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Évolution de l'occupation du sol à Tart-le-Bas dans le périmètre des parcelles de l'exploitation de l'EPLEFPA(1) de à Tart-le-Bas entre Norges et : essai de synthèse Jean-Louis MAIGROT, Gérard TROUCHE et Jean-Marc BRAYER ENESAD, Département d’Agronomie et Environnement - 21000

Introduction ment des modulations. Le recours à une cartographie de la varia- bilité intra-parcellaire du sol apporte un niveau d’information sup- Dans un contexte de diminution de plémentaire à partir d’une caractéristique permanente, ou quasi- l’impact de l’agriculture sur l’environ- permanente, des parcelles. L’expérience acquise lors des nement, un ensemble de techniques et prospections pédologiques montre que le sol conserve une pratiques connues sous le nom d’agri- mémoire des événements qu’il a subis (SYLVA, 2004 ; DE CRECY, culture de précision est une des 1981). Nous pensons donc que la prise en compte de l’histoire de réponses développée depuis quelques l’occupation du sol dans une zone déterminée peut apporter un temps. Dans son principe elle consiste niveau supplémentaire d’information utile aux prises de décisions à une modulation des interventions, en de l’agriculteur. particulier les apports d’intrants, en fonction de la variabilité du milieu Visant à anticiper un renforcement des contraintes réglemen- (ROBERT, 2000 ; BOIFFIN & STEN- taires sur l’utilisation des intrants en agriculture, en particulier des GEL, 2000). Classiquement on pro- produits phytosanitaires, une expérimentation pluri-annuelle et cède par l’établissement d’une carto- multi-institutionnelle(2) est mise en place en 2002 sur la ferme de graphie fine des variations de l'EPLEFAP de Quetigny située à Tart-le-Bas (21) pour rassembler rendements des cultures au sein d’une des références régionales utiles aux agriculteurs de la zone. parcelle, soit à partir de photographies L’objectif en est de tester en conditions réelles des critères de déci- aériennes (satellite), soit à partir des sions pilotant des successions culturales et des itinéraires tech- mesures réalisées directement sur les niques dont les qualités suivantes sont attendues : machines de récolte. Le recoupement - innovants de ces documents après plusieurs cam- - rémunérateurs pagnes, couplé à la mise en œuvre de - respectueux de l’environnement modèles agronomiques, permet un - anticipant une réglementation de plus en plus contraignante. zonage servant de base au raisonne- Le dispositif mis en place concerne l’ensemble des parcelles de culture de l’exploitation situées dans la plaine. Elles se répartissent en deux ensembles de surface équivalente : - l’un dit « zone témoin » de 50 ha où est mis en œuvre un système de culture piloté selon les principes correspondant au contexte d’une agriculture durable ; - l’autre dit « zone innovante » de 60 ha où sont testées, préalable- ment à leur intégration dans le système de la zone témoin, diffé- rentes solutions techniques permettant une réduction des intrants. Les décisions prises, d’ordre stratégique, mais aussi au niveau de la conduite en temps réel des cultures, tiennent compte de la varia- bilité du milieu, notamment celle du sol. Nous avons donc logi- quement cherché à préciser cette variabilité, en amplitude et dans l'espace. En ce sens on rejoint les préoccupations de l’agriculture de précision et ce dispositif nous paraît judicieux pour analyser l’impact de l’histoire de l’occupation des terres sur le comporte- ment actuel des sols. Nous proposons dans cet article, une présentation des recherches réalisées pour appréhender l’histoire du territoire cou- vert par l’exploitation et une première approche de la couverture pédologique.

(1) Organismes : Etablissement Public Local d'Enseignement et de Formation Agricole Professionnelle Agricoles (EPLEFPA) Carte 1. Situation géographique de la zone (2) EPLEFAP de Quétigny , Chambre d’Agriculture de Côte-d’Or, Enesad, Inra, Cetiom, Itb, Arvalis Institut d'étude en Côte-d’Or. du végétal Rev. sci. Bourgogne-Nature 3-2006, 69-79 69 Contexte géographique Le substrat est constitué par des allu- vions holocènes. On y distingue deux La zone d'étude comprise dans le quadrilatère formé par Genlis - types de dépôts (CLAIR, 1982) : Pluvault - Tart-le-Bas - Varanges est située dans l'actuelle plaine - Fzac : Terrasse de 1-4 m argilo-limo- alluviale de la Tille et relève du domaine de la ferme de l'EPLEFAP neuse carbonatée. De faibles épais- (carte 1). seurs, ces alluvions surmontent des À cheval sur les communes de Genlis, Tart-le-Bas et Varanges, le graviers et des sables grossiers cal- domaine était jusqu’en 1977 une propriété de la Société Civile des caires. Distilleries de Côte-d’Or, aujourd’hui disparue. Une surface agri- - Fzbc(g)/Fzac : Alluvions récentes cole de 136 ha était consacrée, entre autres, à la culture de bette- argilo-limoneuses carbonatées peu ou raves et à l’élevage d’un troupeau laitier et d'animaux de trait. En irrégulièrement graveleuses/Fzac. Ce novembre 1977, alors que l’activité de distillerie était arrêtée sont des limons d'inondation, de 1 à depuis une vingtaine d’années et que le troupeau laitier avait déjà 2 m de puissance, déposés pendant évolué en élevage allaitant, le domaine a été mis à disposition du l'Holocène. Ils surmontent des graviers lycée agricole de Quetigny par l’Etat et le