Cédric Denis

Nouveau traité de fontainerie Le transport et la distribution de l’eau L’exemple de

© Groupe Eyrolles, 2011, ISBN : 978-2-212-13260-1

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Préface ...... 1

Remerciements ...... 3

Avant-propos...... 5

Chapitre 1. L’alimentation en eau ...... 7 Historique de l’eau à Paris ...... 7 L’eau souterraine ...... 14 Présentation ...... 14 Fonctionnement général des nappes ...... 16 Apports d’eau par précipitations ...... 16 Écoulements souterrains...... 16 Les sources ...... 16 Types de nappes et gîtes aquifères ...... 17 Les nappes phréatiques ...... 17 Les nappes alluviales ...... 17 Les nappes profondes ...... 17 Les circulations karstiques ...... 18 Les ouvrages de captage ...... 18 Le captage par puits ou forage ...... 18 Le captage des sources émergentes ...... 19 Le captage des sources d’affleurement ...... 19 Le transport ...... 20 Les aqueducs ...... 20 Les conduites forcées ...... 21 Le transport par refoulement ...... 21 L’eau superficielle ...... 21 Exemple des différentes étapes de traitement de l’eau de surface ....22 L’élimination des éléments flottants ...... 22

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La clarification ...... 23 L’ozonation ...... 23 La filtration sur charbon actif en grain ...... 23 La chloration ...... 23 Les dernières technologies ...... 24 La membrane minérale ...... 24 La membrane organique ...... 24 L’acide phosphorique ...... 24 Le stockage ...... 25

Chapitre 2. Hydraulique, rappel des notions ...... 27 L’hydrostatique ...... 27 Définition de la pression en un point d’un liquide ...... 27 Direction des forces pressantes ...... 27 Relation fondamentale de l’hydrostatique ...... 28 Le principe de Pascal ...... 28 Le théorème d’Archimède ...... 29 L’hydrodynamique ...... 30 Les écoulements ...... 30 Les débits ...... 30 Les vitesses ...... 30 La côte piézométrique ...... 31 Ligne piézométrique et de charge ...... 31 Les pertes de charges ...... 32 Les pertes de charges linéaires (ΔL) ...... 32 Les pertes de charges singulières (ΔS) ...... 33 Le coup de bélier ...... 36 Le débit des robinets ...... 37

Chapitre 3. Les branchements et comptages ...... 39 Historique des branchements d’abonnés parisiens ...... 39 Définition ...... 40 Le compteur ...... 41

IV

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Dimensionnement d’un branchement d’abonné ...... 42 Le débit maximal d’eau d’un immeuble ...... 42 Le coefficient de simultanéité ...... 43 Dimensionnement du branchement ...... 43 Vérification de la charge disponible ...... 43 La perte de charge linéaire ...... 44 La perte de charge singulière ...... 44 Exemple ...... 44 Autres formules empiriques ...... 45 Les chambres de comptages parisiennes ...... 45 La pose d’un branchement d’eau en égout ...... 47 Protection sanitaire du réseau de distribution ...... 48 Branchement jusqu’au diamètre 50 mm ...... 49 Branchement supérieur au diamètre 50 mm ...... 50 La pose d’un branchement en terre ...... 50 Le réseau intérieur ...... 51 Les débitmètres électromagnétiques ...... 51 Cas n° 1 ...... 53 Cas n° 2 ...... 53 Cas n° 3 ...... 53 Cas n° 4 ...... 53 Les débitmètres à ultrasons ...... 53 Les débitmètres à diaphragme ...... 54 Les débitmètres venturi ...... 54

Chapitre 4. Les conduites, joints et pièces spéciales ...... 57 Introduction ...... 57 Historique parisien ...... 57 Les tuyaux en bois ...... 58 Les tuyaux en poterie ...... 59 Les tuyaux en pierre naturelle ...... 59 Les tuyaux en plomb ...... 60

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Les tuyaux en fonte grise ...... 61 Les tuyaux Petit et Lavril ...... 68 Le joint Somzée ...... 69 Les tuyaux ciment ...... 69 Les tuyaux ciment à armature métallique ou en béton armé ...... 70 Les tuyaux en tôle et bitume ...... 71 L’assemblage par rivets ...... 72 Les brides Ville de Paris ...... 73 Les diamètres normalisés à Paris ...... 74 Les matériaux actuels ...... 74 La fonte ductile ...... 74 Les tuyaux ...... 74 Les joints ...... 76 L’acier ...... 78 L’assemblage par virole ...... 80 Soudure bout à bout...... 80 Emboîtement et soudure à clin (joint type S)...... 81 Les soudures ...... 81 Le béton armé à âme tôle ...... 83 La gamme de tuyaux ...... 83 Les assemblages standard ...... 86 Les assemblages particuliers ...... 88 Le polyéthylène haute densité (PEHD) ...... 89 Raccordement par électro-soudure ...... 92 Raccordement par fusion bout à bout ...... 92 Le polychlorure de vinyle (PVC) ...... 93 Les joints et les manchons ...... 93 Les joints et manchons mécaniques ...... 93 Les brides de compression ...... 100 Les manchons et adaptateurs Viking Johnson ...... 100 Le compensateur de mouvement ...... 104

Chapitre 5. Les accessoires des réseaux ...... 105 Les robinets et vannes ...... 105 La vanne à opercule (ou robinet-vanne) ...... 106

VI

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La vanne papillon ...... 107 Le robinet à soupape ...... 108 Le robinet pointeau ...... 108 Les vannes anciennes ...... 109 Le robinet-vanne Herdevin (1861) ...... 109 Le robinet-vanne modèle Ville de Paris ...... 110 Le robinet-vanne équilibré ...... 110 La vanne rideau (ou murale) ...... 111 Le robinet de partage ou de sectionnement ...... 111 Les robinets de prise ...... 112 Les ventouses et décharges ...... 112 Les ventouses ...... 112 La ventouse manuelle ...... 115 La ventouse automatique à un flotteur ...... 115 La ventouse à deux flotteurs ...... 116 La ventouse trois fonctions ...... 116 Les décharges ...... 116 Les clapets ...... 117 Les soupapes ...... 117 Les réducteurs de pression ...... 118 Les compensateurs de dilatation (compensateurs de mouvement) .....118 Les by-pass ou nourrices ...... 118 Les bouches à clé ...... 119

Chapitre 6. La pose des conduites ...... 121 La pose en terre ...... 121 Les contraintes mécaniques ...... 122 La tranchée ...... 123 Le talutage ...... 125 Le boisage et le blindage ...... 125 Le boisage ...... 126 Le blindage ...... 130 Le fond de fouille ...... 131

VII

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La mise en œuvre des canalisations ...... 132 Le stockage et la manutention ...... 133 La pose en forte pente ...... 133 La pose en terrain instable ...... 135 Le remblayage et la réfection de sol ...... 135 La pose en souterrain ...... 136 Généralités ...... 136 Règles d’encombrement des égouts par les conduites ...... 138 Les efforts à reprendre ...... 139 Poussée sur une plaque pleine ...... 139 Poussée dans un coude ...... 140 Poussée dans un cône ...... 141 Les perturbations hydrauliques ...... 141 Les efforts dus à la dilatation ...... 142 Les supports ...... 142 La pose sur consoles (DN ≤ 600 mm) ...... 143 La console en fonte ductile ...... 144 La console en aluminium ...... 145 Avantages et inconvénients des supports fonte ductile/aluminium ...... 146 Autres types de supports de conduites ...... 146 La pose à la voûte (DN ≤ 400 mm) ...... 147 Les béquilles ...... 148 La pose sur tasseaux (DN > 600 mm)...... 148 La pose sur colonnettes ...... 150 Les amarrages ...... 150 Les agrafes ...... 151 Les colliers ...... 152 Les ceintures ...... 153 Les arcs-boutants ...... 154 Les anciens colliers ...... 154 Les butées ou butoirs ...... 155 Les points fixes ...... 157 Principe de pose des canalisations en souterrain ...... 158 Les raccordements ...... 160 Raccordement fonte ductile, acier, PVC ...... 160 Raccordement fonte ductile/fonte grise ...... 161

