SAINT-PIERRE-AIGLE

Publié au profit deà Saint-Pierre-Aiglela " Maison " du 418 () I. DU MÊME AUTEUR

Histoire de Braine. La commune de Colligis-Crandelain. Aubigny-en-Laonnois pendant dix siècles. La vicomté et le village d'. , La Siège et Epritel. Histoire de . et Valpriez. Le Val de . et les Mulquiniers. et son église. et son château. Mons-en-Laonnois et Les Creutes. Quessy, passé et présent. Les mille ans de Billy-sur-Aisne. Lizy et sa mairie. Mareuil-en-Dole et sa forêt. Chérêt et la commune de Bruyères. La commune de . Histoire de Beaurieux. Petite histoire de St-Quentin (couronnée par l'Académie française). Histoire de Challerange. La ville et le comté de Grandpré. Aizy et Jouy. Histoire de Juniville. Histoire d'Y tres. Histoire de (sous presse). COMTE MAXIME DE SARS LAURÉAT DE L'INSTITUT UN VILLAGE DE - - MONOGRAPHIE HISTORIQUE ■ 1148 - 1938 ■

PRÉFACE DE FRANÇOIS DUHOURCAU

G UIL L E MOT ETDEL A M O T H E 35, rue des Petits-Champs - PARIS (1 LES MILLE PREMIERS EXEMPLAIRES DE CET OUVRAGE ONT ÉTÉ TIRÉS SUR PAPIER VÉLIN BIBLIOPHILE ET NUMÉROTÉS DE 1 A 1000