Conseil Général de Côte- et des sables grossiers calcaires. d’Or. En effet, le lycée créé en 1967 ne disposait pas, jusque là, de Cette large plaine alluviale est traver- ferme pédagogique. La ferme totalise aujourd’hui une surface de sée par la Norges et l'Ouche. L'actuel 176 ha, répartie en trois ensembles distincts : tracé de cette dernière est le résultat de - 7 ha de parcelles bâties achetées par l’Etat en 1977 et rétrocé- sa capture par les Tilles, l'ancien cours dées à l’exploitation en 1982 et gérées par le Conseil Régional de passant à l'ouest de la butte de Tart. Bourgogne ; L'Ouche qui suit la plaine entre Dijon et - 130 ha de parcelles agricoles, propriété du département en bail , la quitte ensuite, passant emphytéotique de 99 ans composée de 110 ha de terres labou- par la "Trouée de Varanges", pour rables, constituant le terrain de cette étude, et 20 ha de prairies per- gagner la vallée des Tilles. manentes ; Pratiquement, jusqu'au XVIIIe siécle un - 39 ha de prairies permanentes en location à divers particuliers. système complexe de chenaux se Les bâtiments sont en grande partie très anciens, mis à part les développait dans la vallée. Néanmoins, deux stabulations (1981-1990) et le hangar de stockage du four- probablement depuis le bas Moyen rage (1998). Âge, le cours de l'Ouche semble bien individualisé, car c'est depuis le pre- mier tiers du XVe siècle que la Tille et l'Ouche n'ont plus de bras commun (CHILLON, 1943). Avant les années 1960, lors d'inonda- tions exceptionnelles, il était possible d'observer un déversement partiel des eaux de l'Ouche dans l'ancienne plaine alluviale, phénomène qui, selon la litté- rature, était déja habituel au Moyen Âge. Actuellement la portion de plaine alluviale comprise dans le quadrilatère Genlis - Pluvault - Tart-le-Bas - Varanges évoque le lit majeur d'un cours d'eau, montrant en son sein les traces d'anciens lits mineurs sujets à divagations, et dont l'actuel ruisseau du "Bréviaire" représenterait un vestige. La zone évoque donc un vaste lit majeur comportant des lits mineurs instables. Par exemple, en 1756, le sei- gneur de Genlis constate qu’il faudrait canaliser « le Fil »(3) répandu en nom- breux canaux et bras » (CHILLON, 1943). Les alluvions récentes peuvent être bien marquées par une hydromorphie de nappe car la base graveleuse des alluvions holocènes contient une nappe alimentée par l'impluvium des allu- vions et drainée vers les rivières. Cette nappe trouve une limite nette en pré-

Carte 2. Les paléochenaux et le périmètre exploité. (3) Nom de la Norges à Genlis. 70 Jean-Louis MAIGROT, Gérard TROUCHE et Jean-Marc BRAYER Rev. sci. Bourgogne-Nature 3-2006, 69-79 Photographie 1. Trace d’un paléochenal dans la parcelle de « La queue de la Nasse ». sence d'alluvions du Pléistocène supé- L'occupation du sol rieur moins perméables, en bordure de la butte de Tart (Varanges - Tart-Le- Les sources utilisées : spécificités et limites (annexe). Bas). De faible épaisseur, cette nappe Les données utilisées antérieures au XIXe siècle sont principale- est à l'origine d'inondations hivernales ment issues de la bibliographie existante, (CHAPUT, 1924 ; et se trouve fortement réduite en été. DELEAGE, 1941 ; DE NEUFCHATEAU, 1806 ; GARNIER, 1897 ; Elle est à l'origine de nombreux écoule- GUICHARD & JANNIN, 1926 ; Joly, 1965 ; MOLEUR, 1942 ; ments de surface, bien cartographiés MOREAU, 1955 ; NOMPAIN-ROUSSEY,1967 ; ROUPNEL, 1922 ; par le cadastre napoléonien de 1808, et VIGNEAU, 1997), de la carte archéologique, ainsi que d'un travail dont le Bréviaire est un exemple. original d'Archéogéographie dont une partie a fait l'objet de publi- L'examen des différentes missions cations (CHOUQUER, 1996 ; CHOUQUER & FAVORY, 1991). De aériennes, du cadastre napoléonien, et plus, pour la fin du XVIIIe siècle, le XIXe et XXe siècle, outre la biblio- de la bibliographie disponible montre graphie nous avons pu consulter des documents cartographiques que le parcellaire étudié est traversé permettant des localisations précises. Nous avons utilisé (annexe : par des paléochenaux dont certains les sources utilisées, spécificités et limites) : correspondent à des écoulements récents (carte 2). A. La carte géométrique de la dite "Carte de Cassini"I ou "de l'Académie" à l'échelle de 1 ligne pour 100 toises - soit Les écoulements anciens ne sont plus 1:86 400. L'information fournie y est continue pour l'habitat, l'hy- immédiatement visibles dans le parcel- drographie, pour les voies (mais uniquement royales) et dans une laire actuel, sauf en ce qui concerne la moindre mesure pour la végétation. Elle présente l'avantage de partie aval du Bréviaire, la partie amont donner une image du paysage dans la deuxième moitié du XVIIIe ayant été redressée récemment. Ces siècle pour les zones non couvertes par une cartographie plus écoulements sont le résultat de divaga- détaillée. tions soit du cours de l'Ouche soit de celui de la Norges. Ils ont aussi pour B. L'atlas des routesII conservé aux Archives Départementales origine la nappe elle-même. C'était le de la Côte-d’Or. L’intérêt de la carte réside dans le fait qu’elle car- cas pour le petit affluent du Bréviaire tographie le proche environnement de la route avec une bande de encore visible sur le cadastre de 1808 terrain, d’environ 700/800 m selon les feuilles, de part et d’autre du (photographie 1). tracé.