VIII

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Raccordement fonte ductile/béton armé ...... 161 Raccordement avec un tuyau en béton à âme tôle ...... 162 Les techniques particulières ...... 162 Le tubage ...... 162 Le fonçage ...... 163 Le microtunnelier ...... 164 Le forage dirigé (ou guidé) ...... 164 La fusée ...... 164 Le renouvellement par éclatement ...... 165

Chapitre 7. Les appareils hydrauliques et les fontaines ...... 167 Les appareils hydrauliques de surface ...... 167 Les bouches de lavage et d’arrosage ...... 169 La bouche de lavage Fortin-Hermann ...... 169 La bouche de lavage dite de Pont ...... 171 La bouche d’arrosage modèle Fortin-Hermann ...... 171 La bouche de lavage modèle Houdry ...... 172 La bouche d’arrosage modèle Houdry ...... 173 La bouche de remplissage ...... 175 Les bouches d’incendie ...... 176 La bouche de marché – la borne de marché ...... 180 Les fontaines ...... 181 Les fontaines Wallace ...... 181 Petit modèle...... 182 Grand modèle ...... 183 Les fontaines monumentales ...... 184 La fontaine de l’an 2000 ...... 185

Chapitre 8. Nettoyage, rinçage et désinfection ...... 187 Généralités ...... 187 Périmètre d’application ...... 188 Obligations ...... 188 Précautions préalables ...... 188 Le carnet sanitaire ...... 189

IX

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Les produits de désinfection ...... 189 L’extrait de Javel ...... 189 L’hypochlorite de calcium ...... 190 Le permanganate de potassium ...... 190 La sécurité ...... 191 Les différentes opérations ...... 191 Le nettoyage ...... 191 La désinfection ...... 192 Intervention de faible importance ...... 192 Canalisations neuves ou travaux ...... 192 Procédure accélérée ...... 195 Les branchements d’eau potable ...... 195 Les appareils hydrauliques de surface ...... 197 Les réservoirs d’eau potable ...... 197 Les opérations annuelles ...... 197 Les nettoyages renforcés ...... 198 Les travaux dans les réservoirs ...... 198

Chapitre 9. Dimensionnements mécaniques de fontainerie ...... 199 Les coups de bélier sur le réseau ...... 199 Vitesses de propagation des ondes de vitesse et de pression ...... 200 Durée que met l’onde à faire un aller et retour dans la canalisation ...... 200 Détermination des surpressions maximales dans les différents biefs ...... 201 La fixation des supports de types Celt d’une conduite ...... 202 Les charges à reprendre pour chaque support ...... 203 La poussée d’Archimède ...... 203 Les contraintes à l’état limite ultime ...... 203 Dimensionnement de la tige filetée ...... 203 Les sollicitations ...... 204 Vérifications à la rupture ...... 204 Vérification à la rupture du béton de la cheville en traction ...... 204

X

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Vérification à la rupture de l’acier en traction ...... 204 Vérification à la rupture par extraction, glissement ...... 205 Vérification à la charge oblique ...... 205 Dimensionnement des supports de canalisations de type UPN ...... 206 Les charges à reprendre ...... 206 Sur la conduite DN 300 mm ...... 206 Sur la conduite DN 150 mm ...... 206 Les contraintes ...... 206 Vérification de la flèche ...... 207 Dimensionnement des ceintures ...... 207 Effort dû à la poussée d’Archimède ...... 208 Effort dû aux perturbations hydrauliques ...... 208 Dimensionnement des boulons ...... 209 Dimensionnement des ceintures d’un coude ...... 210 Poussée à reprendre ...... 210 Vérification des fixations ...... 210 Vérification des ceintures ...... 211 Dimensionnement des longueurs de verrouillage d’une conduite ...... 211 Dimensionnement d’un point fixe sur un tuyau ...... 212 Contraintes dans le piédroit de l’égout en béton ...... 214 Choix des boulons d’assemblage ...... 214 Dimensionnement d’un point fixe sur un cône ...... 214 Les efforts à reprendre ...... 214 Choix des UPN ...... 215 Contraintes dans le piédroit de l’égout en meulière ...... 216 Dimensionnement d’une butée de plaque pleine ...... 216 Les hypothèses du calcul ...... 216 Les efforts à reprendre à la pression d’essai...... 217 Vérification des profilés métalliques ...... 217 Vérification des contraintes ...... 217 Vérification de la flèche ...... 217 Vérification des contraintes dans le massif d’ancrage en béton ...... 218

XI

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Calcul de la dilatation d’une conduite ...... 218 Vérification de l’effort de dilatation sur la plaque pleine ...... 219 Dimensionnement d’un massif de butée en terre ...... 219

Chapitre 10. Historique et développement des réseaux souterrains, l’impact environnemental ...... 221 L’air comprimé ...... 222 La communication pneumatique ...... 222 La téléphonie ...... 223 La récupération énergétique ...... 223 Le projet Foodtubes ...... 225

Bibliographie ...... 227 Périodiques, conférences, bulletins ...... 227 Livres ...... 228 Catalogues et normes ...... 229 Liens Internet ...... 229

Annexes 1 – Débit d’un robinet à gueule bée ...... 232 2 – Abaque de calcul des sections de passage pour des robinets partiellement ouverts et des diamètres équivalents ...... 233 3 – Abaque de détermination des pertes de charge linéaires dans un tuyau en polyéthylène ...... 234 4 – Distances entre concessionnaires applicables sur le domaine public de la Ville de Paris...... 235 5 – Différents types d’égouts à Paris ...... 237 6 – Tableaux de calculs ...... 240 7 – Dimension des consoles type Ville de Paris ...... 251 8 – Schémas des consoles en fonte grise ajourées ...... 254 9 – Codification des relevés de fontainerie ...... 255 10 – Encombrement des joints pour tuyaux en fonte ductile (en mm) 257

XII

Fontainerie.indd 12 12/08/11 10:37 Chapitre 1 L’alimentation en eau

Historique de l’eau à Paris Un exposé manuscrit du 30 mai 1986, d’un auteur dont les initiales (R.M.J.) ne m’ont pas permis de retrouver le nom, relate un historique des aqueducs de Paris depuis l’époque gallo-romaine à celle de Catherine de Médicis ; on retrouve également des données sur cette période dans l’ouvrage de Raymond Genieys, Essai sur les moyens de conduire, d’élever et de distribuer les eaux de 1829 (édition Carilian- Gœury) et de M. Gury dans ses écrits de 1913 lors d’une conférence à destination des entrepreneurs et ouvriers plombiers. Vers 250 avant Jésus-Christ, les premiers habitants de Paris, nommée Lutèce par César et Loucotetia par Ptolémée, furent approvisionnés par de l’eau provenant directement de la et de quelques puits. La cité fut abandonnée et incendiée en 52 avant Jésus-Christ lorsque l’armée gauloise fut battue par les légions romaines. Cet oppidum gaulois était installé sur les îles, il était constitué de simples huttes en toits de chaumes.

De l’oppidum à… Paris

L’oppidum gaulois perdra son nom pour devenir Cité, puis Cœsarodunum, prendra le nom de Tours, puis de Sens, enfin de Lutétia en devenant la cité des Parisii, et ne sera plus connu que sous le nom de Paris.

L’empereur César fit le choix d’y transférer l’assemblée générale du pays lors de la révolte d’Accon. Les Romains construisirent leur cité et, selon Paul-Marie Duval (dans De Lutèce oppidum à Paris capitale de la France, édité par Association pour la publication d’une histoire de Paris, 1993), les thermes du forum furent édifiés au ier siècle.

