Le site hallstattien de Montmorot (département du ) Roger-François Scotto

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Roger-François Scotto. Le site hallstattien de Montmorot (département du Jura). Gilbert Kaenel; Philippe Curdy. L’âge du Fer dans le Jura. Actes du XVe colloque international de l’Association française pour l’étude de l’âge du Fer (Pontarlier et Yverdon-les-Bains, 9-12 mai 1991), Cahiers d’archéologie romande (57), Bibliothèque historique vaudoise; Cercle Girardot, pp.71-81, 1992, 978-2- 88028-057-4. ￿10.5169/seals-836157￿. ￿hal-02537013￿

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Roger-François ScmTo

ISIBLE de plusieurs ki-lomètres à la ronde, domina. nt tJices elles-mêmes de riches espaces archéologiques : la de sa masse imposante la cuvette de Lons-le­ Combe d' Ain, le Premier Plateau, le Vignoble, la Plaine de V Saunier, la colline de Montmorot occupe une posi­ Bresse. tion clé au débouché de la Plaine de Bresse, face au Plateau Le site de Montmorot, connu dès le milieu du XlXe siècle jurassien et en bordure de la route de Lons-le-Saunier à (Monnier 1832), a fait l'objet de très nombreuses conununi­ Chalon-sur-Saône (fig. 1-2). cations et publications dans les différentes revues locales et La colline de Montmorot, qui culmine à 328 m, peut être régionales de la fin du xrxe et du début du xxe siècle assimilée à un îlot du Bajocien détaché du Premier Plateau (Congrès de l'Association franc-comtoise 1902; Chantre el tout proche (fig. 3). On peut observer sur la coupe géolo­ Savoie 1904). gique régionale 4 zones importantes d' est en ouest, évoca- Un nom doit cependant lui être associé, celui de Louis­ Abel Girardot qui entama les premières fouilles dès 1902. Le «Fonds Girardot» du Musée de Lons-le-Saunier et des Archives départementales du Jura est précieux pour ses listes, descriptions, énumérations et par ses intuitions. Après une dernière campagne de Girardot en 1914, le site semble alors retomber dans 1' oubli (Millotte et Vignard J 960; 1962). De 1964 à 1968, Marcel Vuillemey entreprit des fouilles sur le site avec l'aide du Docteur Mercier et de Paul Mathieu (Millotte 1963).

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D moins de 100m

Fi g. 2. Montmorot (Jura) . Ex trait de la carte IGN 1: 50 000 de Fig. 1. Locali sation du site de Montmorot (département du Jura). Lons- le-Saunier.

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L'âge du Fer dans le Ju ra. Cahi ers d'archéologie romande 57. 1992. pp. 71- ~ 1 Roger-François Scono

Fossé cJ' effondrement

Plaine Vignoble côte de Combe de (nappe de charriage) Bresse 1 Premier Plateau 1 Leutte d'AIN

1 côte de 1 !OUEST! 1 Leut!e

1 ' '

_Tertiaire '\. Faille stampien (oligocèn e)

_Trias f Gronde faille bordière .Saxonien

. Stéphanien Terrains autochtones 0 . Socle cristallin

. Quaternaire _Tert iaire post -portien _Plan de charriage : t~~en } Jurassique moyen (Dogger) _Lias Terroirsallochtones _Trias sup (l

Fig. 3. Coupe géologique de la région de Montmorot (Jura), d'après la carte géologique 1: 50 000 de Lons-le-Saunier.

