chaud » : on se trouvait dans la foulée immédiate de dans la « mosaïque » des communautés ethniques, les ges captivants du samedi, ont laissé un peu sur leur la pénible affaire Griffin, et d'une relance du débat Canadiens-Français occupaient, il n'y a pas si long­ faim ceux qui auraient aimé qu'au-delà de la « cui­ sur le Québec face à ses minorités. Et aussi, par coïn­ temps encore, la cave (ou presque) du classement de sine » du fonctionnement des médias, on ébauche cidence, quelques semaines à peine après que la mort la prospérité matérielle '. Une journaliste présente une réflexion sur la question du multiculturalisme de René Lévesque en ait poussé certains à parler dans l'assistance, Gisèle Tremblay, a opportunément (ou, si l'on veut, de la transculture) en Amérique du d'une hypothétique remontée du nationalisme au rappelé un fait élémentaire, qui n'était pourtant pas Nord dans un contexte francophone, et sur la façon pays de Maria Chapdelaine. complètement « dans le ton » de ce rassemblement, pour ces médias de stimuler — sans boy-scoutisme ni à savoir que les francophones d'ici ont longtemps été, angélisme — la réflexion et l'action en ce domaine. C'est cette coïncidence, ainsi que certains échan­ et sont parfois encore, « victimes du racisme chez ges entendus durant ces assises de la FPJQ, qui m'ins­ eux ». Le défi est énorme, et l'échec, très possible. Ses pirent le titre du présent compte-rendu de l'événe­ manifestations morbides pourraient être multifor­ ment, qui se reconnaît d'emblée subjectif et partiel. Et puis il y a eu, bien entendu, le père Julien Har­ mes : exarcerbations de tensions raciales encore à un Quel dialogue ? Le dialogue entre nationalisme et vey, démon pour les uns, héros pour les autres, qui a, niveau plutôt bas ici ; apparition, comme en France, transculture. Dialogue ardu, teinté d'incompréhen­ en huit petites minutes, défendu sa thèse de la « con­ d'un courant politique raciste ; mise en minorité de la sions, de négligences, d'ignorances mutuelles, d'ex­ vergence culturelle », une thèse « modérée et raison­ langue française, etc. Aucun aspect du problème ne i clusions hâtives, dialogue même impossible selon nable », a-t-il expliqué, qui se situe entre le « multicul­ doit être pudiquement caché ou nié, et le fait que la certains, mais nécessaire quand même — et dont le turalisme pur » à la Trudeau, où « tout le monde il est situation aujourd'hui soit plus saine ici qu'elle ne l'est succès est évidemment rien moins qu'assuré. beau tout le monde il est gentil ». et l'assimilation dans bien d'autres sociétés occidentales, n'est pas une complète des nouveaux arrivants. Il a défendu son garantie pour l'avenir. Complainte connue et justifiée point de vue avec vigueur, et déclaré devant une Au-delà des belles déclarations de principe sur Ce week-end du début décembre, le constat audience dans certains cas étonnée : « je répète, parce « l'ouverture nécessaire » de tout le monde envers d'une ignorance relative des médias face au multicul­ que ça n'a pas été souvent reproduit dans les médias, tout le monde, les médias devraient servir, entre turalisme croissant de la société a été dressé. Il ne que je suis un partisan enthousiaste de l'augmentation autres choses, au dialogue, encore bien timide en s'agissait en soi de rien de nouveau — la complainte de l'immigration au Québec ». Des applaudissements vérité, entre le nationalisme au Québec, qui change est aussi connue que justifiée — mais la reconnais­ modérés ont suivi cette allocution. mais ne disparaît pas, et des communautés ethniques sance formelle, par le principal regroupement québé­ — avec la « vision transculturelle » de leur leaders — cois de journalistes, de l'existence d'un problème, Harlem superstar qui n'ont encore que bien peu assimilé cette particu­ mérite en soi d'être soulignée. Puis est venue la super-vedette, le dieu métis et larité québécoise que certains prétendent inscrire Plus douloureuse pour certains, mais malheureu­ prophète de l'antiracisme hexagonal, Harlem « Tou­ dans la constitution canadienne, sans qu'on sache sement pas surprenante non plus, aura été à cette che pas à mon pote » Désir, lui-même en personne. trop ce que ça veut dire... Eh bien, en voilà, une signi­ occasion la lecture des résultats d'une enquête qui Mi-Français mi-Antillais, ce beau brun à l'aisance et à fication ! montre que les « minorités ethniques », en général la maîtrise du verbe toutes cartésiennes, et à la redou­ sous-représentées dans le personnel de tous les table efficacité médiatique, n'est-il pas lui-même un Conflits graves à l'horizon ? médias, sont cependant bien plus présentes dans les magnifique exemple d'intégration culturelle — et D'un côté, il faut jeter par-dessus bord l'ethnicité journaux et stations anglophones que dans leurs même, osons le mot, de « convergence » — parfaite­ révolue, les réflexes de repli sur soi et le romantisme équivalents francophones. Vieux problème, que ten­ ment réussie? Toujours est-il qu'il a procédé à un patriotard. De l'autre, ne pas commettre l'erreur de drait à illustrer de nouveau la parution d'une série démontage brillant des méthodes tantôt subtiles, tan­ mépriser tout nationalisme comme un reliquat d'articles sur les minorités de Montréal dans The tôt grossières d'une certaine presse de droite de devant nécessairement disparaître. Gazette (16 janvier et jours suivants). Son titre géné­ l'Hexagone, dont l'acharnement ouvertement raciste Si le multiculturalisme québécois doit se conju­ ral, s'étalant sur toute la largeur de la « une », était évi­ et parfaitement insidieux peut difficilement être com­ guer en l'an 2000 comme à Toronto ou à New York, demment « Minorities feel shut out of paré à nos manquements d'ici, davantage assimilables c'est-à-dire en anglais comme il le fait encore society ». Titre tendancieux, contredit d'ailleurs par à l'ignorance, à de séculaires complexes d'infériorité aujourd'hui, ici même, deux fois sur trois, il sera iné­ certaines citations du texte, mais qui reflète — en et à une absence pure et simple de traditions en la vitablement source de conflits graves, dont les « indi­ l'exagérant d'une façon qui n'est pas innocente — un matière. La seule fausse note de cet exposé est venue gènes tribaux » dénigrés par Trudeau ne seront pas problème réel, dont on oublie cependant commodé­ d'une allusion au père Harvey justement, comparé les seuls responsables. ment la dimension bilatérale et réciproque... — curieusement — à l'idéologue Louis Pauwels. Cet accroc passager n'a pas empêché l'assistance de faire Si, au contraire, par un « esprit nouveau » — et Ce samedi de décembre, donc, la discussion était un véritable triomphe à l'invité français. aussi, puisqu'il le faut, par des lois respectées et des généralement courtoise et d'un bon niveau. Mais la structures d'accueil adéquates — la transculture qué­ tendance, malgré le ton posé des panélistes, était plu­ Glissons sur deux fautes de goût entendues ce bécoise forme une alliance inespérée et inattendue tôt, comme dans The Gazette, au réquisitoire contre jour-là, l'une en forme d'insultes à peine déguisées, autour de la langue française, alors elle pourrait deve­ le crypto-racisme larvé et inavoué qui caractériserait adressées puis réitérées par un journaliste de Québec nir une belle contribution au XXI1' siècle ; un métis­ le Québec et ses médias, surtout francophones. au père Harvey, et l'autre en forme d'ironie injuste à sage vraiment différent de l'autre. Mais il y a loin de Fatima Houda-Pépin et Victor Teboul, par exemple, l'endroit du cardinal Lustiger de Paris — un antira­ la coupe aux lèvres... • n'ont pas manqué, souvent à juste titre, de relever les ciste de la première heure — dont on a pris une François Brousseau : Journaliste au quotidien l.e Droit, il a pré­ 2 manquements de nos médias dans leur traitement de citation en la sortant de son contexte, pour en faire paré une thèse importante sur le mouvement polonais la réalité transculturelle, les injustices faites aux nou­ des gorges chaudes et obtenir des rires faciles. Deux « Solidarité •. veaux arrivants, et la persistance d'un fond xéno­ curés au pilori, est-ce un hasard ?.. phobe et complexé dans la tribu canadienne- Notes française. 1. On sera sans doute stupéfié d'apprendre que les statistiques de Têtes colorées Laurendeau-Dunton des années (il), pour le Québec, s'appliquent On a aussi discuté, notamment avec Howard pratiquement telles quelles pour l'Ontario des années HO I En ter­ L'envers de la médaille Simons, un ex-baron du Washington Post, de la mes de revenus, les Franco-Ontariens occupent en effet le il'' rang. nécessité d'embaucher davantage de « minorités visi­ sur vingt-trois groupes d- origines ethniques • [le Droit, \1 mai Mais on aurait aimé avoir aussi l'autre côté de la 1987). médaille, autre chose que la revendication unilatérale bles » dans les entreprises de presse. Si ce principe de « droits » (au demeurant bien réels, et réellement général a recueilli l'assentiment, on a reconnu que les 2. « Les Noirs sont des èlres humains, lis immigrés arabes sont des bafoués dans certains cas) auxquels aucun « devoir » progrès ne se mesureront pas seulement par un êtres humains, les sidatiques sont îles êtres humains », aurait-il ne viendrait s'adjoindre. On aurait aimé entendre, décompte des têtes colorées à l'écran, et relevé avec déclaré, manifestement dans une réponse a des racistes qui n'enten­ dans la bouche de certains dénonciateurs, ne serait- raison que le danger existe de recréer un ghetto à l'in­ daient pas d'autre langage V

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».*"^%.**- • C'est en utilisant beaucoup d'éléments de mino­ SOCIÉTÉ rité, en les connectant, en les conjuguant, qu 'on o Z invente un devenir spécifique, autonome, imprévu. - G. Deleuze et F. Guattari, « Mille plateaux ». «

La nostalgie du pouvoir et ses représentations dans les media et le corps policier au Québec Le pouvoir et ses fantasmes Lamberto Tassinari

Montréal, un jeune noir désarmé quÀi essayait d'échappe r à l'arrestation, est tué par un agent dans la cour d'une station de police. C'est l'épi­ sode le plus grave de toute une série d'événements récents mettant en relief le comportement violent de la police. À peu près simultanément, l'Assemblée générale de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec élit à sa direction trois journalistes apparte­ nant à différentes communautés culturelles. Voilà deux aspects d'une même réalité sociale, contra­ dictoires seulement en apparence, deux manifesta­ tions de ce qu'il faut bien appeler l'attitude raciste de­ là société québécoise. En considérant ces deux faits je me suis tout d'abord dit que notre transculture, stade ultime du devenir minoritaire1, n'avait évidemment pas encore pénétré les masses ! En effet nous ne sommes peut-être qu'au début d'une transformation lente, qui ne possède aucun caractère de nécessite. Transforma­ tion qu'aujourd'hui nous ne pouvons mesurer encore- sur la base du comportement social, car elle se fait au niveau des petits groupes, chez l'individu, dans l'ima­ ginaire collectif. J'essaierai donc, ici, de comprendre ce racisme tout à fait singulier, à partir d'une donnée de base : le caractère minoritaire de la société québécoise. ggr-TT - • „^'.^-#~" •^ps*^^'ïWi*^r Être majoritaire • ~. .•'./ Si le rôle de la police dans la vie civile et politi­ policier, cent pour cent pure laine ou presque, se donné naissance à un parti politique et finalement à que du Québec et son comportement ne diffèrent comporte à l'occasion d'une manière xénophobe et l'embryon d'État qui aurait dû compléter la décoloni­ pas vraiment de ceux d'autres provinces canadien­ raciste, car tel semble bien être son principe fonda­ sation de la province la faisant passer d'un statut de nes, il existe toutefois, selon moi, une spécificité du teur, son esprit. Tout se passe comme si le compor­ minoritaire â un statut de majoritaire. Mais cas québécois. Au-delà de l'universelle nature poli­ tement de la police révélait en plein jour ce que la aujourd'hui ce projet d'État a échoué et il est difficile cière, (il faudrait relire la saisissante analyse de la per­ société garde caché. J'ai toujours en moi le souvenir d'en imaginer une reprise. Or, il existe, à mon avis une sonnalité militaire faite par Wilhelm Reich) quelles d'un ami africain, ancien collaborateur de Nice Versa relation entre cette décadence et l'excès de pouvoir sont donc les déterminations particulières qui décou­ qui, à son arrivée à Montréal il y a quelques années. policier. En effet nous n'avons pas affaire à une situa­ lent du cadre québécois ? s'était achetée une flamboyante Trans-AM. Et bien, tion classique de vide de pouvoir : ici l'État voulu et Je ne prétends aucunement être un spécialiste de chaque matin la même patrouille de police l'arrêtait rêvé n'a jamais été réalisé. Si, dans le cas d'un État fort, cette question. De mon expérience personnelle et de et le conduisait inexorablement au poste pour lui l'excès de pouvoir policier n'est que son naturel appa­ l'information journalistique que j'ai pu glaner depuis faire le même contrôle. Ils ne pouvaient évidemment rat répressif, son armée garantissant la paix intérieure, 7 ans, j'en suis venu à la conclusion que le corps poli­ pas accepter qu'un noir possédât une telle auto. Voici ici ces excès découlent d'une réalité opposée. Mais cier est la structure du pouvoir la plus pragmatique que le discours sur la police nous amène à considé­ quelle est la réponse sociale à tout ça ? La tolérance de cette province. Ce pragmatisme, marqué par l'in­ rer le rapport au pouvoir de toute une société. vers le comportement de la police montrée par la fluence anglosaxonne, ne nous étonne pas. On sait à société dans son ensemble laisse soupçonner que Vers la fin des années soixante il y eut une formi­ l'impossibilité de pouvoir qui a tant affecté la classe quel point celle-ci a modelé les institutions politiques dable grève policière qui fil gagner à la police des au Québec. À cela s'ajoute, dans ce cas, la confronta­ politique et une grande partie de la bourgeoisie intel­ nouveaux privilèges, une autonomie et un pouvoir lectuelle, a agi aussi sur la société entière. La nostal­ tion/compétition avec les autres corps policiers majeurs, à la veille des événements d'octobre. Ces d'Amérique, qui fait de la police l'un des secteurs les gie de l'État souverain semble être nostalgie d'un dernières vingt années ont aussi été décisives dans la pouvoir accepté, subi que la société québécoise. plus performants de nos services publiques. Ce corps formation d'une conscience nationale : elles ont UEdiange bien sûr TRAM rofessionnelsde m 0 Studio[0 d'hris 0P^ • la communication imprimée:

L'ECHANGE DISQUES LIVRES CASSETTES & COMPACT DISC USAGÉS 543. rue Sherbrooke est Suite 010 3694 713 ^*W******"* Montréal (Québec) H2L 1K2 (514)843-8463 SAINT-DENIS MONT-ROYAL EST 849-1913 523-6389 pourtant assez avancée et démocratique, doit rempla­ émissions ethniques, communications ethniques — cer d'une façon ou d'une autre. doit être dépassé. Ce défaut de réponse et de mobilisation frappe plus Il faut plus qu'une osmose symbolique des dif­ ici qu'ailleurs au Canada et nous signale au loin le férences, il faut oser le scandaleux Babel, la véritable danger d'une tentation forte. Comment oublier le fan­ rupture de toute centralité. Travail réaliste, diriez-vous, tôme sanglant du caporal Lortie, avec son geste fou programme sans modèle. Oui, en effet, pas de contre la mollesse des politiciens ? modèle. Imaginons. Imaginez un des gros journaux métropolitains paraître un jour, en dehors de l'habi­ Haïti, 27 novembre 1987 La grande bouffe tuel coin ethnique, un article en espagnol, un autre La récente élection des journalistes ethniques a jour, avec un article en italien ou en portugais ou en Michaëlle Jean était en tournage avec une équipe de été peut-être, comme le dit Gérald LeBlanc dans La grec. Même chose à la radio et à la télé. Quel dérapage l'Office national du film du Canada, de la fin octobre Presse « un événement spectaculaire » mais c'est loin de sens, quel vertige. Bien différent du Paolo Conte, 2 à l'avant-veille des élections du 29 novembre 1987 d'être « une petite révolution » . charmeur inoffensif. Ou du Robert Lepage, provoca­ avortées dans le carnage. 11 n'y a là rien de révolutionnaire ! Au contraire. Nous teur sur scène. Cette libre expression signifierait le Dans la nuit du 26 au 27 novembre le tournage du avons affaire à une tardive opération stratégique plu­ désamorçage des langues et des cultures qui se veu­ documentaire est brutalement interrompu. L'équipe tôt qu'à l'inversion radicale d'une tendance. Le dis­ lent fortes, serait le signe d'une équivalence plutôt est attaquée aux mortiers et armes lourdes par des cours de l'invité d'honneur, ancien directeur de l'in­ qu'être une représentation quotidienne de la confu­ duvaliéristes avec la complicité des militaires à formation du Washington Post, M. Simon, nous a sion des langues. Le devenir minoritaire résulterait Marchand Dessalines dans l'Artibonite, point chaud appris que les minorités visibles occupent une place non tant de l'application littérale de ce principe, que de la répression en Haïti. infime dans la presse écrite américaine. Aux Etats- de sa reconnaissance profonde. Chaque immigrant, Unis, toutefois, où une société majoritaire s'est affir­ Expérience éprouvante du drame qui se poursuit en sentant que l'utilisation de la langue majoritaire n'ex­ Haïti. mée dès son origine d'une façon décidée et ouverte­ clut pas la sienne, mais qu'au contraire le reconnaît et ment raciste, la condition des minorités visibles n'est l'accepte à part entière, serait plus libre. Perdant son pas trop différente qu'ici. agressivité et sa charge ethnocentrique, la langue On dirait finalement qu'au Québec, on a même dominante deviendrait les autres langues. réussi à faire mieux : éliminer des mass media toute Mais il faudrait innover à d'autres niveaux, désa­ minorité, visible ou invisible. Nous revenons encore morçant la culture, l'universalisant : à l'école, dans la à ce racisme particulier, un racisme qui tient de l'in­ création littéraire et artistique, dans la communica­ croyable ! Il est en effet le résultat d'une préoccupa­ tion publicitaire, au travail. tion excessive d'être dominant et majoritaire. L'exagé­ Sans angoisse : l'obsédante défense contre l'anglais ne ration et la fureur de tout bouffer sont dues à la serait pas abandonnée. Mais, au lieu de frémir sur nécessité de s'affirmer ainsi qu'à la peur de ne pas y l'utilisation de la langue anglaise, il faudrait créer des parvenir. L'ancien colonisé a peur de se révéler alternatives géniales au Big Business, aux Best-Sellers, encore une fois minoritaire, en invitant à sa table le au Coke et à tous les machins lucifériens qui nous nouveau minoritaire. Par ailleurs le racisme relève viennent du Sud ! Alors la défense se ferait autre­ d'une incapacité objective de gérer le pouvoir, d'une ment : avec l'avènement d'une société autre, capable attitude pré-capitaliste qui empêche de faire des con­ de devenir Indien, immigrant, Noir... cessions stratégiques aux dominés. La fameuse élec­ La Transculture est cette métamorphose. Le deve­ tion révolutionnaire n'est en vérité que le premier nir incessant, sa faiblesse. D acte d'une politique de style assimilationniste. L'ab­ sence des ethniques en milieu media pourrait aussi dépendre du caractère récent de l'immigration qué­ Lamberto Tassinari : Directeur du magazine Vice Versa Philo­ bécoise : admettons-le. Mais ce fait n'est pas suffisant sophe et écrivain. pour expliquer une telle discrimination. Les fantasmes du pouvoir ont été tellement puis­ Notes. sants qu'ils ont guidé les classes dirigeantes dans 1 Je me rétëre ici à l'analyse des notions de minorité et de niaji i- l'imitation involontaire et maladroite du modèle ritc, faite par Gilles Deleuze et Felix Guattari dans • Mille Pla­ impérialiste tant exécré. Comportement paradoxal teaux • . Les deux philosophes y écrivent : • Car la majorité, d'une société qui possédait à ses origines et possède dans la mesure où elle est analytiquement comprise dans l'éta­ encore, malgré l'apparence, une disposition naturelle lon abstrait, ce n'est jamais personne, c'est toujours Personne — Ulysse —. tandis que la minorité, c'est le devenir de tout le (historique) à l'ouverture vers l'autre. Sa manifestation monde, son devenir potentiel pour autant qu'il dévie du symbolique serait l'ouverture des anciens habitants modèle. (...) C'est pourquoi nous devons distinguer : le majo­ du Québec vers l'Indien. Mais c'est aussi un fait que ritaire comme système homogène et constant, les minorités le jeune peuple dispersé a accepté l'Indien et a vécu comme sous-systèmes, et le minoritaire comme devenir poten­ tiel et créé, créatif. (...) // n'y a pas de devenir majoritaire. le métissage. En effet se jouait là une reconnaissance majorité n est jamais un devenir II n Y a de devenir (/ne mino­ Ile fracassée ce pieu fiché en ton front de réciproque. ritaire. I I Bien sûr, les minorités sont des états définissables lumière empale mes désirs Au cœur et aux objectivement (...) mais elles doivent être considérées aussi Aux origines il y avait l'ouverture, avant que les fantas­ comme des germes, des cristaux de devenir, qui ne valent qu'en yeux les nuits insolentes de la mitraille à plat -D mes d'un pouvoir perdu ne s'éveillent. déclanchant des mouvements incontrôlables et des déterrito- ventre sous les décharges meurtrières la -S rialisations de la moyenne ou de la majorité. (...) C'est en utili­ terreur est un supplice ignoble les astres Re-marier l'Indienne sant beaucoup d'éléments de minorité, en les connectant, en les Comment se libérer des fantasmes et susciter des conjuguant, au on invente un devenir spécifique autonome. muets ont des éclats glacés derniers imprévu. • in • Capitalisme et Schizophrénie Mille Plateaux • énergies nouvelles, capables d'agir en profondeur ? Les éditions de minuit, 1980, pp. 133-134-135. C'est moi qui remparts sous les mortiers à contre-jour les Re-marier I Indienne -. telle serait la solution radicale souligne. mains nues d'autre part cherchent le fer pour à cette impasse existentielle et politique*. On expo­ battre les ténèbres serait ainsi aux immigrants sa propre culture, qui per­ 2 Gérald LeBlanc, • Le virage ethnique •. in La Presse p AS, 7 drait de la sorte sa rigidité ethnocentrique et sa fausse décembre 1987. pureté. La voie actuelle, celle de l'intégration (assimi­ Défier l'horreur sous la foi du serment sept lation), a été empruntée par toute culture forte. C'est 3 Les écrivains québécois Michel Morin et Claude Bertrand ont fois en hauts cris de douleur sept fois la la voie de l'idéologie et de la violence : elle doit être été les premiers â comprendre la nécessité de déplacer sur le volonté sept fois m'entends-tu? j'ai vomi sur abandonnée. Croire que l'on peut tout résoudre par plan symbolique les questions de la politique, de la culture, de l'identité. Ils ont aussi soutenu l'importance de la figure de l'In­ la menace aux dents carnassières mon l'embauche de quelques professionnels ethniques dien dans le processus d'identification du Québécois. Les livres signifie ne pas comprendre ou être de mauvaise foi. remarquables que sont • Le territoire imaginaire de la culture ». coulis glauque sans amertume porte close Il faut, au contraire, penser, imaginer, expérimenter HMH, 1977, écrit en collaboration et • L'Amérique du Nord et sur la peur que ma gorge offensée racle pour déclencher le devenir minoritaire. Un seul la culture • HMH, 1982, écrit par M. Morin, ont été, après un bref débat, refoulés par la culture officielle, c'est-à-dire par la jusqu au sang t exemple, pour le cas des media. culture québécoise tout court car il n'existe pas au Québec une Dans les mass media tout ce qui est ethnique, réservé véritable différenciation entre discours officiel et underground. aux ethnies -, tous les ghettos — presse ethnique, tradition et innovation. LE DROIT LECLERC RI I C H EL La qualité TETRERULT en tête depuis 1913 4260. RUE ST-DENIS, MONTRÉAL (QUÉBEC) CANADA H2J 2K8 (514) 843-5487 JACQUES HURTUBISE 17 FEVRIER —20 MARS 1988 JEAN NOËL 23 MARS —24 AVRIL 1988 JEAN-PIERRE MORIN 27 AVRIL — 29 MA11988 KITTIE BRUNEAU 1er JUIN — 3 JUILLET 1988 FERMETURE ANNUELLE JUILLET 1988 6e COUP DÉCLAT AOÛT 1988 5