C’est aux environs de la fin dui er siècle ou du début du iie siècle que certains estiment la réalisation des thermes de l’est (sur le site actuel du Collège de France) et des thermes du nord (dénommés par tradition le Palais des thermes ou thermes de Cluny).

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La Seine servant également de décharge « naturelle » aux déchets générés par le nombre croissant d’habitants, les Romains ont cherché pour puiser l’eau des points d’approvisionnement de meilleure qualité et, de ce fait, plus éloignés, malgré la réalisation de puits à partir du iiie siècle. C’est ainsi qu’à la demande de l’empereur Julien fut construit le premier aqueduc (aqueduc d’Arcueil, lequel fut partiellement détruit durant le siège de la ville par les Normands en 886) d’une longueur de 16 km prélevant l’eau dans la région de Wissous, Rungis et Arcueil pour l’acheminer au palais des Thermes (actuellement musée de Cluny) et aux établissements publics du quartier Latin tels que le théâtre de la rue Racine et le temple de la rue Soufflot. Cet aqueduc disposait d’une capacité estimée entre 1 500 et 2 000 m3 par jour, pour une pente de 416,70 mm/km ; l’enduit d’étanchéité était composé de sable, briques pilées, chaux… figues et vin. Le pavillon de captage fut retrouvé par Belgrand lors de la construction de l’aqueduc de la Vanne. Deux bassins de construction romaine furent découverts en 1781, vers l’extrémité méridionale du jardin du Palais-Royal à 1 m de profondeur, et de 6,50 m de côté – ceux-ci avaient été datés aux alentours de l’an 375. L’aqueduc de Chaillot, constitué de tuyaux en poterie de 0,158 m de diamètre à emboîtements, fut établi par Bernard Palissy (potier émailleur, qui créa en France l’industrie de la céramique [1510-1590]), sur ordre de Catherine de Médicis pour conduire les eaux des coteaux de Saint-Cloud au palais des Tuileries. Cet aqueduc fut coupé durant les troubles de la Ligue, sous Henri III.

Palais des Thermes

Aqueduc La Bièvre d’Arcueil

Arcueil Cachan

Croix-de- Berny

Anthony Fresnes- les-Rungis La Bièvre Rungis Sources de l’aqueduc d’Arcueil Wissous

D’après un exposé d’un auteur inconnu (R.M.J.) du 30 mai 1986

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Fontainerie.indd 8 12/08/11 10:37 L’alimentation en eau

Au cours du Moyen Âge, rien n’est fait en ce qui concerne l’alimentation en eau de la ville : l’eau était puisée directement dans la Seine et par des puits de faibles profondeurs. Ce n’est ensuite qu’au xiie siècle qu’une autre dérivation vit le jour : les moines des couvents de Saint-Lazare et de Saint-Martin dérivèrent les eaux du Pré-Saint-Gervais et des sources de Belleville (débit de 200 à 300 m3/jour). Ces sources alimentèrent deux fontaines publiques dans la première moitié du xiiie siècle : la fontaine Champeaux (emplacement des Halles) et la fontaine des Innocents. En 1613, des travaux de grande envergure (permanence de 500 à 600 ouvriers), financés par le produit de la taxe des vins, créée en 1601, dérivèrent les sources de Rungis par l’aqueduc d’Arcueil (mis en service en 1624) afin d’alimenter le palais que Marie de Médicis avait entrepris de construire au Luxembourg (l’aqueduc « Médicis »). Dans le cadre de ces travaux, quatorze nouvelles fontaines publiques furent desservies par un château d’eau construit près de l’observatoire de Paris (débit 1 000 m3/jour environ). Aujourd’hui, cet aqueduc alimente la cascade et les bassins du avec un débit moyen jaugé dans les années 1992-1995 à 400 m3/jour. Pour la première fois à Paris, les tuyaux en plomb du château d’eau (actuelle maison du fontainier) au Palais sont posés dans des galeries visitables. Le tableau 1 reprend les débits minimaux et maximaux constatés des trois sources encore utilisées pour alimenter Paris au xixe siècle, auxquelles il fallait adjoindre les eaux de Ménilmontant et du puits artésien de Grenelle.

Tableau 1. Débits des sources de Paris au xixe siècle Source du Aqueduc d’Arcueil Source de Belleville Pré-Saint-Gervais Année Maximum Minimum Maximum Minimum Maximum Minimum 1852 14,08 6,93 3,47 1,52 3,90 1,95 1851 24,05 10,18 7,80 2,17 8,45 1,73 1850 21,24 11,48 9,10 3,03 16,25 3,47 1849 17,55 9,97 5,63 2,60 6,28 2,82 1848 39,22 14,08 5,85 3,25 6,28 2,82 1847 37,49 14,95 5,42 3,90 6,50 4,33 1846 58,07 19,29 9,97 3,25 12,35 4,12 1845 42,47 22,32 26,00 4,33 32,50 4,55 1844 32,50 14,73 6,93 3,03 10,62 3,25 1843 32,50 13,22 21,67 2,17 16,25 2,17 1842 31,85 13,43 8,02 1,08 7,15 1,30 1841 69,78 19,50 10,18 1,73 16,90 1,52 1840 48,32 20,59 26,00 1,95 30,34 2,17 1839 44,42 16,90 21,67 3,47 26,00 3,25 1838 19,94 12,35 4,55 2,17 4,55 1,73 Débit en l/s.

À ce système dénommé « les Eaux du Roi » furent adjointes deux pompes, celle de la Samaritaine (réalisation d’un constructeur flamand, Lintlaer) sous une arche du pont

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Neuf en 1608 (règne de Henri IV) produisant 710 m3/jour selon les écrits de Belidor (hydraulicien [1693-1761]) et celle du pont Notre-Dame, produisant 573 m3/jour, édifiée en 1670. Ces pompes furent démolies en 1813 (dès la mise en distribution de l’eau de l’Ourcq) pour la première et en 1858 pour la seconde. Le 7 février 1777, des lettres patentes autorisèrent la construction de deux machines à feu permettant ainsi d’élever l’eau de la Seine. C’est ainsi que les frères Périer créèrent le 17 août 1778 une société par actions qui devint plus tard la Compagnie des Eaux de Paris. Cette société réalisa les pompes à feu de Chaillot et du Gros Caillou qui fonctionnèrent jusqu’en 1899.

Spéculation financière

L’ancêtre de La Compagnie des Eaux de Paris donna lieu à des spéculations financières effrénées basées sur le nombre de maisons à Paris (30 000) susceptibles de s’acquitter d’un abonnement de 100 francs – correspondant ainsi à un revenu potentiel de 3 millions de francs. Les actions montèrent à des prix exorbitants, alors qu’en 1854, donc plus de 70 ans après la création de cette société, Paris ne comptait guère plus de 7 000 abonnés.

