Arbres remarquables en Finistère 3

Préface

Un sentiment rare se dégage de ce livre, celui de Notre connaissance des arbres reste cependant partielle l’intimidation. Non pas parce que les arbres finistériens car elle ne s’applique qu’à une tranche d’âge très limitée. effraient, quoique certains ne sont pas rassurants quand Les arbres d’ornement de nos villes ont une espérance vient la nuit bretonne, mais parce qu’ils nous font perdre de vie moyenne qui ne dépasse pas 60 ans et en forêt, notre assurance d’être humain. On se sent vraiment petit les arbres sont généralement exploités vers 100 ans. De au pied des 58 m de hauteur des séquoias du manoir de nombreuses questions sur la vie des très vieux arbres l’Odet, éphémère comparé aux huit siècles d’existence de restent donc en suspens. Comment prévoir l’évolution l’if de -lès-, si fragile devant l’extraordinaire réversible ou irréversible d’un dépérissement ? Quelle capacité de résilience du châtaignier de Pont-l’Abbé, est la capacité d’adaptation des arbres séculaires au stress tellement ignorant face aux mystères de la vie végétale climatique ? Quels sont les effets d’une taille ? Quelles sont et contrarié surtout, devant le fait indiscutable que les les différences de comportement entre les essences ? arbres n’ont pas besoin de nous, alors que nous sommes si Pour y répondre, il est indispensable de suivre l’évolution dépendants d’eux. de mêmes arbres au cours du temps sur de très longues On me demande souvent les raisons de mon amour périodes. La photographie est sans nul doute l’outil le pour les arbres. L’origine de cette passion se trouve au plus adapté, à condition de réaliser des séries de photos Finistère, pays de mon enfance. Les pages qui suivent me suivant un cadrage identique et à intervalles réguliers. remémorent le parfum et le jaune des mimosas sur la route Les auteurs de ce livre nous y invitent. Le texte de Mickaël qui relie à Morgat, les branches en plateaux des Jézégou décrit précisément l’historique et l’état actuel de cyprès de Lambert blottis dans les dunes de Sainte-Anne-la- chaque arbre. Les précieuses cartes postales anciennes Palud et les silhouettes fantomatiques des pins maritimes de Guy Bernard sont de véritables pièces à conviction dans le brouillard des landes du Menez-Hom. Sur les nécessaires à la reconstitution chronologique de l’évolution terres de l’écrivain Pierre-Jakez Hélias, le tronc d’un arbre architecturale des arbres. Enfin, le blog collaboratif, « Les est une grosse corde, « il y a même des nœuds dedans. têtards arboricoles », administré par Yannick Morhan est Mais à chaque bout, les fils de la corde se desserrent et le site idéal pour gérer la mise en place d’un observatoire s’élargissent pour s’accrocher au ciel et à la terre. On les photographique des arbres. appelle des branches, en haut, et des racines, en bas. Mais Je vous souhaite une bonne lecture et de belles c’est la même chose. Les racines cherchent leur chemin découvertes arboricoles ! dans le sol de la même manière que les branches cherchent leur chemin dans le ciel ». Ces mots, perçus autrefois Kenavo comme de la poésie, revêtent aujourd’hui une dimension Christophe Drénou scientifique que cet ouvrage illustre à merveille. Docteur-Ingénieur à l’Institut pour le Développement Forestier 5 Avant-propos

« Il n’y a rien de plus beau qu’un arbre. » Pierre Jakez Hélias, Le cheval d’orgueil

Ce livre est un appel à découvrir un autre Finistère. Il invite densités d’arbres anciens en Trois années plus tard, à (re) découvrir ce « bout du monde » à travers ses arbres l’important collectage, fruit de belles rencontres avec des les plus remarquables. Il engage à parcourir les parcs et les arbres et des hommes, permet la concrétisation du projet. forêts, se perdre dans les chemins creux ou les hameaux agricoles ou encore fréquenter les enclos paroissiaux pour Arbre et homme, une relation singulière rencontrer ce patrimoine végétal hors du commun. Cet inventaire souligne combien notre société a tissé, avec À travers, 80 portraits d’arbres, ce livre témoigne, avant tout, le végétal, un lien étroit et une complicité singulière : de l’émotion perçue à leur pied. Car, ces arbres, souvent l’arbre occupe une place importante dans notre histoire méconnus, donnent à réfléchir. Comment rester insensible et notre imaginaire collectif. Tour à tour paysan, forestier, devant leur éternité apparente, leur extraordinaire urbain, sacré, paysager, il incarne le collectif humain dimension ou leur forme insolite ? Il nous interroge sur en témoignant de l’histoire, de l’économie et de cultes notre rapport au temps. Leur mode de fonctionnement ancestraux. Utilisées pour le fourrage, le bois de boulange sobre et résilient, leur altérité ainsi que leurs bienfaits en ou le piquet, les trognes bocagères nous rappellent matière de biodiversité et de cadre de vie ne laissent pas l’importance de l’arbre dans les sociétés paysannes. En indifférents. peuplement forestier, le chêne et le hêtre se transforment Ces arbres sont également une identité et un héritage, à en impressionnante futaie cathédrale. La densité et les silhouettes insolites des arbres exotiques, rapportés, au la frontière entre la botanique et la culture. Ils évoquent e la marque d’un lieu, expriment des faits historiques et xix siècle, de continents lointains, marquent également des voyages au long cours. Ils témoignent de légendes, le paysage des nombreux parcs et domaines finistériens. de cultes anciens et d’œuvres artistiques. Associés à des Enfin, les ifs de cimetière ou les chênes de hameau générations d’hommes, ces passeurs de mémoire font agricole, transmis par des générations d’hommes et de incontestablement partie de notre patrimoine. femmes, forment autant de jalons exprimant la modeste Ce projet est né d’une rencontre entre trois amis, temporalité humaine et notre lien au pouvoir universel. passionnés d’arbres remarquables. Printemps 2015, Ils portent encore les traces de l’évangélisation de cultes l’abandon d’une chasse aux « veteran trees » anglais les païens, de superstitions et croyances magiques. Ils nous ramène en Bretagne. Le voyage se transforme en virée plongent dans les racines profondes de notre histoire. finistérienne. L’idée germe alors de l’écriture d’un livre sur ce département qui possède un patrimoine arboré original L’arbre un symbole universel : détail du rétable du rosaire de l’église mais méconnu. Car le Finistère, à l’instar des départements de Saint-Thégonnec (début xviiie siècle) représentant la scène de la bretons et normands, possède l’une des plus fortes tentation et de l’arbre de vie. 6 7