(Tous droits réservés pour tous pays) PRÉFACE LA VOIX DU VILLAGE ÉTERNEL

ES survivants du 418 R. I. ont de l'âme : ils l'ont prouvé, avec leurs compagnons morts, durant L l'idéela guerre. qu'ils Ils ont le eueprouvent, de choisir depuis leur la maisonpaix, parde repos, la maison des champs collective, dans le village de France qu'ils reconquirent jadis sur l'ennemi. Ils vi- vront là, aux heures de loisir où l'on rêve, parmi les champs arrosés du sang de leurs camarades, et même du leur, sur une terre où des tombes, chiffrées de leur nu- méro régimentaire, affirment, illustrent, scellent leur re- conquête. Quelle cure contre l'oubli, si un ancien du 418 pouvait oublier ! C'est là que les morts parlent encore, et les pierres aussi dont la nouveauté crie les malheurs de l'invasion, surmontés cependant par l'éner- gie d'une race qui veut durer et s'acharne à revivre sur le sol de ses pères. Quel enracinement dans le patriotisme que cette adoption par un village des confins de l'Ile-de- France et de la Champagne de soldats issus des quatre points français de la rose des vents !... Quelle vigoureuse et charmante leçon les vétérans en vacances reçoivent aussi du village qui continue, renaît de ses cendres, comme un phénix humain, et veut s'éterniser, malgré les ouragans de la mort !... C'est une seconde belle pensée, et qui vient du cœur, que d'avoir voulu écrire l'histoire du village qui a cimenté avec eux les liens du sang. Ils le font bénéficier d'une autre résurrection. Et chacun, dans ce portrait psychologique et historique, pourra revoir en filigrane l'aventure de son village propre. Saint-Pierre-Aigle ! Son nom vient des temps gallo- romains. Aquila !... Aquila donne en roman Aila. Voilà déjà la déformation qui commence, la déformation du latin par des gosiers gallo-francs. Aila donne Aile dans la suite des âges, puis Saint-Pierre-à-Aile, Saint-Pierre Aelle. Saint-Pierrelle (et j'en passe), enfin, Saint-Pierre-Aigle qui rejoint le mot primitif d'Aquila, on ne sait trop pour- quoi. Bonne leçon de formation du langage français que les poilus peuvent rapprocher de celle qu'ils ont reçue à l'école, où on leur a appris, évidemment, qu'il ne faut pas s'étonner si cocorico donne coquelicot, rose d'outre-mer rose trémière et pracox abricot. Si l'esprit commande la lettre quelque part, c'est bien dans la langue nationale que mène, comme une source profonde, le génie du peuple. En lisant le volume, les Poilus du Midi — je songe à à mes compatriotes pyrénéens du 418 — verront l'élé- gance et la délicatesse de la langue d'oïl et ils ne regret- teront pas trop qu'elle ait alors primé leur très savou- reux langage d'oc. Ils s'enchanteront des jolis noms de lieux, voisins de Saint-Pierre-Aigle, qui chantent comme sons de flûte ou de violon : Cœuvres et , Fave- rolles et Vertefeuille, Mortefontaine et Valsery, c'est-à-dire Val Serein, et Vivières, et Pierrefonds. Ils souriront aux prénoms délicieux des femmes de la vieille Ile-de-France, au Moyen -Age, de ce cœur de la France aux fleurs d'iris d'or : Emmeline et Elisende, Aveline et Béatrice, Eléonore et Isabeau ; Perronnelle aussi, qui est moins heureux, voire Allemande, qui est tout à fait déplorable pour une dame françoise. Mais ce n'est qu'exception confirmant la règle. Les hommes d'alors ne le cèdent point à leurs femmes : c'est Enguerand et Thierry, Ubaud et Mahaut, Eustache et Francois. François ! à la bonne heure ! Il n'y a pas d'Allemand, chez les hommes. Ils y verront que, hors sur un point, nos pères d'autre- fois et nous, nous nous ressemblons fort dans nos coutu- mes et notre esprit. Le point d'exception, c'est que jadis on avait plus d'humilité. L'orgueil, s'il est le mal du siècle, ne semble pas l'avoir été à un tel point des siècles passés. C'est ainsi qu'on voit, au XIII siècle, le seigneur d'Aigle accepter la pénitence de Mgr l'archevêque de Reims pour avoir molesté MM. les chanoines de . La pénitence est de marcher en chemise et en braies, un paquet de verges en main. à la tête d'une procession, et de remettre les verges au doyen du chapitre canonial pour en recevoir une fessée devant l'église. Non, je ne vois pas bien un Poilu du XX siècle et du 418, même sans grade, acceptant cette pénitence ! Mais pour le reste.. allez, lisez, c'est la même façon d'essayer de couper à l'impôt, quand on est sujet que lorsqu'on est assujetti ; c'est la même façon de l'Etat d'imposer d'office les plus gros — ceux qu'on appelle « les coqs de villages » — et de leur demander de payer tout de suite ; c'est le même goût, suivi d'un aussi vif dégoût, des élections et de leurs vains résultats ; c'est le même paiement du denier du culte ; c'est le même sans-gêne chez les hommes d'affaires pour emporter la caisse, que par maintes « câlineries » on a fait remplir, et puis s'enfuir à l'étranger (une diffé- rence : le banqueroutier meurt en exil) ; c'est le même souci des ruinés de se payer sur les dépouilles du failli (une différence : ils y réussissent, parce qu'on ne connais- sait guère alors (1789) que les biens fonds qui sont gages au soleil) ; c'est le même goût de se réjouir, car le récit de la plantation d'un Arbre de la Liberté à Saint-Pierre- Aigle, en 1848, ressemble à un récit médiéval sur la plantation des beaux mais, avec des joliesses de détail dignes de l'imagination d'un trouvère... Allez... lisez l'aventure de l'écureuil qui ne peut s'échapper du grand chêne transplanté, que les villageois de Saint-Pierre atta- chent d'un ruban à la plus haute branche et emportent ainsi sur la place, tandis que la rousse bestiole affolée, feu follet de la forêt, « témoignait du mécontentement qu'elle avait d'une liberté qui lui ravissait la sienne ». O liberté, que d'esclavages on opère en ton nom !... Mais ce qui revient, au cours de ce tableau généalo- gique du village, ce qui revient comme un glas de douleur ou un tocsin d'épouvante, c'est la guerre, l'invasion, ses dévastations, ses horreurs. La Guerre de Cent ans, jadis. Et puis surtout, en cent ans, et ces cent dernières années, cinq invasions : 1814, 1815, 1870, 1914, 1918, cinq invasions dont la dernière abolit le vieux village du paysage fran- çais qu'il embellissait de ses traits délicats. Les Poilus du 418 rejoignent ainsi leurs souvenirs propres et n'ont plus qu'à écouter dans le vent qui chante sur les moissons et les feuillages renouvelés des champs ou de la forêt, la plainte, le conseil, peut-être le reproche, de leurs compagnons morts : « Amis qui nous juriez, pour apaiser notre agonie, que nous ne mourions pas en vain, avez-vous fait votre devoir ? Vingt ans après, l'in- vasion, toujours la même, celle de l'Est, est-elle bien en- rayée ? Le nouveau village peut-il vivre tranquille ?... » Mon vœu pour tous est que ce lamento de leurs compa- gnons sacrifiés n'ait à troubler leur repos à Saint-Pierre- Aigle de trop justes remords. François DUHOURCAU. CHAPITRE PREMIER LES ORIGINES