L’eau commença ainsi à être distribuée en 1782, moyennant redevance, au public et aux porteurs d’eau par le biais des fontaines marchandes, et aux particuliers abonnés par des prises d’eau directes sur les conduites. À la fin duxviii e siècle, le volume distribué était de 8 000 m3/jour pour 500 000 habitants ; c’était moins que le volume consommé dans le parc de Versailles le jour des grandes eaux – et aujourd’hui, à titre de comparaison, la fontaine de Varsovie fonctionne avec un débit horaire de 8 000 m3/heure. Les eaux des fontaines marchandes étaient filtrées afin de retenir la multitude des particules flottantes ; cette filtration était réalisée à la sortie des fontaines par les deux compagnies exploitantes de ces fontaines à Paris. Les eaux étaient vendues au prix de 0,06 franc/m3 par la Ville et 0,15 franc/m3 après filtration. L’alimentation de Versailles en 1854 était assurée notamment par le captage des eaux de sources et de pluie, réunies dans plusieurs étangs, dont la surface totale était de plus de 1 200 ha et d’une contenance de 8 millions de mètres cubes. Les terrains récupérant l’eau des pluies d’une surface totale de 15 000 ha n’assuraient qu’un volume d’eau de 1,3 millions de mètres cubes par temps de sécheresse et en temps ordinaire de 4 millions de mètres cubes, bien loin des 8 millions de mètres cubes attendus, par sous-estimation des effets de l’évaporation. Ce système, bien que novateur, présentait également d’autres inconvénients : lorsque le soleil faisait chauffer l’eau stockée de faible profondeur à l’air libre, la végétation aquatique et sa décomposition rendaient malade la population versaillaise. Sous le règne de Louis XIV, la France se plaça au-dessus de l’Italie, non seulement par ses grands travaux hydrauliques, mais principalement par les recherches et les différentes expériences sur le mouvement de l’eau dans les canaux, les rivières et les canalisations. La dérivation du canal de l’Ourcq fut étudiée sous le règne de Louis XVI, suivant le principe de la dérivation de l’Eure afin d’alimenter le domaine royal de Versailles (des vestiges de cet ouvrage existent toujours près de la commune de Maintenon).

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Sous la Première République, le soin des eaux était confié aux censeurs (magistrats chargés notamment de percevoir les redevances) et aux édiles (magistrats chargés de l’administration municipale). Sous l’Empire, les administrateurs étaient nommés par l’Empereur et confirmés par le Sénat. Le 4 septembre 1807, par décret impérial, le premier service des eaux vit le jour. Cette direction des eaux de Paris réunissait l’ensemble des systèmes de distribution d’eau en une seule administration en régie sous l’autorité du préfet de la Seine (l’administrateur). L’administrateur désignait le calice (ou tuyau de jauge) qui convenait à la quantité d’eau accordée. Pour faciliter la réparation des canaux et des conduites, il n’était pas permis de construire d’édifices, ni de planter d’arbres à moins de 1,62 m (64 pouces) de chaque côté des ouvrages dans les villes. En pleine campagne, un isolement de 4,87 m (192 pouces) de chaque côté des fontaines, murs et voûtes des aqueducs devait être respecté. La construction de la dérivation de l’Ourcq a débuté sous le Premier Empire, en 1813, pour s’achever en 1822. Les eaux de l’Ourcq furent ainsi acheminées à Paris par un canal servant également à la navigation (canal de l’Ourcq). Dans les années 1810, une société anglaise fit des offres à la Ville de Paris pour obtenir la distribution d’eau de la capitale ; des négociations furent entamées, arrêtées puis reprises, pour aboutir à la conclusion en 1824 que le contrat direct que souhaitait la compagnie anglaise ne pouvait être réalisé que par adjudication avec mise en publicité et concurrence. Le projet de distribution des eaux du canal de l’Ourcq était destiné à alimenter Paris de 4 000 pouces d’eau complémentaires par l’intermédiaire d’un réseau dont le coût était estimé à 22 millions de francs. Ce projet avait pour nom les Nouvelles Eaux de Paris. Le projet, finalisé le 31 mars 1826, prévoyait deux réseaux distincts : le réseau des quartiers inférieurs à une pression maximale de 25,239 m au-dessus du zéro de l’échelle du pont de la Tournelle ou 27,011 m de celle du pont des Tuileries (cette pression est exercée par l’altimétrie du bassin de la Villette) et le réseau des quartiers supérieurs par l’intermédiaire d’une machine à vapeur envisagée à l’extrémité du bassin de la Villette. Le projet de ces deux réseaux prévoyait l’installation d’une conduite de 1 500 mm de diamètre partant en direction de la rue du Faubourg-Saint-Martin pour le réseau inférieur et une autre conduite parallèle à la première destinée au réseau supérieur vers la porte Saint-Martin. Ces conduites se décomposaient ensuite en conduites dénommées, dans le projet, annulaires puis dans un réseau répartiteur alimentant le réseau dit de service. Trois réservoirs du réseau supérieur maintiendraient les conduites en charge, notamment en cas d’incendie : chaussée de Ménilmontant, et à l’Estrapade. La complexité de ce projet a fait l’objet de nombreuses discutions et d’idées particulières. Citons notamment : • la substitution des eaux de Seine à celles de l’Ourcq pour la boisson ; • un système distinct d’alimentation en eau de Seine et de l’Ourcq ou par alternance ; • un système de double distribution d’eau de Seine et d’eau de l’Ourcq pour la rive droite et uniquement d’eau de Seine pour la .

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Le système complet et le plus avantageux financièrement que détaillait le projet de Pierre Simon Girard (ingénieur des Ponts et Chaussées, chargé en 1802 de la direction du canal de l’Ourcq [1765-1836]) ne fut pas retenu par le conseil. Par séance du 5 juin 1827 de la commission et suite à l’approbation du conseil municipal de Paris fut arrêté le principe du projet de distribution de 2 000 pouces d’eau de la Seine et de 4 000 pouces d’eau de l’Ourcq. Les eaux de l’Ourcq seraient distribuées suivant le projet de M. Girard, la distribution aux particuliers serait réalisée avec les 2 000 pouces d’eau de la Seine suivant le système général du projet du 31 mars 1826 évoqué précédemment. De plus, le projet devait intégrer l’utilisation des trois établissements de la Ville de Paris en bord de Seine et la Ville devait fournir l’emplacement du quatrième, sur la rive droite, vers la Rapée. Le projet final fut validé fin 1829. Charles François Mallet (ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, chargé du service de la distribution des nouvelles eaux dans Paris [1766-1853]) concluait dans sa notice du projet, en parlant des habitants de Paris : « Ils devront se trouver heureux de pouvoir, pour une dépense de beaucoup inférieure à celle à laquelle ils sont maintenant assujettis, recevoir à domicile, sans embarras, une quantité sextuple au moins de celle avec laquelle, aujourd’hui, ils pourvoient à leurs besoins. […] Ainsi que nous, ils ont commencé par être tributaires des porteurs d’eau, aussi incommodes dans nos intérieurs, que dans les rues où nous les rencontrons à chaque pas, et où leurs cris et les bruits de leurs tonneaux se joignent si désagréablement au surcroît des obstacles qu’ils mettent à la circulation publique. » Les villes de Londres, Glasgow, Edimbourg et Philadelphie étaient jusqu’alors les seules à disposer d’un système complet de distribution. Vers 1850, les membres de la Commission des eaux jugeaient ainsi les eaux de la Seine servant à la distribution d’eau au robinet des Parisiens : « Malgré toutes les causes réunies qui contribuent à altérer l’eau de la Seine dans son parcours d’amont en aval de Paris, on ne doit pas moins la regarder comme une des meilleures eaux que l’on connaisse […] il est peu d’eau qui laissent moins de résidu par l’évaporation et dont les sels soient de meilleure nature ». L’eau du canal de l’Ourcq était considérée également comme une très bonne eau potable, comparable à celle de la Seine. Les eaux distribuées présentaient bon nombre de particules en suspension. La première étape de réduction consistait alors au dépôt des matières les plus grossières dans les Filtration réservoirs, puis une filtration complétée soit toujours au niveau des fontaines marchandes Parmi les systèmes de soit chez les particuliers par l’installation de petites fontaines filtrantes (notamment par filtration, citons le système de M. Bernard à Paris filtration montante afin de réduire le nettoyage des filtres). Les eaux transportées dans les employé vers le milieu conduites de distribution présentaient 1 l de vase pour 4 m3 d’eau. du xixe siècle sur quelques fontaines marchandes C’est en 1860 que fut créée la Compagnie des Eaux de Paris. Cette société était le régisseur par utilisation d’un filtre de la Ville et chargée des relations avec les abonnés. En effet, par décret du 2 septembre désinfectant 1860, la Ville de Paris reprenait l’exploitation de toutes les installations de production et à injection d’un débit de 1 l/dm2/min. de distribution de l’ancien département de la Seine. En 1870, la Ville de Paris rétrocédait à cette société les installations extra-muros. L’augmentation importante de la population parisienne devint critique au niveau des besoins en eau et de la qualité de l’eau vers la seconde partie du xixe siècle. En effet, le Dr Bouchot écrivait lors d’une communication à l’Académie des sciences,