et curieux. Il reste de ce sujet séculaire plusieurs cartes postales anciennes mettant en scène l’imposant végétal et son jardinier ainsi qu’une variété de figue « La » qui s’échange toujours entre passionnés et amateurs de ce fruit délicat. Les transferts de cimetières en dehors des enclos paroissiaux furent également prétextes à l’abattage de nombreux ifs multicentenaires qui ne remplissaient plus leurs fonctions antiques de gardiens des morts. Comme à Guimaëc, , , La Roche Maurice ou Plonevez Porzay plusieurs vues anciennes confirment la présence d’arbres funéraires anciens au sein d’ensemble religieux. Leur abattage est bien souvent à corréler avec le déménagement des cimetières au xxe siècle. Ceux de Guimaëc, taillés en topiaire, véritable calvaire végétal, se distinguaient des autres ifs funèbres bretons au port généralement libre. Ceux de Guengat ont été abattus en 1920, après délibération du Conseil municipal. Les dimensions de ces arbres monumentaux, qui apparaissent sur une carte postale ancienne, nous font penser qu’ils auraient pu être plantés bien avant l’église Saint-Fiacre, construite au xve siècle. Sur une vue ancienne, la cime sèche de l’if de , qualifié de « tricentenaire », nous montre un arbre dépérissant. On peut penser que les travaux de transfert du cimetière aient pu impacter le système racinaire et faire Le figuier de Roscoff dépérir le vieil arbre abattu au cours du xxe siècle (voir Comment protéger un arbre page…). L’analyse des sites classés ou inscrits par les services du Qu’est-ce qu’un arbre remarquable ? à la frontière entre le monument naturel et le patrimoine Ministère de l’écologie confirme également la disparition e L’âge, les dimensions, la forme, la situation ou les croyances culturel immatériel. Au même titre que nos chapelles et de plusieurs arbres patrimoniaux. Au début du xx siècle, et histoires sont les principaux critères permettant de calvaires, ils méritent d’être identifiés comme un précieux 27 édifices religieux finistériens font l’objet d’arrêtés de qualifier la remarquabilité d’un arbre. Mais au-delà de legs à transmettre aux générations futures. L’expérience protection qui vise, outre le bâti, le patrimoine arboré ces indices objectifs, les arbres présentés dans ce livre montre qu’au-delà des réglementations existantes (voir en rive des différents monuments. Malgré ce statut de sont remarquables parce qu’avant tout, ils dégagent une comment protéger un arbre remarquable page…), « faire protection, le travail de collectage a montré qu’en quelques charge émotionnelle forte. Le fameux « Oh… » poussé connaître » les arbres remarquables semble le meilleur décennies, près de la moitié des arbres originaux a disparu. spontanément, lors d’une première découverte est, sans outil de protection. Ce livre porte l’ambition de faire (re) Parmi ceux-ci, l’if séculaire de l’enclos paroissial de l’église aucun conteste, le critère de sélection subjectif et assumé découvrir et prendre en compte nos arbres les plus anciens Saint-Nonna à Penmarc’h, pourtant classé par un décret qui a été le fil conducteur de cet ouvrage. que le poète fouesnantais Jos Parker proposait, en 1914, de du 22 septembre 2014, a été abattu dans le courant du e Pour autant, ce travail de collectage n’est pas un inventaire faire classer « pour que les Barbares n’y touchent pas ». xx siècle. Sa circonférence laisse présager un arbre, au à la Prévert. Le repérage préalable de ces arbres finistériens Un patrimoine fragile moins aussi ancien que l’église. s’est appuyé sur plusieurs publications, notamment celle du À Trégourez, malgré le décret de protection du 9 mai 1931, finistérien Jean Auffret, mais aussi des inventaires existants Car ce patrimoine est fragile. Des témoignages écrits et plusieurs ifs anciens ont également disparu. Ceux-ci avaient e comme celui de Bretagne Vivante coordonné par Bruno oraux ainsi que des cartes postales, du début du xx siècle, été décrits, en 1938, par le botaniste Georges Hibon dans Ferré en lien avec la Maison de la Consommation et de témoignent de disparition de plusieurs arbres anciens. Ils un des bulletins de la Société nationale d’acclimatation : l’Environnement, de Brest Métropole Océane et nous montrent que la majorité des arbres ne meurt pas de « Trégourez. Dans le cimetière : trois beaux ifs dont un de e Communauté ainsi que celui du Forum de réalisé vieillesse mais, comme le défendait, au début du xix siècle, 2,5 m à 1 m du sol. » par Jean-Yves Kerhoas. Les arbres remarquables labellisés le botaniste Augustin Pyrame de Candolle, de maladies ou D’autres disparitions ne trouvent tout simplement plus par l’association nationale A.R.B.R.E.S, ainsi que ceux d’accidents. Parmi ceux-ci, les aménagements successifs d’explications. Seules quelques vues anciennes témoignent protégés par le ministère de l’Écologie, au titre des sites et de nos villages sont une des principales causes de leur encore de leur imposante présence. À La Roche Maurice, paysages inscrits ou classés ont également été intégrés au disparition. par exemple, le dernier des chênes « monstres » de Bot travail de collectage. Celui-ci s’est ensuite bonifié par les À Roscoff, un légendaire figuier, réputé planté en 1610 Lois a été abattu dans les années 1980. À la suite de sa multiples rencontres réfléchies et surtout fortuites avec des et palissé par 79 colonnes sur 600 m² reste encore dans disparition, un jeune arbre, encore présent aujourd’hui, a amoureux, des passionnés et des propriétaires d’arbres. les mémoires. Abattu, en 1987, pour la construction été planté par les habitants de ce hameau, sur les communs L’importance et la profondeur de ce patrimoine végétal sont d’une résidence immobilière, il constituait un véritable du village. Ce transfert n’est pas un cas isolé. À l’image des une richesse. Ces arbres constituent un héritage insolite monument naturel qui attirait de nombreux touristes 8 9

Vétéran : Ces arbres, très anciens, sont remarquables par leur extraordinaire circonférence qui traduit l’épaisseur des tissus ligneux accumulés depuis leur naissance. Le Finistère possède plusieurs arbres, parmi les plus anciens de France, comme le châtaignier de Pont-l’Abbé ou l’if de Plourin-lès-Morlaix.