Géologie. ES terrains sur lesquels ont été bâties en amphi- théâtre les maisons de Saint-Pierre-Aigle, à L 13 kilomètres au midi de Vic-sur-Aisne, son chef- lieu de canton, et à 14 kilomètres au sud-ouest de Soissons, son chef-lieu d'arrondissement, appartiennent partiellement aux couches éocènes inférieures, composées de diverses sortes de sable et d'argile plastique ; au-des- sous s'étendent les couches de l'éocène moyen et supérieur faites de marnes, de sable et de calcaire. C'est à l'éocène moyen qu'appartient le banc de pierre de taille dure qui a fait la célébrité de ce village. « Mes observations sur les grandes plaines de Vertefeuille, de Beaurepaire, de la Croix-de-Fer et de , écrivait au début du siècle dernier un savant ingénieur, le vicomte Héricart-Ferrand, m'ont mis à même de constater que la formation du cal- caire marin y est peu profonde. J'ai acquis la conviction que, malgré l'élévation de ces vastes plaines, elles se com- posent sous la terre végétale uniquement de calcaire marin se posant sur une puissante masse de sable. » Dès 1492, les Noyonnaïs, désireux d'élever une fontaine monumen- tale, vinrent ici chercher les blocs qui leur étaient néces- saires. Hydrographie. Après l'asséchement de la mer tertiaire, sous l'influence de mouvements du sol, des cours d'eau, beaucoup plus importants qu'aujourd'hui, ont creusé l'étroite vallée qui se dirige vers l'Aisne. Le Retz, un gros ruisseau de cinq à six mètres de large, est formé de deux branches, dont la principale sort de la forêt qui lui a donné son nom, appelée improprement de Villers-Cotterêts. La seconde prend sa source au fond de la gorge de , coule au pied de ce village et de Saint-Pierre-Aigle ; près de l'ancienne abbaye de Valsery, elle incline vers le nord pour rejoindre la branche principale en amont du moulin de Cœuvres, traverser avec elle Cœuvres, Laversine, et se jeter dans l'Aisne en aval de Fontenoy. Epoques préhistoriques. Ces lieux sont demeurés tardivement couverts par la forêt épaisse qui descendait dans la gorge, remontait la pente adverse et s'étendait sur le plateau vers l'Aisne. Les premiers hommes, assez hardis pour s'y aventurer, ont trouvé, dans les bôves ou creutes, creusées à flanc de coteau par la nature dans les bancs de calcaire les moins durs et agrandis à l'aide de leurs outils de silex, un abri sérieux contre les animaux fantastiques, demeurés les maîtres de la sylve marécageuse, et contre leurs propres semblables. En chassant de notre pays les petits Ligures bruns, les grands Gaulois blonds paraissent avoir respecté cette solitude ; seuls, les druides, vêtus de blanc, cher- chaient parmi les chênes le gui précieux, prêts à le couper solennellement de leur serpe d'or. Les Romains se conten- tèrent de passer rapidement, à travers les bois, sur la grande route droite qu'ils avaient tracée à l'usage de leurs armées et de leurs commerçants, de Lutetia (Paris) à Augusta Suessionum (Soissons). Un érudit local a émis l'hypothèse que la voie de Soissons à Meaux se détachait de celle-ci, non à Villers-Cotterêts, mais à la lisière nord de la forêt, là où s'éleva plus tard la ferme de Vertefeuille, pour se diriger sur Faverolles et Oigny. Le voyageur venant de Paris avait sans doute la fortune de remercier Jupiter, père des dieux, d'avoir franchi sans encombre les bois touffus, en s'arrêtant à un sanctuaire qui lui aurait été consacré près de Vertefeuille, lieu dit Vaujour (Vallis Juvini) dans une charte du XII siècle (voir p. 18). Il faut dépasser l'an 1000 pour voir apparaître notre village, dont le nom est certainement d'origine latine et chrétienne. Etymologie. Aquila, dit un diplôme de 1175, sans doute en souve- nir de l'oiseau impérial qu'on y aura abattu (on trouve à Dommiers un lieu dit Le