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le 17 juin 1861 : « L’eau […] tient en suspension des myriades de particules jaunâtres qui lui donnent l’apparence d’une émulsion épaisse semblable à de la boue. En retirant un seau de cette eau, on voit qu’elle est remplie d’êtres vivants. » Le service municipal fut donc amené à rechercher des captages d’eau plus abondants et d’une qualité supérieure (les eaux nouvelles) ; de nouvelles adductions furent entreprises : • à l’est : la Dhuis, entre 1863 et 1865 ; • au sud : la Vanne, entre 1867 et 1874 et le Loing et le Lunain, entre 1898 et 1900 ; • à l’ouest : l’Avre, entre 1890 et 1893. Plus récemment, ces dérivations ont été complétées par celles de la Voulzie, du Durteint et du Dragon (1923-1924). C’est seulement vers 1900 que furent rendus distincts à Paris les deux réseaux, eau de source et eau de Seine ; le réseau dit d’eau de source devint le réseau d’eau potable et le réseau d’eau de Seine celui d’eau non potable. Des études furent menées, suite à l’été très sec de 1911 ainsi qu’aux accidents simultanés ayant mis en péril l’alimentation en eau de Paris (réparation d’un aqueduc et rupture d’un des siphons de l’aqueduc de la Vanne), à la demande du conseiller municipal M. Lemarchand concernant la dérivation des eaux du Val-de-Loire. Ce projet, qui ne vit jamais le jour, devait acheminer ces eaux dans un grand réservoir qui devait être édifié sur l’emplacement actuel du réservoir de l’Haÿ-les-Roses. Actuellement et conformément aux réglementations de la distribution de l’eau, le réseau d’eau parisien est décomposé entre le réseau d’eau potable et le réseau d’eau non potable : • eau potable : eaux de source et eaux de surface (usine de traitement) ayant toutes fait l’objet d’un traitement de stérilisation servant à la distribution des abonnés; • eau non potable : eaux de la Seine, de la Marne ou de l’Ourcq dégrossies par un passage sur grilles servant au nettoyage des caniveaux et des égouts, à l’arrosage et à l’alimentation des et de Boulogne. Depuis le 1er avril 2010 (arrêt définitif de l’usine de traitement d’Ivry), l’alimentation en eau potable de la capitale est assurée par deux usines de traitement de l’eau et la dérivation d’eau de source (quatre sites principaux). Le réseau d’eau de la Ville de Paris intra-muros représente quant à lui : • Eau potable : – environ 1 460 km de conduites de distribution et 300 km de conduites structurantes (transport), soit un linéaire total de 1 760 km ; – les usines et sources alimentent sept réservoirs d’eau potable (Montsouris - 14e, l’Haÿ-les-Roses, Ménilmontant - 20e, Belleville - 20e, les Lilas - 19e, Montmartre - 18e et Saint Cloud) et deux cuves d’équilibre (Belleville et Montmartre). • Eau non potable : – environ 1 340 km de conduites de distribution et 280 km de conduites structurantes (transport), soit un linéaire total de 1 620 km ; – les usines de pompage alimentent sept réservoirs (Grenelle, Villejuif, Charonne, Ménilmontant, Passy, Belleville et Montmartre) et une cuve d’équilibre (Montmartre).

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À noter L’eau souterraine Les données relatives à l’eau souterraine sont issues de L’eau souterraine, Thème Présentation n° 6 de la culture générale de l’eau, de J.-P. Choquet et Une nappe d’eau souterraine est similaire à un réservoir, de type aquifère. L’alimentation G. Fournol, une publication interne de la Société de cette nappe varie en fonction du temps, suivant les pluies (par infiltration) et anonyme de Gestion des d’éventuels transferts entre les nappes. Elle est rarement inerte et ne peut être comparée eaux de Paris, 1996. à un réseau de distribution souterrain. Ces nappes pouvant s’étendre sur plusieurs communes, départements et regroupant de nombreux acteurs, elles nécessitent une gestion globale. En France, on compte environ 450 aquifères de taille variable (100 à 100 000 km2, données BRGM). Cette gestion est d’autant plus importante, pour la préservation de la ressource, que cette eau souterraine couvre environ les deux tiers du territoire national. Quatre-vingt-dix pour cent des agglomérations utilisent les nappes pour leur approvisionnement en eau potable. En effet, cette ressource est la plus sollicitée, du fait principalement de sa répartition quasi généralisée sur le territoire, de sa quantité, de sa relative inertie du point de vue de la qualité, et de son coût de prélèvement au regard d’une installation de traitement d’eau de surface. En France métropolitaine, plus de la moitié des besoins en eau sont assurés par des captages. Suivant les dernières données du BRGM, sur la base d’une estimation de la ressource totale de l’eau souterraine en France de 2 000 milliards de mètres cubes, environ 7 milliards de mètres cubes sont puisés par an dans les différentes nappes. Environ 50 % de ces prélèvements sont destinés aux besoins en eau potable (55 % pour les besoins domestiques, 20 % en irrigation et 25 % pour les besoins industriels). En moyenne, ces prélèvements correspondent à environ 1 à 10 % des recharges naturelles, mais peuvent atteindre 80 à 100 % sur certaines nappes fortement exploitées. Toutefois, concernant les puisages des nappes, il y aurait lieu d’ajouter les puisages des centrales électriques dont 80 % retournent dans les rivières et dans les nappes. Pour les seuls besoins de la distribution d’eau potable, la consommation moyenne en France par jour et par habitant est évaluée à 165 l. Le tableau suivant montre à titre d’exemple les prélèvements réalisés en 1993 sur le bassin Seine-Normandie.

Eaux souterraines Eaux de surface Total (Mm3) (Mm3) (Mm3) Distribution 955 821 1 773 Industrie 269 612 881 Centrale EDF 0 493 493 Irrigation 48,5 8,5 57 TOTAL 1 272 1 934 3 206 Mm3 = millions de mètres cubes

Source : document de l’Agence de l’Eau Seine Normandie 1993

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J. Margat décrit les avantages et les inconvénients de l’approvisionnement en eau par les eaux souterraines dans Exploitations et utilisations des eaux souterraines dans le monde (coédition Unesco et BRGM, 1998).