Evolution de l'occupation du sol à Tart-le-Bas 71 C. La carte d’État-MajorIII. Contrairement à la carte de Cassini, Trente sites sont mentionnés pour l'ensemble du réseau viaire y est représenté : de la route à la sente. l'âge de bronze (annexe, la carte Les plantations d'alignement, lorsqu'elles existent, sont notées archéologique). Presque tous présen- avec une grande précision (la toponymie des chemins n’est pas tent une continuité d'occupation dans systématiquement mentionnée). Le niveau de détail du réseau le temps incluant le Hallstatt, la Tène, hydrologique est important. Cette carte permet ainsi d’avoir des et seulement pour trois d'entre eux, la informations sur les natures d’occupation des sols : toutefois le par- période Gallo-Romaine. Ceci malgré cellaire reste quasiment absent, même si l'on devine les décou- l'importante dégradation climatique, pages en blocs et quartiers à travers le réseau viaire. accompagnée d'abondantes précipita- tions, observée au Hallstatt. Dans le D. Le cadastre napoléonienIV, dit aussi ancien cadastre ou plan parcellaire, est constitué d'un plan parcellaire et de registres périmètre compris entre Genlis, manuscrits (matrices ou registres) datés de la première moitié du Varanges, Tart-le-Bas et Huchey, XIXe siècle. Ce document n'est pas géoréférencé mais la qualité de incluant la zone d'étude, 7 sites sont sa géométrie en rend l'opération possible. Trois cadastres ont été mentionnés par la carte archéologique consultés, ceux de Genlis, Varanges, et Tart-le-Bas tous datés de dont quatre sont indéterminés. L’un 1808. d’eux couvre la période allant du Les natures d'occupation des sols ne sont pas toujours figurées bronze au Gallo-Romain et est situé sur le plan. Il faut se reporter à la matrice cadastrale qui indique dans le parcellaire du lycée, aux également la contenance et le nom du propriétaire mais cette opé- "Epinottes". Deux sites couvrant la ration est assez fastidieuse. On rencontre cependant quelquefois période allant du bronze au Hallstatt des plans comportant les natures d'occupation des sols en cou- sont situés vers "Pré Garrot". Pour la leur : vigne en jaune, prés en vert…, ou une initiale indiquant cette période antique et la fin de la protohis- nature (T = Terres, V = Vignes, P = Près etc.). toire, les travaux menés par et sous la direction de Chouquer (1996) montrent E. Les photographies aériennes verticales panchromatiques pour la Tène que la partie est du péri- noir et blanc. Nous avons disposé des missions, 1953, 1962, 1977. mètre Genlis - Varanges - Tart-le-Bas- Les missions aériennes existent d’une manière générale depuis Huchey aurait été soit en friche soit en l’après guerre, mais se succédant d’une manière irrégulière. Les forêt et que la partie est, des parcelles échelles de prises de vue vont du 1/14500 au 1/60000 et donc les du lycée, aurait été utilisée sans en pré- comparaisons entre les missions demandent des ajustements. ciser la nature. La partie non occupée En plus des missions noir et blanc, nous avons également correspondrait à peu près à la terrasse consulté la mission 2002 en couleur. de l'ancien marais des Tilles, c'est-à- F. La carte archéologiqueV. Elle rassemble au Service Régional dire à la terrasse de 1-4 m, et la partie de l’Archéologie l’ensemble des informations archéologiques dis- utilisée (culture ? prairie ?) correspon- ponibles dans le territoire d’une commune. drait davantage aux alluvions récentes actuellement définies comme des sols Les résultats argilo-limoneux profonds. Raisonnant sur un pas de temps long, l'allure des interactions La période Gallo-Romaine corres- entre l'homme et un milieu, dans lequel le problème de l'eau est pondant à une phase climatique plus omniprésent, doit prendre en compte des fluctuations climatiques chaude déjà bien amorcée à la Tène est intervenues au cours des deux derniers millénaires, c'est à dire l'al- bien renseignée. L'époque antique est ternance de phases "sèches" et de phases "humides" entraînant la marquée par une occupation de cette paludification de la plaine entre Genlis, Varanges et Tart-le-Bas. zone au moins, semble-t-il aussi impor- tante que l’actuelle. Un village Sur le finage de ces trois communes la carte archéologique "Romano-indigène" interprété comme recense 131 sites dont 33 sont indéterminés. Aucun site antérieur une agglomération d'origine protohis- à la protohistoire n'est mentionné, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y torique (CHOUQUER & FAVORY, en a aucun, mais qu’il peut y en avoir qui n'ont été ni repérés ni 1991), situé à quelques dizaines de identifiés comme tel. En effet, au Néolithique, la zone aurait pu mètres de la zone d'étude et débordant connaître une occupation, sachant qu'à proximité, un peu plus au sur la parcelle dite "Le Pré Garrot" a été nord, y compris dans les zones basses de l'ancien marais des reconnue et est donnée comme "le plus Tilles, on retrouve des traces ponctuelles d'occupation humaine. vaste établissement de ce type dans la Le climat doux et humide de l'optimum atlantique a dû favoriser zone" (CHOUQUER, 1996). Les traces l'installation de groupes humains par ailleurs peu nombreux et pro- d'un parcellaire dit "Romano-indigène" bablement encore semi-nomades. Mais à ce stade, l’action anthro- sont bien identifiées sur le parcellaire pique sur le milieu peut être considérée comme négligeable. Les actuel du lycée : "l'ensemble de ces sites chalcolithiques sont tout autant absents, bien que l’on puisse informations donne donc l'impression s'interroger à propos de leur absence de mention. En effet à partir d'une zone densément peuplée, avant de la fin du Néolithique, et au Chalcolithique, le climat fraîchit et et pendant l'époque romaine, que l'au- devient progressivement plus sec, rendant ainsi les zones basses et torité romaine a cherché à organiser" la proximité des cours d'eau plus attractifs. L'abaissement vrai- (CHOUQUER, 1991). On retiendra semblable du niveau des nappes phréatiques rend alors praticables donc une mise en valeur du parcellaire des secteurs qui auparavant auraient pu être plus ou moins maré- actuel du Lycée Agricole pour au moins cageux. Cette phase climatique, le Sub-boréal, perdure au début la Tène et la période antique. de l'âge des métaux.

72 Jean-Louis MAIGROT, Gérard TROUCHE et Jean-Marc BRAYER Rev. sci. Bourgogne-Nature 3-2006, 69-79 contraste parcellaire entre : - d'une part l'est de Genlis-Huchey, où se développe un parcellaire laniéré d'openfield, suggérant des cultures, - et d'autre part l'ouest entre Genlis et Varanges - Tart-le-Bas où se développe un parcellaire massif, plus ou moins rectangulaire suggérant plutôt des zones herbagères. À l’échelle de la plaine, cette distribution corres- pond par ailleurs aux conditions créées par l'exis- tence d'une vaste plaine inondable (la plaine entre Genlis et Varanges - Tart-le-Bas) et une terrasse alluviale (Fy) qui la borde à l'est sur laquelle s’est développé un openfield. Ce type de distribution de l'occupation du sol pouvant être médiéval. Si les grandes orientations et les formes intermédiaires du parcellaire cadastral actuel ont une origine antique, par contre les formes parcellaires seraient héritées du Moyen Âge. La dégradation climatique qui intervient à la fin du XIIIe siècle et qui perdurera jusqu'au milieu du XIXe siècle, marquée par un refroidissement certain et une pluviométrie accrue, confère alors une "voca- tion" palustre à la zone. Cette omniprésence des zones humides est suggérée par la toponymie qui Carte 3. Sites, lieux-dits et périmètre exploité. indique la présence de noues (ou de forme proche de ce toponyme comme la « Queue de la Nasse »). Localement, la littérature montre que du XVe au Suit une période moins connue. On XVIIIe siècle le toponyme les "Noues" désigne d'anciennes zones peut, à l'image de ce qui s'est passé en marécageuses aménagées pour le parcours du bétail. Ainsi proche Auxois où la dégradation climatique qui du parcellaire du lycée, la "Noue des Soulières" a été aménagée a affecté la fin de l'antiquité conjuguée pour délimiter un quartier de culture, entièrement cerné par les à l'affaiblissement de l'état romain a pu marécages. Le tracé en est encore bien visible sur le cadastre être à l'origine du développement de