Châtaignier millénaire de Pont l’Abbé. chênes de Saint-Thélo et Saint-Eloy, comme pour prolonger le géographe Bruno Sirven : « On touche au plus profond la continuité de cet héritage végétal, de nouvelles de la nature humaine, dans le regard qu’elle porte sur la nature qui la contient (…). Les arbres nous racontent de fait plantations ont parfois succédé aux sujets séculaires. Insolite : Cette catégorie d’arbres « aux drôles de formes » est très présente dans ce livre. Au regard des inventaires notre propre histoire. » Ces nombreux abattages d’arbres, bien souvent protégés nationaux et européens, il s’agit là d’une singularité finistérienne à corréler à la présence de chaos rocheux, à la ou identifiés, interpellent. Alors que la présence de Pour terminer ce tour d’horizon, il faut évoquer les pauvreté chimique des certaines landes ou encore au climat océanique de ce territoire du bout du monde. nombreux sujets anciens illustre la capacité de l’arbre à tempêtes, dont l’ouragan d’octobre 1987, qui ont eu raison vivre bien au-delà du millénaire, pourquoi ne retrouve-t-on de plusieurs vieux sujets. Outre plusieurs chênes séculaires pas plus de vieux arbres dans nos forêts, parcs et bocage de Lanhuron à Gouesnac’h (voir page…), le chêne de la finistériens ? Comment expliquer la disparition, en moins Liberté de Saint-Eloy a également été emporté par ce coup d’un siècle, de plusieurs de ces entités végétales anciennes, de vent. En 1989, lors du bicentenaire de la Révolution, incarnations du collectif humain et symboles même cet arbre historique fut remplacé par un chêne rouge d’enracinement et de pérennité ? Incompréhension de cet d’Amérique qui prospère encore aujourd’hui dans le centre héritage symbolique, méconnaissance du fonctionnement bourg. physiologique et de l’altérité du végétal, « haine de l’arbre », Un patrimoine arboré riche et original perte de repère dans notre « civilisation technique », ou encore « Peur de la Nature », il est difficile d’apporter une On l’a compris, l’arbre remarquable a un sens. Bien loin réponse simpliste à ce sujet qui soulève davantage de de l’image du végétal sauvage ayant poussé à l’abri du questionnements notamment sur notre relation à la nature. regard de l’homme, l’arbre remarquable est avant tout, Cette étrange relation entre l’homme et l’arbre nous l’avons comme l’écrivait l’universitaire Robert Bourdu, « un témoin perçue lors de la phase de terrain. À plusieurs reprises, qui s’impose ». Son emplacement au sein de cimetière, de notre collectage n’a pas manqué d’interpeller. « Votre travail places de village, de cour de ferme ou de parc paysager est important ! Moi je pense que notre société est en perte n’est jamais un hasard. Les nombreux travaux de collectage, de repères et il est important de retrouver nos racines », à l’échelle européenne, confirment le rapport étroit entre « Vous n’êtes que des fouilles merdes : vous n’avez pas l’arbre et l’homme. Le patrimoine arboré finistérien, l’un autre chose à foutre que de photographier les arbres ? », des plus riches et originaux de France, n’échappe pas à ce ces exemples de propos antagonistes, recueillis au cours de constat. Le décryptage de ce lien a été le fil conducteur de Hêtre sculpté par le vent l’inventaire, illustrent la prégnance de l’arbre, symbole de ce livre qui propose leur découverte, à travers le classement à Milizac au lieu-dit La nature, écho de nos émotions originelles. Comme l’évoque suivant : Haie Bruyère. 10 11

Exotique : La découverte d’une grande majorité d’arbres Sacré : Tour à tour divinisées puis christianisées, exotiques a été réalisée entre le xvie et le xixe siècle. Leur certaines essences sont vénérées, en Bretagne, depuis introduction en Bretagne est étroitement associée au port fort longtemps. Parmi celles-ci l’if et le chêne incarnent de Brest où ont été lancées de nombreuses expéditions de nombreux mythes autour de la vie éternelle, de la militaires, commerciales et scientifiques. Ce n’est donc pas mort, de la guérison ou du savoir. Comme le montre un hasard si le Finistère possède une importante proportion ce travail d’inventaire, cette mythologie, associée aux d’arbres exotiques « anciens » et monumentaux rapportés arbres, survit encore dans notre imaginaire collectif. De des quatre coins du monde tels que : cyprès de Lambert, nombreuses coutumes ont également perduré jusqu’à nos pin de Monterey, araucaria ou séquoia. Il représente plus jours, à l’image de la cérémonie de l’arbre aux pommes à du tiers des essences répertoriées dans cet inventaire. Plougastel ou celle de l’arbre de mai à .

Arbre d’histoire : À l’image de l’arbre de la Liberté de Locquénolé ou celui de Locmaria Berrien planté à la mort de Catherine de Médicis, plusieurs arbres identifiés portent, dans leurs cernes, les traces de notre histoire. Témoins bien singuliers, des événements exceptionnels ou journaliers, des heures douloureuses, des instants de liesse, ils nous dévoilent un passé original où le fait historique se superpose souvent à la légende.