LA GALERIE EST OUVERTE DU MERCREDI AU DIMANCHE ET SUR RENDEZ-VOUS R R T

Division de Groupe Uni Média Inc. Imprimeurs tél. : (613) 560-2778 375, rue Rideau, Ottawa, Canada, KIN 5Y7 c o n T E m p o R R i n la totale responsabilité de lui-même. On assiste, de ce Soulet se donne les moyens d'un nécessaire détour SOCIÉTÉ fait, à un phénomène de translation qui va du sujet pour saisir la figure de l'intellectuel qui émerge avec individuel au sujet collectif, lequel fait appel à une la société moderne. Partant d'une conception géné­ nouvelle figure du pouvoir qu'incarne l'État rique de l'intellectiiel, à savoir : celui qui s'acquitte de moderne. Celui-ci se donne désormais comme • ins­ la fonction de référence au fondement du lien social, tance spécialisée au travers de laquelle la collectivité il montre que la place qu'il occupe dans la société est accède à la subjectivité, l'opération unifiante du sou­ celle d'un intermédiaire et d'un représentant de la verain la faisant se correspondre à elle-même dans Raison opérante, puisque le réel et sa rationalité toutes ses parties et coïncider avec un principe insti­ immanente se tient toujours à distance des interpré­ « La critique est affaire tuant — son pacte fondateur — qu'elle contient tout tations et des projets de transformation de ce réel. 2 de distance convenable » entier en elle-même ». L'avènement de la démocra­ Ainsi placé dans cette fonction de médiation symbo­ Walter Benjamin tie, dans la foulée des révolutions démocratiques lique, dans la mesure ou il recèle une connaissance bourgeoises produit un glissement qui fait passer la socialement indispensable, il contribue plus que tout L'intellectuel errant représentation de l'unité de la société du Souverain autre membre de la société à l'élaboration des princi­ Pierre Yves Soucy (responsable de l'être-ensemble), à la communauté pes et des normes qui donnent forme et sens à la politique ou nation. La légitimité du pouvoir ne ren- conscience sociale d'un groupe particulier, d'une col­ Le parcours de l'intellectuel au voit dès lors plus à un principe extérieur et à-priori, lectivité, et de leur devenir. D'où la duplicité ou l'am­ crépuscule de la pensée mais à des normes qu'a à charge de se donner la col­ biguïté de sa posture, puisqu'il peut faire oeuvre de lectivité. légitimation, ou encore de délégitimation lorsqu'il se Dès lors, la société moderne s'impose comme campe dans une position critique d'un ordre social et société en débats sur les fondements du lien social et politique. politique. Se produisant elle-même, elle se tourne L'importance théorique et stratégique que recou­ systématiquement vers son propre devenir. Aussi vre cette discussion sur la place de l'intelligentsia 'imaginaire social se fixe-t-ild'abor d sur l'idée de Rai­ dans la société se révèle nécessaire à la compréhen­ son (qui donne forme au principe de rationalité et de sion du processus qui va orienter la société québé­ rationalisation de l'action sociale, et, de manière évi­ coise sur la voie de la modernité. La condition spéci­ dente aujourd'hui, à un délire systématique fique et le mode d'intervention de l'intellectuel qué­ bécois semble indissociable de l'aggiornamento IA VIGUEUR TONITRUANTE de l'intellectuel qu'incarne la Révolution tranquille. L'élan vers la moderneL, à jamai s disposé à embrasser toutes les cau­ modernité s'impose dans un laps de temps relative­ ses, a-t-elle cédé la place à une fatigue mortelle ? Le ment court. Il met en forme un projet collectif, un malaise chez ceux qui avaient à charge de rendre visi­ « construit volontaire », qui prend congé d'une tradi­ ble la représentation de la société, de mettre en évi­ tion jugée désuète, voire même contraignante, et qui dence ses supports symboliques, apparaît toutefois informe jusqu'alors les cadres sociétaux. L'ancienne suffisamment répandu pour lui accorder l'attention légitimité était, dans une large mesure, d'ordre histo­ qu'il mérite. Car, de toute évidence, il ne se confine rique et généalogique, associée à un ordre constitu­ pas aux frontières de cette catégorie sociale mobile tionnel tablant sur un processus formel d'élection (et mobilisable) que sont les intellectuels. Ce malaise légale consacrant la prépondérance d'une élite nota- touche tous les milieux, et sans distinction, l'ensem­ biliaire, cléricale et paternaliste. ble des sociétés contemporaines. Qu'il épouse ici ou là des formes particulières, nous en conviendrons Mais le passé n'étant plus en mesure d'éclairer, le tous. Mais aucune ne peut se dérober à l'exigence de futur devient, du moins pour un temps, flamboyant. devoir penser ce malaise. Ce qui tend à prouver que La Révolution tranquille nous fait chuter dans la nous n'en avons pas fini avec les questionnements sur modernité en donnant l'impression que tout est les fondements du lien social. désormais passible. L'idée de progrès anime les mou­ u "2 Ce qui est en cause ici, touche au rôle de l'intel­ vements sociaux. Ils voient dans le développement lectuel qui, avec le recul, porte témoignage sur les économique et social la solution au problème d'une tenants et aboutissants de sa promotion au rang de justice redistributive. De même, la démocratisation I figure archétypale de laufklàrer ayant pour projet de du régime politique doit transiter par la mise en place dicter le devoir être du vivre-ensemble. L'enjeu con­ de réformes et la modernisation des institutions, tout cerne donc autant son identité et le sens de son particulièrement dans le domaine de l'éducation. action, que le discours qu'il tient sur la société. Si les Aussi, très tôt, s'impose la figure de l'État maître- bouleversements socio-culturels qu'ont connus au d'oeuvre de l'action de la société sur elle-même. 11 se cours des dernières décennies nos sociétés, — donne comme le moyen obligé d'une reconstruction placées sous le signe de la modernité et de la transi­ nationale nécessaire, mobilisant les instances autant tion vers une post-modernité qui se dessine à leur que les agents du savoir. D'où l'importance des intel­ horizon, aujourd'hui — ont pu requérir la présence lectuels séculiers rattachés aux disciplines des scien­ active des intellectuels dans la sphère publique, leur ces humaines et sociales. Qu'ils viennent alimenter dégagement et leur silence témoignent, en un sens, une nouvelle conception du nationalisme n'a rien d'une prise de conscience de la difficulté de concilier d'étonnant. Car celle-ci incarne un mouvement qui les espoirs et les visées qu'ils mettaient en forme avec prend chair dans un nouveau contrat social animé les tangentes mortifères de pouvoirs organisateurs, par la perspective de modernisation, de rationalisa­ contemporains, et en conséquence, tributaires, d'un tion, et de prise sur le développement culturel. ordre techno;bureaucratique envahissant toutes les pores de la société. La critique que déploie l'intellectuel québécois Le travail critique de l'intellectuel sur la fonction d'aujourd'hui à l'endroit de l'expansion ad nauseam intellectuelle ne peut alors se confiner aux litanies des fonctions régulatrices de l'État et des mécanismes prenant à parti les grandes idéologies qui donnèrent de domination que le pouvoir entretient et l'échec du à la majorité d'entre nous, sens aux engagements mouvement national qui vient s'échouer sur les rives quotidiens. Non que cette démarche soit ici totale­ du référendum de 1980, devient celle qu'il formule à ment invalidée. Car, à vouloir tout refouler et ou son propre endroit. Le projet de modernisation, renier en bloc ce qui tenait lieu de référence absolue, auquel ils furent associés, apparaît dès cet instant le risque est présent de rompre les fils d'une tradition incomplet. Son avènement tardif et la rupture radi­ de la pensée qui, depuis les Lumières (pour ne pas cale qu'il introduit par rapport à la tradition rétrécient remonter plus loin), fut au fondement de notre cul­ l'espace dans lequel le clerc moderne se mouvait. ture moderne. Mais cette façon de procéder a une curieuse manie de se laisser étouffer par des humeurs Le repli que celui-ci effectue le confine à une acrimonieuses. bien petite niche. En même temps qu'il cherche à se désintoxiquer des idéologies simplistes et simplifica­ trices, il renonce à se faire le compagnon de route de Le silence des intellectuels quelque projet ou mouvement que ce soit. Sans L'hypothèse qu'explore Marc Henry Soulet dans passeport et sans visa, il retrouve peut-être les condi­ son étude ' sur les intellectuels québécois de la tions d'une pensée libre des codes et des systèmes. récente génération, sans s'épargner l'exigence de Ce qui revient à dire que toute collectivité, dans sa assujettie à une société sujette d'elle-même, c'est-à- qu'incarne l'autonomisation de la technique et le C'est, pour moi, autre chose que de concevoir le rôle débusquer les ruses de nos certitudes d'hier, quête d'une transparence jamais atteinte, définit une dire capable de se produire indépendamment de tout positivisme techno-scientifique auquel se réfèrent les de l'intellectuel comme un « débatteur » et un « orga­ emprunte une voie à laquelle je ne peux que sous­ distance avec elle-même, et produit un espace dis­ foyer extérieur qui donne sens à l'action collective et bureaucraties modernes) ; sur celle, ensuite, du Pro­ nisateur de discussion ». À vouloir l'instrumentaliser crire. En situant l'interrogation au niveau du statut de joint à partir duquel sont énoncées et réitérées les à ses finalités. La séparation se trouve alors réintro­ grès, qui contribue au façonnement du réel (donc du de la sorte, on s'épargne l'exigence de poser les la fonction intellectuelle dans une société où la valeurs et les normes au fondement du rapport social duite, cette fois au sein même de la société, au centre social), tout en entretenant l'illusion d'une maîtrise enjeux véritables, notamment à opposer au vide modernité prend distance d'elle-même pour faire et qui font que la société engendre son identité, et des rapports sociaux concrets. appréhendée et radicale de ce réel ; et enfin, sur celle idéologique et politique actuel une pensée qui, sans advenir un autre mode d'existence ou d'institution du rapproche ses membres en transcendant les identités de l'État qui est censé incarner cette maîtrise : « orga­ être arrogante, serait capable de restaurer ou de don­ social, il déplace le débat du terrain mouvant des individuelles. Dans les sociétés traditionnelles, cette L'espace symbolique nisation en vue de l'avenir », l'État moderne met en ner un contenu à des valeurs sur lesquelles pourrait devoirs idéalement projetés de l'intellectuel pour le unité de la société résultait de la reconnaissance d'un Aussi, l'espace symbolique, qui s'institue comme place et déploie « un type de pouvoir profondément s'appuyer la société du temps présent. • situer sur celui de la forme actuelle des rapports dehors de la société, d'une extériorité symbolique médiateur de la représentation de la société, s'impose original », caractérisé par la tentative de contrôle de sociaux, qui voit s'éclipser un mode d'ôtre-ensemble sacralisée (la production de garants méta-sociaux, comme lieu d'explicitation du lien social et politique. la reproduction institutionnelle modulée par la mul­ et la signification sociale de la continuité historique. Dieu, les mythes fondateurs...). Or, avec la modernité, Mats cette explicitation suppose, comme l'a bien vu tiplication de ses interventions qui vont l'insinuer Pierre-Yves Soucy : Sociologue ci correspondant du magazine Si la fonction intellectuelle est aujourd'hui en l'évocation de garants méta-sociaux devient suspecte. Marcel Gauchet, » la mise en place d'une forme sub­ dans l'ensemble des pratiques et des rapports a Bruxelles il es! aussi un spécialiste de la culture hollandaise crise, c'est que se défait la scène où elle prenait sens Elle force la religion à se retirer de la sphère du social jective du fonctionnement social2 ». Elle implique sociaux, et espagnole et se rendait intelligible. Or cette scène, il y a peu sans pour autant effacer toute forme de croyance. La l'émancipation de l'individu comme sujet autonome encore, restait indissociable de la fonction de symbo- séparation entre l'intérieur et l'extérieur du social est et raisonnable (le cogito cartésien) qui préfigure l'âge Représentant de la Raison lisation et de représentation dont émit porteur l'intel­ Notes abolie. Mais au profit d'une séparation de l'intérieur de la citoyenneté. La philosophie politique moderne En se tenant au plus près des analyses, notam­ 1. Marc Henry Soulet, Le silence des intellectuels Radioscopie de lectuel, non à litre de sujet historique autonome, mais même de la société. se chargera de penser le principe de souveraineté ment, de Marcel Gauchet, Claude Lefort et Louis l'intellectuel québécois, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1987. comme agent hétéronome ayant à charge de faire politique. Elle met justement en évidence ce sujet Dumont, relatives à l'avènement de la modernité poli­ figurer l'unité de la société au-delà de ses divisions. L'avènement de la société moderne, corrélative à moral formellement inaliénable qui se voit remettre 2. Marcel Gauchet la démocratie, marque alors le passage d'une société tique, la problématique développée par Marc Henry SOCIÉTÉ z s 0 Le Voyage immobile Pierre Bertrand Le Québec de l'an 2000 face au défi de la transcul­ ture : une perspective

IA. TRANSCULTURE • a toujours été de mise au national. Cette quête, pour beaucoup, n'est pas termi­ comme si la phase de l'État national avait été court- née. L'échec du référendum n'a pas sonné le glas de circuitée, et qu'il fallait faire définitivement son deuil -O niveaLu de la culture universelle, en philosophie, en littérature, en sciences : de Lucrèce à Spinoza, de cette aspiration pour tout le monde. Sauf que la réa­ de ce rendez-vous manqué avec l'histoire. Mais il y a Kant à Beckett. La transculture est donc une réalité du lité qui est en train de se dessiner change les données des rendez-vous manques qui permettent d'autres passé avant d'être une réalité de l'avenir. Mais alors du problème. Qu'allons-nous faire en effet de tous ces rencontres, plus riches d'avenir et plus fécondes. que longtemps, elle ne concernait que l'« élite », elle individus, installés sur le territoire québécois, et dont Transculture signifie bien traverser sa propre cul­ est en passe, par des flux de migration et d'immigra­ les enfants parlent québécois, et ne se distinguent ture pour accéder à une culture étrangère, cette cul­ tion désormais irréversibles, d'affecter la vie quoti­ que par la consonance d'un nom ou la couleur d'une ture étrangère effectuant le même parcours en sens dienne de Monsieur-et-Madame-tout-le-monde. Ce peau, et aussi par une mémoire et des moeurs parti­ inverse. II ne s'agit pas de reniement, mais d'ouver­ qui était le privilège de quelques-uns devient, et culières ? Si nous voulons conserver la notion d'iden­ ture. Cette culture de départ, laissée à elle-même, ris­ deviendra de plus en plus, à une autre échelle, l'expé­ tité québécoise, ce ne sera qu'à la condition de pou­ que constamment de tomber dans le chauvinisme, rience de chacun. voir les y intégrer. Mais alors, l'identité québécoise ne l'étroitesse d'esprit. Il s'agit d'un phénomène de « devenir » : je deviens l'autre, et l'autre devient moi, non pas dans un processus d'identification, d'assimi­ lation, mais au contraire de différenciation, de diver­ sification. En fait, je ne peux pas devenir l'autre, je ne peux que devenir un autre, autre que moi-même, et autre que l'autre. Et de même pour l'autre. Double devenir, double capture, pour la création d'une réa­ lité originale, nouvelle, sui generis, réalité éclatée, douloureuse parfois, mais aussi pleine et positive, pleine d'elle-même et se suffisant à elle-même. Et c'est cette nouvelle réalité qui fait que l'« identité » ne peut plus être ce qu'elle était. Il s'agit d'une identité mul­ tiple, et non plus homogène. La seule identité homo­ gène, ou presque homogène, qui subsiste est une identité de surface et non de profondeur, formelle et non substantielle. Ce peut être, par exemple, l'identité d'avoir deux bras, deux yeux, d'être des êtres humains, ou encore de vivre sur un même territoire, ou de parler une même langue, de pouvoir échanger à travers un même système symbolique.

Mais même dans ces instances, si on va en pro­ fondeur, on se rend compte que l'identité n'est effec­ tivement que de surface. Par exemple, la langue, si on peut l'identifier de l'extérieur, comme québécoise, c'est à la condition de se rendre compte que cette lan­ gue n'est pas elle-même identique, mais se caractérise comme variations continues, métamorphoses, empruntant à d'autres langues, à d'autres accents, à d'autres cultures. Le québécois n'est pas une langue riche, redondante, surabondante, susceptible de devenir langue dominante, mais au contraire, pauvre, fluctuante, sèche bien que musicale, presque aphasi­ que. En un mot, une langue minoritaire, parlée d'em­ blée par une minorité, et se prêtant aux apports créa­ teurs d'autres minorités. Ce qui peut être perçu comme une lacune, du point de vue majoritaire, est riche de potentialités, d'un point de vue minoritaire. Les Québécois de souche n'ont aucun avantage à jouer à la majorité. De toute façon, il s'agirait d'un rôle emprunté, et qui ne colle pas à la réalité. La minorité, faute de s'installer sur ses lauriers, faute de pouvoir s'écouter parler, est obligée de créer sa propre langue, et d'autant plus que celle-ci est menacée. Dans ces conditions, la langue peut d'autant mieux devenir une structure d'accueil pour les minorités qui vien­ nent ici. Elles ne font pas face à une réalité de la lan­ gue toute faite, figée, mais sentent qu'elles peuvent elles aussi y mettre leur grain de sel, et contribuer à cette variation continue de la langue. L'individu cultivé, en tant que tel, est citoyen du pourra plus être ce qu'elle était, ou ce qu'on pensait monde. Il n'appartient à un peuple, endroit particu­ qu'elle devait être. Car ces immigrés, ces réfugiés, ces Je ne veux ici qu'ouvrir certaines pistes de dis­ lier, que secondairement, subsidiairement. L'individu exilés constituent un miroir à multiples facettes qui cussion au débat qui ne manquera pas de s'amplifier, 8 singulier cultivé est en même temps, pour reprendre renvoient aux Québécois de souche une image écla­ et non clore celui-ci par une réponse-miracle. en ce contexte la terminologie hégélienne, individu tée, protéiforme, d'eux-mêmes. D'une part, l'identité nouvelle ne peut être que universel. La seule identité qui lui aille est celle Tant que l'identité était censée posséder un limitée et concerner des réalités qui, en profondeur, d'« être humain ». caractère profond, quasi-mystique et métaphysique, sont elles-mêmes variables, multiples : la langue, par Qu'en est-il de l'application de ce concept de elle ne pouvait être prise en charge que par les diffé­ exemple. D'autre part, cette identité partielle renvoie transculture pour l'individu ordinaire d'aujourd'hui rents courants du nationalisme, depuis le plus réac­ immédiatement à l'altérité, comme lorsque le Québé­ et de demain, et notamment pour l'individu québé­ tionnaire jusqu'au marxiste, en passant par la social- cois se voit dans le miroir du jeune Haïtien, Vietna­ cois ? Le Québécois, pendant longtemps, a été a la démocratie. Mais la nouvelle « identité » qui se forme mien qui parle québécois : il n'y a pas de différence, recherche d'une identité qu'il tentait de trouver par sous nos yeux actuellement ne peut plus avoir et pourtant, dans cet « il n'y a pas » percent des diffé­ l'identification à un lieu, et possiblement à un État comme véhicule adéquat le nationalisme. C'est rences d'autant plus intenses qu'elles sont inassigna- blés. Il faut comprendre que même l'identité du Qué­ riches d'expériences politiques diverses, en donnant bécois de souche est superficielle : identité concer­ à ce projet un nouveau contenu ? Quoi qu'il en soit, nant la naissance, une certaine formation, un lieu, la société québécoise est d'ores et déjà et irréversible­ mais au-delà, l'autre se trouve en soi-même avant ment en transformation. Je le constate dans l'établis­ d'être à l'extérieur. L'autre est ce que je suis et ne con­ sement d'enseignement où je travaille : l'avenir est nais pas, ce qui me fait advenir, devenir, tous les pos­ vraiment au mélange des races. Esthétiquement, je sibles, virtuels, toutes les « puissances » non encore trouve la société québécoise infiniment plus belle actualisées, bien qu'aussi réelles que toute actualité. ainsi. Les ancêtres nous donnaient le clocher, les L'autre à l'extérieur de moi ne m'est pas plus étranger immigrants nous donnent le monde. Je considère que moi à moi-même. Je suis pluralité, multiplicité, et comme un privilège qu'ils soient ici. Ils nous obligent ne puis donc me « reconnaître » que dans une société à nous sortir de nous-mêmes, ce dont a besoin toute elle-même plurielle, multiple. S'il est vrai que la réa­ société pour sortir du local et resplendir des feux de lité québécoise, identique en cela à la réalité de cha­ l'universel. Toutes les grandes sociétés sont cosmopo­ que individu, se caractérise par un certain vide, un lites, et sont grandes parce qu'elles sont cosmopoli­ certain désert, vide d'une forme arrêtée, désert d'un tes. La société québécoise n'était « petite » que de État possédé, comme vide et désert d'un moi maî­ demeurer avec elle-même (folklore, catholicisme, ROMANS trisé, contrôlé, cette situation peut être une chance nationalisme, américanisme). De toutes façons, nous pour une création d'imprévisibles nouveautés. La ne sommes ni purs ni vierges, et cela depuis fort long­ transculture pointe en cette direction. temps, depuis le commencement en fait, sous une forme ou sous une autre. Aujourd'hui, c'est le géant Également, il faut savoir qu'une identité valable américain qui insiste, s'infiltre, et qui, dans le contexte ne se trouve jamais au point de départ. Ce qui se du libre-échange, le fera de plus en plus. Là aussi, les Patrick trouve au point de départ, ce sont des virtualités, des immigrants, en apportant d'autres influences, moins possibilités, forcément multiples et plurielles. On ne homogénéisantes, plus diversifiées, plus subtiles éga­ Modiano peut parler d'identité que lorsque le plus grand nom­ lement. peuvent servir de « rempart » partiel contre bre de ces possibilités se sont réalisées, actualisées. Le nouveau roman de l'influence américaine impérialiste. S'il fallait choisir Modiano et son premier Ou en d'autres mots, ce n'est que lorsque les différen­ entre des influences venues d'Europe, d'Asie, d'Amé­ récit autobiographique. ces vont au bout d'elles-mêmes qu'elles peuvent être rique latine, et l'influence américaine, mon choix Celait l'époque ou les dites, à la fin, identiques : une identité par excès, par tournées théâtrales ne par­ opterait d'emblée pour ce qui est en lui-même le plus couraient pas seulement la surabondance de force, et non par défaut, par fai­ diversifié, le plus • cultivé ». Il est paradoxal que cer­ France, la Suisse et la blesse. Une identité comme résultat d'une ouverture Belgique, mais aussi tains fassent des gorges chaudes de l'arrivée d'immi­ Alnque du Nord J avais et non d'un frileux repliement sur soi. Une identité grants, et trouvent relativement peu à redire de l'in­ dix ans Ma mère était sous le signe de la générosité, et non de I'égoïsme partie jouer une piece en vasion quotidienne de Y American way of life. Enfin, tournée et nous habi­ national. Identité comme comprenant le plus grand tous ces immigrés qui nous côtoient, qui parlent fran­ tions, mon frère et moi. nombre de différences, et non comme plus petit chez des amies à elle. çais, donnent aux Québécois déjà là une certaine dans un village des commun dénominateur. fierté qui leur a tellement manqué à travers leur environs de Pans Patrick Modiano Reste à aborder un dernier point, plus concret, courte histoire, faite de défaites, d'acculturation et de $19.95 ou encore plus socio-politique. La grande frousse de résignation. La force d'un peuple, en effet, ne se beaucoup de Québécois est de disparaître, ne serait- mesure pas à la peur avec laquelle il se protège, mais ce que par descendants interposés. La langue québé­ à sa capacité d'être un pôle d'attraction, d'attirer l'ex­ coise serait menacée, éternellement menacée, le peu­ térieur à l'intérieur, quitte à ce que cet intérieur, en ple s'amenuiserait à cause d'une dénatalité dont on ne retour, soit « sauvé » par l'extérieur. voit pas très bien comment elle pourrait se redresser. Certains vont même, devant cette situation, jusqu'à L'identité québécoise du futur se profile d'ores et proposer une contre-solution : fermer les frontières déjà dans le miroir qu'offre le jeune d'origine haï­ à l'apport d'éléments étrangers qui augmenteraient le tienne, vietnamienne, italienne, etc. qui a tout du risque de disparition des autochtones. Or, face à ce « Québécois pure laine », et quelque chose de plus, problème, les immigrants peuvent au contraire appa­ qui renvoie à ce qu'il y a toujours en plus, en surplus, raître comme un salut possible pour le Québec (mais qui déborde, surabonde, prolifère dans tout individu pas « le Québec des Québécois » des années antérieu­ sensible, où qu'il soit, d'où qu'il vienne. La seule iden­ res). Au lieu de chercher à se protéger, de fermer les tité dorénavant possible sera celle de toutes ces diffé­ Fruttero & portes à des gens qui ont besoin d'espace pour vivre rences. Telle est, il me semble, une façon d'appliquer (et qui, soit dit en passant, n'immigrent pas toujours le concept de transculture à la société québécoise. ici pour le plaisir), les efforts seraient mieux investis Lucentini Le débat est ouvert. Qu'on me parle d'autres Une pnncesse romaine. Un à favoriser l'intégration (et non l'assimilation) des guide érudit et minable pour nouveaux arrivés à la communauté francophone. Si façons. Ou qu'on conteste ma façon. Mais qu'on le touristes pressés nos descendants, faute d'exister, ne pourront parler fasse par écrit. Une fois dit que le sujet, tout nouveau, Leur imprévisible rencontre est appelé à subir des transformations, en cela confor­ dans une Venise brumeuse et français (ou plutôt, québécois), que les gens venant labyrinthique... Une énigme d'ailleurs relèvent le flambeau qui tombe de nos mes à sa nature même. • ironique et tendre par les auteurs de La femme du mains. En fait, je prévois que la persistance du québé­ dimanche. $24 95 cois en Amérique du nord devra, à l'avenir, une fière Pierre Bertrand chandelle à tous les immigrants qui adopteront cette Philosophe, il enseigne au Cégep Édouard-Montpetit. Il est l'au­ langue. Et qui sait, peut-être même que le vieux pro­ teur de nombreux ouvrages dont l'Artiste, (L'Hexagone) et plus jet d'État national pourra être réassumé par des gens récemment Une vraie rupture (HMH) Il est membre du comité de rédaction de Vice Versa.