Tableau 2 . Avantages et inconvénients de l’approvisionnement en eau par les eaux souterraines Répartition Ressource extensive facilitant les captages proches des lieux dans l’espace d’utilisation, donc minimisant les coûts d’adduction. Mais néces- sité d’une pluralité de captages, suivant les productivités, pour satisfaire une forte demande locale. Disponibilité Ressource permanente, débit peu variable offrant une ressource dans le temps plus résistante que l’eau de surface aux aléas climatiques, donc une meilleure sécurité d’approvisionnement. Réserve naturelle ne nécessitant pas d’aménagement régulateur, facilitant l’ajuste- ment des productions à des demandes variables. Évaluation Ressource invisible dont l’estimation précise peut nécessiter la de la ressource mise en œuvre de méthodes assez complexes, plus coûteuses, mais nécessitant moins de durée que celles des ressources en eau de surface. Qualités Qualités constantes ou peu variables, facilitant les traitements naturelles de certains défauts pour quelques usages (potabilité, eaux de process) : dureté, teneur en fer (Fe) ou manganèse (Mn). Salinité souvent croissante avec la profondeur des aquifères et l’aridité du climat. Vulnérabilité Les eaux profondes sont généralement peu vulnérables, sauf par aux pollutions défauts de forage ou injection délibérée. Les eaux de subsurface, « phréatiques », sont plus vulnérables aux pollutions diffuses ou ponctuelles, moins directement mais plus durablement (moindre résilience) que les eaux de surface. Coût Les coûts d’investissement et d’exploitation sont moins élevés, de production en moyenne, que pour les eaux de surface, mais assez diversifiés en fonction des caractéristiques locales de l’aquifère (profon- deur, productivité). Les coûts d’exploitation sont sensibles aux variations des prix de l’énergie (sauf captages gravitaires). Rendement décroissant suivant la croissance du taux d’exploita- tion globale d’un aquifère. Souplesse Possibilité d’équipement progressif mieux adapté à l’évolution de réalisation des demandes que les aménagements hydrauliques de surface : rentabilité plus rapide et divisibilité des investissements.

Source : J. Margat, Exploitations et utilisations des eaux souterraines dans le monde, coédition Unesco et BRGM, 1998.

La dégradation de la qualité des eaux souterraines due à la présence notamment de pesticides, nitrates et autres produits dégradés des pesticides a conduit à la réalisation de quatre usines de traitement de ces eaux (Avre, Voulzie, Loing et Lunain). Toutefois, en parallèle de ces usines, Eau de Paris fournit des efforts importants quant à la réduction des intrants dans ces eaux souterraines par des actions générales et ciblées. Le développement de l’agriculture biologique et l’acquisition de terres agricoles sur les périmètres de protection des captages permettent d’espérer une réduction sensible de ces intrants.

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Fonctionnement général des nappes

Apports d’eau par précipitations Sur un secteur déterminé, l’apport d’eau dans une nappe souterraine sous forme de précipitations provient des infiltrations par le sol. Ce sont ces infiltrations qui sont à l’origine des eaux souterraines. En France, la part des eaux de pluie infiltrées représente au mieux 20 % des chutes annuelles. La connaissance du bassin versant permet d’estimer le débit de la nappe ou de la source, notamment par la réalisation d’un forage et d’un pompage ; le temps nécessaire à retrouver le niveau d’eau initial dans le puits après pompage permet d’estimer la capacité de la nappe ou de la source.

Écoulements souterrains Afin de connaître les écoulements des eaux souterraines, il est indispensable d’obtenir la connaissance du milieu géologique tant au niveau du sous-sol (couches), que des écoulements de surface (hydrographie) et du relief du terrain (topographie). Mis à part les terrains de type imperméable, il faut distinguer en fonction de la perméabilité : • les terrains perméables constitués de sables, de graviers, sous forme de nappes à circulation d’eau très lente ; • les terrains perméables constitués de blocs rocheux fissurés tels les calcaires, les grès ; dans ce cas, deux types de situations se présentent : – perméabilité d’interstices (fissuration serrée, qui est alors comparable à la perméabilité sur du sable ou du gravier) ; − perméabilité de fissures (fissurations plus larges, circulations d’eau diteskarstiques , fissures de quelques centimètres ou dizaines de centimètres [diaclases]), la vitesse de circulation est rapide et de type turbulente. Cette réserve d’eau souterraine est dénommée gisement ou gîte aquifère. Une fois ces différentes strates identifiées, il est possible de définir l’écoulement des eaux d’infiltration qui, une fois en contact avec une zone imperméable, s’accumuleront et ressortiront au point bas sous forme de sources. La surface supérieure de la réserve d’eau ainsi constituée donnera un profil caractéristique qui constitue la ligne piézométrique (voir le paragraphe « La côte piézométrique » dans le chapitre 2), laquelle s’obtient par le niveau de l’eau relevé dans un puits ou un forage.

Les sources Les sources sont l’exutoire des eaux souterraines ; elles sont situées au point bas de la zone imperméable. Il convient de distinguer deux types de sources : • les sources dites d’affleurement, qui sont situées sur le flanc d’une vallée à la limite des terrains supérieurs perméables et des terrains sous-jacents imperméables ;

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Calcaire, fissures ou sable Source d’affleurement

Zone imperméable

Alluvions

• les sources d’émergence lorsque le fond de la vallée n’atteint pas les terrains imperméables. Des sources peuvent exister soit en partie supérieure de la nappe, à la rencontre des flancs de vallée, soit en fond de vallée au travers des alluvions.

1er cas 2e cas Source d’émergence Source du bassin Ruisseau

Fissures verticales

Types de nappes et gîtes aquifères

Les nappes phréatiques Ce sont les premières nappes rencontrées dans le sol et de type nappes libres du fait du non-emprisonnement dans des terrains imperméables. Elles sont de ce fait beaucoup plus sensibles aux éventuelles pollutions du terrain de surface.

Les nappes alluviales Ce type de nappes est aussi désigné par les termes nappes d’accompagnement des cours d’eau. Elles disposent en plus d’une alimentation par la rivière (filtration des berges). On les rencontre généralement dans les alluvions de fond de vallée et sont particulièrement vulnérables en fonction de la qualité de l’eau de la rivière.

Les nappes profondes Ces nappes profondes ou nappes captives occupent une couche perméable comprise entre deux couches imperméables ; elles sont emprisonnées dans cette formation de terrain. Cette eau est stockée en profondeur, son alimentation ne se faisant que sur les zones d’affleurement de la couche perméable. Lorsque les couches présentent une forme de cuvette, un forage en partie basse est dit artésien si l’eau remonte dans le tubage à l’altitude du niveau supérieur de la nappe

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(exemple de la nappe dite de l’Albien sous le bassin Parisien ; cette nappe n’est plus artésienne à ce jour). Ces nappes sont donc mieux protégées des pollutions, mais leur alimentation se fait lentement (on compte en milliers d’années) ; le pompage dans ce type de nappe doit donc être modéré et contrôlé. Les puits à l’Albien parisien du service des eaux sont situés square de la Madonne (18e), à Ménilmontant (20e), Passy (16e), la butte aux Cailles (13e) et place Henri-Queuille (15e). Il existe également quelques puits privés, exploités ou non, dans ces nappes profondes.

Les circulations karstiques Outre l’alimentation directe par le sol due à la fissuration de la masse rocheuse, il existe des engouffrements directs ou encore des infiltrations d’eau de surface désignées en fonction des régions par différents termes (aven, bîme, bétoire…). Dans ces fissures et diaclases, l’eau circule rapidement et réapparaît sous forme de sources qui peuvent être la résurgence de cours d’eau disparus plus en amont. Les engouffrements ne permettent pas de réaliser la filtration des eaux (infiltration directe dans la nappe) ; de ce fait, ces eaux sont très vulnérables et tributaires de la pluviométrie.

Les ouvrages de captage La nature de l’ouvrage de captage de la nappe est fonction du type de nappe, du mode de circulation de l’eau ainsi que des terrains. De plus, afin de gérer au mieux cette ressource, il y a lieu de capter le maximum d’eau sur une durée optimale sans porter atteinte aux différents équilibres hydrauliques existants (écosystème, échanges entre nappes). Il existe trois grands types de captage : • le puits ou forage; • la galerie captante ; • le pavillon de captage. Les puits permettent d’effectuer des prélèvements en tout point sur une nappe, qu’elle soit alluviale, profonde ou phréatique et qu’elle soit captive, semi-captive ou complètement libre. Le pavillon et la galerie captent en particulier les sources d’affleurement et d’émergence au niveau des exutoires naturels de la nappe. Ces captages ne seront réalisés que si la ressource est pérenne (peu de variation en fonction des saisons, signe d’une bonne filtration de l’eau). Bien évidemment, ces captages se déclinent en un grand nombre de variantes (puits à drains rayonnants, captage par drain).