Nid-d'Aigle). Déjà la langue romane corrompt le latin et l'on trouve en 1206 : villa que vocatur Aila. Cette forme devait vivre plus de six cents ans : Aile, en 1235 ; Ayle, en 1255. Avec le XIV siècle apparaît le préfixe de Saint-Pierre, dont on trouvera plus loin une explication assez contestable : ville de Saint- Pierre-à-Aile, en 1322 ; Saint-Pierre-à-Aille, en 1366 ; Saint-Pierre-Aelle, en 1394 ; Saint-Pierre-Aille, en 1507 ; Sainct-Pierelle, en 1508; Saint-Pierreailles, en 1529; Sainct- Pierelles, en 1549; Sainct-Pierre-Aigle, en 1551; Saint-Pier- relle, en 1647; Saint-Pierresles, en 1702. Pendant tout le cours du XVIII siècle, la forme actuelle lutta avec la con- traction Saint-Pierrelle, qui apparaît pour la dernière fois en 1786. Origines féodales. Le plateau d'une si belle fécondité qui s'étend au nord et à l'est de Saint-Pierre-Aigle fut mis en culture, au cours du XII siècle, par les cisterciens de et les pré- montrés de Valsery, dont la hache infatigable faisait recu- ler la forêt. Peut-être existait-il déjà quelques îlots colonisés. Les grands fiefs s'étaient constitués au cours des IX et X siècles, grâce à la faiblesse des derniers succes- seurs de Charlemagne. Pour défendre son domaine au nord-ouest contre les empiètements de son voisin de Crépy (le futur comte de Valois), le comte de Soissons plaça au bord du plateau, commandant la gorge de Retz, un poste militaire qu'il confia à un de ses chevaliers. Comme on le verra (ch. III), un fief relevant de Crépy bordait l'autre côté du rû et posait son manoir sur la rive droite, comme une tête de pont, tout en étendant son autorité sur un tiers du terroir. Justice. Le droit féodal voulait que les jugements rendus par un seigneur ou son représentant, appelé tantôt maire et tantôt bailli, pussent être revisés en appel par le suzerain. Le maire de Saint-Pierre-Aigle, pour le second seigneur, était encore tenu, au XV siècle, d'assister aux plaids que le bailli de Valois ou son lieutenant tenait régulièrement dans une vaste salle du château de Pierrefonds, une fois par semaine, et aux assises solennelles convoquées chaque année ; les amendes qu'il distribuait appartenaient au fer- mier des exploits du domaine. Quand ces usages disparurent pour faire place au droit d'appel de la justice royale, le bailliage de Pierrefonds transféré à Villers-Cotterêts et celui de Soissons s'arrachè- rent notre village tout entier, sans se soucier des désuètes frontières féodales. Une ordonnance du lieutenant général de Villers, rendue le 18 mai 1379, interdit aux officiers de justice de Chaudun, de Saint-Pierre-Aigle et de Cœuvres de comparaître aux assises de Soissons, sous peine de 20 écus d'amende, « attendu que ces lieux relevoient de la châtellenie de Pierrefonds » ; les sergents (nos huissiers) soissonnais qui viendraient pour les afficher sur ces terroirs devaient être arrêtés et leurs chevaux confisqués. En prononçant l'érection en siège présidial du bailliage de Soissons, l'édit de 1595 lui donna juridiction sur Saint-Pierre-Aigle et Vertefeuille ; cette décision fut con- firmée par un arrêt du Parlement rendu le 22 mai 1599 entre la reine Margot, duchesse de Valois, prenant fait et cause pour les officiers de son duché, et les magistrats du présidial, ensuite par une déclaration royale de 1662. Le bailli du comté de Soissons, qui s'appelait Charles Bertherand, dut interdire en 1682 aux habitants de ce village d'obéir aux ordres du receveur de la vicomté d'Oulchy, qui entendait vérifier leurs pichets, pots, pintes, aunes et autres mesures. L'union, réalisée en 1758, du bailliage de Villers- Cotterêts à celui de Soissons, supprima toute cause de fric- tion et en le rétablissant, un édit de Louis XVI conserva en 1781, au ressort de Soissons, Saint-Pierre-Aigle.