Tisons ardents aux mandibules des scarabées enfoncés dans nos chairs Bas les masques sur l'impasse télécommandée Patrick r*. •• Au périple de l'itinéraire sanglant sur les sentiers tortueux de l'innommable d'un pays Grainville .. est le roman de l'amour de dévasté Je donne mon aval au sel du peuple l'art, l'épopée de la création. en mouvement contre tous les feux des avec ses tourments, ses inter­ rogations. ses intuitions, ses rafales irrémissibles vertiges $2995 Par l'auteur de Le paradis Fossoyeurs vous n'irez plus en paix sous nos des orages manguiers en fleurs

Combien d'incantations déchirantes au pèlerinage quotidien de la survie rageuse fébrilité incandescente des corps courage sans armes des espérances frappées de tous les interdits pieuse résistance au rouage de tous les psaumes d'un Christ renversé déchargé de toutes les clameurs vierges Prières incontournables flots de voix contre la peur azotée et l'indifférence des fumiers Haro sur la barbarie orchestrée du macabre haro sur la bêtise haro sur l'asphyxie espace frauduleux lieux des servitudes r> Editions du Seuil EN VENTE CHEZ VOTRE LIBRAIRE Dans cette extase, l'esprit risque de s'égarer. Mais point de danger, la façon de penser et le langage auraient déjà subi une mutation post-moderne parfai­ tement adaptée. La pensée rationnelle classique qui veut tout expliquer et représenter ainsi que le langage discursif que (re)produit cette pensée seraient en voie de disparition comme jadis les dinosaures inaptes à surmonter le changement. Le Logos se meurt, ou ce qui revient au même, prolifère en tout sens comme un cancer. Le savoir n'est plus la connaissance, l'intel­ ligibilité pour elle-même, la théôria qui grâce au (à son) langage dévoilait le monde en en exposant le Sens. L 'opérationnalité du calcul de simulation du monde s'est imposé avec ce nouveau personnage qu'est l'ordinateur. Armé de sa mémoire quasi-infinie, de programmes nourris d'algorithmes savants, de systèmes experts toujours plus performants dans la recherche de solution optimale pour l'action ciblée, ce personnage pourrait-il être doué d'une intelligence artificielle, devenir ce feu d'artifice de la technique libératrice de la pensée faible et trop simplement humaine ? L'individu post-moderne est prêt comme Personne à encenser l'ordinateur et à condamner l'in­ sensé obscurantisme de la vieille pensée qui croit détenir encore le feu sacré et prométhéen de la Con­ naissance. Quelle que soit la véracité totale d'une telle des­ SOCIÉTÉ cription de la condition post-moderne, la proliféra­ tion de la littérature savante sur ce thème est là pour nous faire soupçonner qu'effectivement quelque chose se passe. À cet égard, il s'est tenu l'automne dernier à Montréal un colloque intitulé La radicalité du quotidien. Communauté et informatique. Sous ce même titre sont parus dernièrement les actes de ce colloque '. L'intérêt des textes présentés est qu'ils abordent deux questions qui sont au centre de l'in­ terrogation sur la post-modernité. Que signifie encore la communauté comme lieu radical où s'enracine un vécu collectif et quotidien ? Quel rôle l'informatique peut-elle jouer dans la transformation des pratiques cognitives et sociales ? Si l'on considère que les nouveaux milieux de vie de la Personne post-moderne sont hyperindivi- dualisés, cloisonnés en compartiments segmentés selon une logique fonctionnelle de gestion cyberné­ tique de la société par les appareils sociaux et frag­ mentés dans le temps et l'espace en de multiples miches individuelles articulées entre elles, la commu­ nauté quotidiennement vécue apparaît comme source d'une nouvelle radicalité à définir. Les fameuses thèses de l'École de Budapest sur la radicalité des besoins et du quotidien sont exami­ nées et développées par André Corten. L'immédiateté de la vie quotidienne et les besoins non factices qui s'y enracinent constitueraient alors un point d'an­ crage pour une recomposition sociale non totalitaire fondée sur la communauté retrouvée ou réinventée. Agnès Heller, membre éminente de cette École de pensée, essaie de son côté de qualifier la génération de l'époque contemporaine. Précédée par la généra­ tion de l'existentialisme d'après guerre et la généra­ tion de l'aliénation des années 60 et 70, la génération nouvelle, identifiée comme post-moderne, aurait renoncé à l'universalisme sans existence d'antan pour s'abandonner à une sorte de recyclage relativiste de la culture moderne. Ferenc Feher, autre membre important de cette école, met l'accent sur l'analyse du Radical quotidien statut des besoins esthétiques. La post-modernité aurait vu disparaître l'autoréférence nécessaire à l'ins­ titution de la communauté et vu émerger un relati­ Jean-Jacques Gislain visme cynique dont l'un des traits fondamentaux serait d'ouvrir sur toute forme de bricolage intellec­ tuel où tout est possible.

Ce problème de l'autoréférence perdue, Paolo NE DES PLUS FAMEUSES tartes à la crème besoin de savoir, d'expliquer le pourquoi des « cho­ Virno, dans un texte admirable, l'examine dans l'es­ philosophiques de ces dernières années est sans ses », il suffit amplement pour la Personne de (se) pace du langage. Par delà son rôle communication- aucun doute, ce qu'on appelle la « post-modernité ». fonctionner le plus efficacement possible parmi les nel, le langage est selon Virno l'expérience heurtée Les sociétés occidentales économiquement dévelop­ « choses ». D'être capable de se penser en propre (ter­ des limites constitutives de la communauté réelle. La pées seraient entrées dans une ère nouvelle. Après les mes) et de mobiliser instrumentalement sa pensée sur langue étant incapable de se dire elle-même et derniers soubresauts des grandes revendications col­ une simulation suffisamment efficiente pour permet­ puisqu'il n'existe pas de réfèrent qui lui soit extérieur, lectives et les ultimes glorifications de la raison uni­ tre, grâce à de fiables anticipations, l'agir efficace. seule la communauté réelle dans sa finitude-même verselle libératrice de l'aliénation humaine sous tou­ La technique joue un rôle crucial dans cette serait alors l'ultime lieu radical d'amarrage d'un lan­ tes ses formes (exploitation, sexisme, racisme...), situation post-moderne. La Personne seule au (dans gage fini. Françoise Collin, s'inspirant de l'œuvre après le crépuscule de Dieu et de l'Homme, une nou­ son) monde doit (s')assurer (de) sa performance. La d'Hannah Arendt, tente pour sa part de réhabiliter la velle époque de l'humanité civilisée verrait le jour technique devient un art de vivre. Il en existe de puissance radicale de l'événement quotidien comme sous les signes de la Personne, de l'Instantanéité, et de nombreuses pour y parvenir dont la plus simple et expression, surgissement du nouveau, de l'hétérogé­ la Simulation efficiente. parfois même la plus exotique est encore de se prati­ néité singulière. L'appréhension de l'autre dans sa quer soi-même comme on pratique un culte. nudité radicale créerait alors des « espaces de paro­ L'individu post-moderne n'est plus un Homme, les » constitutifs d'une communauté plurielle. L'expé­ Mais là où la technique s'affirme reine, c'est bien c'est une Personne. Sur ce fondement autonome et rience du mouvement féministe serait à cet égard la dans l'espace de la socialite, si tant est que ce terme ait autoréférentiel, le Sens devient sensibilité singulière. préfiguration de ce qui pourrait être une nouvelle ère encore un sens. Dans la production et la communica­ Le Temps se transforme en temps propre à chacun(e) post-politique, La volonté de certains réseaux fémi­ tion, c'est-à-dire dans les deux formes sociales pri­ nistes d'abandonner toute forme de représentation et son comput perd toute universalité. mordiales, la technique affirme son hégémonie ontologique et totalisante au profit de l'« irreprésen- comme détour obligé. Détours techniques de pro­ Dans le domaine du savoir, la gnose est définiti­ table » et du seul registre de la différence, serait duction et détours techniques de communication vement disparue. Il n'est plus question de chercher symptomatique de l'esprit de la communauté post­ s'allongent et se complexifient sans cesse jusqu'à l'ex­ de quelconques Vérités devenues évanescentes. La moderne. pensée en a perdu la Raison d'Être. La connaissance trême de l'artefact, de l'effet en soi et pour soi de l'art et la production du Vrai ont perdu leur objet et bien technologique, de l'artifice sans autre finalité que sa Pour nourrir cette réflexion philosophico- souvent leur Sens. Cette situation de la Personne n'est propre explosion en produits de consommation. La politique sur la radicalité du quotidien et la commu­ pas problématique puisque penser pour elle signifie technique de consommation devient alors le sum­ nauté, il s'imposait de se pencher sur les expériences maintenant se penser ou penser pour agir. Plus mum extatique de la Personne. concrètes de communautés réelles. De surprenantes richesses mais aussi d'étonnantes ambiguïtés sont et de désillusion. Plus grave, pense Werner Rammert, alors découvertes. La Personne atomique de la post­ la technologie informatique risquerait de produire modernité technologique fait bien triste figure devant une « machine sociale » au service du contrôle, de la < les surcommunautés traditionnelles des « Femmes rationalisation, de la normalisation et de l'intégration - fermières » du Québec ou de la fraternité des hom­ économiques et sociales assurées par le réseau des mes du Maghreb, et devient bien pâle face aux nou­ autorités centrales. La mise en place sournoise de ce •> velles sub-communautés gaies ou punks. La ville, ter­ nouveau dispositif disciplinaire, sous couvert de ritoire par excellence de nombreuses communautés modernisation, conduirait alors progressivement à la urbaines est aussi, comme le souligne Daniel Cohn- décomposition quotidienne des identités culturelles, Bendit dans le cas de Frankfort, un laboratoire pour des émotions intuitives et finalement de toute com­ des projets de vie. La condition urbaine post­ munauté singulière. Parallèlement dans le domaine moderne sera un éco-système communautaire ou artistique, comme dans le cas du théâtre étudié par sombrera dans les brumes de la cité technocratique. Serge Ouaknine, la mise en scène des nouvelles tech­ Mais, dans le dispositif social de la post­ nologies serait l'achèvement spectaculaire, spectral et modernité, quel nouvel ordonnancement imprimera spéculatif de la culture occidentale. Devenu fiction la technique et surtout que risque de prescrire l'ordi­ réalisée en temps réel, l'art technologique s'abîmerait nateur ? Non sans subvertir les cadres de la pensée daas la disparition ou, ce qui revient au même, la pro­ établie, Franco Piperno avance l'idée que le temps lifération des « modèles » de Personne. • chronologique est technologiquement échu. Le temps réel de l'humanité instantanée serait advenu Jean-Jacques Gislain : grâce à la machine-" brain ». Dès lors, commencerait Enseigne la sociologie à l'UQAM î l'éternité du quotidien, non plus automatiquement ponctuée par le temps mathématique ou même le Noies 1. La radicalité du quotidien. Communauté et informatique Tex­ temps de travail, mais radicalement ouverte sur la plé­ tes réunis ei présentés par André CORTEN ci Marie-Blanche nitude du présent et ce qui lui donne son sens TAHON, Montréal : VLB. éditeur. comme par exemple la nostalgie. Selon une optique plus instrumentaliste, Pierre Lévy et Gilles Zenon Maheu soulignent respectivement que la force de capture de l'informatique sur l'intellect est en train de modifier radicalement les pratiques cognitives et communicationnelles. Après la Parole et l'Écriture, la » Computation » serait en passe de redéfinir de nou­ velles normes d'intelligibilité du monde, fondées sur un savoir, non plus herméneutique ou théorique, L'impuissance racoleuse et enrobée des mais opérationnel ou simplement ludique. Cette discours savants sifflement pernicieux caractérisation de la post-modernité informatique empiète doit être pondérée car, comme le propose Marie- sur les langues déliées par milliers les cuisses Blanche Tahon, sur la base d'une étude de terrain impatientes les genoux écorchés les mollets concernant l'utilisation individuelle du micro­ ordinateur par une vingtaine de femmes « écrivan­ raidis par le long parcours les os tordus sous tes », les nouveaux « gestes de l'esprit » qui en résul­ la charge trop lourde le frisson des jours tent laisseraient percevoir une nouvelle radicalité du sans quinine des êtres moribonds les regards quotidien de ces femmes. fiévreux du pays natal qu'un souffle encore rebelle et court signale à l'écran de la carte Au niveau du projet social, comme le montre du monde Serge Proulx, l'utopie californienne de la commu­ nauté informatique a fait long feu, et pour le coup, le projet de transformation radicale du quotidien par MICHAËLLE JEAN l'utilisation des techniques de l'informatique se serait muté en une multitude de micros (pétards) d'artifices

s FICTION ACTUALITE FRANCINE D'AMOUR Les LES DIMANCHES La reine Le choix de l dimanches SONT MORTELS soleil levée Dieu Gérard Etienne sont mortels Jean-Marie Lustiger UN RÉCIT HAÏTIEN PRÉMONITOIRE Cardinal-archevêque de Francine D'Amour Une vision fulgurante d'Haïti, des Paris GRAND PRIX LITTÉRAIRE GUÉRIN 1987 images à la fois terrifiantes et envoûtantes par l'une des voix Un homme se souvient. Un croyant « Ironie. Tendresse. Style enfin. [...] autorisées de la littérature noire. témoigne. Aucune des grandes Les personnages de Francine D'Amour questions que la société soulèvent les pages du livre, par 196 pages- 13.95 S contemporaine pose à l'Église n'est l'intensité et la densité d'un style esquivée, qu'il s'agisse de s narratif maîtrisé. Cela relève presque Cumin liilrnluni l'affrontement de l'Eglise aux du miracle. » différentes idéologies ou de la Parole de Jésus-Christ face aux athéismes modernes.

480 pages- 19,95 S

Un portrait SUZANNE PARADIS N L'été sera =msm de Jeanne ichaud Joron • Suzanne Paradis •< j| Une oeuvre tout empreinte de 11 Suzanne Paradis S poésie sur le thème inépuisable du fj sens de la vie et du mystère de la Le pouvoir de l'amitié et de l'amour. mort. SUZANNE PARADIS dans un récit à un cheveu de la L'ETE SERA CHAUD science-fiction qui en fait éclater les 200 pages- I3.9S S limites temporelles, mais sans en livrer le secret. . «AIU»' £1 240pages- 14,95 $ Ousrln littérature mjzm$&&m?mÊm '•^tâ&^iS&tte&êi&l&i Marco Pannella énato a Teramo il 2 maggio 1930. iniziative di questo personaggio, che pur indulgendo sinistra e di destra, e quasi tutto il Quarto potere, la é quello del risparmio energetico, con cui si puo' E' laureato in legge, è giornalista professionista più del necessario a certe catégorie di demagogia stampa, si erano scatenati contro. con argomenti recuperare in pochi anni ben oltre il 10 % del (dal '60 al '63 fu corrispondente del "Giorno" a epidermica, non scade mai nel qualunquismo orripilanti : gli stessi, esattamente gli stessi, che erano fabbisogno reale, dell'attivazione di vasti sistemi di Parigi). —A 24 anni promuove lafondazione del barboso e riesce a farsi perdonare l'indiscutibile stati usati contro di noi nei referendum sul divorzio, piccole centrali non inquinanti invece che di poche s Partito Radicale ed é tra ifautori délia Lega per fastidio degli eccessi. I'aborto, i codici fascisti, le leggi Cossiga e Reale megacentrali pericolose e rovinose, dell'utilizzo délie l'istituzione del divorzio, per l'obiezione di EGI.I ULTIMI S REFERENDUM SOttOpOStl Sarebbe del resto per primo Pannella, col suo gusto suH'emergenza, l'ergastolo, i Tribunali militari, i reati nuove tecnologie relative a fonti rinnovabili, di coscienza, per Vabrogazione del Concordato all'elettorato italiano, 3 concernevano il "nucleare" (il per lo sberleffo, a rigettare il ruolo di "coscienza d'opinione, il finanziamento pubblico dei partiti... abbandono di produzioni industriali inutilmente fascista tra Chiesa e Stato. E' tra iprimia SI avrebbe significato l'abolizione délie attuali e nazionale", che qualche esagitato epigono Quanto aile critiche che Lei evoca, lasciamo divoratrici di energia... Quel che manca, in Italia, non battersi per il diritto di voto ai diciottenni e per future installazioni, il NO ne avrebbe invece pretenderebbe a volte attribuirgli, e noi perdere. E' stata l'azione ostruzionistica e é il nucleare, ma una politica energetica : siccome una riforma délia legislazione sulla droga. Si sanzionato il mantenimento e, eventualmente, peccheremmo corne minimo d'irriverenza nei anticonstituzionale délia Corte Costituzionale che, perô questa politica comprometterebbe i programmi impegna anche all'estero in difesa dei diritti l'ampliamento) e 2 la Giustizia, in particolare la confronti délie vere grandi "coscienze nazionali" (i con sentenze incredibili, ha praticamente distrutto il nucleari délie grandi lobby militari-industriali che civili, specie all'Est europeo (arrestato a Sofia "responsabilita' civile" dei giudici. Una clamorosa Parri, i Pertini... i René Lévesque qua in questo pezzo diritto e l'istituto referendario. La Costiiuzione dice non trovano più commesse negli USA e in Canada, net 1968). Promuove e organizza, con il suo vicenda di qualche settimana fa, proprio aH'indomani di terra) se come tale intendessimo proporlo. Ma non che tutto puô essere sottoposto a referendum, tranne ovviamente questa politica non la si vuole ! O non la partito, numerosi referendum, tra cui quelli dei referendum, ha ovviamente rafforzato la crediamo nemmeno che sia giusto liquidare il caso di leggi tributarie c trattati internazionali. Ebbene, la si voleva.. relativi al diritto e ail dmministrazione délia posizione di coloro che vogliono veder sanzionata questo nuovo modello di politico italiano con Corte ha di fatto finito per imporre referendum solo V.V.. In politica estera concorderebbe con la giustizia. Da buon seguace e ammiratore di giuridicamente taie "responsabilita"' : due giovani qualche affrettata e ingenerosa battu ta polemica. su aspetti marginali, per far fuori una ventina di tradizionale linea délia Farnesina, quella cioé degli Altiero Spinelli, efederalista convinto. E'autore milanesi, condannati uno all'ergastolo e l'altro a 20 Camillo Carli ,• Alla vittoria nei referendum ha richieste sottoscritte da una decina di milioni di "alleati modello", corne ci definiscono a del testo-Appello dei Premi Nobel contro lo anni, dopo 4 anni di carcere sono stati riconosciuti indubbiamente contribuito il sostegno quasi elettori. Lo ha fatto per conto e con l'applauso di Washington ? A Montreal si eu si dire che.. ' 'quand sterminio per fame nel mondo. innocenti e rimessi in libertà con formula piena. unanime délie nostre forze politiche quindi molti che oggi hanno espresso le critiche che Lei les USA ont le rhume le Canada tousse". Crede che Queste le tapp° essenziali délia sua carriera — Appare ormai scontata, corne minimo, partilarie, anche se il "riscontro" del lunedi sera 9 ricorda, e altre ancora... Per il futuro continueremo noi. dato che non abbiamo quegli 8000 chilometri politico : il20giugno 1976 viene eletto Deputato un'ampia revisione non solo délia legge referendaria qualche perplessitàl ha lasciata : diventerà allora ad obbedire alla Costituzione : chiederemo al di front iera in comune.. "tossiamo" un po' meno nelle circoscrizioni di Torino e di Roma. Subito (unanimemente richiesta) ma anche, appunto, délia più indulgente il Suo atteggiamento nei confronti Parlamento di fare riforme, abrogare leggi ingiuste o dei canadesi.. ? Présidente del suo Gruppo parlamentare, diviene sbagliate. E se non le otterremo, cercheremo fino normativa che attiene alla responsabilita délia délia partitocrazia e, d'altro canto, avrà l.ei qualche M.P. : Noi siamo ferocemente "occidentalisti". E, membro délia Commissione parlamentare per all'ultimo soffio che ci resta di attivare il meccanismo persona giudicante (responsabilita "diretta" o ripensamento un certo uso dell'istituto per questo, riteniamo che l'impero americano non l'indirizzo générale e la vigilanza dei servizi abrogativo referendario : per passare a un sistema "indiretta" : o del giudice direttamente e referendario ? Conoscerà certamente critiche e possa più, non debba più, essere la sola forza radio-televisivi. Nel '79 viene rieletto nelle elettorale e politico anglosassone, fondato sul personalmente, cioé, o dello Stato). proposte (Francesco Saja présidente délia Corte storicamente all'altezza di assicurare nel mondo circoscizioni di Napoli e di Milano. Sempre nel collegio uninominale e sul bipartitismo tendenziale, E questa, fuori di dubbio, e indipendentemente Costituzionale, sulla macchinosità dei quesiti, libertà, democrazia, pace e giustizia. Occorre, per '79, viene eletto al Parlamento Europeo con quasi sulle persone e non soitanto sui partiti ; per garantire dall'opinione e dal pensiero di ciascuno di noi, é già Gianfranco Pasquino : solo Vabrogativo". più noi, non più solamente la "Comunità Europea", ma 100.000 voti dipreferenza. Nel novembre dell' 81 la stabilita' dei governi; per tagliare le mani alla una vittoria dei promotori dei referendum. spazio al Parlamento, maggior numéro di firme, gli Stati Liniti d'Europa, subito, cosi corne esistono gli é eletto Segretario del suo Partito (carica che partitocrazia che ha sequestrato Tintera struttura pericolo dell 'abuso : Napoleone Colajanni che dice ; Stati Uniti d'America. A parole, in Italia e in Europa, lascia nel '83. quando viene rieletto Deputato Eccolo, l'"enfant profanateur" che l'Italia, la sanitaria del paese; per abolire il finanziamento "Non sono gli strumentali giochetti di un modo tutti sono europeisti. Ma lo Stato fédérale europeo lo nelle circoscrizioni di Milano. Torino e Roma). benpensante e la trasgressiva, tutta, per motivazioni pubblico dei partiti ; per colpire la caccia selvaggia e spregiudicato di fare politica chepossono sostituire rimandano sempre al millennio successivo. Per Membro délia Commissione Affari Esteri, nel 1984 inconsce o dirompenti, si coccola corne un suo distruttrice che abbiamo in Italia; per abolire le la forza délie idee") Le accetta, le discute, le questo noi non siamo nemmeno un Partito italiano, viene rieletto al Parlamento Europeo. Finalmente, prodotto perfino prezioso. Un figlio che, se non strutture corporativiste rafforzate anziché eliminate respinge ? ma un Partito "transnazionale" e "mondiale" : gli Stati il 14 giugno 1987 é eletto Deputato, per la quarta avesse avuto, si sarebbe sicuramente inventata. Invece dopo la caduta del fascismo ; per rendere a 59 milioni Uniti d'Europa sono una nécessita per tutto il mondo volta, a Milano, Roma e Palermo, e Senutore in Marco Pannella è un personaggio indispensabile di Marco Pannella : Ciô che a Lei sembra di italiani il diritto a stampare e diffondere le proprie libero e per la libertà nel mondo. E debbono Piemonte. Decide per la Camera, e per Palermo. quest'Italia post-bellica arruffona, géniale e indubbio, lo é probabilmente in senso opposto. La opinioni... controversa all'infinitesimale. DC e il MSI, quando hanno invitato al NO. hanno costituire lo strumento per un nuovo ordine democratico e pacifico, armato di non-violenza e di diritto. Quanto alla metafora sulla tosse, mi consenta di non precisare gli aspetti e le conseguenze del vuoto eurofagico che rappresentano gli Stati "nazionali" europei, se continuano ad esistere corne £dK*A tali.. W. • Le chiedo qualcosa che intéressa forsepiù Marco L politiai gli italiani ail 'estero che quelli in patria : cosa possono dirci gli économisa del Suo partito sull'attuale congiuntura economica M. P. -. Uno degli iscritti al Partito Radicale é 1FJ Vassili Leontieff, Nobel per l'Economia : le sue analisi Pannella e previsioni mi appaiono ottime. Ma non sono gli v> "economisti di partito" nei paesi a regime proporzionalistico, con decine di partiti, che possono dire qualcosa di serio... JJIO, V.V..- A che punto siamo, onorevole Pannella, xnr^k^ col "comune senso delpudore'. in Italia ? Tornando alla vigilia, farebbe ancora ripresentare la Cicciolina ? M.P. : Al solito bruttissimo punto : si continua a ritenere "oscena" Cicciolina, e non invece i politici, gli statisti, i trafficanti, i mafiosi dal colletto bianco, la Cicciolina partitocrazia, i mercanti di cannoni e di morte. Abbiamo accettato di presentare Ilona Staller (ma in ordine alfabetico, con il n.49, ed invitando gli elettori a votare per i dodici capilista) perché non volevamo né potevamo discriminare una compagna iscritta e etica dicendole : "no, tu sei una porno-diva, invece che una casta-diva, giochi con il sesso e con I'amore invece che con il denaro, le armi, la corruzione e il potere, e quindi non consentiremo agli elettori di giudicarti". Ilona é stata eletta grazie alla incredibile «V , "promotion" fatta da giornali corne "Repubblica", che l'hanno tenuta in prima pagina per tutta la politica campagna elettorale al fine di sputtanare il partito e per poter meglio censurare gli altri candidati. soprattutto i capilista. Sapevamo che ci sarebbe costata dei voti, ma non ci siamo rifiutati, per questo, né ci rifiuteremmo domani, di pagare il costo del Un personaggio da cronaca politica sociale e spostato, assieme all'ENEL ed alla sua gigantesca Insomma, non rispondo nemmeno ai rispetto dei principi e délia tolleranza... Un uomo politico emblematico civile senz'altro, e un personaggio già più campagna di propaganda, il 7 % dei votanti, Quando "commentatori" che Lei cita. Hanno spesso passato di una "nuova generazione" contundente e meno effimero... poniamo, dello il PRI e DP hanno invitato a votare NO sul la vita e eretto le loro fortune "commentando" l'opéra W. . L'ultima : secondo Lei, nell'uomo, e che cerca di trasformare in sbracato Guglielmo Giannini dell'Uomo Qualunque referendum sui magistrati, hanno spostato il 4 % dei altrui, per demolirla. Noi operiamo. nell 'homo italiens in particolare, prévale il bene o profondità le immutabili regde o del furibondo ma innocuo Finocchiaro Aprile dal voti rispetto al SI sostenuto su quello sull'lnquirente, W. .• E' ipotizzabile anche un referendum sulla il maie ? del gioco politico italiano. buffonesco irredentismo siculo. e i Verdi, per di più, non si erano pronunciati a favore concessione di diritti e riconoscimenti più concreti M.P. : Secondo Lei, quanti homines iralici, in Perché Marco Pannella, ai nostri lettori canadesi ? nemmeno loro! Quando abbiamo promosso i "ineludibili" ai "diversi"(sesso, razza, religionc. Canada, si iscriveranno subito, ora, al Partito Radicale Per due ragioni essenziali : referendum, e si trattava di 7 referendum (e'erano idéologie, handicaps..) ? "transnazionale" (scrivendomi alla Camera dei 11 1 Perché difficilmentc un'intervista agli altri anche quelli contro la caccia e per la riforma del M. P. : Non direttamente. I nostri referendum Deputati a Roma, o al PR, via di Torre Argentina 18, uomini politici italiani puô risultare veramente Consiglio Superiore délia Magistratura), cioé oltre sono solo abrogativi, non propositivi. Ma quando Roma) per imperdirne il soffocamento e la fine, e intéressante e godibile. Il nodo che lega quei messeri quattro milioni di firme autenticale, il PCI e la DC abbiamo raccolto le firme per dei referendum é assicurare un po' a tutti più speranza e più forza ? alla propria immagine e a quella del partito é talmente hanno fatto l'impossibile per farci fallire. sempre stato per aumentare gli spazi di diritto e di Quando Lei mi avrà risposto, e mi avranno rispoto i stretto e senza "buchi" che qualsiasi colioquio, Quando finalmente i referendum stavano per libertà. Ed é quel che, troppo spesso soli, abbiamo Suoi lettori, Le risponderô anch'io... finisce per rivelarsi deprimente e tutt'altro che decollare, la DC ha preferito sciogliere il Parlamento, fatto da Legislator! e da cittadini, non solamente coi La chiusa é degna del Pannella informa. Del appagante. andare a elezioni anticipate, far cadere perfino un referendum... Pannella sornione e sicuro di se, ammiccante, 12 Certo che immagine e partito sono importanti anche Governo Fanfani, piuttosto che permettere che i V.V. . Ammesso che quei SI sul nucleare non "porgitore", imbonitore di lusso. per Pannella (anche, anzi proprio allora, quando urla referendum si tenessero. E il PCI fu complice in siano una risposta solo emotiva, crede che ci sarii L'aspeta l'aereo per Bruxelles, poi domani sera a che se ne andrà e che scioglierà il PR), ma in lui la quest'operazione. I sondaggi, intanto, davano i facile fare a meno di quel tipo di "energia "? Parigi, dopodomani a Strasburgo. natura di trasgressore, di guastatore, di... votato a referendum come destinati a sicuro trionfo, malgrado M. P. : Ammesso che la Sua domanda non sia Sua, l'Europa. lo égià.' D "épater le bourgeois" é cosi prepotente da finire per che solo PSI, PLI e noi sostenessimo quelli sui solo emotiva, che quando si vota per l'uno o per prevalere, con salutare goduria dell'ascoltatore o del magistrati, e .solo Verdi, DP e noi lottassimo realmente l'altro non sia solo per ragioni emotive, che io non Le lettore. Camillo Carli per quelli antinucleari. La partitocrazia, corne vede e risponda solamente da emotivo, da noi i programmi Notre correspondant romain est l'aine ci le plus • brésilien • Ut- unHntervista di 2 Perché, le ultimissime nostre vicende politiche corne sa, é corsa all'ultimo momento, subodorando nucleari che abbiamo mandate) all'aria riguardavano nos collaborateurs. Cet infatigable voyageur-journaliste a com il vento, con la bava alla bocca... a soccorso délia al massimo—entro i 1997—un 4 %, 5 % del mis deux romans Razzola anion' nuo. 1979 ei la gfotnala