Détail de la plaque de la place « Du vieux chêne » à Saint-Eloy, symbolisant l’arbre de la Liberté aujourd’hui disparu. Araucaria du parc botanique de Kerbernez à . If de . Arbre de hameau agricole : Arbre de parc : L’arbre aristocratique de parc et jardin est également La présence d’arbre très présent en Finistère. À l’image du chêne du parc de Kerjégu à Scaër remarquable au sein de ferme ou de village agricole (voir page…), il se distingue de leur cousin du bocage par leur port libre et est une particularité bretonne. Comparable aux arbres à majestueux qui leur confère une valeur d’agrément incontestable. palabres africains ou aux platanes de places de village dans le sud de la France, il constitue à la fois une sorte de repère transmis par des générations de paysans ainsi qu’un lieu de rassemblement. Souvent associé à un puits ou à un four, leur conservation est souvent liée à une implantation sur les communs de village. Majoritaires, le chêne pédonculé et le châtaignier représentent près du tiers des essences répertoriées. Chêne séculaire de Logonna-Daoulas planté sur les communs du hameau du Château.

Arbre d’inspiration : Comme l’illustrent, les arbres anémomorphes de l’enclos paroissial de la chapelle Sainte-Anne- la-Palud à Plonevez-Porzay, peints par Mathurin Méheut, plusieurs peintures et écrits ont un lien avec le patrimoine végétal finistérien. Ils soulignent la variété des émotions suscitée par l’arbre et l’importance de la nature dans l’inspiration artistique.

Les ormes de la chapelle Sainte-Anne-la-Palud, battus par les vents océaniques, n’ont pas manqué d’interpel- ler le peintre Mathurin Méheut au début du xxe siècle. Ces arbres ont aujourd’hui disparu. Pays de Brest 14 15

Botanique du désir Les plus vieux arbres de Brest

À Brest, malgré le désastre de la Seconde Guerre mondiale, cet Ce titre, emprunté à l’un des livres végétaux rapportés d’outre-mer. inventaire a révélé la présence de du botaniste Michael Pollan, illustre Quelques siècles plus tard, grâce au plusieurs chênes anciens. Derrière ce désir profond de nos sociétés à travail du jardinier botaniste Antoine arboré. Ce travail a permis d’identifier l’épaisseur de leurs cernes, ces découvrir, répertorier et collectionner Laurent, le lieu eut la réputation d’être plusieurs végétaux exotiques centenaires portent la mémoire les végétaux exotiques de continents « le plus beau jardin de la métropole ». d’exception tels que le Fusain Brillant de la petite et grande histoire de lointains. À l’image du châtaignier, Malheureusement détruit lors des centenaire du jardin de l’auberge de Brest. Témoins insolites, ces arbres du palmier chanvre ou du camélia, bombardements de la Seconde Guerre Jeunesse, l’imposant ginkgo biloba patrimoniaux méritent toute notre l’empreinte de ces introductions mondiale, il disposait d’étonnants de Lambézellec reconnaissable à ses attention. passées, dans notre culture et nos arbres voyageurs parmi les premiers à drôles de protubérances surnommées Le premier d’entre eux, un chêne de paysages bretons, est indéniable. avoir été introduits en Europe comme « Chichi » ou encore le platane à loupe la Liberté, se situe au centre de la Elle témoigne d’aventures humaines, un camélia planté en 1811, des palmiers du jardin Jaouen. Parallèlement, grâce Place de Quilbignon à l’ouest de la de l’ouverture de notre société sur le chanvres semés en 1859, plusieurs à la volonté de quelques passionnés ville. À son pied, une plaque évoque monde et surtout de notre grande tulipiers de Virginie associés à la guerre comme Jean-Yves Lesouëf, est né, sa plantation le 14 juillet 1881, sur satisfaction à admirer la beauté et d’indépendance des États-Unis, l’un des dans les années 1970, le Conservatoire décision du Conseil municipal. Durant la douceur de végétaux jusqu’alors plus beaux chênes verts de Bretagne botanique national de Brest, premier les bombardements des années 1940, inconnus. ou encore plusieurs araucarias et jardin au monde dédié à la culture, à l’arbre aurait reçu des éclats d’obus qu’il En France, Brest joua un rôle eucalyptus… la conservation et à la préservation de a petit à petit « digérés » au cœur de son incontournable dans la diffusion des Aujourd’hui conscients de l’intérêt plantes en voie de disparition. Dans tronc. Aujourd’hui, ce chêne historique, plantes voyageuses. Comme Louis- cet héritage, collectivités et milieux ce parc paysager de 30 hectares, se suivi par Brest Métropole Océane, fait Antoine de Bougainville, Jean François associatifs perpétuent cette longue côtoient quelques essences d’arbres l’objet des plus grands soins. de La Pérouse ou Étienne Raoul, de tradition brestoise de l’exotisme. peu courantes comme le cyprès du Un peu plus à l’est, près du Moulin nombreux savants, dont le nom a Avec près de 600 espèces et variétés Cachemire, le métaséquoia de Chine blanc, se trouvent deux autres marqué l’histoire de la botanique, y répertoriées sur le territoire de ou encore une collection de Nothofagus chênes, plus âgés, visibles des rues embarquèrent. À partir de la fin du l’agglomération, Brest Métropole (hêtre du Chili). Ce Jardin, classé e de Kerbriant et Kerrarun. La tradition xvii siècle, le jardin botanique de la Océane a été l’une des premières remarquable, continue, à sa manière, populaire raconte qu’auparavant les Marine, crée dans l’enceinte de l’hôpital collectivités françaises à établir un l’aventure brestoise des plantes femmes de pêcheurs qui remontaient maritime, accueille ces étranges plan de gestion de son patrimoine voyageuses. les caisses de sardines du port, appréciaient de faire une pause à l’ombre de leurs cimes. Bien que le plus imposant porte le surnom de Où découvrir des arbres exotiques à Brest ? « Chêne Colbert », il est vraisemblable qu’il n’ait jamais connu l’homme Lieu Essence Circonférence Envergure Hauteur d’État car ses dimensions renvoient sa Jardin de l’auberge date de plantation vers le courant du Fusain brillant – Euonymus lucidus D. Don 1,05 m 10 m 13 m de jeunesse xviiie siècle. L’arbre qui aurait tout de Jardin de Kerbonne Araucaria angustifolia (Bertol.) Kuntze 13 m même connu la Période révolutionnaire et les grands aménagements de la Parc du manoir Palmier à chanvre – Trachycarpus fortunei (Hook.) H. Wendl. 10 m de Kerbriant ville, fait incontestablement partie du patrimoine brestois. Rue Claude Farrière Platane commun – Platanus x hispanica Mill 5,3 m 18 m 18 m Brest Lambezellec Ginkgo biloba - Ginkgo biloba L. 3,2 m 17 m 15 m Araucaria angustifolia du jardin de Kerbonne Chichis du Ginkgo biloba de Lambézellec Jardin Jaouen Platane commun – Platanus x hispanica Mill 4 m Chêne pédonculé Jardin du Collection de Nothofagus (hêtre du Chili) • Arbre d’histoire – Vétérans Conservatoire Cyprès du Cachemire – Cupressus cashmeriana Carrière botanique Séquoia de Chine – Metasequoia glyptostroboides Hu & W.C.Cheng Lieu Circonférence Envergure Hauteur Âge Accès Médiathèque Tulipier de Virginie – Liriodendron tulipifera L. 19 m 17 m des quatre moulins Place Quilbignon 2,8 m 18 m 18 m 137 ans Accès libre Site privé visible Rue de Kerrarun 4,7 m 28 m 28 m 250 ans de la route • Accès libre Supérieure Site privé visible cbnbrest.fr Rue de Kerbriant 27 m 23 m 250 ans brest.fr à 5 m de la route 16 17