Etude stratigraphique - un niveau néolithique découvert fugacement sur 3 m2 seul ement et dont le mobilier lithique et céramique est daté par Jusqu'aux fouilles conduites par Marcel Vuillemey, Anne-Marie et PieiTe Pétrequin entre 3100 et 2700 av. J.-C.; l' ensemble des recherches effectuées sur le site de -un niveau A, épais de lü à 30 cm, consistant en un amé­ Montmorot s'est soldé par l'absence constante de relevés nagement de la roche sous-jacente et constitué de 3 horizons stratigraphiques ou planimétriques. A l'opposé, les travaux distincts: entrepris par l'équipe Vuillemey ont donné lieu à des relevés * l'horizon A2 de couleur grisâtre contenant de nom- verticaux et horizontaux qui permettent de mieux appréhen­ breux vestiges à la datation incertaine, der l' étude du site (Scotto 1981). * 1' horizon A 1 stérile, Les zones fouillées se sont articulées de façon homogène, * l' horizon A cotTespondant à un mince foyer; autour du noyau de base constitué par un sondage prélimi­ - la zone d ' habitat protohistorique était installée sur un nai re de 1963 (fig. 4) entrepri s sur le petit plateau constituant niveau de matériaux destinés à régulariser le sol B, C et D . le sommet de la colline, à quelques mètres du mur ouest de la L'horizon C est un véritable sol en terre cuite rose très tour moyenâgeuse et à la limite d'un cône d'éboulis. solide, épais de 2 à 3 cm. La céramique graphitée (fig. 11 ,4) La coupe stratigraphique perpendiculaire à la pente, rele­ trouvée dans l' horizon B permet de dater cet ensemble du vée en 1968 (fig. 5), permet d 'observer, en partant des Hallstatt C; niveaux inférieurs: - un niveau E, d ' une di zaine de cm d'épaisseur, consis-

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Fig. 4. Montmorot (.Jura). Localisation des sondages préliminaires. tant en un aménagement de sol composé soit de pierres -au-dessus, le niveau F était certainement un sol d'habi­ plates (dalles de 40 cm de côté par endroits), soit de galets de tat, épais de 10 à 25 cm, el constitué d'un mélange de terre et ri vi ère; de charbon. Cette couche étail particulièrement riche en mobilier; - sur ce niveau, une couche de teJTe (niveau G) jaune clair, assez fine, riche en argile, faisant penser à du pisé car elle contenait par endroits des restes de branchages, vestiges éventuels des structures de soutien des cloisons. Une lentille d 'argile craquelée en surface pourrait être une sole de foyer; ces 3 niveaux, E, F et G sonl datables du début du VIe siècle av. J.-C. grâce notamment à la présence de fibules ser­ pentiformcs à disque d' arrêt; - le niveau d' habitat supérieur, H, était riche en osse­ ments et en fragmcnls de céramiques, disposés sensiblemcnl à plat dans une couche de lene noirâtre charbonneuse. Il peut être altribué à la fin du VJ c siècle av. J.-C. ; - un niveau I, de 60 cm d'épaisseur environ, fortement remanié, marque la fin de l'occupalion de l' âge du Fer sur le site et semble bien daté du début du y e siècle av. J.-C. par de Fig. 5. Mo ntmornt (.Jura). Coupe perpendiculaire il la pent e. la céramique gri se phocéenne (fig. 1 1, 7 ; 12, 1) ;

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Fig. 6. Montmorot (Jura). Coupe longitudinale.

Les niveaux J 1 (XVe-XVIe siècles), 12 et 13, constitués morphologiques (homogénéité dans l'ulilisalion des cols ct de pierrailles provenant des ru ines du château (fig. 6), com­ bords évasés et des lèvres arrondies), traduisant une trans­ plètent celte stratigraphie générale, précieuse car il est rare mission sans hemts des acquis artisanaux. de trouver dans notre région une telle somme de données. Rupture cependant à pattir du niveau F dans certains