  • IMAGES FROM BERT SCHIERBEEK (b. 1918), one of Holland's major posts, is known for his "compositional" novels, collage-type works of Dada-Surrealist background which can be read in their visual, semantic and acoustic contexts, as well as for his many books of poetry. He has lectured in Mexico and in the United States at the University of Iowa and as Writer-in-Residence at the University of Michigan in Ann Arbor. Translations of A Schierbeek's work in English include an DUTCH anthology, Shapes of the Voice (Bos­ ton : Twayne Publishers, 1977), and Cross Roads (Rochester : Katydid Books, 1988). Two of his recent books, Formentera and The Gardens ofSuz- hou (Montreal : Guernica, 1988) will soon be available in Canada. COLLAGE

    an interview with Bert Schierbeek

    Pasquale Verdicchio : The two world wars have all sorts of things. You could use stories that people played an important role in Dutch literary themes and tell you—I was always listening and writing down trends. In fact, your first book, Revolt against the what people said, which I would then sometimes Past (1945), is an account of your experiences during use. That was how things started. After a few years I the Second World War. And though it was essentially became able to tell from the first few pages whether a conventional novel, Revolt has been said to contain it would become a thin book, and hence a more poe­ the "germ" of what was later to become the "compo­ tic one, or a thick one, and thus more like prose. sitional" novel, the collage type novel with which W. : It has been said that an important aspect of you gained particular prominence. Pasquale Verdicchio your work is the attempt to liberate words, to make Bert Schierbeek : Yes, I suppose my first book them "unthings." How can words ever become deta­ may have been conventional, but I have always asked ched from the layers of meaning they have acquired ? myself : what is a conventional novel ? For not all eventually came out was a book called The Book Le B.S. : You can never liberate a word from its conventional novels are alike. Also, in the writing of Cocq, it was 450 pages long ! Unbelievable ! But from significance ; that word has a long history. But you Revolt against the Past I was greatly influenced by this book I cut out ten stories. I put those stories toge­ can take that word and put it in a context in which it Malraux's novel, La Condition Humaine, and that in ther and I had the book I wanted to write. After that, has never been before. And in that way you are giving itself is not a conventional novel. I wrote The Book I. With this title 1 meant to say that it new colour, new sound, and new meaning. And yes, the book talks of my war experiences, we must peel back all the "I"s that have been impo­ V.V. : Then you are not aiming to subtract all of the resistance group some friends and I had for­ sed by fathers, mothers, uncles, aunts, teachers, phi­ other meanings from a word and bring it down to its med ; the others were shot by the Germans and I losophers, priests, and everyone else who tells us primitive state? happened to escape. I had to write it down to get rid exactly what we should be. But it had taken me four B.S. : No, this I wouldn't even try. I think it's of it. to give the whole experience a place. And in the years to get on the right track ! impossible. If you see how Joyce uses words- process of doing that 1 realized just how many "his­ V.V. : So the change you were trying to bring associations, puns, and so on—then you see he is tories" I was bringing together ; so 1 thought that the about in the form was also a reflection of a personal putting them together in different ways and is always best way to get a grip on their "realities" would be to change ? changing them. And you can do that, give an extra use the collage method (which was already a given B.S. : Yes. I think that if you change your dimension to the reality of things, in Dutch also. So, thing, I didn't invent it)—and to characterize them in approach to reality, then this will also affect your wri­ with regard to moving from words to "unthings"... a some manner. ting. How to capture that reality is the question. It table is a table. But there are tables with four legs, W. : So the collage approach, very prevalent in was then that I started to make more and more col­ with three legs, or with eight legs. And when the your later "compositional" novels, is indeed present lage type things, because life is not one story but word "table" acquires such a fixedmeaning , what the in that first novel... many stories. Some beginning, some ending, some Dutch call a "begrip" (from "grasping"), then this may become so strong that you don't see the potentiality B.S. : Yes, of course. But initially I was not sure half-way through. And I thought the collage form of the thing anymore. It's like releasing the tracks a of how it would work out ; I had to try it. Then 1 would be the best way to put things together, since train runs on ; taking them and making an iron sculp­ really started to research what I could do with this you must fall back on the other qualities of language : ture extends their possibilities and meaning. The technique. In the meantime I also became editor of a sound, meaning and sound together, rhythmic qua­ material has been liberated. literary journal, The Word, and became involved lities, and associative possibilities. Then you have to artistically with the group of people associated with put these together, in a clear form. In a "compositio­ W. : And is that what The Animal has drawn a it. Collectively, we were known as "the Fiftiers" nal" novel it's very important to be selective, you Man (I960) tells me : form born of an unexpected (because it all happened more or less around 1950) must choose very carefully what to cut and what to source ? and we were distinguishable from previous genera­ keep. And, of course, typography is important. I! B.S. : YeS, exactly. That an animal should draw a tions of Dutch writers in that we all showed specific there are no chapters, then there must be some other man was not expected. This is a clear "turning interest in the so-called "world" literatures and art indication to the reader as to how he or she must around," a transformation, and thus a very important forms. read. aspect of the creative process. It's what the Zen Bud­ In fact, it was the study of Dadaism and Surrea­ W : What about appearance ? The "compositio­ dhists call "turning your nose." lism, as sort of liberators of material from its "nor­ nal" novel is termed a novel but it takes on the form W : When you say that language is a medium of mal" context, which gave me the impetus to really of poetry. form giving, and of composition, don't you then use the collage form. But at first I kept getting it B.S. : Well, 1 was using many types of language. mean "de-composition'—because of the "turning wrong and I thought, "I can't write anymore !" What There is pcetry, there is prose, there is advertisement, around" ? B.S. : Well a sort of de-composition, but really still a composition, since one is putting things in a LITTÉRATURE context other than their normally accepted one. When this happens, so-called normal things become n abnormal in their new contextual relationship and m normality then takes on another look... But, of < course, we are limited in what we can do. We have to work with the language that is there ; it's a given body of possibilities. That is to say, we are part of the language, but we don't invent it. La fille W. : Going back to The Book I. You said that form gives a new condition of the self by stripping off all the "I"s. Is this then an elimination of personal history... ? And is personal history a given body of possibilities, like language ? du capitaine B.S. : No, it is a peeling of all the "l"s to make the history of your "I" clear. Therefore, it is a giving of form, not an elimination. For the first time you become aware of the sorts of "I"s you've lived through. My six year old "I" and my present "1" are different, though I hope to have retained part of my younger "I." It's a way, as it has been described in many religions, of "becoming yourself." But, of course, this is a life long process ; there will always be some dark part of yourself to discover and explore, and I think this will be evident in each subsequent book. VY : In your case, "becoming yourself seemed to require a movement from your "compositional" novels, your collages, to poetry. Your first book of poems, The Door, did not come out until 1972... B.S. : Yes, in fact, I did not actually begin writing poetry until quite late. Very important for me in the move from prose to pcetry was the study of Zen Bud­ dhism during the 1950's and 60s. Zen makes things down to earth, and as short as possible. Writing pcetry in Dutch is called "dichten," which means to tighten, to make things condensed. The words are stripped of their meaning and they become what they are. No interpretation, just themselves. VY. : Would you say, then, that the true value of poetry lies in the evolutionary process it undersco­ res? B.S. : Yes, I think you could say that. The writing of poetry is a very different sort of process than wri­ ting a book, one that gees deep into the problems of language itself. In poetry, the word is the diamond, Claude Bertrand the gem, and finding it, along with the proper form of expression, requires a very different approach that dees prose. Pcetry is a new vision on reality. It disco­ vers and unveils a part of reality never seen before, or lETTESOtrruoE, je sais quelle n'arrive pas à sans se livrer vraiment. Elle nous échappe, elle fuit, se at least never seen by the poet. y croire mais elle voudrait tant y croire... Mais peut- fuit derrière une fiction qui n'arrive pas vraiment à se VY. : Then you value equally the search tor form être est-ce là le désir qui l'habite de se délivrer d'elle- constituer. Et cela est tant mieux. Mais l'on souhaite­ in poetry... ? même, c'est à dire de tous les mirages dans lesquels rait presque que toutes ces images, y compris celle de B.S. : Yes. In pcetry, form and content are insepa­ elle ne cesse de se refléter ? Car comment prendre l'île, de la sauvage et de la filled u capitaine, s'effon­ rable ; the poet is looking for the form that makes the autrement toutes ces figures que sont Anne. Domini­ drent un jour pour qu'elle se retrouve nue. complè­ content. And the form should be such that the con­ que, Edith et finalement son équivalent général : la tement nue, dépouillée de tous ses mirages. Bref. tent is always made new. Of course, the same could fille du capitaine ? Mais la fille du capitaine est plus qu'elle puisse se mettre à vivre enfin d'un nom réel, be said for novels, but I think this is particularly lointaine, plus secrète, plus solitaire, plus sauvage que pour qu'on puisse l'atteindre, aller la chercher là où important for poetry. toutes les autres. Car les autres ont encore un certain elle est et lui parler au creux de l'oreille. Lui parler W. : Your two books of poetry about to be trait de civilité. Elles aiment Bach. l'Europe. Vienne. non comme à une « artiste » ou à une « sorcière » ou brought out in English, Formentera and The Gar­ se retrouvent quelque part même si l'on peut dire à une « folle • mais comme à un être bien réel qui dens ofSuzbou (Montreal : Guernica. 1988), seem to qu'elles peuvent se trouver parfois étrangères. Mais n'est que cela et rien d'autre. Car là est sa misère que illustrate this preoccupation with form and content. c'est que ce ne sont pas des femmes, il faut bien le laisse transparaître avec force le dépouillement de Could you comment ? dire. Elles restent des filles,c'est-à-dir e des êtres qui ne son écriture. Mais en un autre sens, l'on pourrait pres­ sont pas parvenus à maturité. Des êtres inachevés que dire que son livre la cache plus qu'il ne la révèle. B.S. : I tried to let things speak for themselves. pour tout dire. Des êtres à qui il manque toujours Et il la cache d'autant plus qu'il veut la montrer By having the form and words reveal a part of For­ quelque chose et qui, de ce fait, n'arrivent pas vrai­ comme « sorcière », comme « folle •, comme « sau­ mentera or of the gardens of Suzhou (that could be a ment à croire au couple, à la fusion totale, ou tout vage • sur la scène du livre ou de la littérature. Mais. fig tree or a pond), by tightening the words down to simplement, au monde adulte. Car la filled u capitaine ne nous trompons pas. elle reste irrémédiablement. themselves, they again become part of the landscape est toujours là en elles. Toujours là pour leur dire leur par son livre même, par la simplicité de ses mots, mal­ and, also, part of us. vérité. En ce sens, elle est ce qui les retire du monde. gré tout, un être d'ombre. Une fille comme tout le VY. : If you were asked to define and place your les met à l'abri des bavardages. Elle est leur part de monde. Rien que cela, ni plus, ni moins. writing within the context of Dutch literature or of silence. literature in general, where would you situate it ? Une fille comme il y en a bien d'autres mais à B.S. : Well in Dutch literature I am still rather an Sa parole est chuchotement discret, mots qui se cette seule différence près, qu'elle craint peut-être exception. There is no one doing things the way I do, font à peine entendre mais que l'on entend toutefois. plus que toutes les autres de passer inaperçue, de s'ap­ nor has there ever been. This is a fairly unique and Comme si un secret nous était livré, ainsi qu'une procher de cet anonymat, de cette « indifférencia­ strong position to be in. And if you want to place me pierre précieuse, que l'on finit par perdre. Un secret tion » qui risquerait de briser, de faire voler en éclats in the so-called "world literature," then you can say qui. en fait, ne nous est jamais révélé. Mais c'est que tous les mirages dans lesquels elle ne cesse de se reflé­ and see that I am influenced by several writers : la filled u capitaine n'habite pas cette Europe dont elle ter faute de se penser dans la radicalité de son être French (Rabelais), English (Joyce, Malcolm Lowry), parle rant. Eh... oui pourquoi est-elle revenue à Muni pour nous livrer toute sa richesse intérieure Mais pœts like William Carlos Williams and Charles Olson. réal ? Mais c'est tout simplement qu'elle habite une île peut-être a-t-elle toujours voulu aller en philosophie The main thing is to learn from these authors how to comme Robinson. Et comme Robinson, elle est et saisir le monde à partir de l'idée ? Ce n'est pas moi handle the material. But this must be done without essentiellement sauvage et apatride. Et l'on sait, et l'on qui le dis. c'est elle. Radicalité de l'idée que trahit becoming merely a copy of them, without becoming se doute, que malgré sa douceur et ses larmes, elle encore la simplicité de ses mots et le rapport à la pen­ simply another Joyce. peut être dure et impitoyable, cruelle même Tout sée qu'ils font surgir. Mais de cet esprit français qu'elle simplement parce qu'elle a l'instinct du solitaire : un comprend en toute rigueur par la beauté de sa langue. VY. : But there is a tendency to think of "experi­ jour elle finit toujours par partir ou se retirer... Mais il y aurait beaucoup à dire ici. Mais je m arrête là pour mental" or "avant-garde" writing such as yours as se retirer ou partir fait toujours mal à l'autre. I ne- l'instant. Le temps de reprendre un peu mon souffle something that will not last. Since your work seems question se pose ici toutefois : se retire-i-elle vrai­ pour peut-être trouver la suite. Car ce livre, quoiqu'on to stand alone even in its "experimental" category, ment ? Elle signe son livre D. Kimm. Mais ce D. et sur­ en pense et quoiqu'on en dise, a ceci d'original ou de how would you respond to that view ? tout ce D. n'est-il pas encore trop l'anonymat que l'on singulier : c'est qu'il donne à penser. Ce qui est rare­ B.S. : I would say, "Of course it will last !" The veut montrer et qu'en fait l'on trahit ? C'est le nom de ment le cas de la littérature qui se publie Book I has sold extremely well, another 25,000 l'auteur auquel on croit. Mais ce D, s'il s'effaçait, com­ aujourd'hui. D copies had to be printed. While traditions have ment se nommerait-il ? always been strongest, exceptions have also been Le livre, ce livre, en fait, m'échappe dis mains. allowed to exist. • Claude Bertrand Qu'en penser ? Je ne saurais le dire. J'essaie plutôt de Pasquale Vtrdicchio Philosophe o> auteur avec Michel Motill du Ternt.ua- imagi­ Professeur de littérature italienne à l'Université de Californie, comprendre pourquoi ici elle parle tant d'elle-même, naire de la culture (I9~>>. H.MII). Récemment, il a publie Lhtpé notre correspondant de Los Angeles est poète — Moving sans en parler vraiment. Cela aussi elle le dit quelque rience tnUme{\98S) che/ Préambule Landscape — (Guernica)et traducteur, il prépare un ouvrage part dans son livre, Comme s'il lui fallait toujours se sur la littérature de l'émigration. donner en représentation, se mettre sur une scène Ô SOLITUDE... De D. Kimm, Éditions Triptyque, 1987 LITTERATURE

    L'équilibre instable de la culpabilité Wladimir Krysinski c'est aussi l'analyse spatiale de sa mémoire. Involontaire et intellec­ tuelle. Dans l'ordre fragmentaire de sa narration à l'évocation du pays natal, du père et de la mère, de la famille et de la ville, s'intè­ grent aussi l'espace canadien et les voix de la culture, de l'histoire et de la littérature. Par un jeu nuancé des distances, entre le factuel et les parenthèses où s'inscrit le com­ mentaire tantôt ironique, tantôt intellectuel de l'immédiat narratif, entre l'auto-ironie et la vitupéra­ tion contre les choix non choisis de son existence, Santerres écrit un roman post-musilien du déclin de l'empire austro-hongrois et de l'empire culturel de l'Europe. Mais Emmène-moi au Canada est aussi L SERAIT DOMMAGE que le récit une amorce puissante de l'analyse romanesquI e de Stéphane Santer- du lieu socio-culturel canado- res passe inaperçu. Certes, aucun américain. « C'est la syntaxe matraquage publicitaire ne l'a pré­ sociale qui est l'objet de ce que cédé. Ni ne l'accompagne à l'instar j'avance » (p. 40). Ce lieu est saisi de Probablement, l'Espagne ou dans sa complexité grouillante de de Myriame Première. Santerres la cupidité et des bonnes inten­ n'est pas d'ici. Et s'il est ici, il ne vit tions. Ce Nouveau Monde accepté pas au Québec. Tout en publiant et pourtant inacceptable pour le au Québec il a choisi le Canada narrateur n'est pas un lieu où il comme terre d'accueil. S'appeler voudrait, il.pourrait accueillir son Santerres et écrire aussi sur d'au­ père. Ce roman c'est l'histoire de la tres terres que celle de son accueil, gestation de ce non-accueil. Tout c'est vivre un peu à la façon de ce l'enjeu narratif, culturel, psycho­ social du récit est dans ce choix. « Juan si tierra », de Jean sans terre tout en sachant que dans ce fait nous sommes tous immergés ses racines. Il les reproduit un peu Le lecteur entre dans ce récit à la espagnol, (voir Yvan Goytisolo), irrémédiable, on porte, on portera aujourd'hui dans le monde de la par antithèse, par une irôtiie bien­ faveur d'une compréhension diffi­ sujet maudit, en perpétuelle un poids de responsabilité. « Tout culture planétaire. Nous la vivons veillante, lorsqu'il essaie d'affron­ cile de l'autre. Par son ampleur et errance. Toutes proportions gar­ cela n'est-il pas arrivé pour me sur l'écran de la télévision et sur ter le cadavre de son père. « La par sa densité même, le discours dées, cette comparaison s'appli­ faire sombrer dans un gouffre les pages des revues. Mais cette mort est insensée, elle est en interspatial de Stéphane Santerres que à toute écriture de l'exil. d'écriture? Étais-je prédestiné à culture épidermique ne saurait dehors de nous », dit le narrateur. réussit à décrire l'équilibre instable m'impatienter d'abord et à m'in- À mi-chemin entre le éclipser le décentrement originel Oui, la mort est scandaleusement de la culpabilité. • témoignage-reportage et l'autoa- de la culture humaine, terrestre- arrogante surtout lorsqu'elle inter­ quiéter après coup ? » (p. 13). San­ nalyse, Emmène-moi au Canada ment différente et qui a partie liée vient à mille lieux de chez nous et terres répond à ces questions avec l'histoire chaque fois locale et lorsqu'elle frappe un être proche. inquiétantes. Son écriture est raconte une histoire limite. C'est la Wladimir Krysinski mort du père que le narrateur localisable en fonction des diffé­ Santerres s'autoanalyse face à cette remarquablement fragmentaire. 11 Polyglotte et chef du département de lit­ cerne a posteriori par une écriture rentes violences qui l'ont engen­ mort, tout en lui portant une découvre des milliers de kilomè­ térature comparée de l'Université de paradoxale. L'énonciateur, car c'est drée. Le récit de la mort du père attention redoublée. Par là même, tres de cette Hongrie qui l'a fait Montréal, il est responsable de la section ainsi qu'il se désigne, « se laisse de tout un chacun ne peut se faire il reproduit l'être vivant de son jadis, les ordres symboliques théâtre. Ce spécialiste du roman français père. Il redécouvre la tendresse et décentrés qui le composent ici- contemporain a publié plusieurs oeuvres situer entre le romancier, l'es­ que par l'évocation des ordres de créations dont Formolropie. Il est sayiste et le poète ». Son écriture symboliques, donc des violences l'amour, le remords et la culpabi­ même, maintenant. Il repense et membre du comité de rédaction. est paradoxale, symbiose de ten­ qui sous-tendent le monde lité, mais aussi découvre-t-il son redit sa déterritorialisation ce qui dresse, de distance et de culpabi­ humain localisable chaque fois lieu, sa position sur la carte du rend son écriture particulièrement lité. Elle est aussi paradoxale, car il dans un lieu différent. monde qui l'a, dira-t-il, pro­ intense. Car la chimie de la culpa­ cherche à poser un geste créateur grammé. Ce n'est pas une position bilité a partie liée avec l'espace. Le Cosmopolite et citoyen du qui serait un acte culturel. Oui, facile. Être né et grandir là-bas, récit de Santerres c'est le travail du I. Emmin«-moi au Canada, Sté­ monde, le narrateur de ce roman semble vouloir dire Santerres, vivre ici. Exorciser la mort du père deuil et de la remémoration, mais phane Santerres, Humanitas, Nouvelle Opti­ n'en est pas moins attaché, rivé à que, 1987

    n° 15, hiver 1987-88 LETTRE

    LES INTELLECTUELS ET L'HISTOIRE MORT DE MAIAKOVSKI, C. Cattoriedit. F. Furet. E. Fried RETOUR DE JlVAGO S Herbert, D Howard, L. Kolakowski W. Wlrpeu PHOTOGRAPHIES ETTORE SOTTSASS D S Llkhalcnev. V.V. Polonekaia VINGT SONNETS L'ARTISTE ET SON MATERIAU D'ARCHITECTURE MEUBLES POUR LE RITUEL J. Brodekl C. Abaluta. A. Bamett. J. Berger, P. Bruckner, DE LA VIE F. El Guedj. E. Hobebawm. A. Merencln. A. Mledzyrieckl. DE MCKIM MEAD & WHITE THEMES JUIFS D. Taurka, M. Toumler. M. Verge» Lion D. Aibehen. R. Ertel. I. Howe 14 AVRIL AU 29 MAI JUSQUAU 3 AVRIL I. Kauenelaon. H. Meechonnlc. P Morand, Primo Levi M. D|ilii. A. Heller C. Reinikolt, P. Roth, 0 Schelnert. E. Konak, T. Todorov W. Szymborek*, i wet. A. Zagafewekl Château Dufresne Collection Permanente — iî Si û> len 35F Musée des arts décoratifs Collection Liliane et David M. Stewart, " BULLETIN D'ABONNEMENT de Montréal DESIGN INTERNATIONAL NOM PRENOM Pie IX et Sherbrooke Service éducatif ADRESSE I (Métro Pie IX) visites commentées

    ABONNEMENT ANNUEL FRANCE 120 f O ETRANGER MO F D Du mercredi au dimanche aux groupes A PARTIR DU N-.... de 11 h à 17 h .{A .$• i •_«•„< **> / REGLEMENT conférence sur l'histoire !-£JaC*4T-i .&&. -S" •? u*- LETTRE INTERNATIONALE. 1416. rue des PelittHô