Empreinte éolienne Le cyprès jardiné

La tradition populaire évoque la Suroît, nordet ou noroît, le vent est au tronc. Celui-ci répartit ensuite la arbre qui accorde son architecture plantation de cet imposant cyprès, une composante importante du climat charge sur le socle racinaire, la coque, aux forces universelles. Les chênes en 1867, à l’occasion d’un mariage. finistérien. Son empreinte se retrouve avant d’être absorbée par la terre. Dans de Brélès, au port ondulé et courbé, Cet arbre du souvenir, originaire de sur de nombreux arbres remarquables les zones venteuses, à l’image d’un véritables chefs-d’œuvre architecturaux, Californie (voir portrait du cyprès de du bout du monde parmi lesquels éléphant aux oreilles rabattues, l’arbre expriment magnifiquement cette page…), l’un des premiers les chênes de l’allée du château de va optimiser sa voilure, en réduisant formidable capacité développée par le introduits en Bretagne, constitue Kergroadez à Brélès. Leurs architectures et profilant sa structure vis-à-vis du végétal, dont il reste encore beaucoup aujourd’hui un monument végétal à tourmentées, en forme de drapeaux, vent. Plus récemment, à travers des à découvrir. part entier. Grâce à ses dimensions hors interrogent. L’arbre est-il modelé par expériences sur un peuplier, une normes, à son architecture insolite, il a le vent à force de patience ou bien équipe de chercheurs de Clermont- été sélectionné, en 2014, au concours s’adapte-t-il de manière dynamique à Ferrand a montré, en 2010, que l’arbre national de l’arbre de l’année. Ce cyprès cette contrainte ? De récents travaux de arrive même à mémoriser les stimuli offre en effet une cime harmonieuse en recherche permettent aujourd’hui de provoqués par le vent. Lors de tempêtes forme de nuages, magnifiquement mis mieux comprendre son adaptation aux renouvelées et fréquentes, il cherche en valeur, dans les années 1990, par forces instables du vent. à composer, comme un roseau, en se l’arboriste Claude le Maut. Dans les années 1990, le chercheur pliant, plutôt qu’en résistant. Puis, après Ce professionnel de la taille jardinée, allemand Claus Mattheck apporte un plusieurs jours, lorsque le calme est formateur et auteur de livres, s’est regard nouveau sur le système de revenu, l’arbre reprend sa croissance Brélès – Kergroadez Chêne pédonculé spécialisé dans l’art de « détourner le perception mécanique et de contrôle verticale. Quercus robur – Ar wezenn derv développement naturel des arbres de l’arbre face au vent. Le Comparant à Grâce à ces nouvelles approches, nous • Insolite pour leur donner des formes que les un voilier, il considère sa cime comme percevons modestement la grande • Âge : 150 ans minimum éléments naturels auraient pu leur une voile qui transmet la force du vent complexité du développement d’un • Accès libre donner en d’autres lieux ». Ce mode de gestion, inspiré de techniques japonaises, permet de mettre en avant une asymétrie de la cime, la sinuosité d’un tronc ou encore des formes arrondies. Cet art de la taille, enseigné aujourd’hui dans de nombreux centres de formation d’élagueurs-grimpeurs, ne s’improvise pas. L’arboriste doit être capable d’intervenir, avec art et manière, en respectant l’identité vivante de l’arbre. Elle nécessite la maîtrise de connaissances sur la physiologie, l’architecture et le mode de développement des végétaux. Cette exigence a été exprimée dès le xviie siècle par le jardinier de Le Nôtre, Jean Baptiste de la Quintinie, qui déclarait : « Tout le monde sait couper, peu savent tailler. » On comprend, en admirant ce cyprès jardiné, superbement mis en scène, que cet adage reste, aujourd’hui pleinement Crozon – Trebreon d’actualité. Cyprès de Lambert Cupressus macrocarpa - ? • Exotique • Circonférence : 7 m • Envergure : 24 m • Hauteur : 24 m • Âge : 150 ans • Site privé 18 19