Le captage par puits ou forage Ce sont des ouvrages verticaux (dans l’absolu) plus ou moins larges et profonds suivant le niveau de l’aquifère sollicité.

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La tête de puits est constituée d’un trou vertical creusé dans le sol dont la paroi peut être maçonnée ou bétonnée (au minimum sur les parties de terrains instables). Le forage, de plus petit diamètre que la tête de puits, est réalisé suivant la même technique que le forage de type pétrolier. À l’avancement du forage, des tubes sont insérés (principalement en acier), puis une fois le forage achevé, le vide compris entre l’extérieur du tube et le terrain (caving) est comblé au ciment (technique de cimentation des tubages). La partie captante du puits peut être réalisée à nu (si tenue suffisante de la craie, du calcaire de Champigny…) ou tubée par un tube perforé (crépine) dans le cas d’un captage alluvionnaire ou dans une nappe captive. Le prélèvement est réalisé à l’aide d’une pompe (immergée ou non) si la nappe n’est pas artésienne.

Le captage des sources émergentes Ce type de captage apparaît généralement dans le fond des vallées. Cet ouvrage est réalisé après dégagement de l’émergence, il constitue ainsi le pavillon de captage qui protège par là même les eaux émergentes des pollutions directes.

Figure 1. Exemple d’un ouvrage de captage d’une source émergente

Vanne de sectionnement Vanne de sectionnement

Aqueduc Aqueduc collecteur de déversement

Le captage des sources d’affleurement Les sources de rivières appartiennent à ce type de captage. L’eau est interceptée par le biais d’une galerie captante de grande dimension. Ce type d’ouvrage est construit sur des terrains compacts ou sur une couche imperméable, et positionné en fonction de ces sols. De plus, son emplacement doit permettre d’éviter l’introduction d’eau due notamment aux inondations de la vallée.

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Cet ouvrage est décomposé entre la galerie captante proprement dite et l’ouvrage de tête qui dirige le fluide vers un aqueduc.

Figure 2. Exemple de galerie captante

Galerie de captage

Aqueduc collecteur

Le transport L’eau ainsi captée doit être acheminée vers le site de stockage (réservoir, château d’eau) ou directement vers le réseau de distribution. Ce transport s’effectue : • par refoulement, lorsque le captage est plus bas que le point de destination final (élévation par pompage) ; • gravitairement, lorsque l’altitude du captage est supérieure à celle du point de livraison (écoulement en pente). La dénivelée de terrain permet le transport par écoulement gravitaire soit à plan d’eau libre (aqueduc en pente généralement constante), soit par écoulement sous pression.

Les aqueducs Conformément à la réglementation sur l’eau potable, le transport par aqueduc est toujours fermé. Actuellement, les nouveaux aqueducs réalisés sont de forme circulaire. Le tracé de l’aqueduc, à pente constante, s’adapte à la topographie du terrain rencontré (voir ci-dessous).

Figure 3. Schématique de transport par aqueduc

Tête de siphon amont

Tête de siphon aval Ouvrage de captage Réservoir

Ce schéma montre deux grands types d’ouvrage. Dans un premier temps, l’aqueduc proprement dit est réalisé par l’édification d’arcades puis par des conduites ditesforcées formant un siphon dans la vallée (ce dernier peut également être sur arcades).

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Anciennement, ces ouvrages étaient réalisés en maçonnerie de pierres provenant de carrières proches et plus récemment en béton de type Coignet (constitué d’une haute teneur en sable et plus faible en ciment).

Les conduites forcées Les contraintes exercées sur ce type de conduites impliquent que celles-ci puissent résister à la pression de l’eau et qu’elles soient équipées de joints étanches. Les matériaux les plus utilisés sont l’acier, la fonte et le béton armé à âme tôle.

Le transport par refoulement Nous avons précédemment vu que ce type de transport était rendu nécessaire par le fait que le captage d’eau est situé plus bas que le lieu de destination (réservoir). Ce transport s’effectue par pompage dans une usine élévatoire qui refoule l’eau vers le réservoir à l’aide d’une conduite sous pression (pression exercée directement par l’usine de refoulement).

L’eau superficielle

Nous entendons par eau superficielle la ressource pour la distribution d’eau potable que À noter représentent les fleuves, rivières, étangs... Les données relatives à l’eau superficielle sont issues de Toutefois cette eau est, en général, directement impropre à la consommation humaine L’eau superficielle, Thème car elle contient une grande variété de substances qui peuvent être caractérisées par leur n° 7 de la culture générale de l’eau, de O. de Korner et nature chimique (minérale ou organique), la forme qu’elles présentent (matières dissoutes, J.-C. Moussy, une publication en suspension) ainsi que par leur origine (naturelle ou liée aux activités humaines). interne de la Société anonyme de gestion des Préalablement à sa mise en distribution, un ou des traitements de potabilisation doivent eaux de Paris, 1996. être réalisés. Pour répondre aux différents critères de potabilité, cette eau doit satisfaire à trois impératifs majeurs : • obligations de moyens ; • obligations de résultats ; • obligations de contrôles. Dans un cadre général, l’eau ne doit en aucun cas faire courir de risques pour la santé et ne pas se détériorer durant son transport ; elle doit respecter l’acceptation du consommateur (saveur, odeur, turbidité, couleur et température) et doit concourir à la conservation des installations (corrosivité, agressivité, matériaux). Une eau superficielle est, ou risque un jour d’être, polluée par des substances naturelles (argiles) ou humaines (eaux usées, pollutions accidentelles, résidus médicamenteux…). Les éléments polluants sont de deux natures distinctes : • les éléments non solubles, soit inertes (matières flottantes, en suspension et colloïdales), soit vivants tels que les micro-organismes (algues, virus, bactéries…) ou les macro-organismes (poissons, plantes…) ;

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• les éléments solubles tels que les matières organiques (acides humides, fulviques, pesticides, hydrocarbures…), les sels dissous (calcium, sodium, potassium…), les gaz dissous et les minéraux toxiques (plomb, mercure, arsenic…). L’objectif du traitement est d’ôter de cette eau les éléments indésirables (en totalité ou en partie) afin de la rendre potable au sens de la réglementation. Certains éléments s’éliminent plus facilement que d’autres (les matières inertes flottantes) ; d’autres tels que les colloïdes et les minéraux nécessitent des traitements plus complexes.

Exemples de traitements utilisés

Matière à éliminer Conséquence sur l’eau Traitement utilisé Éléments non solubles Matières flottantes Dégrillage, tamisage, barrage flottant Matières en suspension Turbidité Clarification Matières colloïdales Turbidité Clarification Éléments vivants – Bactéries Santé – Virus Couleur Désinfection Corrosion – Plancton Éléments dissous Matières organiques Couleur Clarification Acides humides, Fermentation Ozone colorants Réactions secondaires Charbon actif avec Cl2 Micropolluants (pesti- Toxicité, goût et odeurs Clarification cides, hydrocarbures) Ozone Charbon actif Oxydation (Cl2) Minéraux toxiques Toxicité Clarification Sels dissous Corrosion ou entartrage, Décarbonatation goût, santé Clarification Chloration Gaz dissous Goût, corrosion Aération - ozonation

Exemple des différentes étapes de traitement de l’eau de surface

L’élimination des éléments flottants L’élimination de ces éléments s’effectue par un traitement physique (barrages flottants, dégrillage, tamisage), puis par un traitement chimique (préozonation ou traitement au sulfate de cuivre).

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La clarification Cette étape permet d’éliminer les matières en suspension et les colloïdes (phase la plus importante). Par ce traitement, certains micropolluants, bactéries et virus sont également éliminés.