Le mobilier céramique Les types de formes

La typologie du mobilier céramique a été volontairement simplilïée. Les récipients de Montmorot sont ainsi répartis en deux cl asses principales (fig. 7): les récipients à corps ~ Fcuelle Ca rénée . simple et les récipients à corps complexe, classification ren­ 'J:7 Ecuelle. voyant à celle mise au point sur le site de Besançon-Saint• Paul (Pétrequin et al. 1979), avec formes primaires et formes Assiette. secondaires. Les premières se caractérisent par une ligne de flanc galbée, les bords étant dans le prolongement de la courbe du flanc, soit droits soit rentrants. La fom1e des Bol. seconds évolue vers la carène vive ou mousse. En parallèle ~ CoupeCarénée. de ces deux ensembles viennent se greffer deux nouveaux ensembles technologiques: les récipients à pâte fine (essen­ Jatte_ tiellement des formes simples et complexes), les récipients à parois épaisses (pour l'essentiel deux types complexes: ~ Gobelet à ,épaulement . urnes, jarres). ~Plat _ Les formes complexes (57%) devancent les formes simples (43%) sur l'ensemble du mobilier mais aussi des {j) Gobelet Ovciide. niveaux. Seuls D et E présentent le phénomène inverse. ~ Coupe. La répartition des types de récipients (fig. 8) permet d'observer l'absence totale de certains d 'entre eux dans les rn ln niveaux inférieurs puis leur brutale apparition dans les Urn:arr\JJ niveaux supérieurs à partir de F. C'est le cas des assiettes, \U coupelles, coupes carénées, écuelles carénées et jattes caré­ 1 RECIPIENlSà cœPSSIMRLES 1 nées. A travers ces observations, deux termes s'imposent au vu L------,J REPERIIURiE rdes fORMfS lll-----..JJ d'un ensemble assez homogène: continuité évolutive et rup­ ture. Continuité évolutive dans les choix technologiques et Fig. 7. Montmorot (Jura). Répe1toi1re des fomues {jllJ! m0bianer GéJ:am1ÜiJUie.

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A 1 B-C 1 D E F G H 1 1To m _ et les impressions digitales 6,6%; 17% de poteries sont sans Fœtt:S NIVEAUX 1 1 1 1 1 EcuELLES l . 5 7 9 3 8 2 35 décor. 1 1 1 1 1 1 1 1 Ass i ETTES . . . 1 1 Trois techniques décoratives émergent très nettemenr 1 1 1 1 15 1 1 3 1 1 20 V> BoL S 4 1 . 1 4 25 1 7 4 116 (fig. 10): les impressions à la baguette sur cordon, les ~ 1 1 1 1 1 1 1 --' .JATTES 7 1 1 4 7 55 8 20 13 115 impressions à la baguette sur paroi, les cannelures. "- 1 1 1 1 1 1 1 "' PLATS l . 2 12 3 10 31 A l'exception des niveaux B, Cet D , elles sont présentes - 1 1 1 1 1 1 1 3 1 V> sur l'ensemble du site. ]3 V> CouPE S l 1 1 1 4 1 ? 1 1 1 1 21 1------1 ~ Les principales formes décorées de cannelures sont les x: CouPELLES . . . b 1 l 8 1 1 1 1 1 1 1 1 = gobelets ovoïdes (27% ), les jattes carénées (22o/c ), les 0 GODE T J . . . l u_ 1 1 1 1 1 1 1 1 écuelles carénées ( 17,8%) (fig. 11,1 et 2). FAISSELLE . . . . 1 . . l 1 1 r 1 1 1 1 1 Les ensembles particuliers lj V> CouPES CAR~N~Es • 1 . . . 2 . l l 1 1 1 1 1 1 1 ~ 7 ~ EcuEL LES CAR~N~E s • 1 . 1 1 . 1 ]6 1 2 1 1 lj 1 29 ~ - Montmorot offre des ensembles particuliers assoctes et --' JATT ES CARÉNÉES • 1 . . 2 1'1 . 31 "- 1 1 1 15 1 1 1 1 voisins d'une céramique commune onu1Îprésente. Nous le x:: - . l 2 3 6 23 0 GoBE ~~; ,~, <,:., . 1 1 1 lu 1 1 1 1 constatons avec la céramique grise dite «phocéenne>>, la ~ 7 47 V> GoBE LE TS ÜVO ÏDES . 2 25 4 5 3 1 1 1 1 1 1 1 1 céramique à décor excisé ou à décor graphité. ~ 1 URNES ou Pors 2') 16 3 7 101 12 ] ù 13 1 191 "' 1 1 1 1 1 1 ""0 . . 7 La céramique à décor graphité u_ JARRES 7 1 1 1 3 1 11 1 1 1 15 1 1 lJ5