Allée tropicale

Lorsqu’en 1868, Julien Prioux revient de Californie où il a trouvé de l’or, il achète une zone de chasse sur les premières crêtes des monts d’Arrée. Il engage de gros travaux pour façonner son domaine parmi lesquels l’édification de talus de pierres sèches confortés par la plantation de hêtres. Aujourd’hui, cette trame d’anciennes haies bocagères, gérée depuis plus de 45 ans par le Parc naturel régional d’Armorique, quadrille le domaine départemental de Menez Meur. Elle offre un paysage peu commun comparable à celui des « Clos Masure » qui encadrent les fermes bourgeoises du Pays de Caux en Seine Maritime. Il règne une atmosphère particulière au sein de ces vieilles allées insolites qui protègent le domaine des dépressions océaniques. Au fil des années, les fagacées ont formé de drôles de cépées élancées et tortueuses, se connectant entre eux par un important feutrage racinaire qui se mêle aux pierres des imposants talus. Sous l’ombrage de leur sombre feuillage, leur tronc, recouvert de mousses et de fougères, Le cèdre de l’Abbaye témoigne de l’humidité atmosphérique du lieu, premier contrefort occidental des monts d’Arrée. Cette ambiance chlorophyllienne particulière apporte au lieu, un air de forêt tropicale. Bien qu’originaire des montagnes d’envergure, véritable monument remarquable », en 2013. Réputée pour d’Afrique du Nord, le cèdre de l’Atlas végétal, il est devenu la pièce maîtresse ses vertus médicinales, notamment à est peu connu en France, avant 1839, du parc. La symbolique religieuse de travers l’huile essentielle extraite de date de son introduction par un cette essence renforce la prégnance de son feuillage, l’essence fait maintenant pépiniériste de la région lyonnaise : ce cèdre réputé, dans de nombreuses partie intégrante des trois cents plantes Adrien Sénéclauze. Ses nombreuses religions, établir un pont entre les représentatives des pharmacopées qualités de bois d’œuvre intéressent hommes et les dieux. La mythologie traditionnelles des cinq continents. les forestiers qui présentent cette lui confère également une immortalité essence à l’Exposition universelle de potentielle ainsi que grandeur et force Paris en 1855. Son port majestueux et d’esprit. Autant d’attributs qui ne sont sa variété spectaculaire de couleurs, pas sans rappeler le rayonnement allant du bleu au vert argenté, culturel de cette ancienne abbaye Daoulas – Abbaye séduisent également les paysagistes. fondée au xiie siècle. Cèdre de l’Atlas En Bretagne, les frères Bühler furent Plus de cent ans après sa plantation, ce Cedrus atlantica - ? – Menez Meur parmi les premiers à introduire cette magnifique spécimen est aujourd’hui • Exotique Hêtre Fagus sylvatica – Ar wezenn faven espèce, notamment au jardin du Thabor suivi et entretenu, avec grands soins, • Circonférence : 3,4 m • Envergure : 24 m • Arbre de parc à Rennes, vers 1868. par l’association des Chemins du • Hauteur : 18 m • Hauteur : 23 m Celui de l’Abbaye de Daoulas, planté en patrimoine. L’arbre constitue un sujet • Âge : 106 ans • Âge : 130 ans 1907, s’intègre magnifiquement dans de premier plan au sein du parc • Site privé – Accès payant • Site privé – Accès payant la cour d’entrée. Avec, ses 24 mètres botanique de l’abbaye, labellisé « Jardin www.cdp29.fr www.pnr-armorique.fr/Menez-Meur 20 21

Les vieux tamaris du pays Pagan

Kerlouan – Le Vivier Sur la côte nord finistérienne, les guida certainement trois industriels Tamaris gallica vents forts océaniques laissent peu qui décidèrent, en 1874, d’en planter Tamaris – ? de répit aux arbres et les records pour encadrer des réservoirs à • Insolite, exotique dendrométriques ne sont pas légion. poissons et crustacés d’une nouvelle • Circonférence : 2 m Alors lorsque l’on croise, niché compagnie de pêcherie. Victime de la • Envergure : 8 m derrière une dune, un ensemble de lenteur des transports, cette industrie • Hauteur : 6 m tamaris centenaire, aux dimensions • Âge : 140 ans naissante n’eut malheureusement pas • Site privé peu communes, la rencontre n’en le succès escompté. Il reste, de cette • Visible de la route est que plus remarquable. Vers époque, des vieux tamaris devenus la fin du xixe siècle, cette essence aujourd’hui « sauvages ». L’essence qui méditerranéenne est à la mode. s’est étonnamment acclimatée sous Symbole de l’exotisme, elle fut la latitude du pays Pagan a colonisé introduite dans de nombreuses stations l’arrière cordon dunaire. Elle a formé, à balnéaires de l’ouest de la France la différence de leurs cousins des parcs comme à Arcachon, Royan ou Les et promenades, régulièrement taillés, Sables-d’Olonne. un insolite paysage d’arbres ébouriffés À , cet esprit de modernité par le climat finistérien.

L’if d’Henri IV

Certains arbres portent les traces de notre histoire. Témoins bien singuliers, ils nous dévoilent un passé original où, bien souvent, les personnages influents de l’histoire de France se superposent aux dates de plantation de plusieurs arbres anciens. Ce travail d’inventaire montre que la Période de la Renaissance est propice à cette étonnante alliance. Outre Catherine de Médicis (voir les Chênes de Locmaria Berrien p. ?), François Ier et Henri IV sont associés à plusieurs arbres guerre mondiale, pour faire place au il développa une nouvelle cime remarquables bretons. monument aux morts. dense et vigoureuse lui donnant un À , les archives paroissiales On raconte qu’en 1931, l’arrivée de regain de jeunesse. Aujourd’hui cet if évoquent la plantation de quatre ifs, l’électricité, dans le bourg, faillit être solitaire, dont la modeste circonférence en signe de soumission à Henri IV, fatale au dernier rescapé. Trouvant ne traduit pas le poids des années, pendant les Guerres de religions. le malheureux if sur la route de la fait incontestablement partie du Aujourd’hui, des quatre ifs plantés au sacristie, les électriciens se mirent à patrimoine de Kernilis. sein de l’enclos paroissial, par François élaguer vigoureusement les branches de Maillé de Carman, du temps de la qui gênaient le passage de la ligne, Kernilis – Enclos paroissial Ligue (1577-1597), il n’en reste plus If sans consulter ni le maire, ni le recteur. Taxus baccata – Ar wezenn ivin qu’un seul. La tradition évoque que Pendant quelques années, l’arbre, qui • Arbre d’histoire deux d’entre eux ont servi à aménager faisait la fierté de Kernilis, ressembla e • Circonférence : 3,8 m la sacristie vers la fin du xix siècle et le à un mutilé. Toute la population en • Âge : 410 ans troisième fut abattu, après la première fut indignée. Mais, au fil des années, • Accès libre 22 23