Exemples de clarification

1er exemple 2e exemple Coagulation de contact sur filtre Coagulation floculation et biolite puis sur filtre sable (filtration décantation (pulsator à lit de boue) étape rapide)

re Adjonction de chlorure ferrique

1 Adjonction de chlorure ferrique

Filtration lente Filtration rapide sur sable étape e 2

La seconde étape du premier exemple permet l’élimination des colloïdes, elle agit sur les micropolluants tant organiques que minéraux et constitue une barrière biologique. Un film biologique constitué d’algues, de bactéries et micro-organismes se fixe sur le sable et consomme les matières organiques biodégradables pour se nourrir et se multiplier (l’effet de la température est important).

L’ozonation L’ozone est un oxydant puissant qui brise les molécules non biodégradables et qui désinfecte l’eau. L’ozone étant un gaz instable, sa fabrication est réalisée sur le site de traitement soit à partir de l’oxygène de l’air soit à partir d’oxygène liquide. L’ozone est mis en contact avec l’eau dans des colonnes dites d’ozonation à contre- courant avec un résiduel dans l’eau traité de 0,4 partie par million (ppm) pendant 4 min.

La filtration sur charbon actif en grain Le charbon actif en grain (CAG) constitue le traitement d’affinage qui induit une faible demande en chlore de l’eau ainsi qu’une bonne stabilité du point de vue qualité dans le réseau dit de distribution. Il améliore par là même la couleur et le goût de l’eau distribuée.

La chloration Le chlore joue un rôle de désinfection finale dans le processus de traitement, il empêche la prolifération bactérienne (effet bactériostatique). Données pouvant être prises en compte : • 0,5 mg/l en sortie de l’usine de traitement ; • 0,2 mg/l à 0,3 mg/l à l’arrivée au réservoir ou château d’eau ; • 0,1 mg/l à 0,15 mg/l au robinet du consommateur. Noter que l’eau de piscine contient 1,5 mg de chlore par litre d’eau.

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Les dernières technologies Les dernières technologies disponibles, concernant le traitement de l’eau, emploient la filtration dite sur membranes (suivant le pouvoir de rétention obtenu dit seuil de coupure : microfiltration, nanofiltration, osmose inverse, ultrafiltration). Une membrane oppose au liquide une résistance au transfert des différents constituants d’un fluide : elle est constituée d’une paroi mince (liquide ou solide). Elle possède donc la propriété de séparer sélectivement les espèces chimiques moléculaires ou ioniques, sous l’influence d’une force motrice qui peut être : • une différence de potentiel chimique (dialyse) ; • une différence de potentiel électrique (électrodialyse) ; • la pression (piézodialyse, filtration sur membranes semi-perméables).

La membrane minérale Celle-ci est constituée d’une couche d’alumine, d’oxyde de titane ou de zircone sur support en alumine (domaine d’utilisation étendu : meilleure résistance aux températures élevées et agents chimiques).

La membrane organique Cette membrane est constituée de dérivés cellulosiques, polyamides aromatiques (sa nature permet d’influencer la sélectivité, la résistance et la souplesse des membranes). Le schéma suivant reprend les différentes techniques visées ci-dessus et leur impact de traitement.

Macromolécules organiques

Composés Colloïdes organiques

Bactéries Virus Sels dissous

Pollens Levures

100 mm 10 1 0,1 0,01 0,001 0,0001 Osmose inverse

Nanofiltration

Filtre Microfiltration Ultrafiltration à sable

L’acide phosphorique Le traitement de potabilisation de l’eau à l’acide phosphorique est largement utilisé du fait de ses propriétés inhibitrices de corrosion des installations intérieures d’immeubles en plomb. Cette utilisation est principalement utilisée en présence d’eau à pH faible et de certaines eaux à caractère dur (pH souvent inférieur à 7,5) avec une teneur en bicarbonates élevée (TAC).

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Des essais menés par utilisation d’acide orthophosphorique donnent de très bons résultats, notamment lors de l’arrêt de l’injection par dépôt d’un film sur la paroi interne des canalisations.

Le stockage Les plus anciens réservoirs parisiens ont été réalisés en maçonnerie à bain de mortier. Les parements intérieurs étaient recouverts d’un enduit formé de plusieurs couches. La première, posée immédiatement sur le parement de moellon ou en briques du mur, était appliquée après nettoyage des joints et arrosage de la surface pour donner plus de prise au mortier. Cette première couche est dénommée crépi, elle était réalisée avec du mortier de chaux hydraulique plus gras que pour la maçonnerie ordinaire (plus de chaux) ; ce crépi était projeté pour produire une surface extrêmement rude. La deuxième couche, dénommée proprement enduit, plus maigre que la première (ajout de sable), devait être bien lissée pour rendre la superficie extrêmement dure et imperméable à l’eau. Tous les angles étaient traités en arrondis de 15 cm de rayon au minimum. Afin de donner encore plus de résistance aux enduits, et les protéger des effets de l’eau et du gel, le procédé de MM. Darcet et Thenard consistait à recouvrir l’enduit d’un mastic composé d’une partie d’huile de lin cuite avec 1/10 de son poids de litharge (oxyde de plomb de couleur rouge orangé) et de deux parties de résine. Ce recouvrement était réalisé par couches successives jusqu’à ce que l’enduit refuse de s’en imprégner (pénétration de l’ordre de 3 à 4 mm). Le fond du réservoir était traité de la même manière avec une pente orientée vers la décharge (organe de vidange du réservoir ou du compartiment). Au xixe siècle, on considérait que la couverture des réservoirs d’eau potable n’était pas indispensable ; les plus grands réservoirs de Paris de l’époque n’en avaient d’ailleurs pas et, bien que cela soit considéré comme une amélioration, cela n’était pas estimé prioritaire. Toutefois, lors de la construction de ces réservoirs, les murs d’enceinte ont été renforcés pour permettre de recevoir ultérieurement la voûte nécessaire à leur couverture.

À partir du xxe siècle, les modes de construction de ces ouvrages ont fortement évolué par l’utilisation du béton armé et de bétons précontraints. Le stockage de l’eau sur le réseau est assuré par l’intermédiaire de réservoirs. Ceux-ci ont pour fonction : • de garantir la sécurité d’approvisionnement en eau en cas de rupture sur le réseau ou pour un besoin d’eau important à un instant t (exemple d’un incendie) ; • d’assurer une régulation des débits des différents réseaux, débits de pointe du réseau de distribution, débits d’approvisionnement en eau ainsi que du fonctionnement des pompes de refoulement (priorité de fonctionnement en heures creuses pour les moteurs électriques) ; • d’assurer la pression de service du réseau (nécessaire à la distribution des différents étages des bâtiments). Le réservoir dit intermédiaire peut également servir à réguler la pression sur des territoires présentant de fortes dénivelées.

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Fontainerie.indd 25 12/08/11 10:38 Nouveau traité de fontainerie

Le dimensionnement du réservoir doit permettre de maintenir les qualités bactériologiques de l’eau le temps de son séjour, entre trois et cinq jours maximum. Plus la température de l’eau est élevée, plus le temps de séjour doit être réduit. L’eau ainsi stockée doit être protégée de la lumière extérieure afin d’éviter la prolifération d’algues. Les réservoirs comportent, a minima, les équipements suivants : • les dispositifs d’alimentation et de départ ; • un trop-plein et une vidange ; • un évent protégé ; • des trappes d’accès ; • des règles et/ou détecteurs de niveau ; • des dispositifs anti-intrusion et de contrôle d’accès ; • des points de prélèvements.

Figure 4. Schématique des organes d’un réservoir

Mise en distribution

Déversement

Départ Déversement

Trop-plein du compartiment Compartiment n° 1 Compartiment n° 2 Communication entre compartiments Regard de visite

Déversement

Alimentation du réservoir

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