39 1 T 0 T A L 49 1 18 1 14 1 34 13œ 1 1124 51 1 548 Si nous trouvons ce dernier décor dans les niveaux supé­ Fig. 8. Montmorot (Jura). Tableau récapitulatif des formes par ni veau. rieurs (fig. 11 ,3), l'un des niveaux les plus riches en céra­ mique à décor graphité est le ni veau B-C (fig. 11,4). choix stylistiques, avec l'apparition de nouvelles formes C' csL une céramique fine à la technique parfaitement marquées par des carènes vives ou mousses. maîtrisée (épaisseur 3 à 5 mm) très différente de la céra­ mique grossière (épaisseur 1 cm) du même niveau. Le niveau Les types de décors B-C ne propose qu'une seule forme: l' urne biconique à panse ovoïde. A partir des tessons recueillis, il est possible Les décors relevés sur les céramiques du site de d 'évaluer à 10 le nombre d ' urnes de ce niveau. Lacéra­ Montmorot peuvent être répartis en deux groupes distincts mique à décor graphité se retrouve dans les niveaux supérieurs: (fig. 9). Le groupe du décor «primaire» englobant l'ensemble des techniques simplement manuelles et le NI VEAUX REPERTO IRE DES I'IJI Il-S DECOOATIFS groupe du décor «secondaire» nécessitant l'aide d ' un ,, B-C 0 E F G H 1 «OUtil». IMPRESSJ (l'~ S DIGITALES SUR CŒDOO • • • • II'I'RESSIOOS DIG ITALE S Sl.R DOOBLI CŒ!m Les formes simples sont majoritairement vierges de li'I'RESS IOOS DIGITALES Sl.R PAAO I • décor, les formes complexes étant majoritairement décorées. llf'RESS I!JlS DIGITALES Sl.R LEV1lE • Ilfli!ESSHWS DIGITALES Sl.R BA.<;r • Le décor gravé est le plus fréq uent (37%), suivi du décor • • CŒ!m VIEHII: • • impressionné à la baguette (25,5% ), le décor appliqué 13% DOOBl.E CIJU:Œ V1 EHŒ • P1 NCEI'ENT S • • 111'RESS I!JlS A LA BAGI.Effi Sl.R Cœr:Œ Ilf'RESSHWS A LA B.I.GUETIE SIR DOOBI.I Cœr:Œ • • • • • • • ~-----~ /sur co rdon 111'RESSI JJlS A LA BAGI.Effi SIR PAROI • • - Impressions digitales ?--sur paroi IIFRESSI!JlS A LA BAGI.ETTF SIR I.J:WE • • • • • • • ~sur lèvre CAifHl.RES • • • • '-sur base • • • • • • EXC ISI!liS • • • • INCI SI!JlS • • • • • 1 DECOR PRIMAIRE FOND IKIERN: IJECŒE D'INC ISI!liS • ENCOCJIES SIJl PAHO I • • ENCOCHES Sl.R CŒDON • • • • DECœ PE INT • • • • DECœ GW'HI1E • • • • .------~ sur cordon OOOBLE Ilfli!ESS I!li OO IGT+BAGUETIE Sl.R PAROI • --sur paro1 DOUBLE Ii1'R ESS IOO OOIGT +BAGDETTE SIR CŒD!Jl • Il'f'RESSI!JlS A LA BAGUEffi Sl.R LEVREoCŒ!m • • • L__-~--.....J ~su r lèvre li"f'RESSI !JlS A LA MGDETTE SIR LEVRE + PAAO I - • Ii'PRESSI!JlS DIGITALES SUl LEV1lEoCŒI:œ 11'1'RESSI!JlS DIGITALES SI.R LEVRE+f'AROI - - DECOR SECONDAIRE !WIJER INCISE+ IMPRESS I!JlS A LA BAGDETTE Sl.R PAAOI - DECŒ PEINT +{ANN:ll.RES -• '-ÊNCOCifS+II1'RESSIONS A LA MGDETTE SIJl PAROI ENCOCifS Sl.R PAAOI +O.NN:LURES - Ii1'RESS I!JlS DIGITALES SI.R CŒI:œ+PERFŒATIOO - ENCOCifS Sl.R CŒ!Œ+LEVRE - • II'I'RESSI!JlS DI GITALES SI.R CŒLŒ-tfNCOCHES - Fig. 9. Montmorot (Jura). Typologie des décors. Fig. 10. Montmorot (Jura). Répertoire des motifs décoratifs .