    HE DOMINANT FORM in Quebec writing to impose some pretty stringent limits on how wri­ muet de son enfance. seemTs to be th e novella, or short novel, 60,80, or 120 ting can get involved in the world. pages long. The form belongs more to the Anglo- Though no writer should be blamed for his or Saxon than the French literary tradition. But with its her cover, the cover of the first published work by Sauront-ils enfin wavering between the short story —with its insis­ José Frechette, Le père de Lisa, gees a long way tence on the epiphany and the emotional moment— toward defining what is inside. There is Laura Ashley- and the novel, with its connection to history and nar­ type wallpaper before which stands the pristine se parler? rative order, it seems to be a good choice for a litera­ white frame of a vanity or bed backboard, and supe­ ture which is moving from high self-consciousness rimposed on it all is a colour snapshot of a pretty and interiority into the social world. In others words, little girl and her handsome Italianate father. This the novella is perfectly suited for québécois literature short novel is of a type we would expect to see seria­ as it stands today. lized in Mademoiselle or some similar young Both these novellas are first works of fiction, women's magazine. The tone is talky, light, frivolous. though Jacques Marchand is no novice to the pen. He There are plenty of details about clothing and interior wrote a book on Claude Gauvreau and created a decoration. And just enough tragedy at the end to let radio series for Radio-Canada about English-Canadian you know this is a serious work. pcetry. It's no surprise, then, that his book Le premier One day in a crowded bus, the young woman mouvement displays professional mastery over lan­ narrator meets a certain Lisa Di Bello Sbarba. The guage and material. Marchand is an able describer of schoolgirl wins the older woman's heart (she's in her scenes. His descriptions of the sea, for example, are twenties, by all indications) by her sense of the remarkable in their ability to isolate a small detail absurd, her humour and her insouciance. Young Lisa from such a grandiose subject matter. abducts the older woman into her life ; the later beco­ The plot of Le premier mouvement is sketchy. It mes the former's willing hostage. The narrator is revolves around the troubled relationship between taken on a guided tour of Litde Italy, via Lisa's family, two brothers and their mutual desire for flight (from with its baroque "bad taste", its black-clad grandmo­ women, from the family dynamic, from themselves), thers, its loud bands playing Funiculi. Funicula. though for apparently different reasons. The book is The real "love interest", as they say in sentimen­ built on two levels of flash-backs, a technique that tal literature, is not Lisa, but Lisa's father. He is mar­ can become irritating because of its programmatic, ried but —hope springs eternal— his wife seems to predictable nature. The narrator is living in Florida, in have left him and retreated back to Italy. The narrator self-imposed exile, when he receives news that his is a patient type, especially at a family fiesta, during turbulent and not always law-abiding brother Marc which she watches the father toy with the crude intends to visit him. He remembers an earlier trip charms of some local big-bosomed siren. down the East coast of the United States four years Finally, late that night, Lisa's father takes her to earlier, during which time Marc was accompanied by bed after Lisa has been tucked in. It turns out to be a a woman named Gabrielle. These are painful memo­ one-night stand —until the narrator reads in a six-day- ries, since Marc was the active partner and the narra­ old newspaper that Lisa was struck by a city bus and tor the passive, waiting brother. Much of the book is killed. She gees to comfort the father, but they have concerned with this zigzag down the coast, with little to say to one another. They eat something in a Marc's disappearances, returns, mood swings, etc., snackbar ; the narrator tells him he should start all recorded assiduously by his brother's keen observa­ over again and make another daughter. But he is too tional powers. At this point a second level of flash­ bereaved or too stoic to take the hint, and the book back enters : the narrator remembers scenes from ends there. their childhood : the burning of an abandoned house, for example. These scenes serve to comment Le père de Lisa suffers from a marketing pro­ on the brothers' current relationship. At the book's blem. The tone of its writing and its cover fall into end, the two temporal levels almost merge. Marc is the category of the juvenile novel —novels for young arrested (fingering his brother as accessory to his women in their early teenage years. However, in most unnamed crimes), and the narrator awaits Marc in the stores, the book is placed alongside other adult somewhat seedy Florida resort where he works and novels, which is a form of unfair competition. The lives. author is a capable writer, but this is hardly the stuff of novels for those of us who live in the age of The mastery of language and description of pla­ irony. D ces is impressive in this first work. His ability to set the scene is the fruit of full control over his material. David Homcl But Marchand uses the well-worn themes of flight He was born and raised in Chicago, and now works in Montreal as a freelance writer and translator His first novel will be publis­ and observation (the narrator as all-observing eye), hed this fall. and they trip him up. A character who is defined by his desire for flight can only go so far ; unless psycho­ logical depth is added to this common ailment of our age, the character will soon become unidimensional. And at times 1 found myself yearning for characters who get involved, rather than observe. To say that 1. Le Premier Mouvement, de Jacques Marchand, L'Hexa­ gone 1987 observation is the definitive metaphor for writing is 2. Le Père de Usa, José Frechette, Quinze 1987 BOREAL FICTION

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    Elettra Bedon

    NA VICENDA SURREALE, raccontava Pierre sfuggente. Gli mancano gli occhiali, perô.) agli amici. L'incontro a Redpath Circle era finiio prima — Non posso ancora provarlo, rispondeva un u altro, più agile ed elegante. del previsio, e mancava quasi un'ora all'appuntamento per l'intervista. Pierre decise di portarsi in zona, — Ma posso dimostrarlo per esclusione. E' un intanto. Parcheggiô su Metcalfe, quasi all'angolo con ragionamento logico. In ciascuna délie nostre cellule De Maisonneuve ; lasciata l'auto giro a destra e, dopo ci sono questi granuli — le fabbriche di energia — pochi passi, si trovô nel parco di Westmount. ma nello sperma sono ragruppati nella cosiddetta Era il primo pomeriggio, all'inizio di novembre. "coda", che cade quando la "testa" pénétra nell'ovulo. Il parco era quasi deserto : una coppia anziana, a Ergo, il "messaggio" per riprodurli, in ogni essere braccctto, camminava lentamente sullerba, mettendo vivente viene esclusivamente dalla cellula sessuale con precauzione un piede davanti all'altro ; una gio- femminile. vane donna spingeva un carrozzino. Il professore sembrava chiaramente scccato. Pierre si sedette su una panchina, volgendo la — Dimostrare per esclusione !, diceva. schiena all'ingresso del parco ; allargô le braccia sulla — Non è affatto un ragionamento scientifico. spalliera, scivolô un po' in avanti, incrociando i piedi. Non tiene conto délie variabili, délie... Non era freddo. Il cielo era grigio; nessun Anche Pierre era seccato. Benché femminista, rumore vcniva dal traffico délia Sherbrooke, pur cosi l'idea che il gene maschile, che pure era insostituibile vicina — si sentiva soltanto, di tanto in tanto, un Irus- nel contribuire ad iniziare la vita, non contasse asso- cio di ruote, ail passaggio di qualcuno sulla pista cicla- lutamente niente quando si trattava di mantenerla, bile. poichc non trasmetteva le "qualità" che avrebbero Pierre udi délie voci, dietro di se. All'inizio erano permesso di produrre energia, toccava il suo orgo- indistinte, poi colse una parola : mitocondrio. glio. Sorrise tra se, all'ondata di ricordi che questa sola Si alzô di scatto, si diresse verso i gabbiani. Aveva parola suscitava. I tempi del liceo, le lezioni di biolo- dimenticato completamente con chi aveva a che fare. gia, le curve generose di Luisa, ch'egli aiutava nei — Lei ha perfettamente ragione, professore, compiti... La definizione di mitocondrio gli tornava disse. alla mente, nitida e précisa, corne avesse sonnée - I gabbiani indietreggiarono leggermente, saltel- chiato per tutti quegli anni in qualche parte del suo lando, guardandolo con occhi stolidi, le teste picgate cervello, pronta a saltar fuori alla prima occasione. da un lato. Pierre fece un altro passo e i gabbiani si "Mitocondrio, ciascuno dei granuli, capaci di utiliz- Reproduction J,' allontanarono stridendo, svolazzando a mezz'aria, e zare ossigeno, presenti in tutte le cellule..." andarono ad assembrarsi più in là. C'era stato un tempo in cui era stato attratto dalla Nessuno degli amici, naturalmente, diede credito biologia, dalla possibilità di studiare ciô che avviene a Pierre. Pensammo che l'aria di novembre — d'œuvres d'art nell'infinitamente piccolo. Il mondo da scoprire, novembre a Montréal — gli avesse dato alla testa. allora, era stato la cellula, e le funzioni del mitocon­ (Novembre : l'aria umida e tiepida, l'aria frizzante drio lo avevano per un po' affascinato. e trasparente, i bruscoli di ghiaccio che imbiancano Si giro sulla panchina, incuriosito, ma non vide le crêpe dell'asfalto, il vento che solleva le foglie nessuno. Sconcertato, si guardo intorno : la giovane ammucchiate ai lati dei viali, che spinge per la Sainte- donna era uscita dal parco, anche la coppia anziana si Catherine, insieme ai passanti, le note dei concerti del iMPfîCT era allontanata. Più in là. a zampettare sullerba, pomeriggio, uscite dalla sala Tudor di Ogilvy, le tes- c'erano solo alcuni gabbiani, le piume gonfle, i bccchi sere luminose nei grattacieli, scuri contro il cielo di LABORATOIRE PHOTOGRAPHIQUE apcrti, corne in piena discussione. notte, i colori che cominciano a sbiadire.) 386. LEMOYNE. MONTRÉAL Una vicenda surreale, ripeteva Pierre. Neanch'io gli ho creduto, beninteso. Ma quando QUÉBEC H2Y IYJ Eppurc non c'erano dubbi, erano i gabbiani a in un parco vedo assembrati dei gabbiani... D (SU) 845-9729 discutere ad alta voce. Elettra Bedon — Non puoi dimostrarlo, si accalorava uno, più Née à Padoue, elle vit à Montréal depuis quatre ans. Collabora­ grosso degli altri. (Il mio professore, notô Pierre. Lo trice régulière de Vice Versa, elle a souvent écrit pour la jeu­ m* stesso ciuffo bianco sulla Ironie, il nasi > forte, il mcnto nesse en Italie. POESIE

    Giose Rimanelli

    OLOciii È LONTANO conoscc la pena di non essere vicino. E ciô si applica all'amore. L'amore puô essere carnale o mistico, amicizia o intellettuale conoscenza, partecipazione in progretti altruistici o richiamo di aiuio. E Il'amore si mostra specie quando è mostrato. Il mio amore per il Molise ha sapore di fuga e ritorno, smemoratezza e riconciliazone. So che affonda nella terra, nei suoi fiumi, nel sarcasmo che mi saluta, nel sorriso che m'invade, la stretta di mano sul crocevia. Il mio amore è il fanciullo che è partito ed è l'uomo che ha inventato il "mito Molise" per potersi risciacquare nei suoi fiumi. Il mio amore è un ritratio aniico.

    Anna Maria di Tommaso andata Sposa in casa dei Loreto : Braccia tese sul Biferno, Cuardialfiera- Casacalenda, Bacia aniico, comunione, corne santa alla parete, Muta voce nel profondo, èl'eterrto che discende.

    Campi arati, collina e spiga : il sarigue si rapprende In un gomilo di mondo. e I amore è la sapienza Che bai portato intalto nel segreto dei tuai parmi scuri. Ma dura ancora l'eco, il riso sgranellalo nelle siepe, L'atlesa, lapazienza, il quieto ragionare dell arcano Nell bcchiata assorta. e il pallida rimbalzare Nei minuti d afa i giorni gli anni (ifigli. grano e fiele), E lefiumare demigranti. il venta e il canto, i mûri Biancbi di memoria nella fotgorata luce del tuo tempo.

    Anna Maria di Tommaso andata sposa in casa dei Loreto : Seipasso e sogno, orme spente nel rimpianto.

    Il giorno è marmo : si spacca il seme nel cbiuso alito Di polline di miele nel vespro che si avanza Sul pesante crespo dei tandaggi lisi ora. Nelle albe nei tramonti un pu rabbrividiti Dal borbottare rauco delfiume sotto casa.

    Su quell ansia che ancora vagola corne foglia corne lutta Sul tuo viso di cera di santuario che non prerede grazia Fuori del rilornare di stagioni e anni con lo stesso palpita.

    Anna Maria di Tommaso andata sposa in casa dei Loreto : Seil la terra abbandonata e préserva ta. dévasta ta Sopra Dali dssenza dal rimorso. sentiero largo. riscoperta, Araediga, ombra lunga nel pensiera. urna d aria Nella stravolta immagine di partenze di ritorni. un ritratto antico Il mio amore è quesio ragionare di frammcnti, di spasimi e albe ancora intrise di scirocco sulle vie. Quests nostre vie che pariono e ritornano, un caro- sello insano nell'insana ansia di ritrovarc l'amore, D di donna Glose Rimanelli Né dans le Molise, eel écrivain a publie" plusieurs romans en Ha­ lle dont Molise Molise avant de i holsir l'anglais comme autre langue d'expression. Il est directeur du département d'Études Maliennes ei Espagnoles a l'Universitéd'Albany molisana • «• a» %% MUSIQUE G r-3 > FRONT 242 Les nouveaux guerriers du techno-pop Une analyse percutante d'un phénomène rock en pleine ascension f2 /, Christian Roy ^

    NE RELÈVE BELGE est montée sur la brè­ che ouverte dans les positions avancées du nihilisme Z contemporain par les groupes electro-beat hard de la nouvelle vague allemande du tournant des années 80, dont Kraftwerk et D.A.F. furent les fers de lance. Si dans cette phalange on peut déjà distinguer l'aspirant I A Split Second de Gand (dont le premier album Bal­ listic Statues est sorti en 1987) et la compagnie des u hétéronymes d'à ;GRUMH... (theee Rebearth Corpo­ ration, nEGAPADRES 33, POLARPRAXIS et tout le T- Circle de Charleroi), sans parler du groupe de perfor­ J i mance D-EXPACE, un leader incontesté se détache du peloton : Front 242. Le groupe formé en 1981 à Bruxelles par les collagistes audio-visuels Dirk Bergen (qui le quitta bientôt) et Daniel B. Prosthèse, d'abord armé d'une guitare et deux batteries de synthétiseurs, reçut plus tard les renforts d'une troisième avec Patrick Codenys, appuyé par les voix de Jean-Luc de Meyer et Richard 23 ; aussi Daniel B. se retira-t-il der­ rière la table de mixage pour la production de 3 albums (outre quelques 45 tours et mini-albums) : Geography (1982), abondant échantillonnage d'une expérimentation sonore riche mais dense, A'o Com­ ment (1984), qui visait un public plus large, et Officiai Version (1987), qui l'atteignit, imposant ses rythmes démentiels sur les pistes de danse branchées.

    Guerriers urbains r\y fMMe is Mais avec Front 242, le disque, médium de recherche, est une chose, et la scène en est une autre ; JOSBPH KHRL. soit, en l'occurrence, un champ de bataille. Les mem­ bres du groupe, accoutrés d'une panoplie belliqueuse d'accessoires militaires et sportifs, le regard masqué par des lunettes noires, clament dans le micro de cas­ R«*tf • ' oc tfcT ENJoy ques d'écoute comme en ont les équipages de tanks des slogans sur une scène tendue de filets de camou­ flage que balaient des lumières violentes. Le specta­ abordé le thème du guerrier urbain ne pouvant plus monde où « the slightess confusion could be a lethal teur est ainsi jeté aux premières lignes de quelque compter que sur ses propres moyens, illustré par cer­ one », (« Slaughter », sur Official Version). En effet, conflit technologique de fin du monde, où l'homme tains des films cités. « danger can come from anywhere », comme le souf­ ne compte plus. Il n'est plus qu'un rouage désarticulé On peut retrouver dans ceux-ci tous les éléments fle une voix blanche dans « Commando », la chanson de la machine célibataire, qu'il se batte avec ou con­ de l'imagerie dont Front 242 se sert pour créer un de A'o Comment qui évoque le plus clairement le tre elle. même climat de tension et d'angoisse. C'est d'abord sens de l'infinie précarité de l'existence individuelle Ces lansquenets hi-tech savent en effet camper l'orchestration de cycles rythmiques fermés et répé­ qui sous-tend toute la production de Front 242. Elle une atmosphère, c'est-à-dire projeter une image, titifs, d'un effet tout-à-fait robotique qui fait venir à met superbement en scène quelque situation de comme au cinéma, où ils trouvent d'ailleurs une de l'esprit des scènes de Terminator, évoquant tour à guerrilla urbaine où, sur la basse continue de pulsa­ leurs principales sources d'inspiration. C'est plus par­ tour selon l'intensité des cadences une usine automa­ tions sourdes qu'on imagine issues d'un générateur à ticulièrement le cas d'un certain genre de film qui tisée ou quelque terrifiant engin de destruction, dans haut voltage pouvant à tout moment libérer une reflète tout un pan de la sensibilité de cette fin de siè­ des paysages sonores remplis d'échos crissants et de décharge mortelle, se détachent outre l'habituelle bat­ cle : soit celui où apparaissent des héros solitaires pris mouvements brusques, industriels. Ce sont aussi les terie de rythmes mécaniques entrant tour à tour en dans un combat sans merci pour la survie dans un allusions ouvertes (« the way the morning broke was jeu, des communications militaires soulignant l'immi­ monde apocalyptique (pre- ou post-, cela importe quite unusual » —Official Version) ou cryptiques nence du péril (« This is an emergency »), mais trai­ peu) dominé par la technique à l'état sauvage, qu'ils (« he never expected such a lovely day (...) it will tées répétitivement de façon à en évacuer toute con­ domestiqueront pour leur propre usage. On peut never never be like before » — No Comment) à la sonance humaine et à les faire se fondre dans la mentionner à cet égard les filmsd u Français Luc Bes- guerre atomique, avec leur hallucinant corollaire : mitraille sonore ambiante ; le plus effroyable toute­ son (Le dernier combat, Subway), de l'Australien une perspective d'extermination finale digne encore fois, ce sont les cris de rage et de terreur qui leur 20 George Miller (Mad Max 1, 2, 3), du Britannique Rid­ de Terminator, la descente dans un enfer « de métal répondent, et qui subissent le même sort. C'est non ley Scott (Alien, Blade Runner) et du Canadien James écrasé et d'eau sanglante » décrite dans « Don't seulement la voix du système technicien qui se perd Cameron (Terminator, Aliens). Tous participent d'un Crash » (sur le mini-album Endless Riddance de dans son propre vacarme, mais celle de l'homme qu'il état d'esprit dont les éditions Autrement ont docu­ 1983) : « Timeless terror is taking over —throbbing contrôle et qui y est absolument réduit à l'impuis­ menté l'émergence en 1985 dans un dossier intitulé hearts and restless bones are melted into one. » sance, car sa colère et sa peur, son aliénation, son Les Nouveaux Guerriers — France années 90 . la « Been detected, losing power », peut-on encore identité, circulent dans le même flux d'informations quête de la maîtrise de soi. Y était notamment entendre, car nous sommes ici traqués dans un sonores que les ordres de la mégamachine.

    3GS TtlJL X L'oppression et la révolte contre l'oppression se signe des temps — dans une chanson (« Sex situent sur le même plan dans le monde de la techni­ Object ») du dernier album de Kraftwerk, Electric que — soit l'unique plan des médias où ils sont pro­ Café (1986). jetés, pour n'y être plus que des effets de puissance, Mais s'il revient souvent chez Front 242, c'est dénués de tout autre sens que celui de l'absence de parfois sous une forme qui met en évidence certaines sens, purs signes du pouvoir. C'est ainsi qu'il faut possibilités libératrices qui lui seraient inhérentes. entendre le petit laïus présentant le leader de la révo­ « —It's up to you to decide ! » clame-t-on au début de lution libyenne à un congrès de peuples opprimés au l'effrayant battement de tôles d'« Agressiva » (Off. début de « Funkaddafi » (du mini-album Politics of Vers. ). En effet, c'est comme une impassibilité olym­ Pressure de 1984), où son nom n'est plus utilisé pienne qui perce dans « No Shuffle » (No Comment), ensuite que comme le matériau indéfiniment mani- où est décrite la progression implacable de quelque pulable d'un jeu sonore fondé sur le pur impact mission arctique sans objet précis, livrée à elle-même psycho-sensoriel du mot « kaddafi » induit par les « sous les cieux polaires où l'éclat du soleil, des cris­ médias dans la demi-conscience collective, et sans taux, les murailles de glace, tout semble si fragile » aucun égard à une quelconque signification. L'intro­ dans le silence brisé seulement par • les vagues gron­ duction à un discours de Youri Andropov subit le dantes de la mer polaire » ; ou pourtant, « going même traitement dans « Nomenklatura » (No Com­ ahead, but warm in the heart, you could find plea­ ment). sure, you could find displeasure. » Front 242 semble Tactiques déboucher ici sur cette sagesse guerrière dont la Front 242 se plait à ce genre d'allusions politi­ Bhagavad-Gita contient l'expression la plus pure (11, ques sans signification précise, qui lui attire parfois 38) : « Ayant reconnu comme égaux le plaisir et la l'animosité de geas qui sont encore dupes de quelque souffrance, le gain et la perte, la victoire et la défaite, idéologie, et qui le soupçonnent bien à tort de sous­ prépare-toi pour le combat ; ainsi tu ne commettras crire à « l'autre ». Non que Front 242 prétende déte­ pas de péché. » Il ne s'agit plus que d'être toujours nir une quelconque vérité qui le place au-dessus des prêt pour le combat — « kampfbereit », comme dans idéologies ; bien au contraire, visant à générer des sti­ la chanson en allemand de Geography qui porte ce mulations esthétiques chez l'homme post-moderne, titre, et dont le narrateur contemple Berlin en flam­ il se met tout naturellement à l'école des médias, prin­ mes, des grenades à la main. On l'imagine volontiers cipal vecteur et intime négation de toutes idéologies dans cette stance de combat adoptée par les membres confondues. Il tire d'eux par le sampling sonore dont de Front 242 sur scène, et que plusieurs des chansons il est virtuose une substance riche en effets de recon­ du groupe appellent implicitement (<• Commando ») naissance et de texture, qu'il traite électroniquement ou expressément (« Steadfast ! » revenant comme un en jouant à la fois sur ces deux tableaux du sens eva­ refrain dans « Don 't Crash »). nescent et de la sensation insidieuse, révélant ainsi leur secrète contiguïté. De même, suivant en ceci La voix du Maître l'exemple des techniques de publicité et de propa­ Ne vivons-nous pas dans un monde où la révolte gande, il accorde moins d'importance au contenu des de l'être humain contre l'aliénation techniciste est paroles des chansons qu'à l'effet de certains éléments elle-même une fonction de la technique, puisqu'il n'y qui ressortent comme des slogans. C'est ainsi que, a plus d'être qu'en elle ? C'est ce que laisse entendre dans des chansons aux paroles incohérentes ou au la voix inquiétante qui pérore souverainement dans thème littéraire anodin, qui sur une autre musique « Red Team » — sans doute celle du Maître qui pourraient même parfois passer pour des chansons annonçait au début de « Master Hit » (O.V.) -. « You d'amour, se détachent des bouts de phrase qui don­ know me, and I sure know you —everyone ! » (On nent l'impression — confirmée par la musique et des songe au Superman de Laurie Anderson, autre figure échos de communications militaires — qu'il s'agit en du Pouvoir omniscient qui habite la technique.) • I fait d'un moment critique dans une bataille. Ce pen­ am the next stage », affirme-t-elle ici. « Death can take chant pour l'imagerie militaire qui caractérise le a thousand faces ; they all look familiar to me. I live in groupe ne se veut d'ailleurs lui-même qu'un reflet de a world of paradox. My willingness to destroy is your l'époque, comme l'a dit Daniel B. dans une interview chance for improvement. My hate is your fate. My fai­ accordée au magazine Now de Toronto lors de la der­ lure is your victory. A victory that won't last. » nière tournée nord-américaine du groupe en octobre 1987 (qui l'amena notamment au Spectrum) : « It's Ce défi est donc en même temps un piège, puis­ always images coming from TV, images of war, sports que la maîtrise de la technique présuppose la techni­ and so on. The look we got, it's just a reflection of que de cette maîtrise ; juste quand nous la croyions that, a mix between army suits and sports suits. » sur le point de relâcher son étreinte, elle incarne en nous, ou bien elle défaille vraiment et nous entraîne dans sa chute. Ayant invoqué contre elle des « forces Il y a chez Front 242 une conscience de la con­ from which I can't recoil » (« Slaughter ») et qui sont fluence de la logique militaire et de celle de la télévi­ les siennes mêmes, il serait bien vain de penser se sion à laquelle le contexte belge n'est peut-être pas soustraire à son emprise. C'est que comme disait Ber­ étranger. En effet, Jean-Luc de Meyer a dit dans une nanos. le Prince de ce monde » est dans le regard qui interview accordée à L'Oeil Rechargeable l'été der­ le brave, il est dans la bouche qui le nie. » Prétendre nier pour son spécial Belgique, que la vision du utiliser son langage — une technicité inhumaine — monde charriée par le groupe a été inspirée dans une pour lancer des imprécations contre lui serait déri­ large mesure par le fait que les chaînes de télé de la soire ; les appels au soulèvement qui parsèment l'al­ plupart des pays d'Europe occidentale sont facile­ bum No Way Out d'à;GRUMH..., très proche de ment captées dans son pays. Or, dans l'indifférence Front 242 musicalement, n'échappent pas à ce ridi­ de tous les points de vue promue par une telle situa­ cule. Toute autre est la portée des violences verbales tion, de par la logique même de la télévision, son de Front 242 : gratuites, elles peuvent surgir n'im­ impératif de l'impact immédiat doit clairement res­ porte où pour enfler toute parole sans raison précise, sortir, et ce jamais mieux que dans les informations car elles ne sont que des jaillissements spontanés de de politique internationale, où ce sont précisément l'unique violence sous-jacente à tout l'environnement les situations militaires, régies par la même logique psycho-sensoriel de la post-modernité, focalisé par d'efficacité immédiate, qui se distinguent dans le flot Front 242 ; elles ne font que répercuter l'unique cri des informations. Le médium présuppose et génère de l'homme réduit à l'indifférence dans le flot des l'interchangeabilité de tout le réel dont ne se déta­ impressions médiatiques, cri charcuté, trituré, mani­ chent plus fugacement que le cliché et le spectacu­ pulé comme en faisant partie intégrante, cri d'impuis­ laire ; tandis que l'armée (comme le pouvoir dont elle sance — d'où sa véhémence —. « 1 know this anger est l'instrument) postule celle des hommes et des burning inside of you... », car il n'y a pas d'issue, tel choses considérés tout ensemble comme matériel est le hurlement de « No Shuffle » : THIS IS THE « expandable » (pour employer son jargon anglo- PLACE ! This is the only place, lui est-il calmement i saxon), et constitue elle-même ce qu'il y a de plus répondu. « Remember what they said : you've got to < spectaculaire à l'écran. go ahead. » Cette absurde marche forcée doit conti­ nuer, qui pousse l'humanité toujours plus avant dans Ce n'est pas pour rien que l'arme atomique et la la solitude glacée où la technique l'a engagée. Il ne télévision sont nées en même temps ; c'est dans un reste plus aux Nouveaux Guerriers qu'à l'assumer même mouvement que toutes deux transforment le sans aucune illusion, cette malédiction qui est aussi monde en une masse indifférente de données que la un défi, scandé en chœur a capella dans le cri rau- pression d'un bouton peut abolir « en moins de que qui prolonge - No Shuffle » : ALWAYS AHEAD ! temps qu'il n'en faut pour le dire ». comme dans la Car n'atteignons-nous pas ici leur terre promise, cou­ chanson « Quite Unusual » où le narrateur, témoin verte de la glace qui est le paradis des bons danseurs de l'holocauste nucléaire, ne preftd pas même la selon Nietzsche, I'Hyperborée dont il rêvait ? • Par- peine de se réveiller, car « this was no concern of delà le nord, la glace, la mort — notre Vie. notre mine » ; « and I felt like being numbed, and 1 felt like Bonheur. • • mesmerized ». Dans ce cauchemar qui évoque encore « Rerun Time », tout est « just entertain­ ment » : « you say yes, you say no, remain indifferent. Christian Roy I'm so scared, I'm prepared, it makes no difference. » Collaborateur régulier de Vice Versa, il étudie l'histoire des Ce discours de l'équivalence des alternatives dans le idées a l'Université McGill. Ce germaniste se trouve présente­ monde de la technique se retrouve également — ment en voyage d'étude en France.