Héritage royal

En Forêt domaniale du Cranou, il est la politique navale française, s’appuya la renommée du Cranou continue à inutile de chercher des arbres isolés, largement sur la, toute proche, forêt perdurer et ces arbres, à la rectitude aux dimensions exceptionnelles. Ici, du Cranou pour approvisionner son proche de la perfection, sont toujours l’émotion, plus subtile, se niche dans arsenal et construire de prestigieux réputés. Ils révèlent, à leur manière, un quelques vieilles futaies de chênes navires. Réputée de longue date pour savoir-faire sylvicole « à la française », sessiles, gérées aujourd’hui par l’Office la qualité de son bois fin et homogène, légué par plusieurs générations de National des Forêts. Elles sont les le massif fut acheté par le Royaume, forestiers. témoins du passé royal de cette forêt sous Louis XVI, avant de devenir un dédiée au bois de marine, durant bien national après la Révolution. plusieurs siècles. Pour la percevoir, De cet héritage royal, il reste il faut se remémorer l’importance aujourd’hui quelques futaies – Forêt domaniale du Cranou stratégique de cette essence pour les cathédrales dont la plus – Pont Rouge besoins de la « Royale ». La construction impressionnante se situe certainement Chêne sessile d’un grand vaisseau nécessitait alors près de l’aire de pique-nique du Quercus petraea (Matt.) Liebl. - Ar wezenn derv koad jusqu’à 4 000 chênes et la forêt Pont Rouge. Avec plus de 40 mètres • Arbre d’histoire constituait alors un trésor précieux de hauteur, ces chênes centenaires • Circonférence : 3,3 m ainsi qu’une ressource indispensable ont fini par former une vertigineuse • Hauteur : 43 m pour l’économie du pays. Ainsi, Brest canopée. Aujourd’hui, bien que leur • Âge : 180 ans qui fut l’une des pièces maîtresses de bois ne soit plus utilisé pour la marine, • Accès libre

Arbres remarquables

En France, un peu plus de 400 également à l’entretien, la sauvegarde arbres afin de protéger leurs racines. sujets d’exception, dont douze en et la mise en valeur de ce patrimoine Un élagage de bois morts ainsi qu’un Finistère, bénéficie du label « Arbre arboré. C’est dans cet esprit que le pin haubanage sécuritaire réalisé sur le remarquable de France ». Ce titre de Monterey et le cyprès de Lawson, pin de Monterey a aussi permis la mise prestigieux est remis, par l’association encadrant l’église Saint-Houardon, en valeur de ce splendide conifère au ARBRES (Arbres remarquables : Bilan, ont reçu ce titre prestigieux en 2014. feuillage vert sombre. Recherche, Études et Sauvegardes), aux Les imposantes silhouettes de ces communes, collectivités territoriales, conifères centenaires, originaires établissements publics et propriétaires de l’ouest américain, s’intégrant privés qui possèdent un arbre harmonieusement avec la tour clocher exceptionnel. L’âge, les dimensions, de l’église, ont retenu l’attention l’esthétisme, les histoires et croyances de l’association ARBRES. Les soins – Église Saint-Houardon sont les principaux critères retenus par entrepris par la municipalité ont Pin de Monterey Pinus radiata – ? l’association pour la sélection d’arbres également été salués. Très investie • Exotique patrimoniaux. dans la conservation de ces deux sujets • Circonférence : 5,7 m Comme à Landerneau, ce label d’exception, la commune a en effet • Envergure : 25 m souligne l’engagement du propriétaire procédé à l’apport d’un humus, à base • Hauteur : 27 m à préserver cet héritage. Il invite de copeaux de bois, au pied des deux • Âge : 130 ans • Accès libre 24 25

Le chêne au menhir

Quel drôle de couple forme ce menhir en quartz, de deux mètres de hauteur, et ce chêne amoureux ! L’arbre perché et son fidèle compagnon du Néolithique constituent un insolite monument. L’origine de cette alliance reste inconnue. Par quel phénomène étrange, cette trogne paysanne s’est- elle couchée contre ce bloc de pierre ? Si le mystère reste entier, le chêne ne semble pas contrarié par son amant. Ne pouvant ni contourner, ni arracher cet obstacle imposé, l’arbre a cherché, au fil des années, à l’envelopper. Il a développé ce qu’on appelle du « bois de contact » lui permettant d’épouser le contour de la pierre. Ce bois, en forme de coulée de lave, donne l’impression que l’arbre avale ce menhir. Ce phénomène adaptatif, de « digestion », illustre la formidable intelligence végétale. Il démontre que les arbres sont capables de reconnaître les informations et de pouvoir réagir de façon à permettre leur survie. Arbre des morts

En Bretagne ainsi que dans les régions la pourriture humaine de plusieurs anglicans d’Outre-manche où les celtes, l’if est avant tout funéraire. siècles. Un tronc bizarre, tourmenté, topiaires d’ifs, taillés de guingois, en De longue date, l’essence réputée tordu en spirale, les racines crevant le forme de nuages, donnent l’illusion de fortement toxique, symbolise la mort. mur, les branches poussées dans une planer au dessus des sépultures. Cette Plantée dans les cimetières, elle est seule direction et très bas presque au insolite haie d’honneur contemporaine considérée dans la mythologie comme ras des tombes. Il couvre de son ombre se distingue indubitablement de l’if le gardien des morts. Associé au divin, le pauvre enclos, y verse sa tristesse unitaire et ancien, à l’architecture libre l’if permet de joindre le ciel et la terre. lourde, si dense, étalée en une flaque et tourmentée, décrit par Anatole Le Tandis que les dieux se réunissent noire et sans rides. » Braz. Mais, elle nous démontre que la au sein de sa ramure, les racines Les 92 ifs, encadrant le cimetière de fonction funéraire de l’essence continue côtoient le royaume des disparus. Son , ne sont pas sans évoquer malgré tout à perdurer. enracinement lui donne la réputation cette relation ancestrale aux disparus. de permettre l’ascension céleste Bien que moderne, la symbolique de des disparus. L’une des plus belles cette formation arborée, plantée au descriptions de cette funèbre vocation cours du xixe siècle, reste identique. Son est celle de l’écrivain folkloriste Anatole originalité réside incontestablement Lesneven – Cimetière Le Braz, écrite, en 1894, alors qu’il dans le nombre et le rythme imposé If commun Locmaria-Plouzané – Kereven parcourait la Bretagne des Grands par ces fidèles gardiens des morts. Taxus baccata L. – Ar wezenn ivin Chêne pédonculé Pardons : « Voici le porche du cimetière L’ensemble, situé près de la croix If d’Irlande Quercus robur – Ar wezenn derv dessinant son grand arc sombre et, de mission, est particulièrement Taxus baccata var. fastigiata (Lindl.) • Insolite à côté, un if immense, un arbre aussi impressionnant. Il y flotte une J.W.Loudon - Ar wezenn ivin • Hauteur : 6 m vieux que le temps, l’arbre des morts, atmosphère particulière qui n’est pas • Arbre sacré • Âge : 100 ans • Âge : 115 à 160 ans • Site privé sorte de baobab funèbre engraissé de sans évoquer quelques vieux cimetières • Accès libre • Visible d’un chemin de randonnée 26 27