CHAPITRE II LA SEIGNEURIE RELEVANT DE SOISSONS

I l'on en croit les pièces d'un procès réglé par une transaction passée au XVII siècle, la seigneurie de ce village se partageait, à l'origine, entre deux fiefs, S celui d'Aillé mouvant du comté de Soissons et celui de Saint-Pierre de la châtellenie d'Oulchy. Par la suite des temps, des habitations s'élevèrent dans l'enclos de ces deux fiefs qui étaient enchevêtrés l'un dans l'autre, et la « petite ville » prit d'abord le nom d'Aille, pour s'appeler ensuite : Saint-Pierrelle. Le peu d'actes que nous a laissé le Moyen Age ne permet pas de juger la valeur de cette tradition.

Jean le Roux. On connaît peu de chose de Jean le Roux, d'Aile (Hela), qui fut un puissant seigneur dans la première moitié du XII siècle. Son nom n'a survécu que par sa charité envers les religieux prémontrés que le châtelain de Vivières avait chargés de veiller sur les reliques de sainte Clotilde. Il leur fit don, en 1148, d'un domaine considérable sur la rive gauche du ruisseau, où les chanoines réguliers furent heu- reux de se trouver chez eux, au milieu d'une solitude pro- fonde qu'ils appelèrent Valsery, ce qui veut dire la vallée sereine (vallis serena). Pierre d'Aile. Le fils de ce bienfaiteur, Pierre d'Aile, ne se contenta pas, en 1157, de confirmer la libéralité de son père ; il y ajouta tout le terrain compris entre le pont de « Secten », le vivier et le moulin de Soucy, la terre d'Eudes de Clermont, l'usage du bois mort et des branches depuis Montgobert et Vaujour jusqu'au Chaufour et 3 sols de rente sur les hôtes de Cuise. Sa femme, Emmeline, donna son accord à cette dona- tion, ainsi que Pierre, Ubaud, Gui, Henri et Elisende, leurs enfants. L'aîné doit sans doute être le même que Pierre d'Aile, signalé comme prévôt de l'héritier du comte de Soissons dans une charte de l'archevêque Henri de France, qui occupa le siège de Reims de 1162 à 1175. Wibaud, chevalier d'Aile. C'est son deuxième fils, Wibaud, Guibaud ou Ubaud, chevalier d'Aile, qui lui succéda. Apprenant en 1192 que son suzerain Raoul, comte de Soissons, se trouvait à Chavigny avec plusieurs chevaliers, il s'y rendit, accom- pagné d'Aveline, son épouse, et se reconnut devant lui débiteur envers les religieux de Saint-Léger de Soissons d'une rente annuelle de 4 livres châlonnaises à prendre sur sa maison, située au Vieux-Marché de cette ville ; il confirma en même temps le droit qu'avaient les bœufs, les porcs et les brebis de la ferme où il était de pâturer sur tout le territoire d'Aile. L'évêque de Soissons notifia, au mois de septembre 1216, à son arrière-vassal, Guibaud, chevalier d'Aile, et à Béatrice, femme de Guibaud, qu'il avait donné au chapitre de cathédrale une terre « subtus viam Corileti ipsius Wibaudi ». Dans son Histoire du duché de Valois, Carlier, qui l'ap- pelle Thibaud, rapporte que ses gens ayant été surpris coupant du bois vif dans un canton de la forêt de Retz où il avait droit d'usage, pour réparer ses granges de Pier- refonds et de Montgobert, sans prévenir les officiers pré- posés à la conservation de ladite forêt, furent appréhendés et conduits à Verberie, en vue d'être jugés par le prévôt royal de Philippe-Auguste. Jean II, comte de Soissons. Dans le courant du XIII siècle, la seigneurie d'Aile passa aux mains du comte de Soissons, soit par saisie féodale ou par achat. Jean de Nesle, deuxième du nom, fils aîné du comte Raoul, croisé en 1190, et d'Ade de Grandpré, sa seconde femme, est appelé le Bon et le Bègue. Il ne montra pas sa bonté aux chanoines de la cathédrale en pillant leurs biens et en emprisonnant l'un d'eux; l'archevêque de Reims le condamna à marcher en chemise et en braies, tenant un paquet de verges, à la tête d'une procession, et de remettre ces verges au