    »—f // CINÉMA Good Morning Babylonia

    Une entrevue exhaustive avec les frères les plus célèbres du cinéma italien Buongiorno Taviani Anna Gural-Migdal, Alfredo Romano

    Anna Gural-Migdal : Le titre de votre dernier jouer pleinement son imagination ! Si l'homme per­ pratiquant leur art, ils ont non seulement préservé la film, « Good Morning Babylonia », indique à lui seul dait le contrôle de cette technologie et se laissait diri­ splendeur du passé mais ils ont aussi contribué à la un thème qui traverse l'ensemble de votre œuvre ; ger par elle, la vie serait impossible ! Par sa volonté de création d'un medium qui symbolise tout le futur de celui de la lutte avec le passé comme tradition et avec célébrer la force créative de l'homme, « Good mor­ l'homme. Ces immigrants ont le privilège de pouvoir le futur comme invention. Est-ce dans cette tension ning Babylonia » rejoint une préoccupation thémati­ conjuguer le nouveau et l'ancien ; c'est là une de leurs vitale que vous envisagez le destin de l'homme ? que qui parcourt l'ensemble de notre œuvre. Comme forces. Vittorio : Pourquoi « Babylonia » ? Parce que Rossellini avait coutume de le dire, nous pensons que Paolo : À l'étranger, il y a souvent une image notre film s'inspire d'un des épisodes de « Intole­ « la vie est bonne, même s'il est souvent tragique de négative des immigrants italiens, ne serait-ce que rance » de Griffith, qui se déroulait vivre ». parce qu'on les associe au phénomène de la Mafia. justement à Babylone. Baby lone, c'est W. : Pourquoi avoir choisi de représenter les Nous, en tant que cinéastes, nous avons pris plaisir à concrètement le décor que nous espérances futures par l'Amérique hollywoodienne ? brosser un tout autre portrait de ces immigrants, ce sommes en train de construire pour Est-ce parce qu'elle a longtemps été dans l'imagina­ qui a malencontreusement été interprété comme un les besoins du film ; mais c'est aussi, tion populaire, l'incarnation du mythe de l'utopie? besoin de les magnifier. Il est tout de même plus réa­ quand on parle communément de Paolo : Je pourrais vous résumer les propos liste de montrer les Italiens comme des gens qui tra­ cinéma, le symbole de Hollywood en amusants qu'un grand scénariste, Ennio Flaiano, avait vaillent dur que comme des mafiosi ! 11 est évident tant que cité de la corruption, du mal. l'habitude d'exprimer lorsqu'on lui demandait ce qu'ils peuvent commettre des fautes mais ils sont du chaos. Nous, nous ne sommes pas qu'était le cinéma. Il considérait le septième art aussi en mesure, grâce à leur talent d'artistes, d'arti­ d'accord avec ce lieu commun car comme un mélange de peinture, de musique, de lit­ sans, d'ouvriers, de contribuer à la construction et à nous pensons que Babylone/Holly- térature, quelque chose comme une mosaïque à l'enrichissement de leur pays d'adoption. wood offre de nouveaux horizons à l'image de l'Amérique qui s'est formée avec les hom­ W. : Le rapport fraternel qu'entretiennent la créativité artisanale de l'homme. Alors notre mes que l'Europe refusait de garder en son giron. Nicola et Andrea, a souvent été associé métaphori­ « Good Morning Babylonia > signifie aussi « Good Contraints d'émigrer par la force des choses, ces quement à votre propre relation d'artistes. Dans votre morning cinema » : nous donnons un coup de cha­ hommes ont construit le pays le plus original et le film, en dépit de la prescription paternelle, les deux peau au Hollywood des années 1913/1914, nous plus révolutionnaire de tous les temps : l'Amérique. frères deviendront deux individus vivant des expé­ saluons la naissance du cinéma. Cela veut dire que De cette Amérique désormais accessible grâce aux riences différentes. N'est-ce pas là une volonté de nous avons foi en ce que l'homme peut construire de moyens de communication très développés, il ne démystifier le mythe courant des Taviani ? ses mains propres grâce à une longue tradition cultu­ nous reste plus que le mythe. Il en va de même pour relle héritée du passé. Ce patrimoine doit être pré­ Paolo : Nous disons que notre film n'est pas le cinéma que je considère comme l'invention la plus autobiographique mais nous admettons qu'il pourrait servé tout en prenant de nouvelles dimensions. De extraordinaire de notre siècle. Pour moi, la magie du nos jours, le génie artisanal ne se limite pas à la restau­ l'être par certains aspects. Le père dit à Nicola et cinéma est dans ce paradoxe : c'est un art composite Andrea que leur force consiste à rester unis pour ration des cathédrales gothiques ; il se manifeste, par qui ne ressemble qu'à lui-même ! exemple, dans la construction des grands films. Le échapper au poids de la solitude et des coups durs cinéma donne aux artisans la possibilité de faire un W. : Vous insinuez donc que vos protagonistes, infligés par la vie. Or au début, les deux frères prépa­ travail collectif et de mettre en pratique l'enseigne­ en aidant à la construction de l'Amérique par le biais rent leur avenir ensemble mais la réalité de la vie finit ment de leurs ancêtres. Aujourd'hui peut-être, qui d'un nouveau medium, le cinéma, symbolisent en par les séparer et leur faire perdre leur assurance. sait, sans même nous en rendre compte, nous cons­ quelque sorte une déchéance humaine créatrice. Est- C'est comme pour Samson lorsque ses cheveux sont 22 truisons la culture pour les générations futures. Dans ce vraiment cela que vous nous suggérez à travers les coupés. Mais paradoxalement, aucun des deux frères cette perspective, « Good morning Babylonia » va à propos d'Andréa qui dit à l'Américain désireux d'en­ ne peut arriver à trouver une méthode de travail indi­ rencontre de la croyance actuelle de notre société en traver sa réussite : « Je suis le fils du fils de Michelan­ viduelle, aucun des deux ne réussit à donner un sens la seule technologie, croyance qui relègue au second gelo ; et vous, de qui êtes-vous le fils ? » à sa vie. Et c'est là que la prophétie du père se réalise, lui qui par expérience sait combien les.choses de la plan l'habileté manuelle ou artistique de l'homme. Vittorio : Dans la conclusion de notre film, vie peuvent venir à bout de la volonté humaine. Cela ne signifie pas que nous n'accordons aucune quand les deux frères retournent en Italie et qu'ils Même s'il essaie de mettre ses filse n garde contre ce importance à la technologie car, selon nous, toutes les meurent par l'ironie du destin en face de la cathé­ danger, il ne peut pas prévoir les aléas du destin. En nouvelles découvertes de l'homme sont capitales, drale, ils se filment l'un l'autre. Pourquoi ? Parce qu'à face de la mort, on est toujours seul et impuissant. mais seulement lorsqu'elles lui permettent de faire travers le cinéma, ils pourront léguer à leurs enfants Mais il faut que la vie continue, qu'elle puise sa force leur passé glorieux de filsde s fils de Michelangelo. En dans ce qui n'est plus et ce qui sera. C'est là, comme composition en indiquant à Nicola Piovani la trame le montre nos films, tout son sens. musicale qui convenait le mieux à notre film ainsi Vittorio : Il est toujours possible de démystifier que les moments de la narration où celle-ci devait LE CINÉMA EST la notion de couple parfait à partir du moment où intervenir. En fait, nous réalisons des films qui sont chaque individu est sujet à d'éventuelles crises. Même autant des créations musicales que des créations dans les plus grands moments de succès, Paolo et visuelles. moi, sommes conscients que notre destin dépend W. : Paul Ricœur prétend que toute histoire est AUX ANGES ! des caprices de la fortune. fiction et que toute fiction est Histoire. Il nous sem­ Les ailes se portent courtes cette année. Qu'à cela ne tienne, Vice V.V. : Pourquoi avoir choisi de dépeindre une ble que ce principe s'applique à votre oeuvre où l'évé­ Versa a décidé de sortir ses vieilles ailes et de vous en donner relation à deux plutôt qu'à sept quand on sait que nement historique donne lieu à une représentation plein la vue ! Il m'a donc chargé de vous parler de films sans que cela aurait été possible, puisque le début de votre film fantastique de la mémoire. vous ayez à vous déplacer. À tout seigneur tout honneur com­ nous montre Nicola et Andrea en situation de conflit Vittorio : Nos maîtres, dont le principal avait avec leurs cinq frères qui sont artisans comme eux ? pour nom Rossellini, nous ont brillamment prouvé mençons par le plus ailé des cinéastes contemporains. Est-ce par manque d'espace narratif? qu'il était possible de faire revivre de cette façon des Vittorio : La réalité n'est jamais unidimension- événements réels. Lorsque, dans notre village et ses nelle ; elle est toujours pleine de contradictions. Les environs, nous faisions les repérages pour « La Notte deux frères s'entendent bien avec leur père mais ils di San Lorenzo ». nous avons eu l'occasion de discu­ sont en querelle avec leurs cinq autres frères. Vous ter avec des gens qui avaient vécu les événements de voyez, si l'homme n'était pas continuellement en l'été 44 ou qui en avaient entendu parler. Plusieurs butte à la réalité, il ne donnerait pas le meilleur de lui- personnes nous ont raconté la même histoire, mais même. Paolo et moi, quand nous faisons un film, d'une manière différente : ils embellissaient ou enlai­ sommes toujours aux prises avec nos limites person­ dissaient les faits selon leur imagination, de sorte que nelles. Comme le héros révolutionnaire de « San ceux-ci devenaient folkloriques. À ce moment-là, Michèle aveva un Gallo », nous sommes enfermés nous avons réalisé que dans la conscience populaire, dans les quatre murs de notre prison mentale et, l'été 44, malgré son importance, s'était transformé en parce qu'il n'y a pas de fenêtre dans notre cellule, mythe à partir duquel la communauté se prêtait au nous nous inventons un espace imaginaire. L'expé­ jeu de l'interprétation. Mais dans chacune de ces his­ rience du dépassement de soi n'est nulle autre qu'un toires racontées de manière différente, l'on retrouve moyen de mettre sa force créatrice à l'épreuve. un dénominateur commun : l'expression d'une âme collective, la nôtre. Et, dans « La Notte di San W. : Le mouvement narratif de vos films semble Lorenzo », c'est cette âme collective qui s'exprime par contenir des blocs dans lesquels la relation des per­ le biais d'une petite fille. sonnages atteint un paroxysme dramatique qui guide l'action. W. : L'imaginaire de vos personnages est péné­ Paolo : A chaque fois qu'on nous pose ce type tré d'une profonde religiosité que l'on perçoit à tra­ de question, nous nous sentons dans l'obligation de vers un symbolisme de la nature, des éléments : les défaire un tout, morceau par morceau, pour essayer étoiles, la lune, le vent, les cathédrales. d'en comprendre la signification. C'est un exercice Paolo : Nous avons été élevés dans la religion astreignant auquel nous nous refusons. Il est sûr que catholique, mais les réponses que l'Église donne à Les ailes du désir zézaie autour de lui. L'immobilisme et nous faisons des films pour mettre des idées en nos questions ne nous satisfont pas. Selon nous, ce Certainement le film le plus « écrit » et l'aphasie de « Sugar Daddy » Mas­ lumière, pour communiquer, de manière à ce que que l'homme fait et sait est infime en comparaison du le plus « allemand » de . troianni plaira à certains. Long et labo­ Le retour aux sources avec son vieux rieux. Pas de quoi faire son miel. d'autres puissent eux aussi, à leur façon, contribuer grand mystère de la nature, de l'univers. Nous complice Peter Handke. Un scénario à la création artistique. En même temps, nous som­ croyons en l'homme, en son habileté, en sa force, tout déroutant sur le désir des anges de s'in­ Barfly mes toujours étonnés par certaines interprétations se en ayant une conscience aiguë de ses limites, de sa carner, la solitude, l'amour, le choix, où L'univers de la robine « Bukovskienne » rapportant à notre cinéma. Nous nous demandons si petitesse, surtout en regard de ce qui lui reste à l'humour et les clins d'oeil ne sont pas à San Francisco. Mickey Rourke campe c'est cela en fait que nous avons voulu exprimer cons­ apprendre. Et cela, nous le traduisons dans une absents. « Bavardage » râlent certains. un écrivain alcolo et content de l'être ciemment ou inconsciemment. La critique est impor­ symbolique dont le sens vient du fait que l'homme Et si cet insignifiant ronron de conversa­ dans le « Barnum et Baily » de l'éthi- tante à nos yeux car elle nous fait hériter d'un patri­ soit mortel. tions constituait la véritable trame du lisme. Sang et coup de poings à satiété moine issu de notre travail. Mais il nous est impossi­ film ? Sa vérité cachée, « homéopathi­ Rempli de clichés et de folklore. Charles Vittorio : Avec ces symboles, l'homme n'est pas que » qui arracherait le cinéma de sa ble de répondre à certains commentaires, parce que seul ; il se reconnaît dans les autres. Le mystère nous Bukovsky (qui a écrit le scénario) n'est c'est un principe réducteur que de vouloir recons­ trop grande agitation. L'incommunicabi­ pas Villon. Mais Rourke est Rourke. Sa donne du courage et nos enfants en auront encore lité y trouve là une forme de résolution truire une idée originale. composition est inoubliable et fera plus que nous pour chercher toujours plus loin. et confirme l'héritage « antonionien » oublier la débilité du reste.Pay e Duna- V.V. : Pouvez-vous nous dire de quelle manière Comme le dit Dante, « nous frapperons à la porte du de Wenders. Bruno Ganz et Peter Falk way tire également son épingle du jeu. vous vous y prenez pour écrire un scénario. mystère pour essayer et comprendre ». C'est la mar­ sont remarquables. Cette babélique che en avant de l'homme qui ne saurait se contenter histoire de chute des anges ne manque Travaillez-vous ensemble comme vous le faites lors du pas d'élévation. Le dernier empereur tournage ? de ce qu'il a déjà. Dans cette perspective, je suis d'ac­ Ocre, carmin, ondoiement des drape­ Paolo : Notre relation de travail est plutôt uni­ cord avec vous : nos films, même s'ils ne se ratta­ ries, safran éblouissant le cœur secret que. Le rapport que nous entretenons en est un de chent à aucune religion spécifique, sont profondé­ L'Apiculteur de l'Empire du Milieu. H y a une certaine continuel dialogue, un dialogue dans lequel nous ment imprégnés d'un sens symbolique de la religio­ Encensé comme « l'un des meilleurs grandeur à décrire les fastes de la décadence ; mais encore faut-il que le nous engageons chaque matin, soit à la maison soit sité. films de l'année », l'apiculteur est aussi ennuyeux et prévisible qu'une... qu'une protagoniste principal du drame ait de en promenade. D'habitude, de ce dialogue émerge W. : Dans la conclusion presque surréelle de fleur butinée par une abeille, mieux par l'envergure. Yu Pin, le dernier empereur, une idée intéressante à partir de laquelle nous com­ » Good morning Babylonia », les deux frères récon­ un bourdon ! Mastroianni campe un n'en a pas. D'où cette impression de mençons à travailler. Mais c'est difficile de dire qui a cilient leurs différences et s'embrassent au pied de la vieux bourdon, pardon un taciturne api­ flottement. Bertolucci s'est pris pour Vis- eu l'idée en premier et quand. Par la suite, lorsque cathédrale qu'ils avaient restaurée. Cette réconcilia­ culteur qui, après le mariage de sa fille, conti. À voir... pour les tissus. nous entamons le travail d'écriture, nous nous tion finale est-elle un acte d'espoir ou de désespoir refait une dernière fois la route des flo­ face à la mort ? raisons. Il y rencontre une enfant-fleur Fulvio ( JUI.I Vittorio : Les deux, parce que je suis convaincu sous les traits de l'excitante et délurée Rédacteur en chef de Vice Versa, il a Nadia Mourouzi, hippie post-moderne. publié entre autre Scirucœ (Triptyque) et qu'il y a toujours une lueur d'espoir dans tout homme Mais la capiteuse fleur de macadam Sous le signe du Phénix (Guernica). qui a un sentiment d'appartenance à l'humanité. Ceux qui font partie de cette grande cathédrale, symbole de la communauté, sentent que leur mort ne met pas un terme à la vie. Par contre, si l'homme reste étran­ ger aux autres, il lui est impossible de léguer quelque chose de durable et de solide. La mort devient alors sa fin et celle du monde. Pour que la mort ne soit pas apocalyptique, il faut donc que chacun de nous vive à l'unisson avec le reste de l'humanité. • asseyons à la même table et écrivons les scènes, les Anna Gural-Migdal dialogues. Née en Pologne ei ayant vécu en France. Anna Gural-Migclal esr Vittorio : les prises de vue, les cadrages, en spécialiste du cinéma et prépare un doctorat sur la métaphore. somme l'image. Elle est membre du comité de rédaction et responsable de la V.V. : La trame sonore de vos films atteint un tel section « cinéma • niveau de perfection qu'on a l'impression que ceux-ci Alfa-do Romano Enseigne la théologie à l'Université de Toronto Membre de la reposent essentiellement sur une écriture musicale. revue torontoisc Gamut Paolo : Nous accordons une place de premier plan à la musique, et cela pour des raisons d'ordre \otc> 1. En définissant ainsi la technologie, les Taviani se rapprochent de sentimental. Lorsque nous étions enfants, notre père la conception que la Grèce antique avait de la • techné -, mot qui nous a inculqué l'amour de l'opéra. Certains metteurs peut se traduire par artisanat ou manipulation artistique. en scène comme Pasolini ont perçu des liens étroits 2. Nous remercions Mario Romano de son amicale participation à entre le cinéma et l'art figuratif, d'autres comme Vis- l.i realisation de cet entretien. conti, entre le cinéma et la littérature. En ce qui nous Filmographie de Paolo et Vittorio Taviani concerne, nous croyons que le cinéma est étroite­ 1962 Un Uornoda bradant (tfn Homme à brûler), co-réalisc avec ment lié à la musique, à sa structure, à son rythme, à Valentino Or-ini son harmonie. Nous nous sentons beaucoup plus 1964 / Fuorilfgge del Matrimonio [les Hors-Ut-Loi du mariage), co rcilisi. ave< Valentino Or.siin proches d'elle que de la littérature, car elle est une 196" : / Sorrersiri {Les Subrersifs) partie intrinsèque de la scène, au même titre que le 1969 : Sotto il Stgno dellu seor/none {Sous le signe du SCOTplOH) personnage. À cause de cela, nous voulons que la 1971 : San Michèle uiera un gallo [Saint Michel avait un COq) musique soit composée avant le tournage afin de 191 Allonsan/an [Allonsanfan) l'avoir toujours en tête lorsque nous filmons. Par 1977 : Padre padrone (Padn padrone) exemple, dans « Good Morning Babylonia », nous 1979 llPralo(UMl 1981 : la Nolle di sun Lorenzo U« Nuit de sun Lorenzo) avons utilisé « La Force du Destin » de Verdi avec une ]»si Kaos(Kao$) musique additionnelle dont nous avons guidé la 1986 Good morning Babylonia [(loud morning Babylonia) CINEMA That Old Forgotten War

    Bruno Ramirez

    IA GUERRE OUBLIÉE JS not headlines corroborating some of thLe kind of docudrama that will the political events treated in the leave you cold. Perhaps on film. account of its content, perhaps And then there is the fiction, because of the particular cinema­ to which Boutet resorts partly to tographic techniques employed, make up for the limitations of the this film is likely to produce diver­ existing visual material, but gent reactions among its viewers. mostly—it seems—to increase his If, as the title says, the First interpretative freedom, and to World War is a forgotten war, it is boost the esthetic quality of the certainly far from being an original film. topic for a historical documentary. The blending of documen­ Moreover, probably no other war tary and fiction is achieved has been so much universalized in through the use of popular songs. literature and in the arts as the In a previous award-winning film embodiment of self-inflicted tra­ La turlute des années dares (codi- gedy, if not as outright evidence of rected with Pascal Gélinas), Boutet the bankruptcy of modern civili­ had already used popular songs as zation. Evidently, the challenge for a way of letting ordinary quebe- filmmaker Richard Boutet lay not cers narrate their own experience so much in revealing new facts but of the Great Depression. In La in finding the narrative form that guerre oubliée Boutet resorts to a could best help present-day que- legendary character, La becers to reflect on an important Madelon—a sort of plebean singer chapter of their history. drawn from the French oral tradi­ tion of the Great War years. F.ffec- Some of the narrative devices tively played by the well-known employed are conventional : war rock singer Jce Bocan, La Madelon veterans who recount some of personifies the popular conscious­ their combat experiences ; archi­ ness vis-à-vis the war. The songs val film footage beautifully repro­ she sings, most of them anony- duced and edited; newspaper

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    |_. ..A. .LÏ-^-k |^„__•_ 7360, boulevard Newman nUllUDISG nrnn Ville LaSalle (Québec) H8N 1X2 in Téléphone (514) 364 0323 tions astrologiques ont été suffi­ ASTRES samment flexibles et ouvertes pour accueillir la « nouvelle pla­ nète ». Ce ne fut évidemment pas facile pour l'humanité d'entre­ prendre l'assimilation d'une pareille énergie. Comme l'a remar­ qué Isabel Hickey, « mankind always responds negatively to new energies before he learns to res­ pond positively to high forces ». Jusqu'à la découverte d'Ura­ nus, la maîtrise du Verseau était 1988 exclusivement l'affaire de Saturne. Puis, dans les années qui suivirent, les astrologues et médiums réalisè­ rent rapidement le degré élevé d'affinité qui existe entre Uranus et le signe de l'esprit libre et indé­ ou l'intronisation pendant qui veut tout connaître. L'ère de la science était né, et pen­ dant deux siècles, les Uraniens ' allaient majoritairement se lancer à la conquête de cet univers perçu comme étant « objectif ». Cette impulsion spécifique d'énergie créatrice que l'on appelle Uranus représente, dans la conscience de l'homme, la dimen­ sion supérieure de l'intelligence. Dans le langage astrologique, on dit qu'elle est l'« octave supérieure de Mercure ». C'est Uranus qui ouvre les portes à la connaissance des lois subtiles du cosmos et qui l'intègre dans chacune des cellules du système nerveux. Il anime en chacun de nous cette pulsion irré­ sistible à conquérir la plus totale des libertés en accédant aux états de conscience supérieurs. C'est lui qui nous fait refuser le dogme et les systèmes de pensée pour la prise de conscience individuelle. Car l'Uranien n'est pas un homme qui croit, mais un homme qui comprend.

    Saturne, quant à lui, confère la capacité à manifester ce qui est latent, à donner forme, à structu­ rer. Il est le maître du temps (Cro­ nos), le régisseur sérieux des épo­ ques et des cycles de la conscience collective. Sans lui, les plus beaux projets restent sur la table à « des­ seins ». « Au début était Ouranos (Uranus), le Cosmos, dont la créa­ tion était stérile faute d'être mani­ festée. Il fallait une force qui la matérialise, la fertilise de la semence du père. Ce fut Cronos qui la cerna dans la dimension du temps, y précipita Vénus pour en assurer la cohésion par l'amour, et confia à son fils Jupiter le soin de la délimiter dans l'Espace et d'y exercer le pouvoir des lois cosmi­ ques de la volonté divine. » (Irène Andrieu) Saturne est l'architecte de la matérialité qui ne demande pas mieux que de lever le voile de l'il­ lusion temporelle une fois l'être parvenu à maturité.