An div dervenn gozh

Les deux vieux chênes de Logonna- Daoulas forment de bien insolites Le second, situé à la pointe du Château, Ces deux vieux arbres, qui font monuments naturels. Le premier se fait partie des chênes finistériens les dorénavant partie du patrimoine situe sur les communs du village de plus anciens. La tradition rapporte finistérien, ne sont pas sans évoquer un Rungleo, près d’un ancien puits. Au fil que ce chêne têtard, au tronc massif, poème, d’Anjela Duval : An div dervenn des décennies, ce chêne a composé aurait été classé monument naturel gozh. Emprunt d’une réelle émotion, une étrange couronne donnant par un arrêté ministériel, en 1921. le texte nous livre une très belle l’impression d’un arbre coloniaire où se Quelques années plus tard, en 1936, à description de deux vieux chênes, tout superpose une petite société complexe la suite de l’élagage d’une imposante à fait transposable à ceux de Logonna- et hétérogène de rejets vigoureux. branche charpentière, dont la blessure Daoulas. Incontestablement, cet arbre de est encore visible, il aurait perdu ce caractère ne laisse pas indifférent. Les classement. On évoque également, soins particuliers, dont il a fait l’objet, comme pour le châtaignier millénaire en témoignent. Outre le bétonnage de Pont l’abbé (voir page…), que des ancien, de la cavité au sein de son chasseurs imprudents, voulant déterrer Logonna-Daoulas – Le Château tronc, deux étais supportent l’une de des lapins à son pied, auraient mis Chêne pédonculé Quercus robur L. – Ar wezenn derv ses imposantes branches charpentières. le feu à l’arbre en novembre 1960. • Vétéran – Arbre de hameau agricole L’arbre semble aujourd’hui s’être Malgré ces aléas, ce vétéran a conservé • Circonférence : 6,3 m parfaitement habitué à ces supports qui sa puissance et forme toujours un • Envergure : 18 m font désormais partie intégrante de son imposant repère au cœur du village du • Hauteur : 18 m entité. Château. • Âge : 350 à 450 ans

Leurs branches tordues et retordues Semblables à des vieux membres paralysés Leurs visages profondément ridés et Gweet hag adweet o skourroù encrassés par les rhumatismes Hañval ouzh kozhidi seizet o izili Bien chauves leurs têtes, ils sont vieux Logonna-Daoulas – Rungleo gant ar remm. Kramennet ha roufennet comme le monde. Chêne pédonculé Quercus robur L. – Ar wezenn derv don o dremm. Tarvoal eo o fennoù Je ne sais pas combien de fois ils ont eu • Vétéran – Arbre de hameau agricole Kozh int. Kozh-Noe. 100 ans. • Circonférence : 5,4 m Nouspet gwech o deus bet kant vloaz. Je ne sais pas combien de couches • Envergure : 19 m Nouspet gwiskad gwignenn a wisk d’aubier peut habiller leur cœur de • Hauteur : 13 m o c’halon derv. (…) chêne (…) • Âge : 300 à 400 ans 28 29

L’arbre au trésor

Comme en témoignent de nombreux résister aux plus fortes tempêtes toponymes comme faou ou faven, océaniques, il a développé une superbe le hêtre est acclimaté depuis fort cime de 27 mètres de hauteur. longtemps en Finistère. Malgré cette Mais, au-delà de sa silhouette, le présence avérée, les vieux hêtres n’y plus remarquable chez ce vieux sont pourtant pas légion. Comment hêtre, est certainement les signes peut-on expliquer la quasi-absence d’attention dont il est dépositaire. de cet indigène parmi les arbres Parmi ces discrets indices, une petite remarquables finistériens ? Il est boîte verte est dissimulée dans l’une probable que son ombrageuse de ses cavités. Elle nous révèle que réputation d’arbre dominateur, à la l’arbre, répertorié sur des sites webs frondaison très occultante, guère communautaires de « géocaching », appréciée dans notre région d’élevage, dissimule en son sein un bien puisse expliquer ce manque. précieux trésor, destiné à un jeu de Pour autant, les quelques vieux sujets piste moderne. On devine également, recensés, comme celui de Trémoguer camouflées derrière les rides naturelles à , sont particulièrement de l’arbre, quelques gravures sur écorce Ploudaniel – Tremoguer esthétiques. L’arbre, probablement qui attestent les passages d’amoureux Hêtre bicentenaire, s’est parfaitement ou d’adeptes du dendroglyphe. Ces Fagus sylvatica L. – Ar wezenn faven accommodé à la fraîcheur du vallon blessures insolites forment de bien • Insolite – vétéran • Circonférence : 4,8 m d’un affluent de l’Aber-Wrac’h. Un curieux souvenirs. Ils témoignent • Envergure : 20 m sentiment de force se dégage de d’un attachement incontestable, de • Hauteur : 27 m superbe hêtre. Campé sur d’imposants plusieurs générations d’hommes et de • Âge : 200 ans contreforts racinaires, taillés pour femmes, envers ce monument végétal. • Site privé