ancien. Nous faisons donc l'hypothèse que toute la partie nord- zones marécageuses, faire l'hypothèse ouest et ouest du parcellaire exploité par le Lycée Agricole aurait que les systèmes d'assainissement de pu être de nature marécageuse (carte 3). la plaine n'ont peut-être plus été entre- La littérature et les sources d’archives montrent à partir du début tenus. La plaine de Genlis-Varanges- du XIVe siècle un milieu dominé par des prés et des bosquets de Tart a pu alors connaître l'installation milieux humides. Là aussi la toponymie peut être indicatrice de cet d'un marais ou du moins de prairies état de fait. Ainsi le « Vernoy » à quelques centaines de mètres des plus ou moins arborées, très hydro- parcelles nord du Lycée correspond à des parcelles « en prey que morphes et sujettes à submersion. Les en bois de verne » (in BECK, 1996). On peut alors évoquer un pay- traces de mottes féodales repérées par sage faisant alterner aulnaies et herbages. Dès le XVe siècle, des la photographie aérienne dans la plaine travaux sont entrepris autour de Genlis pour, notamment « dicquer, pourraient suggérer une volonté de sur- eslargir et aprofondir ladicte riviere d’Oische, depuis le dessus du veiller ces zones marécageuses et donc deschargement des molins de Fauverney jusqu’à Tard la ville » potentiellement difficiles à contrôler. (BECK, 1996). Cet état semi-marécageux (le vrai Les données d'archives ainsi que divers auteurs vont dans le marais dit « marais des Tilles » se même sens, à savoir un milieu très humide, voire marécageux. situant un peu en amont) perdurera au Ainsi, l'enquête de 1657 décrit Varanges comme « lieu plain bien e moins jusqu'à la moitié du XIX siècle. marécageux »(4), les habitants de Genlis sont sujets à de « grandes Les sources sont rares et imprécises sur et fréquentes inondations des Tilles »(5). Au total rien n’indique qu’il ce qu'a pu être l'occupation du site lors faille considérer la plaine entre Genlis-Varanges-Tart autrement de l'optimum climatique médiéval qui que comme une prairie très humide, comportant des bosquets débute à la fin de la période carolin- avec par endroits quelques îlots de culture fréquemment protégés gienne. Huchey et Genlis sont mention- par des fossés. L'observation de couverts végétaux résiduels e nés dès le XII siècle (une première actuels, situés en d'autres lieux mais dans des conditions simi- mention pour Genlis en 1136). laires, suggérerait anciennement la présence d'un couvert herbacé Le cadastre Napoléonien de 1808, correspondant à des prairies inondables avec Carex (des loches) et lequel conserve un style parcellaire joncs, mais aussi comportant sur les basses terrasses des associa- hérité de cette période, montre un tions de milieux plus secs capables de supporter une sécheresse estivale. Actuellement ce type de végétation n'est plus observable dans la zone étudiée, ni à proximité. (4) Archives Départementales de la Côte-d’Or. C 4737. (5) Idem. Evolution de l'occupation du sol à Tart-le-Bas 73 Sachant qu’il est possible d’admettre que « la phy- sionomie cadastrale reconnue par Gaston Roupnel était déjà en place au XVe siècle » (BECK, 1996), on peut avancer l’hypothèse que le territoire corres- pondant aux parcelles actuelles de l'EPLEFPA était majoritairement le domaine de la prairie humide. Cette hypothèse est confortée par les tous premiers documents cartographiques dont nous disposons, et en particulier par l'Atlas des routes de 1768 qui montre que la bordure de la contrée comprise entre Ouche et Norges, est uniformément occupée par des "prés". Le cadastre de 1808 vient conforter ce point de vue en nous donnant une vision largement herbagère de la zone. Le cadastre de 1843 confirme cette observation. En 1808, seule la parcelle dite « Pré Garot » et une petite partie des « Epinottes » sont déclarées comme étant en culture (carte 4). En premier lieu nous remarquerons, à cette échelle d’observation, qu’il n’y a pas de liaison géographique entre le mode d’occupation du sol et la nature géologique du sous- sol, les cultures sont tout aussi bien sur la terrasse des 1-4 m que sur les alluvions récentes. Puis on retiendra l’idée, déjà évoquée, selon laquelle, dans ce territoire très humide et voué aux herbages, des places ont dû être aménagées à l’époque moderne Carte 4. L’occupation du sol en 1808. (XVIIe/XVIIIe siècle) pour des cultures. En effet, l’économie de l’époque étant largement vivrière, on se nourrissait ment non entretenu et mélangé à au maximum avec ce que l’on produisait sur place, le surplus éven- d'autres essences (frênes, aulnes…). tuel étant commercialisé, les habitants ont pu aménager par place Le milieu de culture de l'osier est ainsi des lieux susceptibles de porter des cultures. Ainsi, il est aussi pos- décrit en 1926 : "Les oseraies plantées sible, sans pouvoir le prouver formellement, qu’une partie des en sol défoncé, fertile et riche en humus paléochenaux observés sur les photos aériennes pourrait corres- soigneusement sarclées et fumées". pondre à des travaux ponctuels d’assainissement. Les données issues de la photo inter- L’évolution intervenue surtout depuis la fin du XIXe siècle, est prétation des missions IGN nous mon- celle d’un lent et inexorable recul des herbages. « À partir de 1850, trent et nous suggèrent tout à la fois, éclosent dans toute la plaine des syndicats qui vont prendre en pour les missions des années 1940 et main l’entretien des rivières et des canaux. La Tille est curée uni- 1953 et 1962, ce qu’a pu être l’état formément à 23 m2 de section, l’Ouche rectifiée en amont de ancien, ainsi que le recul inexorable à Varanges […] le canton de Genlis (en 1860) est même le seul du partir des années 1970 des zones non département pour lequel on ne réclame aucun effort de mise en cultivées : petits bosquets, herbages valeur » (CHILLON, 1943). Ainsi que l’écrivait cet auteur, en se divers, oseraies au profit des cultures. référant au « voyage agronomique dans la sénatorie de Dijon » de Évolution qui aboutit au paysage actuel François de Neufchâteau en 1806, et par delà à un auteur latin du de grande culture, le centre de l’exploi- IVe siècle, Euméne, après assainissement, la plaine dijonnaise tation de l'EPLEFPA occupant pour sa recommençait à redevenir « Le pays fertile et agréable qu’il était part les bâtiments d’une ancienne dis- autrefois lorsque le cultivateur attentif avait soin de faire écouler les tillerie. eaux. Après dix-huit siècles de médiocrité, le pays retrouvant la Les termes employés dans les cartes prospérité romaine retrouvait toute sa valeur ». Le maïs qui avait d'occupation des sols (cartes 5, 6 et 7) e fait l’objet d’une première introduction à la fin du XVIII siècle se correspondent aux définitions sui- voit alors supplanté par la betterave à partir de 1810 dans un vantes : contexte, il est vrai de guerre et de blocus. La crise agricole de la - Oseraies. Ce sont des parcelles e fin du XIX siècle favorise la culture de la betterave assurée de trou- consacrées exclusivement à la culture ver un débouché vers la sucrerie voisine et les distilleries qui s’ins- de l'osier. tallent alors. De même la culture de l’osier commence à prendre de - Bosquets. Il s'agit de peuplements l’importance. Cette culture semble s'être développée au cours de arborés de petite taille comportant e e la seconde moitié du XIX siècle. Au début du XX siècle, elle a "son aussi des arbres de plus haut jet, tel que centre dans les ex-marécages d'" (Office Régional Agricole des peupliers, des aulnes. D'après la de l’Est central.1926). Vers 1926, 52 hectares sont recensés sur forme du parcellaire on peut interpréter (6) Varanges, 10 hectares sur Genlis et 13 sur Tart en 1929 . Cette ces peuplements comme vraisembla- culture qui a son débouché chez les tonneliers et vanniers de la blement des plantations, oseraies ou côte viticole (paniers à vendanges…) disparaîtra peu à peu après peupleraies retournées à l'état "sau- la guerre. L'osier est aussi expédié vers le Midi. Les missions aériennes en montrent encore par places en 1953, mais apparem- (6) Archives Départementale de la Côte-d’Or. SM 2125 74 Jean-Louis MAIGROT, Gérard TROUCHE et Jean-Marc BRAYER Rev. sci. Bourgogne-Nature 3-2006, 69-79 1953 1962

Cartes 5, 6, et 7. L’occupation du sol en 1953, 1962 et 1977.