doyen pour en recevoir la disci- pline devant l'église (juin 1233). Cette leçon lui profita et il témoigna par la suite plus de mansuétude. Sous le souffle de l'esprit d'indépendance qui avait agité les villes, les serfs des campagnes présentaient aussi des revendica- tions que leurs maîtres jugeaient plus prudent de satis- faire. Le comte Jean groupa en une seule commune, en 1247 croit-on, ses hommes de Terny, , , , Pommiers, Villeneuve, Aile et dépendances ; le texte de sa charte n'a pas été consérvé. Ayant pris la croix avec plusieurs de ses vassaux, à quelque temps de là, il défendit le pont de Mansourah aux côtés de son cousin, le sire de Joinville, et partagea pen- dant un an la captivité de Louis IX. Le saint roi apprit si bien à apprécier le « bon seigneur de Soissons » qu'il le chargea par la suite, avec d'autres conseillers, d' « oir les pletz de la porte », c'est-à-dire de recevoir les plaintes de ses sujets. En 1265, le comte prit part à la conquête du royaume de Sicile. Cinq ans plus tard il mourait au cours de la funeste croisade de Tunis. Dans son testament, il n'oubliait aucun de ses domaines et laissait aux chapelains qui les desservaient, notamment à celui d'Aile, une rente de 11 sols pour célébrer chaque année son anniversaire, et, en outre, au prêtre d'Aile, 40 sous. Veuf de Marie, fille et héritière du seigneur de Montri- chard, il s'était remarié à Mahaut d'Amboise, morte avant lui sans enfants. Jean III, comte de Soissons. De sa première alliance, il laissait Jean, Raoul, mort sans alliance, et trois filles, dont Eléonore, femme de Renaud de Thouars, seigneur de Tiffauges. Aubert le Gai (li Gais), de Saint-Pierre-d'Aile, se reconnut Homme de corps, c'est-à-dire serf de messire Raoul de Nesle à la ses- sion du Parlement de la Pentecôte 1283. Jean de Nesle, seigneur de Chimay et comte de Soissons, avait suivi Charles d'Anjou en Sicile. Au mois de février 1272, avec l'approbation de l'évêque, qui était son suze- rain, il interprêta plusieurs des articles de la charte com- munale octroyée par son père, dans un sens restrictif. Le for-mariage, en cas d'alliance d'un serf avec une serve d'un autre domaine ou une personne libre, entraînait la confiscation du tiers des biens du délinquant. Les maires et échevins qui exerçaient la justice dans les villages de la commune ne paraissent avoir été que des agents doma- niaux. En échange de leurs privilèges, les habitants devaient un cens annuel. Malgré ces rigueurs, la fixation des droits seigneuriaux marquait un progrès certain pour les anciens serfs. Jean de Nesle mourut en 1284 et fut inhumé dans l'église abbatiale de Longpont. Sa veuve, Marguerite, fille d'Amaury, comte de Montfort, connétable de France, et petite-fille du célèbre Simon de Montfort, mariée avant 1268, vivait encore en 1288. Jean de Soissons. Leur fils aîné, Jean IV, succéda au comté, en même temps qu'à la seigneurie de Chimay, et mourut dès 1389, ayant eu de Marguerite de Rumigny deux fils, Jean V († 1297) et Hugues († 1306), tour à tour comtes de Soissons. Raoul, sire d'Ostel son frère puiné, ne laissa pas d'enfants de son mariage avec Jeanne, dame d'Araines. Le cadet entra dans les ordres. Seigneur d'Ostel à la mort de son frère, Me Jean de Soissons était depuis 1299 prévôt de l'église métropoli- taine de Reims, et conserva cette dignité jusqu'en 1328. En 1301, il faisait connaître qu'il s'était entendu avec son neveu, au sujet de 200 livrées de terre que lui avait léguées ACHEVÉ D'IMPRIMER LE 21 SEPTEMBRE 1938 SUR LES PRESSES DE GUILLEMOT ET DE LAMOTHE, IMPRIMEURS A PARIS ET A LIMOGES

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal. Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒ dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.