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Fig. 11. Montmorot (Jura) 1. Niveau F: jatte carénée décorée de cannelures; 2. Niveau H: jatte ca ,~énée dé<::OT'ée "ile c.amllellllifes; 3. Niveal!l F: écuelles carénées avec décor graphité (b); 4. Niveau B-C: cols d'urnes à décor graphilé; 5. Nive.all!l H: :f\ll'arJ11d!e l!lme à décor excisé; 6 . Nüv-e;nn [: urne globuleuse à col droit excisé; 7. Niveau H: céramique grise phocéenne .

76 Le site hallstattien de Montmorot (département du Jura)

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Fig. 12. Montmorot (Jura) 1. Niveau 1: céramique grise phocéenne; 2. Fusaïoles; 3. Niveau E: gobelet à épaulement cann elé, (a), fibule ser­ pentil"orme à di sque d'arrêt ct tête de pavot, (b), bracelet en fil de bronze torsadé; 4. Niveau F: bracelets de li gnite (a-b), anneau-en pâle de verre (c), fibule à arc serpcnliforme (d), rragments de fibul es(c, L g. h, i, j ct k), fleur de bronze (h), petite plaque de bronze (i).

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8 urnes biconiques, deux gobelets ovoïdes ct deux assiettes La céramique grise phocéenne dans le niveau F; 2 gobelets à épaulement, une coupe caré­ née, une écuelle carénée et un plat hémisphérique, de 28,6 cm Le troisième et dernier groupe particulier concerne la de diamètre, dans le niveau H, et une urne dans le niveau 1. céramique g1ise dite phocéenne. Les tessons recueillis à La peinture au graphite est toujours associée à une engobe Montmorot ont permis la reconstitution de deux coupes noire. Seule la partie supérieure des céramiques est décorée. (Arce! in 1975; Scotto 1985). La première (fig. 12, l) appar­ Une majorité des cols d' urnes du niveau B-C est décorée tient à la forme nr, la plus courante dans l'aire provençale, et recto-verso. provient de la région vauclusienne, la seconde correspond à Outre des tessons découverts à Sali ns (Pirou tet 1934) et des la variante III b, et sa provenance semble correspondre intluences germaniques (style lusacicn, matériel du davantage à une aire plus maritime. Wurtemberg), la grande urne du tumulus XVI de Chavéria La coupe A, trouvée dans le niveau H, est datée de [a fin présente un décor identique à certains motifs de Montmorot du VIe siècle av. J.-C., la coupe B datant le niveau 1 du début (Yuaill at 1977). Cette analogie se devait d 'être soulignée, du Vc siècle av. J.-C. permettant par là même de proposer de dater le niveau B-C Deux coupes seulement pour un site aussi importanl, du Hallstatt C. voilà qui confirme les observations faites à propos des trou­ vailles de Salins (Piroutet 1934), Chassey (Gaiffe 19~4) ou La céramique à décor excisé Châtillon-sur-Glâne (Ramseyer 1983), observations de la valeur et du rôle joué par ce type de céramique au sein des Le second ensemble particulier, la céramique exCisee échanges entre populations indigènes et méditerraifléemues à grise, se démarque indéniablement de l'ensemble céramique la charnière vtc-ve siècles av. J.