- Herbages arborés. Il s'agit de parcelles en "herbe" c'est-à-dire où le couvert herbacé apparaît continu, sans qu'il soit possible d'en déduire l'ancienneté, ni les pratiques qui s'y attachent, sauf si la photographie aérienne est prise en période de fauche, ou bien encore si des animaux y figurent. L'enquête de 1929 donne les indications suivantes (tableau I). Sur les missions aériennes les "herbages" apparais- sent en gris clair à foncé selon l'humidité, la texture est homogène, et il n'y a pas de trace de passage de matériel agricole. Le contact avec les "bosquets" est souvent irrégulier. Il se fait quelquefois en gradient donnant l'impression d'un recul dans l'utilisation de la parcelle. Parfois, on observe la présence d'animaux et même sur quelques parcelles des pratiques de fauche. - Terres labourées. Il s'agit des cultures, par opposi- tion aux surfaces en herbe. En général ces parcelles 1977 ont une géométrie régulière, ce sont des rectangles plus ou moins allongés aux limites toujours nettes. Elles sont toujours desservies par des chemins d'ex- ploitation carrossables adaptés à un matériel lourd. On y observe des traces de passages de machines. Dans les parcelles cultivées il n'y a jamais d'objets repérables (arbres, arbustes, pierriers…), et en tout vage". Par ailleurs, les peupleraies sont cas rien qui puisse gêner la circulation d'engins agricoles de grande peu présentes dans la première moitié taille. e du XX siècle (1 hectare à Genlis, 3 à La photo-interprétation et le repérage des différentes occupa- Tart et rien à Varanges en 1929). Il en tions du sol sous un Système d'Information Géographique (SIG)(7) va sûrement de même pour les permet d'établir le tableau des surfaces suivant (tableau II). périodes antérieures. - Herbages. Il s'agit de couverts herba- L’évolution suggérée par les données chiffrées est progressive, cés, sans qu'il soit possible de détermi- vers des systèmes de grandes cultures dominées par la triade bet- ner avec précision leur ancienneté. terave-céréales-tournesol. Ce passage est illustré fort classique- ment par la disparition des "Herbages arborés", des oseraies relic- (7) Logiciel ArcGIS version 9 tuelles encore présentes en 1962 et des petits bosquets. Mais au Evolution de l'occupation du sol à Tart-le-Bas 75 1953 1962 1977 2004 Nature Surface Nombre Surface Surface Nombre Surface Surface Nombre Surface Surface Nombre Surface totale de parcelles moyenne totale de parcelles moyenne totale de parcelles moyenne totale de parcelles moyenne (hectares) de la par- (hectares) de la par- (hectares) de la par- (hectares) de la par- celle (ha) celle (ha) celle (ha) celle (ha) B 15,63 7 2,23 9,55 11 0,87 2,19 5 0,44 0 0 0 BA 30,17 8 3,77 44,98 11 4,09 39,24 9 4,36 29,56 4 7,39 OS 0,45 1 0,45 2,01 2 1,01 0 0 0 0 0 0 STH 5,99 10 0,59 8,9 9 0,99 8,42 8 1,05 1,55 1 1,55 STHAr 16,33 11 1,48 2,14 2 1,07 0 0 0 0 0 0 TL 83,17 21 3,96 55,34 16 3,46 80,2 13 6,16 75,35 12 6,27 Superficie totale 151 113 130 106 interprétée Tableau II. Les différentes occupations du sol selon la photointerprétation des missions IGN.

- à la protohistoire, le milieu semble (en hectares) Genlis Tart le Bas Varanges sub-marécageux et faiblement occupé ; Prairies naturelles fauchées irriguées 0 27 0 - aux époques de la Tène et Gallo- Prairies naturelles fauchées non irriguées 5 0 10 romaine, l’occupation du sol est intense Herbages en association avec fruitiers 20 5 0 avec mise en valeur du milieu et proba- Pâturages permanents 80 12 3 blement avec des cultures, la région du Tableau I. Différents types d’herbages recensés en 1929 (la terminologie « Pré Garot » est pour sa part directe- employée est celle du recensement de 1929). ment concernée par l’emprise de l’éta- blissement romano-indigène d’Huchet ; total, cette évolution se traduit aussi par une diminution de la diver- - au Haut Moyen Âge, on note un nou- sité des couverts végétaux. De même ce passage aux grandes cul- vel abandon avec un retour de l’hydro- tures s’accompagne d’une géométrisation du paysage, avec une morphie mais aussi d’une friche com- réduction du nombre des parcelles de culture et l’accroissement de portant des formes boisées réduites ; leur taille. Malgré les remembrements successifs, le parcellaire - au Moyen Âge Central, on suggère à cadastral, dans lequel on distingue encore de lointains héritages, et nouveau une probable mise en valeur ; en premier les limites des finages communaux, coïncide de moins - au cours de la période XIV-XIXe siècle, en moins avec le parcellaire de culture (photographie 2). s’observe le développement d'un milieu où domine une prairie très Synthèse des observations humide inondable avec quelques bos- quets résiduels. Seule la partie est du Il est possible de proposer la chronologie suivante pour les par- parcellaire est en culture (Pré Garot); celles du lycée agricole : une histoire de flux et de reflux herbager - au début du XXe siècle et surtout trouvant son aboutissement (définitif ?), après les années 1970 : depuis l’après-guerre, on voit une maî-

Photographie 2. Le paysage en 2005.