    La rencontre Or voilà que l'Ordinateur cos­ mique a prévu pour 1988 une très longue rencontre des deux maî­ tres du Verseau2, avec en surcroît une mise en scène assez inusitée. D'abord, il n'y aura pas qu'une seule conjonction mais trois (à cause du phénomène de rétrogra­ dation apparente pour les observa­ teurs terriens, les deux planètes effectueront des contacts en février, juin et octobre 1988). Et, très significativement, les trois conjonctions se produisent, à un degré près, en un point très sensi­ L EST GÉNÉRALEMENT RECONNU, ble de la roue zodiacale, soit le chez les astrologues, qu'une degré 28 du Sagittaire : ce point I planète n'est découverte forme, avec le degré 28 des qu'au moment où l'humanité est Gémeaux, un axe orienté vers le d'Uranus prête à en intégrer collectivement centre de notre galaxie. Ce degré le symbolisme. Avec l'entrée en Conjoncture astrale 28 du Sagittaire peut donc être scène de la formidable énergie considéré, relativement à notre libératrice d'Uranus, découverte position, comme un « Milieu de la en 1781, la rapidité du changement Galaxie » ou • Zénith galactique », allait devenir le dénominateur l'équivalent du • Milieu du Ciel » commun de toutes les cultures, pour l'astrologie horaire, c'est à Jean-Paul Lapointe principalement celles où les tradi­ dire un point d'universalité d'in­ fluence, ce « qui est vu et su de ARTS VISUELS tous ». ERRATA du no 21 C'est sur cette plate-forme galactique, au seuil du Capricorne, À,la page 26, Julie Gascon signe la photo du bas et son terrain de prédilection, que non celle du haut ; il en va de même pour la photo de Saturne vraisemblablement trans­ droite, à la page suivante. mettra à Uranus la régence des Qu'advient-il de l'atelier deux prochains millénaires, l'ère L'article L'ère du soupçon de Jacques Hassoun à la du Verseau. « Alors, Saturne ayant page 32 aurait du commencer ainsi : « les Amériques, cessé d'être la frontière du visible, de Brancusi ? mot magique qui a bercé une génération, des généra­ l'illusion du temps étant levée, tions entières. Un peu plus loin ; il fallait lire « frères vient le temps d'Uranus qui inter­ Moraves » et non « Moranes » de même que « Bald­ vient dans l'énergie saturnienne win à ses débuts » et non « débits » comme nous pour la transmuter. C'est l'expan­ l'écrivons malancontreusement. Une enquête a été sion de la conscience. • (Irène instituée. Andrieu)

    Janus L'article intitulée François Morelli en Transit d'Annie et Yves Chevrefils-Desbiolles comporte un Après ce premier contact, le paragraphe-pirate dans la première colonne de la Gardien du seuil (Saturne) précède page 41. Débutant par • Plus tard à Aima... » et se ter­ en douce Uranus sur le terrain du minant par « avec l'interdisciplinarité ». il vient court- dépouillement et de la rigueur, et circuiter le fil de la lecture. Par ailleurs, on aura com­ dès que ce dernier émet quelques pris que l'illustration de la page 40 est bien celle de hésitations, il revient en arrière l'une des oeuvres de François Morelli. Nous nous avec lui (début avril), comme pour excusons auprès des lecteurs, des auteurs et de le rassurer. Ce n'est évidemment l'artiste. pas facile pour Uranus de com­ mencer son règne dans la zone 7 capricornienne, la « sphère la plus Le titre de la chronique de Gloria Kearns à la page 4 dense de l'incarnation ». Mais, fort aurait du se lire ainsi : Love at Second Sight. heureusement, c'est aussi le domaine de Janus, celui qui ouvre Nell'articolo Veccbi e giovani di Franco Loriggio una les portes, qui facilite les départs, série di errori è venuta a funestare la lettura. Ce ne qui encourage les initiatives \ scusiamo con i lettori e con l'autore e teniamo a pre- C'est lui qui a accueilli Saturne cisare che il montatore e il correttore délie bozze lorsqu'il s'est retrouvé dans l'iner­ sono stati se%'eramente puniti. tie de la matière terrestre. Grâce à son regard tourné à la fois vers l'in­ Le texte L'Ours Gavamat de Marie-José Thériault térieur et l'extérieur, vers le passé aurait du porter comme sous-titre la mention : conte et le futur, Janus peut initier Ura­ inuit. Le glossaire en bas de page est par conséquent nus à la plénitude de l'ici- celui de la langue Inuit. Quant à la rubrique Lettres maintenant, à l'éblouissement du étrangères paraissant sur la même page, elle était des­ présent éternel. Il sera alors suffi­ tinée au volet « littérature ». samment préparé pour la rencon­ James Burstall et Ségolème de Chassy tre décisive de Neptune, le maître des grandes eaux universelles (Poissons), qui l'attend patiem­ ui N'EST PAS PASSÉ devant cette baraque délabrée qui se tient ment un peu en avant dans le devant le Centre Pompidou, entourée de déchets et de Capricorne (on en reparlera en Q bouteilles vides ? Les Parisiens l'ont surnommée « le 1992). pissoir de Pompidou ». Pendant un an. une affiche déchirée, lamen­ •IL! tablement scotchée sur la porte de cette baraque, indiquait les heu­ C'est autour de ce fameux res d'ouverture. Comment soupçonner qu'un tel édifice abrite la degré 28 "* que nos deux compè­ reconstitution de l'atelier de Constantin Brancusi ? Il contient sans res dialogueront tout l'été, fertili­ doute la plus exceptionnelle collection de sculptures de l'artiste qui sant et transmutant mutuellement existe au monde. Mais la porte est toujours fermée. leurs énergies ; puis, début sep­ En 1956, Brancusi légua le contenu de son atelier à l'État fran­ Shulim Rubin tembre, c'est un Uranus confiant et çais. Celui-ci comprenait des sculptures originales en bronze, mar­ architecte déterminé qui reprendra le che­ bre et bois, des maquettes en plâtre, des photographies et des meu­ fme min de l'intériorité dynamique, sti­ bles. 400. rue McGill. 5 étage. Montréal, mulé par la perspective d'établir La condition essentielle du testament exige que les centaines H2Y2G1 Tel 393-1862 (en Verseau. 1995) la jonction du de pièces offertes par l'artiste soient préservées ensemble et présen­ microcosme humain et du macro- tées au public dans une reconstitution minutieuse et authentique * cosme. de son atelier. Ayant reçu cette année du Ceci fut accompli trente ans après la mort de l'artiste. Rue Ram- curateur des âges les clés du Ver­ buteau, surplombant le parvis du Centre Beaubourg, un local mina­ seau épanoui, Uranus exercera ble est aménagé. Le public devrait avoir accès permanent à cette Wt jL ensuite avec une puissance accrue exposition, mais la porte reste close. La direction du Musée argu­ f . son rôle de fécondateur des mente de manière bien pauvre cette fermeture : manque de person­ esprits. Le Cosmos induit à travers nel pour cause de maladie et manque d'argent. Chose difficilement les cycles planétaires les vagues pardonnable lorsque l'on sait qu'il y a non-respect des clauses tes­ LIBRAIRlEOliVÏeri successives de l'évolution. tamentaires et qu'ainsi, de nombreux chefs d'œuvres sont en péril. L'homme en dispose librement En effet, la plupart des pièces sont endommagées par l'humidité et pour activer en lui le feu cosmique la poussière de l'atelier négligé. Ceci malgré les efforts très occasion­ qui permet de calciner les scories nels du gardien (c'est-à-dire lors d'une visite demandée sur rendez- de son expérience de l'espace- vous) qui, vous plantant devant la porte, essaie d'effectuer une temps, et de n'en conserver que rapide remise en état des lieux. les joyaux d'immortalité. A nous Pourtant l'intérieur de l'atelier est superbe dans sa simplicité de jouer. • spontanée. L'artiste vient de quitter la pièce. Ici un panorama com­ plet de l'œuvre de Brancusi est offert, depuis ses débuts jusqu'aux ARTS ET LETTRES ÉTRANGÈRES éf dernières créations. Grâce aux nombreux tirages en plâtre, la LA DÉCOUVERTE DES AMÉRIQUES démarche du sculpteur devient accessible, révélant des volumes 3527 RUE LACOMBE. MONTRÉAL H3T 1M2 TEL 739-3639 Jean-Paul Lapointc simplifiés de la « Muse endormie ». « Mademoiselle Pogany », « le Étudie l'histoire des religions à l'Univer­ sité McGill et pratique l'astrologie depuis Léda », « le Poisson » et « le Phoque ». Jean Arp commenta : dix ans. « Mademoiselle Pogany est la féerique grand-mère de la sculpture WMMA r^A abstraite ». Notes Dans le legs de Brancusi se trouve une série inestimable de 1. Ceux qui ont Uranus en position de « l'Oiseau dans l'Espace », pure et raffinée, qui évoque magnifique­ force dans leur thème de naissance. ment la vitalité de la créature. À ceci s'ajoutent encore les splendi- 2. Si on tolère un orbe de six degrés, le des versions du « Baiser », preuves émouvantes d'une nouvelle meeting prend place d'octobre 1987 a approche du monde par le volume sculpté. Le critique d'art Sidney février 1989. Cette conjonction a lieu tous Geist reconnaît la foi en la nature et l'espoir dans l'humanité de les 47 ans environ. Brancusi. Selon lui, Brancusi est l'artiste qui donne une dimension spirituelle à la sculpture. 3. C'est pourquoi la période du 25 décem­ bre au 1er janvier est traditionnellement 11 est maintenant urgent et indispensable de mettre en demeure celle où l'on prend des résolutions... M. Jean Maheu, Président du Musée, de trouver une solution pour ouvrir l'atelier au public, même si Beaubourg se voit confisquer isnncK-bfiu 4. La deuxième conjonction se fera a 28 47 cette précieuse collection. Il serait scandaleux de voir de telles œu­ du Sagittaire, le 27 juin. vres laissées encore à l'abandon. • 1302 fst m owimo * Je tiens à remercier Madame Denise Chrza- î nowski qui a amené à mon attention les James Burstall Lf y^s données techniques concernant le centre Travaille à Paris au sein d'une importante chaîne internationale de magazines. galactique Ségolème de Cbassy vit à Paris. \ THÉÂTRE FERNANDO une entrevue d'Irène Sadowska-Guillon

    AUTEUR DE THÉÂTRE , un des plus joués de la vie » ne cesse de nous entraîner dans un dans le monde (Fando et Lis, Le Cimetière de jeu subversif, provocateur, qui tient à la fois voitures, Le Labyrinthe, Le Grand cérémonial, d'un étrange opéra bouffe et du mystère de la L'Architecte et l'Empereur d'Assyrie, Le Jardin Passion, du grand guignol et de l'ultime des délices, La Guerre de 1000 ans, Sur le fil, tragédie. Une oeuvre baroque et dérisoire, La Tour de Babel, etc.) Fernando Arrabal, surréaliste et mystique, lyrique et fantastique. artiste multiple, est aussi romancier (Baal Animée par l'esprit de la révolte de Babylone, L'Enterrement de la sardine, La Lautréamont et d'Artaud, tenant de la lucidité Reverdie, La Vierge Rouge, etc.), cinéaste (Viva de Kafka et de l'humour dévastateur defarry, la Muerte, J'irai comme un cheval fou, L'arbre elle tire toutefois sa substance vitale de de Guernica, etc.). peintre, poète et metteur en l'expérience personnelle d'Arrabal, de la scène. Parmi ses spectacles récents : Le Grand violence, de la mort et des atrocités de la cérémonial au Théâtre Parco de Tokyo qui lui dictature franquiste. a valu le Prix Sukubi de la mise en scène en 1985, La Vie brève de Falla à l'Opéra royal de Depuis ses premières pièces jusqu 'aux Belgique en 1986, The Red Madonna au dernières dont Une Pucellepour un gorille, Théâtre Intar de Neiv York (Prix Oby de la mise The Red Madonna — deux versions du même en scène 1986). Irène Sadowska-Guillon : Par rapport à vos pre­ thème, la quête du savoir secret — et La mières pièces centrées sur des thèmes plus ponctuels, vos oeuvres plus récentes recouvrent une probléma­ tique plus complexe s'ouvrant davantage vers une dimension métaphysique et mystique. Peut-on parler de l'évolution de votre écriture dramatique ? La traversée de l'Empire Fernando Arrabal : Il est certain qu'un spectateur attentif verrait beaucoup de ressemblances entre ma Son théâtre que lui-même définit comme Traversée de l'empire, ' Arrabal ne cesse première période de théâtre et ma dernière, mais aussi entre un film et un tableau, même de périodes * une cérémonie, une fête, qui tient du d'exorciser sa mémoire blessée mais aussi de tout à fait différentes. Depuis mes débuts, jusqu'à sacrilège et du sacré, de l êrotisme et du mettre en garde l'homme contre le danger de aujourd'hui, je n'ai malheureusement pas changé. J'ai mysticisme, de la mise à mort et de l'exaltation sa démission des valeurs spirituelles. acquis une expérience, j'ai vieilli mais je n'ai pas évo­ lué. Je n'ai rien appris de nouveau. Mes sources d'ins­ piration restent les mêmes. Je ne suis ni matérialiste ni positiviste, par conséquent je ne crois ni au progrès ni à l'évolution, ni à la science. D'une façon générale, que ce soit sur le plan de l'humanité ou d'un indi­ vidu, je ne pense pas que l'on puisse faire des progrès dans le domaine de l'art. Je ne crois pas non plus qu'une pièce d'aujourd'hui soit supérieure à celles de Shakespeare parce que 400 ans sont passés depuis. De même je ne pense pas que Cervantes ait écrit Don Quichotte à 60 ans parce qu'il avait évolué, il aurait pu l'écrire bien avant.

    W. : Qu'est-ce pour vous que le théâtre ? F.A. : Le théâtre pour moi est un art rapide, noc­ turne. improvisé, émotionnel et sentimental. On peut l'inscrire dans une chronologie par la suite, mais au moment de l'écriture c'est un acte presque irration­ nel, compensatoire, absolu. Dès l'origine, dès la pre­ mière pièce que j'ai écrite, il y a presque 50 ans, à l'âge de 9 ans, mon écriture a eu la même motivation inconsciente et compensatoire qu'aujourd'hui. En écrivant, je ne pense ni à une thématique ni à la con­ tinuité entre mes pièces. J'ai seulement conscience de ne pouvoir faire autre chose à ce moment là pour compenser des difficultés que j'ai à vivre. Pour essayer de me libérer des problèmes que j'ai. W. : Y a-t-il là une filiationave c le surréalisme ? F.A. : J'ai écrit une partie de mon théâtre sans connaître le surréalisme. Par la suite, lorsque je suis venu en France, j'ai eu la chance et l'honneur d'être accepté par André Breton dans le groupe surréaliste. Je suis resté avec eux pendant trois années. J'assistais tous les jours aux réunions mais cela n'a pas changé, à mon avis, mon œuvre. On ne peut pas faire la diffé­ rence, de ce point de vue, entre mes pièces d'avant et d'après mon appartenance au groupe surréaliste. Si donc il y a un esprit surréaliste dans mes pièces, il ne m'a sûrement pas été inoculé par les idées esthétiques du mouvement ni par mes rapports personnels avec les surréalistes. W. : Votre théâtre, enraciné profondément dans votre univers privé, extrême, violent et sans compro­ mis, provocateur, trouve-t-il des expressions scéni- ques conformes à son esprit profond ? Quels sont vos rapports d'auteur avec vos metteurs en scène ? 28 F.A. : J'ai eu beaucoup de chance d'être joué, je crois, par les meilleurs metteurs en scène du monde. Ils ont tous un dénominateur commun : un très grand respect de l'oeuvre. De grands metteurs en scène comme Lavelli en France, Bernard de Costers en Belgique et d'autres, lorsqu'ils choisissent de mon­ ter une oeuvre la prennent telle quelle, même s'ils n'aiment pas forcément tout ce que fait l'auteur. Ils ne la modifient pas. Je pense que la maladie du théâtre d'aujourd'hui vient entre autres de la dictature de cer- tains metteurs en scène qui corrigent les textes aussi V.V. : Il y a quelques lignes thématiques qui tra­ L'extrémisme caractérise aussi votre façon d'être tout bien classiques que contemporains, en fonction de versent toute votre œuvre : la guerre, l'apocalypse comme votre vision et votre pratique de l'art. leurs désirs, de leurs convictions et de leurs préjugés possible, l'érotisme, la quête mystique... F.A. : Saint François d'Assise et Jésus Christ personnels philosophiques, politiques, éthiques ou F.A. : Elles traversent la vie de l'homme, ma vie. avaient des mots très sévères à l'égard des tièdes. Je esthétiques, L'amour — je suis en quête de l'amour depuis ma pense que la caractéristique du monde d'aujourd'hui V,V. : Vous avez réalisé vous-même les mises en naissance, depuis 55 ans. Dieu — j'aimerais avoir c'est la tiédeur, la faiblesse, la médiocrité, la fadeur scène de certaines de vos pièces. Est-ce parce que encore plus de réponses de lui, encore plus de généralisée qui correspondent à la perte totale de la vous vous estimez être seul à pouvoir leur conférer lumière. Ce sont des thèmes essentiels. Il faut refuser notion de valeur. Il n'y a plus d'érotisme par exemple une vision scénique juste ? de voir clair dans la vie pour ne pas se préoccuper de mais une banalisation de l'acte sexuel. Il n'y a pas non F,A. : Je monte mes pièces depuis une quinzaine l'amour, de Dieu, de nos relations avec les autres, plus aujourd'hui de sentiment de péché. Comment d'années. Mais ce n'est pas parce que je tiens particu­ qu'elles soient des relations d'agape ou d'Éros, de est-il possible d'avoir si peu de respect de son propre lièrement à les monter moi-même. J'ai eu toujours de notre rapport à l'avenir présenté soit comme apo­ corps et du corps des autres et d'imaginer qu'on peut très bons metteurs en scène, je n'ai donc pas de raison calyptique ou comme « les lendemains qui chan­ avoir plusieurs partenaires sans pécher. Le diable de m'en méfier. Simplement parfois je ressens le tent », de notre rapport au passé vu comme un âge existe : c'est aujourd'hui la fadeur. besoin de prolonger mon rapport à une ceuvre à tra­ d'or ou bien comme un Moven-Àge ténébreux, bru­ W. : Quels sont, après La Traversée de l'Empire vers sa création sur scène. Le rapport direct de l'au­ tal. que vous mettez en scène vous-même, vos projets teur à la scène n'est pas une nouveauté : Molière, Sha­ concernant le théâtre ? kespeare, Lope de Vega et tant d'autres montaient F.A. : Ce sera en 1989, au Théâtre Musical de Paris leurs pièces. Je pense que d'une façon générale, il fau­ Il n'y a plus d'érotisme par exemple e mais une banalisation de l'acte sexuel Châtelet, la création, pour le 200 anniversaire de la drait redonner à l'auteur la possibilité de s'exprimer Révolution Française de L'Opéra de la Bastille dont complètement, jusqu'à l'accomplissement scénique j'ai écrit le livret. La musique est de Marcel Lan- de son écriture. V.V. : Qu'est-ce pour vous que la foi ? dowski. Cette oeuvre sera mise en scène par Bernard W. : Parmi les disciplines artistiques que vous F.A. : Je ne me suis pas enfermé dans une reli­ de Costers. Ce qui est drôle c'est que j'ai écrit cet pratiquez : cinéma, peinture, poésie, roman, le théâ­ gion. Le catholicisme qui ressemble à un parti politi­ opéra de la Révolution bien que je sois l'auteur le tre semble être votre forme d'expression privilégiée. que, tout comme d'autres religions, représente une moins révolutionnaire politiquement. • F.A. : Je suis sans doute plus connu dans le vision de Dieu, de la foi, très étroite. Il y a cependant monde comme dramaturge que comme romancier, des figures néo-chrétiennes qui sont extrêmement Irène Sadowska-Guillon passionnantes : je pense à Saint François d'Assise ou Polonaise vivant à Paris, elle collabore à de nombreuses revues quoique j'ai été distingué, en 1985, pour un roman, dont Acteurs, L'avant-Scène et Art Press Spécialiste du théâtre La Reverdie par le Prix Nadal qui est l'équivalent du à Jésus Christ. La foi c'est ce qu'on ne voit pas, ce qui de Gombrowicz. Prix Goncourt dans les pays de langue espagnole. J'ai est ineffable, qu'on ne peut pas expliquer. Et c'est la toujours écrit du théâtre tandis que j'ai abordé le foi qui me permet de vivre. Note roman relativement tard. Mais toutes les disciplines V.V. : Saint François d'Assise, Jésus, ce sont des 1. Publié chez Christian Bourgeoys in 12* volume Théâtre que je pratique sont également importantes pour « aventuriers » de la foi, des « extrémistes » de la foi. Arrabal •. moi. Je ne touche pas à un domaine, chaque fois que j'en aborde un, j'y plonge totalement. Qu'il s'agisse d'un tableau ou d'un petit livre de poèmes, au LE THÉÂTRE NATIONAL de la représentation de la sexualité, moment où je le fais c'est pour moi la chose la plus de l'identité... Comme le dit Lavelli importante au monde. DE LA COLLINE lui-même dans le premier numéro W : Dans certaines de vos premières pièces, par de Public, « le choix de Lorca n'est exemple dans L'Orchestration théâtrale on peut voir PLACE À LA DRAMATURGIE pas innocent ». C'est évident. Pour une tendance vers l'abolition des dialogues et de la un metteur en scène ayant Shakes­ parole, dans d'autres vous affirmiez un théâtre poéti­ CONTEMPORAINE peare en affection, il pouvait trou­ que, d'autres encore ont été classées « théâtre pani­ Un nouveau théâtre consacré ver dans Le Public des références que », etc. Vous changez souvent de style, de formule. exclusivement à la dramaturgie très claires notamment à Roméo et À quoi correspondent ces différentes attitudes ? contemporaine Juliette. Mais c'est surtout à travers F.A. : Je ne crois pas qu'il y ait des tendances la poésie et les images déchirantes de ce poète andalou que Lavelli a dans mon écriture. C'était des excitations ponctuelles Jean-Claude Côté qui m'ont amené à un moment à écrire L'Orchestra­ été séduit. Et avec la pièce de , Une visite inopportune, sa tion théâtrale. Mais c'était une création tout à fait U IS Rl'fc HALTE-BRUN, dans une fois de plus les traditions fran­ spontanée, qui ne se logeait dans aucun courant, e seconde mise en scène au TNC, le 20 arrondissement à çaises, on jouera le midi. c'est un peu ce même univers... aucun créneau. Cette pièce pourrait très bien être Paris, parmi les façades écrite à un autre moment. Il n'y a jamais chez moi de A Le public onirique, qu'il retrouve. « Les sen­ grises et ternes, s'en détache une, C'est le nom définitif du jour­ timents (et l'écriture) qui animent choix déterminé, d'un projet de faire par exemple un vitrée, qui laisse voir l'architecture théâtre sans paroles ou un théâtre poétique. Dans cer­ nal du TNC, mais c'est aussi le titre les personnages de Copi, ce sont intérieure de ce nouveau théâtre de la première pièce de la saison les sentiments immuables de Sha­ taines pièces que j'ai écrites dernièrement, par exem­ voué à la création d'auteurs con­ ple dans Red Madonna, il y a très peu de dialogues. montée par Jorge Lavelli. Ce jour­ kespeare, vivants, contemporains, temporains. Le contraste est éton­ nal est directement rattaché au à savoir : « La faim. L'argent. Le Je n'ai jamais été prisonnier des formes et des styles. nant ; par ses aspects extérieurs, le J'ai créé avec Topor et Jodorovski le groupe « Pani­ théâtre, comme les Cahiers cul. La maladie. Le pouvoir. Le nouvel édifice de verre et de Renaud Barrault le sont au Théâ­ doute. La certitude. La métamor­ que » dont j'ai conçu la théorie. Mais je ne me suis béton éclairé aux néons, n'offre jamais assis à une table en me disant : je vais faire du tre du Rond-Point ou Théâ• phose. L'amour. La mort. » (A. Lla­ pas la chaleur des bâtisses envi­ tre/Public au Théâtre de Genne- mas). panique. Il y a des peintres aujourd'hui qui se disent ronnantes. Vu de l'intérieur, on se « paniques », personnellement je n'ai jamais fait un villiers et ce sera un nouvel outil demande s'il tiendra le pari de Ensuite viendra La Traversée tableau « panique » ni d'ailleurs une pièce « pani­ de réflexion et de diffusion de la répondre à une attente de la popu­ de l'Empire de Fernando Arrabal, que ». L'étiquette « théâtre panique » a été attribuée à parole de ceux qui font le théâtre lation du quartier constituée en dans sa propre mise en scène. certaines de mes pièces par les éditeurs et les criti­ aujourd'hui. Le format du journal majorité d'ouvriers et de person­ (exactement le même que notre Pour se calmer des zones par­ ques. Mon théâtre n'a jamais été le résultat d'une abs­ nes âgées. traction ou d'une théorie. Mes pièces, toutes propor­ magazine transculturel Vice Versa) fois obscures où nous amène un tions gardées, se construisent comme une cathédrale, Pour cette première saison, le ainsi que son graphisme et ses théâtre des passions, quoi de avec une foi immense et une parfaite connaissance du directeur du Théâtre national de la nombreuses photos, montrent mieux qu'un classique ? le théâtre métier. Colline (TNC) l'Argentin Jorge assez bien le souci d'originalité de de l'absurde a le sien, il se nomme Lavelli, s'est entouré de valeurs ses concepteurs. Eugène Ionesco. Jean-Luc Boutté sûres certes, qui sont aussi ses y montera Les Chaises avec Pierre amis, ses frères spirituels liés par Dux et Denise Gence, deux artis­ Cet acte secret, intense, nécessaire l'exil et le déracinement. Que ce tes de renom. S'il a été un des pre­ miers à rompre avec le psycholo- compensatoire, qu'est l'acte de création soit Copi, natif de Buenos Aires, Arrabal d'Espagne ou Ionesco de gisme au théâtre en créant des Roumanie, ils sont tous « pantins métaphysiques », aujourd'hui les fils adoptifs de la Ionesco, fait maintenant partie des V.V. : Comment écrivez-vous ? vieux meubles de la scène fran­ F.A. : Cet acte secret, intense, nécessaire, com­ France. À ceux-là s'ajoute Gildas Bourdet, bien français, dont le çaise et c'est davantage en signe pensatoire, qu'est l'acte de création — l'acte d'écrire d'hommage que Lavelli a décidé ou de peindre — est tout aussi difficile à expliquer désir d'écrire pour le théâtre remonte à son enfance alors qu'il de le mettre au programme de pour un auteur que pourrait être pour un oiseau de cette année. donner un cours d'ornithologie. Dans mon cas. le entendait parler sa mère en breton premier jet est toujours un acte réfléchi. Je suis avec les autres femmes de marin. Enfin, pour clore celte pre­ croyant et je pense que l'intelligence, la sensibilité et Jorge Lavelli, outre son rôle mière saison dans la Grande Salle. l'imagination qui sont à la base du premier jet, sont de commandant de bord de cette Gildas Bourdet y montera son der­ des dons de Dieu. Ensuite, à partir de cette première grande aventure — pour emprun­ nier texte, LAudition. Gildas Bour­ substance commence tout un travail de mémoire, ter l'image à Maria Casarès — y det est directeur du Théâtre de la c'est-à-dire de trame, de composition. C'est un travail signera la mise en scène de deux Enfin, Le Public de Frederico Salamandre et on le connaît entre à la fois passionnant, passionnel, fiévreux et rapide, pièces : celles qui inaugureront Garcia Lorca est présenté pour la autres pour Le Saperleau qui s'est comme s'il se passait dans une sorte d'état second, respectivement la Grande et la première fois en France au TNC en valu le prix Lugné-Pcc en 1983. Il d'illumination. C'est pour cela que je prétends tou­ Petite salle. Ces deux salles ont été janvier 1988. Garcia Lorca, surtout parle de L'Audition comme d'« un jours que mes meilleures pièces ou romans sont ceux conçues de façon à répondre aux connu par ses « tragédies paysan­ conte de fées moderne, c'est-à-dire que j'ai écrits très vite. Une pièce de théâtre d'environ exigences des nouvelles proposi­ nes » (Yerma, Noces de sang, La dérisoire ». Un univers qui appelle 60 pages est une création qu'on peut très bien faire en tions scénographiques. La Grande Maison de Bernardo), écrivait ce le rêve et les mythes qui nous une semaine. Et si au bout de ce temps la pièce n'est Salle pourra se transformer, de genre de théâtre pour « se faire habitent depuis toujours. Sur les pas bonne, si elle n'a pas pris, c'est que là il n'est plus façon à accueillir dans son dispo­ respecter », mais le théâtre qu'il assises solides d'une villa cossue question de création mais d'un travail au sens qu'il sitif « en Arène » de courtes piè­ aimait, c'est son théâtre surréaliste, de la Côte d'Azur, il en arrive à sa avail à l'origine, de punition, de torture, de supplice, ces, dont Le Cheval de Balzca. qu'il qualifiait d'« impossible » ou façon à déconstruire le langage d'un effort douloureux. C'est à cela probablement une création de l'Allemand Gert d'« irreprésentable ». pour le bonheur du spectateur que l'on fait allusion en France lorsqu'on dit « je suis Hofmann. spécialiste de l'épou­ puisque cette pièce se veut avant en train de travailler un roman ». vante. Et, question de bouleverser Le propos de la pièce, tout une comédie. • c'est une quête de vérité, la vérité THÉÂTRE Saint-Tremblay, ni comédien