-C. étudié sur ce site par son originalité prononcée et par sa rareté même en Franche-Comté. Les fusaïoles Les tessons découverts dans les niveaux supérieurs H et 1 Derniers éléments du mobilier céramique, les fusa1oles représentent une demi-douzaine de vases répartis équitable­ (fig. 12,2), au nombre d'une soixantaine, qui, de par [ei.Jir ment en deux formes principales: l' urne de grandes dimen­ appartenance à un seul niveau (pour celles relevées en strati­ sions (fig. 11,5) à panse très galbée marquée par un graphie) et de par leur morphologie, nous semblent êilirc la épaulement très anguleux ct la petite urne globuleuse à col preuve de la présence d'un artisanat de tissage au VIe si.ède droit court (fig. Il ,6). av. J.-C. Nous nous référons ici aux comme1utaires de Les procédés d'excision observés à Montmorot, compte Piroutet (Piroutet 1934) à propos des fusaïoles de Château• tenu de l'échantillon, sont bien plus restreints que ceux étu­ sur-Salins, qui, elles, semblent perdurer dans les niveaux diés sur de grands ensembles (Languedoc oriental; Dedet supérieurs (connexion avec des tessons attiques). L'absence 1980). Nous pouvons noter cependant une homogénéité évi­ de fusaïolcs dans les niveaux supérieurs de Monlmomt (H et dente dans la technique d' excision proprement dite. I) peut éventuellement suggérer un changement de spécia[i­ Cc type de décor occupe pour l'esscnticlune bande hori­ sation, 1'extraction du sel dominant alors vraisemblableme11t zontale comprise entre la base du col et le retour d'épaule toul autre a1tisanat. inférieur, la zone conespondant au diamètre maximum du vase étant toujours décorée. Le mobilier métaUique Les motifs décoratifs sont peu nombreux. Nous n'en dis­ Si la plupart des grands sites d'l1abatat du IP'remŒer .âge d1111 tinguons qu'une série, celle des motifs simples correspon­ Fer ont souvent livré d'imposmlts 11111ohili.ers mélt.aiiŒques dant à des droites, des segments de droite ou des triangles. (Salins, Vix, La Heunehurg 0111 O lilâltilion-stlllr-Gilùn.e), La composition du décor est adaptée au support et à la Montmorot s'est moniliré pllllls qu'.av.an-:e. Deux tfiilb:lllks oom­ forme de la zone à décorer. Sobre sur 1' urne à épaulement, le plètes, les fragme11ts de drox alllli1Jr1Cs, llllllil 11mnçmn d'éi]1ltinngk décor vient rehausser le caractère quelque peu commun de deux bracelets do11t 1.11" U1.01'S Sltn'.(llÜgil~llnie,

Les éléments de comparaison sont bien difficiles à établir La .fibule du aû\;eau E pour cette période tardive, même si l'on songe à l'Allemagne. Comme en Languedoc, nous nous retrouvons La fibuk à ai'C seŒlJC

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Le fragment isolé du niveau F

Une petite fleur de bronze d'un centimètre de diamètre et de un demi-millimètre d'épaisseur a été mise au jour dans le niveau F (fig. 12,4 h). Formé de 6 pétales, un bouton interne émergeant d'un ensemble concave, cet étonnant élément nous semble appartenir à un type de fibule fort rare en nos regwns: la fibule serpentiforme à «marguerite» ou «Rosettenfibel». Il n'est d'exemples qu'en Italie, notam­ ment à Este et Golasecca où Peroni ( 1975) remarque que la fibule serpentiforme à antennes avec «marguerite>> caracté­ rise à Este la fin de l'horizon des fibules a navicella et étrier long, tout en montrant que le type à marguerite perdure au début de l'horizon suivant caractérisé par les fibules serpen­ tiformes à disque d'arrêt. La << marguerite» de Montmorot est un nouvel élément attestant l'établissement de liens étroits de part et d'autre des Alpes. Sentiment renforcé par la présence d' une extrémité de fibule incrustée de corail.