76 Jean-Louis MAIGROT, Gérard TROUCHE et Jean-Marc BRAYER Rev. sci. Bourgogne-Nature 3-2006, 69-79 À l’échelle du parcellaire du lycée agricole, on opposera la région du « Pré Garrot » qui aurait pu échapper sur le long terme aux herbages et consti- tuer un îlot de culture, au reste du parcellaire du lycée lequel aurait eu un passé majoritairement her- bager voire semi-marécageux. Les limites des parcelles cadastrales forment les limites de finages entre Genlis, Varanges et Tart-le- Bas. Elles suivent en partie les paléochenaux, soit naturels, divagation de l’Ouche et de la Norges, soit artificiels comme le paléochenal de l’Ouche. Mais ceci ne concerne évidemment pas les actuelles parcelles de culture qui sont traversées par ces anciennes limites. Par contre l'orientation générale des parcelles reste un héritage du passé malgré les remembrements. Leur orientation géné- rale nord-est/sud-ouest correspond toujours à l’orientation générale du parcellaire Antique. Les incidences pédologiques de cette histoire de l'occupation des sols La carte pédologique au 1/100 000 indique pour cette zone deux unités de sols alluviaux calcaires (carte 8) : Carte 8. Fond pédologique et périmètre exploité. - sols argileux profonds à pseudo-gley sur alluvions argilo-calcaires de la plaine alluviale de l’Ouche ; - sols argilo-limoneux profonds des alluvions des trise accrue des crues par des travaux Tilles et de l’Ouche et limono-argilo-sableux des alluvions du de génie rural s’accompagnant d’un Doubs et de la Loue (CHRETIEN, 1976). recul inexorable des herbages avec la Ces deux unités se répartissent sur le territoire de l’exploitation mise en place de grandes cultures. parallèlement aux directions des deux cours d’eau : Bréviaire et Ouche.

Figure. Représentation schématique de six profils de sols observés, en fonction de l’épaisseur et de la texture (éventuellement de la couleur) dominante. Evolution de l'occupation du sol à Tart-le-Bas 77 Mais l’échelle de cette carte ne rend pas bien compte des varia- Bibliographie tions de sols au niveau parcellaire. Ouvrages divers BECK, C. 1996. Prairies et paysage agraire dans la Plaine Le zonage établi à partir de l’expertise du responsable de la et le Val de Saône à la fin du Moyen Âge. Histoire et conduite des cultures sur la ferme montre une répartition des sols Sociétés rurales. No 5. 1-1996. Association d'Histoire des Sociétés Rurales. Université de Caen- qui, dans ses grandes lignes, suit l’orientation générale de la vallée. Basse Normandie: 73/85. La répartition des sols est marquée par un gradient de texture et de BOIFFIN, J. & P. STENGEL. 2000. Réapprendre le sol : profondeur utile d’est en ouest, transversal à l’axe de la vallée. nouvel enjeu pour l'agriculture et l'espace rural. Demeter. Economie et Stratégie Agricole, A L’emplacement du paléo-chenal (carte 3) correspond, dans la par- Colin:147-211. celle "Pré Garot", à une zone graveleuse dès la surface entourée de CHAPUT, E. 1924. Les plaines alluviales de l'Ouche et des bordures où, sur les premiers 40 cm, le gravier est mélangé à de la Tilles, près Dijon. Mémoire de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, Dijon: 1-8. terre fine ; au delà on retrouve du gravier. Le long du cours du CHILLON, B. 1943. L'assèchement de la plaine des Tilles. Bréviaire, le sol est plus profond (1 à 1,5 m) et a une texture argi- Annales de Bourgogne, tome XV, 57: 7-23. leuse. La transition entre ces deux zones est marquée par un CHOUQUER, G. 1996. La morphologie agraire et les pay- sages de la plaine des Tilles et de l'Ouche (Côte- double gradient de profondeur et de texture. Une zone limoneuse d'Or). Les formes du paysage, 1-études sur les par- est présente dans un méandre du Bréviaire au niveau du "Pré cellaires, Paris, Éd. Errance: 32-48. CHOUQUER, G. & F. FAVORY. 1991. Les paysages de ". Enfin la partie ouest du "Pré Garot" correspond à une l'Antiquité. Éd. Errance, 243 p. zone plus limoneuse dont la profondeur varie de 40 à 80 cm. CHRETIEN, J. 1976. Carte pédologique de la France à moyenne échelle : Dijon 0-12. Carte au 1:100 000e Les sondages à la tarière manuelle, réalisés par un groupe d’étu- et notice explicative, 218 p. Service d'étude des sols diants de l’Enesad(8) mettent bien en évidence la variabilité des sols et de la carte pédologique de France, Institut National de la Recherche Agronomique, Versailles. présents sur l’exploitation, à la fois au niveau de l’épaisseur et du CLAIR, A. 1980. Cartographie Géologique de la partie nombre d’horizons constituant les profils, mais aussi de leur texture Nord de la Bresse au 1/250 000. Application au drai- (figure). La présence d’horizons profonds riches en matière orga- nage des limons de Bresse. Dijon Chambre Régionale d'Agriculture de Bourgogne. 1 carte et nique et de traces d’hydromorphie témoignent de l’évolution de notice 48 p. l’organisation des systèmes pédologiques, mais aussi de l’impor- CLAIR, A 1982. Carte Géologique de la France au tance des mécanismes liés à l’excès d’eau. 1/50 000. BRGM. DE CRECY, J. 1981. Dynamique structurale et histoire du En effet, à une époque récente, divers aménagements hydrau- matériau. In : CONCARET J. Drainage Agricole, Théorie et Pratique. Chapitre 11. Chambre Régionale liques ont été mis en œuvre pour maîtriser le régime hydrique des d'Agriculture de Bourgogne: 163-180. sols de la zone, permettant de lutter contre les inondations et l’ex- DELEAGE, A. 1941. La vie économique et sociale de la Bourgogne dans le Haut Moyen Âge. Thèse pour le cès d’eau dans les sols : doctorat ès lettres de l'Université de Paris. Macon. - redressement du cours du Bréviaire, 3 volumes. 1472 pages + 31 cartes. - mise en place d’un réseau de drains enterrés sur une partie de la DE NEUFCHATEAU, François. 1806. Voyage agrono- mique dans la sénatorerie de Dijon. surface. GARNIER, N. 1897. Le Marais des Tilles. Mémoires de la Société Bourguignonne de Géographie et d'Histoire, Ici, comme dans d’autres régions, les zones de sols à texture argi- tome XIII, Dijon: 361-401. leuse sont celles où la prairie s’est maintenue le plus tardivement. GUICHARD, J. & G. JANNIN. 