    ni martyr Wladimir Krysinski

    EPI'IS LONGTEMPS, aucune thes. L'épaisseur et l'harmonie de matisme particulier qui l'aurait le père qu'il l'aime, tout en aimant dégage de cette pièce est celle de mise en scène théâtrale ces signes créent une théâtralité rehaussé au niveau de l'« epicen­ sa sœur. la confusion, du bavardage n'a suscité au Québec insoupçonnée dans Bonjour, là, tre » ou du « focus », pour repren­ Ce « double bind » est inscrit outrancier et des discours com­ autant d'enthousiasme que Bon­ bonjour. La matérialité des corps dre les termes de Michel Tremblay d'une façon oblique dans l'anec­ pulsifs individuels qui ne commu­ jour, là, bonjour de Michel Trem­ et des attitudes projetée sur le mur qui définit ainsi ce personnage. dote de Bonjour, là, bonjour. La niquent pas entre eux. Toutefois, blay monté par René Richard Cyr de frigidaires, les déplacements Comment peut-on, comment difficulté de communiquer avec le donnant dans le message de au Théâtre du Nouveau Monde du des foyers dialogiques, la tension faut-il interpréter cette pièce père augmentée par la surdité de l'amour à tout prix, l'auteur de la 17 novembre au 12 décembre entre les monologues et les dialo­ aujourd'hui ? Michel Tremblay la celui-ci libère en quelque sorte pièce fait détourner notre atten­ 1987. Ce succès bien mérité est le gues, entre le « numéro » de cha­ situe à la fin du cycle de Belles Serge de l'obligation filiale d'expli­ tion de la gravité du problème. Et résultat d'une collaboration parti­ que sœur et le silence, le défilé des Soeurs. Elle est le « nœud de la quer le sens profond de l'inceste à la nudité partielle du frère et de la culièrement réussie entre le met­ personnages qui se parlent dans le boucle » (voir le programme du son père. On a l'impression que sœur sur le fond des frigidaires, teur en scène, la scénographe dos, la musique d'une tonalité à la spectacle). À la question : Est-ce la l'inceste du fils n'atteint pas la c'est comme un vidéo, clip eroti­ (Danièle Lévesque) et le composi­ fois grave et subtilement ironique pièce d'une génération ? Tremblay conscience du père. Le fils ne s'in­ que qui soudain embellit l'en­ teur (Michel Smith). Le travail de — voilà la forme saisissante du répond : « Une pièce n'est jamais cline pas devant la Loi. Il crie son nuyeux écran du quotidien. spectacle produit par R.R. Cyr. R.R. Cyr vise à produire un effet la pièce d'une génération, d'un amour au père et il fait la démons­ Dans un autre registre, l'in­ d'étrangeté généralisé, c'est-à-dire Le spectacle est bien servi par pays, d'une culture. Jamais- » R.R. tration de sa liberté. Et pourtant, ceste peut être considéré comme une perception de la pièce hors du la distribution féminine (Sylvie Cyr nuance sa réponse à la même dans le schéma anecdotique de une métaphore de l'homosexua­ commun. Cyr l'obtient par des Drapeau, Denise Filiatrault, Louise question : « Oui et non. C'est un Bonjour, là, bonjour l'inceste est lité. Il faudrait alors admettre que opérations scéniques qui transfor­ Laprade, Nicole Leblanc, Huguette miroir un peu déformé d'une épo­ le signe d'affranchissement de la celle-ci n'est pas entièrement assu­ ment le script de M. Tremblay en Oligny, Janine Sutto) et par Guy que, mais la famille, dit-il, les entra­ loi, de rupture de la loi sur un mée. Serge pactise en quelque un objet esthétique autonome Ce Provost dans le rôle du père. Par ves à la liberté, la marginalité sont autre plan dont on ne saurait taire sorte avec le père, pour ne pas dire qui est visuel et visible, ce dont contre, je trouve peu de mérite au des termes éternels. » Entre le l'importance. L'inceste c'est aussi avec sa famille. Sa libération est l'ouïe régit la perception et dont le rôle central de Serge tenu par « jamais » de Tremblay et le « oui une affirmation que le contrat sur malgré tout timide, symbolique et rythme crée l'unité et la force Henri Chassé. Il joue trop d'un et non » de Cyr, essayons de trou­ lequel se fonde la société à partielle. Et si le père n'acceptait s'érige, par les soins de R.R. Cyr, certain narcissisme du corps ; il dit ver une voie royale. laquelle appartient cette famille est pas ce choix du fils? Serge se au niveau d'une « perception rompu. On sait que la prohibition le dialogue d'une façon plutôt Dans Bonjour, là. bonjour le serait-il révolté ? Quand il commu­ oecuménique des signes », le pro­ plate et mécanique. En somme de l'inceste marque le passage de nique sa décision de vivre avec- pre du théâtral, selon Roland Bar- conflit entre l'individu et le la nature à la culture et que le son rôle n'est investi d'aucun dra- groupe est à la fois explicitement Nicole, c'est à un homme infirme « rôle primordial de la culture est qu'il s'adresse. posé, symboliquement donné à d'assurer l'existence du groupe voir et idéologiquement camouflé. comme groupe, et donc de substi­ Inceste ou homosexualité, la Il semblerait que l'inceste soit le tuer, dans ce domaine (il s'agit de situation de l'auteur et de son alter signe et le centre du conflit, mais à l'inceste) comme dans tous les ego Serge face au social est sem­ bien y regarder, on ne peut pas autres, l'organisation au hasard » blable à celle de Jean Genet qui s'empêcher de penser qu'il y est choisit jusqu'au bout d'être voleur plutôt décoratif que réellement et homosexuel et qui dans sa créa­ dramatique. On sait que le théâtre (Cl. Lévi-Strauss, Les structures tion, ébranle l'ordre symbolique Élisabéthain nous a donné une élémentaires de la parenté). de la culture et de la société. Il belle pièce dont l'inceste est le res­ Faut-il en conclure que Serge, devient alors comédien et sort dramatique réel : Dommage en copulant avec sa sœur, déclen­ martyre, comme Saint-Genet dans qu elle soil une putain {'Tis Pity che une dynamique de désarroi la pièce de Rotrou à laquelle Sartre She's a Whore) de John Ford. Gio­ social qui à la limite signifie la fait allusion en intitulant son livre vanni et Annabclla, le frère et la mort du groupe par son effrite­ sur Genet de la façon qubn sait. À sœur, font vœu de s'aimer ou de ment interne ? Si nous prenons au en juger d'après Bonjour, là, bon­ s'anéantir au cas où l'un ou l'autre sérieux cet inceste, nous devons jour, ni la comédie ni le martyre aurait trompé : « Love me or kill reconnaître que tel peut être le ne semblent séduire l'auteur. Il me ». Et Giovanni, dans la logique sens de Bonjour, là, bonjour. choisit plutôt la simulation du de ce vœu tue sa sœur. De toute L'optimisme du titre est alors un conflit réel. Et ce théâtre sombre évidence, dans Bonjour, là, bon­ peu frivole. En fait, le sens impli­ dans le bavardage qui reflète l'état jour nous n'en sommes pas là. cite pourrait s'énoncer : « Bonjour, de confusion dans lequel se Mais justement, où en sommes- vous autres, au revoir à votre trouve la société qu'il représente nous avec cet inceste? Serge, ordre, moi, j'ai mon inceste • sur scène, sans vouloir la secouer. semble-t-il, est pris dans une dou­ Après tout, l'image de la cellule Encore une fois, la culture ne ble contrainte. Il veut convaincre sociale appelée « famille » qui se coïncide pas avec la vie. D Vive la paresse Michel Peterson

    E.sT A I.ESPACKGO que, pour la nous par la magie de la modestie L'accueil troisième fois, Nathalie du quotidien, par l'humour et C Derome nous a magnifi­ l'ironie d'une femme qui n'en peut quement fait don de sa paresse, plus de l'agitation pernicieuse qui c'est-à-dire de sa présence. Elle l'exile de son pays intérieur. Un nous a offert lentement une chair processus de libre échange Alitalia si pleine que sa matière même ris­ s'amorce entre dominants et quait à tout moment la mutilation. dominés, entre corps privé et Voici donc une jeune femme corps public. Certains diront — trop jeune, peut-être, pour de si qu'on a trop vu ces cartels imagi­ effrayants cataclysmes — qui, naires aboutissant souvent à une pour s'opposer à la production de sorte de monopole nationaliste. masse, au travail vide de sens et à C'est qu'au Québec, il faut préfé­ sa division mortelle et aliénante, rer, par les temps qui courent, l'in­ décide unilatéralement de capitali­ cohérence et l'absence simulée de ser une nouvelle forme de gain : la valeurs (être in, c'est toujours un langueur. Le lieu d'investisse­ peu ça : faire de sa propre impro­ ment : une chambre avec un lit ductivité une vertu cardinale) à trop petit, vraiment trop. La cham­ toute affirmation patriotique; il bre : l'Afrique intérieure et équato- faut préférer l'exotique puisque la riale d'une très petite femme de la lâcheté de s'assumer devient seule terre (comme celle de la Petite édifiante. Fleur de Clarice Lispector). La chambre : espace où l'on assiste Ainsi, Nathalie Derome ose enfin à son propre visionnement. dire haut et fort que son pays a C'est alors que la Paresse (avec encore pour elle quelque sens. Et majuscule) arrive à celle qui la vit, elle le dit avec une sobriété et un « quand il y a enfin le silence et dépouillement qui, tout en se dis­ que c'est toi qui se déroule... pas le tançant de la technicité théâtrale à paysage!... » Ce silence qui sub­ laquelle on nous oblige depuis Alitalia vous souhaite la bienve­ merge et met entre parenthèses le quelque temps, relève la parole, le nue à bord. Alitalia vous monde ne bâillonne pas pour chant, le geste et la danse dans un autant la voix de l'autre. En effet, corps ventriloque mû par une accueille dans la tradition cha­ un tel repli sur soi oblige nécessai­ énergie incomparable. Un corps leureuse italienne. Le Groupe rement à une tremblante ouver­ acrobatique et sculptural qui ture sur le social. Cela s'appelle déploie ses fantasmes de telle sorte Alitalia relie par des vols de l'intimisme politique. qu'il se compare aisément à celui ligne 86 villes dans 44 Pays, de Gilles Maheu ou à celui de Leo- dont 21 en Europe, 12 en Afri­ que, 13 en Asie, 12 dans les Amériques, 2 en Océanie et 26 en Italie. La flotte est l'une des plus modernes au monde : 100 avions parmi lesquels figurent les Boeing 747 série 200, les Airbus A 300-B4, les Super 80, les DC-9/30 et les ATR 42. Les classes Top, Prima Business et Eurobusiness, la cuisine aux menus typiquement italiens, la boutique de bord avec des arti­ cles en exclusivité, les aménage­ ments des avions signés Trus- sardi, la collection Balestra pour les hôtesses de bord, con­ tribuent tous à l'épanouisse­ ment de l'accueil Alitalia : sympathie, chaleur italienne et le prestige qui dérive de l'effica­ cité ; au cours des dernières années, l'indice de ponctualité Loin d'éviter l'effort, Nathalie pold von Verschuer qui incarnait Derome, comédienne et specta­ Kaspar au Vaganten Biihne de Ber­ de la compagnie est parmi les trice d'elle-même, réalise donc un lin (octobre 86). Son mouvement meilleurs au monde. Alitalia profit si net qu'il se matérialise par ponctue l'espace scénique et la vous souhaite la bienvenue à la dialectique du rire et de l'oubli, difficulté, paresseuse, qu'il a de du minéral (côté paternel) et du s'arrêter témoigne du fait que son bord. végétal (côté maternel). C'est que métabolisme ne doit jamais se cette femme, si jeune, a déjà tra­ figer. Les vêtements et le maquil­ versé et été traversée par trois lage illustrant alors si fermement révolutions, par trois univers ce corps indocile, il ne restera plus symboliques radicalement diffé­ à Nathalie Derome qu'un voile rents : la Révolution tranquille, la étendu sur elle pour rendre plus révolution de la télévision et celle visible un tatouage antithétique /llitalia du féminisme. Mais on sait trop, projetant à la face du monde cela tranquilles ou frénétiques, com­ qui l'agite. • bien les révolutions doivent faire couler de sang afin que des indivi­ Michel Peterson dus puissent un jour décider des Spécialiste du théâtre contemporain. modalités de leur \ i\ n-ensemble. Michel Peterson étudie la littérature com­ parée et collabore à plusieurs revues. Il Les blessures ardentes de Nathalie est présentement en voyage delude au Derome s'ouvrent alors devant Brésil AU FIL DU TEMPS Sybille Delia Pergola Me revoici ! Comme cette chronique d'ailleurs, qui THÉÂTRE À PARIS revient, revampéc et internationalisée afin de re­ fléter davantage tout ce qui bouge dans ce vaste monde et dont on parie hélas si peu. Les événe­ Après 22 ans d'absence, Mort d'un commis voyageur, le chef d œu­ vre d'Arthur Miller, créé à Paris en 1952 par Jacques Huismans, repris en ments qui nous intriguent, nous passionnent, nous 1955 par Maurice Sarrazin à Toulouse et en 1965 par Gabriel Garran à ravissent, nous dérangent seront évoqués dans cet AGENDA Aubcrvilliers, fait un retour triomphal sur les scènes françaises, en janvier INTERNATIONAL. Au fil du temps, d'autres plumes viendront à Orléans, puis au Théâtre de l'Odéon à Paris, dans une nouvelle réalisa­ s'ajouter à celles existantes pour dire ce qui se passe au théâtre, tion, on ne peut plus brillante, associant Jean-Claude Grumberg pour l'adaptation, Marcel Bluwal pour la mise en scène, et François Perrier pour en musique... et ailleurs. interpréter Willy Loman. Le retour des grandes stars sur scène et la forte présence des pièces de Molière marquent les grands événements théâ­ Avis aux italophiles Opéra traux de la saison : ainsi, à partir de janvier Roman Polanski qui interprète Débutons par une notule provenant du Aida, le célèbre opéra égyptien de Grégoire Samsa dans La Métamorphose de Kafka adaptée par Yasmina Consulat d'Italie qui informe que les Verdi sera monté au stade Olympique Reza, au Théâtre du Gymnase Marie Bell â Paris ; Michel Piccoli dans Le étudiants non italiens qui désirent en juin. Les billets s'échelonnent entre Conte d'hiver de Shakespeare dans une mise en scène de Luc Bondy à décrocher une bourse,ils pourront tou­ 20 $ et 150 $. Les mécènes, eux, pour­ partir de mars au Théâtre des Amandiers à Nanterre ; Caroline Cellier dans jours le faire à l'Instituto Italiano di Cul- ront se les arracher pour la bagatelle de Les Liaisons dangereuses de Christopher Hampton au Théâtre Edouard tura, me Docteur Penfield, avant le 30 500 $ ou 1000 $. b distribution est Vil à partir de janvier ; Claude Brasseur dans Georges Dandin de Molière avril (pour les bourses de longue durée) prestigieuse et comprend Katia Riccia- dans la mise en scène de Roger Planchon à partir de mars au Théâtre ou avant le 30 novembre (pour les bour­ relli, Nicola Martinucci, Piero Cappuc- Mogador à Paris ; Marcel Maréchal dans L'école des femmes et Pierre Arditi ses de courte durée), informations : cili, Bruna Baglioni, Roberto Scandiuzzi. dans Don Juan de Molière en mars, avril à La Criée de Marseille ; enfin 849-3473. Giuseppe Raffa est le chef d'orchestre Maria Casarès dans Hecube d'Euripide mis en scène par Bernard Sobel en et la mise en scène est signée Mauro février, mars au Théâtre des Gennevilliers. La mise en parallèle par Bolognini. C'est une production du tea- Antoine Vitez d'un texte • ancien • Le Misanthrope de Molière dont il pro­ Musica ! tro Petruzzelli. pose une nouvelle lecture, et d'un texte • moderne », création en France Dans le cadre de la 10e saison des d'Anacaona de Jean Mettelus par la même troupe d'acteurs distribués dans événements du Neuf, vous pourrez Arts Visuels les deux oeuvres jouées en alternance de janvier à avril, après l'immense entendre ou réentendre Kopernikus, succès du Soulier de satin, font l'événement de la saison 1987/88 du Théâ­ l'opéra de Claude Vivier en version À la galerie Oboro, 3981 Saint-Laurent, tre de Chaillot. concert. C'est gratuit. La salle est à #499, Cathy Daley exposera ses des­ déterminer. sins et peintures du 2 au 24 avril, Nell La création mondiale d'un texte de Samuel Becket Mercier et Camier Tenhaaf, lui succédera en mai avec une Incidemment, le compositeur assassiné installation intitulée « grammatica ». par Pierre Chabert à l'affiche du Théâtre des Arts de Creteil jusqu'en mars sera l'objet d'un film qui s'intitulera et, au Théâtre de l'Europe, la découverte du théâtre hongrois en mars, la Quant à Yaron Berent, il exposera ses « lonely Child ». Germain Houde inter­ dessins, peintures et travaux multi­ version italienne d'Elvire Jouvet 40 mise en scène et jouée par Giorgio prétera le rôle principal. Jonny Silver est Strehler en avril et la création de La Mouette de Tchékhov en avril par le média du 28 mai au 19 juin. À la gale­ en train de terminer le tournage à Mont­ rie l'Oeil de Posson, 25 boulevard Cha- célèbre metteur en scène russe connu surtout par le cinéma, Andrei Kont- réal. chalovski, constituent les temps forts de la seconde partie de cette saison, rest ouest à Québec se tiendra à partir avec l'inauguration, début janvier, d'un nouveau théâtre parisien Le Théâ­ du 3 mars une exposition intitulée tre National de la Colline dirigé par Georges Lavelli qui inscrit à l'affiche « bonjour Durer » ainsi que le lance­ Pow Wow à ment du disque « Stat Live Moniteur », de sa première saison cinq créations : en janvier, février, mars Le public e de Lorca et Une visite inopportune de Copi par Jorge Lavelli. en mars, À la veille de commémorer le 500 une conversation musico-médicale avril La traversée de l'empire d'Arrabal et en avril, mai L'audition de Gildas anniversaire de la découverte de l'Amé­ synthétisée de Jocelyn Robert. Bourdet mis en scène par leurs auteurs, en juin Le cheval de Balzac de rique, les représentants de deux millions Hofmann par Philippe Mercier, enfin d'avril à juin une nouvelle mise en et demi d'Indiens nord-américains et de et puis le théâtre vint treize millions d'Indios, ont décidé de se scène des Chaises de Ionesco par Jean-Luc Boutté. Au théâtre, la Veillée, 137! rue Ontario, rencontrer 6 Milan à la mi-février. C'est frêne Sadowska-Guitlon dès le 3 mars, Il Campaiello de Gol- la plus grande rencontre indienne doni dans une mise en scène de Serge jamais survenue en Europe. Cet histori­ Denoncourt. « Un scandale d'imagina­ que voyage à rebours témoignera du tion » signée Théâtre de l'Opsis génocide des premiers habitants du continent et du vol de leurs terres. C'est Vive la danse d'ailleurs sous le thème de « Urihi », la terre en langue Yanomani, que se Full house, une chorégraphie de déroulera ce symposium. « Chaque Ginette burin, sera interprétée du 7 au année, disparaissent pas moins de dix 9 avril prochain à la salle Maisonneuve ethnies dans le monde. » déclare Sil- par 8 danseurs et danseuses. L'Améri­ vana Negro, une des organisatrices de que. bs années cinquante, b banlieue. cette rencontre. L'été. L'amour. Le rêve de « l'American way of life » nous dit le communiqué. Qui dit mieux ? Allélulia.

    Festival musique Le cinéma ? Bien le Festival international de musiciennes b Festival international de films et innovatrices présenté du 6 au 10 avril vidéos de femmes Montréal récidive 88, à Montréal est un précédent dans pour sa 4e édition. Il se tiendra du 27 l'industrie québécoise car il regroupe mai au 3 juin. Au programme : un hom­ pour la première fois au Canada une mage au festival de Créteil. Avis aux cinquantaine de musiciennes venant du intéressées. Fellini sera à l'honneur tous Japon, de France, de Suisse, d'Allema­ les mercredis (à 20 heures) à la salle de gne, d'Angleterre, des États-Unis et du l'ONF du complexe Desjardins : le 2 Canada. mars, il Bidone (1955); le 9, Otto e Montréal devient le lieu où presque tous mezzo (1963), le 16, Satyricon (1969), les genres musicaux peuvent se faire le 23, Casanova (1976) et enfin le 30 entendre dans différents lieux de la ville Ginger et Fred (1985). notamment, au Spectrum, Club Soda, Ô cimaises ! Foufounes électriques, Galerie Dare Dare ainsi qu'aux Maisons de la culture. Design. Design Plus de trente concerts constituent les L'exposition Memphis SE TIENDRA DU moments forts du Festival. Certains 25 MARS AU 22 AVRIL AU CENTRE spectacles seront radiodiffusés par la INFODESIGN BONAVENTURE, 30 Société Radio-Canada. RUE DOLLARD, ÉTAGE « D » Angelo Luzio L'art qui danse

    Anicbde danse soigneusement fanti QUI É6-TU/? MlVORifE I iNVl'SiSLE (TOMME TU VOI6.'!

    0Ul,èTAPR£5m VNMrfU /AO&TJe DEVI £ A/5 VISIBLE ATRAV£R$ TOI. AWS AVAIS/T TOUT...

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    ^^^^P €& & COPYRIGHT e VITTORIO 1988 On n'a jamais vu autant de choses entre la première et la dernière page d'un livre. Découvertes La première encyclopédie en couleurs au format de poche. 24 titres. Gallimard André Malraux La création d'un destin De Bondy la Grise aux temples engloutis André Malraii L'écriture dans l'enfer vert des jungles cambod­ giennes, de la couverture blanche àzLa la création d'un mémoire des hommes Condition humaine (Goncourt 1933) à DÉCOUVERTES GALLI.M AR D Teruel la Rouge, des maquis du Périgord noir aux ors du ministère de la Culture, une vie, un destin. 176p. 15,95$ X Mp*M*

    L'écriture mémoire des hommes L'histoire de l'écriture conte une aventure vieille de 6000 ans. Des rives du Tigre et de l'Euphrate à celles de la mer Egée et de la Méditerranée, ses épisodes décisifs sont ancrés dans le quotidien: tablette d'argile et style des Sumériens, papyrus et roseau des Égyptiens, pierre et poinçon des Romains, parchemin et plus des moines irlandais. l'outil dicte la forme. Et la forme s'épa­ nouit. Transmission d'un grandiose héri­ tage, l'écriture n'est autre que la mémoire tout entière de l'humanité. 224p. 19,95$

    Picasso, le sage et le fou Un peintre, un homme, un génie. Un Van Gogh, homme pour qui peindre veut dire voir, et qui mieux que personne «voit» son siècle. le soleil en face Visionnaire, oui. Engagé corps et biens DÉCOUVERTES GALLIMARD dans son absolu. Homme public dont l'existence tumultueuse fascine les foules... mais aussi personnage farouche, secret. imprévisible. Un homme qui marque le XXe siècle d'une empreinte de feu. 192p. 19,95$ Van Gogh, le soleil en face L'exil, la solitude, la misère. Et la peinture. C'est à elle seule que Vincent voue sa vie. C'est par elle, pour elle qu'il lutte, contre tous et contre lui-même. C'est elle qui l'abat et le sauve. La peinture est l'absolu et l'au-delà de l'absolu, de la folie et de la faim. Vincent Van Gogh, martyr d'une exigence: faire voir. Lui qui inlassa­ blement peignit le soleil et qui fit du bout de sa vie le soleil noir de la mort choisie. 176p. 18,50$