Comparaisons

La référence à Château-sur-Salins est évidemment incontournable. Concordances chronologiques, typologies céramiques comparables, présence de mobilier d'importa­ tion comme la céramique grise, te corail ou certains élé­ ments métalliques. L'influence de Salins est indéniable et il est évident que Montmorot entre dans la nébuleuse de ce site prestigieux. Si nous ne pouvons cependant mettre sur le même plan les puissances respectives de Salins et Montmorot, il est pos­ sible d'observer dans un environnement régional certaines concordances dans le rôle de relais commercial entre Montmorot et des sites importants contemporains. La proxi­ mité de Bragny-sur-Saône (fig. 13), au confluent Saône• Doubs, nous permet d'envisager des rapports étroits entre le site jurassien et ce passage déterminant. La distance est faible et le relief de la Plaine de Bresse n'apparaît pas comme un obstacle conséquent. Là encore il semble inutile de revenir sur la l'aible distance séparant Montmorot de la vallée de la Saône et de ses multiples sites. Les rapports semblent indéniables tant au niveau des mobiliers céra­ miques qu'au niveau des échanges <

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analogies peuvent être relevées notamment dans les formes de poteries communes. Peut-être plus encore qu'à l'extérieur de la zone régionale déterminée plus haut autour de Montmorot, il est nécessaire de souligner la filiation entre le matériel du Hallstatt et celui utilisé au Bronze final (Parzinger 1989). La continuation sty­ listique est indéniable et confirme la permanence d'une continuité dans l'héritage des savoirs artisanaux.

CONCLUSION

L'importance de Montmorot semble incontestable. Compte tenu de la faible surface fouillée et des dégâts subis par le site depuis le Moyen Age (château, can·ièœ de cal­ caire, vignoble), les informations en notre possession nous laissent à penser que cette colline a joué un rôle majeur au VIc et yc siècles av . .1.-C., plus économique que politique très cettainement (fig. 14). Relais conunercial entre la vaHée de la Saône, le Plateau jurassien et la Suisse, mais aussi pièce importante de la début des mondat1ans du Doubs nébuleuse salinoise, Montmorot riche de sa position et de son sel apparaît comme un exemple de site vassal de Château-sur-Salins, entouré de sites tumulaires et d'habitats comme celui de Château-Chalon à l'entrée de la reculée de Baume-les-Messieurs, ou encore celui non fouillé de Fig. 14. Tableau chronologique comparatif. (D'après Pétrequin el Gaillardon qui paraît être le <~jumeau» de Montmorot, placé al. 1979). lui aussi en sentinelle le long du plateau sur la route de Salins. Montmorot et son environnement i11m1édiat semblent sont indéniables. Outre les importations de céramique grise donc peuplés de ce que Patrice Bnm appelle la «majorité phocéenne, les permanences dans la composition des mobi­ silencieuse» (Brun 1988). L'étude des vestiges laissés par liers ont, semble-t-il, su ivi la progression vers le Nord des cette population pomTa ce1tainement miellx nous éclairer sur échanges commerciaux via quelques sites bordant cette voie les réalités du Premier âge du Fer dmus le Jt~ra léàonien et essentielle comme celui du Pègue dans la Drôme (Lagrand et salinois. Thalmann 1973) ou de Sainte-Colombe près d'Orpierre dans les Hautes-Alpes (Courtois 1975). Au travers du maigre mobilier métallique, nous avons pu déterminer les rapports Roger-Frarnçois Scouo étroits existant entre Montmorot et le nord de l' Italie via les Hameall de Boismurie voies alpestres. Vers l'Allemagne du Sud, enfin, certaines F-25410 SAINT-VfT

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