1926. L'agriculture de la Le retournement tardif est lié à la mécanisation à la fois par les pos- Côte-d’Or en 1926. Office régional agricole de l'Est Central. Office départemental agricole de la Côte- sibilités techniques permises par la puissance de traction dispo- d’Or, Dijon, 131 p. nible et par la disparition de la contrainte d’alimentation du chep- JOLY, J (Abbé). 1965. L'occupation humaine dans le tel de trait. Dijonnais et spécialement dans le marais des Tilles, du paléolithique à l'époque barbare. Texte des Communications du 38e congrès de l'Association Bourguignonne des Sociétés Savantes. 29-30 mai Conclusion 1965. Bibliothèque Municipale de Dijon. Ministère de l'agriculture. Direction de l'agriculture. 1937. Le paysage actuel de la zone présentée dans cet article, au relief Statistique agricole de la France. Annexe à l'enquête de 1929. Monographie agricole du département de la plat, marqué çà et là par un micro-relief peu accentué, uniformé- Côte-d’Or, 296 p. ment occupé par des grandes cultures assolées de type céréalier, MOLEUR, J. 1942. L'élevage dans le Pays-bas Dijonnais. ne laisse pas deviner les évolutions subies par ce territoire au cours Annales de Bourgogne, tome XIV, 56: 277-297. MOREAU, P. 1955. L'aménagement du marais des Tilles. du temps. La seule exception à cela est peut-être dans la zone du Mémoires de la commission des Antiquités du paléochenal de l'Ouche encore visible en "Pré Garot". Département de la Côte-d’Or, tome XXIII, Dijon: 261-270. On peut dire que la variabilité actuelle rencontrée par l’exploitant NOMPAIN-ROUSSEY, A. 1967. La prairie de Lamponne. correspond à la superposition et aux interactions entre plusieurs Une région bourguignonne productrice de foin à la fin du Moyen-Âge. Annales de Bourgogne, tome XXXIX, mécanismes, héritages des histoires géologique, hydraulique et 155: 129/155. culturale. L’anthropisation de ce milieu est bien un facteur à Office Régional Agricole de l'Est Central; Office départe- prendre en compte pour justifier les pratiques actuelles dans un mental Agricole de la Côte-d’Or. L'agriculture de la Côte-d’Or en 1926. Dijon. contexte d’agriculture durable. Il peut paraître également para- ROBERT, PC. 2000. L'Agriculture de Précision : les ver- doxal de lier ainsi l’histoire et les technologies les plus modernes, rous liés à la Technologie et à la Gestion Agronomique. Agriculture de Précision. Actes du telles qu’elles sont mises en œuvre dans l’agriculture de précision. colloque UMR-CEMAGREF-ENESAD, Dijon 29-30 Mai 2000. CEMAGREF-ENESAD-EDUCAGRI, De fait, la variabilité des pratiques culturales actuelles, se récla- Dijon: 11-29. mant de l'agriculture de précision, reprend en compte le décou- ROUPNEL, G. 1922. La ville et la campagne au XVIIe page parcellaire ancien. En effet, ce dernier reflétait assez finement siècle. Etude sur les populations du Pays Dijonnais, Paris, 327 p. les conditions de milieu, telles qu'elles étaient ressenties antérieu- Sylva 2004. Colloque forêt, Archéologie et rement à la mécanisation-motorisation de l'agriculture, à une Environnement. Nancy 14-16 Décembre 2004. ONF- ENGREF- INRA. époque où le travail du sol ne s'effectuait qu'avec la seule traction (http:/www.nancy.inra.fr/sylva.2004/). animale. VIGNEAU, T. 1997. Initiation aux techniques de carto- et de photo-interprétation appliquées à l'étude archéo- (8) Etudiants-stagiaires IFC temps complet, 2003-2005.

78 Jean-Louis MAIGROT, Gérard TROUCHE et Jean-Marc BRAYER Rev. sci. Bourgogne-Nature 3-2006, 69-79 morphologique du paysage sur les communes de précisées : bourg, paroisse, abbaye, tuilerie etc. L'état d'activité (ruiné ou non) Genlis et de Magny-sur-Tille (Côte-d'Or). Rapport de est aussi précisé. Les natures d'occupation du sol sont grossièrement délimi- Stage, DESS "Méthodes Scientifiques et Techniques en Archéologie" Centre des Sciences de la Terre, tées : bois, vignes, prés etc. Mais la carte de Cassini est parfois le seul témoi- Université de Bourgogne, 53 p. gnage de ces occupations. Cartes, photos aériennes, documents divers II L'atlas des routes. C’est en 1758 que la réalisation de l’Atlas des routes Archives Départementales de la Côte-d’Or. Sous Série 7M. est engagée. L’atlas sera terminé en 1768. L’échelle correspond au 1:8 640. Production animale et végétale depuis l'an VIII, et statistiques agricoles. SM 2125, 2115/14. Série C Les cartes sont très précises et l’occupation des sols ainsi que la nature de la 4737, 410, 411. chaussée est figurée par des couleurs précises, le jaune pour les pavés, le car- Atlas des routes au 1/8640e. Archives Départementales de min pour les cailloutis et le blanc pour la terre battue. Ainsi les villages tra- la Côte-d'Or. Série C 3883. 1758/1768. versés sont dessinés avec précision, les maisons figurent en rouge, les vergers Carte d'Etat-Major au 1:80 000e publiée en 1846. Feuille en vert avec le figuré des arbres, les jardins soit en vert soit en jaune. Les par- No 125. celle de cultures apparaissent en jaune brun avec le figuré des raies de labour, Carte IGN au 1:25 000. 3123 Est. . 1995. les prairies sont en vert, les marais apparaissent avec un figuré particulier Carte dite de "Cassini" au 1:86 400e. Feuille 115. ainsi que les bois et forêts. Missions Aériennes : 1953. 3123-3223. Dijon-Pesmes. No 175. , 1962. 3123. Dijon. No 068. 1977. 77-FR III La carte d’état Major couvre toute la France et comporte 267 feuilles et 2876/170. No 528. 2002. FD 21-71 25 000. à l'échelle du 1:80 000. Elles ont été dessinées entre 1818 et 1881. Elle fut Feuille de section du "Cadastre Napoléonien" (1808 et levée sur le terrain par les officiers du corps d’Etat-Major dont le nom est ainsi 1843) du 1:1000e au 1:2500e et état de sections. Mairie de Genlis, Varanges, Tart-le-Bas. resté attaché à la carte. Ces cartes dites d'État Major furent longtemps les plus e Recensement Généraux de l'Agriculture: 1955, 1970, détaillées. C'est une carte du XIX siècle, monochrome, où le relief est repré- 1979, 1988, 2000. Direction Départementale de senté par des hachures. Elles étaient élaborées selon une règle précise : dans l'Agriculture et de la Forêt. Dijon. le sens de la plus grande pente (donc du ruissellement des eaux) et avec une Service Régional de l'Archéologie. Service de la carte longueur correspondant à la distance entre les courbes de niveau qu'elles archéologique. Commune de Genlis, Varanges, Tart- "remplissaient". Les courbes étaient ensuite effacées, ce qui explique le léger le-Bas. Dijon. intervalle que l'on lit entre deux rangées de hachures. On faisait varier l'écar- tement des hachures en fonction de la pente selon la "loi du quart" : l'écarte- Annexe. ment étant égal au quart de la longueur des hachures. Donc, plus la pente est Les sources utilisées : forte et plus les hachures sont denses et rapprochées. La représentation sous forme de hachures présentaient l'avantage d'être très expressive, donnant à spécificités et limites. voir en un seul coup d'œil le relief. I Carte de Cassini" ou "de l'Académie" à Néanmoins, la détermination de points d’altitude par des opérations de l'échelle de 1 ligne pour 100 toises - soit 1:86 nivellement, la représentation du relief et celle du réseau secondaire, mar- 400. C'est à l'initiative de Louis XV, impres- quent les trois points principaux des progrès de cette carte véritablement sionné par le travail cartographique réalisé en topographique. Les levées sont achevés en 1866. Flandre, qu'est levée la première carte géo- IV Le cadastre napoléonien. Le plan se présente en planches grand format métrique du Royaume de France. La "carte de réunies en atlas. Chaque commune est divisée en plusieurs sections, elles- Cassini" est la plus ancienne des cartes de la mêmes divisées en feuille : Commune X, Section A, feuille 1. Le plan est levé France entière à l'échelle topographique. Elle au 1/2 500 dans les zones rurales. Un tableau d’assemblage au 1/10 000 est aussi la première à s'appuyer sur une tri- représentant l’ensemble de la commune permet de localiser le numéro de sec- angulation géodésique que viennent d'établir tion et de feuille recherché. entre 1683 à 1744, Jean-Dominique Cassini Le cadastre napoléonien est le premier document présentant une vision très et son fils Jacques. Les levées commencent détaillée de l'occupation du sol. C'est aussi le document qui donne une vision en 1760 avec César François Cassini de la plus détaillée du découpage parcellaire foncier au début du XIXe siècle, ren- Thury. C’est son fils Jacques Dominique voyant à des héritages beaucoup plus anciens. Cassini qui les finira en 1789. Ainsi donc L’hydrographie est très détaillée : les rivières, ruisseaux, points d’eau sont quatre générations se sont consacrées à la figurés dans leur morphologie réelle et coloriés de bleu. Le cadastre est ainsi réalisation de la carte qui porte aujourd'hui le souvent une source très intéressante pour appréhender la forme des cours nom de la famille Cassini. d’eau avant leur canalisation. Les fossés bordiers et en plain champs sont sys- La publication est retardée par les événe- tématiquement indiqués et stylisés sous la forme de deux lignes parallèles rec- ments de la Révolution pour n'être achevée tilignes. Les haies sont indiquées par une limite « moutonnée », l'information qu'en 1815. De nombreuses additions ou cor- relevée est continue mais elle exclut un certains nombre d'éléments. Des élé- rections portant essentiellement sur les voies ments ne faisant pas l’objet d’une parcelle foncière ne sont pas indiqués. La lec- de communication furent apportées aux ture dans les bois s’en trouve aussi particulièrement limitée car ne sont repré- planches de gravure entre 1798 et 1812. sentés que les vastes parcelles d’exploitation avec leur chemin séparatifs. Malgré certaines imperfections, planimétrie incomplète, nivellement sommaire et impar- V La Carte Archéologique. Les informations contenues sont hétérogènes et fait, représentation incomplète des routes et de qualités inégales car ayant pour origine soit des données issues de la biblio- chemins qui laisse de nombreux villages sans graphie, soit les résultats de photo-interprétations, ou bien encore d’observa- liens entre eux. La "Carte de Cassini" est une tions de terrain, de découvertes fortuites réalisées à diverses époques, ou bien oeuvre remarquable qui a été utilisée jusqu'au encore issues de fouilles ou de sondages antérieurs à la loi Carcopino de 1941 milieu du siècle dernier. Elle a été remplacée réglementant les fouilles. Souvent les données de la carte ne sont pas confir- progressivement par la "Carte d'Etat-Major". mées par des sondages susceptibles de vérifier l’exactitude des interpréta- Cette cartographie donne un état de l'occu- tions. C’est le cas par exemple des signalements d’objets trouvés fortuite- pation des sols au XVIIIe siècle à petite échelle. ment : la présence de tégulae ne veut pas forcément dire que nous sommes Elle présente l'avantage de donner les grands en présence d’un établissement antique. Néanmoins la trouvaille peut faire traits du paysage. Le relief représenté sous l’objet d’un signalement qui par recoupement avec d’autres observations tout forme de hachures laisse ressortir les acci- aussi fragmentaires et ponctuelles pourront déboucher sur une interprétation. dents topographiques majeurs. Le réseau Donc la carte archéologique a une valeur indicatrice mais demande aussi à hydraulique est assez fidèlement représenté être confirmée par des observations complémentaires. (nombre de bras, îles etc.) même si les contours n'en sont pas toujours très fidèle- ment redessinés. Seule une partie du réseau viaire est repré- sentée : les routes royales, les voies des postes, les allées, certains sentiers. Chaque noyau d'habitat et écarts est inventorié et ses fonctions civiles, religieuses ou artisanales

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